- L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 1er août 2023 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Karen Kear-Jodoin), lequel rejette sa demande en diffamation et en dommages, avec les frais de justice[1].
- Pour les motifs de la juge Dutil, auxquels souscrivent les juges Hogue et Cotnam, LA COUR :
- REJETTE l’appel, avec les frais de justice.
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| JULIE DUTIL, J.C.A. |
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| MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A. |
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| GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A. |
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Me Tuan Khai Alain Nguyen |
desmarais desvignes nguyen |
Pour l’appelant |
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Me Geneviève Gagnon |
chenette, boutique de litige |
Pour les intimées |
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Date d’audience : | 2 avril 2025 |
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- L’appelant, Steve Bolton, est un chorégraphe connu mondialement. Le 12 décembre 2017, alors que le mouvement #moiaussi prend son essor, l’intimée La Presse ltée (« La Presse ») publie un article rédigé par les journalistes intimées Katia Gagnon et Stéphanie Vallet sous le titre Pluie de dénonciations contre un chorégraphe vedette[2] (« l’article »).
- En première instance, M. Bolton reproche à La Presse, ainsi qu’à ses journalistes, la publication d’un article diffamatoire, lequel amène le lecteur à conclure qu’il est un homme abusif, violent et qui maltraite les enfants[3]. Il réclame aux intimées 50 000 $ à titre de dommages-intérêts moraux et 171 500 $ en dommages-intérêts pécuniaires. Quant aux dommages-intérêts exemplaires, il demande que La Presse soit condamnée à lui verser 30 000 $, Mme Vallet 10 000 $ et Mme Gagnon 5 000 $. La juge rejette le recours.
- Le pourvoi porte sur la notion de faute journalistique. M. Bolton plaide entre autres que la Cour doit se prononcer sur les normes et standards journalistiques auxquels sont astreints les journalistes dans le contexte spécifique de publications ou reportages de type #moiaussi. Il soutient que la juge de première instance modifie l’état du droit québécois en atténuant les obligations qui s’imposent aux journalistes lorsque ceux-ci travaillent sur une publication ou un reportage de ce type.
- Pour bien comprendre le litige, il est utile de reprendre les principaux faits.
LE CONTEXTE
- M. Bolton fait carrière comme chorégraphe depuis plusieurs années. En 2002, alors qu’il est dans la mi‑vingtaine, il fonde le studio de danse 8Count qu’il dirige jusqu’en 2016. Il offre des cours de danse destinés à une clientèle de tous âges et de tous niveaux. À cette époque, il enseigne également à des adolescents qui souhaitent devenir professionnels et forme des troupes qui participent à des compétitions de danse. Il crée deux troupes, soit BluePrint et Irratik, lesquelles participent à l’émission America’s Best Danse Crew lors des saisons 2010 et 2012. Il agit par la suite comme chorégraphe pour de nombreux spectacles, galas et émissions de télévision.
- Au moment où l’article est publié, en décembre 2017, M. Bolton participe à plusieurs comédies musicales du metteur en scène Serge Postigo. Il collabore au film Playmobil (LEGO), a des projets avec le Cirque du Soleil et vient d’être recruté comme juge pour une nouvelle émission de TVA intitulée Révolution.
- Les journalistes de La Presse sont contactées par une première personne le 23 novembre 2017. En effet, c’est à ce moment que Mme Gagnon reçoit un appel de la Source C[4] qui l’informe que plusieurs danseurs ont décidé de porter plainte contre M. Bolton auprès de l’Union des artistes (« UDA »)[5]. Cette source lui fait parvenir une copie de sa propre plainte[6].
- La même journée, Mme Gagnon communique avec Mme Vallet pour en savoir plus sur M. Bolton puisque cette dernière travaille à la section culturelle de La Presse et connaît bien le monde de la danse[7].
- À compter du 23 novembre 2017, les deux journalistes sont informées de nouvelles plaintes de danseurs et réalisent des entrevues avec plusieurs sources. Les allégations concernant M. Bolton se rejoignent essentiellement autour des thèmes suivants : abus de pouvoir, crises de colère, violence physique et psychologique, blessures et surmenage[8].
- Le 27 novembre 2017, Mme Vallet mène une entrevue avec l’une des plaignantes, Vanessa Gagnon.
- Le 29 novembre 2017, une source transfère à Mme Gagnon un courriel que l’UDA a envoyé aux artistes ayant porté plainte contre M. Bolton[9]. L’UDA y joint une liste de 11 « faits objectifs » reprochés à ce dernier. Ces faits sont les suivants :
1. Violence physique et verbale lors des répétitions;
2. Attitude générale d’abus de pouvoir entraînant un sentiment de peur et de grand stress chez les danseurs dont notamment :
a. A fait pleurer plusieurs fois des danseurs sur les plateaux (incluant des enfants) suivant des crises de colère;
b. Refus fréquents de donner des pauses aux danseurs après un travail intense;
c. Refus fréquents aux danseurs de boire et de manger pendant le travail;
d. Pousse le travail au point d’entraîner des lésions professionnelles :
i. exige de longues heures de répétitions;
ii. exige des positions contraignantes sur de longues durées occasionnant ainsi de multiples blessures;
e. Le danseur blessé se fait ensuite intimider ou dénigrer en raison de sa blessure devant d’autres personnes;
3. Exige des réunions de travail à toute heure du jour ou de la nuit;
4. S’immisce dans la vie privée des danseurs (il refuse que ses danseurs ou enseignants travaillent ailleurs) et même leurs fréquentations;
5. Exige la signature de contrat d’exclusivité abusif sans laisser le temps aux danseurs de se faire conseiller;
6. Fait savoir aux danseurs que sans lui, ils ne sont rien et qu’ils lui sont redevables;
7. Les danseurs ont des difficultés à se faire payer leur travail d’enseignants, rétention de chèque sans motif et aucune rémunération pour des événements corporatifs ou privés;
8. Menaces régulières aux danseurs de les bloquer sur d’autres contrats s’il n’obtient pas ce qu’il veut d’eux;
9. A fait perdre des contrats à des danseurs sur des faux prétextes de non professionnalisme ou par manque de disponibilité lors d’une répétition qui s’ajoute à la dernière minute;
10. Exige que les danseurs le remercie ou le louange de manière exagérée sur les réseaux sociaux;
11. Épier les danseurs sans qu’ils ne le sachent par le biais de microphones cachés ou de miroirs truqués afin d’utiliser les informations contre eux;[10]
[Transcription textuelle]
- Le 30 novembre 2017, Mme Gagnon commence à rédiger l’article[11].
- Le 4 décembre 2017, M. Bolton envoie trois mises en demeure à différentes sources[12]. Il nie les allégations de harcèlement psychologique et leur demande de cesser de propager des propos diffamatoires.
- Toujours le 4 décembre, Mme Gagnon obtient un entretien avec la présidente de l’UDA, Mme Sophie Prégent[13]. Cette dernière confirme que l’UDA a reçu de nombreuses plaintes au sujet de M. Bolton et qu’elle a contacté les producteurs pour qui il travaille afin de les informer de ce fait. En outre, Mme Prégent mentionne que l’UDA enverra des agents sur les lieux lorsque M. Bolton travaillera sur une production[14].
- À ce stade de l’enquête, les deux journalistes estiment avoir suffisamment d’informations à soumettre à M. Bolton pour lui demander sa version des faits[15]. Mme Gagnon communique alors avec l’agent de M. Bolton pour fixer une rencontre[16].
- Le 5 décembre 2017, les journalistes reçoivent copie d’un second courriel envoyé par l’UDA aux danseurs qui ont porté plainte. Il indique qu’une vigie accrue sera exercée sur tous les plateaux impliquant M. Bolton. Il comporte notamment la mention suivante : « Si vous avez des craintes liées à votre sécurité, n’hésitez pas à contacter la police »[17].
- À cette même date, en raison des mises en demeure envoyées, de la lettre de l’UDA à ce sujet et de la nature des allégations reprochées à M. Bolton, il est jugé raisonnable d’accorder la confidentialité aux sources « on the record » lors de l’entretien avec M. Bolton qui doit se tenir le 6 décembre[18].
- Toujours le 5 décembre 2017, une version préliminaire du texte de l’article est envoyée à la direction de La Presse[19].
- Le 6 décembre 2017, les journalistes se rendent chez l’avocate de M. Bolton pour une rencontre avec lui. Ce dernier est également accompagné de son agent[20]. Elles utilisent la liste de « faits objectifs » communiquée par l’UDA pour poser des questions[21].
- Pendant l’entrevue, d’une durée d’environ deux heures, M. Bolton informe les journalistes de l’existence d’échanges entre lui et différentes danseuses, lesquels contrediraient leurs versions des faits[22]. Il informe aussi les journalistes qu’il leur fera parvenir une liste de personnes à contacter[23].
- Le 7 décembre 2017, les journalistes reçoivent par courriel les conversations auxquelles M. Bolton faisait référence durant la rencontre[24], ainsi qu’une liste de 60 noms de personnes pouvant témoigner en sa faveur[25]. Elles en contactent 15[26]. À cette même date, les intimées sont mises en demeure de ne pas publier l’article[27].
- Le 8 décembre 2017, quatre jours avant la parution de l’article, le contrat concernant la participation M. Bolton à l’émission Révolution est résilié[28], mais M. Bolton explique que des discussions se poursuivent jusqu’en février 2018 pour déterminer si un retour est possible. C’est l’UDA qui a d’abord rencontré le producteur, le Groupe Fair‑Play, et l’a informé de l’enquête journalistique en cours au sujet de M. Bolton[29].
- Le 11 décembre 2017, les journalistes reçoivent un courriel de l’agent de M. Bolton. Il s’agit d’une autre liste de personnes qui seraient prêtes à être citées dans l’article[30]. Les journalistes ne les contactent pas, mais citent des extraits des déclarations de trois de ces personnes dans l’article[31].
- Le 12 décembre 2017, l’article est publié à la une de La Presse +[32].
- Malgré une mise en demeure envoyée le 9 février 2018 aux intimées par M. Bolton pour propos diffamatoires, elles refusent de se rétracter. M. Bolton dépose une demande introductive d’instance le 9 mars 2018. Le 1er août 2023, la juge de première instance rejette sa demande.
LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE
- La juge énonce les principes de droit applicables. Elle souligne que les avocats s’entendent à cet égard, mais ont des perceptions divergentes quant à leur application[33].
- Après avoir énoncé les diverses normes journalistiques existantes, la juge examine les témoignages des deux experts entendus à ce sujet. Elle souligne qu’il existe des disparités significatives quant aux qualifications et à l’expérience de chacun d’eux. L’expert de M. Bolton, Michel Lemay, n’a jamais travaillé dans une salle de presse et sa carrière a plutôt été consacrée à la critique des médias. En outre, il n’a pas pris connaissance des entrevues avec les plaignants, ce qui affaiblit son opinion. Quant à l’expert des intimées, Michel Cormier, il possède 30 ans d’expérience dans les domaines d’enquête et de déontologie journalistique. La juge estime que son expertise et son témoignage sont plus convaincants que ceux de M. Lemay[34].
- Elle conclut que l’article était d’intérêt public, particulièrement en 2017, avec la montée du mouvement social #moiaussi où certains comportements tolérés dans le passé dans les milieux de travail ne l’étaient plus. M. Bolton est un chorégraphe de renommée internationale et il travaille avec des danseurs, des producteurs et des acteurs, dont des enfants. Il a participé à des productions importantes comme Mary Poppins et Footloose. Lorsque l’enquête journalistique a débuté, M. Bolton venait d’être engagé comme juge à l’émission Révolution[35].
- Même si certains incidents impliquent d’anciennes partenaires amoureuses, la juge estime qu’il est difficile de distinguer les événements qui les concernent puisque M. Bolton a également été leur « coach » ou leur employeur[36].
- En ce qui concerne le processus d’enquête, la juge souligne que les deux journalistes ont adopté la méthodologie utilisée pour les enquêtes reliées au mouvement #moiaussi.[37]
- La juge est préoccupée par les propos suivants, tenus par Mme Vallet à la première source qu’elle a contactée, Vanessa Gagnon : « On ne publiera rien tant que le dossier ne sera pas assez solide pour qu’il ne travaille plus ». Elle souligne que même l’expert des intimées est d’avis que ces commentaires sont inacceptables et que Mme Vallet n’a pas fait preuve de la neutralité attendue d’une journaliste. Toutefois, elle conclut que ces propos, quoique regrettables, n’entachent pas l’ensemble de l’enquête[38].
- La juge rejette l’argument de M. Bolton selon lequel l’article est le résultat d’une conspiration menée par d’anciennes compagnes et des concurrents. Elles se sont assurées de la crédibilité de leurs sources et ont corroboré chaque incident rapporté. La juge constate que l’enquête n’est pas uniquement basée sur les informations obtenues du « Groupe des Cinq »[39]. Elle comporte des informations venant de différentes sources[40]. Les journalistes ont pris les précautions nécessaires pour mener leur enquête[41]. Elles ont contacté 11 sources dont les noms figuraient sur la liste de 60 fournie par M. Bolton[42].
- La juge ne retient pas non plus l’argument de M. Bolton voulant qu’il n’ait pas eu l’occasion de se défendre lors de la rencontre du 6 décembre 2017. L’examen de la transcription de l’entretien révèle qu’il a été mené de manière polie et professionnelle. En outre, M. Bolton et son agent ont eu suffisamment de temps pour partager leur point de vue. Ils ont également pu fournir une liste de sources favorables[43]. M. Bolton et ses sources ont par ailleurs souvent corroboré les événements, bien que leur perception de ceux-ci diffère[44].
- En ce qui concerne l’argument selon lequel les journalistes ont à tort préservé la confidentialité des sources lors de cette rencontre, la juge le rejette également. Dans les circonstances, la confidentialité était nécessaire pour protéger les sources contre les possibilités de harcèlement et d’intimidation soulevées par l’UDA[45].
- Quant au reproche fait par M. Bolton relativement à l’absence de contre-vérification avec les sources défavorables, à la suite de la remise aux journalistes, le 6 décembre, de courriels qui contrediraient leur version des faits, la juge conclut que les journalistes avaient en main une copie de ces courriels avant cette rencontre et qu’elles le mentionnent dans l’article. Ces communications ne contredisent pas les événements corroborés.
- Pour la juge, la collecte d’information et le processus d’enquête des journalistes étaient complets, objectifs et elles n’ont pas commis de faute à cet égard[46].
- La juge examine ensuite la démarche et le traitement de l’information qui a mené à la publication de l’article. Elle mentionne que Mme Vallet n’a pas abordé la question de la confidentialité des sources en début d’entrevue, comme recommandé par le Guide de déontologie. Toutefois, ce dernier et le protocole relatif au traitement des sources confidentielles ne sont pas contraignants[47]. Selon la juge, la décision des journalistes d’offrir la confidentialité aux sources qui ont dénoncé les agissements de M. Bolton est raisonnable et justifiée[48]. Celle de ne pas accorder la confidentialité aux sources favorables à M. Bolton est également raisonnable. Elle retient l’opinion de l’expert Cormier qui est d’avis que la situation est différente lorsqu’il est question de confidentialité pour les sources qui souhaitent témoigner en faveur de M. Bolton, notamment en raison du fait « qu’elles semblaient objectivement moins à risque de représailles que les plaignants »[49].
- La juge rejette par ailleurs l’argument de M. Bolton selon lequel les journalistes n’avaient pas la confirmation que 20 plaintes avaient été déposées à l’UDA. La juge retient de la preuve que Mme Gagnon a pu corroborer cette information avec la réceptionniste de l’UDA avant la publication de l’article. Ce fait a également été confirmé par l’agent de M. Bolton[50].
- Quant à la proportion équitable des positions des parties dans l’article, la juge est d’avis qu’il faut s’attarder à l’impression générale qui s’en dégage. Il n’y a pas lieu de faire une analyse paragraphe par paragraphe pour déterminer si un journaliste a commis une faute dans le traitement de l’information[51]. Elle conclut que les journalistes n’ont pas gonflé les incidents ni déformé la réalité. L’existence factuelle de chaque incident décrit n’est pas vraiment contestée. C’est la perception quant à leur nature et leur portée qui diverge[52].
- La juge conclut que la question est d’intérêt public et que les règles de l’art ont été suivies. Elle souligne de nouveau les commentaires malheureux faits par Mme Vallet à certaines sources, mais elle répète que ceux-ci n’entachent toutefois pas l’intégrité de l’enquête qui a été complète, exhaustive et minutieuse. Aucune faute des intimées n’a été établie par M. Bolton. Elle rejette la demande et ne se prononce pas sur les dommages-intérêts réclamés[53].
QUESTIONS EN LITIGE
- M. Bolton soulève quatre questions en litige touchant les standards journalistiques, l’analyse de la teneur de l’article par la juge et le fait qu’elle aurait limité l’analyse de la faute au volet de la cueillette d’information, sans procéder à un examen du traitement et de la présentation de ces informations.
L’ANALYSE
- Avant d’aborder les arguments soulevés par M. Bolton, il est utile de faire une brève revue des règles de droit applicables en matière de diffamation.
- La diffamation est ainsi décrite par le juge LeBel, alors à la Cour d’appel, dans l’arrêt Société Radio‑Canada c. Radio Sept‑Îles inc. :
Génériquement, la diffamation consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables.[54]
[Renvois omis]
- En droit civil québécois, il n’existe aucun recours particulier en diffamation. C’est le régime général de la responsabilité civile extracontractuelle de l’article 1457 C.c.Q. qui s’applique. En cette matière, il ne suffit pas d’établir des propos diffamatoires pour conclure à une faute[55]. Dans l’arrêt Prud’homme c. Prud’homme, la Cour suprême fait état de trois situations susceptibles d’engager la responsabilité de l’auteur de propos diffamatoires :
1) des propos désagréables sont prononcés à l’égard d’un tiers, alors que l’auteur sait qu’ils sont faux;
2) des propos désagréables sont prononcés à l’égard d’un tiers alors que l’auteur devrait savoir qu’ils sont faux;
3) des propos désagréables, mais véridiques sont prononcés à l’égard d’un tiers sans justes motifs. Toutefois, si l’intérêt public est en jeu, la véracité des propos peut permettre de prouver l’absence de faute.[56]
- Dans l’arrêt Gilles E. Néron Communication Marketing inc. c. Chambre des notaires du Québec, le juge LeBel souligne qu’il existe une quatrième situation pouvant entraîner la responsabilité. Cette fois, elle concerne les journalistes et les médias. Dans ce cas, un autre facteur s’ajoute à l’analyse, soit celui du respect, ou non-respect, des normes professionnelles :
[55] […] [L]a présente affaire met en relief une situation différente, dans laquelle il se peut que l’information diffusée ait été véridique — du moins en partie, comme nous le verrons plus loin — et qu’il ait été dans l’intérêt public de la diffuser, mais où, dans l’ensemble, le reportage diffusé ne respecte tout simplement pas les normes professionnelles. Dans ce cas, il peut quand même y avoir faute. […][57]
[Soulignement ajouté]
- En l’espèce, au niveau de l’appel, seul le non-respect des normes professionnelles est invoqué par M. Bolton. Il reconnaît que l’information publiée était dans l’intérêt public.
- Lorsqu’il est question du travail journalistique, la responsabilité est donc « assimilable à la responsabilité professionnelle »[58]. Dans ce cas, la véracité de l’information et la notion d’intérêt public constituent des éléments pertinents pour déterminer s’il y a eu faute. Toutefois, le facteur déterminant réside dans le respect des normes journalistiques[59]. C’était au demandeur en première instance, soit M. Bolton, d’établir selon la prépondérance des probabilités que les journalistes ne les ont pas respectées. La norme objective pour faire cette analyse de la faute est celle du journaliste raisonnable :
[61] […] Somme toute, l’existence d’une faute constitue l’exigence de base du droit de la responsabilité civile pour diffamation et cette faute doit être appréciée en fonction des normes journalistiques professionnelles. Les journalistes ne sont pas tenus à un critère de perfection absolue; ils sont astreints à une obligation de moyens. D’une part, le fait qu’un journaliste diffuse des renseignements erronés n’est pas déterminant en matière de faute. D’autre part, un journaliste ne sera pas nécessairement exonéré de toute responsabilité simplement parce que l’information diffusée est véridique et d’intérêt public. Si, pour d’autres raisons, le journaliste n’a pas respecté la norme du journaliste raisonnable, les tribunaux pourront toujours conclure à l’existence d’une faute. […][60]
[Soulignements ajoutés]
1) La juge a-t-elle erré en établissant de nouveaux standards journalistiques pour les reportages de type #moiaussi?
- M. Bolton soutient que la juge aurait commis une erreur en créant de nouveaux standards journalistiques moins contraignants pour l’enquête journalistique de type #moiaussi. Elle aurait ainsi dérogé aux standards établis par la jurisprudence.
- La juge note que les journalistes ont décidé d’adopter une méthode utilisée par les médias dans les enquêtes relatives au mouvement #moiaussi et dont les balises sont les suivantes :
1) être en présence de plusieurs dénonciateurs;
2) dont au moins un qui accepte de parler à visage découvert;
3) qui relatent un « pattern » de comportement;
4) dont les exemples relatés dans un article sont corroborés par une personne présente ou ayant reçu les confidences du dénonciateur de manière contemporaine ou par tout autre type de corroboration;
5) concernant une personne en position d’autorité ou de pouvoir.[61]
- M. Bolton plaide que ce type de démarche ne correspond à aucune norme ou pratique journalistique connue et que cela contrevient au droit établi par la Cour suprême et par notre Cour.
- Cet argument doit être rejeté.
- La juge n’a pas établi de nouveaux standards journalistiques. Elle énonce clairement les principes juridiques applicables et souligne qu’il y a consensus parmi les avocats quant à ces principes[62]. Elle les résume ainsi :
[52] Le Tribunal doit analyser la conduite des deux journalistes au regard des normes professionnelles d’un journaliste raisonnable. Un guide de déontologie peut constituer un point de référence. Quelles en sont les principales lignes directrices? En voici une liste non exhaustive :
52.1. Le journaliste doit publier des informations d’intérêt public;
52.2. Lorsqu’il rapporte un événement, le journaliste doit le faire avec objectivité, exactitude et il doit porter une attention soutenue quant à sa véracité;
52.3. Le journaliste doit également avoir une attention soutenue pour la corroboration des faits et accorder une importance particulière à la crédibilité de ces [sic] sources;
52.4. Lorsque le journaliste collecte et traite des informations, il doit être équitable.[63]
[Renvoi omis]
- Ce sont ces principes qui guident la juge tout au long de son analyse[64].
- La première étape de son analyse concerne l’intérêt public[65]. Comme déjà mentionné, cette question n’est plus débattue en appel. M. Bolton reconnaît maintenant que l’article était d’intérêt public.
- Par la suite, la juge traite des critères d’objectivité, d’exactitude et de véracité, de même que de l’attention que les journalistes doivent porter à la corroboration des faits et à la crédibilité des sources[66]. C’est dans cette section de son analyse qu’elle fait référence à la méthodologie adoptée dans les enquêtes de type #moiaussi afin, justement, de corroborer les faits. Il s’agit d’un des nombreux éléments qu’elle considère pour déterminer si le travail des journalistes, en l’espèce, respecte le critère du journaliste raisonnable.
- Mme Gagnon explique l’émergence d’un mouvement planétaire de libération de la parole[67] et les défis rencontrés par les journalistes pour en faire état[68]. Elle affirme que la méthodologie retenue permet de documenter ce phénomène de société « de façon rigoureuse et adéquate »[69]. La juge retient son explication[70].
- À mon avis, la juge n’a pas établi de nouveaux standards journalistiques pour les reportages de type #moiaussi. Comme le plaident les intimées, cette méthodologie s’ajoute aux normes et pratiques journalistiques déjà existantes. Il s’agit d’une pratique journalistique qui a vu le jour en 2017. Or, il n’appartient pas aux tribunaux d’établir les pratiques journalistiques. Une poursuite en diffamation contre un journaliste peut être assimilée à un recours en responsabilité professionnelle et il faut déterminer si son comportement est celui du « journaliste raisonnable »[71]. Il s’agit d’une obligation de moyens[72].
- Les pratiques journalistiques, soit celles que l’on retrouve dans les guides de pratiques reconnus et suivis, ont été mises en preuve en première instance. Elles ont été adoptées par le Conseil de presse, la Fédération des journalistes professionnels du Québec et les grands médias[73]. La Presse possède d’ailleurs son propre guide de pratiques[74].
- La juge a donc pris acte du fait que dans le contexte des enquêtes journalistiques de type #moiaussi, les médias suivaient une nouvelle pratique. Mme Gagnon[75] et l’expert Cormier ont d’ailleurs témoigné qu’elle avait été développée par les salles de presse tant québécoises qu’américaines[76]. Pour déterminer que cette pratique était fautive, il aurait fallu que la juge conclue qu’elle n’était pas raisonnable. Or, au contraire, elle ajoute des balises spécifiques à ce genre d’enquête. Cela permet d’assurer le respect du point d’équilibre entre la protection de la réputation et la liberté d’expression. Les journalistes n’ont d’ailleurs pas publié certaines allégations rapportées, car celles-ci ne satisfaisaient pas aux exigences quant au nombre important de dénonciateurs et au « pattern »[77].
- Comme le soulignait la Cour suprême dans Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., il n’y a pas d’instrument de mesure précis pour déterminer le point d’équilibre entre la protection de la réputation et la liberté d’expression. Ce point d’intersection varie selon l’évolution de la société et il y a eu une évolution du droit de la diffamation au cours des dernières décennies « afin de protéger plus adéquatement la liberté d’expression à l’égard des questions touchant l’intérêt public »[78].
- Je suis d’avis que la juge n’a pas établi de nouveaux standards journalistiques pour les reportages de type #moiaussi. Elle a retenu la preuve administrée par les intimées, dont le témoignage de l’expert Cormier en ce qui concerne les normes journalistiques applicables.
2) La juge a-t-elle erré en fait et en droit dans l’analyse de la faute découlant de la collecte d’information effectuée par les journalistes?
- M. Bolton soutient que la juge a erré en exonérant les intimées de toute faute alors qu’il y a eu plusieurs manquements dans leur démarche d’enquête. Il nomme notamment : 1) le parti pris des journalistes dès le début de l’enquête; 2) le manque d’équité, d’impartialité et d’esprit critique; 3) une enquête journalistique non objective ni minutieuse et incomplète; et 4) l’octroi de l’anonymat à plusieurs sources.
- L’existence d’une faute est une question mixte de fait et de droit. M. Bolton doit donc établir une erreur manifeste et déterminante que la juge aurait commise sur ces questions pour que la Cour puisse intervenir[79].
- Qu’en est-il?
Le parti pris des journalistes dès le début de l’enquête
- En ce qui concerne le parti pris des journalistes, M. Bolton se réfère aux propos tenus par Mme Vallet lors de l’entrevue réalisée avec Vanessa Gagnon le 27 novembre 2017. Il est à noter qu’il s’agissait de sa première entrevue avec une source, mais que l’enquête avait débuté le 23 novembre et que les journalistes avaient déjà pris connaissance de plusieurs plaintes. Les propos reprochés sont les suivants :
« […] si le dossier est assez gros, je veux dire, il ne travaillera juste plus, là. Je vais te donner les deux derniers dossiers que j’ai écrits : c’est Salvail puis Sylvain Archambault. »[80];
« […] On publiera rien tant que le dossier ne sera pas assez solide pour qu’il ne travaille plus. Ça, je te le dis. […] »[81];
« […] t’imagines trois secondes que ce gars‑là, après un dossier de même, admettons, là, qu’on a un dossier vraiment solide, qui va lui confier des jeunes? Personne. Personne, crois-moi. »[82];
« À ton avis, après la publication du dossier, s’il y a publication, combien de temps tu penses que ça prend pour que TVA tire la plug? Je te le dis là, dans le prochain 24 heures, même pas, je reçois un texto de Véronique Massé de TVA qui me dit : “Stéphanie, je voudrais t’informer que Steve Bolton ne fait plus partie de Révolution”? […] »[83];
« Il faut […] que l’histoire sorte, que ça fasse [inaudible] […] puis qu’il ne travaille plus… […] sinon vous faites ça pour rien. »[84];
« … je te dis, imagine-toi deux secondes 15 personnes on, on, qui prennent le courage de le faire, sa carrière est finie à vie, je te le dis. Tu ne le revois plus […] nulle part. »[85];
« … c’est certain qu’il ne travaille plus. Aucune chance. […] »[86].
- M. Bolton allègue que ces propos illustrent le fait que les journalistes l’estimaient coupable dès le départ, et ce, avant même d’effectuer des vérifications sérieuses des faits. C’est l’état d’esprit dans lequel elles ont entamé leur enquête à son sujet. Mme Vallet, soutient-il, n’a pas démontré la neutralité à laquelle on doit s’attendre d’une journaliste. Elle a manqué d’objectivité et a fait preuve de parti pris. Selon lui, la juge a donc erré en exonérant les journalistes de toute faute dans le cadre de leur démarche journalistique.
- La juge retient que deux autres commentaires de ce type ont été faits à Kim Gingras et à Marie‑Ève Gingras. Mme Vallet aurait également manqué de courtoisie à l’égard de Jean-François Poulain[87]. Aucun reproche n’est fait à Mme Gagnon à ce sujet.
- L’absence de parti pris est une valeur reconnue dans les normes journalistiques adoptées par différentes organisations. Plus particulièrement, le Conseil de presse, dans son Guide de déontologie, énonce ceci :
9 – Qualités de l’information
Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes :
- exactitude : fidélité à la réalité;
- rigueur de raisonnement;
- impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier;
- équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence;
- complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média.[88]
[Soulignement ajouté]
- La Presse, dans son Guide des normes des journalistes, traite également de l’absence de parti pris dans la démarche journalistique :
Démarche professionnelle
Information juste et équilibrée et recherche de l’intérêt public – L’honnêteté, l’équité, la recherche de la vérité, l’absence de parti pris et la vérification des faits s’inscrivent dans toute démarche journalistique de tout journaliste.
[…]
Respect envers les sujets, les personnes interviewées, les sources et les lecteurs
Tout journaliste accomplit son travail avec respect. Respect à l’égard de ses collègues, mais aussi à l’égard des personnes interviewées, des sources et des usagers.
Le respect implique un traitement équitable, un esprit d’ouverture et une absence d’animosité ou de parti pris, sans être complaisant, tout en conservant un esprit critique qui est une valeur fondamentale associée au travail du journaliste.[89]
[Soulignement ajouté]
- L’expert Cormier réitère aussi l’importance, dans la collecte des faits, que la quête de l’information ne soit pas orientée par un biais ou une thèse :
L’équité dans la collecte de l’information est connue comme l’équité procédurale. Elle consiste à s’assurer que le journaliste procède de façon objective à la collecte des faits de son reportage, que sa quête de l’information ne soit pas orientée par un biais ou une thèse. L’équité dans le traitement des sources consiste quant à elle à traiter toutes les personnes touchées par le reportage de façon juste et honnête.[90]
- Les paroles prononcées par Mme Vallet sont regrettables et préoccupantes. Elle a tout au moins donné l’impression d’avoir un parti pris. L’expert Cormier est d’ailleurs très critique du comportement de Mme Vallet. Il conclut toutefois que le travail des journalistes, dans l’ensemble, respecte les normes journalistiques applicables. Il mentionne ceci dans son rapport :
Après une analyse du reportage et de la démarche journalistique et une lecture des transcriptions d’entrevue [sic] et une écoute des bandes sonores des interviews, il nous est apparu que le travail des journalistes et de La Presse respecte, dans l’ensemble, les normes journalistiques applicables. Les faits sont corroborés par plusieurs sources, ils sont d’intérêt public et ne relèvent pas de la vie privée. Les journalistes ont recueilli plusieurs points de vue sur les incidents rapportés, elles ont reproduit les éléments de contexte nécessaires et ont donné au plaignant, Steve Bolton, l’occasion d’exprimer sa version des faits. Elles ont également recueilli les témoignages de personnes qui appuient le chorégraphe.
Dans ce qui semble être un élan d’empathie envers les danseuses Marie‑Ève Gingras et Vanessa Gagnon, la journaliste Stéphanie Vallet se permet cependant de spéculer sur les conséquences pour monsieur Bolton de la révélation des allégations contenues dans les plaintes des danseurs à l’Union des Artistes et d’exprimer une opinion sur son comportement avec des mineurs lors de répétitions pour le spectacle de Mary Poppins. Ce genre de commentaire dépassait les bornes.
À l’étude du dossier, cependant, cet écart de conduite n’a pas eu d’incidence sur la collecte d’information ni sur son traitement, non plus dans les rapports de madame Vallet avec monsieur Bolton, qui ont été des plus professionnels. Madame Vallet faisait également partie d’une équipe rédactionnelle qui a démontré un respect constant pour les normes déontologiques tout au long de l’enquête, des premières interviews jusqu’à la publication finale de l’article. L’écart de conduite de la journaliste n’a pas eu d’incidence sur la collecte et la présentation des faits. Les journalistes se sont en effet assurées que les informations étaient corroborées, que les éléments de contexte étaient présentés, que Steve Bolton et les gens qui lui étaient favorables soient entendus et que les documents ou autres éléments défavorables aux plaignants soient mis en évidence. Le lecteur se trouve devant un article équilibré, qui expose les faits et tous les points de vue pertinents. L’article a d’ailleurs été rédigé par Katia Gagnon, qui a fait preuve de probité professionnelle tout au long de la démarche journalistique. Une étude exhaustive du dossier nous permet de conclure que l’article et la démarche de La Presse et de ses journalistes étaient tout à fait justifiés du point de vue de la preuve journalistique et de l’intérêt public et conformes aux normes déontologiques requises par ce genre d’enquête.[91]
- La juge examine la preuve de façon globale et conclut que ces commentaires inappropriés ne sont pas suffisants pour entacher l’ensemble de l’enquête. Elle retient le témoignage de l’expert Cormier dont elle trouve le rapport et le témoignage plus convaincants que ceux de l’expert de M. Bolton, M. Lemay[92] :
[85] Au procès, Vallet a témoigné que ces « maladresses » ont été effectuées pour inciter la source à accepter de témoigner à visage découvert ce qui n’est certainement pas, une excuse valable. Néanmoins, le Tribunal doit se demander si de tels commentaires, bien qu’inappropriés, sont suffisants pour entacher l’ensemble de l’enquête.
[86] La réponse est non.
[87] Compte tenu de la portée de cette enquête, il est improbable que ce commentaire ait eu cet impact. Tous les entretiens, sauf un (celui de la mère de X), sont enregistrés et transcrits. L’examen des entretiens menés par Vallet et Gagnon révèle une approche neutre et non interventionniste. À titre d’exemple, la conversation entre Vallet et Vanessa Gagnon démontre que celle-ci s’exprime librement et que la majorité des interventions de Vallet se limitent à « Okay » et « hum, hum ».
[88] Enfin, le Tribunal convient avec l’expert Cormier lorsqu’il déclare que « l’écart de la conduite du journaliste n’a pas incidence sur la collecte et la présentation des faits ».[93]
[Renvois omis; italiques dans l’original]
- La juge ajoute dans sa conclusion que les règles de l’art ont été suivies et que les commentaires malheureux de Mme Vallet à « certaines sources ne ternissent pas l’intégrité de l’enquête qui fut complète, exhaustive et minutieuse »[94].
- La juge a fait une analyse globale de la démarche journalistique qui ne peut se réduire aux commentaires de Mme Vallet[95]. Par ailleurs, ces paroles regrettables peuvent être qualifiées d’erreurs, sans toutefois constituer une faute civile[96].
- La juge n’a donc pas commis d’erreur révisable sur cette question. Elle n’a pas limité son analyse aux seules paroles reprochées, mais a plutôt examiné l’ensemble de l’enquête journalistique pour déterminer si une faute avait été commise.
Le manque d’équité, d’impartialité et d’esprit critique
- M. Bolton soutient que le parti pris manifesté au début de l’enquête s’est poursuivi durant l’enquête et que le résultat de celle-ci le démontre. Selon lui, entre le 23 novembre 2017 et le 6 décembre 2017, date à laquelle les journalistes l’ont rencontré, elles n’ont pas tenté de recueillir quelque information pouvant altérer un tant soit peu leur état d’esprit et leur conclusion de départ.
- La preuve n’appuie pas cet argument.
- Au contraire, de nombreuses démarches ont été effectuées par les journalistes au cours de cette période, et ce, auprès de différentes personnes. Elles ne se sont pas limitées à recueillir les propos de celles qui les ont contactées pour se plaindre du comportement de M. Bolton.
- Au total, entre le 23 novembre et le 11 décembre 2017, les journalistes seront en contact avec 44 personnes, en plus de M. Bolton et de son agent, Guy Lévesque. De ce nombre, une vingtaine de personnes dénonçaient ou corroboraient des gestes ou des comportements survenus entre 2004 et 2017, dont cinq ont accepté de témoigner à visage découvert. Une autre source a accepté que son identité soit révélée au procès. Six autres personnes sont également contactées pour vérifier les faits, soit Serge Postigo, le metteur en scène de Mary Poppins et Footloose, son assistante, la mère d’un des enfants qui participent à Mary Poppins, la présidente de l’UDA, Sophie Prégent, et le relationniste de l’UDA. Le directeur général des Grands Ballets Canadiens, Alain Dancyger, a également été contacté par Mme Gagnon, car elle souhaitait obtenir l’avis de quelqu’un qui connaît bien le milieu de la danse sur certains gestes reprochés à M. Bolton[97]. Elle n’a pas identifié M. Bolton lors de cette entrevue[98].
- En outre, après la rencontre du 6 décembre, 15 personnes désignées par M. Bolton sont contactées. Les journalistes parviennent à parler à dix d’entre elles[99]. Trois autres, dont les noms figuraient sur la liste additionnelle de témoignages fournie par l’agent de M. Bolton, sont citées dans l’article sans avoir été contactées[100].
- Les journalistes ont par ailleurs refusé d’accorder la confidentialité dans l’article à Kim Gingras et à ses proches, puisqu’elle était en compétition avec M. Bolton dans une émission concurrente, en plus d’avoir entretenu par le passé une relation intime avec lui[101].
- La juge de première instance était la mieux placée pour déterminer si les journalistes ont manqué d’équité, d’impartialité et d’esprit critique. Son analyse est exempte d’erreur révisable. Elle traite de chacun des arguments de M. Bolton reprochant aux journalistes d’avoir sciemment négligé de prendre en compte le manque de fiabilité des sources qui lui étaient défavorables et d’avoir effectué une sélection partielle des sources et des informations rapportées. La juge conclut que les journalistes ne se sont pas limitées uniquement aux paroles des cinq personnes plaignantes citées à visage découvert. Elle mentionne ceci :
[91] Les journalistes ne se sont pas uniquement basées sur la parole du Groupe des Cinq. Leur enquête comporte plutôt des informations reçues par l’UDA et des discussions avec celle-ci, l’examen d’un dossier médical, la validation d’une photographie, des entretiens avec 21 personnes qui ont révélé et/ou corroboré les événements (non pas une fois mais souvent deux fois).[102]
[Renvoi omis]
- M. Bolton ajoute également que le 6 décembre 2017, lors de l’entretien avec Serge Postigo, qui s’est tenu peu avant la rencontre avec lui, son agent et son avocate, Mme Vallet aurait mentionné ne pas souhaiter recueillir davantage de témoignages qui lui seraient favorables. À son avis, cela illustre qu’au moment de la rencontre, l’enquête était pratiquement terminée et que la conclusion lui était défavorable. Les démarches que les journalistes ont effectuées par la suite n’ont servi qu’à prétendre qu’elles se sont déchargées de leur obligation d’équité et d’impartialité.
- Cette affirmation de M. Postigo quant aux propos tenus par Mme Vallet est vivement contestée par les intimées. Elles plaident qu’elle est contredite par Mme Vallet et par l’enregistrement de son entrevue[103]. En tout état de cause, il appert de la preuve que les intimées ont contacté des sources favorables à M. Bolton à la suite de son entrevue.
- En ce qui concerne le nombre de sources favorables contactées, Mme Gagnon explique lors de son témoignage la différence entre l’enquête journalistique qu’elle et Mme Vallet menaient concernant des comportements précis de M. Bolton et un reportage qui viserait à tracer un portrait de ce dernier :
[…] On recherchait vraiment des témoignages de gens qui étaient dans le milieu de la danse, qui avaient travaillé avec monsieur Bolton sur des productions. On voulait pas... t’sais, ces témoignages-là, ils étaient intéressants, mais on faisait pas un portrait de monsieur Bolton, Madame la Juge, là, on menait une enquête sur des allégations précises. Donc, on voulait avoir des... des témoignages qui relevaient de ces... t’sais, qui avaient rapport de cet environnement-là.[104]
[Soulignements ajoutés]
- La juge a évalué la qualité de l’enquête menée par les journalistes et elle conclut que les sources favorables à M. Bolton n’ont pas nié la survenance des événements corroborés, mais qu’elles en ont plutôt donné une version nuancée[105]. M. Bolton ne démontre pas d’erreur dans l’appréciation des faits par la juge sur cette question.
- M. Bolton soutient par ailleurs que les journalistes ont reconnu n’avoir jamais recontacté leurs sources après la rencontre du 6 décembre 2017 afin de contre-vérifier et/ou valider les informations qu’elles leur avaient fournies avant cette date. Selon lui, ce comportement des journalistes contrevient aux principes d’équité, d’impartialité et d’esprit critique. Elles n’ont pas respecté les usages, précautions et techniques élémentaires du journalisme d’enquête.
- Les intimées plaident qu’aucune information recueillie lors de la rencontre n’était irréconciliable ou contradictoire avec la version des plaignantes. La juge retient de la preuve que 11 sources favorables à M. Bolton ont été contactées par les journalistes[106] et, comme déjà mentionné, qu’elles n’ont pas contesté la survenance des événements corroborés, bien qu’elles en aient quelques fois donné une perception nuancée[107]. En outre, les journalistes avaient en main les courriels et les textes remis par M. Bolton le 6 décembre 2017, lors de la rencontre. Il ne s’agissait donc pas de nouveaux documents pour leur enquête. La juge conclut ceci à ce sujet :
[108] Or, les plaignants avaient déjà fourni aux journalistes des copies des courriels et des textes en question avant la publication. Les journalistes en avaient connaissance et les ont d’ailleurs mentionnés dans l’article. Ce qui importe pour le travail journalistique, c’est que leurs communications ne contredisent pas les événements corroborés. Il n’en reste pas moins que la nature des relations humaines est complexe. Dans tous les cas, le Tribunal n’a pas à spéculer sur les nombreuses raisons possibles pour lesquelles les courriels et les textes ont été écrits.[108]
- M. Bolton formule deux autres reproches aux journalistes. Une première version de l’article était déjà rédigée et avait été soumise à la direction de La Presse, et ce, avant même la rencontre du 6 décembre. En outre, elles avaient prévu de le publier le surlendemain de cette rencontre afin que la nouvelle soit publique en même temps que la reprise du spectacle Mary Poppins. Cela indique, à son avis, une volonté de lui infliger le maximum de tort.
- Le fait qu’un projet d’article était prêt avant la rencontre du 6 décembre ne permet pas de conclure qu’une faute a été commise. Lorsque la première version est préparée, le 30 novembre 2017, les journalistes ont déjà en main des plaintes et ont effectué plusieurs entrevues. L’enquête n’est alors toutefois pas terminée et les journalistes ont témoigné qu’il était important d’obtenir la version de M. Bolton avant de publier[109]. Mme Gagnon souligne d’ailleurs que la première version, envoyée à la direction le 5 décembre 2017, était loin d’être un produit final. Elle mentionne qu’à ce moment, le texte devait être complété à la suite d’une éventuelle entrevue avec M. Bolton[110].
- Quant au reproche concernant la date de publication, la juge ne traite pas de ce point. Toutefois, elle accorde beaucoup de crédibilité à l’expert Cormier qui lui explique ceci :
Ben, c’est tout à fait courant dans... dans les médias d’informations de... de vouloir diffuser de l’information au moment où l’attention du public est sur un sujet. Regardez, ce matin le réseau TVA a diffusé une étude ou, enfin, une étude sur les usines qui polluent au Québec au moment où la COP15 est en train de terminer ses travaux à Montréal. C’est... c’est normal de vouloir publier au moment où il y a un intérêt public pour le sujet en question. C’est courant dans le journalisme.[111]
- À mon avis, M. Bolton ne fait pas voir d’erreur dans l’évaluation faite par la juge du respect par les journalistes des principes d’équité, d’impartialité et d’esprit critique.
L’enquête journalistique n’était pas objective, minutieuse et complète
- M. Bolton mentionne que lors de l’entrevue du 6 décembre 2017, il a soulevé des soupçons de concertation et de collusion entre les différentes sources des journalistes. Or, celles-ci les auraient rejetés d’emblée, sans faire de démarche de vérification.
- L’expert Cormier explique, lors de son témoignage, qu’il est normal que des gens qui se connaissent se parlent. Cela arrive dans tout type d’enquête. En l’espèce, il est d’avis que les journalistes ont pris les moyens pour ne pas être instrumentalisées. Elles demandaient entre autres aux sources leur motivation à déposer une plainte[112]. Il ressort également de la preuve que Mme Gagnon a demandé à la Source C comment avait débuté le dépôt de ces plaintes[113] alors que dès le début de l’enquête, Mme Vallet avait réfléchi à la possibilité que les sources veuillent se venger. Cette théorie a été évaluée tout au long de l’enquête[114].
- La juge traite de cette question. Elle retient le témoignage de Mme Vallet, qui a expliqué avoir été consciente de la possibilité d’une conspiration. Elle rejette l’argument de M. Bolton, étant d’avis que les journalistes ont pris les précautions nécessaires et que chaque incident a été corroboré :
[89] Bolton argue que l’article est le résultat d’une conspiration menée par le Groupe des Cinq, à savoir d’anciennes compagnes avec lesquels la relation s’est mal terminée ainsi que des concurrents. Il souligne, en particulier, Kim Gingras qui est juge dans une émission de télévision concurrente, Danser pour gagner. Il soutient également le fait que 5 sources ont utilisé le terme « secte » pour décrire la relation de Bolton avec les danseuses.
[90] À cet égard, Vallet a témoigné qu’elle était consciente de la possibilité d’un conflit et affirme que les journalistes ont pris toutes les précautions nécessaires en menant l’enquête. Lorsqu’elles ont discuté avec les sources, elles ont pu également apprécier leur crédibilité. Les journalistes, néanmoins, avaient besoin de quelque chose de plus concret. Le Tribunal réitère que chaque incident avait été corroboré.
[91] Les journalistes ne se sont pas uniquement basées sur la parole du Groupe des Cinq. Leur enquête comporte plutôt des informations reçues par l’UDA et des discussions avec celle-ci, l’examen d’un dossier médical, la validation d’une photographie, des entretiens avec 21 personnes qui ont révélé et/ou corroboré les événements (non pas une fois, mais souvent deux fois).[115]
[Italiques dans l’original]
- Il s’agit ici d’une pure question de fait et M. Bolton ne démontre aucune erreur révisable dans l’analyse et la conclusion de la juge à ce sujet.
- M. Bolton reproche en outre aux journalistes de ne pas lui avoir donné l’occasion, lors de la rencontre du 6 décembre 2017, de commenter l’incident de la portière impliquant Jannick Arseneau, alors qu’elles le mentionnent dans l’article.
- Encore une fois, la juge aborde directement cette question. Elle conclut que la décision des journalistes de ne pas divulguer le nom des sources durant la rencontre du 6 décembre 2017 était légitime et que M. Bolton n’a pas été privé de son droit de répondre aux allégations. Elle traite ainsi de l’incident de la portière :
[128] Dans la même veine, le Tribunal conclut que la décision des journalistes de ne pas divulguer le nom des sources pendant l’entretien avec Bolton est légitime et que cela ne l’a pas privé de son droit de répondre correctement aux allégations. Il était conscient et avait une bonne idée du nom des plaignants. L’incident avec la portière y était également relié, la mise en demeure envoyée avant la publication de l’Article y faisant clairement mention.
[129] Dans de telles circonstances, la décision des journalistes d’offrir la confidentialité aux sources était raisonnable et justifiée.[116]
[Renvoi omis]
- M. Bolton ne démontre aucune erreur révisable de la juge sur cette question.
- M. Bolton soutient que les journalistes ont manqué d’objectivité lorsque les informations qu’elles recueillaient allaient à l’encontre de la direction qu’elles souhaitaient donner à l’article. Il reproche à Mme Vallet d’avoir écrit à Mme Gagnon que « ça sentait le brainwashing [Juste pour Rire] »[117] après que la mère de l’enfant X lui a dit que l’incident impliquant son fils était banal et que M. Bolton n’avait pas mal agi.
- Le commentaire de Mme Vallet était adressé à Mme Gagnon uniquement. Par ailleurs, la juge conclut que les journalistes n’ont pas exagéré l’incident, lequel a justifié un appel à l’agent de M. Bolton et l’intervention de Serge Postigo. Par la suite, M. Bolton a modifié son approche avec les enfants[118]. La mère aurait affirmé qu’elle ne s’opposerait pas à ce que son fils retravaille avec M. Bolton dans le futur si elle était présente aux répétitions[119].
- La juge a apprécié la preuve et elle a tranché. M. Bolton ne fait pas la démonstration d’une erreur révisable à cet égard non plus.
L’octroi de l’anonymat à plusieurs sources
- M. Bolton plaide que les règles de l’art en matière d’anonymat n’ont pas été respectées par les journalistes. Il soutient que cette demande doit venir de la source et s’appuyer sur une raison valable de protéger son identité. L’anonymat ne peut être accordé qu’en dernier recours, lorsqu’il existe une raison valable et que l’information ne peut être obtenue autrement.
- Le Guide de déontologie des journalistes du Québec (« Guide ») mentionne ce qui suit concernant la confidentialité des sources :
6. Protection des sources et du matériel journalistiques
Les journalistes doivent identifier leurs sources d’information afin de permettre au public d’évaluer le mieux possible la compétence, la crédibilité et les intérêts défendus par les personnes dont ils diffusent les propos.
6 a) Anonymat
Des informations importantes ne pourraient cependant être recueillies et diffusées sans que les journalistes ne garantissent l’anonymat à certaines sources. Cet anonymat peut toutefois servir aux sources pour manipuler impunément l’opinion publique ou causer du tort à autrui sans assumer la responsabilité de leurs propos. Il ne sera donc accordé, en dernier recours, que dans des situations exceptionnelles :
- L’information est importante et il n’existe pas d’autres sources identifiables pour l’obtenir;
- L’information sert l’intérêt public;
- La source qui désire l’anonymat pourrait encourir des préjudices si son identité était dévoilée.
Les journalistes expliqueront la préservation de l’anonymat et décriront suffisamment la source, sans conduire à son identification, pour que le public puisse apprécier sa compétence, ses intérêts et sa crédibilité.
6 b) Promesse de confidentialité
Les journalistes qui ont promis l’anonymat à une source doivent tenir leur promesse, devant quelque instance que ce soit, sauf si la source a volontairement trompé le journaliste. Un journaliste peut cependant informer son supérieur de l’identité d’une source confidentielle si celui-ci respecte également la promesse de confidentialité faite par le journaliste.[120]
- Ce Guide n’a pas de pouvoir coercitif. Ce n’est pas un code au sens strict du terme[121]. Comme l’écrit mon collègue le juge Rancourt dans Lalli c. Gravel, il constitue « un point de référence permettant d’orienter les journalistes dans leur travail »[122]. Dans l’arrêt Radio‑Canada c. Radio Sept‑Îles, le juge LeBel précise d’ailleurs qu’il s’agit d’une responsabilité « assimilable » à une responsabilité professionnelle[123]. Le professeur Pierre Trudel explique « que l’activité journalistique procède de l’exercice de la liberté d’expression et n’est pas réservée à une catégorie de personnes ». La responsabilité des journalistes n’est pas de la même nature que celle des professions réglementées. L’analyse de la faute doit donc prendre en compte la composante de cette activité qui relève de l’exercice d’une liberté fondamentale et la distingue d’un autre type d’activité professionnelle. Elle n’est pas assujettie à une réglementation obligatoire[124].
- En l’espèce, l’information était d’intérêt public et les sources dont les journalistes ont préservé l’anonymat étaient susceptibles d’encourir des préjudices si leur identité était révélée. La juge constate que les plaintes déposées par les danseuses portaient essentiellement sur les abus et le contrôle exercés par M. Bolton. L’UDA avait jugé les plaintes crédibles et avait déclenché « une vigie accrue sur tous les plateaux impliquant Bolton »[125]. La juge ajoute que l’article identifie les sources sans les nommer. Elle écrit :
[126] Le Tribunal est d’avis que l’Article identifie les sources sans même les nommer. À titre d’exemple, l’Article indique que les sources étaient des danseuses qui avaient travaillé avec Bolton sur Footloose et Mary Poppins. L’Article fait également mention de quatre autres sources, là encore des danseuses, mais issues d’une période différente, suite à leur passage au studio de danse 8 COUNT.[126]
[Renvoi omis; italiques dans l’original]
- La juge considère également que les journalistes n’ont pas publié les informations sur la seule base de la parole d’une source confidentielle. L’information a été corroborée par une ou plusieurs sources et même par M. Bolton lui-même[127]. Elle conclut que « la décision des journalistes d’offrir la confidentialité aux sources était raisonnable et justifiée »[128].
- À mon avis, la juge n’a pas commis d’erreur révisable en concluant ainsi.
3) La juge a-t-elle commis des erreurs révisables dans l’analyse de la faute découlant du traitement de l’information?
- J’analyse dans cette section les deux moyens d’appel soumis par M. Bolton concernant le traitement de l’information par les journalistes.
- M. Bolton soutient que la juge n’a procédé à aucune analyse sérieuse du traitement et de la présentation des informations que les journalistes ont recueillies au cours de leur enquête. Elle s’est limitée au volet cueillette des informations. Il ajoute que malgré l’importance qui doit être accordée à l’impression générale se dégageant des propos litigieux dans l’analyse de la faute, la juge devait procéder à un examen minutieux de l’exactitude des informations recueillies, de la teneur des propos reprochés et de la démarche d’enquête. Elle a commis une erreur manifeste et déterminante en omettant de faire cet examen.
- Ce moyen d’appel est mal fondé.
- Le traitement de l’information
- Dans l’analyse d’une faute journalistique découlant du traitement de l’information, le critère déterminant est celui de l’impression générale laissée par la publication[129]. Cette analyse s’effectue à la fin du processus d’évaluation de la faute. Il faut alors « examiner globalement la teneur du reportage, sa méthodologie et son contexte »[130].
- En l’espèce, la juge prend acte des arguments de M. Bolton au sujet de la présentation fautive de l’information :
[59] Le plaignant a-t-il démontré l’existence d’une faute ? Bolton allègue d’une part que les journalistes n’ont pas respecté les normes journalistiques et que le processus d’enquête n’a pas été correctement complété. Bolton soutient également que la rédaction et la présentation de l’Article sont fautives.[131]
[Soulignement ajouté]
- Elle revient aussi sur le cadre d’analyse relatif à l’analyse de la faute découlant de la présentation de l’information. Se basant sur les enseignements de notre Cour dans Société TVA inc. c. Marcotte[132], elle rappelle que les journalistes bénéficient d’une discrétion éditoriale dans le traitement d’un sujet d’intérêt public, à condition de respecter les normes professionnelles[133]. Elle cite également l’arrêt Lalli c. Gravel pour rappeler qu’un journaliste peut commettre une faute dans sa manière de présenter l’information et que le critère déterminant est alors celui de l’impression générale[134].
- Bien qu’elle n’en fasse pas état dans cet ordre, la juge retient ce qui suit quant au traitement de l’information dans l’article des intimées :
- Dès le début de l’article, les journalistes informent le public de la présence de versions contradictoires quant aux allégations[135];
- La version des faits de M. Bolton est abordée dès le paragraphe 8 de l’article, et « [s]on point de vue et ceux de ses sources favorables sont abordés plus en détail dans la suite de l’Article »[136];
- Les journalistes passent en détail la nature des plaintes et expliquent pourquoi certaines sources sont restées sous le couvert de l’anonymat[137];
- Les journalistes révèlent la possibilité d’un conflit d’intérêts et mentionnent que M. Bolton est d’avis que l’enquête est le fruit d’une conspiration[138];
- L’article inclut des commentaires de la part de sources favorables à M. Bolton et reflète que 60 personnes étaient prêtes à l’appuyer et le défendre[139];
- L’information est corroborée par une ou plusieurs sources ou par M. Bolton lui-même[140];
- L’article ne vise pas à faire le portrait de l’appelant : « l’Article était ciblé autour d’une série de plaintes déposées à l’UDA ainsi que les dénonciations corroborées à l’égard du comportement de Bolton »[141];
- Les différentes versions sont bien exposées, ce qui garantit l’équilibre des points de vue[142];
- Les éléments de contexte sont bien développés, ce qui permet aux lecteurs d’avoir une information complète[143];
- L’article permet d’identifier les sources même si elles ne sont pas nommées[144];
- Les plaintes à l’UDA et leur nombre ne sont pas rapportés fautivement[145].
- La juge conclut que les journalistes n’ont pas gonflé les incidents ni déformé la réalité[146]. Elle note aussi que l’article a été révisé par différents membres de la direction avant sa publication et à plus d’une reprise[147]. Il s’agit d’un indicateur de la conduite d’un journaliste raisonnable[148].
- La juge a bien appliqué le critère de l’impression générale dégagée par l’article. Elle n’a pas commis d’erreur révisable.
- Les sous-titres
- En ce qui concerne le traitement de l’information, M. Bolton reproche en outre à la juge de ne pas avoir considéré les sous‑titres trompeurs dans l’article, soit « Les enfants pleuraient », « Engueulades et bleus » et « Un poing dans le mur ».
- L’expert Cormier traite de la question des sous‑titres. Il est d’avis qu’ils sont tout à fait conformes au contenu de l’article. Il écrit :
Quant aux sous‑titres qui chapeautent les différentes sections, elles [sic] sont tout à fait conformes au contenu et synthétisent le sujet qui sera abordé. Les guillemets identifient les citations qui sont tirées d’entrevues alors que d’autres sous‑titres résument le propos de l’article. Des titres comme « Pire que l’armée » ou « Les enfants pleuraient » ou « Enguelades [sic] et bleus » peuvent paraître défavorables à monsieur Bolton, mais ils sont tout à fait fidèles à ce qui est rapporté dans l’article.
Les journalistes ont également pris le soin de mettre en exergue des citations ou des titres plus favorables au chorégraphe, tels que « Je ne suis pas la même personne » ou encore « Appuyé par 60 personnes ». À la lecture des titres et sous‑titres, le lecteur sera informé qu’il y a des allégations d’inconduite contre le chorégraphe, qu’il y a un contexte qui nuance ces allégations et qu’une soixantaine de personnes appuient le chorégraphe. On peut difficilement traiter la mise en page de sensationnaliste.[149]
[Soulignements ajoutés]
- La juge aborde ce sujet de la façon suivante :
[141] Bolton soumet que l’Article le dépeint comme faisant pleurer les enfants. Il maintient que cette généralisation est injuste. Lemay ajoute que « Les journalistes sont au courant d’un seul incident, au sujet d’un seul enfant, un incident de surcroît mineur […] ».
[142] Ce n’est pas tout à fait exact.
[143] Plusieurs sources ont dévoilé le comportement inapproprié de Bolton envers les enfants. M. Poulain a exprimé son opinion sur la situation qui a pris des proportions exagérées sans toutefois nier l’événement. Bolton décrit l’incident comme « banal ».
[144] Les journalistes n’ont pas exagéré l’incident, au contraire l’événement était suffisamment important pour mériter un appel auprès de son agent Guy Lévesque et l’intervention de Serge Postigo. Ce dernier a témoigné être intervenu et que Bolton, par la suite, a changé son approche. La mère de l’enfant impliqué a exprimé que dans l’avenir elle allait être présente lors des répétitions de son fils X.
[145] Bolton se plaint que l’Article dresse le portait [sic] d’un homme agressif et violent envers les danseurs. L’Article relate des crises de colère et des disputes décrites par de nombreuses sources. Bolton ne nie pas les incidents que ce soit celui à New York, avec l’enfant X ou encore la conversation avec Janick Arseneau. Toutefois, il offre sa propre perception de l’évènement et reconnaît, parfois, avoir haussé le ton. Enfin il admet que, dans le passé, il a utilisé, à titre de punition, l’exercice de la chaise. Il réitère que sa méthodologie et sa pédagogie sont centrées autour d’une certaine discipline alliant fermeté et rigueur.
[146] Derek Rice, une source favorable de Bolton, n’a pas nié plusieurs reproches. Il décrit la méthode pédagogique de Bolton ainsi: « very militant style of teaching […] like an army… harder or more strict than, I guess, most studio would normally be ». Bolton se plaint de la mention dans l’Article « Pire que l’armée ». Or, le même terme a été utilisé par sa propre source favorable.[150]
[Renvois omis; italiques dans l’original]
- À mon avis, elle ne commet pas d’erreur révisable sur la question des sous‑titres. Ils illustrent les comportements reprochés à M. Bolton. Les journalistes les décrivent et les nuancent dans chacune des sections de l’article. De nombreuses plaintes font état de violence psychologique, mais aussi physique. Les sous‑titres ne sont pas trompeurs. Le rapport de l’expert Cormier va également dans ce sens.
- Exactitude de l’information
- M. Bolton plaide que malgré l’importance qui doit être accordée à l’impression générale se dégageant des propos litigieux dans l’analyse de la faute, la juge devait procéder à un examen minutieux de l’exactitude des informations recueillies, de la teneur des propos reprochés et de la démarche d’enquête. Or, elle s’en est tenue à un examen superficiel de l’impression générale. Elle a ainsi commis une erreur manifeste et déterminante.
- Il est vrai que l’exactitude de l’information publiée conserve son importance pour déterminer si une faute a été commise. La conduite du journaliste raisonnable, qui sert de balise à cette détermination, représente la norme par excellence « à l’aune de laquelle on détermine si une faute a été commise et le cadre de référence servant à passer au crible d’autres éléments importants à prendre en considération, tels la véracité, la fausseté et l’intérêt public »[151].
- En l’espèce, la juge tient compte de la notion d’exactitude dans son analyse. En effet, après avoir rappelé les principes devant guider la conduite des journalistes, lesquels incluent l’exactitude et la véracité d’un événement[152], elle insiste sur la corroboration des faits[153]. Elle souligne que les événements ont souvent été corroborés par les sources favorables et par M. Bolton lui-même[154]. Elle rappelle en outre que les perceptions différentes des faits corroborés sont présentées dans l’article[155]. La juge écrit que l’UDA a confirmé avoir reçu une vingtaine de plaintes, qu’elle a jugé ces plaintes crédibles et qu’elle a mis en œuvre des mesures sur les plateaux où travaille l’appelant[156]. Elle conclut que les informations présentées dans l’article découlent d’une « enquête qui fut complète, exhaustive et minutieuse »[157].
- La situation se distingue ici des faits de l’arrêt Lalli c. Gravel[158] qu’invoque M. Bolton. Dans cette affaire, le reportage passait sous silence de nombreux éléments contextuels connus du journaliste et qui entraient en opposition avec la version qu’il avait décidé de présenter[159]. Le journaliste avait aussi omis de présenter des témoignages de plusieurs personnes sur une question précise[160] et avait rapporté une information qui ne s’appuyait sur aucune source[161]. Enfin, il avait présenté deux personnes sur un même pied d’égalité, alors qu’aucune information à sa disposition ne lui permettait d’inférer que la seconde faisait partie d’une organisation criminelle[162].
- Cet argument ne peut donc être retenu.
Conclusion
- En conclusion, la juge n’a pas modifié l’état du droit en matière de normes et de pratiques journalistiques. Par ailleurs, elle n’a commis aucune erreur révisable en concluant que les intimées n’ont pas commis de faute, tant à l’étape de la cueillette de l’information que lors de son traitement.
4) Les dommages-intérêts
- Puisque je conclus que la juge n’a commis aucune erreur révisable dans son jugement, il n’y a pas lieu que je me prononce sur la question des dommages-intérêts.
- Pour ces motifs, je propose de rejeter l’appel, avec les frais de justice.
[1] Bolton c. La Presse ltée, 2023 QCCS 2953 [Jugement entrepris].
[2] Pièce P‑10, Article publié le 12 décembre 2017 par La Presse.
[3] Demande introductive d’instance re‑re‑modifiée, 5 décembre 2022, paragr. 93.
[4] La juge mentionne la date du 24 novembre 2017, mais il s’agit plutôt du 23 novembre 2017.
[5] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 57, 65‑66 et 70.
[6] Pièce D-28, Plainte de Source C – caviardée; Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 72.
[7] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 72‑73.
[8] Par exemple : Pièce D‑28, Plainte de Source C – caviardée, p. 3; Pièce D‑23, Plainte de Vincent‑Olivier Noiseux; Pièce D‑40, Plainte de Source K – caviardée; Pièce D‑17, Plainte de Vanessa Gagnon; Pièce D‑5, Plainte de Kim Gingras; Pièce D‑45, Plainte de Source N – caviardée.
[9] Pièce D-81, Courriel de Mme Fisette et Mme Fortin du 29 novembre 2017; Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 163; Témoignage de Stéphanie Vallet le 13 décembre 2022, p. 39‑40.
[10] Pièce D-1, Liste des faits objectifs sur Steve Bolton transmise par l’UDA.
[11] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 169; Témoignage de Stéphanie Vallet le 13 décembre 2022, p. 93.
[12] Pièce D-9, Mise en demeure transmise à Kim Gingras; Pièce D‑10, Mise en demeure transmise à Geneviève Dorion‑Coupal et Pièce D‑16, Mise en demeure transmise à Marie‑Ève Gingras.
[13] Pièce D-2, Courriels entre Katia Gagnon et le relationniste de l’UDA du 4 décembre 2017.
[14] Pièce D-49, Enregistrement de Sophie Prégent.
[15] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 184‑185.
[16] Pièce P-3, Série de courriels échangés le 4 décembre 2017 entre Katia Gagnon et l’agent de M. Bolton.
[17] Pièce D-8, Courriel de Kim Gingras transférant le courriel de l’UDA du 5 décembre 2017.
[18] Témoignage de Stéphanie Vallet le 13 décembre 2022, p. 113; Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 35‑37.
[19] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 192; Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 35.
[20] Jugement de première instance, paragr. 20.
[21] Pièce D-4.1, Transcription de l’enregistrement audio de la rencontre du 6 décembre 2017 avec Steve Bolton, p. 3 et 11; Pièce D‑1, Liste des faits objectifs sur Steve Bolton, transmise par l’UDA.
[22] Pièce D-4.1, Transcription de l’enregistrement audio de la rencontre du 6 décembre 2017 avec Steve Bolton, p. 164 et 227; Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 49.
[23] Pièce D-4.1, Transcription de l’enregistrement audio de la rencontre du 6 décembre 2017 avec Steve Bolton, p. 135; Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 46.
[24] Pièce P-7, Courriel envoyé le 7 décembre 2017 par M. Lévesque.
[25] Pièce P-6, Liste de 60 noms de personnes.
[26] Contre-interrogatoire de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 210‑211. Mme Gagnon parle à quatre de ces 15 personnes et Mme Vallet parle à six d’entre elles. Mme Vallet communique aussi avec une autre personne, qui ne fait pas partie des 15 identifiées par les journalistes, mais qui se trouve aussi dans la liste de 60 noms fournie par l’appelant. Au total, les journalistes communiquent donc avec 11 sources favorables à M. Bolton à la suite de son entrevue, comme l’écrit la juge. Voir : Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 66 et Témoignage de Stéphanie Vallet le 13 décembre 2022, p. 145, 147, 150, 152, 158, 160 et 167; Jugement de première instance, paragr. 77 et 95.
[27] Pièce P-8, Lettre de mise en demeure du 7 décembre 2017.
[28] Pièce P-41, Lettre de résiliation du Groupe Fair‑Play inc. datée du 8 décembre 2017.
[29] Témoignage de Steve Bolton le 6 décembre 2022, p. 96. Voir aussi : Témoignage de Guy Lévesque le 7 décembre 2022, p. 187‑189, 191 et 193‑196 et Pièce P‑32, Échange courriels entre Guy Lévesque et Sophie Prégent (UDA) daté du 8 décembre 2017, p. 2.
[30] Pièce P-9, Courriel envoyé par M. Lévesque le 11 décembre 2017.
[31] Contre-interrogatoire de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 245.
[32] Pièce P-10, Article publié le 12 décembre 2017 par La Presse.
[33] Jugement de première instance, paragr. 38-50.
[35] Id., paragr. 60 et 65‑68.
[38] Id., paragr. 82‑88 et 153.
[39] La juge désigne ainsi cinq plaignants qui ont témoigné à visage découvert, soit Kim Gingras, Marie‑Ève Gingras, Janick Arseneault, Vanessa Gagnon et Vincent-Olivier Noiseux. Deux sont d’anciennes conjointes, soit Kim Gingras et Janick Arseneault. Elles ont également fait partie des danseuses dirigées par M. Bolton. Kim Gingras est maintenant une concurrente de M. Bolton et Marie‑Ève Gingras est sa sœur. Quant à Vincent‑Olivier Noiseux, il est l’ex‑conjoint de Kim Gingras.
[40] Jugement de première instance, paragr. 91 et 93.
[46] Id., paragr. 108-109.
[47] Id., paragr. 120-121.
[50] Id., paragr. 132-133.
[51] Id., paragr. 134-136.
[52] Id., paragr. 139. Voir aussi : paragr. 140‑146.
[53] Id., paragr. 152‑155 et 167‑168.
[54] Société Radio-Canada c. Radio Sept‑Îles inc., [1994] R.J.Q. 1811, p. 1818, 1994 CanLII 5883 (QC CA) [Radio Sept‑Îles].
[55] Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, paragr. 22 [Bou Malhab]. Voir aussi : Girard c. Canadian Broadcasting Corporation, 2008 QCCS 30, paragr. 65 (j. Wagner, alors à la Cour supérieure).
[56] Prud’homme c. Prud’homme, 2002 CSC 85, paragr. 36-37 [Prud’homme].
[57] Gilles E. Néron Communication Marketing inc. c. Chambre des notaires du Québec, 2004 CSC 53 paragr. 55 [Néron]. Voir aussi : Radio Sept‑Îles, supra, note 54, p. 1820‑1821.
[58] Radio Sept‑Îles, supra, note 54, p. 1820, cité par Néron, supra, note 57, paragr. 61. Voir aussi : Société TVA inc. c. Marcotte, 2015 QCCA 1118, paragr. 39, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 17 mars 2016, no 36637.
[59] Néron, supra, note 57, paragr. 61‑62.
[61] Jugement de première instance, paragr. 75.
[64] Id., paragr. 59-151.
[66] Id., paragr. 72-109.
[67] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 25.
[69] Id., p. 30. Voir aussi : p. 32‑36 et Témoignage de Michel Cormier le 16 décembre 2022, p. 106.
[70] Jugement de première instance, paragr. 75.
[71] Néron, supra, note 57; paragr. 61; Radio Sept‑Îles, supra, note 54, p. 1820.
[74] Pièce P-48, La Presse, Guide des normes des journalistes.
[75] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 25‑30.
[76] Témoignage de Michel Cormier le 16 décembre 2022, p. 105‑126.
[77] Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 30‑31.
[78] Bou Malhab, supra, note 55, paragr. 19.
[79] Salomon c. Matte‑Thompson, 2019 CSC 14, paragr. 32; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, cité par Prud’homme, supra, note 56, paragr. 64‑67 et Néron, supra, note 57, paragr. 74; Lalli c. Gravel, 2021 QCCA 1549, paragr. 53 et note infrapaginale no 54, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 16 juin 2022, no 39979.
[80] Pièce D-18, Transcription de l’enregistrement audio de l’entrevue de Vanessa Gagnon par Mme Vallet, p. 66.
[87] Jugement de première instance, paragr. 82-84.
[88] Pièce P-44, Conseil de presse du Québec, Guide de déontologie, p. 18, art. 9.
[89] Pièce P-48, La Presse, Guide des normes des journalistes, p. 5 et 7.
[90] Pièce D-69, Rapport d’expertise de M. Michel Cormier, p. 9.
[92] Jugement de première instance, paragr. 55‑58.
[95] Néron, supra, note 57, paragr. 60. En matière de diffamation, l’analyse de la faute est contextuelle et globale.
[96] J.S. c. Lamontagne, 2019 QCCA 377, paragr. 17.
[97] Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 32.
[99] Voir note en bas de page 26 sur le nombre de personnes favorables à M. Bolton qui ont été contactées.
[100] Contre-interrogatoire de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 245‑246.
[101] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 89‑90; Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 113‑114.
[102] Jugement de première instance, paragr. 91.
[103] Pièce P-20A, Transcription non officielle de l’entretien de La Presse avec M. Serge Postigo.
[104] Témoignage de Katia Gagnon le 12 décembre 2022, p. 46‑47.
[105] Jugement de première instance, paragr. 95.
[106] Id., paragr. 77. Voir aussi : note infrapaginale 26.
[107] Id., paragr. 95 et 103.
[109] Voir notamment le témoignage de Stéphanie Vallet du 13 décembre 2022, p. 142. Voir aussi : Pièce D‑69, Rapport d’expertise de M. Michel Cormier, p. 12, section « Monsieur Steve Bolton ».
[110] Témoignages de Katia Gagnon du 9 décembre 2022, p. 192 et du 12 décembre 2022, p. 34.
[111] Témoignage de M. Michel Cormier le 16 décembre 2022, p. 129‑130.
[113] Témoignage de Katia Gagnon le 9 décembre 2022, p. 90‑91.
[114] Contre-interrogatoire de Stéphanie Vallet le 14 décembre 2022, p. 26‑27.
[115] Jugement de première instance, paragr. 89‑91.
[116] Id., paragr. 128‑129.
[117] Pièce D‑84, Courriel de Mme Stéphanie Vallet du 29 novembre 2017 à Mme Katia Gagnon.
[118] Jugement de première instance, paragr. 144.
[119] Ibid. Voir aussi : Témoignage de Stéphanie Vallet le 13 décembre 2022, p. 69; Pièce D‑84, Courriel de Mme Stéphanie Vallet du 29 novembre 2017 à Mme Katia Gagnon.
[120] Pièce P-46, Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Guide de déontologie, p. 6‑7.
[123] Radio Sept‑Îles, supra, note 54, p. 1820, cité par Néron, supra, note 57, paragr. 61.
[124] Pierre Trudel, « La faute journalistique en droit civil », (2015) 49 RJTUM 637, p. 655‑656.
[125] Jugement de première instance, paragr. 122; Pièce D‑81, Courriel de Mme Fisette et Mme Fortin du 29 novembre 2017.
[126] Jugement de première instance, paragr. 126.
[129] Lalli c. Gravel, supra, note 79, paragr. 67; Bonneau c. RNC Média inc., 2017 QCCA 11, paragr. 45, citant Néron, supra, note 57, paragr. 59‑60. Voir aussi : Prud’homme, supra, note 56, paragr. 83.
[130] Néron, supra, note 57, paragr. 59; McMurchie c. Clément, 2014 QCCA 151, paragr. 20‑21.
[131] Jugement de première instance, paragr. 59.
[132] Société TVA inc. c. Marcotte, supra, note 58, paragr. 74 [Renvois omis].
[133] Jugement de première instance, paragr. 112.
[134] Id., paragr. 135, citant Lalli c. Gravel, supra, note 79, paragr. 54.
[136] Id., paragr. 114‑115 et 117.
[139] Id., paragr. 150‑151.
[140] Id., paragr. 127 et 151.
[143] Id., paragr. 148 et 151.
[145] Id., paragr. 132‑133.
[146] Id., paragr. 139. Voir aussi : paragr. 144‑145.
[148] Gestion finance Tamalia inc. c. Garrel, 2012 QCCA 1612, paragr. 21, puce no 7.
[149] Pièce D-69, Rapport d’expertise de M. Michel Cormier, p. 20‑21.
[150] Jugement de première instance, paragr. 141-146.
[151] Néron, supra, note 57, paragr. 62.
[152] Jugement de première instance, paragr. 52.
[153] Id., paragr. 90‑91, 95, 108, 116, 127 et 151.
[154] Id., paragr. 95, 103, 127, 139 et 145‑146. Voir aussi : Témoignage de Stéphanie Vallet le 13 décembre 2022, p. 141‑142.
[155] Jugement de première instance, paragr. 117 et 148‑151.
[156] Id., paragr. 122 et 133.
[158] Lalli c. Gravel, supra, note 79.
[159] Id., paragr. 83‑84.
[161] Id., paragr. 88 : « D’abord, Gravel ne s’appuie sur aucune source pour dire que Lalli et Magi sont convoqués “encore une fois” à La Cantina. Gravel reconnaît en première instance qu’il est uniquement au courant d’une seule rencontre entre Magi, Lalli et Rizzuto ».