Guindon c. Municipalité d'Huberdeau | 2024 QCCS 529 |
COUR SUPÉRIEURE | |||||
| |||||
CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
DISTRICT DE | TERREBONNE | ||||
| |||||
No : | 700-17-017684-217 | ||||
|
| ||||
| |||||
DATE : | 23 février 2024 | ||||
______________________________________________________________________ | |||||
| |||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | ANNIE BREAULT, J.C.S. (JB4453) | |||
______________________________________________________________________ | |||||
| |||||
| |||||
MARGUERITE GUINDON | |||||
SIMON HÉTU | |||||
Demandeurs | |||||
c. | |||||
MUNICIPALITÉ D’HUBERDEAU | |||||
Défenderesse | |||||
| |||||
______________________________________________________________________ | |||||
| |||||
JUGEMENT | |||||
[responsabilité civile extracontractuelle – préjudice corporel] | |||||
______________________________________________________________________ | |||||
| |||||
[1] Le 4 décembre 2019, Mme Marguerite Guindon est victime d’un accident alors qu’elle se rend au local de la bibliothèque municipale. Elle soutient s’être pris le pied dans un tapis situé au haut de l’escalier menant au corridor qui permet d’y accéder. Elle subit alors une fracture au fémur gauche, plusieurs fractures au fémur droit en plus d’une déchirure d’un tendon et d’un ligament de la main gauche.
[2] Mme Guindon reproche à la Municipalité d’Huberdeau de ne pas s’être acquitté de l’obligation de sécurité qui lui incombe à l’égard des usagers de l’immeuble qui lui appartient en tolérant l’installation dangereuse d’un tapis et en omettant de doter les lieux d’une rampe courante suffisamment longue pour pallier aux risques de chute.
[3] Elle demande à être indemnisée pour le préjudice subi en conséquence de cette chute et, plus particulièrement, pour les dommages découlant des chirurgies, de la nécessaire convalescence et des séquelles qui demeurent. Elle demande également de réserver ses droits et recours pour les trois prochaines années pour tenir compte de l’évolution de sa condition, comme le permet l’article 1615 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »).
[4] Son mari, M. Simon Hétu, demande également à être indemnisé pour les soins et le support prodigués à son épouse tant à l’occasion de sa convalescence que par la suite.
[5] La Municipalité nie toute responsabilité. Elle soutient que la chute résulte d’une faiblesse des membres inférieurs de Mme Guindon et que cette faiblesse est imputable à une condition préexistante dont elle souffre, soit une sclérose en plaques et une sténose foraminale au niveau des vertèbres L3-L4[1]. La contribution de cette même condition préexistante doit également être considérée, selon la Municipalité, dans l’évaluation du préjudice subi[2].
***
[6] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’avis que la responsabilité de la Municipalité doit être retenue au regard de l’accident dont Mme Guindon est victime le 4 décembre 2019.
CADRE JURIDIQUE
[7] Le recours a pour fondement la responsabilité civile extracontractuelle prévue à l’article 1457 C.c.Q. Il y est prévu que toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui s’imposent à elle, selon les circonstances, les usages et la loi, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Au cas de manquement à ce devoir, elle est alors responsable et tenue de réparer le préjudice ainsi causé, et ce, qu’il soit corporal, moral ou matériel.
[8] Ce devoir s’applique aux personnes de droit public, comme les municipalités, comme à toute personne[3]. En tant que propriétaire d’un immeuble dont elle permet l’accès au public, une municipalité doit s’assurer que tel accès peut avoir lieu de façon sécuritaire. Il s’agit toutefois d’une obligation de moyens. La norme est celle de la personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances.
[9] Conformément aux règles de preuve applicables, il appartient aux demandeurs de faire la preuve prépondérante des éléments constitutifs de cette responsabilité, soit la commission d’une faute, l’existence d’un préjudice et d’un lien causal entre cette faute et ce préjudice[4].
[10] Pour retenir la responsabilité de la Municipalité, la preuve doit être faite d’une faute, ou encore de l’existence d’une situation dangereuse dont la Municipalité avait connaissance sans qu’elle agisse pour la prévenir. Une municipalité n’a pas à tout prévoir mais doit néanmoins agir pour éviter ce qui est prévisible[5].
[11] La notion souvent invoquée de piège n’est pas une catégorie distincte de la responsabilité civile, comme l’expliquent les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore dans l’ouvrage La responsabilité civile[6]. Il s’agit uniquement de la caractérisation d’une situation de fait, tirant son origine de la responsabilité du maître des lieux de la common law, susceptible de donner lieu à la commission d’une faute et, ainsi, à la responsabilité de son auteur[7].
[12] À ce titre, il s’agit d’une notion qui s’avère souvent inutile puisque les règles de la responsabilité civile extracontractuelle sont généralement suffisantes pour décider si le propriétaire d’un immeuble adopte le comportement attendu de la personne raisonnablement prudente et diligente au regard de son entretien, ce qui inclut l’examen de la tolérance de toute situation potentiellement dangereuse.
[13] Au besoin, la Cour suprême, dans l’arrêt de principes Ruby c. Gray Rocks Inn Ltd., attache à la notion de piège les trois caractéristiques suivantes, soit (1) il s’agit généralement d’une situation intrinsèquement dangereuse; (2) le danger ne pas être apparent, mais bien caché; et (3) la situation a une connotation d’anormalité ou de surprise[8].
[14] À l’instar de cette notion de piège, il est fréquemment fait référence à la conduite attendue de la victime raisonnablement prudente et diligente. Il s’agit aussi d’une caractérisation de la faute de la victime prévue à l’article 1478 C.c.Q. advenant que la victime adopte un comportement fautif, elle pourra être tenue responsable du préjudice, en totalité ou en partie.
[15] La réparation du préjudice subi doit viser une réparation intégrale, tout en s’assurant de n’indemniser que ce qui est une conséquence directe et immédiate de la faute, soit la perte subie, ou le gain manquant susceptible d’évaluation[9].
[16] Ainsi, ce ne sont pas tous les dommages subis qui sont indemnisables, mais uniquement ceux présentant une causalité suffisante avec la faute. La jurisprudence utilise plusieurs méthodes afin d'établir le lien de causalité, soit la théorie de l'équivalence des conditions, celle de la causalité adéquate, celle de la causalité immédiate et celle de la prévisibilité raisonnable, et ce, dans un objectif toutefois commun qui est d’identifier le dommage qui est la conséquence directe, logique, immédiate de la faute[10].
[17] Ce préjudice est susceptible d'avoir deux composantes, soit les pertes non pécuniaires et les pertes pécuniaires. Lorsque la loi le permet, des dommages punitifs sont susceptibles de s'ajouter.
ANALYSE
[18] Pour déterminer si une faute a été commise par la Municipalité, le Tribunal doit déterminer quelle est la cause de la chute dont est victime Mme Guindon. S’agit-il d’une faiblesse reliée à la condition médicale de Mme Guindon ou, alternativement, de l’aménagement des lieux ?
[19] Advenant qu’il conclue que la cause de cette chute est l’aménagement des lieux, cela ne met pas fin à l’analyse; le Tribunal doit conclure que cet aménagement est fautif.
[20] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’avis que c’est le cas et que la responsabilité de la Municipalité doit être retenue.
[21] Pour bien saisir la justification de cette conclusion, il est nécessaire de relater les faits pertinents (1.1.) qui permettent de conclure que l’aménagement des lieux est en cause (1.2.) et des raisons pour lesquelles cet aménagement est fautif (1.3.). Finalement, le Tribunal discutera des raisons pour lesquelles aucune responsabilité n’est imputable à Mme Guindon (1.4.).
1.1. Faits pertinents
[22] Mme Guindon vient tout juste d’avoir 63 ans lors de l’accident du 4 décembre 2019[11]. Elle est retraitée depuis 2014 après une carrière d’éducatrice spécialisée auprès d’enfants à troubles de comportement et d’adjointe administrative au sein des Centres jeunesse des Laurentides. Elle est mariée à M. Hétu depuis 39 ans et habite dans la Municipalité depuis plus de 40 ans.
[23] La douleur fait partie du quotidien de Mme Guindon depuis fort longtemps. Porteuse d’une scoliose, elle doit être opérée à l’âge de 14 ans. Elle souffre également d’ostéoporose sévère pour laquelle elle prend au quotidien une médication (Alendronate[12]). Elle reçoit également des injections de cortisone, environ aux quatre mois, pour soulager des bursites aux hanches[13] ainsi qu’aux épaules pour soulager des tendinites. Peu après sa retraite, un diagnostic de sclérose en plaques est posé. Ce diagnostic n’est pas accompagné de traitement spécifique; les symptômes prennent la forme de migraines qui sont gérées par une médication prise au quotidien (Aventyl).
[24] Dans les semaines qui précèdent l’accident, Mme Guindon débute l’utilisation d’une canne. Elle indique qu’il s’agit davantage d’une précaution lors de ses déplacements. Bien qu’une certaine raideur soit présente, elle disparaît une fois que Mme Guindon se met en mouvement lui permettant de vaquer à ses occupations.
[25] Mme Guindon est une dame active. Elle pratique la marche, la raquette, accompagne son époux en forêt et dans la pratique de la chasse, jardine et effectue seule toutes les tâches d’entretien de son domicile.
[26] Depuis sa retraite, Mme Guindon agit comme bénévole pour l’organisme Centre action bénévole qui assiste les personnes ayant des besoins de transport ainsi qu’à la bibliothèque municipale. Elle est également membre d’un club de tricot qui se réunit tous les mercredis après-midi à la bibliothèque municipale. Pour ces diverses activités, Mme Guindon est appelée à se rendre à l’hôtel de ville deux à trois fois par semaine.
[27] C’est en se rendant préparer la réunion du club de tricot, le matin du 4 décembre 2019, que survient l’accident.
1.1.1. Description des lieux
[28] La bibliothèque municipale est située à l’étage d’un édifice municipal. Il s’agit d’un bâtiment construit en 1948 qui, à l’origine, est utilisé comme école. Depuis, il a été converti et abrite l’hôtel de ville et divers services municipaux. Au rez-de-chaussée se trouve une salle communautaire et à l’étage, les bureaux administratifs de la Municipalité, le service d’urbanisme, la salle du conseil, un local informatique et la bibliothèque municipale. Pour y accéder, il faut nécessairement emprunter un escalier de béton comptant deux volées de marches perpendiculaires, séparées par un palier. Une main courante est située au mur de droite des deux volées de marches. Une autre main courante se trouve sur parapet qui borde le côté gauche de la seconde volée de marches.
[29] La main courante qui longe le côté droit de la seconde volée de marches prend fin à la hauteur de la dernière contremarche. La dernière marche, qui correspond au début du palier de l’étage, en est donc dénuée, ce qui est conforme aux normes en vigueur lors de la construction du bâtiment, mais non aux normes actuelles qui exigent une prolongation horizontale de 12 pouces au-dessus du palier[14].
[30] Le palier de l’étage débute avec un rectangle de béton, dont la forme et la superficie rappellent celles d’une marche. Une bordure de bois de ¼ pouce d’épaisseur entoure ce rectangle de béton. Au-delà de cette bordure, un revêtement de tapis couvre toute la superficie du corridor. Dans sa partie longue, le corridor est perpendiculaire à la seconde volée de marches, formant un L à partir du haut de l’escalier jusqu’à la bibliothèque.
[31] Sur ce revêtement de tapis, au centre du corridor, sont installés deux surtapis d’une largeur de 36 pouces. Ces deux surtapis dont dotés d’une bordure de caoutchouc. Le premier couvre la partie longue du corridor et le second, sa portion, courte qui correspond au pied du L que forme ce corridor. Ainsi, le second surtapis débute sur le côté du premier surtapis, à son extrémité, et se termine à la bordure de bois du rectangle de béton qu’il recouvre en quasi-totalité (« Surtapis Court »).
[32] Ces deux surtapis sont présents tout au long de l’année, autant en été qu’en hiver. Leur installation date d’une vingtaine d’années. Plusieurs témoins confirment que ce Surtapis Court n’est pas fixé et qu’il bouge à l’occasion. Les témoignages qui traitent des déplacements du Surtapis Court font voir certaines divergences[15]. Elles n’ont toutefois pas de réelle importance puisque Mme Guindon ne prétend pas que le Surtapis Court est déplacé au matin du 4 décembre 2019.
[33] Par ailleurs, il n’est pas contesté qu’à une certaine époque, un adhésif est apposé au revers des deux surtapis pour les fixer au revêtement de sol. Il n’est pas non plus contesté qu’en décembre 2019, toute force adhérante est disparue de sorte que les deux surtapis sont simplement posés au sol.
[34] Il n’y a jamais eu d’accident par le passé en lien avec ces surtapis. Les deux employées de la Municipalité qui témoignent à l’audience indiquent ne jamais avoir reçu de plainte à l’égard de l’aménagement des lieux. Il leur arrive toutefois de recevoir des personnes dans la salle communautaire pour leur éviter de monter à l’étage.
1.1.2. Description de l’accident
[35] Vers 10 h 30, Mme Guindon se présente à l’hôtel de ville afin de préparer la salle pour la rencontre hebdomadaire du club de tricot. Elle porte un manteau, des bottes d’hiver à semelles plates et un sac à main en bandoulière.
[36] Elle monte l’escalier en tenant la rampe de la main droite et sa canne, de la main gauche. Elle indique monter lentement et prudemment les marches en raison de la douleur qu’elle ressent aux hanches. Sa prochaine injection de cortisone doit avoir lieu deux jours plus tard de sorte que la douleur est davantage présente.
[37] Il n’y a aucun témoin de la chute de Mme Guindon. Il faut donc s’en remettre à la description qu’elle en fait, soit lors de son interrogatoire au préalable, soit à l’audience.
[38] La Municipalité souligne que certaines divergences séparent ces deux versions, ainsi qu’entre la description offerte par Mme Guindon et M. Hétu quant à la suite des événements et celle donnée par les deux employées municipales qui lui ont porté assistance[16].
[39] Avec égards, le Tribunal estime qu’il y a peu de divergences entre les deux versions offertes par Mme Guindon. La principale tient au fait qu’à l’audience Mme Guindon est en mesure de préciser que c’est son pied droit qui entre en contact avec le Surtapis Court, alors qu’elle est incapable de préciser lequel de ses pieds est en cause lorsqu’elle est interrogée au préalable[17], trois ans plus tôt, le 18 mai 2021.
[40] Pour le reste, la description faite par Mme Guindon est essentiellement la même.
[41] Mme Guindon explique se pousser vers le haut à l’aide de la rampe pour se hisser de la dernière marche de l’escalier à la portion en béton du palier. C’est alors que son pied est pris et qu’elle est projetée vers l’avant[18]. Elle affirme catégoriquement qu’il n’y a rien d’autre que ce Surtapis Court pour expliquer sa chute, qu’elle revoit son « pied pogné dans le tapis » et conserver le souvenir de cette sensation[19].
[42] Elle n’a pas de souvenir du mouvement de son corps par la suite, si ce n’est qu’elle se retrouve au sol quatre ou cinq pieds plus loin, à la jonction des deux surtapis[20]. Elle est assise davantage sur sa fesse droite, les deux jambes repliées sur la gauche, sa canne coincée sous elle[21].
[43] Alertées par les cris, les deux employées se précipitent pour rejoindre Mme Guindon. Elles témoignent toutes les deux que Mme Guindon est déjà engagée dans le corridor et qu’elle se trouve environ quatre pieds plus loin. L’une d’elles, Mme Maurice-Trudelle, contredit la position par terre de Mme Guindon en affirmant qu’elle est alors en position de « grenouille », les jambes de chaque côté d’elle. Elles réfèrent toutes les deux à la présence d’une boîte de métal par terre à proximité de Mme Guindon qui ne s’y trouve plus une fois l’événement terminé.
[44] Il n’y a pas de contradiction sur la suite des événements. Mme Guindon est en grande douleur. Elle refuse qu’on la touche ou la déplace jusqu’à l’arrivée des secours. Elle croit alors s’être brisé une hanche. Son mari est contacté et se présente rapidement sur les lieux. Il lui retire son sac et son manteau, ainsi que la canne en la tirant sous elle vers l’arrière. Environ 45 minutes s’écoulent avant l’arrivée des premiers répondants, puis des ambulanciers.
[45] Mme Guindon est installée sur une chaise adaptée jusqu’au bas de l’escalier, puis placée sur une civière pour être transportée à l’hôpital de Sainte-Agathe. Elle est transférée le même jour à l’hôpital de Saint-Jérôme où elle sera hospitalisée 19 jours. Elle subit une chirurgie à ses jambes le 5 décembre 2019 et à sa main gauche, le 11 décembre 2019[22]. Une chirurgie additionnelle à la jambe droite a lieu le 18 janvier 2022 pour corriger la longueur d’une des vis apposées lors de la première chirurgie et ainsi soulager la douleur qui y est associée.
1.2. Cause de l’accident
[46] La preuve prépondérante établit que le 4 décembre 2019 le pied de Mme Guindon se prend dans le Surtapis Court et qu’il s’agit ainsi de la cause de l’accident dont elle est alors victime.
[47] Rien ne justifie d’écarter le témoignage de Mme Guindon quant à la description qu’elle fait de l’accident. Malgré qu’elle ne soit pas en mesure de décrire avec précision la chute, elle est catégorique quant au fait que son pied se coince sous le Surtapis Court ce qui a pour effet de la projeter vers l’avant et de causer sa chute.
[48] D’ailleurs, Mme Guindon identifie dès le départ le tapis comme étant la cause de sa chute. C’est ce qu’elle affirme aux deux employées immédiatement après sa chute, mais aussi aux ambulanciers[23] ainsi qu’aux médecins[24]. Le Tribunal ajoute que les employées ont considéré cette explication suffisamment crédible pour retirer sur le champ le Surtapis Court et ne pas le réinstaller depuis.
[49] Les divergences notées au regard de la suite des événements entre ce qui est relaté par Mme Guindon et M. Hétu de même que par les employées ne modifient pas cette conclusion.
[50] Cela étant, la preuve dans son ensemble amène le Tribunal à préférer les versions de Mme Guindon et de M. Hétu à celles des deux employées, et ce, plus particulièrement, quant à la position de « grenouille » dans laquelle Mme Maurice-Trudelle dit avoir trouvé Mme Guindon puisqu’elle est très improbable.
[51] D’une part, Mme Maurice-Trudelle confirme que Mme Guindon refuse d’être bougée jusqu’à ce qu’arrivent les secours. Il faudrait ainsi accepter que Mme Guindon maintienne une position de « grenouille » pendant près d’une heure. D’autre part, la position décrite par Mme Guindon paraît davantage compatible avec le contenu du rapport d’intervention préhospitalier. Il y est fait état que Mme Guindon à leur arrivée « est assise et les deux pieds sont couchés au sol »[25].
[52] C’est sans compter que la position décrite par Mme Guindon et M. Hétu est davantage compatible avec les fractures subies en conséquence de cette chute. Une seule fracture est présente au fémur gauche et de multiples fractures sont présentes au fémur droit. Il s’agit donc du côté ayant reçu le plus grand impact. Le fait que Mme Guindon soit assise davantage sur sa fesse droite et que la jambe droite soit en dessous de la jambe gauche est conforme aux blessures subies. Finalement, le Tribunal juge plus fiable les observations de Mme Guindon et de M. Hétu pendant l’heure où ils attendent l’arrivée des secours que celles des deux employées qui s’éloignent à l’arrivée de M. Hétu.
[53] Il en est de même de l’endroit où se trouve Mme Guindon à la suite de sa chute de même que de la présence d’une boîte de métal et de la suggestion faite par l’avocat de la Municipalité en plaidoirie que cette boîte se trouvait dans la main droite de Mme Guindon. Le Tribunal souligne que la présence de cette boîte n’est pas notée au rapport d’accidents rédigé après le fait, alors que la présence de la canne l’est[26]. Mme Guindon nie avoir une telle boîte avec elle[27]. Elle est corroborée en cela par M. Hétu qui confirme avoir pris avec lui les effets de Mme Guindon, soit son sac, son manteau et sa canne.
[54] Le Tribunal souligne la très grande transparence de Mme Guindon tout au long de son témoignage, à l’audience tout comme au préalable. Elle met elle-même de l’avant la douleur plus importante dont elle est affligée, ainsi que l’utilisation de sa canne dans les semaines qui précèdent. Elle rend un témoignage pondéré et dénué d’exagération quant aux séquelles qui demeurent présentes. Il s’agit d’un témoignage digne de foi à tous les niveaux.
[55] Le Tribunal écarte ainsi l’hypothèse soumise par la Municipalité que la chute est causée par une faiblesse des membres inférieurs reliée à la condition médicale de Mme Guindon.
[56] Cette suggestion repose principalement sur l’opinion de l’expert retenu par la Municipalité, le chirurgien orthopédique Mario Giroux. Le Tribunal écarte sans hésitation cette opinion qui semble malheureusement avoir davantage pour objectif d’appuyer les moyens de contestation mis de l’avant par la Municipalité que d’éclairer objectivement le Tribunal dans l’identification de la cause de l’accident[28].
[57] L’opinion de l’expert Giroux repose sur deux diagnostics portés à l’égard de Mme Guindon, soit la sclérose en plaques et la sténose foramidale aux vertèbres L3-L4. Lors de son témoignage, il s’est appliqué à confirmer l’existence de ces diagnostics et les faiblesses aux jambes qui y sont nécessairement associées.
[58] Toutefois, cette opinion et cette démonstration reposent essentiellement sur des données médicales postérieures à la chute du 4 décembre 2019.
[59] Quant à la sclérose en plaques, il est acquis que ce diagnostic existe en date du 4 décembre 2019. La preuve ne fait toutefois voir aucune donnée médicale mettant en doute la description faite par Mme Guindon des symptômes de la maladie avant l’accident, soit que ce diagnostic ne donne lieu qu’à des migraines qui sont gérées adéquatement par la médication.
[60] L’expert Giroux s’appuie sur deux notes de consultations téléphoniques de la neurologue Julie Prévost des 27 avril 2020 et 4 mai 2021 quant à l’existence de symptômes neurologiques susceptibles de justifier une faiblesse aux membres inférieurs.
[61] Or, la seule mention au niveau moteur apparaissant à la note du 27 avril 2020 réfère à l’utilisation d’une canne au besoin et à une faiblesse accrue depuis la chute et les fractures[29]. Cette note est augmentée lors de la consultation du 4 mai 2021 par la mention « parfois perd l’équilibre, doit se rattraper »[30].
[62] Les autres symptômes notés sont d’ordre visuel et cognitif.
[63] Il est vrai que la section bilans de cette note téléphonique indique une progression de la maladie entre l’IRM cérébrale de septembre 2014 et celui de juin 2019. Cette progression ne donne pas lieu à une modification du traitement. De plus, la neurologue Prévost émet une réserve quant à l’évolution des lésions soupçonnant la possibilité d’une leucoaraïose surajoutée[31], ce qui est de la nature d’un trouble cognitif et non moteur[32].
[64] Une IRM cervicale qui a également lieu en juin 2019 confirme la présence de sténoses[33]. Les sténoses dont il est question sont situées au niveau des vertèbres C3-C4 et C4-C5 et non au niveau des vertèbres L3-L4. Elles sont qualifiées de légères et non de sévères.
[65] C’est à la suite de l’accident du 4 décembre 2019 que les données médicales font état d’une sténose foraminale sévère droite au niveau L3-L4 pour laquelle un bloc foraminal lombo-sacré est pratiqué en 2020 puis en 2021[34]. Cette sténose est liée à de divers symptômes, dont des sensations d’engourdissements aux jambes (paresthésie), qui sont également notées par le médecin traitant de Mme Guindon et mènent aux investigations de l’été 2020 et, ultimement au bloc foraminal lombo-sacré[35].
[66] Lors de son témoignage, l’expert Giroux s’appuie aussi de façon importante sur les constats faits par l’ergothérapeute Lucie Dupont lors de son évaluation de septembre 2021[36]. Ici aussi, il s’agit de constats quant à des séquelles postérieures à l’accident du 4 décembre 2019, incluant en ce qui concerne les membres inférieurs.
[67] Ces divers éléments minent de façon importante l’opinion émise par l’expert Giroux qui repose ainsi sur des prémisses non supportées par la preuve.
[68] À cela s’ajoute qu’il est difficile de concevoir, comme le souligne l’expert Claude Godin, que Mme Guindon subisse des blessures à trois de ses membres, voire des fractures multiples, sans que ne survienne un impact minimal.
1.3. Caractère fautif de l’aménagement des lieux
[69] Mme Guindon allègue que l’aménagement des lieux est fautif. Le Tribunal est d’accord.
[70] Il n’est pas requis ici de recourir à la notion de piège puisque l’analyse des lieux à l’aune des critères de la responsabilité civile extracontractuelle est suffisante.
[71] L’installation d’un surtapis n’est pas en soi problématique. C’est le fait de laisser le Surtapis Court s’étendre au-delà du revêtement de sol qui est fautif dans les circonstances.
[72] En recouvrant ainsi la bordure de bois, il en rehausse légèrement la hauteur et permet que la bordure de caoutchouc du Surtapis Court entre en contact avec le pied. Un tel contact ne serait pas possible si ce Surtapis Court était ajusté de façon à se terminer avant la bordure de bois.
[73] Le fait que le Surtapis Court ne soit pas fixé permet, lors du contact du pied, qu’il se déplace ou, comme relaté par Mme Guindon, que le pied glisse entre le Surtapis Court et la bordure de bois.
[74] Bien qu’il ne s’agisse pas d’une dérogation réglementaire, l’absence de rampe dans le prolongement de la dernière marche fait en sorte qu’une personne qui a des enjeux de mobilité, comme Mme Guindon le 4 décembre 2019, se trouve en situation de déséquilibre pour gravir la dernière marche de l’escalier. Au lieu d’empoigner la rampe devant soi pour se tirer vers le haut, il lui faut alors prendre appui sur le bout de la rampe pour se hisser vers le haut, ce qui crée nécessairement une torsion du corps pendant le mouvement qui favorise le déséquilibre.
[75] La chute subie par Mme Guindon résulte de la combinaison de ces trois éléments.
[76] Ce faisant, la Municipalité a toléré un aménagement des lieux fautifs à l’égard d’un bâtiment accessible au public. S’agissant du seul accès permettant d’accéder aux services municipaux, la Municipalité a l’obligation de s’assurer que cet accès soit accessible de façon sécuritaire pour toute personne, peu importe son âge et sa condition, comme énoncé par la juge Julie Dutil, alors de la Cour supérieure, dans une affaire présentant certaines similarités[37] :
[27] La Grande Place est un centre commercial qui compte de nombreux magasins. Puisque ses activités commerciales attirent des personnes de tous âges et de toutes conditions, il s’agit d’un endroit qui doit être facilement accessible.
[28] Il est essentiel que les lieux publics soient accessibles en toute sécurité autant pour les personnes handicapées et les personnes âgées que pour les personnes jeunes, alertes et en santé. Pour déterminer, s’il y a un défaut de conception du seuil ou encore un défaut d’entretien, il nous faut considérer que les normes de sécurité doivent être établies en fonction des personnes les plus faibles.
[77] Le fait que Mme Guindon soit familière avec les lieux et qu’il ne s’y soit jamais produit d’incident ne change pas le caractère fautif de l’aménagement des lieux. Cela confirme que l’aménagement des lieux n’est pas aussi problématique lorsque sont absents des enjeux de mobilité tels que ceux auxquels faisait face Mme Guindon le 4 décembre 2019.
1.4. Partage de responsabilité
[78] La Municipalité plaide que Mme Guindon devrait assumer 75 % de la responsabilité en lien avec l’accident du 4 décembre 2019 et la Municipalité, 25 %. La faute justifiant un tel partage de responsabilité tient au défaut de Mme Guindon d’être observatrice et attentive à ce qui l’entoure, et plus particulièrement au Surtapis Court.
[79] Le Tribunal ne voit pas dans le comportement de Mme Guindon une faute génératrice d’un partage de responsabilité. La preuve établit qu’elle se meut avec prudence et sans précipitation. Elle ne commet aucune imprudence du seul fait qu’elle échoue à effectuer sans encombre le mouvement imposé par l’absence de rampe et qu’elle se trouve confrontée au dépassement du Surtapis Court dont l’adhérence au sol n'est pas assurée.
[80] Ayant conclu à la commission d’une faute, le Tribunal doit déterminer si Mme Guindon (2.1.) et M. Hétu (2.2.) ont droit aux dommages-intérêts qu’ils réclament.
2.1. Réclamation de Mme Guindon
[81] Mme Guindon réclame une somme de 115 000 $ à titre de pertes non pécuniaires et une somme de 61 851,30 $ à titre de pertes pécuniaires.
2.1.1. Pertes pécuniaires
[82] Certains des montants réclamés ont fait l’objet d’admissions advenant que la responsabilité de la Municipalité soit retenue, à savoir :
a. | Transport ambulancier (P-3) : | 212,50 $ |
b. | Médicaments et traitements (P-9) : | 1 155,50 $ |
c. | Déplacements (P-10) : | 5 661,95 $ |
d. | Achats maison (P-12) : | 445,19 $ |
|
| 7 475,14 $ |
[83] S’ajoute à ces montants un chef de réclamation relié aux frais d’adaptation domiciliaire et personnelle au montant de 46 380,04 $.
[84] Ce chef de réclamation est fondé sur l’évaluation de l’ergothérapeute Dupont effectuée en septembre 2021[38]. Cette évaluation a pour objet d’identifier les équipements et services permettant au quotidien de pallier aux séquelles résiduelles de Mme Guindon identifiées par l’expert Godin tant en ce qui concerne ses jambes que sa main gauche.
[85] Les divers équipements et services sont par la suite quantifiés suivant la fréquence de leur renouvellement en fonction d’une espérance de vie de 22.3 années.
[86] Le Tribunal a attiré l’attention des parties à l’audience sur l’article 1614 C.c.Q. qui demande d’actualiser les aspects prospectifs du préjudice en fonction des taux prescrits par règlement. Les parties ont alors convenu de la valeur actualisée des divers équipements et services à la somme de 40 047,18 $[39].
[87] L’évaluation faite par l’ergothérapeute Dupont n’est pas contrée par une évaluation adverse et l’avocat de la Municipalité confirme que cet aspect des pertes pécuniaires n’est pas contesté, au cas de responsabilité de la Municipalité, sous réserve du poste traitant des services de peinture qui doivent, à son avis, être réduits de moitié pour tenir compte qu’il s’agit d’une tâche que les demandeurs effectuaient ensemble.
[88] Le Tribunal est d’accord avec cette observation. Il y a donc lieu de retrancher de la valeur actualisée admise par les parties une somme de 6 106,62 $ à cet égard[40]. Le Tribunal constate que doivent également être retranchés les coûts pour l’achat d’une main courante (365,62 $) et d’une barre d’appui pour la toilette (695,60 $) puisque ces achats ont déjà été effectués et qu’ils sont considérés ci-haut au poste achats maison (d.). De même, Mme Guindon confirme ne pas avoir besoin du couteau à bascule inclus à cette liste, ce qui justifie une déduction de 310,53 $[41].
[89] Tenant compte de ces retraits, la valeur actualisée des frais d’adaptation domiciliaire et personnelle s’établit à 32 568,81 $, portant les pertes pécuniaires auxquelles Mme Guindon a droit à la somme de 40 043,95 $.
2.1.2. Pertes non pécuniaires
[90] Ainsi, Mme Guindon répartit la somme réclamée de 115 000 $ en deux chefs de réclamation, soit l’atteinte à son intégrité physique (95 000 $) et les douleurs, souffrances et inconvénients (20 000 $).
[91] La Municipalité soutient que la somme réclamée est exagérée. Elle ajoute que la condition préexistante de Mme Guindon doit être considérée ainsi que du fait que les inconvénients vécus par elle résultent en partie d’une erreur commise à l’occasion de la chirurgie pratiquée en décembre 2019, ayant par ailleurs nécessité la seconde chirurgie de janvier 2022.
[92] Le Tribunal donne raison en partie à la Municipalité et réduit la somme réclamée à titre de pertes non pécuniaires.
[93] Le montant octroyé pour tenir compte des pertes non pécuniaires est une indemnité globale, couvrant l’ensemble des chefs de préjudice. Bien qu’il soit usuel de détailler le préjudice en plusieurs postes de réclamation, ces divers postes ne s’additionnent pas. Ils servent toutefois à mieux illustrer le préjudice et à en permettre une évaluation personnalisée, conforme à l’objectif de réparation intégrale.
[94] En effet, comme toutes les composantes du préjudice, les pertes non pécuniaires doivent satisfaire à l’exigence de la causalité et ainsi être une conséquence directe et immédiate de la chute subie par Mme Guindon le 4 décembre 2019. Ces pertes ne visent pas à punir l’auteur de la faute. C’est là le rôle réservé aux dommages punitifs.
[95] Il s’agit de procéder à une traduction monétaire du préjudice subi. L’établissement de ces pertes est un exercice difficile dont le résultat ne peut qu’être imparfait puisqu’une somme d’argent ne peut compenser parfaitement les désagréments d’une victime. Les montants alloués par les tribunaux paraissent souvent dérisoires aux victimes, alors que les payeurs les jugent souvent excessifs[42]. Le juge chargé de les établir tente ce faisant d’arbitrer les perceptions et doit s’assurer que le montant octroyé se justifie au regard de l’ensemble des autorités jurisprudentielles[43].
[96] Avant l’accident du 4 décembre 2019, Mme Guindon est une femme active qui compose sans difficulté avec ses divers diagnostics et leurs effets physiologiques. Elle est en mesure d’accomplir l’ensemble de ses activités sans assistance. Elle pratique la marche, accompagne son mari dans ses activités de chasse, voyage en voiture pendant de longues périodes et s’adonne à plusieurs activités de bénévolat. La douleur n’est pas absente de son quotidien, mais elle ne l’empêche pas de vaquer à ses occupations.
[97] Tout change le 4 décembre 2019. Au terme d’une hospitalisation de près de trois semaines au cours de laquelle elle subit deux chirurgies consécutives, la première aux jambes et la seconde, à la main gauche, elle entreprend une convalescence longue et ardue qui s’étend sur plus de six mois. Cette convalescence et la réhabilitation qui va de pair sont d’autant difficiles que trois membres sont impliqués.
[98] Les capacités d’adaptation de Mme Guindon sont sollicitées de façon importante. Elle reçoit de l’aide du CLSC deux fois par semaine mais doit compter sur l’aide de son conjoint pour le reste; ses déplacements, ses soins d’hygiène et l’ensemble de ses besoins. Incapable de marcher, elle utilise pendant plusieurs semaines marchette et fauteuil roulant pour se déplacer tout en devant se résoudre à utiliser une chaise d’aisance vu l’exiguïté de la salle de bains.
[99] Elle s’astreint à des séances de physiothérapie et d’ergothérapie, à raison de trois à quatre fois par semaine pendant les premiers mois de sa convalescence. Elle passe ainsi de l’utilisation de deux cannes à une seule. À l’heure actuelle, elle est en mesure de marcher sans aide et n’a recours à la canne qu’à l’occasion.
[100] Une amélioration importante intervient à la suite de la chirurgie pratiquée en janvier 2022. Cette chirurgie qui vise à régulariser la longueur de l’une des vis fixant la tige utilisée pour rectifier les fractures subies le 4 décembre 2019. Mme Guindon voit une amélioration notable de sa condition à la suite de cette intervention en lien avec les douleurs persistantes à sa jambe et sa fesse du côté droit. Les blocs foraminals qu’elle reçoit environ tous les six mois aident également à gérer la douleur qu’elle ressent au dos.
[101] Bien que ces chirurgies et traitements aient pour effet de réduire la douleur, cela ne change en rien les séquelles fonctionnelles résiduelles dont Mme Guindon est affligée au quotidien depuis l’accident du 4 décembre 2019.
[102] Auparavant active, elle est limitée dans ses activités au quotidien. Elle peut marcher mais pour de plus courtes distances et devient fatiguée après une vingtaine de minutes. Elle ne peut plus pratiquer la raquette ou accompagner son mari en forêt puisqu’il lui est difficile de marcher sur un sol inégal. Elle a repris ses activités de bénévolat mais ne peut ranger les livres sur les tablettes les plus basses. Elle ne peut pas non plus accompagner les gens pour de longs trajets. Cette résistance réduite a également un impact sur les voyages qu’elle fait avec son mari.
[103] Mme Guindon est en mesure de s’occuper de son intérieur, mais doit demander l’aide de son mari pour certaines tâches, comme descendre les paniers de lessive ou pour tout ce qui nécessite de se pencher ou s’accroupir. Elle peut s’habiller seule mais a besoin d’aide pour ses chaussettes et ses chaussures de même que pour tailler ses ongles d’orteils. Elle s’est adaptée pour faire la cuisine et compose avec une force de préhension réduite de sa main gauche. Elle est également en mesure de tricoter et la fatigue est moins présente qu’auparavant.
[104] Ces limitations sont quantifiées par l’expert Godin comme représentant une incapacité partielle permanente (« IPP ») de 14 % pour la personne entière, soit 11 % pour les membres inférieurs et 3 % pour la main gauche.
[105] Ici aussi, le Tribunal préfère l’opinion de l’expert Godin à celle de l’expert Giroux. L’expert Giroux conclut à une IPP de 9 %, soit 8 % pour la jambe droite et 1 % pour la main gauche. La différence principale tient au fait que le l’expert Giroux n’attribue aucune incapacité résiduelle pour la jambe gauche qu’il considère consolidée et sans anomalie.
[106] Le Tribunal partage l’avis de l’expert Godin que la conclusion est surprenante à l’égard d’une fracture majeure, corrigée au moyen d’une tige de métal et de vis, chez une patiente âgée dans la soixantaine. Cette conclusion est possible lorsque les conditions de récupération sont optimales comme dans le cas d’une personne jeune ou encore d’un athlète. Ce n’est pas le cas de Mme Guindon.
[107] Le Tribunal écarte également la proposition faite par l’expert Giroux, et la Municipalité, de réduire les pertes non pécuniaires pour considérer que l’atteinte résiduelle à la jambe droite est attribuable à une erreur chirurgicale et que celle-ci pourrait être corrigée par une chirurgie de dérotation.
[108] Cette proposition suggère une rupture du lien de causalité entre l’accident du 4 décembre 2019 et le préjudice subi par Mme Guindon, aussi appelé novus actus interveniens. Toujours selon les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore dans l’ouvrage La responsabilité civile[44], son application exige deux conditions essentielles :
1-692 – Critique – Toutefois, l’hypothèse du novus actus interveniens est souvent invoquée dans des circonstances qui le ne justifient pas. Pour que ce principe puisse s’appliquer, deux conditions essentielles sont requises. D’une part, il faut qu’il existe une disparition complète du lien entre la faute initiale et le dommage subi. D’autre part, il faut que ce lien survienne à nouveau, mais cette fois-ci en raison de l’existence d’un acte sans aucun rapport avec la faute initiale. Dans les autres hypothèses, il y a seulement continuation d’un même processus qui peut mener, dans certains cas, à un partage de responsabilité.
[109] Ces deux conditions sont ici absentes. La faute alléguée interviendrait à l’occasion d’une chirurgie qui a lieu en conséquence de l’accident du 4 décembre 2019. Il n’y a donc pas disparition complète du lien causal entre la faute de la Municipalité et le dommage subi. Il ne peut y avoir apparition d’un nouveau lien causal sans rapport avec la faute initiale.
[110] Il n’est pas davantage être question de partage de responsabilité.
[111] Même en acceptant l’opinion de l’expert Giroux, encore faut-il qu’il s’agisse d’une faute. S’il est possible d’affirmer qu’une faute résulte nécessairement d’une erreur, toute erreur ne se qualifie pas de faute. Que la relation entre le médecin et le patient soit abordée sous l’angle contractuel ou extracontractuel, elle se caractérise généralement par une obligation de moyens, et non de résultat[45]. Ainsi, la conduite fautive est celle qui s’écarte de celle attendue d’un médecin raisonnablement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
[112] Le fardeau d’établir que cette erreur est une faute génératrice de la responsabilité civile repose sur les épaules de la Municipalité qui ne s’en est pas acquittée.
[113] D’une part, la preuve est bien trop minimaliste pour supporter une telle conclusion. En fait, l’expert Giroux n’identifie pas l’erreur commise; il se contente de faire état du résultat, soit la malrotation de 15 degrés.
[114] D’autre part, l’existence de cette faute est contrée par l’opinion de l’expert Godin qui est d’avis que la malrotation résiduelle n’est pas une erreur, mais fait partie des aléas inhérents à ce type d’interventions. Il en est de même de la nécessité d’avoir à intervenir de nouveau pour corriger la pose de l’une des vis fixant la tige de métal, comme ce fut le cas en janvier 2022. Étant donné les autres lacunes notées à l’égard de l’opinion de l’expert Giroux, le Tribunal retient, ici aussi, l’opinion de l’expert Godin comme prépondérante[46].
[115] En conséquence, la Municipalité est celle qui doit indemniser l’intégralité du préjudice subi par Mme Guindon en lien avec l’accident du 4 décembre 2019, sans déduction quant aux dommages résultant des chirurgies et traitements reçus.
[116] Le Tribunal précise qu’il en est de même des dommages accrus découlant de la fragilité de Mme Guindon. L’auteur de la faute prend la victime avec ses forces et ses faiblesses[47]. La Municipalité n’établit aucune exception au principe fondamental de l’évaluation in concreto du préjudice, fardeau qui lui incombait[48]. Il est indéniable que l’accident du 4 décembre 2019 a aggravé la condition de Mme Guindon. Cette aggravation doit être compensée[49].
[117] Ces principes et considérations amènent le Tribunal à considérer que l’octroi d’un montant de 60 000 $ est justifié dans les circonstances pour tenir compte des pertes non pécuniaires subies par Mme Guindon.
[118] L’avocat de la Municipalité plaide que les montants accordés pour des blessures similaires à celles subies par Mme Guindon varient entre 40 000 $ et 65 000 $ en valeur de 2024[50]. Il suggère que les pertes non pécuniaires subies par Mme Guindon se situent dans la fourchette basse.
[119] Le Tribunal note que, dans les illustrations jurisprudentielles fournies, les blessures sont généralement moins importantes. Surtout, elles ne concernent pas des fractures aux deux jambes et n’impliquent pas trois des quatre membres. Dans de telles circonstances, les indemnités se situent dans la fourchette haute identifiée par la Municipalité, voire parfois bien au-delà[51]. Cela étant, le Tribunal doit avoir à l’esprit les montants octroyés à Mme Guindon pour l’adaptation domiciliaire et personnelle puisque la mise en place de ces adaptations est de nature à réduire les inconvénients de Mme Guindon dans le futur.
2.2. Réclamation de M. Hétu
[120] À titre de victime par ricochet[52] de l’accident du 4 décembre 2019, M. Hétu réclame une somme de 15 000 $ à titre de pertes non pécuniaires et une somme de 1 969 $ à titre de pertes pécuniaires.
2.2.1. Pertes pécuniaires
[121] La somme réclamée à titre de pertes pécuniaires ne fait pas l’objet de contestation. La somme de 1 969 $ est donc octroyée à M. Hétu.
2.2.2. Pertes non pécuniaires
[122] La Municipalité soutient que le préjudice réclamé par M. Hétu fait double emploi, dans une certaine mesure, avec l’indemnité accordée à Mme Guindon pour l’adaptation domiciliaire et personnelle. L’octroi de cette somme vise à faciliter pour Mme Guindon l’accomplissement des tâches du quotidien et à payer les services de tiers pour certaines autres tâches, dont pour le lavage des fenêtres, le grand ménage annuel, la peinture et le cordage du bois de chauffage.
[123] En tenant compte de cet élément, le Tribunal croit opportun d’accorder à M. Hétu un montant de 5 000 $ à titre de pertes non pécuniaires.
[124] En plus d’être au chevet de Mme Guindon pendant ses hospitalisations, M. Hétu a dû prendre en charge de toutes les tâches domestiques, de la préparation des repas pendant la convalescence de Mme Guindon en plus de l’assister dans ses soins d’hygiène. À l’heure actuelle, M. Hétu est toujours appelé à assister Mme Guindon, mais dans une bien moindre mesure. C’est le cas pour descendre et monter les paniers de lessive au sous-sol ainsi que pour récupérer des choses rangées dans la section basse des armoires.
[125] En conséquence de tout ce qui précède, Mme Guindon se voit octroyer une somme de 100 043,95 $ pour le préjudice subi à la suite de l’accident du 4 décembre 2019 dont la Municipalité est tenue responsable.
[126] Il est également fait droit à la demande de Mme Guindon visant à réserver son droit de réclamer des dommages-intérêts additionnels pour une durée de trois ans pour tenir compte de l’évolution de sa condition physique puisqu’une troisième chirurgie à la jambe droite est envisagée pour une problématique similaire à celle visée par la seconde chirurgie pratiquée en janvier 2022. Mme Guindon est en attente d’une date pour cette chirurgie mais indique toutefois ne pas avoir pris de décision définitive à cet égard, ce qui justifie l’octroi de la réserve demandée.
[127] De même, une somme de 6 969 $ est octroyée à M. Hétu.
[128] La demande introductive d’instance modifiée en date du 7 février 2024 demande qu’il soit ajouté aux sommes octroyées l’intérêt légal et l’indemnité additionnelle à compter du 15 janvier 2020, date de l’envoi de la mise en demeure.
[129] Le Tribunal est d’avis que c’est à compter de l’assignation que doivent s’appliquer l’intérêt légal et l’indemnité additionnelle.
[130] L’article 1617 C.c.Q. prévoit que le point de départ du calcul de l’intérêt, pour tenir compte du retard dans l’exécution de l’obligation, sont dus à compter de la demeure.
[131] En matière extracontractuelle, le débiteur de l’obligation peut être mis en demeure par la demande extrajudiciaire que lui adresse le créancier ou encore par la demande en justice[53]. Les caractéristiques de la demeure faite pas le biais d’une demande extrajudiciaire, ou mise en demeure, sont prévues à l’article 1595 C.c.Q. : elle doit être écrite et accorder au débiteur un délai d’exécution suffisant.
[132] Or, la lettre transmise par courrier recommandé le 15 janvier 2020 ne correspond pas à ce qui s’entend de la demeure. Elle n’informe pas la Municipalité de ce qui lui est réclamé. Elle vise, somme toute, à aviser la Municpalité que sa responsabilité sera recherchée lorsque les dommages seront connus. Qui plus est, elle ne concerne que Mme Guindon et est silencieuse quant à un préjudice subi par M. Hétu.
[133] Dans de telles circonstances, c’est donc lors de la demande en justice qu’intervient la demeure[54].
[134] Finalement, les demandeurs ont droit d’être indemnisés, à titre de frais de justice, des frais encourus pour la préparation des rapports d’expertise de l’architecte Germain, de l’ergothérapeute Dupont et de l’orthopédiste Godin ainsi que pour leur témoignage à l’audience, vu leur utilité, conformément à ce que prévoit l’article 339 du Code de procédure civile.
[135] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse marguerite guindon une somme de 100 043,95 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l’an, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de l’assignation;
[136] RÉSERVE les droits de la demanderesse marguerite guindon de réclamer des dommages-intérêts additionnels pour tenir compte de l’évolution de sa condition, et ce, pour la période maximale de trois ans du présent jugement prévue à l’article 1615 du Code civil du Québec;
[137] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur simon hétu une somme de 6 969 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l’an, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de l’assignation;
[138] AVEC FRAIS DE JUSTICE en faveur des demandeurs incluant les frais d’expertise des experts Patrice Germain (2 529,45 $), Lucie Dupont (5 218,75 $) et Claude Godin (14 084,44 $)[55].
| |||||
| |||||
|
ANNIE BREAULT, j.c.s. | ||||
| |||||
Me Jean Morissette | |||||
Me Katherine Charbonneau | |||||
robillard prescott morissette, avocats | |||||
Pour les demandeurs | |||||
| |||||
| |||||
| |||||
| |||||
Dates d’audience : | 12 au 14 février 2024 | ||||
mise en délibéré : | 16 février 2024 | ||||
[1] Il est à noter que l’exposé sommaire des moyens de défense oral fait état d’un aveu extrajudiciaire de Mme Guindon voulant que la chute soit causée par la prise d’une médication pour traiter l’ostéoporose de Mme Guindon, soit l’Alendronate. Il s’agit-là de l’hypothèse retenue par le chirurgien traitant. Cette hypothèse est toutefois écartée par les deux experts retenus par les parties de sorte qu’il n’est pas nécessaire de considérer et discuter de cette hypothèse.
[2] La Municipalité confirme ne plus rechercher de conclusion en déclaration d’abus, et ce, contrairement à ce qui est indiqué à l’exposé sommaire des moyens de défense oral. Cela étant, cette conclusion vise les frais engendrés par l’annulation par Mme Guindon d’un premier rendez-vous prévu avec l’expert retenu par la Municipalité qu’elle demande néanmoins de considérer lors de l’octroi des frais de justice.
[3] Article 300 C.c.Q.
[4] Art. 2803 et 2804 C.c.Q.
[5] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, Vol. 1, 9e éd., Éditions Yvon Blais, 2020, no 1-683 à 1-690; Québec-Téléphone c. Lebrun,
[6] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, Vol. 1, supra, note 5, no 1-198 à 1-200.
[7] Id.
[8] Ruby c. Gray Rocks Inn Ltd., [1982] 1 R.C.S. 465, p. 466-467.
[9] Art. 1607 et 1611 C.c.Q.
[10] Hogue c. Procureur général du Québec,
[11] Mme Guindon est née le 3 décembre 1956.
[12] Aussi appelé Biosphophonate.
[13] Interrogatoire préalable de Marguerite Guindon tenu le 18 mai 2021 (p. 7).
[14] Rapport d’expertise de l’architecte Patrice Germain – Pièce P-2 (p. 3) – Voit également l’article 9.8.7.3. 2) du Code national du bâtiment – Canada 2015 (CNRC 5610F), incorporé par renvoi au Code de construction du Québec (RLRQ, c. B-1.1, r. 2 - articles 1.01 et 1.090, qui prévoit que l’extrémité des mains courantes doit se prolonger horizontalement sur au moins 300 mm en haut et en bas de chaque volée de marches.
[15] Mme Guylaine Maurice confirme avoir replacé le Surtapis Court, mais qu’à deux ou trois occasions au cours des années, pour corriger un déplacement latéral d’environ trois pouces. Mme Guindon indique l’avoir vu déplacé au cours des années, mais ne pas y avoir porté une grande attention avant que d’autres personnes ne le lui fassent remarquer, dont Mme Johanne Thivenais. Selon cette amie de Mme Guindon, qui est également bénévole à la bibliothèque municipale et membre du club de tricot, le Surtapis Court était fréquemment déplacé, notamment à la suite des visites des groupes scolaires. Elle indique l’avoir replacé fréquemment. Elle indique en avoir fait mention à la directrice générale adjointe, Mme Karine Maurice-Trudelle, ce qui est nié par cette dernière. Mme Thivenais est la seule témoin à référer à l’usage de ruban de style duck tape qui ne collait plus, ce qui est erroné selon la preuve prépondérante.
[16] Il s’agit de Mme Guylaine Maurice et de Mme Karine Maurice-Trudelle qui sont respectivement mère et fille. Mme Maurice est à l’époque directrice générale et actuellement, directrice générale adjointe. Mme Maurice-Trudelle est à l’époque directrice générale adjointe et actuellement, adjointe administrative.
[17] Interrogatoire préalable de Marguerite Guindon tenu le 18 mai 2021 (p. 37).
[18] Lors de son interrogatoire préalable, Mme Guindon indique également gravir la dernière marche puisqu’il lui semble qu’un de ses pieds est toujours dans l’escalier : Interrogatoire préalable de Marguerite Guindon tenu le 18 mai 2021 (p. 42).
[19] Lors de son interrogatoire préalable, Mme Guindon indique qu’un de ses pieds est pris entre le Surtapis Court et le revêtement de plancher : Interrogatoire préalable de Marguerite Guindon tenu le 18 mai 2021 (p. 37).
[20] Lors de son interrogatoire préalable, Mme Guindon indique le même emplacement : Interrogatoire préalable de Marguerite Guindon tenu le 18 mai 2021 (p. 40).
[21] Lors de son interrogatoire préalable, Mme Guindon décrit la même position, sans toutefois faire mention de l’emplacement de sa canne : Interrogatoire préalable de Marguerite Guindon tenu le 18 mai 2021 (p. 41).
[22] Soit un enclouage centromédullaire long avec verrouillage distal fémurs bilatéraux et une réparation du tendon extenseur D-3 de la main gauche et reconstruction du ligament collatéral du pouce gauche – Pièce D-7 (p. 44 à 48).
[23] Pièce P-3.
[24] Pièces P-4 ou D-6 et D-7.
[25] Pièce P-3.
[26] Pièce P-24.
[27] En contre-interrogatoire, lorsqu’il lui est suggéré que cette boîte pourrait contenir des gâteaux ou des biscuits, Mme Guindon affirme ne jamais avoir apporté de gâteaux, biscuits ou autres gâteries lors des rencontres du club de tricot. La Municipalité n’a pas jugé opportun de vérifier cette affirmation auprès de Mme Thivenais.
[28] Cette conclusion ne considère d’aucune façon les décisions disciplinaires qui concernent l’expert Giroux – Pièces P-26 et D-12 (Complément Pièce P-26 déposé à la suite de l’audience – Procès-verbal d’audience du 14 février 2024).
[29] Pièce D-7 (p. 21).
[30] Pièce D-7 (p. 8).
[31] Pièce D-7 (p. 22).
[32] Le Manuel Merck, version en ligne pour professionnels de la santé.
[33] Pièce D-7 (p. 22).
[34] Pièces D-7 (p. 9 et 14) et P-8. La radiographie de la colonne lombo-sacrée du 4 décembre 2019 fait aussi état de la sténose L3/L4 – Pièce D-6 (p. 11).
[35] Comme relevé par ailleurs dans l’historique contenu au rapport de l’expert Giroux en lien avec l’évaluation médicale du Dr Champagne du 10 juin 2020 : Pièce D-3 (p. 4).
[36] Pièce P-13.
[37] Denoncourt c. K Mart Canada ltée, 1998 CanLII 11703 (QC CS), paragr. 27-28, confirmé par 2000 CanLII 2454 (QC CA) – Voir au même effet Bélanger c. La Fédération, Compagnie d’assurance du Canada, 1998 CanLII 12569 (QC CA).
[38] Pièce P-13.
[39] Pièce P-25.
[40] Soit l’addition de la portion non prospective des services de peinture (50 % x 4 313 $ = 2 156,50 $ et de la portion prospective des services de peinture de 2026 (50 % x 4 145,52 $ = 2 072,76 $) et de 2031 (50 % x 3 754,72 $ = 1 877,36 $). La valeur prospective des années 2026 et 2031 est obtenue en établissant la proportion que représentent les services de peinture sur la valeur totale de ces années – Pièce P-25.
[41] Soit l’addition de la portion non prospective pour l’achat d’un couteau à bascule (140,27 $) et de la portion prospective prévue en 2031 (99,43 $) et en 2041 (70,83 $). La valeur prospective des années 2031 et 2041 est obtenue en établissant la proportion que représente l’achat du couteau à bascule de peinture sur la valeur totale de ces années – Pièce P-25.
[42] Comité d’environnement de Ville-Émard c. Domfer poudres métalliques Ltée,
[43] Hinse c. Canada (Procureur général),
[44] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, Vol. 1, supra, note 5, no 1-691 à 1-697.
[45] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, Vol. 2, supra, note 5, no 2-35; Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 1, p. 393-396.
[46] On peut voir une certaine confirmation de l’opinion de l’expert Godin dans le fait que le chirurgien traitant refuse de conclure à la présence d’une malrotation de 15 degrés. Il est possible de se questionner si ce refus s’adresse davantage à la matérialité des impacts de cette malrotation qu’à sa réelle existence.
[47] Daniel GARDNER,
[48] Id.
[49] Id.
[50] Voir les autorités soumises par la Municipalité : Gaudreault c. Québec (Ville) 2005 CanLII 23044 (QC CS); Dubuc c. Victoriaville (Ville de)
[51] Voir par exemple Shawinigan (Ville) c. Dumont,
[52] Montréal (Ville) c. Dorval,
[53] Art. 1594 C.c.Q.
[54] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, Vol. 1, supra, note 5, no 1-656.
[55] Pièces P-15 et P-15A.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.