Décision

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Ville de Mont-Tremblant c. Succession de Miron

2020 QCCA 701

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-027993-187

(700-17-010218-138)

 

DATE :

 28 mai 2020

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MANON SAVARD, J.C.A.

SIMON RUEL, J.C.A.

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

 

 

VILLE DE MONT-TREMBLANT

APPELANTE - défenderesse

c.

 

SUCCESSION PAUL-EUCLIDE MIRON

INTIMÉE - demanderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]          L’appelante, la Ville de Mont-Tremblant, se pourvoit contre un jugement rendu le 1er novembre 2018 par la Cour supérieure, district de Terrebonne (l’honorable Élise Poisson), lui ordonnant d’entreprendre, dans les 18 mois du jugement, tous les travaux nécessaires pour faire cesser l’aggravation du Lot sous administration de l’intimée, la Succession Paul-Euclide Miron, ainsi que le préjudice causé par la canalisation de l’écoulement des eaux vers ce Lot. La Cour supérieure ordonne également à la Ville de procéder à l’installation d’un ponceau de dimension adéquate à l’emplacement du Ponceau P1 actuel[1].

[2]          Pour les motifs du juge Ruel, auxquels souscrivent les juges Savard et Cotnam, LA COUR :

[3]          REJETTE l’appel, avec frais de justice.

 

 

 

 

MANON SAVARD, J.C.A.

 

 

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 

 

 

 

 

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

 

Me Carl-Éric Therrien

THERRIEN LAVOIE AVOCATS, S.E.N.C.R.L.

Pour l’appelante

 

Me Robert Daigneault

Me Thibaud Daoust

DAIGNEAULT, AVOCATS INC.

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

11 décembre 2019


 

 

MOTIFS DU JUGE RUEL

 

Le contexte

[4]          Pour assurer une meilleure compréhension des lieux géographiques, une carte détaillée de la localisation (Annexe I) ainsi que deux schémas des lieux (Annexe II, en liasse) sont joints à l’arrêt.

[5]          Claudette Miron, Claude Miron et Denis Miron sont les enfants de feu Paul-Euclide Miron et agissent en leur qualité de liquidateurs de la Succession Paul-Euclide Miron (ci-après la « Succession »). Le Lot 4 650 147, cadastre du Québec, circonscription foncière de Terrebonne, anciennement désigné comme étant une partie du lot 522 du cadastre du canton de Salaberry (ci-après le « Lot 147 »), fait partie des biens de la Succession.

[6]          La Ville de Mont-Tremblant (ci-après la « Ville ») a été créée le 22 novembre 2000, à la suite du regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord, de la Paroisse de Saint-Jovite et de la Ville de Saint-Jovite.

[7]          L’enjeu du litige concerne la gestion des eaux d’écoulement provenant de la Montagne à Léonard (autrefois « Deer Mountain »), située sur le territoire de la Ville, qui se déversent sur le Lot 147. Il existe en effet une voie d’écoulement provenant de la Montagne à Léonard, le « Cours d’eau B », se dirigeant du côté sud-est, en direction du Lot 147, traversant un ponceau sous la Montée Kavanagh.

[8]          Avant 1931, le tracé du Cours d’eau B est modifié de main d’homme afin de lui permettre de poursuivre son cours plus commodément sous la Montée Kavanagh et de se déverser sur le Lot 147 par l’entremise du Ponceau P3. Ses eaux se dirigent ensuite vers le sud, sur le Lot 147, dans le Fossé 1, et bifurquent vers l’est pour se jeter dans un lac aménagé sur la propriété voisine. Le Ponceau P1, situé au sud de la propriété, ne sert alors pas d’exutoire au Cours d’eau B. Il est plutôt dédié à recevoir les eaux de la dépression située au sud du Lot 147[2].

[9]          Entre 1950 et 1953, la trajectoire du Fossé 1 est modifiée. Il se dirige toujours vers le sud, mais bifurque désormais vers l’ouest pour traverser le Ponceau P1. Ainsi, à compter de 1953, le Cours d’eau B s’écoule sous la Montée Kavanagh par le Ponceau P3, emprunte la Brèche 1B sur le Lot 147 se dirigeant dans le Fossé 1, pour ensuite traverser de nouveau la Montée Kavanagh du côté ouest par le Ponceau P1, situé à l’extrémité sud du Lot 147[3].

[10]       Entre 1953 et 1964, l’écoulement du Cours d’eau B est dévié par l’aménagement de deux bassins artificiels (ci-après les « Lacs 1 et 2 ») sur une propriété située à l’ouest de la Montée Kavanagh[4].

[11]       La Succession prétend qu’à la suite de la création des Lacs 1 et 2 et durant une période de près de 30 ans, se terminant vers le milieu des années 90, le Cours d’eau B est dévié vers les Lacs 1 et 2 du côté ouest de la Montée Kavanagh et ne s’écoule plus sur le Lot 147. Pendant cette période, selon la Succession, le Cours d’eau B s’écoule sur les propriétés situées à l’ouest de la Montée Kavanagh pour rejoindre un fossé de drainage agricole aménagé au sud-ouest, vers la rue Émond[5]. Le Lot 147 se trouve alors en grande partie asséché, ce qui permet aux Miron d’y pratiquer la culture du foin et de l’avoine, jusqu’au milieu des années 80. Les Miron y plantent par la suite une pinède.

[12]       La Ville prétend plutôt que, pendant cette période, malgré la création des Lacs 1  et 2, le Cours d’eau B continue de se diriger vers le Ponceau P3 et de s’écouler sur le Lot 147, puisque les Lacs 1 et 2 n’ont aucun exutoire permettant l’écoulement de l’eau du Cours d’eau B vers le sud-ouest de la Montée Kavanagh[6].

[13]       À compter de la fin des années 80, les terrains situés du côté ouest de la Montée Kavanagh se développent pour accueillir des habitations résidentielles, ce qui provoque des enjeux de ruissellement, l’eau de surface ne s’écoulant plus naturellement. Les Lacs 1 et 2 sont graduellement abandonnés[7]. Vers le milieu des années 1990, le débit d’écoulement  du Cours d’eau B par le Ponceau P-3 vers le lot 147 augmente.

[14]       En août 1998, la Paroisse de Saint-Jovite creuse un fossé le long de la Montée Kavanagh, du côté est de celle-ci, sur une distance d’environ 1000 mètres et sur une profondeur d’environ quatre pieds, entre les Ponceaux P1 et P3, afin que ce fossé puisse recevoir et mieux drainer les eaux de ruissellement et du Cours d’eau B. À l’occasion de ces travaux de 1998, la Paroisse « bloque » la sortie du Ponceau P3 vers le Lot 147, ce qui a pour effet de faire dévier l’écoulement des eaux le long de la Montée Kavanagh jusqu’au Ponceau P1, empêchant ainsi la submersion du Lot 147[8].

[15]       Il est à noter que la Paroisse de Saint-Jovite n’effectue pas de travaux du côté ouest de la Montée Kanavagh puisqu’à cette époque, ce territoire est sous la juridiction de la Ville de Saint-Jovite.

[16]       Ainsi, entre août 1998 et août 2000, la charge hydrique sur le Lot 147 est diminuée, puisque les eaux s’écoulent le long de la Montée Kavanagh, du côté est, jusqu’au Ponceau P1, vers le fossé est de celle-ci, et non plus directement sur le Lot 147[9].

[17]       À compter du printemps 1999, des propriétaires du secteur ouest de la Montée Kavanagh se plaignent de l’inondation de leurs sous-sols. Ils en imputent la cause aux travaux réalisés par la Paroisse de Saint-Jovite en août 1998 sur le Lot 147 ayant provoqué un refoulement des eaux du côté ouest[10].

[18]       Le 16 août 2000, la Paroisse de Saint-Jovite amorce des travaux de remblai partiel du fossé est de la Montée Kavanagh. Elle rouvre également la sortie du Ponceau P3 qui avait été « bloquée » en 1998. L’objectif de ces travaux est de rediriger l’écoulement des eaux  vers le Lot 147, par le Ponceau P3[11].

[19]       Selon les experts de la Succession, ces travaux effectués par la Ville en août 2000 ont entraîné une charge d’eau supplémentaire sur le lot 147 causant des problèmes de submergement. L’ensemble de l’écoulement provenant de la Montagne à Léonard se dirige maintenant vers le Lot 147, ce qui n’a pas été le cas pendant de nombreuses années. Par ailleurs, compte tenu de la présence de nouvelles constructions et de chemins d’accès du côté ouest de la Montée Kavanagh, les quantités d’eau de ruissellement s’écoulant vers le Lot 147 ont augmenté, sans que la Ville s’assure que cette eau pouvait être adéquatement évacuée.

[20]       Les experts de la Ville affirment plutôt qu’elle a tout simplement rétabli la situation qui prévalait auparavant. Selon la Ville, les travaux réalisés en 2000 n’ont pas provoqué une augmentation de la charge hydrique, puisque le Cours d’eau B passe par le Ponceau P3 sous la Montée Kavanagh et s’écoule sur le Lot 147 depuis toujours.

[21]       Diverses discussions ont lieu au cours des années entre les Miron et la Ville, sans succès selon la perspective des Miron. Le 30 août 2013, la Succession dépose une requête pour le prononcé d’ordonnances d’injonctions interlocutoire et permanente et en dommages-intérêts contre la Ville en vue de faire cesser le déversement d’eau et le submergement du Lot 147. L’instance est scindée de manière à décider d’abord des demandes injonctives[12].

[22]       Dans le jugement entrepris, la juge retient que le Lot 147 reçoit naturellement les eaux de surface de la Montagne à Léonard qui transitent par le Cours d’eau B, en raison de sa situation inférieure et de la pente naturelle du secteur. Depuis au moins 1931, les eaux du Cours d’eau B sont canalisées par le Ponceau P3 sous la Montée Kavanagh et dirigées vers le Lot 147. Jusqu’en 1953, les eaux ainsi canalisées vont rejoindre le ruisseau Noir, situé à l’est du Lot 147[13].

[23]       Cependant, la juge estime que la preuve administrée par les experts Savaria et Aiachi (pour la Succession) démontre de manière probante qu’entre le début des années 60 et jusqu’au milieu des années 90, le Cours d’eau B ne s’écoule plus entièrement sur le Lot 147. Il est plutôt dirigé, en tout ou partie, du côté ouest de la Montée Kavanagh. Différentes interventions humaines, en particulier la création des Lacs 1 et 2, ainsi que la canalisation des eaux du Cours d’eau B à l’ouest de la Montée Kavanagh, sont à l’origine de cette situation[14].

[24]       Ces modifications apportées aux fonds supérieurs ont entraîné une réduction significative du débit d’eau s’écoulant vers le Lot 147 au fil des ans, selon la juge[15]. Cette dernière croit cependant probable qu’une partie des eaux du Cours d’eau B continuait néanmoins de s’écouler vers le Lot 147, tel qu’il se dégage du constat tiré par l’expert Boisvenue (pour la Ville) à partir d’une photo aérienne prise en octobre 1975[16].

[25]       Par conséquent, la juge est d’avis qu’en raison de sa situation géographique et des pentes naturelles du secteur en cause, le Lot 147 demeure tenu à une servitude naturelle d’écoulement des eaux en faveur de la Montée Kavanagh, dont l’emprise est propriété de la Ville[17].

[26]       La juge ne retient pas le constat de l’expert Legault (pour la Ville) voulant que les travaux d’août 2000 correspondent « à la réouverture des cours d’eau dans leurs lits historiques » et que, par conséquent, « les eaux du mont à Léonard ont repris leur cours normal en s’écoulant sur le [Lot 147], comme il l’avait toujours été »[18].

[27]       Elle estime ce constat incomplet, alors que l’expert omet de préciser que le « lit historique » auquel il réfère ne correspond pas à l’écoulement naturel du Cours d’eau B, puisqu’à compter de 1964 et pendant plusieurs décennies, ces eaux sont canalisées afin de s’écouler vers le côté ouest de la Montée Kavanagh[19].

[28]       La juge souligne que les eaux dirigées à la suite des travaux de la Ville en 2000 vers le Lot 147 l’ont été sans égard aux inconvénients causés, sans que la Ville étudie la charge hydrique impliquée et sans qu’elle se préoccupe des conséquences de cette canalisation sur l’usage du Lot 147[20]. En effet [soulignement ajouté] :

[253] Le Tribunal conclut que les travaux effectués par la Ville, en août 2000, afin de réunir les eaux de ruissellement et du Cours d’eau B, dans un seul canal, pour les envoyer s’accumuler sur le Lot [147], ont provoqué l’augmentation renouvelée et continue de la charge hydrique sur le Lot [147], engendrant ainsi une aggravation du fonds inférieur et des inconvénients anormaux de voisinage au sens de l’article 976 C.c.Q., tel que plus amplement décrit dans le rapport d’avril 2013 de Madame Savaria. Le changement du Ponceau P1, en 2009, n’a pas amélioré la situation.[21]

[29]       La juge retient du rapport de 2014 de l’experte Savaria que le Lot 147 « agit comme un bassin de rétention de l’eau ». Elle retient aussi qu’il y a « incapacité d’écoulement en aval de la propriété » compte tenu de la présence d’« ouvrages municipaux déficients » qui n’assurent pas le drainage adéquat du Lot 147[22].

[30]       En somme, la juge conclut que « la Succession a démontré, de manière prépondérante, qu’en août 2000 et en 2009 [en 2009, la Ville remplace le Ponceau P1], la Ville a entrepris des travaux aggravant la situation du [Lot 147] au sens de l’article 979 [du Code civil du Québec] et engendrant des inconvénients anormaux de voisinage suivant l’article 976 »[23].

[31]       La juge ne souscrit pas à l’argument de la Ville selon lequel les conclusions recherchées par la Succession sont imprécises et non exécutoires parce qu’elles ne prévoient pas de devis d’exécution des travaux requis pour faire cesser l’aggravation de l’écoulement[24]. Selon elle, l’exécution de travaux de drainage est chose courante pour une municipalité et les experts des deux parties conviennent que des études hydriques plus exhaustives devront être réalisées afin d’élaborer un plan de drainage adéquat[25].

[32]       La juge conclut que les ordonnances recherchées par la Succession visent à faire respecter une obligation de ne pas faire, soit de ne pas aggraver la situation du Lot 147. Elles laissent à la Ville le choix des moyens afin d’atteindre un résultat ciblé, c’est-à-dire la cessation de l’aggravation de la situation du Lot 147 et la facilitation de l’écoulement en aval[26].

[33]       Finalement, la juge rejette l’argument de la Ville voulant que le recours en injonction de la Succession, déposé le 30 août 2013, soit prescrit en raison de son inaction, pendant plus de dix ans, à la suite des travaux exécutés en août 2000[27].

[34]       D’une part, la demande s’inscrit dans le cadre d’un recours visant à faire cesser un trouble de jouissance provenant de l’écoulement préjudiciable des eaux sur le Lot 147. À ce titre, selon la juge, le droit de la Succession est imprescriptible[28]. D’autre part, la servitude d’écoulement naturel des eaux impose à la Ville une prestation active voulant qu’elle ne puisse aggraver la situation du Lot 147. À la suite de l’exécution des travaux d’août 2000, le problème d’inondation sur ce lot s’est manifesté de manière continue au cours des années subséquentes, puisque la Ville a refusé de corriger la situation[29].

[35]       La juge considère qu’un préjudice survient chaque fois que l’écoulement des eaux provenant du fonds supérieur aggrave la situation du fonds inférieur. Par conséquent, le droit de la Succession de faire cesser l’aggravation ne s’est pas cristallisé en août 2000, puisque l’écoulement des eaux a persisté et le préjudice en découlant s’est manifesté de manière perpétuelle et ininterrompue par la suite[30]. Elle conclut donc que le recours en injonction entrepris par la Succession n’est pas prescrit[31].

L’analyse

[36]       Le présent pourvoi soulève les questions suivantes :

(1)   La juge a-t-elle commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve en concluant que les travaux réalisés par la Ville ont aggravé la situation du Lot 147?

(2)   La juge a-t-elle agi de manière inéquitable en ne tenant pas compte des impacts des travaux ordonnés sur les propriétés voisines du Lot 147?

(3)   L’ordonnance imposée par la juge est-elle non exécutoire parce que trop vague ou imprécise?

(4)   Le recours de la Succession est-il prescrit?

(5)   La juge a-t-elle erré en condamnant la Ville au paiement des frais d’expertise de la Succession?

(1)  La juge a-t-elle commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve en concluant que les travaux réalisés par la Ville ont aggravé la situation du Lot 147?

[37]       Selon l’article 979 du Code civil du Québec, les fonds inférieurs « sont assujettis, envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement » [soulignement ajouté]. Cette servitude d’écoulement naturel des eaux n’est pas sans limites, alors que le propriétaire du fonds supérieur, bénéficiaire de la servitude, « ne peut aggraver la situation du fonds inférieur ». Le propriétaire du fonds supérieur n’aggrave pas la situation du fonds inférieur « s’il effectue des travaux pour conduire plus commodément les eaux à leur pente naturelle »[32].

[38]       Par contre, si de tels travaux d’aménagement sont susceptibles d’augmenter le volume d’eau s’écoulant du fonds supérieur, ils ne doivent pas être effectués de manière à causer un préjudice sérieux et ainsi aggraver la situation du fonds inférieur[33]. Une telle aggravation peut découler de travaux qui feraient « déferler les eaux en un seul point sur le fonds inférieur » ou encore de mesures entraînant une augmentation importante du volume ou du débit des eaux sur le fonds inférieur[34].

[39]       La question de savoir s’il y a eu aggravation de la situation du fonds inférieur étant essentiellement factuelle, cette Cour ne pourra intervenir qu’en présence d’une erreur manifeste et déterminante[35].

[40]       On entend par erreur manifeste celle qui doit pouvoir être identifiable « sans qu’il soit nécessaire de revoir des pans entiers d’une preuve documentaire ou testimoniale qui est partagée et contradictoire »[36]. Il doit s’agir en quelque sorte de la « poutre dans l’œil »[37], c’est-à-dire que l’erreur doit être évidente, frappante ou manifeste et le plaideur doit pouvoir pointer un aspect du raisonnement du juge ou encore un élément de la preuve qui « fait tout simplement obstacle à la conclusion de fait attaquée »[38].

[41]       Même « [s]i le plaideur parvient à démontrer qu’une conclusion est "manifestement fausse" en raison de l’erreur  factuelle du juge de première instance, encore faut-il que l’erreur soit déterminante, c’est-à-dire qu’elle "compromet[te] suffisamment le dispositif" pour justifier la réformation du jugement par cette Cour »[39].

[42]       C’est également cette norme d’intervention qui doit prévaloir en matière d’évaluation des rapports et des témoignages d’experts[40]. En effet, « le juge des faits jouit d’une grande discrétion dans l’appréciation des expertises, ce qui est davantage le cas, lorsque confronté à des expertises contradictoires »[41].

[43]       À plusieurs égards, la Ville réitère les conclusions de ses experts et propose une vaste réévaluation de la preuve minutieusement considérée par la juge de première instance, sans pointer d’erreur manifeste et déterminante.

[44]       En effet, la Ville affirme de nouveau que les travaux réalisés en 2000 n’avaient pour but que de remettre l’écoulement des eaux dans son état naturel. La Ville plaide que ces travaux ne peuvent avoir causé d’aggravation de la situation du Lot 147, puisque l’eau s’écoule naturellement sur celui-ci depuis au moins 1931. Il s’agissait de la position exprimée par les experts Boisvenue et Legault dans leurs rapports respectifs.

[45]       Or, la juge ne retient pas les constats de ces derniers et préfère ceux tirés par les experts de la Succession :

[207] La preuve administrée par Madame Savaria et Monsieur Aiachi démontre, de manière suffisamment probante, qu’entre le début des années 60 et jusqu’au milieu des années 90, soit durant une période d’environ 30 ans, le Cours d’eau B s’est écoulé, par un aménagement d’ordre anthropique, en tout ou en partie, du côté ouest de la Montée Kavanagh, et non pas entièrement sur [le] Lot [147].[42]

[46]       La juge explique pourquoi elle rejette les conclusions de l’expert Boisvenue selon lesquelles un barrage artisanal permettait de contrôler le débit d’eau entre les deux lacs artificiels aménagés vers 1964 et de rediriger les eaux d’écoulement par le Cours d’eau B sur le Lot 147 via le Ponceau P3. Selon elle, cette hypothèse ne repose pas sur des faits objectifs permettant d’établir, de manière probante, l’existence et le fonctionnement d’un tel aménagement[43].

[47]       Il est à noter que les cartes topographiques du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec de 1985 et de 1994 illustrent que l’écoulement du Cours d’eau B provenant de la Montagne à Léonard transite du côté ouest de la Montée Kavanagh, via les Lacs 1 et 2.

[48]       La juge constate cependant que le détournement des eaux du côté ouest de la Montée Kavanagh, entre le milieu des années 60 et 90, n’a pas empêché un écoulement partiel de l’eau du Cours d’eau B sur le Lot 147 par le Ponceau P3[44].

[49]       En s’appuyant sur une conclusion de l’expert Boisvenue à partir d’une photo aérienne de 1975, la juge conclut qu’« il est probable qu’une partie des eaux du Cours d’eau B continuait néanmoins de s’écouler vers le [Lot 147] »[45], d’où sa conclusion qu’il existe une servitude d’écoulement naturel des eaux en faveur de la Montée Kavanagh à l’encontre du Lot 147[46].

[50]       Malgré cette servitude d’écoulement naturel des eaux, la juge détermine que les changements apportés aux fonds supérieurs au cours des années ont modifié l’ordre naturel d’écoulement des eaux et ont entraîné une réduction du débit passant par le Ponceau P3 en direction du Lot 147 [soulignements ajoutés] :

[212] Les modifications apportées aux fonds supérieurs, et plus particulièrement  celles résultant de la création de deux Lacs artificiels et de la canalisation des eaux du Cours d’eau B sous la Montée Kavanagh, ont entraîné, au cours des ans, d’importantes modifications à l’ordre naturel du secteur et une réduction significative du débit d’eau s’écoulant vers le Lot 4 650 147.[47]

[51]       Le lit historique du Cours d’eau B a été modifié de main d’homme, puisque pendant une trentaine d’années, l’eau s’est « écoulée, en tout ou en partie, du côté ouest de la Montée Kavanagh »[48]. La juge rejette donc l’affirmation de l’expert Legault selon laquelle les travaux d’août 2000 correspondent à la « réouverture des cours d’eau dans leurs lits historiques et les eaux du Mont à Léonard ont repris leur cours normal en s’écoulant sur le Lot [147], comme il l’avait toujours été »[49].

[52]       La juge pouvait tirer cette constatation factuelle. En effet, le constat de l’expert Legault ne tient pas compte, d’une part, du fait qu’entre le milieu des années 60 et le milieu des années 90, l’eau a été canalisée pour s’écouler principalement du côté ouest de la Montée Kavanagh, et non plus sur le Lot 147 et, d’autre part, de l’augmentation des eaux de surface engendrées par les développements et constructions plus récentes situés à l’ouest de la Montée Kavanagh[50].

[53]       Sur ce dernier point, non seulement l’ensemble des eaux de la Montagne à Léonard est maintenant dirigé vers le Lot 147, ce qui n’était pas le cas avant 2000, mais des volumes d’eau additionnels de ruissellement, provenant du développement résidentiel, transitent maintenant par le Ponceau P3 en direction du Lot 147, causant des problèmes de submergement et modifiant les caractéristiques du Lot qui était propre à l’agriculture et à la plantation de conifères.

[54]       En effet, les experts Savaria et Aiachi font état dans leur rapport de 2016 que de nouvelles constructions résidentielles et des chemins d’accès ont bloqué l’écoulement et affecté la percolation des eaux du côté ouest de la Montée Kavanagh. Selon eux, « [c]es aménagements ont comme conséquence d’augmenter le taux de ruissellement et les quantités d’eau s’écoulant dans les cours d’eau vers les propriétés des Miron dans les années 2000 ».

[55]       C’est pourquoi la juge conclut que c’est le fait de « réunir les eaux de ruissellement et du Cours d’eau B [de la Montagne à Léonard], dans un seul canal, pour les envoyer s’accumuler sur le [Lot 147], [qui a] provoqué l’augmentation renouvelée et continue de la charge hydrique sur le [Lot 147], engendrant ainsi une aggravation du fonds inférieur et des inconvénients anormaux de voisinage »[51].

[56]       Non seulement la Ville a toléré que ces eaux additionnelles transitent par son emprise par le Ponceau P3 sur le Lot 147, mais elle y a activement contribué par les travaux réalisés en 2000, ayant eu pour effet de réunir l’ensemble des eaux de la Montagne à Léonard et les eaux de ruissellement du côté ouest pour se déverser sur la propriété des Miron, aggravant ainsi la situation du fonds inférieur. En effet, selon les experts Savaria et Aiachi, les travaux de la Ville de 2000 « ont occasionné la concentration de quantités d’eau importantes vers l’exutoire P-1 pour finalement retraverser vers le côté ouest » sur le Lot 147.

[57]       Il est à noter que les travaux ont été effectués par la Ville sans solliciter l’avis du propriétaire du Lot 147, sans obtenir les autorisations environnementales nécessaires et sans qu’une étude hydrique de l’écoulement des eaux ait été réalisée pour valider les travaux entrepris et vérifier leur impact sur le Lot 147[52].

[58]       La Ville prétend également que la juge commet une erreur lorsqu’elle conclut que le remplacement du Ponceau P1 par la Ville, en 2009, n’a pas amélioré la situation du Lot 147. En effet, lors des travaux de 2009, la Ville a placé un nouveau ponceau de 36 pouces à la place d’un ancien ponceau[53], permettant selon elle un meilleur écoulement des eaux. En somme, elle prétend avoir fait les travaux nécessaires pour éviter de causer une aggravation de la situation du Lot 147.

[59]       Dans son analyse sur l’aggravation, la juge conclut plutôt que « [l]e changement du Ponceau P1, en 2009, n’a pas amélioré la situation »[54]. La juge faisait face à une preuve contradictoire. En effet, les experts de la Succession étaient d’avis que les canalisations qui drainent la propriété « ne peuvent assurer adéquatement l’écoulement d’eau de surface, en raison du sous-dimensionnement des ponceaux situés en aval de l’exutoire ainsi que de la sédimentation des cours d’eau ».

[60]       L’experte Savaria mentionne dans ses rapports de 2013 et 2014 que les ouvrages de la Ville sont déficients à plusieurs égards. Non seulement les ponceaux en aval de l’écoulement sur le Lot 147 sont sous-dimensionnés, mais également les fossés du côté ouest de la Montée Kavanagh provoquent la stagnation et l’accumulation d’eau qui refoule sur le Lot 147. En effet, selon l’experte, « l’incapacité d’écoulement en aval de la propriété [est] dû[e] aussi au profil du cours d’eau qui ne permet pas l’écoulement ». Ces conclusions sont maintenues dans le rapport des experts Savaria et Aiachi de 2016, ajoutant l’existence de problèmes de sédimentation que la Ville devrait corriger annuellement pour assurer le libre écoulement des eaux sur le Lot 147.

[61]       Encore une fois, outre reprendre ses arguments en première instance, la Ville ne pointe aucune erreur manifeste et déterminante de la part de la juge dans l’appréciation de la preuve justifiant l’intervention de cette Cour.

[62]       Il est finalement inexact de prétendre que la juge a omis de tenir compte des travaux réalisés sur le Lot 147 par la Succession, travaux qui lui ont valu plusieurs constats d’infraction, et qui auraient eu pour effet, selon la Ville, d’augmenter le débit des eaux au Ponceau P1 et de provoquer une sédimentation obstruant le bon écoulement des eaux. La juge écrit ceci à ce sujet :

[252] Contrairement à la position défendue par la Ville, la preuve permet de conclure que les travaux de canalisations effectués par la Succession sur le Lot [147], entre 2000 et 2015, visaient à tenter de résorber les problèmes d’accumulation d’eau créés par les aménagements et canalisations mis en place par la Succession.[55]

[63]       Le premier moyen appel doit donc échouer.

(2)  La juge a-t-elle agi de manière inéquitable en ne tenant pas compte des impacts des travaux ordonnés sur les propriétés voisines du Lot 147?

[64]       La Ville allègue que tous les experts, incluant ceux de la Succession, ont énoncé que des travaux visant à modifier l’écoulement des eaux sur le Lot 147 sont susceptibles d’avoir un impact sur les terrains avoisinants. Or, les voisins concernés n’ont pas eu l’occasion d’être entendus ou de consulter leurs propres experts ou avocats eu égard au changement de l’écoulement des eaux demandé par la Succession. Il s’ensuit une situation inéquitable et un déni de justice pour ces citoyens.

[65]       Cet argument doit être rejeté.

[66]       La Ville allègue le non-respect du droit d’être entendu de tiers, non parties au litige, et non visés par les conclusions de la requête introductive d’instance de la Succession. Ce faisant, la Ville plaide pour autrui.

[67]       Ces voisins n’ont pas été appelés par la Ville lors du procès. Aucune de ces personnes n’a demandé à intervenir au litige, en première instance ou en appel[56]. Aucune conclusion du jugement entrepris ne vise ces tiers. Par ailleurs, si les propriétaires des terrains voisins étaient d’avis que le jugement entrepris porte préjudice à leurs droits sans qu’ils aient été dûment appelés, ils auraient pu se pourvoir en révocation de ce jugement, comme le permet l’article 349 du Code de procédure civile[57], ce qu’ils n’ont pas fait.

[68]       De toute manière, l’impact des travaux éventuels sur les propriétés voisines demeure hypothétique. L’affirmation de l’expert Samson (pour la Ville) selon laquelle une étude hydrogéologique sera requise pour « vérifier l’impact des travaux demandés sur les propriétés voisines » confirme également que cet impact, si tant est qu’il existe, est pour l’instant impondérable.

[69]       Le jugement entrepris ordonne à la Ville d’effectuer tous les travaux nécessaires pour faire cesser l’aggravation de la situation du Lot 147 et le préjudice que lui cause la canalisation de l’écoulement des eaux traversant la Montée Kavanagh. La Ville doit également installer un ponceau de dimension adéquate à l’exutoire du Lot 147.

[70]       Ainsi, la formulation de l’ordonnance laisse suffisamment de latitude à la Ville pour aménager une solution qui y soit conforme.

(3)  L’ordonnance imposée par la juge est-elle non exécutoire parce que trop vague ou imprécise?

[71]       Dans un contexte de servitude d’écoulement des eaux, notre Cour a jugé dans l’arrêt Ste-Anne-de-Beaupré (Ville de) c. Cloutier[58] que l’ordonnance prononcée en première instance n’était pas imprécise et non exécutoire.

[72]       Cette ordonnance prévoyait une date maximale jusqu’à laquelle la municipalité devait « faire en sorte que […] les eaux actuellement acheminées vers l'immeuble des demandeurs par les conduites […] ne le soient plus »[59]. Malgré le caractère peu élaboré de cette ordonnance, notre Cour a considéré qu’il s’agissait d’une « obligation de résultat qui ne souffre pas d’ambigüité »[60], s’appuyant notamment sur l’arrêt Forest c. Laval (Ville de)[61] dans le cadre duquel l’ordonnance suivante avait été prononcée : « ORDONNE à l'intimée de prendre, dans un délai d’un an, les mesures nécessaires pour prévenir le débordement des eaux du Cours d'eau Ste-Rose ouest sur la propriété des appelants »[62].

[73]       En l’espèce, la juge de première instance a appliqué les enseignements tirés de l’arrêt Ste-Anne-de-Beaupré (Ville de) c. Cloutier pour rendre l’ordonnance suivante :

[279] ORDONNE à la Ville de Mont-Tremblant d’entreprendre, à ses frais, dans les dix-huit (18) mois de la date du présent jugement, tous les travaux nécessaires pour faire cesser l’aggravation de la situation du lot 4 650 147 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Terrebonne (le Lot 4 650 147) et le préjudice causé par la canalisation de l’écoulement des eaux traversant la Montée Kavanagh vers le Lot 4 650 147;[63]

[74]       Le résultat à atteindre par la Ville est donc clair : elle doit faire cesser l’aggravation de la situation du Lot 147 et le préjudice causé par la canalisation de l’écoulement des eaux de la Montagne à Léonard et des eaux de ruissellement du côté ouest de la Montée Kavanagh.

(4)  Le recours de la Succession est-il prescrit?

[75]       La Ville plaide que les travaux qui auraient prétendument aggravé la situation du Lot 147 ont été réalisés en août 2000. Or, la Succession a introduit son recours plus de 13 ans plus tard, soit le 30 août 2013.

[76]       Elle prétend également que la juge erre en droit lorsqu’elle affirme que la prescription recommence à courir chaque fois que l’eau s’écoule sur le Lot 147, et que l’action entreprise par la Succession s’inscrit également dans le cadre d’un recours en trouble de voisinage, lequel est imprescriptible.

[77]       En l’espèce, la juge conclut que la Ville a aggravé la situation du Lot 147 et causé à la Succession des inconvénients anormaux de voisinage. La Succession a pris un recours en injonction pour faire cesser cette atteinte à son droit de propriété.

[78]       S’agissant d’une situation de la nature d’une demande négatoire de servitude visant à faire cesser la continuation et la perpétuation d’une aggravation d’écoulement des eaux sur le Lot 147, la Succession pouvait demander la cessation et la remédiation de cette situation tant qu’elle perdure[64].

[79]       En effet, « l'écoulement du temps ne saurait entraîner la pérennité de l'usage malveillant, maladroit ou asocial du droit de propriété »[65], ce qui inclut l’aggravation d’une servitude d’écoulement des eaux.

[80]       Par ailleurs, contrairement à ce que suggère la Ville, la situation n’a pas été statique entre 2000 et 2013. Comme le mentionne la juge [soulignement ajouté] :

[270] Suite à l’exécution des travaux d’août 2000, le problème d’inondation du Lot 4 650 147 s’est manifesté, de manière continue au cours des années subséquentes, puisque la Ville a refusé de corriger la situation, malgré les mises en demeure transmises à l’époque.[66]

[81]       En 2008 et 2009, les parties échangent par lettres et en personne au sujet du réaménagement des fossés de la Montée Kavanagh. La Succession s’oppose à ce que les eaux de ruissellement soient redirigées sur la propriété de monsieur Miron.

[82]       Le 13 septembre 2010, dans un rapport du Service de l’urbanisme au Conseil municipal de la Ville concernant une demande de Denis Miron pour l’autorisation d’un projet de développement, on note que M. Miron rapporte qu’il existe un milieu humide sur le Lot 147 « créé de manière artificielle étant donné que les eaux du fossé de la montée Kavanagh se déversent sur le terrain [et] ce terrain était une terre agricole cultivée ».

[83]       Entre 2010 et 2012, la Succession effectue divers travaux sur le Lot 147 visant à favoriser le meilleur écoulement des eaux. Des constats d’infractions sont émis par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (« MDDEP ») en 2010 et 2012. À la suite de l’émission du constat d’infraction de 2012, la Succession commande un premier rapport à l’experte Savaria, pour faire la « qualification historique des lieux afin d’appuyer une éventuelle défense ». Ce rapport est daté d’avril 2013.

[84]       Le 30 août 2013, la Succession dépose sa requête pour le prononcé d’ordonnances en injonction en vue de faire cesser le déversement d’eau sur le Lot 147.

[85]       La Succession avait donc droit à l’émission de l’injonction.

(5)  La juge a-t-elle erré en condamnant la Ville au paiement des frais d’experts de la Succession?

[86]       La Ville estime qu’il est injuste de la condamner au paiement des frais d’experts de la Succession, s’agissant de coûts qui seront refilés aux contribuables. Cette condamnation est d’autant plus mal fondée, selon la Ville, que le recours de la Succession soulevait plusieurs questions techniques pour les parties.

[87]       L’article 339 du Code de procédure civile prévoit que les frais de justice comprennent les frais d’expertise. Selon le premier alinéa de son article 340 du Code, les frais de justice sont dus à la partie qui a eu gain de cause, à moins que le tribunal n’en décide autrement[67].

[88]       L’attribution des frais de justice, incluant les frais d’experts, relève du pouvoir discrétionnaire du juge d’instance et appelle à un haut degré de déférence[68]. Pour qu’une intervention de la Cour soit justifiée, il faut être en présence d’une erreur de droit, d’une décision causant une injustice réelle et manifeste ou lorsque le tribunal exerce de manière déraisonnable son pouvoir discrétionnaire[69].

[89]       En l’espèce, la juge a appliqué la règle en matière d’octroi des frais de justice. Puisque la Ville n’a pas eu gain de cause, la juge l’a condamnée au paiement de ces frais, incluant les frais d’expertise de la Succession. La Ville n’explique pas en quoi cette décision contrevient à un principe de droit ou cause une injustice réelle et manifeste.

[90]       Quant au rapport Savaria de 2013, il est vrai qu’il a été demandé à la suite de l’émission d’un constat d’infraction par le MDDEP. Cependant, il a été très utile au débat, en plus d’être le catalyseur du recours entrepris par la Succession. La Ville doit en supporter les frais.

[91]       Ce sont donc les motifs pour lesquels je proposerais de rejeter l’appel, avec frais de justice.

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 

 

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[1] Succession de Miron c. Ville de Mont-Tremblant, 2018 QCCS 5999 [jugement entrepris].

[2] Jugement entrepris, paragr. 24-25 et 196.

[3] Jugement entrepris, paragr. 29-32 et 196.

[4] Jugement entrepris, paragr. 33 et 196.

[5] Jugement entrepris, paragr. 21-23 et 40.

[6] Jugement entrepris, paragr. 41.

[7] Jugement entrepris, paragr. 39 et 230.

[8] Jugement entrepris, paragr. 43-44 et 234-235.

[9] Jugement entrepris, paragr. 235.

[10] Jugement entrepris, paragr. 49 et 238.

[11] Jugement entrepris, paragr. 51 et 239.

[12] Jugement entrepris, paragr. 1, note de bas de page 2.

[13] Jugement entrepris, paragr. 194-195.

[14] Jugement entrepris, paragr. 196-210.

[15] Jugement entrepris, paragr. 208.

[16] Jugement entrepris, paragr. 211.

[17] Jugement entrepris, paragr. 213.

[18] Jugement entrepris, paragr. 249.

[19] Jugement entrepris, paragr. 247.

[20] Jugement entrepris, paragr. 250.

[21] Jugement entrepris, paragr. 253.

[22] Jugement entrepris, paragr. 251.

[23] Jugement entrepris, paragr. 256.

[24] Jugement entrepris, paragr. 259-260.

[25] Jugement entrepris, paragr. 262.

[26] Jugement entrepris, paragr. 263.

[27] Jugement entrepris, paragr. 266-267.

[28] Jugement entrepris, paragr. 268.

[29] Jugement entrepris, paragr. 269-270.

[30] Jugement entrepris, paragr. 272-273.

[31] Jugement entrepris, paragr. 275-276.

[32] Code civil du Québec, article 979.

[33] Sylvio Normand, Introduction au droit des biens, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2020, p. 154; voir également Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd., Montréal, Thémis, 2007, p. 311, no 780.

[34] Sylvio Normand, Introduction au droit des biens, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2020, p. 154-155; voir également Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd., Montréal, Thémis, 2007, p. 308, no 775.

[35] Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, paragr. 10 et 36-37; Hubert c. Darnaud, 2005 QCCA 204, paragr. 21-22.

[36] J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167, paragr. 76, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 2 mars 2017, no 36924.

[37] J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167, paragr. 77, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 2 mars 2017, no 36924, cité dans Cegerco inc. c. Équipements JVC inc., 2018 QCCA 28, paragr. 44.

[38] P.L. c. Benchetrit2010 QCCA 302, paragr. 24, cité dans Cegerco inc. c. Équipements JVC inc., 2018 QCCA 28, paragr. 46.

[39] Cegerco inc. c. Équipements JVC inc., 2018 QCCA 28, paragr. 47, citant P.L. c. Benchetrit, 2010 QCCA 302, paragr. 24.

[40] Rivard c. Asselin, 2019 QCCA 302, paragr. 14; M.G. c. Pinsonneault, 2017 QCCA 607, paragr. 140; Tomassini c. Maher (Succession de), 2014 QCCA 2088, paragr. 4; Deschênes c. Perron, 2011 QCCA 2228, paragr. 18.

[41] Entreprises d'électricité Rial inc. c. Lumen, division de Sonepar Canada inc., 2010 QCCA 655, paragr. 28, cité dans Thibault c. Fortin, 2018 QCCA 1573, paragr. 25.

[42] Jugement entrepris, paragr. 207.

[43] Jugement entrepris, paragr. 200-206.

[44] Jugement entrepris, paragr. 211.

[45] Jugement entrepris, paragr. 211.

[46] Jugement entrepris, paragr. 214.

[47] Jugement entrepris, paragr. 212.

[48] Jugement entrepris, paragr. 247.

[49] Jugement entrepris, paragr. 249.

[50] Jugement entrepris, paragr. 247.

[51] Jugement entrepris, paragr. 253.

[52] Jugement entrepris, paragr. 50 et 240-241.

[53] Il est à noter que la preuve était contradictoire en ce qui concerne le diamètre du ponceau antérieur, point que la juge n’a pas expressément résolu.

[54] Jugement entrepris, paragr. 253.

[55] Jugement entrepris, paragr. 252.

[56] Voir sur ce point les articles 184 et 378 du Code de procédure civile.

[57] Sauf exception, le délai pour ce faire est de six mois à partir de la date de la connaissance du jugement : Code de procédure civile, article 349, alinéa 2.

[58] Ste-Anne-de-Beaupré (Ville de) c. Cloutier, 2016 QCCA 245.

[59] Ste-Anne-de-Beaupré (Ville de) c. Cloutier, 2016 QCCA 245, paragr. 12; Cloutier c. Ste-Anne-de-Beaupré (Ville de), 2014 QCCS 5584, paragr. 194.

[60] Ste-Anne-de-Beaupré (Ville de) c. Cloutier, 2016 QCCA 245, paragr. 16.

[61] Forest c. Laval (Ville de), [1998] R.D.I. 536, 1998 CanLII 13038 (C.A.).

[62] Forest c. Laval (Ville de), [1998] R.D.I. 536, 1998 CanLII 13038 (C.A.).

[63] Jugement entrepris, paragr. 279.

[64] Gourdeau c. Letellier De St-Just, [2002] R.J.Q. 1195, 2002 CanLII 41118, paragr. 53 (C.A.).

[65] Gourdeau c. Letellier de St-Just, [2002] R.J.Q. 1195, 2002 CanLII 41118, paragr. 53 (C.A.).

[66] Jugement entrepris, paragr. 270.

[67] Ce qui pourra être le cas notamment s’il estime que la partie qui a eu gain de cause n’a pas respecté adéquatement le principe de proportionnalité ou a abusé de la procédure, ou encore, s’il l’estime nécessaire pour éviter un préjudice grave à une partie ou pour permettre une répartition équitable des frais : Code de procédure civile, article 341, alinéa 1.

[68] Vermette c. Boisvert, 2019 QCCA 829, paragr. 12; Droit de la famille — 142142, 2014 QCCA 1562, paragr. 122, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 19 mars 2015, no 36104; Y.L. c. Yv.V., 2010 QCCA 808, paragr. 42.

[69] Delisle c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d'assurance-vie, 2019 QCCA 1575, paragr. 44; Vermette c. Boisvert, 2019 QCCA 829, paragr. 12; Y.L. c. Yv.V., 2010 QCCA 808, paragr. 42.

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