Décision

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Giroux c. R.

2025 QCCA 72

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-10-007525-213

(460-01-036144-198)

 

DATE :

 24 janvier 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

GUY COURNOYER, J.C.A.

LORI RENÉE WEITZMAN, J.C.A.

 

 

DANIEL GIROUX

APPELANT – accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LE ROI

INTIMÉ – poursuivant

 

 

ARRÊT

 

 

  1.                 L’appelant se pourvoit contre des verdicts de culpabilité prononcés le 11 février 2021 par un jury au terme d’un procès présidé par l’honorable André Vincent de la Cour supérieure, chambre criminelle, district de Bedford, lequel l’a reconnu coupable d’avoir commis un meurtre au premier degré et de complot en vue de commettre ce meurtre.


  1.                 Pour les motifs du juge Cournoyer, auxquels souscrivent les juges Marcotte et Weitzman, LA COUR :
  2.                 REJETTE l’appel.

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

GUY COURNOYER, J.C.A.

 

 

 

 

 

LORI RENÉE WEITZMAN, J.C.A.

 

Me Vincent Rondeau-Paquet

DESJARDINS BOLDUC

Pour l’appelant

 

Me Francis Villeneuve-Ménard

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

23 novembre 2023


 

 

MOTIFS DU JUGE COURNOYER

 

 

  1.                 Le 11 février 2021, un jury déclare l’appelant coupable d’avoir comploté avec Stéphane Blanchard (« Blanchard ») et Mathieu Valade-Williams (« Valade-Williams ») en vue de commettre le meurtre de Jacques Choquette et d’avoir causé sa mort, commettant ainsi un meurtre au premier degré.
  2.                 L’appelant, Blanchard et Valade-Williams témoignent au procès de l’appelant et leurs versions diffèrent à plusieurs égards.
  3.                 L’appelant ne nie pas avoir été présent lors du meurtre, mais il prétend néanmoins qu’il n’a pas participé à la commission des crimes qui lui sont reprochés.
  4.                 Au moment du procès de l’appelant, Blanchard vient d’être déclaré coupable de complot en vue de tuer la victime et du meurtre de celle-ci. Valade-Williams est quant à lui en attente de son procès. Essentiellement, le témoignage de chacun présente une situation semblable et soulève une défense traîtresse (« cut-throat defence ») alors que chacun impute la participation au meurtre, en partie ou en totalité, aux autres protagonistes.
  5.                 Pour la bonne compréhension du pourvoi, il s’avère donc nécessaire de résumer leurs témoignages.

Témoignage de Stéphane Blanchard

  1.                 Blanchard fait la connaissance de l’appelant dans le cadre de transactions liées à la culture de cannabis. En 2016, l’appelant lui offre de louer une maison et lui propose un emploi dans une carrière. C’est lors d’une visite de la maison que Blanchard rencontre le propriétaire, Valade-Williams. Blanchard apprend par la suite qu’il ne sera pas embauché à la carrière. Néanmoins, l’appelant lui propose de cultiver du cannabis dans le sous-sol de la maison louée, ce que Blanchard accepte. Au mois d’octobre 2016, l’appelant et Valade-Williams informent Blanchard que la victime leur doit une somme importante d’argent. Ils désirent que Blanchard les aide à l’intimider dans le dessein de récupérer cette somme. Selon Blanchard, le plan ne prévoit que la commission de voies de fait armées.
  2.            Le 3 novembre, l’appelant appelle Blanchard et lui dit de ne rien prévoir durant l’après-midi. Vers 17 h, il le rappelle et lui demande de venir chez lui avec son arme à feu. Blanchard met deux balles dans le chargeur de son arme et se rend chez l’appelant. Ce dernier lui explique alors que son camion n’est pas disponible et qu’ils doivent donc emprunter la voiture de Blanchard. Avant de partir, l’appelant place environ trois bidons dans le coffre de la voiture, expliquant que ceux-ci contiennent de l’huile usée et qu’il compte s’en débarrasser durant le trajet.
  3.            Ils repartent alors et rejoignent la victime dans un stationnement le long du trajet. L’appelant indique à la victime de les suivre à bord de son propre véhicule et les trois reprennent la route. Ils suivent la route 112 avant de s’enfoncer dans des chemins de campagne.
  4.            Lors du trajet, l’appelant devient agressif envers Blanchard. Il lui explique que la victime a vu sa plaque d’immatriculation et qu’il présente dorénavant un danger pour Blanchard et sa famille.
  5.            L’appelant demande à Blanchard de se stationner à côté d’un portail et lui dit : « Là, je sors, j’attire son attention. Toi, tu débarques puis tu tires. » Blanchard a peur et « ne comprend rien ». Toutefois, il descend de la voiture et sort l’arme. L’appelant lui crie alors : « Tire, tire, tire ! ». La victime se tourne vers Blanchard et sort son téléphone qui émet une lueur. Blanchard appuie sur la détente et atteint la victime à la tête. L’appelant exhorte Blanchard à tirer une deuxième fois, mais ce dernier lance alors l’arme par terre.
  6.            À ce moment, Blanchard aperçoit les phares d’un camion qui s’approche. Pris de panique, il invite l’appelant à prendre la fuite. Ce dernier lui explique cependant que ce n’est que Valade-Williams au volant du camion de l’appelant et qu’il n’a pas à s’inquiéter.
  7.            À son arrivée, Valade-Williams s’exclame « Ah! Vous l’avez fait? », ce à quoi l’appelant répond « Bien oui, je te l’avais dit que j’avais trouvé le bon gars pour ça ». Blanchard exprime alors son désir de partir, mais l’appelant et Valade-Williams le menacent afin qu’il les aide à se débarrasser du corps. Ils se rendent à une carrière dans le but d’incinérer la dépouille de la victime, sans succès.
  8.            En quittant la carrière, Blanchard se sauve et rentre chez lui.
  9.            Néanmoins, l’appelant et Valade-Williams se présentent à son domicile peu de temps après et lui demandent de les aider à se débarrasser du corps.
  10.            Ils repartent à la suite des exhortations de Cynthia Tremblay, la conjointe de Blanchard, à qui ce dernier avoue avoir tué la victime.
  11.            Le lendemain, l’appelant et Valade-Williams reviennent chez Blanchard et lui expliquent qu’il doit concocter un alibi. Vers le 10 novembre, l’appelant et Valade-Williams se présentent encore une fois à son domicile. Ils lui remettent un sac-poubelle contenant une quantité de cannabis dont la valeur s’élève à environ 5 000 $.

Témoignage de Mathieu Valade-Williams

  1.            Valade-Williams fait la connaissance de Blanchard quelque temps avant le meurtre. En 2016, Valade-Williams et l’appelant sont à la recherche d’une personne fiable qui pourrait s’occuper d’une plantation de cannabis. L’appelant propose donc à Blanchard de louer la maison de Valade-Williams, où la plantation est déjà installée.
  2.            Environ un mois avant le meurtre, Valade-Williams est témoin d’une conversation entre Blanchard et l’appelant au sous-sol de la maison. Ce dernier demande à Blanchard s’il « connaît quelqu’un pour faire disparaître quelqu’un ». Blanchard téléphone immédiatement à une personne inconnue afin de discuter du prix d’une « fiesta », mais le prix est trop élevé. Blanchard explique qu’il peut « le faire » pour un prix moins élevé. C’est la seule fois que Valade-Williams en entend discuter.
  3.            Le 3 novembre, après le travail, Valade-Williams se rend chez un ami. Il ne prévoit pas voir Blanchard ce soir-là. Toutefois, et bien qu’il n’en garde aucun souvenir, ils communiquent à trois reprises par téléphone et Valade-Williams lui envoie six messages textes au cours de la journée.
  4.            À 18 h, l’appelant l’appelle et lui indique que la victime veut les voir, sans en expliquer la raison. Valade-Williams présume que la rencontre concerne l’installation des plantations. L’appelant lui dit de le rejoindre le long du chemin Bellevue, sans préciser l’endroit exact.
  5.            Valade-Williams conduit le camion de l’appelant. Aux dires de Valade-Williams, il s’était fait voler son camion et l’appelant lui avait donc prêté le sien.
  6.            Valade-Williams réussit à trouver le bon chemin et aperçoit deux voitures au loin. Il s’agit de la voiture de la victime suivie par celle de Blanchard. Croyant avoir manqué le rendez-vous, il se hâte pour se joindre à eux. En sortant de son véhicule, il constate que l’appelant conduit la voiture de la victime et se trouve en état de choc. Blanchard lui explique alors que la victime se trouve dans le coffre et précise que « s’il y en a un qui parle, il va y aller avec ». Valade-Williams en déduit que la victime a été tuée par Blanchard.
  7.            Ils reprennent place à bord des véhicules et se déplacent vers une carrière en raison des menaces de Blanchard. Celui-ci et l’appelant tentent de brûler le corps à l’aide de l’essence fournie par Blanchard, mais sans succès. Blanchard et l’appelant embarquent le corps dans la boîte du camion et les trois quittent la carrière.
  8.            Blanchard quitte le groupe afin de détruire son arme. Valade-Williams, pour sa part, suit l’appelant jusqu’à un endroit isolé où ils cachent le corps. Ils se rendent par la suite à un autre endroit pour y incendier la voiture de la victime. Valade-Williams coopère, car il craint Blanchard qui habite sa maison.
  9.            Une semaine plus tard, Valade-Williams et l’appelant se rendent chez Blanchard et lui remettent du cannabis afin que ce dernier « passe du stock ». Si l’appelant lui a demandé de l’accompagner, c’est qu’il craint Blanchard. Toutefois, les trois continuent à communiquer fréquemment dans les jours suivant le meurtre.
  10.            Au procès, Valade-Williams affirme ne pas se souvenir d’une vingtaine de communications téléphoniques subséquentes qu’il a eues avec Blanchard.
  11.            Il avoue que les multiples versions racontées aux policiers en 2016 sont inventées et qu’il a effacé les textos échangés entre lui et la victime. Il affirme ne pas se souvenir d’avoir communiqué avec Blanchard à la suite de l’interrogatoire policier du 1er décembre 2016.
  12.            Au procès, Valade-Williams affirme toujours craindre Blanchard.

Témoignage de l’appelant

  1.            L’appelant a connu la victime en 2003. À son avis, leur relation était bonne. En 2015, l’appelant et la victime se lancent dans un projet commun de culture de cannabis. Comme le projet se révèle un succès, ils commencent à installer d’autres plantations. L’appelant fait la connaissance de Blanchard par l’intermédiaire de la victime et ils cultivent du cannabis ensemble de 2014 à 2015. Environ trois semaines avant le meurtre, Blanchard et Valade-Williams demandent à l’appelant de venir réparer la fournaise dans le sous-sol de la maison louée par Blanchard. À cette occasion, ils demandent à l’appelant de les aider à monter une plantation. L’appelant nie catégoriquement avoir discuté de la mort de la victime avec qui que ce soit.
  2.            Le matin du 3 novembre 2016, l’appelant effectue des travaux sur un camion, puis se rend chez le dentiste pour un rendez-vous urgent avant de rentrer chez lui vers 14 h 30 où un ami l’attend. Celui-ci lui propose d’aller dans un club de danseuses, ce qu’il accepte. L’appelant revient chez lui vers 17 h 50. Valade-Williams, Blanchard et la victime sont censés venir le rejoindre à 19 h. Cependant, une voiture blanche se stationne dans son entrée à 18 h 15. Il croit que c’est la victime, mais il s’agit plutôt de Blanchard qui l’invite à monter à bord immédiatement. Ils repartent sans mettre de bidons d’essence dans le coffre de la voiture. Blanchard précise qu’il a quelque chose à faire à Eastman avant la rencontre. L’appelant contacte la victime et lui demande de les rencontrer à Eastman. Ils se rencontrent dans un stationnement, se suivent un moment et se stationnent dans un chemin menant vers une grange. Une fois les véhicules stationnés, l’appelant descend et commence à marcher dans le chemin menant à la grange. Il entend alors un coup de feu. Il croit qu’il s’agit peut-être du propriétaire d’une maison aux alentours de la grange qui essaie de leur faire peur. Il revient donc sur ses pas. C’est alors qu’il se rend compte que Blanchard a abattu la victime. Blanchard le menace avec une arme à feu et le contraint à embarquer le corps dans le coffre de la voiture. L’appelant monte à bord de la voiture de la victime et suit Blanchard vers la carrière. Ils croisent Valade-Williams en cours de route. À la carrière, Blanchard et Valade-Williams tentent d’incinérer le corps pendant une demi-heure, sans y parvenir. L’appelant ne participe pas.
  3.            Face à cet échec, Valade-Williams et Blanchard remettent le corps dans le coffre de la voiture de la victime. Ensuite, l’appelant suit Valade-Williams au volant de cette voiture jusqu’à un endroit isolé où ils rencontrent des connaissances de Blanchard portant des cagoules. Ces derniers quittent avec la voiture de la victime, tandis que l’appelant monte à bord du camion avec Valade-Williams. L’appelant questionne Valade-Williams, qui répond qu’il n’en sait pas plus que l’appelant. Durant le trajet du retour, les deux discutent des menaces proférées par Blanchard. L’appelant rentre chez lui à 22 h 40. Vers minuit, Valade-Williams l’informe que Blanchard leur ordonne de « nettoyer la scène », sinon il les tuera. Il accompagne Valade-Williams sur les lieux du crime, mais ne participe pas au nettoyage. Aux dires l’appelant, il ne tente pas de s’enfuir durant la nuit du 3 novembre, car il croit les menaces et ne veut pas « prendre de chance ». Il n’avertit pas non plus la police par crainte de représailles. Le ou vers le 8 novembre, l’appelant se rend chez Blanchard, qui le menace de nouveau et lui explique qu’il doit mentir à la police et impliquer « deux gars grands et costauds ». Blanchard affirme alors qu’il a déjà commis deux autres meurtres.
  4.            L’appelant avoue le caractère mensonger des déclarations qu’il a ensuite faites aux policiers.

Les moyens d’appel

  1.            L’appelant formule cinq moyens d’appel : 1) la directive Vetrovec concernant le témoignage de Blanchard était insuffisante; 2) la mise en garde à l’égard du témoignage de Valade-Williams était inadéquate; 3) la directive concernant le comportement de l’appelant après le fait était erronée ou insuffisante; 4) l’absence de directive au sujet de la preuve par ouï-dire introduite durant le témoignage de l’épouse de la victime constituait une erreur; 5) le verdict rendu est déraisonnable.

Remarques préliminaires

  1.            Le processus d’appel fait partie intégrante du système de justice pénale canadien, et il offre une protection contre les déclarations de culpabilité erronées ou injustifiées[1].
  2.            Comme je l’ai indiqué dans l’arrêt Foomani, « le rôle crucial d’une cour d’appel et son devoir impératif visent à s’assurer que les déclarations de culpabilité ne sont pas erronées ou injustifiées. Il vaut de dire qu’une portion minuscule de dossiers criminels font l’objet d’un pourvoi en appel et que les cours d’appel ordonnent parcimonieusement la tenue de nouveaux procès. Il s’agit néanmoins d’une obligation incontournable lorsqu’une erreur est établie à l’aune de la norme d’intervention applicable »[2].
  3.            Les contestations reprochant la formulation de directives erronées au jury sont analysées en tant qu’erreurs de droit[3].
  4.            L’exposé au jury doit être analysé selon une approche fonctionnelle[4]. Une cour d’appel doit déterminer si le jury a reçu des directives appropriées, et non pas parfaites. L’exposé s’évalue globalement. Ultimement, il s’agit de vérifier si le jury « était “convenablement outillé” […] pour trancher l’affaire »[5].
  5.            Comme on le verra plus loin, je suis d’avis que le jury était convenablement outillé pour trancher les questions en litige au procès de l’appelant.
  6.            Par ailleurs, je ne peux m’empêcher de constater que l’appelant critique aujourd’hui une multitude de facettes de l’exposé au jury dont il n’a jamais fait part au juge du procès[6].
  7.            À cet égard, il s’avère indispensable de reproduire la synthèse élaborée par le juge Rowe dans l’arrêt Abdullahi concernant le silence des avocats quant aux insuffisances de l’exposé du juge au jury :

[66] Les juges qui président des procès organisent souvent une discussion préalable à leur exposé au jury, comme le prévoit l’art. 650.1 du Code criminel. Lors de cette procédure, le juge remet habituellement aux procureurs une ébauche de son exposé au jury et les invite à le commenter. Cela se veut un échange utile. Les procureurs doivent dévoiler leur jeu, et le juge doit prêter attention à ce que disent les procureurs, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un processus contradictoire. Après que le juge a donné ses directives au jury, les procureurs ont l’occasion de soulever des objections à l’égard de l’exposé ou de demander des clarifications ou des directives additionnelles avant que le jury ne commence ses délibérations. Tout comme dans le cas de la discussion préalable à l’exposé, ce processus se veut un échange utile où les procureurs dévoilent leur jeu. Enfin, lorsque les jurés posent des questions durant leurs délibérations, les procureurs ont l’occasion de formuler des observations au juge sur la manière de répondre à ces questions. Lorsque les procureurs omettent, à ces diverses occasions, de demander l’inclusion d’une directive ou de soulever une objection à l’égard de l’exposé tel qu’il a été présenté, les cours d’appel estiment souvent que le silence des procureurs est une considération importante.

[67] Quoique le silence des procureurs puisse être une considération pertinente, il ne faut pas oublier que l’exposé au jury est une responsabilité qui incombe au juge du procès et non aux procureurs. La Cour a déclaré à maintes reprises que, bien que pertinent, le silence des procureurs n’est pas déterminant (voir, p. ex., Thériault c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 336, p. 343344; Daley, par. 58; Mack, par. 60). Conclure autrement pourrait « nettement porter atteinte au droit d’appel d’un accusé dans les cas où son avocat manquerait d’expérience en matière de procès devant un jury » (Jacquard, par. 37). Le silence des procureurs est simplement l’une des nombreuses considérations à prendre en compte dans une approche fonctionnelle.

[68] Le silence des procureurs peut être particulièrement pertinent relativement à la question de savoir si une directive conditionnelle était requise. À titre d’exemple, l’omission du procureur de la défense de demander une directive restrictive interdisant de recourir à un raisonnement fondé sur la propension générale peut renforcer la conclusion qu’une telle directive n’était pas nécessaire dans les circonstances de l’affaire (Calnen, par. 41). Le silence du procureur peut aussi suggérer que la directive qui a été donnée était suffisamment détaillée. Par exemple, l’absence d’objection peut indiquer le caractère suffisant d’une mise en garde de type Vetrovec (Khela) ou de directives sur l’intoxication avancée (Daley) formulées par un juge. Le silence des procureurs peut également étayer la conclusion que, considéré dans son ensemble, l’exposé énonce avec exactitude le droit sur une question en litige donnée. Dans l’affaire Goforth, par exemple, l’absence d’objection du procureur de la défense n’avait pas rendu exact l’exposé au jury, mais elle appuyait la conclusion selon laquelle l’effet global de l’exposé avait donné au jury des directives exactes sur la norme de prévisibilité applicable à l’égard de l’infraction (par. 39). Il est permis de penser qu’une directive suffisante pour les procureurs était vraisemblablement suffisante pour le jury (voir, p. ex., Jaw, par. 36), mais les impressions du moment peuvent être mal comprises, en particulier dans les affaires complexes, soulevant de multiples questions de droit.

[69] Le silence des procureurs peut être particulièrement significatif en présence d’indications qu’il s’agissait d’une décision stratégique. Si l’absence d’une directive au procès était susceptible de procurer un avantage à la partie qui plaide ensuite en appel que cette directive était requise, alors la cour d’appel pourrait se demander si le procureur concerné a pris la décision stratégique de ne pas demander la directive au procès (Calnen, par. 41; voir aussi R. c. Royz, 2009 CSC 13, [2009] 1 R.C.S. 423, par. 3). Il peut s’agir d’une considération importante. Les procureurs ne peuvent pas s’abstenir de formuler une objection au procès et la réserver en vue d’un appel. En outre, les cours d’appel hésitent à juste titre à remettre en question les décisions stratégiques des procureurs, sauf pour prévenir une erreur judiciaire (Calnen, par. 67; R. c. G.D.B., 2000 CSC 22, [2000] 1 R.C.S. 520, par. 34). Inversement, si l’omission d’une directive ne présentait pas d’avantage apparent pour la partie appelante, cela peut suggérer que l’erreur était le résultat d’une inattention plutôt qu’une décision stratégique (Khill, par. 144; R. c. Barton, 2019 CSC 33, [2019] 2 R.C.S. 579, par. 48).

[70] Les cours d’appel peuvent également être amenées à se demander si le silence des procureurs est pertinent pour l’application de la disposition réparatrice. Le silence des procureurs peut indiquer, par exemple, que même si l’omission dans les directives du juge constituait une erreur de droit, cette erreur était inoffensive dans les circonstances (R. c. Arcangioli, [1994] 1 R.C.S. 129, p. 143; Jaw, par. 44). Comme je l’ai souligné précédemment, il s’agit d’une analyse distincte.

[Les soulignements et les caractères gras sont ajoutés]

  1.            Encore une fois, et je le répète, le silence des avocats à l’égard des insuffisances de l’exposé au jury n’est pas toujours déterminant. C’est toutefois le cas en l’espèce.
  2.            L’appelant reproche aujourd’hui au juge de ne pas avoir formulé de mises en garde convenables à l’égard des témoignages de Blanchard et de Valade-Williams, de ne pas avoir défini la notion de preuve confirmative et d’avoir omis de fournir suffisamment d’illustrations pour aider le jury dans ses délibérations.
  3.            Or, l’appelant n’a jamais demandé au juge du procès de le faire et je comprends pourquoi. Dans le cas de ces deux témoins, une mise en garde Vetrovec complète et robuste n’aurait eu comme effet que de cibler avec une intensité accrue la force persuasive de la preuve du poursuivant. Les mises en garde contenues dans l’exposé du juge auraient certainement pu être plus détaillées ou plus costaudes, mais l’appelant n’en aurait tiré aucun avantage. La règle de déférence à l’égard des choix du juge s’impose.
  4.            Par ailleurs, la directive concernant le comportement de l’appelant après le fait était adéquate. L’incidence de la preuve par ouï-dire contenue dans le témoignage de l’épouse de la victime était, au mieux, marginale et la prétention selon laquelle le verdict du jury était déraisonnable s’avère tout simplement insoutenable.

La mise en garde de type Vetrovec à l’égard du témoignage de Stéphane Blanchard était suffisante

 

  1.            Dans l’arrêt Khela[7], le juge Fish explique la raison d’être d’une mise en garde de type Vetrovec :

[3] Il est par conséquent de la plus haute importance, dans un procès devant juge et jury, que les jurés comprennent quand et pourquoi il est risqué de déclarer un accusé coupable sur la foi des dépositions non étayées de témoins « douteux », « indignes de foi », « non fiables » ou « tarés ». Pour les besoins de l’espèce, j’utilise ces termes de façon interchangeable.  Ainsi, mes propos visent tous les témoins qui, en raison de leur amoralité, de leur mode de vie criminel, de leur malhonnêteté par le passé ou de l’intérêt qu’ils ont dans l’issue du procès, ne peuvent être présumés dire la vérité — même s’ils se sont engagés par serment ou affirmation à le faire.

[…]

[11] L’objectif central d’une mise en garde de type Vetrovec est de sensibiliser le jury au danger de s’appuyer sur la déposition non étayée d’un témoin douteux et d’expliquer pourquoi elle doit être examinée de façon particulièrement rigoureuse. Dans certains cas, le juge du procès devrait également attirer l’attention des jurés sur la preuve pouvant confirmer ou étayer les éléments essentiels d’un témoignage autrement indigne de foi.

  1.            Cette directive ne vise pas une catégorie particulière de témoins[8], mais s’applique plutôt à tous les témoins qui « ne peuvent être présumés dire la vérité — même s’ils se sont engagés par serment ou affirmation à le faire »[9].
  2.            La décision de donner une telle mise en garde relève d’un large pouvoir discrétionnaire[10], mais elle peut revêtir un caractère obligatoire à l’occasion[11]. Cela sera notamment le cas lorsqu’un témoin important de la poursuite « présente des problèmes de crédibilité ou de fiabilité sur un élément crucial de sa déposition »[12].
  3.            Afin de déterminer si le témoignage d’un complice pourrait s’avérer intrinsèquement indigne de foi, un tribunal examine des facteurs tels que les suivants : 1) si le témoin fait face à des accusations; 2) si le témoin reconnaît ouvertement sa participation au crime; 3) si le témoin a quelque chose à gagner ou à perdre en témoignant; 4) si le témoin cherche à détourner la culpabilité vers quelqu’un d’autre; 5) si le témoin protège une autre personne; 6) s’il existe une autre raison pour laquelle le témoin chercherait à rejeter la culpabilité sur une autre personne ou à minimiser sa propre participation[13].
  4.            Lorsqu’elle est jugée nécessaire, la mise en garde Vetrovec n’est pas assujettie à une forme particulière[14]. Par conséquent, la directive ne doit pas être analysée de façon formaliste et le juge du procès jouit d’une grande latitude quant à sa forme[15].
  5.            Voici le cadre applicable adopté par le juge Fish dans l’arrêt Khela :

[37] Dans Sauvé, par. 82, la Cour d’appel de l’Ontario a établi un cadre d’analyse raisonnée qui aidera les juges de première instance à construire des mises en garde de type Vetrovec qui soient adaptées aux circonstances de l’espèce. Le cadre proposé, que j’adopte et développe ici, comporte quatre éléments fondamentaux : (1) attirer l’attention du jury sur le témoignage qui nécessite un examen particulièrement rigoureux; (2) expliquer pourquoi ce témoignage doit être examiné de façon particulièrement rigoureuse; (3) prévenir le jury du danger de prononcer une condamnation sur la foi d’un témoignage non confirmé de ce genre, le jury étant toutefois en droit de le faire s’il est convaincu de la véracité du témoignage en cause; (4) indiquer au jury que, pour déterminer si le récit suspect est véridique, il doit chercher, à partir d’autres sources, des preuves tendant à établir que le témoin douteux dit la vérité quant à la culpabilité de l’accusé (R. c. Kehler, 2004 CSC 11, [2004] 1 R.C.S. 328, par. 1719).[16]

  1.            Il convient de souligner que le juge Fish précise que « [l]orsque la mise en garde possède ces caractéristiques, un tribunal d’appel doit généralement conclure, si ailleurs l’exposé au jury ne présente pas de déficiences, que la mise en garde est adéquate »[17]. Mais il ajoute « que le fait de ne pas inclure ces éléments ne sera pas nécessairement fatal dans les cas où, comme en l’espèce, les directives du juge, prises dans leur ensemble, servent les fins d’une mise en garde de type Vetrovec »[18].
  2.            La perfection n’est donc pas exigée[19].
  3.            La mise en garde doit diriger l’attention du jury sur les traits du témoin qui « soulèvent des doutes sérieux quant à la crédibilité de sa déposition » et indiquer « les dangers qu’il y a à déclarer un accusé coupable sur la foi d’un tel témoignage, à moins que ce témoignage ne soit confirmé par une preuve indépendante »[20].
  4.            Il est important d’attirer l’attention du jury sur la preuve qui pourrait tendre à confirmer la véracité d’un témoignage autrement indigne de foi[21].
  5.            En outre, « [i]l n’est pas nécessaire que chacun des éléments de la preuve confirmative implique l’accusé »[22] mais, « considérés dans une perspective d’ensemble, les éléments de la preuve confirmative devraient conforter le jury dans son opinion que les déclarations du témoin selon lesquelles l’accusé a commis l’infraction sont dignes de foi »[23]. Ainsi « une preuve confirmative doit permettre de rétablir la confiance du juge des faits à l’égard des aspects pertinents du récit du témoin »[24].

Analyse

  1.            L’appelant critique la directive suivante :

À ce stade, je dois vous parler du témoignage de Stéphane Blanchard qui est celui qui a fait feu en direction de Jacques Choquette. Comme il vous l’a dit, il a été trouvé coupable de meurtre au premier degré et de conspiration dans le meurtre de Jacques Choquette et admet avoir été antérieurement trouvé coupable de facultés affaiblies et d’introduction par effraction et recel. Il peut être dangereux de fonder votre verdict uniquement sur son témoignage, il vous faut considérer l’ensemble de la preuve et déterminer si vous accordez foi à sa version et si vous l’acceptez en entier ou pas du tout. Cependant, il vous est interdit de conclure, parce qu’il a été trouvé coupable d’avoir comploté et d’avoir commis le meurtre de Jacques Choquette de façon préméditée, que nécessairement l’accusé est également coupable des actes reprochés. Il vous revient à vous, de façon exclusive, d’apprécier son témoignage et plus particulièrement lorsqu’il vous dit que l’objet du complot était de faire peur à Jacques Choquette en tirant dans le bois ainsi lorsqu’il mentionne que le coup de feu à la tête de la victime était accidentel. Dans son témoignage, il vous dit la raison pour laquelle, au départ de sa résidence, il met sa carabine dans son véhicule, c’est que l’accusé lui avait demandé de faire peur à Jacques Choquette et que ce n’est que sur l’insistance de ce dernier qu’il a fait feu en sa direction. Plusieurs éléments sont de nature également à vous questionner sur la véracité et la vraisemblance de ces propos. Premièrement, rappelez-vous la déclaration de l’accusé qui demande à Blanchard s’il connaît quelqu’un pour faire disparaître quelqu’un et la réponse donnée par Daniel Giroux que c’était trop cher. Ce qui amène la proposition à une date ultérieure de Blanchard de le faire pour moins cher. Deuxièmement, pourquoi apporter des bidons d’essence dans des contenants qui habituellement contiennent de l’huile, mais qui pourtant ont été fort pratiques lorsque le Ford Ranger que conduisait Valade-Williams manquait d’essence pour la suite de la soirée. Troisièmement, la vraisemblance lorsqu’il dit qu’il a réagi au fait que Jacques Choquette ait pris son téléphone cellulaire, est-ce raisonnable de penser qu’une personne aurait le réflexe de sortir son téléphone alors qu’un autre [crie], tire, tire et qu’à la vue de la personne armée, monsieur Choquette aurait décidé de ne pas s’enfuir et il va plutôt sortir son téléphone pour appeler qui. Considérez également le témoignage de l’experte Kosalka relativement à l’endroit où elle établit l’entrée du projectile à la tête de la victime et interrogez-vous si l’acte était accidentel ou intentionnel de la part de Blanchard. Vous avez également la rétribution en cannabis donnée par Daniel Giroux et Valade-Williams quelques jours plus tard […].

  1.            La directive, somme toute assez brève, s’écarte des modèles de directives[25] et présente deux failles principales.
  2.            Premièrement, le juge n’a pas expliqué pourquoi le témoignage de Blanchard devait être analysé rigoureusement[26].
  3.            Bien qu’il ait souligné certains aspects du témoignage de Blanchard qui pouvaient remettre en question sa crédibilité ou sa fiabilité, il n’a toutefois pas relevé les facteurs propres à Blanchard susceptibles de miner sa crédibilité[27]. Bien qu’une explication exhaustive des facteurs ne soit pas nécessaire[28], il aurait été souhaitable que le juge explique clairement au jury que Blanchard, un complice, était bien placé pour « concocter une histoire particulièrement convaincante mettant faussement en cause » l’appelant[29].
  4.            Cet intérêt aurait pu aussi être révélé par le fait que Blanchard avait porté en appel les verdicts de culpabilité qui avaient été prononcés contre lui le 24 novembre 2020. Cependant, je relève le fait que Blanchard n’a pas été interrogé à ce sujet et cet aspect de la question n’a pas fait l’objet de débats lors du procès.
  5.            Deuxième insuffisance, la directive ne mentionne pas l’importance de rechercher des preuves confirmatives.
  6.            Le juge n’avait pas tort de préciser que le jury devait analyser l’ensemble de la preuve. Cependant, lorsqu’une directive Vetrovec s’impose, il est vrai que le juge devrait fournir des exemples de preuves confirmatives et illustrer comment elles peuvent confirmer certains aspects d’un témoignage douteux.
  7.            En effet, comme le juge Fish l’explique dans l’arrêt Khela : « L’exposé au jury doit donc clairement indiquer quel type de preuve peut avoir valeur confirmative. Il ne suffit pas de simplement dire aux jurés de chercher ce qui à leurs yeux confirme la véracité d’un témoignage »[30]. Le jury ne doit donc pas être laissé à lui-même pour identifier la preuve confirmative[31].
  8.            Les failles mentionnées ci-dessus constituent-elles pour autant des erreurs qui justifient la tenue d’un nouveau procès? Je ne le crois pas.
  9.            Premièrement, j’estime qu’il devait être évident pour le jury que le témoignage de Blanchard méritait d’être évalué avec attention[32]. En effet, ce dernier avait été récemment déclaré coupable des infractions pour lesquelles l’appelant subissait son procès. De plus, le juge avait expliqué qu’il était dangereux pour le jury de fonder son verdict uniquement sur ce témoignage et il avait énuméré une série d’éléments dans son témoignage qui étaient de nature à soulever des doutes quant à sa véracité.
  10.            Deuxièmement, bien que le juge n’ait pas explicitement parlé de preuves confirmatives, il a néanmoins attiré l’attention du jury sur certains éléments de preuve qui pouvaient l’être.
  11.            Cela dit, si le juge avait renvoyé, d’une manière plus explicite, à des éléments de preuve confirmative, les aspects incriminants du témoignage de Blanchard à l’égard de l’appelant en auraient été fortifiés. Je partage l’observation du poursuivant qui énumère dans son exposé plusieurs éléments de preuve confirmant le témoignage de Blanchard[33]. Si le juge avait dressé cette liste, l’impact aurait été tout simplement dévastateur pour l’appelant.
  12.            Comme la Cour l’indique dans l’arrêt Durand[34], il est bien établi qu’un juge peut, dans certaines circonstances, exercer sa discrétion de ne pas faire une liste de preuves confirmatives pour minimiser l’effet dommageable qu’une telle nomenclature aurait inévitablement engendré :

[130] Bien qu’une mise en garde de type Vetrovec soit habituellement assortie d’une mention des éléments de preuve susceptibles de corroborer la déposition du témoin, cet examen n’est pas exigé dans tous les cas. Dans les situations où la revue de ces éléments de preuve peut s’avérer disproportionnellement préjudiciable à l’accusé, le juge du procès peut s’abstenir de procéder à cet exercice s’il conclut que l’attention du jury serait injustement attirée sur des éléments de preuve défavorables à l’accusé.

  1.            À juste titre, le premier juge était préoccupé d’une telle conséquence et il l’avait exprimé aux avocats lors de la conférence prédirectives. Il avait d’ailleurs annoncé vouloir formuler une directive de type Vetrovec modifiée. L’avocate de l’appelant n’a pas demandé qu’une liste des preuves confirmatives soit dressée pour le jury. Le choix du juge de ne pas dresser une telle liste commande la déférence.
  2.            Je réitère que l’avocate d’expérience de l’appelant était satisfaite des directives. Cela n’est guère surprenant. Il est bien difficile d’imaginer qu’un avocat de la défense puisse souhaiter une directive attirant l’attention du jury sur des éléments de preuve confirmant un témoignage qui incrimine son client.
  3.            J’aborde maintenant l’argument tissé par l’appelant qui se fonde partiellement sur l’arrêt Jesse[35], une affaire bien différente du présent pourvoi, et qui concerne le droit du poursuivant de produire la déclaration de culpabilité antérieure prononcée contre un accusé dans le cadre du voirdire sur l’admissibilité de la preuve de faits similaires.
  4.            L’appelant suggère que le juge aurait dû expliquer au jury que la teneur du témoignage de Blanchard était incompatible avec le verdict de culpabilité prononcé contre lui à l’issue de son procès tenu quelques mois auparavant.
  5.            L’argument de l’appelant doit être écarté.
  6.            Premièrement, il n’a pas demandé lors du procès qu’une directive de ce type soit formulée.
  7.            Deuxièmement, l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité du témoignage de Blanchard devait être effectuée par le jury chargé de déterminer la culpabilité ou l’innocence de l’appelant et non pas par le jury qui avait déclaré coupable Blanchard[36].
  8.            Troisièmement, l’appelant n’a même pas contre-interrogé Blanchard au sujet des faits sous-jacents à sa déclaration de culpabilité antérieure comme il aurait eu le droit de le faire[37]. Un tel contre-interrogatoire aurait potentiellement mieux outillé le jury pour évaluer la crédibilité de Blanchard et nous aurait permis une analyse mieux contextualisée de l’utilité de la directive maintenant recherchée.
  9.            Dernier élément : l’omission du juge de traiter de la déclaration antérieure soi-disant incompatible avec le témoignage de Blanchard relatif aux paroles (Tire, tire, tire…) qu’aurait prononcées l’appelant peu avant le coup de feu tiré par Blanchard. À cet égard, Blanchard a expliqué qu’il n’avait pas parlé aux policiers de cet élément dont il s’est souvenu en réfléchissant aux événements après son arrestation. Il ne s’agit donc pas d’une contradiction admise par Blanchard, mais plutôt d’un élément non mentionné aux policiers. L’avocate de l’appelant a insisté sur cet élément lors de sa plaidoirie et le juge aurait pu le souligner, mais l’omission de le faire ne saurait constituer une erreur de droit déterminante.
  10.            Bien qu’imparfaites, les directives ont suffisamment équipé le jury pour évaluer le témoignage de Blanchard et commandent la déférence[38].
  11.            Le premier moyen de l’appelant doit être rejeté.

La mise en garde à l’égard du témoignage de Mathieu Valade-Williams était suffisante

  1.            Voici l’extrait pertinent de l’exposé du juge pour ce qui est du témoignage de Valade-Williams :

J’aborde maintenant le témoignage de Mathieu Valade-Williams. Il a témoigné pour la Couronne, il est accusé des mêmes chefs d’accusation que Daniel Giroux et Stéphane Blanchard. Son procès n’a pas encore eu lieu. Il pourrait avoir intérêt à rendre un témoignage qui lui est favorable, c’est-à-dire qui est favorable à la Couronne dans la présente affaire, il se peut qu’un témoignage favorable en l’espèce l’aide plus tard dans sa propre cause ou qu’il croit qu’un tel témoignage l’aidera. Vous devez considérer avec prudence la preuve présentée par le témoin. Lorsque vous évaluerez la crédibilité ou la valeur à accorder à cette preuve pour décider de la présente affaire, veuillez tenir compte du fait qu’il est lui-même accusé d’une infraction et subira son procès. Il s’agit là d’un facteur dont vous devez tenir compte. Cependant, il vous faut évaluer son témoignage en tenant compte de l’ensemble de la preuve, notamment que c’est suite à ses indications que les restes du cadavre de Jacques Choquette ont été découverts. De plus, vous avez les registres téléphoniques de Blanchard qui tente de communiquer avec lui après la commission du meurtre et les tours de communication qui indiquent l’endroit où il se trouve. Il vous dit qu’il ne savait pas que Jacques Choquette se ferait tuer ce soir-là et quel rôle il allait jouer dans la disparition des preuves. Il vous dit que l’accusé l’avait convoqué à proximité de l’endroit où il s’est rendu et que c’est peu après qu’il a croisé le véhicule de Blanchard et celui de Jacques Choquette et c’est alors qu’on lui a dit qu’il est dans le coffre, c’est-à-dire Jacques Choquette et dans le coffre. Deux éléments que vous pouvez considérer afin de confirmer ou d’infirmer ses dires sont les suivants. Le peu d’essence dans le véhicule dans lequel il prenait place, la Ford Ranger de l’accusé, peut vous fournir une confirmation qu’il ignorait quel serait son rôle par la suite. Vous vous rappellerez que dans les premières versions de l’accusé, ce risque de panne d’essence est d’abord abordé par l’accusé lui-même, alors qu’il se met au volant de la Ford Ranger, les deux individus qui séquestrent Jacques Choquette ont l’amabilité de leur offrir de l’essence et même de lui laisser le contenant de plastique dans son camion afin qu’il puisse les suivre par la suite dans la soirée. De plus, Stéphane Blanchard confirme également le remplissage d’essence dans le véhicule conduit par le témoin Valade-Williams. L’autre élément est ses réactions devant l’annonce que Jacques Choquette est dans le coffre de l’auto et qu’il dit à ce moment-là à l’accusé « vous l’avez fait ». Ces paroles sont peut-être compatibles avec ce qu’il vous dit, de l’échange qu’il rapporte avoir entendu dans le sous-sol de la rue Lewis. La version qu’il donne à l’effet que c’est sous menaces qu’il a brûlé le corps et disposé du cadavre et de l’auto nécessite aussi de votre part une analyse de l’ensemble de la preuve où vous pouvez vous demander où était Stéphane Blanchard lorsque le cadavre sera caché dans un bois et l’auto brûlée près de l’endroit où Jacques Choquette avait une usine près de St-Valérien et de quelle pression pouvait-il être l’objet. Sa version pourrait être cependant confirmée par d’autres éléments de preuve dont la principale est sans aucun doute que c’est lui, après avoir été arrêté en novembre 2018, qui fera les démarches avec son avocat afin d’indiquer où le corps de Jacques Choquette a été disposé. D’autres éléments de confirmation de son témoignage se retrouvent dans l’analyse des tours de communication, le trajet emprunté par les différents véhicules au cours de la soirée, y compris l’endroit où Jacques Choquette a été abattu, puisqu’il retourne sur les lieux sur les indications mêmes de l’accusé, la présence d’accélérant pour mettre le feu et d’autres que vous pourriez y voir dans la preuve. C’est donc sa connaissance de ce qui allait se passer que vous devez considérer, mais aussi sa motivation à aider l’accusé dans la disposition des preuves de l’assassinat, était-ce par peur ou pour aider l’accusé lui-même en raison de la relation qu’ils avaient, c’est-à-dire monsieur Valade-Williams et l’accusé, Daniel Giroux.

  1.            L’appelant soutient que le témoignage de Valade-Williams exigeait que l’exposé au jury comporte une directive Vetrovec, car ce témoignage revêtait une importance capitale pour la théorie du poursuivant. Effectivement, Valade-Williams affirme avoir entendu une conversation entre l’appelant et Blanchard au cours de laquelle l’appelant demandait à Blanchard s’il connaissait une personne pour faire disparaître quelqu’un.
  2.            De l’avis de l’appelant, la nécessité d’une mise en garde Vetrovec se démontre lorsque les cinq éléments suivants sont pris en compte : 1) Valade-Williams minimise sa participation alors qu’il est un complice qui admet sa complicité après le fait; 2) il n’a dévoilé sa version des faits impliquant l’appelant que lorsque sa propre participation a été découverte; 3) il admet avoir fourni des déclarations mensongères y compris sa déclaration du 16 novembre 2016; 4) il est impliqué dans la production de stupéfiants; 5) il incrimine l’appelant plus de deux ans après les événements, après sa comparution pour des accusations semblables à celles visant l’appelant et après avoir reçu communication de la preuve.
  3.            À juste titre, l’appelant souligne que la directive qui découle de l’arrêt Titus, qui s’applique à un témoin du poursuivant à l’égard duquel pèse des accusations pendantes, « ne vise pas à remplacer une mise en garde de type Vetrovec »[39]. Cette dernière vise d’une manière plus ciblée à contrer le « danger d’une déclaration de culpabilité injustifiée [qui] est particulièrement élevé »[40] dans le cas d’un « témoin dont la crédibilité ou la véracité est douteuse »[41]. Cela dit, il convient aussi que la directive formulée par le juge comporte des caractéristiques semblables à une directive Vetrovec. Bref, le juge a donné une directive que je décrirais comme une directive Titus[42] fortifiée qui avait tout de même plusieurs attributs d’une directive Vetrovec.
  4.            Le poursuivant relève un facteur dont la pertinence a été notée par le juge Dickson dans Vetrovec, « [e]n toute logique, si le complice avoue franchement sa participation à l’infraction, la mise en garde ne devrait pas être nécessaire »[43]. Bien qu’on puisse débattre du niveau de franchise de l’aveu tardif de Valade-Williams quant à sa participation, cet aveu doit être considéré dans l’analyse de la nécessité d’une mise en garde Vetrovec.
  5.            D’une part, Valade-Williams a admis avoir menti aux policiers en raison des menaces de Blanchard[44] et d’autre part, son témoignage accablait davantage Blanchard que l’appelant.
  6.            Or, la nécessité d’une directive Vetrovec est largement tributaire de la crédibilité du témoin et de l’importance des faits sur lesquels ce dernier témoigne. Autrement dit, lorsque la crédibilité du témoin se révèle particulièrement douteuse et que son témoignage touche aux éléments essentiels du litige, cela militera en faveur de la conclusion qu’une mise en garde de type Vetrovec s’avère nécessaire[45]. Cela est d’autant plus vrai lorsque le témoin est un complice après le fait[46], même si cela n’est pas toujours déterminant[47].
  7.            Valade-Williams admet avoir participé à la destruction et à la dissimulation des preuves, avoir fabriqué des alibis et avoir menti à la police. Sa complicité après le fait ne soulève pas de doute. Mais, ce n’est pas tout. D’autres facteurs dégagés par la jurisprudence remettent objectivement en doute la fiabilité du témoignage de Valade-Williams : le témoin a un mode de vie criminel ou est trafiquant de stupéfiants[48], il a déjà fait des déclarations mensongères aux autorités[49] et il peut avoir un intérêt personnel à témoigner contre l’accusé.
  8.            À la lumière de tout ce qui précède, j’estime que le juge aurait été bien avisé de formuler une directive de type Vetrovec plus complète.
  9.            Cela étant dit, est-ce que la directive telle que formulée permettait malgré tout d’accomplir le même objectif, soit d’informer le jury que le témoin n’est pas digne de foi, même si elle n’était pas parfaite en tout point[50]? C’est l’analyse de la substance de la directive qui importe. Comme la Cour l’explique dans l’arrêt Morin[51] :

[296] En somme, si le juge doit inciter le jury à faire preuve de prudence et à rechercher des éléments de preuve indépendante susceptibles de confirmer le témoignage d’un témoin dont la fiabilité est douteuse, la mise en garde n’a pas à atteindre le seuil de la perfection dans la mesure où les caractéristiques essentielles de la mise en garde de type Vetrovec s’y retrouvent d’une manière ou d’une autre et que les objectifs poursuivis par cette mise en garde sont atteints. […]

  1.            La directive formulée dans l’exposé contenait deux éléments essentiels, à savoir : 1) avertir le jury quant au danger de se fier au témoignage de Valade-Williams et 2) indiquer certaines preuves pouvant être de nature confirmative.
  2.            Dans un premier temps, le juge a donné une directive conforme à celle de type Titus[52].
  3.            Dans un second temps, il a expliqué au jury qu’il fallait considérer le témoignage de Valade-Williams avec prudence, tout en expliquant pourquoi ce dernier avait tout intérêt à livrer un témoignage qui lui était favorable. Il était donc nécessaire d’évaluer ce témoignage en prenant en compte l’ensemble de la preuve.
  4.            L’utilisation du mot « prudence » suffisait à transmettre au jury l’idée qu’il devait entreprendre un examen attentif du témoignage, et ce, d’autant plus que les raisons sous-tendant cette exigence étaient en soi évidentes[53] : le témoin avait fait plusieurs déclarations antérieures mensongères, il avait participé à la destruction et à la dissimulation des preuves, et il avait été impliqué dans la culture du cannabis, même si ce dernier élément est d’une moindre importance. Le terme « prudence » est employé par la Cour suprême dans plusieurs jugements traitant de la directive Vetrovec[54] ainsi que par le Conseil canadien de la magistrature dans son modèle de directive au jury[55]. Il n’est toutefois pas essentiel d’expliquer au jury qu’il serait « dangereux » de se baser sur ce seul témoignage[56]. Le choix des mots employés relève largement de la discrétion du juge[57].
  5.            Dans un troisième temps, le juge a relevé certains éléments de preuve qui pouvaient confirmer des aspects du témoignage de Valade-Williams.
  6.            Cependant, l’appelant reproche au juge d’avoir commis plusieurs erreurs en dressant la liste des preuves confirmatives.
  7.            Premièrement, il prétend que la désignation par Valade-Williams du lieu où le corps de la victime aurait été dissimulé par l’appelant et lui-même ne constituait qu’un aspect périphérique du litige et donc, un élément de preuve qui ne pouvait être utilisé pour confirmer son témoignage.
  8.       Or, cette version des faits présentée par Valade-Williams contredisait directement la version livrée par l’appelant au procès et confirmait que Valade-Williams avait vraisemblablement participé à la dissimulation du corps. Il appartenait alors au jury d’évaluer son témoignage.
  9.       Deuxièmement, l’appelant reproche au juge de première instance de ne pas avoir expliqué en quoi les preuves étaient confirmatives. Or, le juge a expliqué en quoi elles étaient confirmatives dans le contexte de l’affaire et il a expliqué les inférences qui pouvaient logiquement en découler.


  1.       Troisièmement, l’appelant critique l’extrait suivant de l’exposé :

L’autre élément est ses réactions [celle de Valade-Williams] devant l’annonce que Jacques Choquette est dans le coffre de l’auto et qu’il dit à ce moment-là à l’accusé « vous l’avez fait ». Ces paroles sont peut-être compatibles avec ce qu’il vous dit, de l’échange qu’il rapporte avoir entendu dans le sous-sol de la rue Lewis.

  1.       Il affirme que le juge aurait erronément suggéré que le témoignage de Blanchard au sujet de la déclaration de Valade-Williams sur le lieu des événements, « vous l’avez fait », pouvait confirmer le témoignage de Valade-Williams au sujet de la discussion entendue entre Blanchard et l’appelant qui cherchait une personne pour faire disparaître quelqu’un.
  2.       L’appelant suggère qu’il s’agit d’une déclaration antérieure compatible qui ne peut être utilisée comme preuve confirmative. Je ne suis pas certain de bien comprendre la qualification proposée par l’appelant.
  3.       De toute évidence, la teneur de la conversation entre l’appelant et Blanchard au sous-sol du domicile de ce dernier était une preuve admissible contre l’appelant[58] dont la force probante devait être évaluée par le jury.
  4.       Par ailleurs, je suis d’accord avec le juge pour dire que la narration faite par Blanchard de la réaction de Valade-Williams lorsqu’il a été informé de la mort de la victime pouvait certainement confirmer le témoignage de ce dernier au sujet de la teneur de la conversation entendue entre l’appelant et Blanchard. En effet, la réaction de Valade-Williams s’explique, car il constate alors que l’appelant et Blanchard ont accompli ce dont ils ont préalablement discuté au sous-sol du domicile de Blanchard. J’ajoute que selon Blanchard, l’appelant aurait alors renchéri en déclarant « Bien oui, je te l’avais dit que j’avais trouvé le bon gars pour ça ».
  5.       Je ne vois pas d’erreur dans la manière dont le juge a traité de ces éléments de preuve.
  6.       Finalement, au sujet de l’argument de l’appelant voulant que Valade-Williams ne l’ait incriminé qu’après avoir été lui-même accusé deux ans plus tard et avoir reçu communication de la preuve, il est vrai que ce facteur peut être mentionné dans une directive Vetrovec. En effet, l’accès à la preuve peut permettre au témoin d’ajuster son témoignage à l’aide des renseignements dont il a pris connaissance[59]. Cependant, l’appelant n’a pas demandé au juge d’ajouter une mention à cet effet dans ses directives.
  7.       En conclusion, l’exposé du juge au sujet du témoin Valade-Williams, bien qu’imparfait à certains égards, se révèle adéquat pour transmettre au jury les préoccupations qui sont au cœur de la raison d’être d’une directive Vetrovec.
  8.       Par conséquent, ce moyen d’appel doit aussi être rejeté.

La directive concernant le comportement de l’appelant après le fait était adéquate

  1.       Le comportement après le fait constitue une preuve circonstancielle et comprend ce que dit et fait un accusé après la commission d’une infraction[60]. Ce type de preuve est assujetti aux règles générales d’admissibilité, notamment la pertinence, et peut étayer une inférence de culpabilité. Parmi les comportements qui peuvent étayer une inférence de culpabilité, soulignons le fait de mentir à la police, la destruction de preuves et le nettoyage de la scène de crime[61].
  2.       Il est essentiel toutefois que le juge identifie la preuve comme étant un comportement après le fait et qu’il fournisse une mise en garde claire quant aux utilisations permises et prohibées[62].
  3.       Bien que la formulation employée par le juge relève de sa discrétion le jury doit comprendre qu’un comportement qui semble a priori étayer une inférence de culpabilité peut, en réalité, résulter d’autres facteurs tels l’embarras, la panique et la peur d’être accusé à tort. En revanche, il est important pour le jury de comprendre qu’un comportement hautement suspect peut avoir une explication tout à fait innocente ou partiellement disculpatoire[63].
  4.       Finalement, le juge doit expliquer au jury qu’il ne doit « tirer sa conclusion finale quant à la signification du comportement de l’accusé qu’après avoir pris en considération l’ensemble de la preuve »[64].
  5.       Voici l’extrait pertinent de l’exposé du juge au sujet du comportement de l’appelant après les faits :

Le comportement après le fait est un type de preuve circonstancielle, comme c’est le cas avec toute preuve circonstancielle, vous devez considérer s’il est possible d’en tirer des inférences et le cas échéant, lesquelles peuvent l’être. Les seules inférences que pouvez tirer de cette preuve sont d’établir ou non sa participation dans le complot et la mort de Jacques Choquette tout en vous rappelant ce que je vous disais relativement au témoignage de l’accusé, celui-ci ne nie pas avoir fait des déclarations mensongères et d’être présent lorsque le corps est brûlé et l’auto incendiée, mais affirme d’avoir agi par peur de Blanchard. Ces versions de l’accusé sont toutefois contredites notamment par Blanchard et Valade-Williams qui indiquent que l’accusé est non seulement présent lorsqu’on tente d’incendier le corps et que l’on brûle l’auto, mais il y participe également. Vous pouvez utiliser cette preuve avec tous les autres éléments de preuve dans la présente affaire pour décider si la Couronne a prouvé la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Toutefois, soyez prudents avant de tirer une inférence de culpabilité de cette preuve, parce que le comportement pourrait s’expliquer autrement. Vous ne pourrez utiliser la preuve des comportements après le fait pour soutenir une inférence de culpabilité que si vous avez rejeté toute autre explication raisonnable de ce comportement. Je vous rappelle que, selon le témoignage de l’accusé, tous ces éléments postérieurs au meurtre de Jacques Choquette sont le résultat des menaces que Stéphane Blanchard lui aurait faites à lui et à monsieur Valade-Williams, que s’il le dénonçait, les répercussions sur lui et sa famille seront telles qu’il pourrait être tué ou subir le même sort que Jacques Choquette. Si vous croyez cette version ou si cette version soulève dans votre esprit un doute raisonnable, vous ne devez pas tenir compte de ces comportements pour établir sa participation au meurtre et son intention coupable. Au moment d’examiner s’il y a lieu de tirer une inférence de cette preuve de comportement après le fait, n’oubliez pas qu’il arrive parfois aux gens de mentir pour des raisons parfaitement innocentes comme la panique, l’embarras ou la peur d’être accusé à tort. Vous devrez donc considérer ce qui a été dit et conclure si vous croyez ce qui a été dit et enfin pourquoi l’a-t-on dit ou fait ou était-ce pour tenter de se disculper ou pour d’autres raisons. Bref, examinez la nature des mensonges, leur variation dans le temps et déterminez si le but était d’aider les policiers dans leur enquête ou de les diriger vers de fausses pistes.

Analyse

  1.       Le comportement de l’appelant après les faits comprenait ses déclarations mensongères aux policiers, la dissimulation du corps de la victime, la destruction du véhicule de cette dernière et le nettoyage de la scène de crime.
  2.       L’appelant énonce deux critiques. L’exposé du juge était insuffisant quant aux inférences pouvant être tirées et plus particulièrement quant à celles pouvant être tirées du rejet de la version de l’appelant.
  3.       En ce qui concerne ses déclarations mensongères, l’appelant se méprend sur le cadre applicable. Il renvoie au modèle de directive figurant dans l’ouvrage du juge Watt[65] qui concerne les situations où la fabrication d’un alibi ou d’une explication disculpatoire est alléguée[66]. Cette directive vise à faire la distinction entre le rejet de la version de l’accusé et la fabrication d’une version mensongère.
  4.       En l’espèce, une telle directive aurait été tout simplement illogique. La recherche d’une preuve indépendante de fabrication aurait été inutile. En effet, il n’y avait pas de doute quant au caractère mensonger des déclarations antérieures de l’appelant, car il l’avait avoué.
  5.       Il est vrai que le juge n’a pas demandé au jury « d’attendre d’avoir considéré l’ensemble de la preuve avant de déterminer le poids à accorder aux déclarations mensongères ».
  6.       Par contre, le juge a instruit le jury sur l’obligation de considérer cette preuve avec tous les autres éléments de preuve dans la présente affaire pour décider si le poursuivant a prouvé la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable.
  7.       Il leur a demandé d’être prudents avant de tirer une inférence de culpabilité de cette preuve, parce que le comportement pourrait s’expliquer autrement. Il a précisé « qu’il arrive parfois aux gens de mentir pour des raisons parfaitement innocentes comme la panique, l’embarras ou la peur d’être accusé à tort ».
  8.       Il a expliqué que le jury ne pouvait utiliser la preuve des comportements après le fait pour soutenir une inférence de culpabilité que s’il avait rejeté toute autre explication raisonnable de ce comportement.
  9.       Avec raison, le juge insiste sur l’explication mise de l’avant par l’appelant pour ses déclarations mensongères, soit les menaces reçues de Blanchard. L’appelant prétend que le juge aurait également dû évoquer la possibilité que le comportement soit compatible avec la culpabilité de l’appelant à des infractions moindres. Or, le juge couvre cet aspect lorsqu’il souligne que l’appelant reconnaît sa participation à l’incinération du corps de la victime et à l’incendie de son véhicule.
  10.       À mon avis, il ne s’agit pas d’un cas où la conduite postérieure n’avait aucune valeur probante.
  11.       Lorsqu’on considère l’exposé dans son ensemble, ces mises en garde me semblent adéquates et le juge énonce les inférences qui peuvent être tirées par le jury, sans préciser celles qui doivent être privilégiées.
  12.       Je rejette le moyen proposé par l’appelant.

Le témoignage de l’épouse de la victime et la preuve par ouï-dire

  1.       Durant son témoignage, l’épouse de la victime a expliqué que plusieurs personnes avaient des dettes envers son mari.
  2.       La question des dettes de l’appelant envers la victime ou celles d’autres personnes n’a pas l’importance que l’appelant lui accorde. Les dettes d’autres personnes sont sans pertinence, car l’appelant n’a pas mis de l’avant qu’une autre personne avait commis le crime.
  3.       En ce qui concerne les dettes de l’appelant, le juge a énoncé une courte directive de mi-procès à cet égard afin de préciser les dettes contractées envers la victime n’étaient pas à la connaissance personnelle de son épouse.
  4.       Par ailleurs, peu importe le niveau de dettes de l’appelant envers la victime, cette question n’était plus déterminante à la fin du procès. En effet, l’avocate du poursuivant a reconnu dans sa plaidoirie finale au jury qu’elle ne pouvait pas faire la preuve d’un mobile, mais uniquement que les relations entre l’appelant et la victime n’étaient pas bonnes.
  5.       Dans ces circonstances, toute imprécision dans la directive au sujet de la preuve par ouï-dire ne peut avoir entraîné un préjudice identifiable. Avec raison, l’appelant n’a pas insisté outre mesure sur cette question lors de l’audition du pourvoi.
  6.       Ce moyen doit aussi être rejeté.

Le jury n’a pas rendu de verdict déraisonnable

  1.       La norme de contrôle applicable à un verdict déraisonnable[67] est celle établie dans les arrêts Yebes et Biniaris[68]. Une cour d’appel doit déterminer « si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre »[69]. Pour ce faire, elle doit évaluer l’ensemble de la preuve. L’accent doit être mis sur la conclusion tirée par le jury.
  2.       Deux balises encadrent l’évaluation d’une cour d’appel qui se penche sur le verdict de culpabilité prononcé par un jury : 1) elle prend en compte la situation privilégiée du jury à titre de juge des faits ayant assisté au procès et entendu les témoignages[70]; 2) il ne suffit pas que la cour d’appel évalue le caractère suffisant de la preuve, elle doit examiner, analyser et, dans la mesure où il est possible de le faire compte tenu de la situation désavantageuse dans laquelle se trouve un tribunal d’appel, évaluer la preuve et se demander, à la lumière de son expérience, si l’appréciation judiciaire des faits exclut la conclusion tirée par le jury[71].
  3.       À mon avis, à l’aune de la preuve devant le jury, il n’y a aucune incertitude possible. Le jury pouvait déclarer l’appelant coupable.
  4.       En l’espèce, le jury devait décider si l’appelant avait participé au complot pour meurtre et s’il avait participé au guet-apens le 3 novembre 2016.
  5.       L’appelant était présent sur les lieux lors du meurtre; il ne contestait que la nature de sa participation. La crédibilité des trois personnes présentes, à savoir Blanchard, Valade-Williams et l’appelant, était d’une importance primordiale.
  6.       À mon avis, l’évaluation du caractère raisonnable du verdict ne s’avère pas complexe dans la présente affaire. Il était entièrement loisible au jury d’adopter en totalité ou en partie ou de rejeter entièrement les versions présentées par l’appelant, par Blanchard et par Valade-Williams. Il était aussi possible de conclure à la culpabilité de l’appelant en s’appuyant sur les témoignages de Blanchard et de Valade-Williams qui étaient confirmés par de nombreux éléments de preuve. De plus, la conduite de l’appelant après les faits fortifie amplement la possibilité de verdicts de culpabilité par un jury correctement instruit.
  7.       Les verdicts de culpabilité s’appuient sur la preuve et ils ne vont pas à l’encontre de l’expérience judiciaire[72].

Conclusion

  1.       Pour les raisons qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi.

 

 

 

GUY COURNOYER, J.C.A.

 


[1]  R. c. C.P., 2021 CSC 19, [2021] 1 R.C.S. 679, par. 65 (la juge Abella) et par. 132 (le juge en chef Wagner); Foomani c. R., 2023 QCCA 232, par. 60-61.

[2]  Foomani c. R., 2023 QCCA 232, par. 62.

[3]  R. c. Abdullahi, 2023 CSC 19, par. 30.

[4]  Id., par. 34.

[5]  Id., par. 35.

[6]  Comme l’explique le juge Morissette dans l’arrêt Fruitier c. R., 2022 QCCA 1225, par. 58, une telle démarche est pavée d’obstacles : « Le procédé, qui consiste à déployer une accumulation de moyens de toutes sortes, donne à croire qu’on aurait commis une pléthore d’erreurs en première instance. La plupart du temps, cette dernière proposition est en soi fort suspecte. Elle galvaude sans aucune retenue la notion même d’erreur. Et le procédé, quant à lui, n’est pas de nature à donner plus de poids à un pourvoi puisque, lorsque l’on fait flèche de tout bois, cela implique habituellement que l’on demeure à la recherche d’une flèche d’assez bonne qualité pour atteindre la cible mais qu’on ne l’a pas encore trouvée. »

[7]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104.

[8]  Id., par. 6; Beauchamp c. R., 2022 QCCA 339, par. 6; Belleville c. R., 2018 QCCA 960, par. 72.

[9]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 3; voir aussi R. c. Bradshaw, 2017 CSC 35, [2017] 1 R.C.S. 865, par. 5.

[10]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 14; Desjardins c. R., 2016 QCCA 334, par. 37.

[11]  R. c. Khela, id., par. 5.

[12]  Desjardins c. R., 2016 QCCA 334, par. 37, renvoyant à R. c. Kehler, 2004 CSC 11, [2004] 1 R.C.S. 328, par. 20.

[13]  R. v. Brass, 2007 SKCA 94, par. 24, autorisation d’appel refusée [2009] 1 R.C.S. vi.

[14]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 6, 31.

[15]  Id., par. 7; Beauchamp c. R., 2022 QCCA 339, par. 37.

[16]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104.

[17]  Id., par. 44.

[18]  Ibid.; voir aussi R. c. Smith, 2009 CSC 5, [2009] 1 R.C.S. 146, par. 2; R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 108; R. v. Bradey, 2015 ONCA 738, par. 136.

[19]  R. c. Smith, 2009 CSC 5, [2009] 1 R.C.S. 146, par. 2; Rincon Arias c. R., 2014 QCCA 822, par. 56.

[20]  R. c. Brooks, 2000 CSC 11, [2000] 1 R.C.S. 237, par. 94, cité dans R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 34.

[22]  Id., par. 41.

[23]  Id., par. 42.

[24]  Id., par. 43 (italiques dans l’original).

[25]  D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, Thomson Reuters, 2023, p. 406-407.

[26]  R. c. Smith, 2009 CSC 5, [2009] 1 R.C.S. 146, par. 14; R. c. Hurley, 2010 CSC 18, [2010] 1 R.C.S. 637, par. 12; R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 107.

[27]  Dans un article publié alors qu’il n’était pas juge, l’auteur Marc Rosenberg dresse une liste de facteurs qui peuvent expliquer l’hésitation à accepter la déposition d’un témoin : [TRADUCTION] « Ces facteurs pourraient comprendre la participation à des activités criminelles, l’existence d’un motif de mentir en raison d’un lien avec le crime ou les autorités, le retard inexpliqué mis pour venir présenter sa version des faits, la présentation de versions différentes à d’autres occasions, les déclarations mensongères sous serment et d’autres considérations semblables » Developments in the Law of Evidence: The 199293 Term — Applying the Rules » (1994), 5 S.C.L.R. (2d) 421, p. 463, par. 79, reproduit par le juge Fish dans l’arrêt R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 10, par. 35.

[28]  R. c. Smith, 2009 CSC 5, [2009] 1 R.C.S. 146, par. 14; R. v. Salah, 2015 ONCA 23, par. 116-117; R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 107.

[29]  R. c. Smith, 2009 CSC 5, [2009] 1 R.C.S. 146, par. 15; voir aussi R. c. Bradshaw, 2017 CSC 35, [2017] 1 R.C.S. 865, par. 72; R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 107.

[30]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 46.

[31]  R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 109.

[32]  Id., par. 108; R. v. Bradey, 2015 ONCA 738, par. 136; R. v. Wheatle, 2022 ONCA 591, par. 39.

[33]  Dans son exposé, le poursuivant dresse une énumération plus exhaustive que celle du juge des éléments de preuve confirmative : les registres téléphoniques; la présence de bidons d’essence ou d’huile dans le coffre; le fait que Blanchard ne connaissait pas la victime et n’avait pas communiqué avec elle; la description de l’endroit où la victime a été atteinte par balle (la tête); le fait que l’appelant a fouillé la victime; l’ordre des véhicules durant le trajet vers la carrière; le déroulement chronologique des événements après le crime (notamment les rencontres concernant la fabrication d’alibis et la remise du cannabis à titre de paiement).

[34]  Durand c. R., 2019 QCCA 1416, par. 130. Voir R. c. Bevan, [1993] 2 R.C.S. 599, p. 612-613; Vetrovec c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 811, p. 831-832.

[35]  R. c. Jesse, 2012 CSC 21, [2012] 1 R.C.S. 716.

[36]  Landry c. R., 2022 QCCA 1186, par. 181, appel rejeté par R. c. Landry, 2024 CSC 2; Fort Théagène c. R., 2021 QCCA 637, par. 27. Dans l’arrêt R. v. Ghorvei (1999), 138 C.C.C. (3d) 340 (C.A. Ont.), par. 31, la juge Charron explique : « In my view, it is not proper to cross-examine a witness on the fact that his or her testimony has been rejected or disbelieved in a prior case. That fact, in and of itself, does not constitute discreditable conduct. I do not think it would be useful to allow cross-examination of a witness on what is, in essence, no more than an opinion on the credibility of unrelated testimony given by this witness in the context of another case. The triers of fact who would witness this cross-examination would not be able to assess the value of that opinion and the effect, if any, on the witness's credibility without also being provided with the factual foundation for the opinion. » [Le soulignement est ajouté].

[37]  R. v. Miller (1998), 131 C.C.C. (3d) 141 (C.A. Ont.), par. 18-24; R. v. Ghorvei (1999), 138 C.C.C. (3d) 340 (C.A. Ont.), par. 29; Hovington c. R., 2007 QCCA 1016, par. 33-34. Les principes formulés dans l’arrêt Ghorvei ont fait l’objet de nuances dans le récent arrêt R. v. Hason, 2024 ONCA 369. Voir les observations de l’auteure Palma Paciocco, “Expert Reliability in R. v. Hason: Addressing ‘Red Flags’ and Refining Ghorvei (2024), 95 C.R. (7th) 392. Toutefois, vu le fondement factuel inadéquat, il ne s’avère ni souhaitable, ni nécessaire de trancher la question de savoir si une directive semblable à celle maintenant sollicitée par l’appelant pourrait être formulée dans certaines circonstances.

[38]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 14; R. v. Ranglin, 2018 ONCA 1050, par. 32; R. v. Archer (2005), 202 C.C.C. (3d) 60 (C.A. Ont.), par. 58.

[39]  Conseil canadien de la magistrature, Comité national sur les directives au jury, Modèles de directives au jury, Directive finale 11.34, version PDF, p. 58, note 88. Voir aussi D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, Thomson Reuters, 2023, p. 458, note 3.

[40]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 2.

[41]  Ibid.

[42]  Titus c. R., [1983] 1 R.C.S. 259.

[43]  Vetrovec c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 811, p. 822.

[44]  Voir les observations du juge Doyon dans Xavier c. R., 2021 QCCA 997, par. 64; Bilodeau c. R., 2017 QCCA 549, par. 34.

[45]  Durand c. R., 2019 QCCA 1416, par. 122, autorisation d’appel refusée [2020] 1 R.C.S. x; R. c. Kehler, 2004 CSC 11, [2004] 1 R.C.S. 328, par. 7; R. c. Bevan, [1993] 2 R.C.S. 599, p. 614.

[46]  R. c. Bevan, [1993] 2 R.C.S. 599, p. 614; Durand c. R., 2019 QCCA 1416, par. 123-125, autorisation d’appel refusée [2020] 1 R.C.S. x; R. v. Ranglin, 2018 ONCA 1050, par. 33.

[47]  Vetrovec c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 811, p. 830-832; R. v. Moffit, 2015 ONCA 412, par. 70-79, autorisation d’appel refusée [2016] 1 R.C.S. xiv.

[48]  R. c. Khela, 2009 CSC 4, [2009] 1 R.C.S. 104, par. 3; R. c. Kehler, 2004 CSC 11, [2004] 1 R.C.S. 328, par. 7.

[49]  Ibid.

[50]  R. c. Smith, 2009 CSC 5, [2009] 1 R.C.S. 146, par. 16; R. v. Kostyk, 2014 ONCA 447, par. 72; R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 108.

[51]  Morin c. R., 2009 QCCA 1131.

[52]  Titus c. R., [1983] 1 R.C.S. 259; R. v. Moffit, 2015 ONCA 412, par. 72, autorisation d’appel refusée [2016] 1 R.C.S. xiv.

[53]  R. v. Bradey, 2015 ONCA 738, par. 136; R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 108.

[54]  R. c. Smith, 2009 CSC 5, [2009] 1 R.C.S. 146, par. 3; R. c. Kehler, 2004 CSC 11, [2004] 1 R.C.S. 328, par. 21 in fine.

[55]  Conseil canadien de la magistrature, Comité national sur les directives au jury, Modèles de directives au jury, Directive finale 11.34, version PDF, p. 58.

[56]  R. v. Kostyk, 2014 ONCA 447, par. 72; R. v. Saleh, 2013 ONCA 742, par. 107. Comme l’explique le juge Watt dans son ouvrage Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, Thomson Reuters, 2023, p. 406, note 3 : « There is no special formula for a Vetrovec warning, although the usual language refers to the danger of acting on the unconfirmed evidence of a suspect witness. There is no magic, however, in the words “danger” or “dangerous”. Circumstances vary, as do the nature and content of the warning ». Voir R. v. Sauvé (2004), 182 C.C.C. (3d) 321 (Ont. C.A.), at p. 357.

[57]  R. v. Riley, 2017 ONCA 650, par. 242, autorisation d’appel refusée [2020] 1 R.C.S. xvi; R. v. Bradey, 2015 ONCA 738, par. 135.

[58]  R. c. Schneider, 2022 CSC 34, par. 52-55.

[59]  R. v. Labossière, 2014 MBCA 89, par. 62, autorisation d’appel refusée [2015] 2 R.C.S. vii. Je rappelle néanmoins que la question se pose dans des termes différents au procès du témoin lui-même : R. v. Chacon-Perez, 2022 ONCA 3, par. 114-115.

[60]  R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, par. 106-113; R. v. McGregor, 2019 ONCA 307, par. 98-108.

[61]  R. c. Rodgerson, 2015 CSC 38, [2015] 2 R.C.S. 760, par. 21 et 27; R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, par. 19.

[62]  Tshilumba c. R., 2022 QCCA 1591, par. 114; R. v. D.M., 2022 ONCA 429, par. 86; R. v. McGregor, 2019 ONCA 307, par. 105; R. v. Wood, 2022 ONCA 87, par. 121.

[63]  R. c. Calnen, 2019 CSC 6, [2019] 1 R.C.S. 301, par. 117; R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, par. 22.

[64]  R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, par. 57.

[65]  D. Watt, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, Thomson Reuters, 2023, p. 368-369.

[66]  R. c. Laliberté, 2016 CSC 17, [2016] 1 R.C.S. 270, par. 4; R. v. Bradey, 2015 ONCA 738, par. 167-174.

[67]  Art. 686(1)a)(i) C.Cr.

[68]  R. c. Biniaris, 2000 CSC 15, [2000] 1 R.C.S. 381, par. 36; R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168,
p. 185-186.

[69]  R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168, p. 186.

[70]  R. c. W.H., 2013 CSC 22, [2013] 2 R.C.S. 180, par. 27.

[71]  R. c. W.H., 2013 CSC 22, [2013] 2 R.C.S. 180, par. 28.

[72]  R. c. Biniaris, 2000 CSC 15, [2000] 1 R.C.S. 381, par. 40; R. c. W.H., 2013 CSC 22, [2013] 2 R.C.S. 180, par. 28.

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