Alliance autochtone du Québec c. Procureur général du Québec (Ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et Ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec) | 2024 QCCA 1472 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
| |||||
CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
| |||||
N° : | |||||
(200-17-011000-098) | |||||
| |||||
DATE : | 8 novembre 2024 | ||||
| |||||
| |||||
| |||||
| |||||
ALLIANCE AUTOCHTONE DU QUÉBEC | |||||
JULES ST-GELAIS | |||||
CHRISTIAN TREMBLAY | |||||
HENRICO LAPOINTE | |||||
DAVID BÉCHAMP | |||||
FERNAND CHALIFOUX | |||||
APPELANTS – demandeurs | |||||
c. | |||||
| |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, au nom du MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DE LA FAUNE DU QUÉBEC et du MINISTRE DÉLÉGUÉ AUX AFFAIRES AUTOCHTONES DU QUÉBEC | |||||
INTIMÉ – défendeur | |||||
et | |||||
| |||||
ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC | |||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, au nom du MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN ET INTERLOCUTEUR FÉDÉRAL AUPRÈS DES MÉTIS ET DES INDIENS INSCRITS | |||||
MIS EN CAUSE – mis en cause | |||||
| |||||
| |||||
| |||||
[1] Les appelants se pourvoient contre le jugement du 15 février 2022 rendu par l’honorable Bernard Godbout de la Cour supérieure, district de Québec, rejetant leur demande. Ils soumettent aussi une demande pour introduire des faits nouveaux en appel.
[2] Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrivent les juges Sansfaçon et Lavallée, LA COUR :
[3] ACCUEILLE la Demande pour autorisation d’introduire des faits nouveaux en appel, datée du 8 juillet 2024 et AUTORISE la production des annexes 3 à 6 de cette demande;
[4] REJETTE l’appel;
[5] LE TOUT, sans frais de justice.
| ||
|
| |
| ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. | |
| ||
|
| |
| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. | |
| ||
|
| |
| SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. | |
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
| ||
Me Jean-Philippe Le Pape | ||
morency, société d’avocats | ||
Pour Alliance autochtone du Québec, Jules St-Gelais, Christian Tremblay, Henrico Lapointe, David Béchamp et Fernand Chalifoux | ||
| ||
Me Alexandre Ouellet | ||
lavoie, rousseau | ||
Pour procureur général du Québec au nom du ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et du ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec et Assemblée nationale du Québec | ||
| ||
Me Marie-Emmanuelle Laplante | ||
ministère de la justice canada | ||
Pour procureur général du Canada, au nom du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits | ||
| ||
Date d’audience : | 11 septembre 2024 | |
|
MOTIFS DU JUGE MAINVILLE |
|
|
[6] L’appelante, Alliance autochtone du Québec (« AAQ »), et cinq appelants individuels membres de celle-ci, portent en appel le jugement du 15 février 2022 rendu par l’honorable Bernard Godbout de la Cour supérieure, district de Québec[1], rejetant leur demande visant, notamment, à faire déclarer que :
a) les membres de l’AAQ dont l’ascendance les rattache à l’une ou l’autre des onze nations autochtones reconnues du Québec sont visés par la résolution de l’Assemblée nationale adoptée le 20 mars 1985 et modifiée le 30 mai 1989 (la « Résolution »)[2];
b) l’AAQ est une organisation autochtone représentative habilitée à négocier et conclure au bénéfice de ses membres toute entente pouvant découler de cette Résolution avec le gouvernement du Québec, ses ministres et ses représentants[3];
c) l’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif[4], qui permet au ministre délégué des affaires autochtones du Québec de veiller à la négociation et de s’assurer de la mise en œuvre des ententes entre le gouvernement du Québec et les communautés autochtones, porte atteinte sans justification aux droits des membres de l’AAQ en vertu du paragraphe 15(1) (droit à l’égalité) et de l’alinéa 2d) (droit à la liberté d’association) de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne ») et est ainsi inconstitutionnel et invalide[5];
d) l’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune[6], qui permet au gouvernement du Québec de conclure avec une communauté autochtone représentée par son conseil de bande une entente particulière portant sur les conditions d’exploitation de la faune, porte aussi atteinte sans justification aux droits des membres de l’AAQ en vertu du paragraphe 15(1) (droit à l’égalité), de l’alinéa 2d) (droit à la liberté d’association), de l’article 7 (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne) et de l’article 8 (droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives) de la Charte canadienne et est ainsi également inconstitutionnel et invalide[7];
e) l’AAQ est une organisation autochtone au sens de l’article 2 et du paragraphe 4(1) du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones[8], un règlement fédéral dont la mise en œuvre au Québec est largement confiée au ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec; que ce ministre provincial est tenu de négocier de bonne foi et de conclure avec l’AAQ des ententes en vue de l’octroi de permis communautaires sous ce règlement et le défaut de le faire porte atteinte sans justification aux droits des membres de l’AAQ en vertu du paragraphe 15(1) (droit à l’égalité), de l’alinéa 2d) (droit à la liberté d’association) et de l’article 7 (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne) de la Charte canadienne, de même qu’aux articles 3 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne[9] (« Charte québécoise »)[10].
[7] Notons que les appelants ne fondent pas leurs prétentions sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissant et confirmant les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada[11]. Ils ne se fondent pas non plus sur un droit ancestral qui serait reconnu par la common law ni sur un droit issu d’un traité[12]. C’est fort délibérément que les appelants n’invoquent aucun de ces droits au soutien de leurs prétentions.
[8] Par ailleurs, il faut aussi noter d’emblée que le recours des appelants ne vise pas non plus les nombreux individus inscrits au registre des Indiens prévu par la Loi sur les Indiens[13] qui résident en dehors des réserves indiennes au sens de cette loi. Il en découle que le présent arrêt ne concerne nullement les droits de ces autochtones résidant hors réserve, lesquels ne sont pas visés par le recours.
[9] En bref, l’AAQ soutient représenter les autochtones du Québec qui ne seraient ni reconnus comme des « Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens ni des Inuit bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Il s’agit des individus désignés comme des « Indiens sans statut » qui résident au Québec ou, autrement dit, des « Indiens non inscrits » résidant au Québec[14].
[10] L’un des principaux fondements du recours des appelants est que l’Assemblée nationale les aurait reconnus dans sa Résolution du 20 mars 1985 et, qu’en conséquence, ceux-ci bénéficieraient ipso facto de celle-ci. Cette reconnaissance leur permettrait de revendiquer le droit de négocier des ententes particulières avec le gouvernement du Québec par l’intermédiaire de l’AAQ, sans qu’il y ait lieu pour eux d’établir un quelconque droit ancestral ou issu de traité, la Résolution étant suffisante à elle seule à cette fin. Par ailleurs, une ascendance autochtone directe ou collatérale, peu importe le degré généalogique, jumelée à une auto-identification comme autochtone permettrait, sans plus, de se prévaloir de la Résolution.
[11] Les appelants soutiennent aussi que l’AAQ serait l’association qui regrouperait les Indiens non inscrits du Québec ou, du moins, la majorité d’entre eux. Puisque les membres de l’AAQ ont désigné celle-ci comme leur interlocutrice auprès du gouvernement du Québec, ce dernier serait obligé de la reconnaître comme son interlocutrice privilégiée pour les Indiens non inscrits qui résident au Québec. Le défaut de le faire serait non seulement contraire à la Résolution de l’Assemblée nationale, mais serait aussi une atteinte au droit à l’égalité prévu au paragraphe 15(1) et au droit d’association prévu à l’aliéna 2d) de la Charte canadienne. Cela mettrait aussi en péril leur sécurité lorsqu’ils exercent des activités de chasse ou de pêche, puisque sans une entente particulière négociée par l’AAQ, ils doivent se conformer à la même réglementation que celle applicable aux non-autochtones, d’où l’invocation des articles 7 et 8 de la Charte canadienne.
[12] Pour les motifs qui suivent, je suis d’opinion qu’il y a lieu de rejeter l’appel.
LA NOUVELLE PREUVE
[13] Les appelants demandent à la Cour d’autoriser la production comme nouvelle preuve de trois déclarations sous serment et d’un interrogatoire écrit préalable amendé, soit les annexes 3 à 6 de leur Demande pour autorisation d’introduire des faits nouveaux en appel, datée du 8 juillet 2024.
[14] Cette nouvelle preuve établit que les appelants Jules St-Gelais, Christian Tremblay et Henrico Lapointe ont été récemment inscrits au registre des Indiens tenu en vertu de la Loi sur les Indiens[15], mais que le statut de Jules St-Gelais serait remis en question par les autorités fédérales responsables dudit registre, bien qu’aucune décision irrévocable à ce sujet n’ait été rendue. Puisque les autres parties ne s’opposent pas à cette demande et que celle-ci vise essentiellement à mettre à jour le statut des appelants, il y a lieu d’autoriser la production de ces annexes 3 à 6.
LE CONTEXTE
Les « Indiens non inscrits »
[15] Pour bien cerner le débat judiciaire, tant en première instance qu’en appel, il est utile de discuter du concept « d’Indiens non inscrits » qui est au cœur des prétentions des appelants.
[16] Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au Parlement fédéral la compétence exclusive sur les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Par ailleurs, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que les « droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés », ces peuples s’entendent « notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada ».
[17] Puisque, jusqu’à récemment, la Loi sur les Indiens définissait de façon restrictive l’inscription au registre des Indiens prévu par cette loi. On s’est posé la question de savoir si la compétence constitutionnelle fédérale sur les Indiens n’était pas elle-même restreinte aux individus inscrits à ce registre. La Cour suprême a répondu par la négative à cette question à deux reprises.
[18] Ainsi, dans le Renvoi sur les Esquimaux[16] de 1939, la Cour suprême a conclu que le terme « Indiens » au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 était plus large que celui visé par la Loi sur les Indiens et comprenait aussi les Esquimaux du Québec et, par implication nécessaire, tous les Esquimaux du Canada (maintenant désignés comme Inuit), qui n’étaient pas visés par la Loi sur les Indiens et qui ne le sont toujours pas. Dans la décision Daniels[17] de 2016, la Cour suprême confirmait à nouveau que le terme « Indiens » au paragraphe 91(24) n’est pas concomitant avec l’inscription au registre de la Loi sur les Indiens, mais comprend aussi, outre les Inuit et les Métis, les Indiens non inscrits au registre. Ainsi, le terme « Indiens » au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 comprend les Indiens inscrits au registre prévu par la Loi sur les Indiens, les Inuit, les Métis et les Indiens non inscrits. Révisons brièvement les critères pour identifier ces sous-groupes d’« Indiens » au sens du paragraphe 91(24).
[19] Le critère pour reconnaître les Indiens inscrits est conceptuellement simple, quoique d’application fort complexe. En bref, il s’agit des individus qui sont inscrits au registre des Indiens selon les articles 6 et 7 de la Loi sur les Indiens ou qui peuvent l’être. Les règles d’inscription au registre sont notoirement complexes. Elles ont fait l’objet de plusieurs réformes législatives afin d’en éliminer les éléments discriminatoires envers les femmes autochtones et leurs descendants. J’y reviendrai.
[20] Les Indiens inscrits sont généralement (mais pas nécessairement) membres d’une « bande indienne » au sens de la Loi sur les Indiens[18] ou d’une nation autochtone reconnue en vertu d’une autre loi fédérale telle, au Québec, la Loi sur l’accord concernant la gouvernance crie d’Eeyou Istchee[19]. Les Indiens inscrits qui sont membres d’une « bande indienne » se divisent par ailleurs en deux groupes aux fins du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne, soit les Indiens inscrits résidant sur les terres de réserve au sens de la Loi sur les Indiens et les Indiens inscrits résidant hors réserve, vu que l’« autochtonité‐lieu de résidence » est reconnue pour les Indiens inscrits comme un motif analogue de discrimination[20]. Cela étant, il ne faut pas confondre les Indiens non inscrits (lesquels résident presque tous hors réserve) avec les Indiens inscrits qui résident hors réserve.
[21] Au Québec, les Indiens inscrits sont généralement (mais pas tous) regroupés en plus de quarante communautés administrées soit par un conseil de bande au sens de la Loi sur les Indiens ou soit, pour les Cris, des conseils de premières nations regroupés au sein du Gouvernement de la Nation Crie[21].
[22] Les Inuit sont exclus de l’application de la Loi sur les Indiens par l’effet du paragraphe 4(1) de cette loi. Par ailleurs, le Renvoi sur les Esquimaux ne définit pas cette population autrement qu’en constatant qu’il s’agit des autochtones recensés comme « Esquimaux » dans les territoires anciennement administrés par la Compagnie de la Baie d’Hudson et dans le territoire du Labrador qui possèdent une culture distincte qui leur est propre. Cependant, puisque la plupart des Inuit sont maintenant visés par des accords de revendications territoriales[22], il s’agit donc surtout (mais pas exclusivement) d’individus inscrits ou qui peuvent être inscrits sur les listes des bénéficiaires prévues par ces accords[23]. Au Québec, les Inuit sont, pour la plupart, des bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et ils sont regroupés en 14 villages nordiques au sein de l’Administration régionale Kativik[24]. Ils sont représentés par la Société Makivik en ce qui concerne leurs droits comme nation autochtone[25].
[23] Les critères pour reconnaître un Métis ont été énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Powley de 2003[26] pour les fins de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ces critères ont été repris dans l’arrêt Daniels qui traite du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867[27]. En bref, le mot « Métis » ne vise pas tous les individus d’ascendance mixte indienne et européenne, mais plutôt les peuples distincts qui, en plus de leur ascendance mixte, possèdent leurs propres coutumes, façons de vivre et identité collective reconnaissables et distinctes de leurs ancêtres indiens ou inuit d’une part et de leurs ancêtres européens d’autre part[28].
[24] Gardant cela à l’esprit, trois facteurs principaux sont des indices tendant à établir l’identité métisse : 1) une auto-identification, qui n’est ni récente ni opportuniste, comme membre d’une communauté métisse; 2) l’existence de liens ancestraux avec une communauté métisse; et 3) l’acceptation par la communauté métisse actuelle dont la continuité avec la communauté métisse historique constitue le fondement juridique du droit revendiqué, l’élément central étant la participation, passée et présente, à une culture commune, à des coutumes et traditions qui la distinguent d’autres groupes[29]. Notons qu’à ce jour, aucun tribunal n’a confirmé l’existence d’une communauté métisse au Québec[30] et ni le gouvernement du Canada ni celui du Québec n’ont reconnu une telle communauté sur le territoire du Québec.
[25] Quant aux Indiens non inscrits, la Cour suprême a confirmé dans l’arrêt Daniels qu’ils sont aussi visés par la compétence fédérale en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. En bref, il s'agit des individus qui ne font pas l'objet d'une législation fédérale adoptée en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, mais qui pourraient l'être sans que cette législation puisse être déclarée inconstitutionnelle en vertu des règles du partage des compétences constitutionnelles au motif qu’elle outrepasserait les limites du paragraphe 91(24).
[26] La juge Abella précise dans l’arrêt Daniels que la question de savoir si des individus donnés sont des Indiens non inscrits – c’est-à-dire des individus au sujet desquels le Parlement peut validement légiférer en vertu du paragraphe 91(24), mais ne l’a pas fait – ou si une collectivité particulière est formée de telles personnes « est une question de fait qui devra être décidée au cas par cas dans le futur »[31].
[27] Sans définir des critères précis pour identifier un Indien non inscrit et ainsi circonscrire la compétence fédérale conformément au paragraphe 91(24), la juge Abella énonce que les trois facteurs d’identification pour les Métis retenus dans l’arrêt Powley ne sont pas nécessairement tous applicables, notamment le troisième facteur portant sur l’acceptation par la communauté existante. Elle s’explique ainsi[32] :
Il est possible que, parmi les personnes visées par cette disposition [le par. 91(24)], certaines ne soient plus acceptées par leurs collectivités parce qu’elles en auraient été séparées en raison, par exemple, de politiques gouvernementales comme celle relative aux pensionnats indiens. Il n’existe aucune raison logique justifiant de priver présomptivement et arbitrairement de telles personnes de la protection qu’offre le pouvoir de légiférer du Parlement sur la base d’un critère requérant leur « acceptation par la collectivité ».
[28] En bref, certains individus – désignés Indiens non inscrits – sont des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 sans qu’ils soient visés par une législation fédérale adoptée sous ce paragraphe. Cela étant, les critères pour identifier ces individus ne sont pas clairement établis dans l’état actuel de la jurisprudence. L’identification des Indiens non inscrits doit être décidée au cas par cas selon des critères qui demeurent à développer, mais qui ne comprennent pas le troisième critère de l’arrêt Powley applicable aux Métis exigeant la reconnaissance par une communauté autochtone historique.
[29] Cependant, dans les faits, le nombre d’individus visés par l’expression « Indiens non inscrits » ne cesse de diminuer et le nombre des Indiens inscrits ne cesse de croître. Il en est ainsi puisque le Parlement fédéral a grandement élargi au cours des années l’inscription au registre des Indiens en réponse à des jugements qui ont déclaré discriminatoires à l’égard des femmes autochtones et de leurs descendants les dispositions de la Loi sur les Indiens concernant ce registre.
[30] Ainsi, en prévision de l’entrée en vigueur de l’article 15 de la Charte canadienne le 17 avril 1985 et portant sur le droit à l’égalité (cette disposition est entrée en vigueur trois ans après l’entrée en vigueur des autres dispositions la Charte canadienne[33]), le Parlement canadien adoptait des modifications à la Loi sur les Indiens afin de tenter de remédier aux iniquités fondées sur le sexe aux fins de l’inscription en vertu de cette loi[34]. On réfère souvent à ces modifications législatives comme la « Loi C-31 ».
[31] L’inscription au registre des Indiens fut encore élargie en 2011[35] en réponse à l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire McIvor identifiant des discriminations résiduelles fondées sur le sexe dans les dispositions de la Loi sur les Indiens portant sur l’inscription au registre[36].
[32] Finalement, l’inscription au registre fut encore élargie de façon fort importante en 2017 pour répondre à l’arrêt Descheneaux[37] de la Cour supérieure du Québec afin d’éliminer toutes les iniquités fondées sur le sexe résultant des règles antérieures. Il s’agit de la Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général)[38] (la « Loi S-3 »).
[33] L’ensemble de ces modifications législatives ont eu pour effet d’accroître de façon très importante le nombre d’Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens. Ceux-ci sont passés de 332 178 inscrits en 1982, à 573 657 inscrits en 1994 et à 1 040 319 inscrits en 2021[39].
[34] Par ailleurs, dans son rapport de décembre 2000 au Parlement canadien portant sur l’examen de la Loi S-3, le ministre responsable estime que dans les trois premières années de l’application de cette loi, son ministère n’avait reçu que le tiers des demandes en lien avec les modifications en découlant, laissant ainsi entendre que de nombreuses nouvelles inscriptions pourraient découler de la mise en œuvre complète de cette loi, vu l’estimation qu’entre 270 000 à 450 000 nouvelles inscriptions pourraient en résulter sur 10 ans[40].
[35] La situation juridique des Indiens non inscrits s’est donc radicalement modifiée depuis que la Résolution de l’Assemblée nationale fut adoptée en 1985, et aussi depuis que le recours judiciaire des appelants fut entrepris en 2009. Cela se reflète d’ailleurs dans la preuve, puisque plusieurs membres de l’AAQ ont quitté ses rangs lorsqu'ils ont acquis un statut d’Indien inscrit et s’identifient plutôt comme des membres de l’une des nations autochtones reconnues du Québec. Le rapport d’expertise produit par le PGQ en fait état[41].
[36] D’ailleurs, plusieurs des demandeurs à la procédure introductive d’instance initiale se sont retirés de celle-ci. Par ailleurs, plusieurs des appelants individuels dont les noms sont toujours rattachés à la procédure nous indiquent dans leur requête pour preuve nouvelle qu’ils sont maintenant nouvellement inscrits au registre des Indiens.
[37] C’est dans ce contexte évolutif que doit s’analyser le recours des appelants.
La formation et l’organisation de l’Alliance autochtone du Québec et ses relations avec le gouvernement du Québec
[38] L’AAQ a été constituée en société sans but lucratif en 1972 sous le nom de « L’Alliance Laurentienne des Métis et Indiens (hors réserve) inc. », avec pour mission de promouvoir les intérêts des Métis et des Indiens non inscrits qui résident au Québec[42]. Elle a adopté son nom actuel d’« Alliance autochtone du Québec » en 1984[43]. Sa structure comporte des sections locales établies dans diverses parties du Québec[44].
[39] Les modalités d’adhésion à l’AAQ sont très larges et, selon ses règlements, celles applicables aux membres réguliers sont fondées essentiellement sur une ascendance autochtone, directe ou collatérale – quel qu’en soit le degré généalogique ou le lieu d’origine – et une résidence au Québec.
[40] Les règlements d’origine de l’AAQ décrivent ainsi les conditions d’adhésion[45] :
Toute personne de descendance Indienne, résidant dans la Province de Québec, âgée de 16 ans et plus, dont la naissance Indienne n’est pas reconnue selon la loi Indienne est habilitée à devenir membre régulier de l’Alliance. Par extension, le titre de membre associé peut être attribué dans un local à l’époux ou l’épouse d’un membre régulier. Le titre de membre honoraire pourra de même être accordé à toute personne, qui dans l’opinion d’un local mérite ce titre. L’exécutif de l’Alliance ou d’un local est autorisé à questionner les antécédents de tout membre et de leur exiger des documents ou des dépositions sous serment.
[41] Le Code de citoyenneté de l’AAQ, daté d’août 1996, reprend pour l’essentiel ces modalités d’adhésion, en les élargissant encore plus. Ainsi, ce code ajoute qu’un membre de l’AAQ qui est visé par la Loi C-31 et qui est dorénavant inscrit au registre de la Loi sur les Indiens peut continuer d’être membre de l’AAQ s’il le souhaite[46]. Le Code ajoute aussi que toute personne d’ascendance autochtone en Amérique du Nord, et ce, à quelque degré que ce soit, directe ou collatérale, peut aussi devenir membre s’il est accepté par un local de l’AAQ[47].
[42] Cependant, selon l’expertise des professeurs Vachon et Warren, les examens par l’AAQ des preuves généalogiques des membres afin d’établir leur ascendance autochtone « continuent d’être lacunaires, déficientes ou absentes »[48], ce qui laisse dire au procureur général du Québec que l’adhésion à l’AAQ n’est largement fondée que sur le seul critère de l’auto-identification comme autochtone[49].
[43] Les professeurs Vachon et Warren énoncent aussi que, bien que l’ascendance autochtone à quelque degré généalogique soit le seul critère formel d’adhésion à l’AAQ, une modalité additionnelle non prévue par ses règlements s’y est implicitement ajoutée durant la période de 1971-1995, soit le partage d’une culture autochtone, qu’elle soit indienne ou métisse. Cependant, selon ces experts, cette modalité implicite pour adhérer à l’AAQ est demeurée floue et imprécise durant toute cette période de 1971-1995[50], pour finalement s’estomper et ne devenir qu’une appartenance autochtone « dans le cœur »[51], c’est-à-dire qu’elle s’est sublimée à une simple auto-identification comme autochtone. Ainsi, toujours selon les professeurs Vachon et Warren, la modalité implicite d’adhésion fondée sur le partage d’une culture autochtone a finalement disparu avec l’adoption par l’AAQ de son Code de citoyenneté de 1996[52].
[44] Le nombre de membres au sein de l’AAQ est nébuleux, les représentants de cette association soutenant représenter de 5 000 à 25 000 membres selon les époques[53]. Cela dit, aucune vérification indépendante du nombre de membres n’a été produite en preuve[54] et les appelants ont refusé aux experts retenus par le procureur général du Québec de consulter le registre des membres de l’AAQ[55]. Par ailleurs, selon les professeurs Vachon et Warren, il ne semble pas que tous les membres de l’AAQ soient en règle[56] et la mobilisation de ceux-ci au niveau local apparaît faible dans l’ensemble[57].
[45] Quoi qu’il en soit, l’AAQ agit de façon concrète auprès de ses membres et des populations autochtones résidant hors réserve par le biais de divers programmes gouvernementaux dont on lui a délégué l’administration ou qui ont été délégués à des sociétés qui lui sont étroitement liées. Elle bénéficie d’un soutien financier de la part du gouvernement fédéral qui lui permet de continuer ses activités sans interruption depuis sa fondation[58]. Notons aussi qu’une société liée, la Corporation Waskahegen, a conclu des ententes avec la Société d’habitation du Québec afin d’administrer un programme d’habitation pour les autochtones résidant hors réserve, qu’ils soient des Indiens inscrits ou non inscrits[59]. Selon le rapport d’expertise produit pour l’AAQ, la Corporation Waskahegen gèrerait et administrerait un parc immobilier de plus de 2 000 logements dans quelques 117 localités au Québec[60].
[46] Le gouvernement du Québec a d’ailleurs entretenu une relation harmonieuse avec l’AAQ dans les premières années de ses activités, la reconnaissant même comme un interlocuteur valable jusqu’aux années 2000. Mais ses critères d’adhésion très larges et ses nombreux conflits internes ont fini par lui faire perdre sa crédibilité auprès des responsables du gouvernement du Québec.
[47] Ainsi, selon les professeurs Vachon et Warren, en 1976, l’AAQ est invitée par le gouvernement du Québec à occuper un siège à un conseil consultatif autochtone québécois, au même titre que le Grand Conseil des Cris du Québec, l’Association des Indiens du Québec, l’Association des Inuit du Nouveau-Québec, le Conseil Attikamek-Montagnais et l’Association des femmes autochtones du Québec[61]. En 1982, en marge des conférences constitutionnelles prévues par l’article 37 de la Loi constitutionnelle de 1982, le premier ministre du Québec, René Lévesque, invite l’AAQ à participer à un processus préparatoire au même titre que les autres grandes organisations autochtones du Québec[62]. L’AAQ participe activement à ce processus[63], comme d’ailleurs au processus parallèle qui a éventuellement mené à l’adoption de la Résolution par l’Assemblée nationale en 1985[64]. L’AAQ reçoit même pour un certain temps du financement du gouvernement du Québec[65]. Son caractère représentatif est alors affirmé dans les documents du Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien et inuit[66].
[48] Cependant, à la suite de l’arrêt Powley[67] de 2003, et tenant compte du caractère large des critères d’adhésion à l’AAQ, des dissidences au sein de cette association et de la prolifération des organisations prétendant représenter des Métis et des Indiens non inscrits qui résident au Québec, le gouvernement du Québec décide d’adopter une approche restrictive ayant pour effet d’écarter l’AAQ comme interlocuteur.
[49] La note d’information du 6 février 2010 du Secrétaire général associé aux Affaires autochtones, André Maltais, aux autres sous-ministres du gouvernement du Québec, explique bien la situation telle qu’alors perçue par ce gouvernement et la nouvelle politique que ce dernier entend dorénavant poursuivre à cet égard[68] :
Plusieurs organisations prétendant représenter les « Autochtones hors réserve » ou les « Métis » sont présentes sur le territoire québécois. Des groupes locaux et régionaux se développent et, dans plusieurs cas, s’unissent au sein d’organisations provinciales. Des tensions existent souvent entre ces différentes organisations, ce qui provoque un mouvement d’affiliation et de désaffiliation qui rend difficile l’identification des organisations locales aux organismes « provinciaux » qui les chapeautent. Un mouvement de regroupement entre associations « indépendantes » est présentement constaté.
On estime à près d’une centaine le nombre d’organisations (provinciales, régionales et locales) au Québec. C’est dans les régions-ressources (souvent à proximité des réserves autochtones) que la présence de ces groupes est la plus marquée.
Deux types d’organisations ont été identifiées sur le terrain : les organisations prétendant représenter les « Autochtones hors réserve » et celles déclarant représenter les « Métis ». À quelques exceptions près, la composition du membership est la même. Pour l’immense majorité, les membres sont des citoyens d’ascendance mixte recrutés au cours des dernières années (à la suite du jugement Powley). Le titre de « représentant des Autochtones hors réserve » englobe certes des Autochtones avec et sans statut, mais leur présence au sein de ces organisations n’est pas significative.
[…]
Historiquement, l’Alliance Laurentienne, aujourd’hui connue sous le nom d’Alliance autochtone du Québec, représentait essentiellement les Autochtones qui avaient perdu leur statut d’indien en épousant un non-autochtone. L’adoption de la Loi C-31 (1988) [sic], laquelle a permis à plusieurs Autochtones de retrouver leur statut, a grandement modifié la constitution du membership. C’est à cette époque que l’organisme a changé son nom et a élargi ses critères d’admissibilité, permettant ainsi d’augmenter significativement le nombre de ses membres et, par conséquent, d’accroître son influence. Ces dernières années, des conflits internes au sein de l’Alliance autochtone ont cependant divisé les membres. De nouvelles organisations ont ainsi vu le jour, elles se sont fractionnées à leur tour pour la même raison (discorde entre les membres). Ainsi, même si des liens existent entre certains groupes dits « métis », la plupart opèrent de façon indépendante et sont aujourd’hui en opposition à l’Alliance autochtone.
[…]
Le gouvernement du Québec reconnaît certes que de nombreux citoyens québécois sont d’ascendance mixte, mais il ne reconnaît pas, à ce jour, la présence sur son territoire de communautés historiques métisses au sens de Powley. Il faut faire la différence entre, d’une part, la fierté que des individus tirent de leurs origines généalogiques et, d’autre part, l’existence, juridiquement et historiquement fondée, d’une collectivité nationale.
[…]
En conséquence, aucun ministère ni organisme du gouvernement du Québec ne devrait fournir de l’aide ou développer des projets avec des groupes affirmant agir au nom de Métis ou de communautés métisses. Il faut éviter tout geste qui pourrait être interprété comme une reconnaissance tacite de l’État. […]
[…]
Précisons que l’Assemblée nationale a reconnu, en 1985, l’existence au Québec de dix nations autochtones auxquelles s’est ajoutée, en 1989, la Première Nation Malécite. Comme les gens d’ascendance mixte résidant au Québec n’ont pas fait l’objet de cette reconnaissance, il n’existe aucune obligation constitutionnelle de consulter les organisations prétendant représenter les Métis. […]
Néanmoins, le Québec n’exclut pas d’octroyer un jour cette reconnaissance si la démonstration formelle est faite, hors de tout doute, de la présence sur son territoire de communautés répondant de façon irréprochable aux critères de Powley. À ce jour, cette démonstration reste à faire. […]
[50] C’est donc à compter de la fin de la décennie des années 2000 que le gouvernement du Québec cesse de reconnaître l’AAQ comme interlocutrice. On ne peut douter que le recours judiciaire dans la présente affaire vise à contrer ce changement d’orientation gouvernementale, la note d’information précitée du Secrétaire général associé aux Affaires autochtones étant d’ailleurs précisément et nommément visée par le recours judiciaire[69].
Les procédures judiciaires
[51] C’est par une requête pour jugement déclaratoire datée du 5 mars 2009[70] que l’AAQ et neuf de ses membres s’attaquent tant au gouvernement du Québec qu’au gouvernement du Canada[71]. Cette procédure initiale a été substantiellement modifiée quatre fois au cours des années afin de refléter des changements significatifs dans la théorie de la cause. La dernière mouture de la procédure introductive d’instance est datée du 11 septembre 2018[72].
[52] Ainsi, plusieurs des demandeurs se sont retirés des procédures, présumément en raison de leur dissociation de l’AAQ[73]. Par ailleurs, toutes les conclusions visant le gouvernement du Canada ont été retirées à la suite de l’arrêt de la Cour du 16 juin 2014 énonçant que le recours à l’encontre des autorités fédérales visait essentiellement à obtenir, par un moyen détourné, l’octroi d’un permis de pêche communautaire du ministre fédéral des Pêches et Océans et relevait donc de la Cour fédérale[74]. Le procureur général du Canada n’est donc plus une partie à l’instance comme intimé, mais simplement comme mis en cause à l’égard duquel aucune conclusion n’est recherchée.
[53] Par ailleurs, à la suite des plaidoiries, mais avant que le dossier ne soit mis en délibéré par la Cour supérieure, les appelants ont demandé de modifier une cinquième fois leurs conclusions. Ces nouvelles modifications visaient, notamment, à faire déclarer que les appelants individuels et tous les autres membres de l’AAQ qui ont satisfait aux exigences de son Code de citoyenneté et qui ont souscrit à ses buts et objectifs « sont des « Indiens » visés au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu’ils sont des Autochtones à toutes fins que de droit »[75]. Le juge de première instance a refusé d’autoriser ces modifications au motif qu’elles changeaient fondamentalement la nature du litige et qu’elles nécessitaient l’administration d’une nouvelle preuve distincte de celle requise pour les fins du recours initialement entrepris[76]. Aucun appel n’a été entrepris à l’encontre de ce jugement.
[54] L’audition de l’affaire devant la Cour supérieure s’est étalée sur une période de 11 jours, du 15 au 31 mars 2021. Le jugement rejetant le recours des appelants fut rendu le 15 février 2022.
LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE
[55] Après avoir résumé la preuve, les positions respectives des parties et la jurisprudence applicable, le juge de première instance s’attarde en premier lieu aux prétentions des appelants fondées sur la Résolution de l’Assemblée nationale.
[56] Le juge conclut que cette Résolution « ne peut […] pas avoir, à l’égard du gouvernement, un caractère obligatoire »[77]. Il conclut aussi que le contenu de la Résolution ne concerne que les 11 nations autochtones qui y sont énumérées, ce qui exclut par le fait même l’AAQ qui n’y est pas visée[78].
[57] Le juge ajoute que les membres de l’AAQ qui s’auto-identifient comme des Indiens non inscrits ne peuvent se prévaloir de la Résolution sans établir des liens ancestraux avec l’une des nations autochtones visées par celle-ci. Or, la preuve dans le dossier ne soutient pas l’existence de tels liens ancestraux[79]. Il en découle que ces membres ne peuvent prétendre être visés par la Résolution de l’Assemblée nationale vu que, d’une part, celle-ci prévoit la reconnaissance des droits ancestraux existants des 11 nations autochtones qu’elle identifie nommément et, d’autre part, la preuve n’établit pas que les membres de l’AAQ font partie de ces nations autrement que par le biais d’une auto-proclamation en ce sens[80].
[58] Le juge refuse donc de faire droit aux conclusions déclaratoires fondées sur la Résolution[81].
[59] Le juge refuse aussi de faire droit aux autres conclusions déclaratoires fondées sur la Charte canadienne et concernant l’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif et l’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.
[60] En ce qui concerne les prétentions des appelants fondées sur le droit à l’égalité énoncé au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne, le juge les rejette au motif que les membres de l’AAQ n’ont pas démontré qu’ils sont des Indiens au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et ne peuvent donc établir que ces dispositions législatives créent une distinction fondée sur un motif énuméré au paragraphe 15(1) ou un motif analogue. Le juge s’exprime comme suit[82] :
[165] Les demandeurs allèguent que les membres de l’AAQ, à titre d’Autochtones, sont exclus du bénéfice que pourraient leur apporter les articles 24.1 [de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune] et 3.48 [de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif] puisque l’AAQ « n’est pas et ne peut être un conseil de bande ». La différence de traitement imposée par ces dispositions reposerait donc sur le droit à l’inscription en vertu de la Loi sur les Indiens.
[166] Il n’y a toutefois pas lieu de répondre à la première question du cadre d’analyse et de déterminer si les membres de l’AAQ sont traités différemment par rapport à d’autres Autochtones pour un motif prohibé par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. La présente affaire ne se prête pas à un tel examen.
[167 En effet, pour que l’on puisse prétendre qu’il est porté atteinte sans justification au droit à l’égalité, dans le contexte allégué, encore faut-il démontrer que les membres de l’AAQ sont des Autochtones, c’est-à-dire des Indiens au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.
[168] Comme mentionné précédemment, la seule démarche d’auto-identification, soit s’auto-déclarer Autochtone ou Indien non inscrit, ce que prétend représenter l’AAQ, n’est pas suffisante.
[169] D’ailleurs, que l’on utilise le terme « Autochtone » ou l’expression « Indien sans statut », il ne peut s’agir que d’Indien au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui, au-delà de l’auto-identification, doit, à tout le moins, démontrer l’existence de liens ancestraux avec une communauté historique.
[170] Cette preuve n’a pas été faite.
[171] En d’autres termes, il ne suffit pas à une personne de s’auto-déclarer « Indien sans statut » ou « Autochtone », sur la base d’une ascendance à quelque degré que ce soit, pour pouvoir prétendre bénéficier des « droits collectifs » des peuples ou nations autochtones reconnus et confirmés.
[61] Le juge rejette aussi les prétentions des appelants fondées sur le droit d’association prévu à l’alinéa 2d) de la Charte canadienne[83] :
[172] Quant aux arguments selon lesquels les articles 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif briment le droit d’association prévu à l’alinéa 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés des membres de l’AAQ, ils ne peuvent être retenus.
[173] Selon la Cour suprême, la liberté d’association protège trois catégories d’activités : « (1) le droit de s’unir à d’autres et de constituer des associations; (2) le droit de s’unir à d’autres pour exercer d’autres droits constitutionnels; et (3) le droit de s’unir à d’autres pour faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force d’autres groupes ou entités.
[174] L’on ne peut que constater que les dispositions contestées n’ont pas empêché les demandeurs de s’associer afin de défendre des intérêts communs aux personnes d’ascendance autochtone à différent degré. L’existence de l’AAQ depuis plusieurs décennies et la réalisation d’activités collectives en sont la preuve.
[Renvoi omis]
[62] Le juge rejette aussi les prétentions des appelants fondées sur les articles 7 et 8 de la Charte canadienne pour des motifs analogues, soit que les membres de l’AAQ n’ont pas établi des caractéristiques rattachées à la qualité d’Autochtone et sont donc à tous égards dans la même situation que tout autre citoyen[84].
[63] Le juge aborde succinctement les prétentions des appelants fondées sur le Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones et sa mise en œuvre par le ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec. Il rejette celles-ci au motif que l’AAQ ne serait pas une organisation autochtone au sens de ce règlement[85].
[64] Finalement, le juge réitère que l’auto-identification résultant d’une ascendance autochtone à quelque degré que ce soit dans une généalogie ne suffit pas pour être visé par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. C’est la démonstration de l’existence de liens ancestraux avec une communauté autochtone historique qui fait défaut en l’espèce[86].
LES QUESTIONS SOULEVÉES EN APPEL
[65] Les appelants soulèvent cinq questions en appel qu’ils formulent comme suit et dans l’ordre suivant[87] :
1- Le juge de première instance a-t-il manifestement erré lorsqu’il a conclu que l’ascendance autochtone des appelants individuels et des autres membres réguliers de l’AAQ n’avait pas été démontrée?
2- A-t-il erré en fait et en droit en concluant que les appelants n’étaient pas visés par la Résolution?
3- A-t-il erré en droit lorsqu’il a refusé de reconnaître une portée obligatoire à la Résolution?
5- A-t-il erré en droit lorsqu’il a conclu que le recours ne visait pas à déterminer si les appelants individuels et les autres membres réguliers de l’AAQ sont des Indiens au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867?
Les appelants soulèvent par ailleurs plusieurs moyens d’appel additionnels dans le cadre de chacune de ces questions. À l’instar du procureur général du Québec dans son mémoire d’appel, il y a lieu de traiter de l’ensemble de ces moyens dans l’ordre proposé par les appelants.
ANALYSE
Première question : Le juge de première instance a-t-il manifestement erré lorsqu’il a conclu que l’ascendance autochtone des appelants individuels et des autres membres réguliers de l’AAQ n’avait pas été démontrée?
[66] Les appelants soutiennent que le juge aurait commis une erreur manifeste et déterminante de fait en concluant à l’absence de preuve quant à l’ascendance autochtone des membres de l’AAQ. Ils ajoutent que n’eût été de cette erreur, le juge aurait été contraint de conclure à un motif analogue de discrimination en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne, soit celui « d’Indiens non inscrits »[88], ce qui l’aurait mené à faire droit aux déclarations judiciaires souhaitées au regard de l’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif et de l’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Les appelants reprennent aussi sous cette première question leurs arguments fondés sur le paragraphe 2d) de la Charte canadienne concernant la liberté d’association.
[67] Bien que les appelants soutiennent que leurs moyens d’appel fondés sur l’ascendance autochtone ne soulèvent que des questions de fait et de preuve, ils soulèvent surtout une question préalable de droit, à savoir si une ascendance autochtone directe ou collatérale, quel qu’en soit le degré généalogique, suffit en soi pour établir l’existence de liens ancestraux avec une communauté autochtone historique, permettant ainsi d’assujettir potentiellement un individu à la compétence fédérale exclusive prévue par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867?
[68] Quoique l’ascendance autochtone de certains membres de l’AAQ puisse être douteuse vu que la preuve permet de conclure que cette association entreprend peu de vérifications généalogiques sérieuses, il est indiscutable que la preuve établit aussi une ascendance autochtone pour plusieurs des membres, à un degré généalogique plus ou moins éloigné selon les cas.
[69] Cependant, le juge de première instance n’a pas rejeté le recours fondé sur la conclusion que l’AAQ n’avait pas établi une ascendance autochtone pour ses membres, mais plutôt qu’elle n’avait pas établi des liens ancestraux avec une communauté autochtone historique, et ce, malgré l’ascendance autochtone de ses membres[89]. Il s’agit là de deux concepts distincts, bien qu’ils puissent être interreliés.
[70] L’erreur des appelants est de confondre une ascendance autochtone lointaine avec des liens ancestraux auprès d’une communauté autochtone historique. Ainsi, même si plusieurs individus résidant au Québec pourraient établir une ascendance autochtone lointaine – la preuve révèle qu’ils sont d’ailleurs nombreux et pourraient même comprendre plus de la moitié de la population du Québec[90] – cela ne suffit pas nécessairement pour établir des liens ancestraux avec une communauté autochtone historique.
[71] Les liens ancestraux avec une communauté autochtone historique peuvent bien sûr s’établir au moyen d’une preuve généalogique, mais plus ces liens généalogiques sont éloignés, plus la preuve des liens ancestraux devrait s’établir par d’autres moyens, notamment par une preuve de liens sociologiques et culturels réels avec la communauté historique. C’est cette preuve qui est déficiente dans le dossier pour la plupart des membres de l’AAQ et c’est pour cette raison que le juge a conclu comme il l’a fait.
[72] C’est donc sur une lecture erronée de l’arrêt Daniels que repose l’argumentaire des appelants. Contrairement à ce que les appelants soutiennent, cet arrêt n’a pas établi qu’une ascendance autochtone à un degré généalogique quelconque suffit en soi pour établir des liens ancestraux auprès d’une communauté autochtone historique. Au contraire, la juge Abella prend grand soin de préciser que le terme « Indiens » du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 doit s’interpréter au sens de « peuples autochtones », ce qui implique l’existence d’un lien sociologique et culturel avec une communauté autochtone historique[91] :
[18] Les contours de la définition du terme « Indien non inscrit » sont également imprécis. Les Indiens inscrits sont ceux que le gouvernement fédéral reconnaît comme étant inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5. En revanche, les Indiens non inscrits peuvent désigner soit les Indiens qui n’ont plus le statut d’Indiens visés par la Loi sur les Indiens, soit les membres de collectivités d’ascendance mixte que le gouvernement fédéral n’a jamais reconnus comme Indiens. Certaines personnes s’identifient étroitement à leurs origines indiennes, alors que d’autres estiment que le mot Métis reflète davantage leurs origines mixtes.
[19] Ces ambiguïtés d’ordre définitionnel n’empêchent pas de décider si les deux groupes, peu importe la façon dont on les définit, sont visés par le par. 91(24). À l’instar du juge de première instance et de la Cour d’appel fédérale, je suis d’avis que les contextes historique, philosophique et linguistique établissent que les « Indiens » visés au par. 91(24) englobent tous les peuples autochtones, y compris les Indiens non inscrits et les Métis.
[…]
[46] Le fait d’interpréter largement le mot « Indiens » figurant au par. 91(24) et de lui attribuer le sens de « peuples autochtones » permet de répondre aux préoccupations d’ordre définitionnel soulevées par les parties en l’espèce. En effet, comme le par. 91(24) vise tous les peuples autochtones, y compris les Métis et les Indiens non inscrits, il n’est pas nécessaire d’identifier les collectivités d’ascendance mixte formées de Métis et celles formées d’Indiens non inscrits. Tous ces groupes sont des « Indiens » visés au par. 91(24), puisqu’ils sont tous des peuples autochtones.
[Soulignement et caractères gras ajoutés]
[73] Ainsi, les « peuples autochtones » auxquels réfère la juge Abella ne sont pas nécessairement définis seulement en fonction d’une ascendance autochtone, mais aussi en fonction de facteurs historiques, sociologiques et culturels. Tel que le notait la Commission royale sur les peuples autochtones dans son Rapport, il ne suffit pas qu’un groupe se proclame autochtone pour qu’il soit un peuple autochtone, des facteurs historiques, sociologiques et culturels doivent aussi être établis à cette fin[92] :
Bien sûr, il ne suffit pas qu’un groupe se proclame autochtone pour qu’il le soit automatiquement. Un groupe doit avoir des liens suffisamment étroits avec ceux qui habitaient le continent américain avant que les Européens ne s’y installent en grand nombre. Cette continuité peut être établie de diverses manières. Même si l’ascendance prédominante des membres du groupe est de toute évidence une considération importante, d’autres facteurs comme les traditions, la conscience politique, les lois, la langue, la spiritualité et les liens avec la terre entrent également en ligne de compte. Aucun facteur unique n’est décisif; c’est l’ensemble des caractéristiques qui compte.
[74] Par ailleurs, dans Daniels, la juge Abella n’a pas défini de facteurs ou critères particuliers pour identifier un Indien non inscrit, optant plutôt pour une approche au cas par cas[93]. Cela étant, elle précise que les critères de l’arrêt Powley ne sont pas nécessairement déterminants et, qu’à tout le moins, le troisième critère de cet arrêt, fondé sur l’acceptation par la collectivité autochtone actuelle, ne peut priver présomptivement et arbitrairement des individus de la protection qu’offre le pouvoir de légiférer du Parlement en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867[94].
[75] Dans la mesure où les deux autres critères de l’arrêt Powley seraient néanmoins des facteurs pertinents, ni exhaustifs ni exclusifs, aux fins d’identifier les Indiens non inscrits, le second critère exige la preuve de l’existence de « liens ancestraux » avec une collectivité autochtone historique[95]. Ce critère n’est pas exclusivement fondé sur la généalogie, mais requiert plutôt la preuve d’un « lien réel », comme l’énonce d’ailleurs l’arrêt Powley[96] :
[32] Deuxièmement, le demandeur doit faire la preuve de l’existence de liens ancestraux avec une communauté métisse historique. Cette exigence objective garantit que les bénéficiaires des droits protégés par l’art. 35 possèdent un lien réel avec la communauté historique dont les pratiques fondent le droit revendiqué. Nous n’exigerions pas la preuve de « liens du sang » minimums, mais plutôt la preuve que les ancêtres du demandeur appartenaient, par naissance, adoption ou autrement, à la communauté métisse historique. À l’instar du juge du procès, nous nous abstenons de préciser davantage cette condition en l’absence de l’argumentation élaborée que présenteraient les parties dans une affaire où cette question serait déterminante. En l’espèce, les origines métisses des Powley ne sont pas contestées.
[Soulignement et caractères gras ajoutés, sauf le premier soulignement qui est dans le texte original]
[76] Ainsi, ce « lien réel » peut certes s’établir par une ascendance généalogique, mais ce ne sera pas nécessairement le cas lorsque cette ascendance est lointaine ou ténue. Ainsi, chaque cas s’analyse selon les circonstances qui lui sont propres.
[77] Les arrêts R. c. Lavigne[97] et Boucher c. R.[98] sur lesquels les appelants s’appuient sont illustratifs en ce sens.
[78] Le jugement dans Lavigne fut rendu avant celui de la Cour suprême du Canada dans Daniels, ce sont donc les critères de Powley que le juge a appliqués malgré le fait qu’une communauté métis n’était pas en cause dans cette affaire. Cependant, une lecture attentive des motifs du jugement permet de conclure que ce sont les liens réels avec une communauté autochtone qui ont permis au juge de conclure que l’individu concerné était un Indien non inscrit et non pas l’acceptation par cette communauté au sens de Powley. Ainsi, dans Lavigne, outre une ascendance généalogique, ce sont surtout les facteurs sociologiques et culturels qui ont permis au juge de reconnaître l’intimé dans cette affaire comme un Indien mi’kmaq ayant droit à la protection de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et ce, malgré qu’il fût inéligible à l’inscription au registre de la Loi sur les Indiens. Les facteurs retenus comprenaient l’accompagnement auprès de son père à des activités dans deux réserves mi’kmaq, sa liaison conjugale avec une Mi’kmaq inscrite, sa résidence la semaine dans la réserve de Papineau et sa participation assidue aux activités culturelles mi’kmaq sur la réserve[99].
[79] Dans Boucher, outre une ascendance généalogique autochtone, le concerné vivait depuis l’âge de six ans selon le mode de vie traditionnel mi’kmaq, avait une excellente connaissance de la spiritualité, des cérémonies, des traditions et des pratiques de chasse mi’kmaq, agissait comme conseiller auprès de nations autochtones et enseignait le mode de vie traditionnel mi’kmaq aux enfants Mi’kmaq du Nouveau-Brunswick[100].
[80] Par ailleurs, dans Hopper, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a conclu qu’une ascendance autochtone lointaine ne suffisait pas en soi pour se prévaloir de droits issus de traités en l’absence de liens culturels et sociologiques réels avec une communauté autochtone titulaire de ces droits[101].
[81] Cela étant, il faut se prémunir de la tentation cartésienne d’établir des règles immuables afin d’identifier un individu comme un Indien non inscrit. Ainsi, les facteurs sociologiques et culturels ne seront pas nécessairement pertinents lorsque c’est une adoption dans une famille non autochtone qui a sevré le lien de l’individu avec sa communauté autochtone d’origine[102]. Encore une fois, je le répète à l’instar de la juge Abella dans Daniels, c’est une analyse au cas par cas qui doit être favorisée.
[82] En l’espèce, les règles d’adhésion à l’AAQ sont fondées essentiellement sur une ascendance autochtone, directe ou collatérale, quel qu’en soit le degré généalogique ou le lieu d’origine, à laquelle s’ajoute implicitement l’auto-identification comme autochtone. Or, le lien généalogique n’établit pas en soi un lien réel avec une communauté autochtone historique. La preuve d’un lien réel avec une communauté autochtone existante n’étant pas nécessairement établie par un lien généalogique plus ou moins éloigné, le juge de première instance pouvait certes conclure que la preuve de ce lien réel n’avait pas été établie au regard de plusieurs des membres de l’AAQ.
[83] Cela étant, le juge étend ce constat à tous les membres de l’AAQ. Il fait erreur sur ce plan. La preuve établit en effet que des membres de l’AAQ entretiennent des liens sociologiques ou culturels importants avec une communauté autochtone historique, et ce, même s’ils ne sont pas nécessairement acceptés comme des membres par cette communauté.
[84] C’est ainsi que le juge résume la preuve au regard de l’appelant Fernand Chalifoux[103] :
[23] D’ascendance algonquine, M. Chalifoux est le fils d’un père Indien statué et d’une mère métissée également d’ascendance algonquine. Plus précisément, le père, le grand-père et l’arrière-grand-père de M. Chalifoux étaient des Algonquins originaires de Petite Nation dans la région de l’Outaouais qui ont migré vers Maniwaki. Sa mère était l’arrière-petite-fille d’une Algonquine, originaire du Grand lac Victoria en Abitibi, qui avait épousé un Écossais.
[24] M. Chalifoux est né sur la réserve indienne de Maniwaki.
[25] Son père, membre du conseil de bande, a été vice-chef. Toutefois, en 1943, alors qu’il était âgé de 6 ans, la famille Chalifoux – son grand-père Joseph Chalifoux et ses descendants – a été rayée de la liste du registraire et exclue de la réserve de Maniwaki. Son père, avec l’aide de ses beaux-frères, ont alors construit une maison à quelque 300 pieds de la réserve. M. Chalifoux a ainsi conservé ses amis qui habitaient sur la réserve.
[26] La chasse, la pêche, la forêt, la nature en général font partie de sa personne. Il précise : « ça fait partie de ma nature ». Il a toujours pratiqué la pêche et la chasse de subsistance, c’est-à-dire, selon ses propres mots, « pour les besoins de la famille ». Il ajoute : « Autrement dit, je fais pas un gros spectacle quand je tue un orignal, au contraire, je fais une cérémonie pour remercier la bête de s’être donnée à moi […] J’ai appris ça de mon grand-père, de mon père ».
[Renvois omis]
[85] Par ailleurs, la preuve nouvelle établit que les appelants Jules St-Gelais, Christian Tremblay et Henrico Lapointe ont été récemment inscrits au registre des Indiens tenu en vertu de la Loi sur les Indiens, bien que le cas de M. Tremblay soit en révision. Cette preuve n’était pas à la disposition du juge de première instance. Or, en l’absence d’une contestation constitutionnelle de la loi modificatrice de 2017, soit la Loi S-3[104], fondée sur le partage des compétences, il serait juridiquement illogique de conclure que le Parlement n’avait pas compétence sur ces individus (ou du moins deux d’entre eux) en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 avant leur inscription au registre de la Loi sur les Indiens, alors que ceux-ci sont maintenant inscrits à ce registre à la suite des modifications législatives de la Loi S-3.
[86] Ainsi, bien que les modalités d’adhésion pour devenir membre de l’AAQ ne permettent pas, en soi, de conclure que ses membres soient des « Indiens » aux fins du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, et bien que la preuve soit fort déficiente – et dans la plupart des cas inexistante – quant aux liens réels avec une collectivité autochtone historique autres que l’ascendance généalogique, le juge ne pouvait néanmoins raisonnablement conclure de la preuve dans le dossier qu’aucun des appelants individuels ni qu’aucun membre de l’AAQ n’était un Indien non inscrit. Il y a là une erreur manifeste.
[87] Or, puisqu’il suffit qu’un seul des demandeurs puisse invoquer un motif analogue en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne pour déclencher l’analyse judiciaire sous cette disposition, le juge de première instance ne pouvait écarter cette analyse du dossier comme il l’a fait. Il nous incombe donc maintenant de procéder à cette analyse.
Le cadre d’analyse en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne
[88] Le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne énonce ce qui suit :
15 (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. | 15 (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability. |
[89] La Cour suprême a qualifié ce paragraphe de la disposition de la Charte canadienne la plus difficile à comprendre au niveau conceptuel[105] et dont le cadre analytique a connu de multiples formulations depuis 1989, le fil conducteur étant que ce cadre n’est pas clair et, par conséquent, qu’il conduit à des incohérences[106]. C’est ce qui a mené la majorité de la Cour suprême dans l’arrêt Sharma à fournir des repères pour la mise en œuvre du cadre d’analyse fondé sur le paragraphe 15(1)[107].
[90] Le critère à deux volets pour évaluer une demande fondée sur le paragraphe 15(1) oblige le demandeur à démontrer que la loi ou la mesure de l’État contestée :
a) crée, à première vue ou de par son effet, une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue;
b) impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage[108].
Les deux étapes sont distinctes, bien qu’elles puissent se recouper, en ce que la conclusion que la loi contestée a un effet disproportionné sur un groupe protégé (première étape) ne permet pas automatiquement de conclure que la distinction est discriminatoire (deuxième étape)[109].
[91] La première étape consiste à se demander si la loi contestée a créé un effet disproportionné sur le groupe demandeur pour un motif énuméré ou analogue ou a contribué à cet effet, ce qui implique une comparaison entre le groupe demandeur et d’autres groupes ou la population générale[110]. Le fait de laisser subsister un écart entre le traitement d’un groupe protégé par rapport aux personnes qui ne font pas partie de ce groupe ne suffit pas en soi pour conclure que la première étape est satisfaite[111]. C’est plutôt la preuve d’un effet disproportionné causé par la loi contestée ou à laquelle la loi contestée contribue qui doit être établie par le demandeur[112]. En d’autres termes, un lien de causalité doit être établi par le demandeur entre la loi contestée et l’effet disproportionné sur le groupe protégé[113].
[92] Deux types d’éléments de preuve sont utiles pour prouver l’effet disproportionné de la loi à la première étape, soit :
1) les éléments de preuve portant sur tous les éléments contextuels de la situation du groupe des demandeurs[114]; cette preuve peut provenir des demandeurs, d'autres témoins ordinaires ou de témoins experts[115]; et
2) les éléments de preuve sur les conséquences pratiques et réelles de la loi sur le groupe[116]; ces éléments peuvent, entre autres, être démontrés à l’aide d’une preuve statistique, de rapports d’experts, d’études de cas ou d’autres preuves qualitatives ou scientifiques[117].
Idéalement, les deux types d’éléments de preuve devraient être étayés et établis par les demandeurs en regard de la première étape de l’analyse[118], étant entendu que, selon la nature du cas, aucune forme particulière de preuve n’est nécessairement privilégiée et qu’une inférence raisonnable peut suffire dans certains cas[119].
[93] En résumé, la première étape consiste à déterminer si les dispositions législatives contestées créent un effet disproportionné pour un motif énuméré ou analogue sur le groupe du demandeur par rapport à d’autres groupes ou contribuent à cet effet. La nature exacte du fardeau de preuve imposé aux demandeurs à cette étape dépend de ce qu’ils demandent. Dans tous les cas, les demandeurs doivent s’acquitter de leur fardeau de preuve à la première étape avant de passer à la seconde étape[120].
[94] La seconde étape vise à déterminer si cet effet disproportionné impose des fardeaux ou refuse des avantages d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer un désavantage du fait de l’appartenance à un groupe énuméré ou analogue[121]. Le simple fait que la disposition législative contestée laisse subsister un désavantage n’est pas suffisant en soi pour satisfaire aux exigences de la deuxième étape[122]. Ainsi, dans l’arrêt Withler, la Cour suprême explique qu’une incidence négative ou l’aggravation de la situation doit être établie pour satisfaire cette seconde étape[123] :
[37] Qu’elle vise à déterminer si un désavantage est perpétué ou si un stéréotype est appliqué, l’analyse requise par l’art. 15 appelle l’examen de la situation des membres du groupe et de l’incidence négative de la mesure sur eux. Il s’agit d’une analyse contextuelle, non formaliste, basée sur la situation véritable du groupe et sur le risque que la mesure contestée aggrave sa situation.
[95] Les facteurs susceptibles d’aider à déterminer si un demandeur s’est déchargé de son fardeau de preuve à la deuxième étape comprennent, notamment, les stéréotypes ou préjugés et l’arbitraire[124].
[96] Par ailleurs, pour déterminer si une distinction est discriminatoire à la deuxième étape de l’analyse, les tribunaux doivent également tenir compte du contexte législatif plus large, notamment les objets du régime législatif contesté, si la politique qui sous-tend ce régime est conçue dans l’intérêt de divers groupes, l’affectation des ressources, les objectifs d’intérêt public particuliers visés par le législateur et si les limites prévues par le régime tiennent compte de ces facteurs[125].
[97] Deux principes doivent aussi être pris en compte dans l’analyse en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne. D’abord, cette disposition n’a pas pour effet d’imposer à l’État une obligation positive générale de remédier aux inégalités sociales ou d’adopter des lois réparatrices[126]. S’il en était autrement, « les tribunaux seraient entraînés de manière inadmissible à s’ingérer dans le rôle complexe dévolu au législateur en matière d’élaboration de politiques et d’affectation des ressources, ce qui serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs »[127]. Ensuite, lorsque l’État légifère pour s’attaquer à des inégalités, il peut procéder de manière graduelle[128].
[98] Le cadre analytique étant établi, il y a lieu de l’appliquer à chacune des dispositions législatives contestées. Je ferai quelques remarques préliminaires quant au groupe visé et au motif analogue invoqué pour ensuite procéder à une analyse des dispositions de l’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif et de l’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune en regard du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne.
Le groupe visé et le motif analogue invoqué
[99] Comme je l’ai déjà noté, il faut prendre garde de confondre les Indiens non inscrits avec les Indiens inscrits résidant hors réserve. Cette confusion est d’autant plus possible dans le présent dossier puisque les membres de l’AAQ comprennent à la fois des Indiens non inscrits et des Indiens résidant hors réserve qui ont été inscrits au registre de la Loi sur les Indiens à la suite de la Loi C-31 ou de la Loi S-3.
[100] Or, le recours entrepris ne vise pas les Indiens inscrits, y compris ceux qui ont été inscrits ou qui peuvent l’être en vertu desdites lois modificatrices et réparatrices et qui continuent d’être membres de l’AAQ. Seuls les Indiens qui ne peuvent obtenir une inscription au registre des Indiens malgré ces lois modificatrices et réparatrices sont visés par le recours.
[101] Il faut aussi garder à l’esprit que les Indiens non inscrits visés par le recours ne sont donc plus ceux qui ont fait l’objet d’une discrimination envers les femmes autochtones et leurs descendants dans l’inscription au registre prévu par la Loi sur les Indiens. En effet, la Loi C-31 a remédié en grande partie à cette discrimination, alors que la Loi S-3 a mis fin à toute discrimination résiduelle à ces égards. La Loi S-3 requiert d’ailleurs que le ministre responsable fasse rapport au Parlement afin de déterminer si quelque iniquité résiduelle fondée sur le sexe quant à l’inscription au registre des Indiens existerait toujours à la suite de son adoption[129]. Dans son rapport final au Parlement à ce sujet, le ministre conclut que toutes les iniquités fondées sur le sexe ont été effectivement éliminées[130]. Cette conclusion pourrait être invalidée à la suite d’un examen judiciaire plus poussé, mais il est fort improbable que ce soit le cas vu la rédaction de l’article 9 de la Loi S-3[131] :
9. Les dispositions de la Loi sur les Indiens qui sont modifiées par la présente loi s’interprètent de façon large afin de remédier à tout désavantage qu’ont subi les femmes ou leurs descendants nés avant le 17 avril 1985 en ce qui a trait à l’inscription au titre de la Loi sur les Indiens dans sa version du 17 avril 1985 et afin de parvenir à un traitement égal, sous le régime de la Loi sur les Indiens, des femmes et des hommes et de leurs descendants. | 9. The provisions of the Indian Act that are amended by this Act are to be liberally construed and interpreted so as to remedy any disadvantage to a woman, or her descendants, born before April 17, 1985, with respect to registration under the Indian Act as it read on April 17, 1985, and to enhance the equal treatment of women and men and their descendants under the Indian Act. |
[102] Ainsi, toutes les femmes autochtones et leurs descendants qui ont fait l’objet d’une discrimination fondée sur le sexe en regard de l’inscription en vertu de la Loi sur les Indiens sont maintenant soit inscrits au registre ou peuvent y être inscrits. Ils ne sont donc pas visés par le recours.
[103] Puisque les appelants n’ont jamais modifié leurs procédures pour tenir compte de ces modifications législatives importantes, notamment afin d’élargir le groupe visé par leur recours, ce groupe ne comprend donc que les Indiens non inscrits résidant au Québec et dont l’absence d’inscription au registre de la Loi sur les Indiens serait attribuable à autre chose qu'une discrimination fondée sur le sexe.
[104] Notons également que même si un individu est un Indien non inscrit résidant au Québec, il peut néanmoins être un bénéficiaire cri, inuk ou naskapi en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois[132] ou, selon le cas, de la Convention du Nord-Est québécois[133], puisque les règles d’inscription en vertu de ces conventions et les lois qui les ont mises en œuvre le permettent à certaines conditions[134]. Par ailleurs, un Indien non inscrit peut aussi devenir un membre d’une bande indienne malgré qu’il ne soit pas éligible à l’inscription au registre des Indiens tenu en vertu de la Loi sur les Indiens. En effet, une bande indienne peut décider, conformément à l’article 10 de la Loi sur les Indiens, de contrôler l’appartenance de ses effectifs en vertu des règles qu’elle fixe elle-même. Un individu pourrait donc être inscrit comme membre d’une bande si les règles d’appartenance de celle-ci le permettent, et ce, même s’il n’est pas inscrit au registre prévu par la Loi sur les Indiens.
[105] Il en découle que le groupe visé par le recours entrepris conformément au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne est celui des Indiens non inscrits qui résident au Québec et qui ne peuvent pas être inscrits au registre tenu en vertu de la Loi sur les Indiens, ou qui ne peuvent pas être inscrits comme bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ou de la Convention du Nord-Est québécois, ou encore qui ne peuvent pas être inscrits comme membres d’une bande indienne qui a adopté ses propres règles d’appartenance.
[106] Comme je l’ai déjà noté, bien que les Indiens non inscrits qui résident au Québec aient été relativement nombreux lors de la création de l’AAQ en 1972 – la preuve au dossier permet d’estimer qu’ils étaient entre 23 000 et 50 000 en 1976[135] – les modifications subséquentes à la Loi sur les Indiens élargissant considérablement l’inscription au registre, notamment la Loi C-31 et la Loi S-3, permettent raisonnablement d’inférer que leur nombre a grandement diminué depuis.
[107] Par ailleurs, le motif analogue de discrimination invoqué par les appelants en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne, soit « Indiens non inscrits », n’a pas à ce jour été reconnu par un tribunal d’appel. Contrairement à ce que les appelants soutiennent dans leur mémoire, dans l’arrêt Ardoch, le juge Rothstein (alors à la Cour d’appel fédérale) n’a pas statué sur la question, vu que le gouvernement dans cette affaire n’avait pas prétendu qu’une distinction dans le motif analogue de discrimination fondé sur l’ « autochtonalité-lieu de résidence » reconnu dans Corbiere[136] devait être faite entre les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits; il n’était « donc pas nécessaire de décider si une telle distinction devrait être faite ici »[137]. De plus, dans l’arrêt Lovelace, le juge Iacobucci, pour une Cour suprême unanime, a conclu que l’exclusion des communautés autochtones non constituées en bandes de la participation à un fonds de revenus provenant d’un casino ne contrevenait pas à l’article 15 de la Charte canadienne[138].
[108] Le jugement dans K.F.[139], de la Cour supérieure de l’Ontario sur lequel les appelants s’appuient ne lie pas la Cour et est par ailleurs peu convaincant vu que la matrice factuelle dans cette affaire de placement d’un enfant ne permettait pas de conclure au caractère discriminatoire de la mesure contestée[140]. Quant au jugement G.H.[141], une autre affaire de placement d’un enfant de la Cour supérieure de l’Ontario qui ne lie pas la Cour, bien qu’il y soit énoncé que toute distinction dans l’inscription au registre prévu par la Loi sur les Indiens serait un motif analogue aux fins du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne[142], ni le procureur général de l’Ontario ni celui du Canada n’étaient des parties à l’instance et ni les regroupements autochtones concernés par ailleurs[143]; il fut subséquemment conclu que la preuve était plutôt ténue, sinon inexistante, quant à l’héritage autochtone de l’enfant concerné[144]. Ce jugement m’apparaît donc peu persuasif quant au motif analogue.
[109] La question de la reconnaissance du motif analogue de discrimination d’« Indiens non inscrits » demeure donc entière. Il n’y a pas lieu de répondre à cette question dans le cadre du présent appel puisque – pour les motifs énoncés ci-bas – les prétentions des appelants fondées sur le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne peuvent être rejetées sans qu’il soit nécessaire pour la Cour de se prononcer sur le motif analogue allégué. Cela étant, le reste de l’analyse en vertu du paragraphe 15(1) s’effectuera comme si le motif analogue invoqué par les appelants était reconnu, bien que cette question ne soit pas tranchée par le présent arrêt.
L’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif
[110] L’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif fut adopté en 1999 en même temps que les autres dispositions législatives confirmant par voie législative la constitution, au sein du Conseil exécutif du Québec, d’une section relative aux affaires autochtones[145]. Cette loi vise à fournir une assise juridique plus solide au secrétariat administratif qui était antérieurement responsable de ces questions au sein du gouvernement du Québec[146].
[111] L’article contesté dispose de ce qui suit :
3.48. Dans le respect des responsabilités conférées par la présente loi au ministre visé à l’article 3.1 et de celles conférées par la Loi sur le ministère des Relations internationales (chapitre M-25.1.1) au ministre des Relations internationales, le ministre veille à la négociation et s’assure de la mise en œuvre de toute entente entre le gouvernement, l’un de ses ministères ou l’un de ses organismes et une nation autochtone représentée par l’ensemble des conseils de bande des communautés qui la constituent, une communauté autochtone représentée par son conseil de bande ou par le conseil du village nordique, un regroupement de communautés ainsi représentées ou tout autre regroupement autochtone. | 3.48. With due regard for the responsibilities conferred by this Act on the Minister referred to in section 3.1 and for those conferred on the Minister of International Relations by the Act respecting the Ministère des Relations internationales (chapter M.25.1.1), the Minister shall oversee the negotiation of every agreement between the Government or any of its departments or agencies and a Native nation represented by the band councils of all the communities forming the Native nation, a Native community represented by its band council or by its council in the case of a Northern village, a group of communities so represented or any other Native group, and shall ensure that the agreement is implemented.
|
Aux fins de la présente sous-section, est un organisme du gouvernement une personne morale ou un organisme dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, dont la loi ordonne que les fonctionnaires ou employés soient nommés suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1), ou dont les ressources proviennent, pour plus de la moitié, du fonds consolidé du revenu. | For the purposes of this subdivision, a legal person or agency to which the Government or a minister appoints the majority of the members, to which, by law, the officers or employees are appointed in accordance with the Public Service Act (chapter F-3.1.1) or more than half of whose resources are derived from the Consolidated Revenue Fund is an agency of the Government.
|
[Soulignement ajouté] | [Emphasis added] |
[112] Les prétentions des appelants quant à cette disposition législative échouent à la première étape de l’analyse en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne. En effet, il est manifeste à sa lecture que cet article ne crée pas une distinction fondée sur le motif analogue invoqué d’« Indiens non inscrits », dans la mesure où un tel motif analogue serait reconnu par les tribunaux, une question à laquelle il n’est pas nécessaire de répondre aux fins du présent appel pour les motifs déjà exposés.
[113] Au contraire, la disposition législative en cause permet au ministre responsable de conclure une entente non seulement avec une communauté autochtone représentée par son conseil de bande ou un regroupement de telles communautés, mais aussi avec « tout autre regroupement autochtone ». Ces derniers mots sont suffisamment larges pour comprendre un regroupement d’Indiens non inscrits.
[114] Ainsi, la rédaction de la disposition législative n’est pas discriminatoire à l’égard des Indiens non inscrits puisque sa rédaction permet de les inclure, dans la mesure où le ministre responsable souhaite effectivement conclure une entente avec un regroupement de ceux-ci.
[115] Ce n’est donc pas la disposition législative qui serait en violation du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne, mais plutôt sa mise en œuvre par le ministre responsable. La preuve établit en effet que le gouvernement du Québec n’entend pas conclure d’entente avec un regroupement de Métis ou d’Indiens non inscrits, à moins que ce regroupement n’établisse que ses membres répondent aux critères énoncés par la Cour suprême du Canada afin de les reconnaître comme autochtones. La note d’information du 6 février 2010 du Secrétaire général associé aux Affaires autochtones[147], dont le texte est en partie reproduit ci-haut, est plutôt limpide à cet égard. Dans la mesure où le recours des appelants comprend une demande implicite fondée sur la mise en œuvre de l'article 3.48 plutôt que sa validité, il y aurait aussi lieu de la rejeter à la première étape de l’analyse en vertu du paragraphe 15(1).
[116] En effet, la politique gouvernementale exprimée dans la note d’information du 6 février 2010 ne vise pas à exclure les regroupements de Métis ou d’Indiens non inscrits de toute entente avec le gouvernement du Québec, mais plutôt à assujettir la conclusion d’une telle entente à ce que le regroupement qui la sollicite établisse que ses membres répondent aux critères énoncés par la Cour suprême du Canada afin de les reconnaître comme autochtones, en l’occurrence des Indiens non inscrits. Or, comme le juge de première instance l’a conclu, la preuve dans le dossier est fort déficiente à cet égard pour la plupart des membres de l’AAQ. Le refus du gouvernement du Québec de conclure des ententes avec l’AAQ ne résulte donc pas d’une mesure discriminatoire, mais de l’incapacité de cette association d’établir que ses membres sont, pour la plupart, des Indiens non inscrits pouvant légitimement se prévaloir d’un statut d’autochtone.
[117] Par ailleurs, la preuve est aussi fort déficiente au regard des éléments contextuels de la situation des membres de l’AAQ. Ainsi, le rapport d’expertise préparé pour les appelants[148] ne contient aucune analyse socio-économique des Indiens non inscrits ni des membres de l’AAQ qui se réclament Indiens non inscrits. Ce sujet n’y est tout simplement pas abordé. Il en résulte qu’aucune analyse comparative des conditions socio-économiques des Indiens non inscrits par rapport aux Indiens inscrits, qu’ils résident sur une réserve indienne ou hors réserve, n’est en preuve dans le dossier. Ce rapport d’expertise décrit tout au plus la répartition géographique des membres de l’AAQ, sans autres indications.
[118] De plus, la preuve des conséquences pratiques et réelles de la politique gouvernementale exprimée dans la note d’information du 6 février 2010 sur les membres de l’AAQ est lacunaire, que ce soit sous forme de témoignages, d’expertises, de statistiques ou d’histoires de cas.
[119] Notons aussi que les appelants n’identifient pas la nature des ententes particulières qu’ils souhaiteraient conclure avec le gouvernement du Québec en vertu de l’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif, se contentant de réclamer un droit général de négocier, sans jamais préciser sur quel sujet au juste. C’est donc un droit général de négocier qui est sollicité.
[120] Or, cemanque de précision sur ce qu’on vise à négocier rend difficile une analyse sérieuse en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne, lequel requiert une analyse comparative poussée qui doit s’effectuer dans un contexte précis. De même, sans ces précisions, une éventuelle analyse conformément à l’article 1 de la Charte canadienne devient illusoire.
[121] Je note que dans l’affaire Daniels, tant la Cour fédérale[149], que la Cour d’appel fédérale[150] et la Cour suprême du Canada[151] ont refusé de prononcer une déclaration judiciaire voulant que les Métis et les Indiens non incrits aient un droit général à ce que le gouvernement fédéral les consulte et négocie avec eux de bonne foi sur une base collective relativement à l’ensemble de leurs droits, intérêts et besoins en tant que peuples autochtones. Comme le notait le juge Phelan dans l’affaire Daniels[152] :
[614] En l’absence de détails plus précis sur ce qui doit faire l’objet de consultations ou de négociations, la Cour ne peut donner aucune directive. L’obligation de consulter et de négocier varie selon l’objet en question, la solidité de la revendication, ainsi qu’en fonction d’autres facteurs dont la Cour n’est pas saisie.
[122] Dans ce contexte, je perçois mal comment une déclaration judiciaire similaire fondée sur un droit général de négocier pourrait être énoncée au regard du gouvernement du Québec. Sans exclure qu’une obligation de consulter et de négocier puisse incomber au gouvernement en fonction du contexte particulier lorsque des droits ancestraux sont en jeu[153], dans ce dossier aucun droit ancestral n’est réclamé ni même invoqué.
L’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune
[123] L’article 24.1 fut introduit à la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune en 1997 en même temps que l’article 24.2[154]. L’article 24.1 accorde au gouvernement du Québec le pouvoir de conclure avec les communautés autochtones représentées par leur conseil de bande des ententes destinées à concilier les nécessités de la conservation et de la gestion de la faune avec les activités des autochtones exercées à des fins alimentaires, rituelles ou sociales, ou à faciliter davantage le développement et la gestion des ressources fauniques par ces mêmes communautés. L’article 24.2 habilite en outre le gouvernement à apporter, par voie réglementaire, des adaptations à certains règlements pris en vertu de la loi permettant de mieux concilier les nécessités de la conservation et de la gestion de la faune avec les activités qu’exercent les communautés autochtones à des fins alimentaires, rituelles ou sociales.
[124] Ces articles sont ainsi rédigés :
24.1 Dans le but de mieux concilier les nécessités de la conservation et de la gestion de la faune avec les activités des autochtones exercées à des fins alimentaires, rituelles ou sociales, ou de faciliter davantage le développement et la gestion des ressources fauniques par les autochtones, le gouvernement est autorisé à conclure avec toute communauté autochtone représentée par son conseil de bande des ententes portant sur toute matière visée par les chapitres III, IV et VI.
Les dispositions de ces ententes prévalent sur celles de la présente loi ou de ses règlements. Toute communauté, entreprise ou personne visée par une entente n’est cependant exemptée de l’application des dispositions inconciliables de la présente loi ou de ses règlements que dans la mesure où elle respecte l’entente.
Les ententes conclues en vertu du présent article sont déposées à l’Assemblée nationale dans les 15 jours de leur signature si l’Assemblée est en session ou, sinon, dans les 15 jours de la reprise de ses travaux. Elles sont en outre publiées à la Gazette officielle du Québec. | 24.1. The Government is authorized, to better reconcile wildlife conservation and management requirements with the activities pursued by Native people for food, ritual or social purposes, or to further facilitate wildlife resource development and management by Native people, to enter into agreements with any Native community represented by its band council in respect of any matter to which Chapter III, IV or VI applies.
The provisions of the agreements shall prevail over the provisions of this Act or the regulations. However, a community, undertaking or person to whom or which an agreement applies shall be exempted from the application of irreconcilable provisions of this Act and the regulations only insofar as the community, undertaking or person abides by the terms of the agreement. The agreements entered into under this section shall be tabled before the National Assembly within 15 days of the date on which they are signed if the Assembly is in session, or, if it is not sitting, within 15 days of resumption. They shall also be published in the Gazette officielle du Québec. |
24.2. Le gouvernement est également autorisé, pour mieux concilier les nécessités de la conservation et de la gestion de la faune avec les activités des autochtones exercées à des fins alimentaires, rituelles ou sociales, à apporter, par règlement, des adaptations aux dispositions des règlements pris en vertu des chapitres III, IV et VI. Les dispositions réglementaires prises pour les fins mentionnées au premier alinéa indiquent, s’il y a lieu, à quels communautés autochtones, territoires ou zones elles sont applicables. Elles peuvent en outre déterminer, parmi les sanctions pénales et administratives prévues aux chapitres VII et VII.1, celles qui s’appliqueront en cas d’infraction à ces dispositions. Tout projet de règlement élaboré en vertu du présent article est publié à la Gazette officielle du Québec, avec un avis indiquant qu’il pourra être pris par le gouvernement, avec ou sans modifications, à l’expiration d’un délai de 60 jours à compter de cette publication. Il doit en outre, dans le même délai, être soumis à l’avis des communautés autochtones concernées. | 24.2. The Government is also authorized, to better reconcile wildlife conservation and management requirements with the activities pursued by Native people for food, ritual or social purposes, to provide, by regulation, adaptations to the provisions of the regulations under Chapters III, IV and VI. The regulatory provisions made pursuant to the first paragraph shall, if necessary, identify the Native communities and the territories or zones to which they apply. In addition, they may determine, from among the penal and administrative sanctions provided for in Chapters VII and VII.1, those which will apply in case of contravention. Any draft regulation under this section shall be published in the Gazette officielle du Québec with a notice stating that the regulation may be made by the Government, with or without amendment, on the expiry of 60 days from publication. In addition, the draft regulation must, within the same time limit, be submitted to the Native communities concerned for their advice. |
[125] L’invocation dans ces articles 24.1 et 24.2 aux « activités des autochtones exercées à des fins alimentaires, rituelles ou sociales » fait manifestement référence aux droits ancestraux de chasse et de pêche reconnus dans les arrêts Adams[155] et Côté[156] rendus le 3 octobre 1996, soit peu avant l'introduction de ces articles dans la loi. La Cour suprême y a conclu que des droits ancestraux de pêche et de chasse à des fins alimentaires, rituelles ou sociales peuvent être établis sans être nécessairement fondés sur un titre ancestral visant le territoire où ces activités ancestrales s’exercent[157]. Elle y a aussi rejeté la prétention du procureur général du Québec voulant que les droits ancestraux des peuples autochtones ne pouvaient être reconnus dans le territoire du Québec qui était antérieurement assujetti au régime colonial de la Nouvelle-France avant 1763[158].
[126] C’est ainsi que le 28 mai 1997, lors de la présentation du projet de loi introduisant les articles 24.1 et 24.1 dans la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, le ministre responsable explique aux parlementaires que l’objet principal visé est d’encadrer l’exercice des droits ancestraux des communautés autochtones à la suite des arrêts Adams et Côté prononcés par la Cour suprême du Canada à peine quelques mois auparavant. Les extraits suivants de la déclaration du 28 mai 1997 du ministre responsable aux parlementaires sont fort éclairants à ces égards[159] :
Ce projet de loi a un aspect préventif, parce qu’on se souviendra, à l’automne dernier, il y a eu un autre jugement de la Cour suprême qui essentiellement – et je le résume, je ne suis pas juriste – disait, le jugement de la Cour suprême reconnaissait à deux groupes autochtones du Québec, deux bandes autochtones, une algonquine et une mohawk, le droit de prélever à des fins alimentaires et rituelles du poisson dans ce cas-ci et qu’ils avaient le droit d’exercer ces prélèvements.
Dans le même souffle, la Cour suprême disait : « Ce droit doit néanmoins s’exercer et être encadré par l’obligation qu’ont les gouvernements d’encadrer le prélèvement dans une perspective de conservation et de mise en valeur juste de la faune. » De sorte que le premier article de ce projet de loi, 24.1, vise à autoriser le ministre de l’Environnement et de la Faune à convenir d’ententes, à en arriver à des ententes avec les communautés autochtones portant sur toute matière visée par la loi, c’est-à-dire la conservation de la faune. Mais dans l’éventualité où il n’y aura pas d’entente, et ce projet de loi est préventif dans la mesure où, à la lumière du jugement de la Cour suprême, et là, je ne veux surtout pas être prophète de malheur, mais nous avons des indications à l’effet que certains groupes, certaines communautés pourraient utiliser ce jugement dans une perspective sans doute d’établir encore plus loin leur droit de procéder à des activités de prélèvement à des fins alimentaires, rituelles et sociales qui pourraient porter préjudice à la faune, à son habitat et au principe de pérennité des troupeaux et des cheptels des gibiers que l’on prélève. C’est pour ça que l’article 24.2 dit que le gouvernement est autorisé, dans une perspective de concilier la nécessité de conservation et de gestion de la faune avec les activités autochtones exercées à des fins alimentaires, rituelles ou sociales, à apporter par règlement des adaptations aux dispositions de la présente loi ou de ses règlements. C’est-à-dire que, même si, pour une raison quelconque, qu’elle soit d’ordre politique ou d’ordre logistique, nous arrivons dans une situation où le ministre de l’Environnement et de la Faune, appuyé de ses biologistes, arrive à la conclusion qu’il y a un prélèvement exagéré d'un cheptel dans une région – prélèvement exagéré fait par l’ensemble des gens qui prélèvent : les autochtones, mais à la fois les non-autochtones – le ministre de l’Environnement et de la Faune peut suggérer, recommander à ses collègues du Conseil des ministres d’adopter un règlement pour encadrer le prélèvement et faire en sorte que ce ne soit pas le gibier, finalement, qui écope du fait qu’il n’y ait pas d’entente.
[127] Or, en l’espèce, les appelants ont délibérément choisi de n’invoquer aucun droit ancestral. La première partie de l’analyse en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne échoue donc ici aussi, puisque les ententes envisagées par l’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune visent à encadrer l’exercice de droits ancestraux de chasse et de pêche à des fins alimentaires, rituelles ou sociales, soit des droits que les appelants ne revendiquent pas et au sujet desquels ils n’ont présenté aucune preuve.
[128] Ainsi, la preuve d’un effet disproportionné causé par la loi contestée n’a pas été faite, vu l’absence de toute revendication par les appelants fondée sur un droit ancestral. De fait, les appelants font un usage détourné du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne afin de revendiquer un droit général de négocier des ententes pour encadrer l’exercice de droits ancestraux de chasse et de pêche à des fins alimentaires, rituelles ou sociales sans qu’ils aient à établir, même prima facie, qu'ils sont titulaires de tels droits conformément à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La Cour ne devrait pas entériner un tel usage du paragraphe 15(1).
La liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne
[129] Les appelants contestent aussi la conclusion du juge de première instance, écartant leurs prétentions fondées sur la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne. Leurs arguments à cet égard dans leur mémoire d’appel sont plutôt succincts et se résument essentiellement à une référence à l’arrêt Health Services[160].
[130] Bien que, dans le contexte des relations du travail, le droit d’association comporte effectivement un droit restreint de négocier collectivement les conditions de travail, comme l’énonce notamment l’arrêt Health Services[161], en dehors de ce contexte fondé sur l’histoire des relations du travail et les conventions internationales portant sur les relations industrielles, les appelants ne citent aucune jurisprudence qui obligerait un tiers à négocier avec un groupe au motif que refuser de le faire porterait atteinte à la liberté d’association du groupe.
[131] Sans conclure qu’un droit de négocier ne pourrait jamais être compris dans la liberté d’association en dehors du contexte des relations du travail, il n’y a pas lieu d’en discuter plus à fond dans cette affaire, vu le caractère lacunaire de la preuve dans le dossier sur cette question et l’absence d’un argumentaire développé à cet égard dans les mémoires d’appel respectifs des parties.
Les articles 7 et 8 de la Charte canadienne
[132] Bien que les conclusions recherchées comprennent des déclarations judiciaires d’invalidité de l’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune fondées sur les articles 7 et 8 de la Charte canadienne, les appelants n’en traitent pas dans l'argumentation dans leur mémoire d’appel. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que les appelants ont abandonné leurs moyens fondés sur ces dispositions.
Deuxième question : Le juge de première instance a-t-il erré en fait et en droit en concluant que les appelants n’étaient pas visés par la Résolution de l’Assemblée nationale?
[133] La Résolution fut adoptée par l’Assemblée nationale le 20 mars 1985 sur proposition du premier ministre du Québec, René Lévesque. Le texte de cette Résolution[162], avec l’ajout de 1989 pour y inclure les Malécites[163], prévoit ceci :
Que cette Assemblée :
Reconnaisse l’existence au Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, malécite[164], micmaque, mohawk, montagnaise, naskapie et inuit;
Reconnaisse leurs droits ancestraux existants et les droits inscrits dans les conventions de la Baie-James et du Nord québécois et du Nord-Est québécois;
Considère que ces conventions, de même que toute autre convention ou entente future de même nature, ont valeur de traités;
Souscrive à la démarche que le gouvernement a engagée avec les Autochtones afin de mieux reconnaître et préciser leurs droits, cette démarche s’appuyant à la fois sur la légitimité historique et sur l’importance pour la société québécoise d’établir avec les Autochtones des rapports harmonieux fondés sur le respect des droits et la confiance mutuelle;
Presse le gouvernement de poursuivre les négociations avec les nations autochtones en se fondant, sans s’y limiter, sur les quinze principes[165] qu’il a approuvés le 9 février 1983 en réponse aux propositions qui lui ont été transmises le 30 novembre 1982 et à conclure avec les nations qui le désirent ou l’une ou l’autre des communautés[166] qui les constituent des ententes leur assurant l’exercice :
a) du droit à l’autonomie au sein du Québec;
b) du droit à leur culture, leur langue, leurs traditions;
c) du droit de posséder et de contrôler des terres;
d) du droit de chasser, pêcher, piéger, récolter et participer à la gestion des ressources fauniques;
e) du droit de participer au développement économique du Québec et d’en bénéficier, de façon à leur permettre de se développer en tant que nations distinctes ayant leur identité propre et exerçant leurs droits au sein du Québec;
Déclare que les droits des Autochtones s’appliquent également aux hommes et aux femmes;
Affirme sa volonté de protéger dans ses lois fondamentales les droits inscrits dans les ententes conclues avec les nations autochtones du Québec; et
Convienne que soit établi un forum parlementaire permanent permettant aux Autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins.
[134] Comme le juge de première instance[167], on peut aisément conclure d’une simple lecture de la Résolution que :
a) c’est l’existence au Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, malécite, micmaque, mohawk, montagnaise, naskapie et inuit qui y est reconnue;
b) ce sont les droits ancestraux existants de ces nations qui y sont aussi reconnus, de même que les droits inscrits dans les Conventions de la Baie James et du Nord québécois et du Nord-Est québécois convenues avec les nations crie, inuit et naskapie; et
c) ce sont ces nations ou l’une ou l’autre des communautés qui les constituent avec lesquelles le gouvernement est pressé de poursuivre des négociations sur les sujets énumérés.
[135] Il ne fait aucun doute que la Résolution ne reconnaît ni une nation autochtone distincte dite des « Indiens non inscrits », ni des droits distincts pour les Indiens non inscrits. D’ailleurs, lors de l’audition de l’appel, le procureur des appelants a confirmé que le recours ne portait plus sur une reconnaissance des Indiens non inscrits comme une nation autochtone distincte. Il serait d’ailleurs fort malaisé de le soutenir, puisque la preuve établit sans ambiguïté que le gouvernement du Québec n’a jamais eu l’intention de reconnaître dans la Résolution les Indiens non inscrits comme une nation autochtone distincte. La lettre du 30 janvier 1985 du secrétaire général associé du Conseil exécutif à l’appelant Fernand Chalifoux, rédigée dans le contexte de l’adoption de la Résolution, est d’ailleurs explicite à cet égard[168]. Cette lettre est reproduite dans le jugement de première instance[169], mais il est utile d’en reproduire ici quelques extraits pertinents :
Monsieur Lévesque a pris bonne note de vos commentaires sur cette motion [la Résolution]. En ce qui concerne la reconnaissance des membres de votre groupe à titre de nation, il semble impossible de donner suite à votre demande. Une nation, ou un peuple, est généralement constituée d’un ensemble d’individus ayant plusieurs points communs tels l’origine ethnique, l’histoire, la langue, les coutumes, le territoire.
De façon générale, les membres de l’Alliance ne semblent pas rencontrer ces quelques critères si ce n’est de partager en commun leur exclusion de la loi fédérale sur les Indiens. À notre avis, ce n’est pas en reconnaissant que les membres de votre association forment une nation que nous parviendrons à corriger les torts sérieux que la société dominante a pu causer aux autochtones. Au contraire, une telle reconnaissance risquerait d’approfondir une division qui, pour l’instant, nous apparaît bien superficielle et que nous voulons croire encore possible de réparer si tous veulent bien y mettre un peu de bonne volonté.
[Soulignement ajouté]
[136] Or, les appelants tentent néanmoins d’atteindre le même but, mais par un nouveau syllogisme selon lequel les membres de l’AAQ feraient intégralement partie des nations autochtones nommément reconnues par la Résolution et qu’en conséquence, l’AAQ serait ainsi elle-même une « communauté » constituante de ces nations autochtones à l’égard desquelles le gouvernement serait pressé de conclure une entente selon les termes de la Résolution. Ce syllogisme ne saurait être retenu. Voici pourquoi.
[137] Il fait peu de doute, compte tenu du contexte menant à l’adoption de la Résolution, que le premier ministre Lévesque ne souhaitait pas exclure comme membres des nations autochtones reconnus les individus qui avaient été exclus de l’inscription au registre de la Loi sur les Indiens par suite de discrimination à l’égard des femmes autochtones et de leurs descendants. Dans le cadre des discussions menant à l’adoption de la Résolution, le gouvernement du Québec laissait d’ailleurs savoir qu’il n’entendait pas être nécessairement lié par les critères alors applicables de la Loi sur les Indiens afin de reconnaître un individu comme Indien, vu le caractère notoirement discriminatoire de ces critères. Les propos du premier ministre Lévesque à l’Assemblée nationale lors de la présentation de la Résolution le 19 mars 1985 résument bien l’approche retenue[170] :
C’est pourquoi, dès 1978, notre gouvernement commençait par se démarquer de la notion fédérale d’Indien. Excusez-moi M. le Président.
En 1980, nous réitérons publiquement cette politique en assurant spécifiquement « Les femmes indiennes du Québec, qu’elles soient ou non inscrites en vertu de la Loi sur les Indiens et, particulièrement, celles qui ont perdu ou qui perdront leur statut par suite de leur mariage avec un non Indien, que le Gouvernement du Québec les reconnaît toujours comme Indiennes du fait de leur ascendance et de leur appartenance au milieu amérindien ». On sait que, encore en ce moment et cela va probablement rebondir d’une certaine façon, à moins que ce ne soit remis encore aux calendes grecques, le mois prochain, le problème pourrait ressurgir parce que, dans certains coins du Canada, qu’on n’a pas à juger, cette perte de statut, non seulement des femmes indiennes qui se sont mariées avec des non Indiens mais des enfants issus de ces mariages, c’est encore un fait. Ici au Québec, pour autant que notre juridiction le permettait, dès 1980, nous l’avons éliminé de nos textes cette espèce de discrimination invraisemblable et nous espérons qu’un jour ce serait vrai partout.
[138] Cependant, le premier ministre ne souhaitait pas reconnaître aux Indiens non inscrits un caractère distinct qui les éloignerait encore plus des nations autochtones reconnues, le concept « d’Indiens non inscrits » étant alors compris comme étant largement composé des femmes autochtones et de leurs descendants exclus de l’inscription au registre de la Loi sur les Indiens pour des motifs discriminatoires fondés sur le sexe.
[139] La lettre du 12 septembre 1983 du premier ministre à l’appelant Fernand Chalifoux fait largement état de cette position[171]. Cette lettre est reproduite en partie dans le jugement de première instance[172], mais elle est reproduite ici en entier. Elle doit être lue en tenant à l’esprit qu’elle fut rédigée avant l’adoption de la Loi C-31 de 1985 :
La présente fait suite à votre lettre du 23 juin dernier concernant la place qu’occupent les Métis et Indiens sans statut du Québec au sein des nations autochtones du Québec. Plus particulièrement, vous me demandez de confirmer que les membres de votre groupe et ceux susceptibles de s’y joindre forment une nation autochtone distincte et d’en aviser les ministères en conséquence.
Comme vous me le rappelez si bien, le gouvernement du Québec a déjà reconnu qu'il entendait, dans ses programmes et politiques s'adressant aux autochtones, s'en tenir à ses propres critères et ne pas se sentir nécessairement lié par la loi fédérale sur les Indiens. C'est ainsi par exemple que certains règlements concernant les impôts et les taxes ont été modifiés afin de permettre à toute personne d'ascendance indienne d'être bénéficiaire de diverses exemptions.
Au niveau des individus donc, je ne crois pas qu'il subsiste de véritable malentendu. Cependant, il en va autrement, semble-t-il, lorsqu’il s’agit de l'ensemble des Indiens sans statut du Québec représentés par l'Alliance. Vous prétendez qu'ils forment un peuple distinct au sens de la loi constitutionnelle de 1982 ou une nation autochtone reconnue par le gouvernement lors de sa réponse en quinze points au front commun des autochtones du Québec.
Je me dois de vous dire que tel n'est pas le point de vue du gouvernement.
Nous sommes d'avis que les Indiens sans statut du Québec ne forment pas une nation distincte et je croyais, jusqu'à la réception de votre lettre, que nous nous entendions sur cette question. Tant vous-même que votre prédécesseur à la tête de l'Alliance Laurentienne avez déclaré publiquement soit dans votre journal (vol. 9, no 4) soit dans la revue Rencontre (vol. 1, no 3) qu'au Québec les “Métis’’ et Indiens sans statut se percevaient avant tout comme des Indiens et, en conséquence, se rattachaient d'abord aux nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, micmaque, mohawk, montagnaise ou naskapie selon la bande d'où ils provenaient. C'est pourquoi nous avons toujours considéré que les membres de votre Association étaient ou, à tout le moins, devaient être reconnus, tout comme ceux qui n'ont pas artificiellement perdu leur statut, membres de l'une ou l'autre nation amérindienne du Québec.
Le fait que maintenant la loi constitutionnelle de 1982 mentionne dans son article 35 les Métis du Canada ne me semble pas déterminant et ne peut changer votre réalité historique. Bien entendu ce terme restera à définir, mais je serais porté à croire qu’il vise d’abord les Métis de l’ouest canadien, héritiers de Louis Riel.
Tout ceci ne veut pas dire pour autant que le gouvernement du Québec entende délaisser votre organisation. Vos membres, du fait même d’une appartenance biologique et culturelle aux communautés locales, ont un rôle important à jouer dans le développement et l’unification des nations autochtones. Au niveau québécois, votre participation au sein du front commun des autochtones sur les questions constitutionnelles est pour nous un exemple tangible des possibilités de réunification qui existent et qui doivent être encouragées.
En terminant, soyez assuré que de notre côté nous continuerons nos efforts pour que vos membres bénéficient individuellement des mêmes avantages que leurs frères statués et nous étudieront sérieusement tout projet, toute initiative de votre organisation ayant pour objectif de favoriser le développement des nations autochtones du Québec.
[140] C’est donc comme membres des nations autochtones reconnus du Québec que le premier ministre entendait traiter les Indiens non inscrits, lesquels étaient alors largement composés des femmes autochtones et de leurs descendants qui avaient été exclus de l’inscription au registre de la Loi sur les Indiens pour des motifs discriminatoires. La Résolution de l’Assemblée nationale reflète tout à fait cette approche.
[141] Cela étant, la preuve établit aussi qu’il n’était nullement question de reconnaître les Indiens non inscrits comme une nation distincte ni de conférer des droits distincts à ceux-ci. Selon la Résolution, c’est plutôt par l’intermédiaire des nations autochtones reconnues ou l’une ou l’autre des communautés qui les constituent que les discussions concernant les sujets énumérés devaient être tenues, y compris pour les membres de ces nations autochtones qui seraient des Indiens non inscrits.
[142] Si l’AAQ peut certes tenter de participer aux débats et agir auprès du gouvernement du Québec afin d’améliorer les conditions des Indiens non inscrits, la Résolution ne lui confère pas des droits et ne lui reconnaît aucun statut à cette fin. Le texte de la Résolution est plutôt limpide à ces égards. C’est en ce sens qu’il faut comprendre les propos du premier ministre lors des débats parlementaires portant sur l’adoption d’une modification à la Résolution afin d’y remplacer le mot « bande » par « communautés » au cinquième paragraphe[173] :
En terminant, on me permettra, M. le Président, de proposer, conformément à plusieurs recommandations qu’on a reçues depuis le dépôt de la présente motion, que le mot bande, qui est très courant, mais pas partout chez nos concitoyens amérindiens, soit remplacé par le mot communauté, au cinquième paragraphe de la motion. Ce nouveau terme, qui est tout simplement plus englobant que le précédent, est également plus respectueux de la diversité des nations autochtones et convient mieux, en particulier, lorsqu’on s’adresse aux Inuit. Il pourrait aussi permettre, le cas échéant, de conclure des ententes avec une communauté autochtone composée d’un groupe d’Indiens important, mais qui serait sans statut ou hors réserve, et on sait qu’il y en a plusieurs milliers chez nous.
[Soulignement et caractère gras ajoutés]
[143] Lue dans le contexte global de son adoption, la Résolution de l’Assemblée nationale n’interdit pas au gouvernement de conclure une entente avec une autre communauté autochtone qui ne serait pas visée par celle-ci. Elle le permet, comme le soulignait le premier ministre dans le texte précité. La reconnaissance par le Québec des Malécites comme nation autochtone distincte en est d’ailleurs un exemple frappant. Cela étant, elle n’engage pas le gouvernement à négocier une entente avec une telle communauté. Par ailleurs, il se dégage de l’analyse du texte de la Résolution et du contexte dans lequel elle fut adoptée, qu’aucun droit particulier ni aucun statut particulier n'est conféré à l’AAQ ou à ses membres par celle-ci.
[144] C’est donc à bon droit que le juge de première instance a refusé d’accorder les conclusions déclaratoires sollicitées fondées sur la Résolution de l’Assemblée nationale.
Troisième question : Le juge de première instance a-t-il erré en droit lorsqu’il a refusé de reconnaître une portée obligatoire à la Résolution de l’Assemblée nationale?
[145] Le juge a conclu que la Résolution n’avait pas, à l’égard du gouvernement, un caractère obligatoire[174]. Il aurait dû s’abstenir de se prononcer sur cette question, et ce, pour deux principales raisons : 1) vu sa conclusion voulant que le contenu de la Résolution n’appuyait pas les prétentions des appelants quant aux conclusions déclaratoires sollicitées, il n’était pas nécessaire – ni même utile – pour le juge de se prononcer sur le caractère obligatoire de celle-ci; et 2) par ailleurs, aucune des nations autochtones visées par la Résolution n'a été mise en cause dans le dossier et ces nations autochtones n’ont donc pu faire valoir leur point de vue sur la question. Dans ces circonstances, il incombait au juge de première instance de faire prévaloir son devoir de réserve.
[146] Par ailleurs, la portée juridique de la Résolution est tout sauf limpide. La conclusion du juge de première instance voulant qu’elle ne produise aucun effet juridique est ainsi fort contestable et apparaît même erronée, à première vue du moins. Je m’explique.
[147] Il est établi qu’une résolution de l’Assemblée nationale qui exprime une opinion n’a pas d’effet normatif. C’est ce que la Cour a décidé dans l’arrêt Michaud[175]. Cela étant, outre l’expression d’une opinion, une résolution de l’Assemblée nationale peut aussi exprimer une intention, affirmer un fait ou affirmer un principe[176]. Or, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’effet normatif d’une résolution de l’Assemblée nationale exprimant une intention, affirmant un fait ou affirmant un principe. On sait, à tout le moins, qu’un tel type de résolution, même si le contexte de son adoption ou son texte permettrait de conclure qu’elle n’est pas contraignante, peut néanmoins servir à interpréter une loi ou une disposition réglementaire si le contexte s’y prête[177]. Comme le notait à ce sujet le haut fonctionnaire responsable des questions autochtones pour le gouvernement du Québec, M. Éric Gourdeau, dans la revue Rencontre de juin 1985[178] :
Une Résolution de l’Assemblée nationale, c’est quelque chose de solennel, qui n’a cependant pas toujours d’effet à long terme. Ainsi, l’Assemblée nationale adopte régulièrement des résolutions de félicitations, de sympathies ou de bons vœux. Dans le cas de la Résolution sur les Autochtones, c’est différent.
[Soulignement ajouté]
[148] Le contexte constitutionnel entourant l’adoption de la Résolution, l’ajout de la nation malécite à celle-ci en 1989, la référence à celle-ci dans une loi, le fait qu’au cours des quatre décennies qui se sont écoulées depuis son adoption elle fut décrite par les intervenants gouvernementaux comme un engagement fondamental et, finalement, l’honneur de la Couronne, permettent d’envisager que celle-ci puisse effectivement produire un certain effet juridique, en partie du moins.
[149] Pour résumer brièvement, la preuve dans le dossier permet de conclure que la Résolution fut développée en parallèle aux conférences constitutionnelles prévues par les articles 37 et 37.1 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ces conférences visaient, entre autres, à définir plus précisément les droits ancestraux existants des peuples autochtones du Canada reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La Résolution est, en quelque sorte, l’aboutissement du processus parallèle à ce sujet mis en place par le gouvernement du Québec, vu le refus politique de ce dernier de souscrire à la Loi constitutionnelle de 1982.
[150] Le fait qu’en 1989 l’Assemblée nationale ait ajouté à la Résolution la nation malécite est un facteur supplémentaire laissant entendre que celle-ci constitue plus qu’un vœu pieux. Cet ajout est effectivement une procédure fort curieuse si la Résolution elle-même n’a aucun caractère normatif.
[151] La Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec[179] réfère aussi expressément à la Résolution dans ses considérants et entérine dans ses articles les principaux éléments qui y sont prévus[180] :
CONSIDÉRANT l’existence au sein du Québec des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, innue, malécite, micmaque, mohawk, naskapi et inuit et les principes associés à cette reconnaissance énoncés dans la résolution du 20 mars 1985 de l’Assemblée nationale, notamment leur droit à l’autonomie au sein du Québec; […] | WHEREAS the Abenaki, Algonquin, Attikamek, Cree, Huron, Innu, Malecite, Micmac, Mohawk, Naskapi and Inuit Nations exist within Québec, and whereas the principles associated with that recognition were set out in the resolution adopted by the National Assembly on 20 March 1985, in particular their right to autonomy within Québec; (…) |
11. L’État du Québec reconnaît, dans l’exercice de ses compétences constitutionnelles, les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des nations autochtones du Québec. | 11. In exercising its constitutional jurisdiction, the Québec State recognizes the existing aboriginal and treaty rights of the aboriginal nations of Québec. |
12. Le gouvernement s’engage à promouvoir l’établissement et le maintien de relations harmonieuses avec ces nations et à favoriser leur développement ainsi que l’amélioration de leurs conditions économiques, sociales et culturelles. | 12. The Government undertakes to promote the establishment and maintenance of harmonious relations with the aboriginal nations, and to foster their development and an improvement in their economic, social and cultural conditions. |
[152] La preuve dans le dossier tend aussi à démontrer que le gouvernement du Québec a toujours traité la Résolution comme un texte solennel, historique et liant envers les nations autochtones du Québec[181].
[153] Il est aussi vraisemblable que la Résolution engage l’honneur de la Couronne. Comme l'énonçait récemment le juge Jamal dans l’arrêt Restoule[182], l’honneur de la Couronne n’est pas simplement une belle formule, mais plutôt un précepte fondamental qui peut s’appliquer dans des situations concrètes et qui fait naître différentes obligations selon les circonstances, lesquelles sont tributaires du contexte dans lequel cet honneur est engagé.
[154] Cela étant, il n’y a pas lieu de développer plus à fond l’analyse sur cette question ni d’en décider définitivement, vu que les prétentions des appelants peuvent être rejetées sur le fondement du texte même de la Résolution, plutôt que sur le fondement de son effet normatif. Par ailleurs, dans ces circonstances, il serait fort inapproprié de se prononcer définitivement sur l’effet normatif de la Résolution alors que les principales intéressées, soit les nations autochtones reconnues par celle-ci, n’ont pas eu l’occasion de se faire entendre à ce sujet.
[155] S’il n’y a pas lieu de se prononcer définitivement sur la question, il n’y a pas non plus lieu d’entériner ni de laisser subsister la conclusion du juge de première instance voulant que la Résolution n’ait pas, à l’égard du gouvernement, un caractère obligatoire. La question de la portée juridique de la Résolution devra être décidée par les tribunaux un autre jour dans le contexte d’un litige dans lequel les principales intéressées, soit les nations autochtones du Québec ou du moins l’une d’entre elles, auront eu l’occasion de s’exprimer.
Quatrième question : Le juge de première instance a-t-il erré en droit lorsqu’il a décidé que l’AAQ ne pouvait pas être qualifiée de « communauté » autochtone au sens de la Résolution de l’Assemblée nationale ou d’« organisation autochtone » au sens du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones?
[156] Sous ce moyen d’appel, les appelants soutiennent que l’AAQ doit être qualifiée de communauté autochtone au sens de la Résolution. Cette prétention reprend en grande partie les arguments que les appelants ont soutenus sous leur second moyen d’appel. Il n’y a pas lieu de retenir cette prétention pour les mêmes motifs que ceux déjà exprimés en réponse à ce second moyen.
[157] La prétention principale des appelants sous leur quatrième moyen d’appel est donc que l’AAQ est une « organisation autochtone » au sens du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones[183]. Qu’en est-il?
[158] Le Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones fut adopté sous l’article 43 de la Loi sur les pêches[184], lequel permet au gouvernement fédéral de prendre des règlements d’application de cette loi concernant la gestion et la surveillance judicieuse des pêches en eaux côtières et internes, notamment à des fins sociales, économiques et culturelles.
[159] Les dispositions pertinentes de ce règlement sont les suivantes :
2 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement. ministre En ce qui a trait : a) à la pêche des poissons et des espèces de poissons mentionnés au paragraphe 3(1) du Règlement de pêche du Québec (1990) dans les eaux visées à ce paragraphe, le ministre chargé, dans la province de Québec, de l’application de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, L.R.Q., ch. C-61.1; a.1) à la pêche dans les eaux sans marée de l’Ontario, le ministre des Richesses naturelles de l’Ontario; b) à toute autre pêche, le ministre des Pêches et des Océans. (Minister) organisation autochtone S’entend notamment d’une bande indienne, d’un conseil de bande indienne, d’un conseil de tribu et d’une association qui représente une collectivité territoriale autochtone. (aboriginal organization) [Soulignement ajouté] | 2 In these Regulations, aboriginal organization includes an Indian band, an Indian band council, a tribal council and an organization that represents a territorially based aboriginal community; (organisation autochtone) (…) Minister means, in respect of (a) fisheries for the fish and species of fish described in subsection 3(1) of the Quebec Fishery Regulations, 1990, in the waters referred to in that subsection, the Minister responsible in the Province of Quebec for the application of An Act respecting the conservation and development of wildlife, R.S.Q., c. C-61.1, (a.1) fisheries in the non-tidal waters of Ontario, the Minister of Natural Resources for Ontario; and (b) any other fishery, the Minister of Fisheries and Oceans. (ministre)
(Emphasis added) |
4 (1) Le ministre peut délivrer un permis communautaire à une organisation autochtone en vue de l’autoriser à pratiquer la pêche et toute activité connexe. | 4 (1) The Minister may issue a communal licence to an aboriginal organization to carry on fishing and related activities. |
[160] C’est à la suite de l’arrêt Sparrow[185] de la Cour suprême, rendu en 1990 et établissant la priorité des pêches autochtones ancestrales de subsistance, que le ministère fédéral des Pêches et des Océans a mis en place une stratégie relative aux pêches autochtones qui a mené à l’adoption de ce règlement[186].
[161] Le processus suivi pour la délivrance d’un permis communautaire par le ministre fédéral est le suivant : une étude sur l’utilisation historique et contemporaine des ressources halieutiques doit habituellement être complétée; si cette étude est conclusive, des négociations sont alors menées afin de convenir d’une entente sur la gestion des ressources halieutiques; cette entente est subséquemment sanctionnée par un permis communautaire délivré conformément au règlement[187]. Lorsque la demande est faite par une association qui n’est pas une bande ou un conseil de bande, celle-ci doit aussi établir qu’elle représente une collectivité territoriale autochtone.
[162] À cet égard, l’AAQ et le ministre fédéral des Pêches et Océans ont déjà convenu d’un processus aux fins de convenir d’une telle entente pouvant mener à l’octroi d’un permis communautaire dans les eaux marines adjacentes au Québec[188]. La pièce maîtresse de ce processus consistait en une étude visant l’identification au Québec de communautés autochtones non représentées par des conseils de bande, ainsi que les liens entre ces communautés et les Premières Nations. Cette étude a été réalisée, mais elle n’a pas été déposée dans le dossier pour les fins du recours entrepris. Quoi qu’il en soit, cette étude a été jugée non concluante par le ministre fédéral aux fins d’une entente avec l’AAQ sur les pêches communautaires pouvant mener à un permis communautaire. La lettre du 8 mars 2006 du chef régional de la Division des pêches autochtones de Pêches et Océans Canada à l’AAQ est particulièrement éclairante à cet égard[189] :
Cette lettre fait suite à la dernière requête présentée le 19 février 2003 par un de vos prédécesseurs, M. Fernand Chalifoux. La requête visait à obtenir une entente pour un accès aux pêches communautaires en vertu de la Stratégie relative aux pêches autochtones (SRAPA).
Une révision administrative interne nous indique que le dossier était en suspens et malgré les échanges de correspondance, aucune nouvelle donnée ne nous a été communiquée; une analyse a donc été réalisée sur la base des informations détenues.
L’analyse s’appuie principalement sur le rapport d’étude rédigé par le Groupe Cleary pour le compte de l’Alliance Autochtone du Québec (AAQ) de septembre 2001. Les informations du rapport et les autres informations fournies par l’Alliance Autochtone du Québec ne sont pas suffisantes pour conclure et rédiger une entente pour un accès à la pêche communautaire en vertu de la SRAPA.
En effet, pour conclure une entente sur la pêche commerciale, il serait nécessaire de confirmer les éléments suivants :
identification d’une communauté autochtone et de son assise territoriale;
démonstration de l’utilisation historique, traditionnelle et contemporaine des ressources halieutiques par la communauté;
démonstration du lien traditionnel et historique à la région et/ou à la zone géographique de pêche;
démonstration de l’existence d’une structure de gouvernance fonctionnelle au sein de la communauté.
[…]
[Soulignement ajouté]
[163] Le rejet de la demande de l’AAQ fut subséquemment confirmé le 20 novembre 2007 par le ministre des Pêches et Océans, lequel y réitère les critères énoncés dans la lettre précitée du 8 mars 2006[190] : « identification of an Aboriginal community and its land base; demonstration of the historical, traditional and current use of fishery resources by the community; demonstration of a traditional and historical link to the region and/or geographic fishing area; and demonstration of the existence of a functional governance structure in the community ».
[164] Il en est ainsi puisque, bien que le Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones autorise la délivrance d’un permis communautaire à une association qui n’est ni une bande indienne ni un conseil de bande au sens de la Loi sur les Indiens, encore faut-il que ce soit une association qui représente une « collectivité territoriale autochtone » (« a territorially based aboriginal community »).
[165] Or, la preuve présentée par l’AAQ dans le cadre de son recours judiciaire est fort déficiente à cet égard, sinon inexistante. Dans ces circonstances, comme l’a conclu le juge de première instance, il n’y a pas lieu de déclarer que l’AAQ est une « organisation autochtone » au sens du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones.
[166] Par ailleurs, les appelants maintiennent en appel leurs conclusions fondées sur l’aliéna 2 d) et les articles 7 et 15 de la Charte canadienne, de même que sur les articles 3 et 10 de la Charte québécoise à l’encontre du ministre québécois chargé, dans la province de Québec, de l’application de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et visé par la définition de « ministre » à l’article 2 du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones. Cependant, dans leur mémoire d’appel, ceux-ci ne présentent aucun argument afin d’appuyer ces conclusions déclaratoires ou pour contrer le rejet de celles-ci par le juge de première instance.
[167] Cela étant, puisque les appelants n’ont pas établi que l’AAQ représente une « collectivité autochtone territoriale » au sens dudit règlement, il n’est pas nécessaire de traiter des conclusions recherchées fondées sur l’alinéa 2 d) et les articles 7 et 15 de la Charte canadienne ou sur les articles 3 et 10 de la Charte québécoise.
Cinquième question : Le juge de première instance a-t-il erré en droit lorsqu’il a conclu que le recours ne visait pas à déterminer si les appelants individuels et les autres membres réguliers de l’AAQ sont des Indiens au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867
[168] Les appelants soutiennent que le juge de première instance a erré en droit lorsqu’au paragraphe [80] de ses motifs, il énonce que le recours ne vise pas à décider si les membres de l’AAQ qui s’auto-identifient « Indiens sans statut » ou « Indiens non inscrits » sont des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867[191]. En se prononçant ainsi au paragraphe [80] de son jugement, le juge fait précisément référence à sa décision antérieure du 28 juin 2021 rejetant la cinquième demande de modification des appelants et qui lui fut présentée après la fin des plaidoiries en première instance[192].
[169] Tant l’intimé, le procureur général du Québec, que le mis en cause, le procureur général du Canada, s’objectent à la recevabilité de ce moyen d’appel au motif que le jugement antérieur du 28 juin 2021 n’a pas été porté en appel conformément au Code de procédure civile[193]. Subsidiairement, le procureur général du Québec soutient que de toute façon les appelants ont échoué à démontrer que les membres de l’AAQ sont des autochtones au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867[194], tandis que le procureur général du Canada soutient que les questions de savoir si les appelants individuels ou les membres de l’AAQ sont des « Indiens » au sens de ce paragraphe 91(24) ne sont pas déterminantes[195].
[170] Il est de jurisprudence constante que le rejet d’une requête pour modifier une procédure introductive d’instance est un jugement qui équivaut au maintien d’une objection à la preuve[196]. Celui qui souhaite contester en appel ce jugement doit le faire sans délai en obtenant une permission à cette fin selon la procédure prévue au Code de procédure civile[197]. Or, s’il est rendu en cours d’instruction, une exception prétorienne développée en vertu de l’ancien Code de procédure permet aussi de remettre en question un tel jugement en même temps que l’appel du jugement final au fond de l’affaire, mais dans la seule mesure où « le délai pour obtenir la permission de le porter en appel n’était pas expiré lorsque le jugement final a été rendu et […] ce jugement final remet en question le mérite du jugement interlocutoire auquel il demeure juridiquement lié […] le jugement interlocutoire devient [alors] soumis au régime d’appel de plein droit du jugement final et aux délais d’appel de ce jugement en vertu de la règle que l’accessoire suit le principal »[198]. Cette exception prétorienne est retenue par la Cour en vertu du nouveau Code de procédure civile[199].
[171] En l’occurrence, les appelants ne peuvent pas porter en appel le jugement du 28 juin 2021 vu qu’ils n’ont pas agi dans le délai prescrit et vu qu’ils ne peuvent se prévaloir de l’exception prétorienne décrite ci-dessus compte tenu de la date à laquelle le jugement final fut rendu.
[172] Cependant, cela ne suffit pas pour rejeter le cinquième moyen d’appel soulevé par les appelants. L’effet du jugement du 28 juin 2021 est d’empêcher les appelants de solliciter en appel du jugement final les conclusions additionnelles qu’elles recherchaient dans leur cinquième demande de modifications. Or, ce n’est pas ce que les appelants recherchent par leur cinquième moyen d’appel.
[173] Ce moyen d'appel vise plutôt à soulever la contradiction, fort apparente, entre les propos du juge au paragraphe [80] de son jugement au fond – où il énonce que le « recours ne vise pas à décider si les membres de l’AAQ qui s’auto-identifient « Indiens sans statut » ou « Indiens non inscrits » sont des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 »[200] –, et le reste de son jugement où il traite directement de cette même question aux paragraphes [144] à [147], [167] à [170], [176] et [180] à [184] de ses motifs, pour finalement conclure que la preuve n’établit pas que les membres de l’AAQ sont visés par ledit paragraphe 91(24).
[174] Il y a là indubitablement une contradiction dans le jugement de première instance. Les appelants ne sont pas forclos de soulever cette contradiction, même s’ils n’ont pas porté en appel le jugement du 28 juin 2021.
[175] La Cour peut donc traiter du cinquième moyen d’appel. Cela étant, ce moyen n’est d’aucun secours pour les appelants. Voici pourquoi.
[176] Le juge de première instance a conclu que les appelants avaient échoué à démontrer que les membres de l’AAQ étaient des autochtones, plus précisément des Indiens non inscrits visés par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Comme les motifs ci-dessus au regard du second moyen d’appel l’énoncent, le juge de première instance a partiellement erré sur cette question. Ainsi, bien que le juge pût conclure de la preuve qu’un lien réel avec une communauté autochtone historique n’avait pas été établi en regard de plusieurs des membres de l’AAQ, il ne pouvait étendre ce constat à tous les membres de l’AAQ, pour les motifs déjà exprimés en réponse au second moyen d’appel.
[177] Cela étant, pour les autres motifs déjà exprimés en réponse à l’ensemble des autres moyens d’appel soulevés par les appelants, cette erreur du juge n’est pas déterminante puisqu’elle ne permet pas, à elle seule, de conclure que le juge de première instance n’aurait pas dû rejeter leur recours. Que le juge se soit contredit au paragraphe [80] de ses motifs ne change en rien la conclusion que l’appel doit être néanmoins rejeté.
CONCLUSION
[178] Pour ces motifs, je propose à la Cour
a) d’accueillir la Demande pour autorisation d’introduire des faits nouveaux en appel, datée du 8 juillet 2024 et d’autoriser la production des annexes 3 à 6 de cette demande; et
b) de rejeter l’appel.
[179] Vu la nature des questions soulevées en appel, le juge de première instance n’a pas alloué les frais de justice[201]. Je propose de faire de même en appel.
[180] En terminant, il y a lieu de préciser que c’est le recours judiciaire tel que formulé par les appelants qui est rejeté. Il en découle, notamment, que l’arrêt de la Cour dans la présente affaire ne concerne pas une réclamation fondée sur des droits ancestraux. Conséquemment, cet arrêt ne traite pas de la question de savoir si un Indien non inscrit peut se prévaloir de tels droits s’il répond aux critères juridiques applicables ni des circonstances dans lesquelles il pourrait exercer ces droits, le cas échéant.
| |
|
|
ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. |
[1] Alliance autochtone du Québec c. Procureur général du Québec (Ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec) (Ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec), 2022 QCCS 477 (le « jugement de première instance »).
[2] Requête pour jugement déclaratoire réamendée, quatrième amendement, 11 septembre 2018, conclusions déclaratoires non numérotées, mais reprisent au mémoire d’appel comme les conclusions d) et f).
[3] Id., conclusion f).
[4] Loi sur le ministère du Conseil exécutif, RLRQ, c. M-30, art. 3.48.
[5] Requête pour jugement déclaratoire réamendée, quatrième amendement, 11 septembre 2018, conclusions déclaratoires non numérotées, mais énumérées dans le mémoire d’appel comme les conclusions g) à j).
[6] Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, RLRQ, c. C-61.1, art. 24.1.
[7] Requête pour jugement déclaratoire réamendée, quatrième amendement, 11 septembre 2018, conclusions déclaratoires non numérotées, mais reprises dans le mémoire d’appel comme les conclusions k) à o).
[8] Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, DORS/93-332, art. 2 « organisation autochtone » et par. 4(1), adopté en vertu de l’article 43 de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), c. F-14.
[9] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 3 et 10.
[10] Requête pour jugement déclaratoire réamendée, quatrième amendement, 11 septembre 2018, conclusions déclaratoires non numérotées, mais reprises dans le mémoire d’appel comme les conclusions q) à v).
[11] Transcription de l’interrogatoire au préalable de Fernand Chalifoux tenu le 13 octobre 2017, p. 60, lignes 24 et 25; p. 74, lignes, 13 à 19; p. 75, lignes 15 à 18; p. 85, lignes 7 à 17.
[12] Transcription du témoignage préalable de Fernand Chalifoux rendu le 14 mai 2019, p. 231, lignes 3 à 6.
[13] Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5.
[14] Dans l’arrêt Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99 (« Daniels »), la Cour suprême traduit l’expression anglaise « non-status Indians » par l’expression française « Indiens non inscrits ». Quoique l’expression française « Indiens sans statut » me semble plus appropriée pour les fins d’harmonisation, j’utiliserai dans ces motifs l’expression française retenue par la Cour suprême, soit celle d’« Indiens non inscrits ».
[15] Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5.
[16] Reference as to whether "Indians" in s. 91 (24) of the B.N.A. Act includes Eskimo inhabitants of the Province of Quebec, [1939] S.C.R. 104 (« Renvoi sur les Esquimaux »).
[17] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99 (« Daniels »).
[18] Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5, art. 2, définition de « bande », art. 8-12.
[19] Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, L.C. 2018, ch. 4.
[20] Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203.
[21] Loi sur l’accord concernant la gouvernance de la nation crie d’Eeyou Istchee, L.C. 2018, ch. 4.
[22] Voir la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, la Convention définitive des Inuvialuit et l’Accord sur les revendications territoriales entre les Inuit du Labrador et Sa Majesté la Reine du Chef de Terre-Neuve-et-Labrador et Sa Majesté la Reine du Chef du Canada.
[23] Pour le Québec, voir la Loi sur les autochtones cris, inuit et naskapis, RLRQ, c. A-33.1, art. 25.1 à 25.5.
[24] Loi sur les villages nordiques et l’Administration régionale Kativik, RLRQ, c. V-6.1.
[25] Loi sur la Société Makivik, RLRQ c. S-18.1.
[27] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, par. 48.
[28] R. c. Powley, 2003 CSC 43, [2003] 2 R.C.S. 207, par. 10.
[29] Id., par. 30-34.
[30] Corneau c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCA 1172, demande d’autorisation d’appel à la CSC refusée le 2 mai 2019, dossier no 38354.
[31] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, par. 47.
[32] Id., par. 49.
[33] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U), 1982, c. 11, par. 32(2).
[35] Loi sur l’Équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre des Indiens, L.C. 2010, ch. 18.
[36] McIvor v. Canada (Registrar of Indian and Northern Affairs), 2009 BCCA 153, demande d’autorisation d’appel à la CSC rejetée le 5 novembre 2009, dossier no 33201 (« McIvor).
[37] Descheneaux c. Canada (Procureur général), 2015 QCCS 3555.
[38] Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général), L.C. 2017, ch. 25 (« Loi S-3 »).
[39] Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, Population indienne inscrite selon le sexe et la résidence, 2008, par Eric McGregor, Ottawa, 2009, p. x; Services aux Autochtones Canada, Population indienne inscrite selon le sexe et la résidence, 2021, Ottawa, 2022, p. ix.
[40] Gouvernement du Canada, Rapport final au Parlement sur l’examen de S-3 : décembre 2020, en ligne : https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1608831631597/1608832913476, sections « Sommaire » et « Conséquences de la mise en œuvre des dispositions à ce jour – Prévisions démographiques » (page consultée le 4 novembre 2024). Puisque Statistiques Canada recensait en 2021 quelque 1 127 010 Indiens inscrits et non inscrits au Canada (essentiellement selon un critère d’auto-identification), on comprend qu’il reste peu d’individus se réclamant du statut d’Indien qui ne seraient pas déjà inscrits ou qui pourraient l’être : Gouvernement du Canada, « Premières Nations » dans Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord, en ligne : https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1100100013791/1535470872302 (page consultée le 4 novembre 2024).
[41] Pièce D-18, Rapport d’expertise de Jean-François Vachon et Jean-Philippe Warren, p. 96-100 et 153-154.
[42] Pièce P-5, Statuts de constitution et règlements de l’Alliance Laurentienne des Métis & Indiens sans statut Inc., en liasse avec les lettres patentes supplémentaires délivrées en 1984 à l’Alliance Autochtone du Québec, p. 8-9.
[43] Id., p. 12.
[44] Id., p. 5-6.
[45] Id., p. 2.
[46] Pièce P-46, Code de citoyenneté, p. 4 (définition de « Communauté autochtone de l’AAQ »), p. 5 (définition de « descendant »), p. 6 (définition de « autochtone »), p. 8-9 (« membres réguliers), p. 10 (« membre associé »), Voir aussi la pièce P-116, Constitution – statuts et règlements de l’Alliance autochtone du Québec modifiés le 25 août 1996, p. 6.
[47] Ibid.
[48] Pièce D-18, Rapport d’expertise de Jean-François Vachon et Jean-Philippe Warren, p. 109. Voir aussi p. 85-88.
[49] Argumentation dans le mémoire du PGQ, par. 6.
[50] Pièce D-18, Rapport d’expertise de Jean-François Vachon et Jean-Philippe Warren, p. 81-84.
[52] Id., p. 100 et 153-154.
[54] Le rapport d’expertise produit pour l’AAQ par Camil Girard et Carl Brisson du Groupe de recherche sur l’Histoire de l’Université du Québec à Chicoutimi datée du 25 août 2018 (non coté dans le mémoire des appelants) tient pour acquis les chiffres portant sur les membres de l’AAQ qui lui ont été fournis, et ce, sans aucune vérification ou critique méthodologique de ces chiffres.
[55] Pièce D-18, Rapport d’expertise de Jean-François Vachon et Jean-Philippe Warren, p. 78.
[56] Id., p. 77.
[57] Id., p. 88-90.
[58] Id., p. 218 et p. 220-222.
[59] Voir notamment la Pièce P-123, Communiqué de presse du 19 juin 2000 de la Société d’habitation du Québec ayant pour objet : « Un nouveau partenariat en habitation pour les autochtones hors réserve ». Selon le rapport d’expertise produit pour l’AAQ par Camil Girard et Carl Brisson du Groupe de recherche sur l’Histoire de l’Université du Québec à Chicoutimi daté du 25 août 2018, p. 208 (non coté dans le mémoire des appelants), la Corporation Waskahegen gèrerait et administrerait un parc immobilier de plus de 2 000 logements dans quelque 117 localités au Québec.
[60] Rapport d’expertise (non numéroté comme pièce) préparé pour l’AAQ par Camil Girard et Carl Brisson du Groupe de recherche sur l’Histoire de l’Université du Québec à Chicoutimi, daté du 25 août 2018, p. 208.
[61] Pièce D-18, Rapport d’expertise de Jean-François Vachon et Jean-Philippe Warren du 16 novembre 2018, p. 164.
[62] Pièce P-7, Lettre du premier ministre René Lévesque adressée à monsieur Fernand Chalifoux de l’AAQ le 5 octobre 1982.
[63] Pièce P-9, Lettre adressée par les membres du Groupe de travail autochtone au premier ministre René Lévesque le 30 novembre 1982.
[64] Pièce P-13, Lettre du secrétaire général associé du Conseil exécutif à Fernand Chalifoux (AAQ) datée du 30 janvier 1985.
[65] Pièce P-98, Entente de financement pour une période de trois ans intervenue en juin 1990 entre l’AAQ et le ministère du Conseil exécutif par l’entremise du Secrétariat aux affaires autochtones.
[66] Pièce P-90, Document du SAGMAI de septembre 1985 intitulé « Le Gouvernement et les nations autochtones du Québec : harmonisation des relations », p. 7-8.
[67] R. c. Powley, 2003 CSC 43, [2003] 2 R.C.S. 207.
[68] Pièce P-39, Note d’information du Secrétaire général associé aux Affaires autochtones, 6 février 2010.
[69] Requête pour jugement déclaratoire réamendée, quatrième amendement, 11 septembre 2018, par. 245.1 à 245.28.
[70] Cette procédure fut déposée au greffe de la Cour supérieure le 6 mars 2009.
[71] Requête pour jugement déclaratoire datée du 5 mars 2009.
[72] Requête pour jugement déclaratoire, quatrième amendement, 11 septembre 2018.
[73] Transcription de l’interrogatoire du 15 mai 2019 de Fernand Chalifoux en vertu des articles 253 et 254 C.p.c., p. 363, ligne 7 à p. 366, ligne 8.
[74] Canada (Procureur général) (Ministre des Pêches et Océans) c. Alliance autochtone du Québec, 2014 QCCA 1251, par. 10-20.
[75] Alliance Autochtone du Québec c. Procureur général du Québec (Ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec) (Ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec), 2021 QCCS 2701, par. 17.
[77] Jugement de première instance, par. 132.
[78] Id., par. 137-138.
[79] Id., par. 143-148.
[80] Id., par. 149-153.
[81] Id., par. 157.
[82] Id., par. 165-171. Au paragraphe 178 de son jugement, le juge applique ce même raisonnement pour refuser les conclusions déclaratoires en regard de la mise en œuvre du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones.
[83] Id., par. 173-174.
[84] Id., par. 175-176.
[85] Id., par. 178.
[86] Id., par. 179-184.
[87] Argumentation dans le mémoire des appelants, par. 21-35.
[88] Id., par. 79.
[89] Jugement de première instance, par. 181-184.
[90] Pièce D-18, Rapport d’expertise de Jean-François Vachon et Jean-Philippe Warren, p. 94-95 : « Les questions sur l’ascendance indienne se bornent à exiger la présence d’un ancêtre indien dans un contexte où le pourcentage de Québécois ayant au moins un ancêtre amérindien tournerait autour de 50 à 85 % ». La note de bas de page 519 de ce rapport appuie cette affirmation sur un article de recherche démographique :
Hélène Vézina, M. Jomphe, E-M Lavoie, C. Moreau, D. Labuda, « L’apport des données génétiques à la mesure généalogique des origines amérindiennes des Québécois », Cahiers québécois de démographie, vol. 41, 2012, p. 87-105; « Dans le cadre d’un programme de recherche sur le patrimoine génétique des populations régionales du Québec, nous avons mesuré la contribution des ancêtres amérindiens aux généalogies de 794 participants résidant sur l’île de Montréal, au Saguenay–Lac-St-Jean, en Gaspésie et sur la Côte-Nord. Les ancêtres amérindiens ont été identifiés à partir de sources généalogiques et des données génétiques provenant de l’analyse de l’ADN mitochondrial des participants. Les résultats indiquent que, dans chacune des régions, plus de la moitié des participants ont au moins un ancêtre amérindien dans leur généalogie, et cette proportion atteint même 85% sur l’île de Montréal. Bien que la majorité des participants soient porteurs de gènes reçus de fondateurs amérindiens, la contribution génétique totale de ces ancêtres aux quatre groupes régionaux demeure cependant assez faible. En effet, elle est de moins de 1% au Saguenay–Lac-Saint-Jean et sur l’île de Montréal et dépasse à peine cette valeur sur la Côte-Nord et en Gaspésie ». Hélène Vézina, M. Jomphe, E-M Lavoie, C. Moreau, D. Labuda, « L’apport des données génétiques à la mesure généalogique des origines amérindiennes des Québécois », Cahiers québécois de démographie, vol. 41, 2012, p. 99-101.
[91] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, par. 18, 19 et 46.
[92] Canada, Commission royale sur les peuples autochtones, Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 2, « Une relation à redéfinir », Ottawa, 1996, p. 96.
[93] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, par. 47.
[94] Id., par. 49.
[95] Id., par. 48.
[96] R. c. Powley, 2003 CSC 43, [2008] 2 R.C.S. 207, par. 32.
[98] Boucher c. R., 2021 NBCA 36, demande d’autorisation d’appel à la CSC rejetée le 24 mars 2022, dossier no 39825.
[99] R. c. Lavigne, 2007 NBBR 171, par. 43.
[100] Boucher c. R., 2021 NBCA 36, par. 4, demande d’autorisation d’appel à la CSC rejetée le 24 mars 2022, dossier no 39825.
[102] Ward c. Procureur général du Canada, 2023 QCCS 793, par. 53-55.
[103] Jugement de première instance, par. 23-26.
[104] Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général), L.C. 2017, ch. 25.
[105] Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, par. 2.
[107] Id., par. 35.
[108] Id, par. 28; Dickson c. Vuntut Gwitchin First Nation, 2024 CSC 10, par. 188 et 347. Voir aussi R. c. C.P., 2021 CSC 19, [2021] 1 R.C.S. 679, par. 56 et 141; Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, [2020] 3 R.C.S. 113, par. 27.
[110] Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, p. 164; Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, par. 48-49; R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 31.
[111] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 40.
[112] Id., par. 43-48.
[113] Id., par. 49.
[114] Ibid.
[115] Withler c. Canada (Procureur général), [2011] 1 R.C.S. 548, 2011 CSC 12, par. 43; Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, par. 57.
[116] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 49, référant à Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, par. 58.
[117] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 49.
[118] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 49 c), d) et e); Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, par. 58.
[119] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 49 a) et c).
[120] Id., par. 50.
[121] Id., par. 31.
[122] Id., par. 52.
[124] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 53-54; Ontario (Procureur général) c. G., 2020 CSC 38, [2020] 3 R.C.S. 629, par. 62-67; Première Nation de Kahkewistashaw c. Taypotat, 2015 CSC 30, [2015] 2 R.C.S. 548, par. 16, 18 et 34.
[125] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 56-59; Withler c. Canada (Procureur général), [2011] 1 R.C.S. 548, 2011 CSC 12, par. 3, 38 et 81.
[126] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 63. Voir aussi : Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, par. 37 (motifs dissidents de L’Heureux-Dubé J.); Auton (Tutrice à l’instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2004 CSC 78, [2004] 3 R.C.S. 657, par. 41; Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28, [2000] 1 R.C.S. 703, par. 61; Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Walsh, 2002 CSC 83, [2002] 4 R.C.S. 325, par. 55.
[127] R. c. Sharma, 2022 CSC 39, par. 63.
[128] Id., par. 64-65; Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17, [2018] 1 R.C.S. 464, par. 42.
[129] Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général), L.C. 2017, ch. 25, sous-alinéa 12(1)a)(i).
[130] Gouvernement du Canada, Rapport final au Parlement sur l’examen de S-3 : décembre 2020, en ligne : https ://www.sac-isc.gc.ca/fra/1608831631597/1608832913476 (page consultée le 4 novembre 2024).
[131] Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général), L.C. 2017, ch. 25, art. 9.
[132] Convention de la Baie James et du Nord québécois, al. 3.2.1. et 3A.3.1. Ces dispositions ont été approuvées, mises en vigueur et déclarées valides par la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois, S.C. 1976-77, ch. 32.
[133] Il s’agit de la convention passée entre la bande antérieure des Naskapis de Schefferville, le gouvernement du Québec, la Société d’énergie de la Baie James, la Société de développement de la Baie James, la Commission hydroélectrique de Québec, le Grand Council of the Crees (of Québec), la Northern Québec Inuit Association et le gouvernement du Canada, le 31 janvier 1978, et mentionnée dans le décret du Canada no C.P. 1978-502 daté du 23 février 1978, dans sa version modifiée.
[134] Loi sur les autochtones cris, inuit et naskapis, RLRQ, c. A-33.1, art. 6, 11.1 et 25.1.
[135] Pièce P-83, Juan A. Fernandez, Francine Bernèche et Danielle Gauvreau, Essai d’estimation de la population de métis et indiens sans statut au Québec, Cahiers québécois de démographie, vol. 10, no 2, août 1981.
[136] Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203 (« Corbiere »).
[137] Première nation algonquine d'Ardoch c. Canada (Procureur général) (C.A.F.), 2003 CAF 473, [2004] 2 R.C.F. 108, par. 32.
[138] Lovelace c. Ontario, 2000 CSC 37, [2000] 1 R.C.S. 950, par. 6.
[139] CAS v. K.F., L.F. L.E.F., 2015 ONSC 7580, (« K.F. »).
[141] Catholic Children’s Aid Society of Hamilton v. G.H., T.V. and Eastern Woodlands Métis of Nova Scotia, 2016 ONSC 6287.
[142] Id., par. 76.
[143] Id., par. 19.
[144] Catholic Children’s Aid Society of Hamilton v. G.H. and T.V., 2017 ONSC 742, par. 23-28, 32, 42, 44.
[145] Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d’affaires autochtones, L.Q. 1999, c. 67.
[146] Assemblée nationale, Journal des débats, 36e lég., 1re sess., vol. 36, n° 54, 26 octobre 1999, p. 3114 (G. Chevrette).
[147] Pièce P-39, Note d’information du Secrétaire général associé aux Affaires autochtones, 6 février 2010.
[148] Rapport d’expertise produit pour l’AAQ par Camil Girard et Carl Brisson du Groupe de recherche sur l’Histoire de l’Université du Québec à Chicoutimi datée du 25 août 2018, (non coté dans le mémoire des appelants).
[149] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2013 CF 6, [2013] 2 R.C.F. 268, par. 610-617.
[150] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2014 CAF 101, [2014] 4 RCF 97, par. 158.
[151] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, par. 54-57.
[152] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2013 CF 6, [2013] 2 R.C.F. 268, par. 614.
[153] Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, par. 56.
[155] R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101 (« Adams »).
[156] R. c. Côté, [1996] 3 R.C.S. 139 (« Côté »).
[157] R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101, par. 4, 25-30; R. c. Côté. [1996] 3 R.C.S. 139, par. 3, 38-39.
[158] R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101, par. 4, 31-33; R. c. Côté. [1996] 3 R.C.S. 139, par. 4, 42-45, 51-54.
[159] Assemblée nationale, Journal des débats, 35e lég., 2e sess., vol. 35, n° 107, 28 mai 1997, p. 7021-7022 (D. Cliche).
[160] Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391 (« Health Services »).
[161] Id., par. 89-91.
[162] Assemblée nationale, Journal des débats, 33e leg., 2e sess., vol. 30, n° 118, 30 mai 1989, p. 6081 (Vice-Présidente).
[163] Assemblée nationale, Journal des débats, 32e lég., 5e sess., vol. 28, n° 39, 20 mars 1985, p. 2570-2571 (Président). Le texte de la Résolution de 1989 est « Que l'Assemblée nationale reconnaisse l'existence au Québec de la nation malécite au même titre que les dix autres nations autochtones déjà reconnues par la résolution de l'Assemblée nationale du 20 mars 1985 ».
[164] Ibid.
[165] Les quinze principes auxquels réfère la Résolution sont reproduits en annexe au jugement de première instance.
[166] Le mot « communauté » fut substitué au mot « bande » au cours des débats parlementaires entourant la Résolution.
[167] Jugement de première instance, par. 134-137.
[168] Pièce P-13, Lettre du 30 janvier 1985 du secrétaire général associé du Conseil exécutif à M. Fernand Chalifoux (AAQ).
[169] Jugement de première instance, par. 47.
[170] Assemblée nationale, Journal des débats, 32e lég., 5e sess., vol. 28, n° 38, 19 mars 1985, p. 2493 (R. Lévesque).
[171] Pièce P-12, Lettre du 12 septembre 1983 du premier ministre René Lévesque à M. Fernand Chalifoux (AAQ).
[172] Jugement de première instance, par. 45.
[173] Assemblée nationale, Journal des débats, 32e lég., 5e sess., vol. 28, n° 38, 19 mars 1985, p. 2497 (R. Lévesque).
[174] Jugement de première instance, par. 132.
[175] Michaud c. Bissonnette, 2006 QCCA 775, par. 40-41.
[176] Assemblée nationale, 43e législature, Règlement et autres règles de procédure, Québec, septembre 2023 (édition provisoire), art. 186.
[177] Kelso c. La Reine, [1981] 1 R.C.S.199, p. 208.
[178] Pièce P-88 (en partie), Extraits de la revue Rencontre, Juin 1985, vol. 6 no. 4, p. 3.
[179] Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, RLRQ, c. E-20.2.
[180] Id., préambule et art. 11-12.
[181] Voir notamment : Pièce P-20, Allocution du 27 mars 2002 du ministre d’État à la Population, aux Régions et aux Affaires autochtones, monsieur Rémy Trudel, p. 2 de 4; Allocution du 19 mars 2003 du ministre délégué aux Affaires autochtones et au Développement du Nord québécois, monsieur Michel Létourneau, p. 21-22 sur 27; Pièce P-148, Extraits du site Web du Secrétariat aux affaires autochtones en date du 22 mars 2019 intitulé : Moments marquants.
[182] Ontario (Procureur général) c. Restoule, 2024 CSC 27, par. 220.
[183] Règlement sur les permis de pêche communautaires des autochtones, DORS/93-332, pris par le décret C.P. 1993-1318 du 6 juin 1993.
[184] Loi sur les pêches, L.R.C., 1986, c. F-14.
[185] R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075 (« Sparrow »).
[186] Résumé de l’étude d’impact de la règlementation – Règlement sur les permis de pêche communautaires des autochtones, Gazette du Canada, Partie I, vol. 127, no 18, 1er mai 1993, p. 1474-1476. Ce résumé fut déposé comme pièce D-19.
[187] Pièce P-32, Information véhiculée sur le site WEB de Pêches et Océans Canada en mars 2004 au sujet de la stratégie relative aux pêches autochtones et des tableaux listant les permis délivrés à des fins de subsistance et à des fins commerciales jusqu’à la fin de l’année 2002, voir la partie « Stratégie relative aux pêches autochtones – Étapes à suivre et responsabilités des parties ».
[188] Pièce P-47, Lettre du ministère des Pêches et Océans à M. Fernand Chalifoux, 8 novembre 1996. Voir aussi Pièce P-26, Correspondance échangée par l’AAQ avec différents ministres et fonctionnaires fédéraux et provinciaux à compter de 1995, voir la Lettre du 21 mai 1999 du ministre des Pêches et Océans David Anderson à Fernand Chalifoux de l’AAQ et la Lettre du 4 septembre 2002 de Daniel Gagnon (Pêches et Océans Canada) à Fernand Chalifoux (AAQ).
[189] Pièce P-26, Correspondance échangée par l’AAQ avec différents ministres et fonctionnaires fédéraux et provinciaux à compter de 1995, voir la Lettre du 8 mars 2006 de Michel Tremblay (Pêches et Océans Canada) à Carl Dubé (AAQ). Le rejet de la demande de l’AAQ fut subséquemment confirmé dans la lettre du 20 novembre 2007 du ministre des Pêches et des Océans à Carl Dubé (AAQ) aussi reproduite sous la pièce P-26.
[190] Pièce P-26, Correspondance échangée par l’AAQ avec différents ministres et fonctionnaires fédéraux et provinciaux à compter de 1995, voir la lettre du 20 novembre 2007 du ministre des Pêches et des Océans à Carl Dubé (AAQ).
[191] Jugement de première instance, par. 80 et note de bas de page 70.
[192] Alliance Autochtone du Québec c. Procureur général du Québec (Ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec) (Ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec), 2021 QCCS 2701.
[193] Argumentation dans le mémoire du procureur général du Québec, par. 138-141; Argumentation dans le mémoire du procureur général du Canada, par. 25-31.
[194] Argumentation dans le mémoire du procureur général du Québec, par. 143-145.
[195] Argumentation dans le mémoire du procureur général du Canada, par. 32 et s.
[196] LUQS inc. c. Autorité des marchés financiers, 2015 QCCA 1371, par. 12; Joyal c. La Caisse Populaire Ste-Claire de Montréal, [1986] R.J.Q. 2000 (C.A.), par. 11, 44-46; Martel c. Kia Canada inc., 2019 QCCA 1601, par. 13 (juge unique); Phénix Maritime inc. c. Asphalte Jean-Louis Campeau inc., 2015 QCCA 1162, par. 12 (juge unique); Labelle c. Société immobilière Lemcan inc., 2009 QCCA 249, par. 2 (juge unique).
[197] Art. 31, al. 2 et 3 C.p.c.
[198] Laforge c. White, [1990] R.J.Q. 2124 (C.A.), p. 2127-2128; Garcia Transport Ltée c. Cie Royal Trust, [1992] 2 R.C.S. 499, p. 546-547.
[199] LG Construction TR inc. c. Gélinas, 2022 QCCA 29, par. 3; Ouellet c. Bernier, 2024 QCCA 1041, par. 11 et note de bas de page 8.
[200] Jugement de première instance, par. 80.
[201] Jugement de première instance, par. 189.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.