Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Dubois c. Municipalité de Sainte-Françoise

2021 QCTAT 4299

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

1036552-31-1910

 

(CQ-2019-6039)

Dossier employeur :

179962

 

Québec,

le 8 septembre 2021

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Daniel Blouin

______________________________________________________________________

 

 

 

Isabelle Dubois

 

Partie demanderesse         

 

 

 

c.

 

 

 

Municipalité de Sainte-Françoise

 

Partie défenderesse

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]           Madame Isabelle Dubois, la plaignante, est directrice générale, secrétaire et trésorière de la Municipalité de Saint-François, la municipalité, jusqu’à sa destitution le 25 octobre 2019. Le Tribunal est saisi d’une plainte selon les articles 267.0.1 et suivants du Code municipal du Québec[1], le Code, contestant cette destitution.

[2]           La municipalité plaide que la décision de destituer madame Dubois a été prise au terme d’une enquête sérieuse. Elle fait valoir que la nature et la gravité ainsi que le cumul des fautes constatées justifient le bris du lien de confiance avec le conseil et ne laissait aucune autre alternative à la municipalité.

[3]           La plaignante suggère pour sa part qu’il s’agit d’une décision abusive et illégale qui s’explique par l’arrivée, en novembre 2017, de trois nouveaux conseillers qui lui étaient hostiles. Elle soutient que l’enquête est partiale et qu’elle a été conduite avec une absence de rigueur dans l’objectif de la destituer pour qu’elle soit remplacée par la fille de l’un des nouveaux conseillers. Elle allègue enfin que les principes de justice entourant l’imposition de mesures administratives et disciplinaires n’ont pas été respectés. Elle souhaite être réintégrée dans ses fonctions.

[4]           En l’instance, le Tribunal est appelé à répondre à trois questions :

·           La destitution est-elle de nature administrative ou disciplinaire?

·           La destitution de madame Dubois est-elle justifiée?

·           La réintégration est-elle opportune?

[5]           L’allégation de la plaignante sur l’existence d’un complot cherchant à la destituer n’est pas supportée par la preuve. Elle a commis des fautes graves incompatibles avec ses fonctions. Le lien de confiance est rompu et la destitution est justifiée. La plainte est rejetée. 

LE CONTEXTE

[6]           Saint-François est une petite municipalité rurale de 450 habitants.

[7]           Madame Dubois est la directrice générale secrétaire et trésorière depuis juin1989. Elle détient un diplôme d’études secondaires ainsi qu’une scolarité de niveau collégial en comptabilité. Les deux autres employés de la municipalité sont l’inspecteur municipal responsable de l’émission des permis et le concierge.

[8]           Elle travaille en étroite collaboration avec monsieur Mario Lyonnais, maire depuis 23 ans. Elle entretient avec lui une relation basée sur la confiance et bénéficie d’une grande latitude dans l’exécution de ses fonctions. Elle connaît un parcours possessionnel sans reproche jusqu’à la fin de l’année 2017.

[9]           La situation change à compter de l’élection municipale de novembre 2017.  

[10]        Le 5 novembre 2017 sont élus trois nouveaux conseillers, messieurs Dominic Nault, Yoland Nault et Alain Bédard. Ces citoyens sont connus comme des opposants politiques au maire depuis l’affaire des gaz de schiste qui a fait grand bruit dans la municipalité.

[11]        Peu après l’élection, une relation tendue s’installe entre madame Dubois et le nouveau conseil municipal.

[12]        Le 13 août 2018, madame Dubois doit cesser de travailler pour des raisons de santé. Elle sera de retour au mois de mars 2019.

[13]        Pour assurer le maintien des services, la municipalité embauche d’abord monsieur Réjean Tousignant, puis à la mi-novembre 2018, madame Ghislaine Gravel est engagée cette fois à titre de directrice générale par intérim.

[14]        À l’automne 2018, madame Dubois dépose une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, la CNESST, dans laquelle elle allègue avoir été victime de harcèlement psychologique de la part des trois nouveaux conseillers. Cette plainte est rejetée en première instance ainsi qu’en révision administrative.

[15]        Lors de son entrée en fonction, madame Gravel découvre ce qui lui semble être des irrégularités, erreurs ou omissions dans l’exécution des tâches relevant de la directrice générale. Elle en fait part au conseil.

[16]        La municipalité décide de faire enquête. Elle mandate une firme externe indépendante. L’enquête est confiée à monsieur Bernard Charest. Le conseil souhaite ainsi obtenir des réponses aux interrogations soulevées par madame Gravel.

[17]        Le 19 mars 2019, le jour de son retour au travail, madame Dubois est informée que la municipalité a ouvert une enquête concernant sa gestion et ses pratiques administratives. Elle est suspendue avec solde pour une durée indéterminée.

[18]        Monsieur Charest met rapidement son enquête en branle.

[19]        Madame Dubois connaît un deuxième épisode d’arrêt de travail du 12 juillet au 23 septembre. L’enquête est mise en suspens.

[20]        Le 21 octobre 2019, le conseil municipal décide, par résolution, de la destituer.

[21]        Le 22 octobre 2019, elle reçoit une lettre signée par le maire Lyonnais dans laquelle sont exposés tous les motifs de destitution. Le maire fait mention en premier lieu que la destitution de madame Dubois trouve sa justification dans la commission de fautes graves, répétées et incompatibles avec la fonction et les responsabilités d’une directrice générale. Il résulte de ces fautes, soutient-il, un bris définitif et irrévocable de lien de confiance. Plusieurs manquements sont identifiés :

·        Non-publication des règlements municipaux depuis 2017 ; règlements non-inscrits et non signés au livre des règlements;

·        Avis de publication introuvables;

·        Absence d’une liste des propriétaires par rue ou par rang. Absence d’une liste des terrains vacants;

·        Archivage déficient des documents officiels et absence de classements adéquats des documents depuis 2004;

·        Utilisation des équipements de la Municipalité à des fins personnelles ;

·        Non-actualisations du budget municipal selon les normes du Manuel de la présentation de l’information financière municipale ;

·        Augmentation salariale pour l’année 2018, et ce, sans résolution de la Municipalité ;

·        Modification non conforme de la contribution de l’employeur aux assurances collectives

·        Calcul erroné et perception sans droit de doubles indemnités de vacances et de jours fériés.

·        Courriels démontrant un manque de respect et de loyauté envers la Municipalité et ses représentants.

·        Négation de responsabilisation ainsi qu’absence de remords ou de regrets aux constats et reproches dégagés et enquête.

·        Collaboration mitigée et comportement adopté lors de l’enquête administrative menée par la Municipalité.

[22]        Le 5 novembre 2019, le conseil donne à monsieur Charest le mandat de recruter un nouveau directeur général.

[23]        Le 22 janvier 2020, au terme d’un processus de sélection, madame Carine Neault, la fille du conseiller Dominic Neault, est embauchée comme directrice générale.

LA DEMANDE D’ORDONNANCE

[24]       En cours d’audience, la municipalité demande l’émission d’une ordonnance afin de préserver la confidentialité d’un document déposé en preuve.

[25]       Le document visé est un rapport portant sur le processus d’embauche de la nouvelle directrice générale (E-20). Ce document contient des renseignements privilégiés et confidentiels protégés par l’article 40 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignent personnels[2].

[26]       La demande est accueillie et une ordonnance est prononcée séance tenante. Les conclusions seront reprises dans le dispositif de la décision.

L’ANALYSE

LE CADRE LÉGAL

La compétence du tribunal

[27]        Le Code mentionne :

267.0.2. La résolution destituant un fonctionnaire ou employé visé à l’article 267.0.1, le suspendant sans traitement ou réduisant son traitement doit lui être signifiée de la même façon qu’une citation à comparaître en vertu du Code de procédure civile.

Sous réserve de l’article 89 de la Loi sur la police, la personne qui fait l’objet d’une mesure visée au premier alinéa peut, dans les 30 jours qui suivent la signification de la résolution, soumettre une plainte par écrit au tribunal administratif du travail pour qu’il fasse enquête et dispose de sa plainte.

267.0.3. Les dispositions de la Loi instituant le tribunal administratif du travail relatif au tribunal administratif du travail, à ses membres, à leurs décisions et à l’exercice de leur compétence, de même que l’article 100.12 du Code du travail s’applique, compte tenu des adaptations nécessaires.

[28]        Ce recours est de même nature que celui que l’on retrouve à l’article 72 de la Loi sur les citées et villes[3], LCV.

[29]        Le Tribunal bénéficie d’une compétence exclusive et décide, à l’exclusion de tout autre tribunal, de plaintes formulées en vertu de ces articles.

[30]        La jurisprudence du Tribunal et des instances qui l’ont précédé dans l’application des articles 72 de la LCV et 267.0.2 du Code municipal a bien cerné le caractère particulier de la protection accordée aux fonctionnaires municipaux visés.

[31]        Lorsque le Tribunal est saisi d’une plainte en vertu de ces dispositions, il doit apprécier le sérieux, la sagesse et le bien-fondé de la décision de l’instance municipale. Son rôle consiste à reprendre l’analyse faite par la municipalité pour s’assurer que la décision est justifiée dans le cadre d’une saine administration et qu’elle n’est pas dictée par un caprice, une animosité personnelle ou un préjugé politique[4]. Le Tribunal est investi d’une grande latitude pour enquêter et disposer de la plainte[5].

[32]        Il est par ailleurs maintenant bien établi dans la jurisprudence que la grille d’analyse applicable pour le contrôle de la décision de l’employeur diffère lorsqu’il s’agit d’une destitution disciplinaire ou administrative.

Les rôles et les responsabilités du directeur général, secrétaire et trésorière d’une municipalité

[33]        Le rôle et les responsabilités du directeur général, secrétaire et trésorier sont définis au Code[6], et s’apparente, compte tenu des adaptations nécessaires, avec ceux du directeur général défini dans la LCV[7].

[34]        Aux fins d’analyse, retenons seulement les éléments les plus pertinents.

[35]        Le directeur général est le principal fonctionnaire et assume à ce titre des fonctions essentielles au bon fonctionnent de l’administration municipale.

210. Toute municipalité doit avoir un directeur général, qui en est le fonctionnaire principal.

Le secrétaire-trésorier est d’office, sous réserve de l’article 212.2, le directeur général.

211. Sous l’autorité du conseil ou du comité administratif, le directeur général est responsable de l’administration de la municipalité et à cette fin planifie, organise, dirige et contrôle les activités de la municipalité.

212. Dans l’application des articles 210 et 211, le directeur général exerce notamment les fonctions suivantes :

1° il assure les communications entre le conseil, le comité administratif et les autres comités, d’une part, et les autres fonctionnaires et employés de la municipalité, d’autre part ; à cette fin, il a accès à tous les documents de la municipalité et il peut obliger tout fonctionnaire ou employé à lui fournir tout document ou tout renseignement, sauf si celui-ci est, de l’avis du directeur du service de police, de nature à révéler le contenu d’un dossier concernant une enquête policière ;

2° il aide le conseil, le comité administratif ou tout autre comité dans la préparation du budget et, le cas échéant, du programme d’immobilisation de la municipalité et des plans, des programmes et des projets destinés à assurer son bon fonctionnement, avec la collaboration des directeurs de services et des autres fonctionnaires ou employés de la municipalité ;

3° il examine les plaintes et les réclamations contre la municipalité ;

4° il étudie les projets de règlements de la municipalité ;

5° il assiste aux séances du conseil, du comité administratif et des autres comités ;

6° il fait rapport au conseil ou au comité administratif sur l’exécution des décisions de celui-ci et notamment sur l’emploi des fonds aux fins pour lesquelles ils ont été votés.

[Notre soulignement]

[36]        Le secrétaire-trésorier pour sa part est notamment responsable de la garde et de l’accès aux documents légaux de la municipalité : 

199. Le secrétaire-trésorier a la garde de tous les livres, registres, plans, cartes, archives et autres documents et papiers qui sont la propriété de la municipalité ou qui sont produits, déposés et conservés dans le bureau de la municipalité. Il ne peut se désister de la possession de ces archives qu’avec la permission du conseil, ou sur l’ordre d’un tribunal.

209. Le responsable de l’accès aux documents de la municipalité est tenu de délivrer à quiconque en fait la demande des copies ou des extraits de tout livre, rôle, registre ou autre document faisant partie des archives.

[37]        Il a en outre l’obligation de consigner les règlements municipaux aux livres des règlements et de les publier après leur adoption :

448. Tout règlement est inscrit au livre des délibérations et dans un livre spécial qui constitue le livre des règlements de la municipalité ; ces inscriptions sont signées par le maire et contresignées par le secrétaire-trésorier.

Le secrétaire-trésorier doit, en outre, indiquer à la suite de chaque règlement la date de l’affichage de l’avis de la publication de ce règlement.

450. Sauf les cas autrement prévus par la loi, les règlements entrent en vigueur et ont force de loi, s’il n’y est pas autrement prescrit, le jour de leur publication.

451. Les règlements sont publiés après leur adoption, ou leur approbation définitive dans le cas où ils ont été soumis à une ou plusieurs des approbations mentionnées au deuxième alinéa de l’article 446, par un avis public dans lequel il est fait mention de l’objet du règlement, de la date de son adoption et de l’endroit où il peut en être pris communication.

Cet avis est donné sous la signature du secrétaire-trésorier et publié en la manière ordinaire.

La destitution est-elle de nature administrative ou disciplinaire?

[38]        Le Tribunal doit, dans un premier temps, qualifier la fin d’emploi. La question est fondamentale puisqu’elle vient délimiter ses pouvoirs.

[39]        La municipalité soutient que la destitution de madame Dubois est de nature disciplinaire puisqu’elle résulte de comportements, attitudes, agissements et de manquements graves incompatibles avec la fonction de directrice générale.

[40]        La plaignante suggère pour sa part que certains manquements seraient plutôt attribuables à l’incompétence. L’évaluation du bien fondée de la fin d’emploi devrait ainsi tenir compte des règles applicables en matière de congédiement administratif.

[41]        La distinction entre une mesure disciplinaire et administrative repose sur le caractère volontaire ou non des comportements reprochés au salarié. Cette distinction peut parfois être difficile à établir. Un rendement médiocre peut en effet dans certains cas s’expliquer à la fois par des facteurs de nature disciplinaire et des facteurs de nature administrative. 

[42]        En l’espèce, la difficulté provient du fait que certains reproches concernent des manquements répétés aux obligations relevant des responsabilités du secrétaire-trésorier. Pensons seulement à la non-publication des règlements municipaux depuis 2017 ou encore à l’archivage déficient des documents officiels depuis 2004. S’agit-il d’une omission volontaire ou plutôt d’une incapacité à exercer ses fonctions?

[43]        Pour trancher la question de la qualification, il faut analyser la situation globalement et retenir le motif le plus important, entre l’incapacité ou la faute[8].

[44]        Soulignons abord que la décision en destitution ne résulte pas de l’échec d’un processus de redressent. Avant novembre 2017, le conseil fait confiance à madame Dubois. C’est à l’occasion de son absence que madame Gravel, embauchée pour assurer son intérim, fait des découvertes nécessitant l’ouverture d’une enquête.

[45]        Le Tribunal comprend des motifs de destitution que c’est la nature, la gravité et le cumul des manquements observés qui amènent le conseil à conclure qu’il y a un bris irrévocable du lien de confiance. Cette approche globale qui assimile les contraventions au Code à des fautes est justifiée dans les circonstances. 

[46]        Un conseil municipal doit pouvoir compter sur la compétence, la loyauté et l’intégrité de son principal fonctionnaire afin d’avoir toute l’information utile à la gestion des affaires municipales. Or, avant l’enquête, le conseil n’a jamais été saisi de difficulté pouvant laisser croire que la municipalité agissait en contravention de certaines règles imposées par le code. Il est en preuve que madame Dubois connaissait la plupart des formalités issues du Code et qu’elle a, sans en informer le conseil, sciemment adopté un mode de gestion inadéquat. Ces attitudes et comportements révèlent le profil d’une personne négligente à l’égard de ses responsabilités.    

[47]        Par ailleurs, tous les autres reproches sont clairement de nature disciplinaire.

[48]        De l’avis du Tribunal, l’aspect disciplinaire est nettement prépondérant dans le présent dossier. La destitution doit, comme le suggère la municipalité, recevoir une qualification disciplinaire. 

La destitution de madame Dubois est-elle justifiée?

[49]        La plaignante soutient la thèse que sa destitution s’inscrit dans une machination planifiée par les nouveaux conseillers et le maire. Cette thèse mérite d’être examinée pour les raisons suivantes.

[50]        La protection offerte aux cadres municipaux s’explique en partie par un désir d’éviter qu’une nouvelle équipe d’élus désire faire table rase pour s’entourer de personne qui partage sa vison, sinon ses allégeances[9]. Le Tribunal doit accorder une attention particulière à cette réalité de la politique municipale d’autant plus qu’il y a première vue certains éléments permettant de soutenir une telle allégation. Les difficultés de madame Dubois débutent avec l’arrivée des trois nouveaux conseillers. Les nouveaux élus sont directement visés par une réclamation produite à la CNESST. La fille du conseiller Dominic Neault est embauché pour la remplacer après la destitution.

L’arrivée des nouveaux élus

[51]        L’arrivée des trois nouveaux élus en novembre 2017 change la dynamique du conseil municipal. Auparavant laxiste, le conseil devient plus interventionniste. Madame Dubois estime pour sa part avoir été victime, à compter de ce moment, de comportements abusifs et injustifiés de la part des frères Neault qui cherchait à se débarrasser d’elle.

[52]        Les jours suivants l’élection dit-elle, les frères Neault surveillent « ses allées et venues au travail ».

[53]        Dès la première réunion pour la préparation du budget en décembre 2018, elle se retrouve confrontée à un conseil plus incisif qui cherche à obtenir des clarifications sur ses conditions de travail. 

[54]        Les réunions publiques du nouveau conseil sont particulièrement difficiles pour elle. Son travail est remis en question par les nouveaux élus et certains citoyens. Le ton est souvent accusateur. Elle tente en vain de s’expliquer sans recevoir l’appui du maire. Elle ne comprend pas ce revirement de situation qui la place dans une situation inconfortable. Auparavant, dit-elle, elle n’avait jamais eu de problèmes avec les élus.

[55]        Elle constate rapidement qu’elle n’a plus l’entière confiance du conseil. Sa relation avec le maire n’est plus la même. Il a pris ses distances et devenu méfiant.

[56]        Sa relation avec les élus se détériore progressivement. Épuisée par cette situation conflictuelle, elle cesse de travailler pour des raisons de santé en août 2018. 

L’enquête

[57]        Soulignons d’abord que ce n’est qu’après avoir pris connaissance des découvertes de madame Gravel que le conseil estime nécessaire d’ouvrir une enquête.

[58]        Madame Gravel est embauchée après avoir répondu à une offre d’emploi. Elle répond au profil recherché puisqu’elle a déjà occupé des fonctions similaires dans des petites municipalités rurales. Au départ, elle ne sait rien de la municipalité et ne connaît aucun membre du conseil. Elle accepte le mandat de remplacer madame Dubois pour la durée de son absence.

[59]        Pour le Tribunal, il s’agit d’un témoin indépendant et crédible.

[60]        Dès son arrivée, elle constate que le bureau municipal est désorganisé. Les documents officiels ne sont pas répertoriés ni classés adéquatement. Un bureau servant de salle d’archives regroupe dans le désordre une multitude de boîtes non identifiées. Elle commence par mettre à jour la comptabilité. Elle découvre au journal de paies que madame Dubois se verse en 2018, à certaines périodes, simultanément deux paies de montants différents, une pour son salaire et une autre pour ses vacances calculées sur le montant brut de l’année courante. Cette façon de faire, explique telle, va à l’encontre des pratiques reconnues qu’elle a toujours mises en application. Elle découvre également qu’il y a eu paiement en double de jours fériés et que madame Dubois s’est accordée, sans résolution, une augmentation salariale de 2 % pour l’année 2018. Malgré ses recherches, elle ne retrouve pas au livre des règlements de l’année 2017 plusieurs règlements qui devraient y être consignés. Les avis publics depuis 1996 et la liste des propriétaires par rue ou par rang sont introuvables. Elle retrace par contre une ébauche de contrat de la directrice générale. Elle estime, à juste titre, devoir faire part de ses anomalies au conseil. Le maire ainsi que les élus, dit-elle, ne peuvent lui donner d’explications.

[61]        Rien ne permet de croire, comme le laisse entendre madame Dubois, que les documents manquants faisant l’objet de reproches ont été perdus ou encore sciemment cachés lors du réaménagement du bureau survenu après l’entrée en fonction de madame Gravel. D’abord, madame Gravel nie avoir caché ou détruit des documents, ce qu’elle n’aurait pu faire de toute façon sans l’approbation du conseil. En outre, lors de l’enquête, madame Dubois refuse de donner suite à une suggestion de l’enquêteur qui proposait de visiter les lieux avec elle afin de retracer ces documents et identifier ce qui avait changé dans l’aménagement du bureau. Ce refus ne peut s’expliquer que part une volonté de dissimuler la vérité.

[62]        Dès le mois de février 2019, le maire interpelle monsieur Charest à ce sujet. Il souhaite au départ avoir une opinion préliminaire sur les découvertes de madame Gravel. Après vérification, il informe le maire qu’il serait justifié de faire à une enquête formelle et globale.

[63]        Monsieur Charest débute son enquête par une cueillette d’informations.

[64]        Le 19 mars, une première convocation est transmise à madame Dubois. On y spécifie tous les sujets pour lesquelles la municipalité souhaite obtenir sa version des faits.

[65]        La première rencontre avec madame Dubois, fixée au 22 mars, est reportée au 5 avril à la suite de l’intervention du procureur qu’elle a mandaté pour la représenter.

[66]        Lors de la rencontre du 5 avril, madame Dubois est accompagnée par une avocate. Monsieur Charest expose les motifs justifiant l’enquête et prend note de ses demandes d’informations.

[67]        Le 23 avril, suivant l’accord intervenu, monsieur Charest communique toutes les informations demandées. Madame Dubois transfère ces informations à son avocate.

[68]        Le 24 avril 2019, monsieur Charest rencontre madame Gravel, monsieur Tousignant et le maire. Il profite de l’occasion pour visiter les lieux. Il constate par lui-même que le bureau qui sert de salle d’archives est encombré de boîtes. Une salle qu’il qualifie de « débarras » et qui ne correspond aucunement aux normes d’une salle d’archives municipale. Il retrouve, à une autre occasion, le coffre-fort dont parlait madame Dubois, caché derrière un bureau et des boîtes. Il met la main sur des enveloppes contenant des procès-verbaux et autres documents des années antérieures qu’il remet à madame Gravel.

[69]        Le 22 mai 2019, il rencontre pour une deuxième fois madame Dubois, toujours accompagné de son avocate. Elle est informée que la rencontre sera enregistrée. On lui donne l’opportunité de donner sa version des faits pour chacun des manquements rempochés.

[70]        Le même jour, il rencontre trois conseillers; deux anciens, messieurs Alain Gagnon et Claude Gagnon, ainsi qu’un conseiller en poste, monsieur Sylvain Pelletier.

[71]        Le 28 mai 2019, il rencontre madame Audrey Morin, comptable responsable du client chez Raymond Chabot Grant Thornton, pour clarifier la question du paiement des indemnités de vacances annuelles.

[72]        Le 10 juillet, une lettre exposant de façon détaillée les conclusions de l’enquête est transmise à madame Dubois. Elle est convoquée devant le conseil afin de recueillir ses observations.

[73]        Le 16 octobre 2019, soit quelques semaines après son retour au travail, madame Dubois est rencontrée par le conseil afin de présenter ses observations.  

L’embauche de la nouvelle directrice générale

[74]        Il est certain que le contexte dans lequel se fait l’embauche de madame Neault soulève des interrogations.

[75]        Monsieur Charest accepte le mandat parce qu’il a une expertise en la matière. Il met toutefois en garde le maire que son implication dans ce dossier pourrait être mal interprétée.

[76]        Le poste est affiché, mais peu de candidatures sont reçues. Après une première étape de sélection, seuls deux candidats sont retenus. Un comité de sélection de quatre personnes indépendantes est mis sur pied. Le maire, ainsi que les nouveaux élus, n’en font pas partie.

[77]        Madame Neault a un profil professionnel qui correspond aux exigences de l’emploi. Elle occupe déjà un poste de directrice générale dans une autre municipalité de la région. Sa candidature fait l’unanimité. L’autre candidat est écarté parce qu’il n’a aucune connaissance du monde municipal.  

[78]        Le 22 janvier 2020, le conseil adopte une résolution entérinant la recommandation du comité de sélection. Les conseillers Dominique et Yoland Neault se retirent du délibéré et du vote.

Le complot

[79]        Avant l’élection de 2017, madame Dubois bénéficiait d’une marge de manœuvre appréciable dans l’exécution ses fonctions qui s’explique en bonne partie par la complaisance de monsieur Lyonnais. Le maire se décrit lui-même comme un élu qui priorise les projets de développement au détriment de la gestion quotidienne des affaires de la municipalité. En fait sur ce volet, il s’en remet entièrement à madame Dubois. Il lui fait aveuglément confiance. Elle n’a pas de feuille de temps et informe le maire si elle s’absente ou prend un congé. Par commodité, il accepte parfois de signer des « chèques en blanc ». En 30 ans, elle n’a jamais été soumise à une évaluation formelle de ses compétences. En outre, à toute fin pratique, le conseil ne lui jamais imposé de mesure de contrôle.

[80]        Le nouveau conseil adopte une approche différente. Les méthodes utilisées sont peut-être discutables, mais en définitive les nouveaux élus exercent les prérogatives que leur accorde le code pour interpeller madame Dubois notamment sur ses conditions de travail. Elle s’adapte difficilement à ce changement de gouvernance.

[81]        Il est possible que le maire se soit senti mal à l’aise dans ce contexte, considérant son imputabilité à l’égard des administrations précédentes. On ne peut toutefois en déduire qu’il avait l’intention, avec les frères Neault, de se débarrasser de madame Dubois. C’est la découverte d’irrégularités par une personne indépendante qui a rendu nécessaire l’ouverture de l’enquête à l’origine de la destitution.

[82]        Le Tribunal ne retrouve pas, par ailleurs, dans le processus d’enquête, de faiblesses pouvant laisser croire, comme le suggère la plaignante, que nous sommes en présence d’une enquête dirigée qui prend appui sur de simples impressions. Au contraire, il s’agit d’une enquête sérieuse conduite avec rigueur et dans le respect du devoir d’agir équitablement[10]. Madame Dubois n’a pas été prise par surprise. Les sujets d’investigations sont dévoilés dès le départ. Monsieur Charest répond à ses demandes d’informations et elle bénéficie d’un temps raisonnable et du support de son avocate pour préparer son interrogatoire. Malgré cela, elle offre peu de réponses satisfaisantes.

[83]        L’embauche de madame Neault, malgré les apparences, est justifiée par la valeur de sa candidature, la mise place d’un processus objectif d’évaluation et l’imposition de mesures pour éviter les conflits d’intérêts.

[84]        La preuve administrée ne permet pas conclure que madame Dubois a été victime d’un complot pour la destituer.

Les manquements reprochés

[85]        La municipalité a réussi à démontrer la plupart des manquements reprochés. Deux ne se sont pas prouvés à la satisfaction du Tribunal :

·           Utilisation des équipements de la municipalité aux fins personnels ou aux fins de l’exécution du travail personnel;

·           Non-actualisations du budget municipal selon les normes du Manuel de la présentation de l’information financière municipale.

[86]        Le Tribunal retient, comme prépondérant, la version plus vraisemblable des témoins produits par la municipalité, tout particulièrement celui de madame Gravel. Madame Dubois a, pour sa part, livré un témoignage parfois imprécis et d’autres fois peu convaincant.

[87]        Certains manquements prouvés doivent être qualifiés de fautes graves.

Les contraventions au Code

[88]        À titre de directrice générale, secrétaire et trésorière, madame Dubois était la « gardienne » des livres, registres, plans, cartes, archives et autres documents ou papiers de la municipalité qui sont produits, déposés et conservés dans le bureau de la municipalité[11]. Il lui appartenait de s’assurer que l’ensemble des exigences prévues au Code était respecté.

[89]        Le Code prévoit des exigences strictes en ce qui a trait aux règlements municipaux. Ils doivent être signés par le maire et le secrétaire-trésorier pour être authentiques[12]. Ils doivent être consignés aux livres des règlements de la municipalité et le secrétaire-trésorier doit indiquer la date d’affichage de l’avis de la publication[13]. Ils entrent en vigueur à la date de leur publication[14]. Le Code prévoit une mécanique de publication qui doit être impérativement respectée par le secrétaire-trésorier.[15]

[90]        Il prévoit également des exigences impératives eu égard aux avis publics. Ils doivent respecter les conditions de forme, de publication et de notification prescrites[16]. Tout avis public doit être accompagné d’un certificat de publication ou de notification et l’original de cet avis et de son certificat doit être consigné aux archives municipales[17].

[91]        La preuve établie qu’il y a absence de publication des règlements depuis 2017, que les avis publics à compter de l’année 1996 sont introuvables et que les méthodes de conservation des archives sont hautement déficientes.

[92]        Les lacunes observées dans la gestion des règlements sont particulièrement sérieuses.

[93]        Madame Dubois admet avoir omis de mettre à jour le registre des règlements, car « elle manquait de temps » et que de « janvier à mai elle ne mettait pas les règlements à jour », selon sa compréhension, les règlements étaient tout de même valides. Ce n’est pas ce que nous enseigne la doctrine.

[94]        Dans leur ouvrage Droit municipal, principes généraux et contentieux[18], les auteurs, maîtres Jean Hétu et Yvon Duplessis nous enseignent qu’un règlement municipal doit impérativement être publié pour être en vigueur. Il s’agit d’une formalité essentielle.

[95]        Les mêmes auteurs[19] soulignent que le secrétaire-trésorier a une obligation de « résultat », pour laquelle la municipalité peut être tenue responsable :

« L’omission pour un greffier ou un secrétaire-trésorier d’appliquer ou d’exécuter une formalité imposée par la loi pour l’entrée en vigueur d’un règlement est considérée comme une obligation de résultat pour laquelle la municipalité peut être tenue responsable. Nous en trouvons une illustration dans le jugement rendu dans Homans c. Ville de Sherbrooke, 2019 EXP-1337 (C.S.), EYB 2019-310661 (C.S.), 2019 QCCS 1549. Dans cette affaire, un règlement de zonage permettant au demandeur d’exploiter son entreprise n’était jamais entré en vigueur parce que l’officier municipal, qui avait l’obligation de le transmettre à la MRC, conformément à l’article 137.2 L.A.U., avait omis de le faire. En raison de cette omission, le demandeur avait fait l’objet de différents recours judiciaires et la Ville fut ainsi condamnée à lui rembourser les montants engagés pour assurer sa défense devant les tribunaux. »

[Notre soulignement]

[96]        De l’avis du Tribunal, madame Dubois a fait preuve de négligence répétée en adoptant des pratiques administratives incompatibles avec ses obligations. Elle a, en outre, fait preuve d’un manque de loyauté envers son employeur en ne l’informant pas de la difficulté à remplir ses obligations. 

L’augmentation de salaire

[97]        Le 11 décembre se tient une réunion de travail pour le budget 2018. Le climat est tendu. Madame Dubois annonce aux élus que la rencontre sera enregistrée. La question de sa rémunération est abordée. Elle réclame une augmentation de 2 % conformément à la pratique établie. Les élus l’interrogent plusieurs minutes sur ses conditions de travail parce que, relate Dominic Neault, « elle offre peu de réponses satisfaisantes ». Il y a désaccord sur cette demande, mais le projet de budget est adopté. Le conseil reporte sa décision concernant l’augmentation salariale et demande à madame Dubois, avant tout chose, de mettre à jour son contrat de travail.

[98]        Malgré cela, madame Dubois comprend que sa demande est acceptée et, sans résolution du conseil, s’autorise le versement d’une augmentation de 2 %. Lors de l’enquête, elle soutient avoir simplement oublié de changer la programmation dans son système. Une justification qui n’est pas crédible. En février 2018, elle tente, sans succès de faire approuver une résolution formalisant son initiative. À l’audience, elle affirme que le conseil avait déjà consenti à une telle une augmentation renouvelable annuellement par une résolution adoptée 2013 ou 2014. Les recherches n’ont pas permis de retracer cette résolution. À l’évidence, madame Dubois considérait que cette augmentation lui était due et qu’elle faisait partie de ses conditions de travail. Il est peu probable qu’elle ait simplement oublié de changer la programmation du système. Une directrice générale de 30 ans d’expérience sait ou devrait savoir qu’une municipalité ne prend des décisions que par résolution. Elle ne pouvait ainsi s’autoriser une augmentation salariale sans résolution. En agissant comme elle la fait, elle a abusivement exercé les pouvoirs rattachés à ses fonctions.

Les vacances annuelles

[99]        Madame Dubois plaide que les modalités de paiement de ses vacances annuelles sont justifiées par son contrat de travail qui lui accorde une indemnité annuelle. de 12 %.

[100]     Le Tribunal conclut qu’elle s’est versé sans droit, de façon répétée depuis 2010, des indemnités de vacances en double. En plus de son salaire annuel reparti sur 52 semaines, elle se versait, en suppléments, au moment de ses vacances, une indemnité de vacances.

[101]     Elle n’était pas autorisée à se prévaloir d’une telle mécanique en l’absence d’une disposition claire à son contrat de travail. Or, le contrat ne fait aucune mention cet égard. Cette pratique va à l’encontre des règles reconnues en la matière.

[102]     Malgré ses affirmations contraires, elle a calculé son indemnité de vacances à partir du salaire brut gagné au cours de l’année courante, et non à partir de celle gagnée au courant d’une année de référence, comme le prévoit la Loi sur les normes du travail[20]. Le procédé est malhonnête.

La proportionnalité de la mesure

[103]     En matière disciplinaire un employeur est assujetti à la règle de la progression des sanctions, un principe qui s’applique non seulement aux salariés, mais aussi aux cadres. En l’instance, la municipalité déroge à ce principe en invoquant  un bris irrémédiable du lien de confiance.

[104]     Rappelons d’entrée de jeu que la théorie de la progression des sanctions n’est pas d’application absolue. Certaines circonstances permettent à un employeur de congédier un salarié sans l’avoir préalablement sanctionné. Dans tous les cas cependant, la sanction doit être proportionnelle à la faute et tenir compte de l’ensemble des circonstances. Pour évaluer la proportionnalité, il faut suivre une approche contextuelle et considérer toutes les circonstances atténuantes ou aggravantes.

[105]     Le directeur général d’une municipalité exerce une fonction de la première importance. Il est responsable du bon fonctionnement de l’administration. Il travaille en étroite collaboration avec les élus et à ce titre joue un rôle de conseiller. Le secrétaire-trésorier, pour sa part, est notamment responsable de la garde et de l’accès aux documents légaux de la municipalité. Il est impossible d’exercer ces fonctions sans maintenir un lien de confiance avec le conseil municipal[21].

[106]     Le Tribunal souscrit ainsi aux prétentions de la municipalité selon laquelle le lien de confiance entre madame Dubois et son employeur est irrémédiablement brisé.

[107]     Il faut, en premier lieu, considérer la nature et la gravité objective de certains manquements.

[108]     Le défaut de publication des règlements municipaux depuis 2017 fait en sorte que les règlements adoptés sont juridiques suspendu.

[109]     Madame Dubois, il faut le rappeler, connaissait cette formalité, mais a sciemment choisi d’utiliser, sans en informer le conseil, une façon de faire non conforme. Il est possible que cela résulte, comme elle le prétend, d’une surcharge de travail. Elle avait cependant l’obligation d’en informer le conseil et de proposer des correctifs, ce qu’elle n’a pas fait.

[110]     Dans une affaire récente[22], le Tribunal a confirmé la destitution d’un directeur général qui avait agi en contravention à ses obligations contenues à la LCV, pour lesquelles des obligations étaient connues de sa part. Le Tribunal fait siens les principes énoncés :

[89] Toutefois, le directeur général avait procédé à la suspension et la Loi lui impose d’en faire rapport au Conseil. En omettant de le faire, il prive le Conseil de la possibilité d’exercer ses prérogatives tant à l’égard du Surveillant, de la décision du maire de le réintégrer et des circonstances qui ont donné lieu à la dénonciation.

[91Il s’agit d’un manquement sérieux à une obligation qui émane directement de la LCV et monsieur Larose a reconnu à l’audience qu’il connaissait la disposition pertinente. Il s’agit d’une omission qui mine la relation de confiance qui doit exister entre le directeur général et le Conseil. Les membres du Conseil peuvent légitimement s’interroger s’il existe d’autres faits dont le directeur général a omis de les informer.

[…]

[110À titre de premier fonctionnaire de la Ville, le directeur général a un devoir d’exemplarité, de rigueur et de respect des règles établies, et cela même lorsque ses responsabilités le placent en opposition avec les désirs du maire.

[111]     L’augmentation salariale qu’elle s’est accordée sans droit et le paiement en double des d’indemnité de vacances est l’illustration de pratiques administratives non conformes qu’elle a installées sans impunité en abusant de la confiance du maire et du conseil.

[112]     Ces seuls manquements justifient le bris du lien de confiance.

[113]     Il est vrai et nous l’avons souligné, que le maire et le conseil ont mis en place un terreau fertile aux écarts en faisant preuve de laxisme à l’endroit de madame Dubois. Cependant, et contrairement aux prétentions de la plaignante, il n’appartenait pas au maire ni aux autres élus de se substituer à la directrice générale, secrétaire et trésorière dans l’accomplissement de ses tâches et responsabilités. Les pouvoirs du maire et du conseil sont encadrés par le Code et sont distincts de ceux de la direction générale[23].

[114]     Madame Dubois demeure entièrement imputable des manquements à ses obligations.

[115]     Par ailleurs, l’attitude de madame Dubois qui banalise ou nie ses comportements fautifs en affirmant à l’audience qu’elle a fait un très bon travail est un facteur aggravant. On ne retrouve pas chez elle une auto critique suffisante pouvant lui permettre de s’amender.

[116]     Les faits ayant conduit à sa destitution suffisent pour appuyer la thèse de la municipalité et démontrent que le lien de confiance nécessaire entre le conseil et son plus haut fonctionnaire a été rompu.

[117]     La nature même de certains reproches adressés à madame Dubois ainsi que la fonction qu’elle occupait à titre de première fonctionnaire de la municipalité rendaient inapplicable une progression des sanctions.

[118]     En conclusion, la décision de la municipalité s’avère sage, sérieuse et se justifie amplement dans le cadre d’une saine administration.

[119]     Considérant cette conclusion, il n’est pas utile de répondre à la question sur la réintégration.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL 

REJETTE                        la plainte;

DÉCLARE                       la mise sous scellés de la pièce déposée sous la côte E-20 et décide que seuls les procureurs y ont accès;

INTERDIT                        la publication, la divulgation et la diffusion du contenu de la pièce E-20.

 

 

__________________________________

 

Daniel Blouin

 

 

 

Me Michel J. Duranleau

DURANLEAU CONSULTANTS INC.

Pour la partie demanderesse

 

Me Kathleen Rouillard

BÉLANGER SAUVÉ, S.E.N.C.R.L

Pour la partie défenderesse

 

Date de la mise en délibéré :         7 mai 2021

/rtl



[1] RLRQ, c. C -27

[2]           L.R.Q., c. A-2.1.

[3]          RLRQ, c. C -19.

[4]          Renaud c. Château-Richer (Ville de), 2016 QCTAT 1629. Voir également Dansereau c. Montréal (Ville de), 2014 QCCRT 0420; Panneton c. Ville de Trois-Rivières, 2010 QCCRT 150; Larose c. Ville de Chambly, 2020 QCTAT 4215; Pruneau c. Municipalité de Sainte-Euphémie-sur-Rivière-du-Sud, 2009 QCCRT 249.

[5]           Massie c. Brownsburg-Chatham (Ville), 2005 QCCRT 0052; Tancrède c. Matane (Ville), 2011 QCCRT 549 et Dufresne c. Municipalité d’Ivry-sur-le-Lac, 2019 QCTAT 222.

[6]           Articles 179 et suivants.

[7]           Articles 112 et suivants.

[8]           Serri c. Les Girouettes du Centre du Plateau, 2010 QCCRT 0006.

[9]           Précitée, note 4.

[10]         Houle c. Ville de Saint-Basile-le-Grand, 2010 QCCRT 0390.

[11]         Précité, note 1, art. 199.

[12]         Id., art. 446.

[13]         Id., art. 448.

[14]         Id., art. 450.

[15]         Id., art. 451.

[16]         Id., art. 415 et suivants.

[17]         Id., art. 419.

[18]         Vol. 1, 2e Éd., Brossard, Publications CCH Ltée, 2005, par. 8.80, p. 8104 (édition à feuilles mobiles, à jour au 22 janvier 2020).

[19]         Id.

[20]         RLRQ, c. N-1.1, art. 74.

[21]         Précitée, note 5.

[22]         Précitée, note 4.

[23]         Cusson et Municipalité de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, 2014 QCCRT 0061.

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