Décision

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Nahtac Constructions inc. c. Ville de Montréal

2024 QCCS 574

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No :

500-17-100103-178

 

DATE :

22 février 2024

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

AZIMUDDIN HUSSAIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

NAHTAC CONSTRUCTIONS INC.

Demanderesse/Défenderesse reconventionnelle

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

Défenderesse/Demanderesse reconventionnelle

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

(Droit de la construction)

______________________________________________________________________

 

Table des matières

I. APERÇU................................................................2

II. CONTEXTE.............................................................3

III. ANALYSE...............................................................7

A. Qualification de M. DesRochers en tant qu’expert en coûts d’impact et recevabilité des pièces P-12A et P-13              7

B. Le Contrat et la question de la période des travaux......................10

C. Pénalités pour retard................................................15

D. Coûts engendrés par l’état de la structure et les travaux imprévus.........19

1. GNAH-001 : Déneigement, déglaçage, et perte de temps en découlant 19

2. GNAH-002 : Conflit avec le Catwalk et nouveau contreventement de type 3              19

3. GNAH-003 : Conflit entre les « Nelson stud » existants et les forages..20

4. GNAH-004 : Travaux supplémentaires en raison d’un conflit de soudure et la mise en place d’un sabot à l’axe 36              20

5. GNAH-005 : Travaux supplémentaires pour déplacement d’une conduite en conflit avec les contreventements              21

6. GNAH-006 : Travaux supplémentaires en raison du manque d’espace pour l’installation des boulons              21

7. GNAH-007.1 : Travaux supplémentaires – Semelles inférieures des poutres non uniformes              21

8. GNAH-007.2 : Coûts supplémentaires en raison de la déformation marquée de la structure du pont              22

9. GNAH-008 : Travaux additionnels pour les coûts générés par l’usage du forage au diamant              22

10. GNAH-009 : Coûts supplémentaires pour excès de rouille...........23

11. GNAH-010 : Travaux supplémentaires pour alésage des trous existants24

12. GNAH-011 : Travaux supplémentaires pour coupe du contreventement aux axes indiqués              25

13. GNAH-012 : Travaux supplémentaires pour coupe aux contreventements25

14. GNAH-014 : Montant réclamé pour l’indexation du prix de l’acier......25

15. GNAH-015 : Travaux supplémentaires pour le remplacement de la boîte d’accès              26

16. Coûts additionnels pour les travaux de peinture....................26

E. Coûts pour la préparation de la réclamation............................27

F. Troubles et inconvénients............................................27

G. La demande reconventionnelle de la Ville..............................28

H. Intérêts............................................................28

I. Frais d’expertise....................................................29

IV. REMERCIEMENTS.....................................................29

V. DISPOSITIF............................................................29

 

I.        APERÇU

[1]                La demanderesse/défenderesse reconventionnelle Nahtac Constructions inc. (Nahtac) réclame à la Ville de Montréal (Ville) un montant de 1 770 694,27 $ en dommages-intérêts en lien avec un contrat forfaitaire pour la réfection du pont Jacques-Bizard octroyé par la Ville.

[2]                Nahtac allègue qu’en raison de la conduite fautive de la Ville, elle fut placée dans une situation fort différente de celle initialement prévue au moment de la production de la soumission et de l’acceptation de cette dernière par la Ville. Alors que Nahtac envisageait d’exécuter ses travaux durant l’été et au début de l’automne, elle fut contrainte de les réaliser, pour une majeure partie, dans des conditions hivernales. Cela a entrainé des coûts qu’elle réclame à la Ville.

[3]                La Ville, pour sa part, affirme que les travaux n’étaient pas restreints à une période en particulier et que, par conséquent, les conditions hivernales étaient à prévoir selon les modalités prévues à l’appel d’offres. Selon la Ville, Nahtac est donc victime de sa mauvaise lecture du contenu des documents contractuels.

[4]                En demande reconventionnelle, la Ville réclame la somme de 48 759,46 $ à titre de dommages-intérêts pour les honoraires professionnels supplémentaires suivant le dépassement du budget initial, payés à la firme engagée pour surveiller les travaux.

[5]                Pour les motifs qui suivent, le Tribunal rejette la réclamation principale de Nahtac, mais accueille sa demande de remboursement des pénalités prélevées par la Ville et des coûts afférents au changement de méthode de forage. Le Tribunal rejette la demande reconventionnelle de la Ville.

II.     CONTEXTE

[6]                Nahtac est un entrepreneur général de construction et œuvre principalement dans les ouvrages de génie civil.

[7]                Le 17 mars 2016, la Ville publie un appel d’offres en vue du remplacement des contreventements du pont Jacques-Bizard, menant à l’Île Bizard. Il s’agit du seul lien entre l’île et Montréal.

[8]                Les contreventements sont des membrures en acier qui se trouvent sous le pont, en diverses formes : diagonale, en « X », en « T » et horizontale. Ils servent à stabiliser les poutres longitudinales qui se trouvent au-dessus. Le projet prévoit remplacer 46 contreventements et en ajouter six, pour un total de 52.

[9]                La firme d’ingénierie WSP Canada inc. (WSP) prépare les plans et devis faisant partie des documents d’appel d’offres de la Ville.

[10]           Le 11 avril 2016, Nahtac dépose sa soumission en vue des travaux pour un montant avant taxes de 1 368 932,86 $. La Ville ouvre les soumissions le jour même.

[11]           Le prix de Nahtac est le plus bas, et ce, de façon importante : le deuxième plus bas prix le dépasse de 456 751,70 $, et le troisième plus bas prix, de 1 529 727,14 $.

[12]           L’âme dirigeante de Nahtac, Lester La Haye, explique au procès qu’il a pu réduire le prix proposé de Nahtac d’un montant de 300 000 $ en raison du système hydraulique inventé par lui et son équipe : ce système implique la suspension d’une passerelle sous le pont qui peut se déplacer d’un axe à l’autre pour le remplacement des contreventements d’une même travée. Une passerelle couvrant toute la longueur du pont est très onéreuse, alors que la plateforme amovible permet d’économiser. Quant au déplacement entre les piles du pont, Nahtac prévoit l’usage d’une barge.

[13]           Cette méthode de travail permet une économie de temps et de coûts, pourvu que les travaux soient effectués en période estivale ou automnale.

[14]           Nahtac accompagne sa soumission d’une caution de soumission, valide pour une période de 150 jours, comme l’exige la Ville pour cette étape du processus. Cette période de 150 jours vient à échéance le 8 septembre 2016 et, par conséquent, la Ville aurait pu attendre jusqu’à cette date pour octroyer le contrat à Nahtac. L’octroi du contrat viendra plus tôt.

[15]           L’approbation de la soumission de Nahtac par les diverses instances municipales requises survient aux dates suivantes :

  • le 13 mai 2016 par le chef de division ;
  • le 30 mai 2016 par le directeur de direction et le directeur de service ;
  • le 8 juin 2016 par le comité exécutif ;
  • le 20 juin 2016 par le conseil municipal ;
  • le 22 juin 2016 par le conseil d’agglomération.

[16]           Cette dernière date compte comme la date de l’octroi du contrat par la Ville à Nahtac. Le 27 juin 2016, la Ville informe cette dernière de l’octroi, sa soumission étant la soumission conforme la plus basse. Nahtac reçoit la lettre de la Ville à cet égard 77 jours après l’ouverture des soumissions, soit le 11 avril 2016.

[17]           Le contrat en question est composé des documents d’appel d’offres de la Ville et de la soumission de Nahtac (Contrat). Les parties ne préparent pas de document consolidé à cet égard.

[18]           Selon les dispositions contractuelles, les travaux devaient être intégralement terminés avec l’acceptation provisoire au plus tard 18 semaines/126 jours calendrier après le jour de l’ordre de la Ville de commencer les travaux.

[19]           À l’intérieur de ce « délai long », qui consiste en des travaux de préparation et de chantier, les dispositions prévoient un « délai court » de 12 semaines/84 jours pour la réalisation des travaux de chantier. Les deux délais se terminent au même moment, mais le délai court est calculé en faisant la soustraction de 126 jours – 84 jours = 42 jours, et ensuite en appliquant le nombre de 42 à la date de l’ordre du début des travaux, pour ainsi arriver à la date à laquelle les travaux doivent au plus tard commencer.

[20]           À la suite de l’octroi du Contrat, Nahtac transmet à la Ville la preuve des assurances et de la caution d’exécution des travaux dans le délai contractuel imparti de deux semaines.

[21]           Ensuite, Nahtac attend l’ordre de la Ville pour commencer les travaux, ordre qui ne viendra pas avant le 6 septembre 2016, malgré le fait que Nahtac interprète la disposition suivante des documents d’appel d’offres comme voulant dire que l’ordre allait être donné au plus tard 30 jours après le 11 avril 2016 : « L’entrepreneur doit prévoir recevoir l’ordre de commencer les travaux dans un délai minimum de trente (30) jours calendrier après la date d’ouverture des soumissions ». On y reviendra.

[22]           Le 22 juillet 2016, pour prendre de l’avance en attente de l’ordre de la Ville, Nahtac mandate le sous-traitant Iscan3D (Iscan) pour générer des images informatiques du pont, qu’on appelle « relevés ».

[23]           Selon les relevés générés par Iscan, Nahtac constate que la structure existante est déformée : les poutres longitudinales qui sont supportées par les contreventements sont « croches » et cela complique donc l’installation des « sabots » qui iront au-dessus des semelles des poutres et permettront de joindre les contreventements aux poutres.

[24]           Le 3 août 2016, la Ville mandate la firme EXP pour surveiller l’entrepreneur pendant les travaux.

[25]           Le 10 août 2016, Nahtac fournit à la Ville son échéancier des travaux. Le titre indique qu’il s’agit d’un échéancier « préliminiaire ». La Ville accepte verbalement cet échéancier, mais ne confirme pas par écrit. L’échéancier prévoit la fin des travaux au 13 novembre 2016.

[26]           Le 11 août 2016, les représentants de la Ville et dEXP rencontrent les représentants de WSP. Il s’agit d’une réunion de transfert de connaissances.

[27]           Le 16 août 2016, Nahtac fait une demande de modification technique (DMT) pour proposer une solution de modification des sabots en vue des poutres déformées (DMT-001). Nahtac coche la case prévue au formulaire indiquant qu’il y aura une incidence sur l’échéancier de même que la case prévue pour l’incidence monétaire.

[28]           Le 17 août 2016, la Ville accepte la DMT-001, sans commenter l’incidence monétaire et l’échéancier.

[29]           Le 31 août 2016, les représentants de la Ville et d’EXP rencontrent les représentants de Nahtac à une réunion de démarrage.

[30]           Le 2 septembre 2016, Nahtac envoie une DMT-002 à la Ville pour proposer une solution d’uniformisation des sabots, encore une fois en lien avec les poutres déformées.

[31]           Nahtac coche la case pour l’incidence sur l’échéancier. Le 6 septembre, la Ville accepte la proposition mais précise que l’entrepreneur devra prévoir les cales d’ajustement. Elle ne commente pas le fait que Nahtac coche la case pour l’incidence sur l’échéancier.

[32]           Le 6 septembre 2016, la Ville envoie une lettre à Nahtac autorisant officiellement le début des travaux. Il s’agit donc de l’ordre de la Ville de commencer les travaux. Cette date marque le début du délai long selon le Contrat, qui vient à terme le 24 janvier 2017. Le délai court vient à terme à la même date, mais commence le 18 octobre 2016.

[33]           Le 12 octobre 2016, lors d’une réunion avec EXP, Nahtac soulève la possibilité de suspendre les travaux vu l’arrivée du temps froid.

[34]           Le 21 octobre 2016, Nahtac envoie une lettre à la Ville demandant la suspension des travaux pour la même raison invoquée le 12 octobre.

[35]           Le 24 octobre 2016, la Ville refuse par écrit la demande de Nahtac.

[36]           Le 16 décembre 2016, la barge installée par Nahtac sur la rivière sous le pont pour effectuer les travaux se détache à cause d’un morceau de glace qui l’a percutée. Nahtac réussit à rattacher la barge mais pas à l’endroit où elle se trouvait d’abord et l’entrepreneur ne peut donc pas utiliser la barge pour le reste des travaux. À la suite de cet accident, M. La Haye passe la période des Fêtes à chercher une solution pour remplacer l’utilisation de la barge.

[37]           Le 24 janvier 2017, date de fin du délai long et du délai court, les travaux sont toujours en cours. À cette date, Nahtac a travaillé 3 479 heures et terminé 14 axes, et travaillera un total de 12 778 heures du début des travaux jusqu’à la fin, le 13 juillet 2017, pour ainsi terminer les travaux sur 52 axes[1]. Le 24 janvier 2017, l’entrepreneur a donc terminé 27 % des axes en ayant travaillé 27 % des heures totales consacrées au projet.

[38]           Le 31 juillet 2017, la Ville délivre son attestation de la réception provisoire des travaux.

[39]           Les questions principales abordées par le Tribunal ci-dessous sont les suivantes :

39.1.       Est-ce que la Ville a commis une faute contractuelle en délivrant son ordre de début des travaux le 6 septembre 2016 alors que Nahtac s’attendait à effectuer les travaux durant l’été et au début de l’automne?

39.2.       Est-ce que la Ville est en droit d’imposer des pénalités de retard à Nahtac?

39.3.       Est-ce que la Ville doit compenser Nahtac pour les travaux supplémentaires dus à l’écart entre l’état attendu et l’état réel du pont?

III.   ANALYSE

A.    Qualification de M. DesRochers en tant qu’expert en coûts d’impact et recevabilité des pièces P-12A et P-13

[40]           Avant d’aborder les questions principales, le Tribunal traite d’une question de preuve. Les parties ne s’entendent pas sur la qualification de Pascal DesRochers, témoin de Nahtac, en tant qu’expert en coûts d’impact.

[41]           Dans la même optique, la Ville conteste la qualification de son rapport (P-12A) et des annexes pertinentes (Annexes P-13) de rapport d’expertise et considère que ces pièces sont irrecevables. Le Tribunal conclut qu’il s’agit d’un faux débat et voici pourquoi.

[42]           Membre de l’ordre des technologues, M. DesRochers a agi à titre de chargé de projet pour Nahtac entre fin janvier et fin avril 2017. Il prépare la première version du rapport P-12A entre les 13 et 31 juillet 2017, période contractuelle prévue entre la fin des travaux et l’acceptation provisoire par la Ville pour la présentation des réclamations par l’entrepreneur.

[43]           La disposition pertinente du Contrat est l’article 5.1.7.8 du Cahier des clauses administratives spéciales (CCAS), qui se lit comme suit :

Lorsque l’Entrepreneur juge qu’un dédommagement additionnel doit lui être accordé pour des travaux ou des matériaux qui, selon son opinion, ne sont pas inclus dans le contrat et que le Directeur ou son représentant n’ordonne pas à titre de travaux contingents ainsi que défini plus haut, il doit aviser le Directeur ou son représentant de son intention de présenter une réclamation pour dédommagement additionnel avant de commencer la partie des travaux en question.

[…]

Un délai de quinze (15) jours de calendrier à compter de la date de la fin des travaux en question est accordé à l’Entrepreneur pour soumettre, par écrit, au Directeur ou son représentant le détail de sa réclamation. À l’expiration de ce délai, la Ville ne considère plus telle réclamation.

[…]

 

[44]           Le rapport P-12A fait état des coûts de la perte de productivité de Nahtac dus aux conditions hivernales et à d’autres problèmes encourus pendant les travaux. En rédigeant la réclamation, M. DesRochers fait appel à sa connaissance des faits et applique ses connaissances et expériences spécialisées de plus de deux décennies dans des projets de génie civil d’envergure[2].

[45]           Le rapport P-12A implique des calculs non évidents pour les profanes, par exemple, l’application des facteurs de rendement pour prendre en compte l’effet du froid sur la motricité fine des travailleurs. Or, pour les professionnels du domaine, comme M. DesRochers, cela fait partie des réclamations courantes.

[46]           La version du rapport P-12A au dossier de la Cour est la même que la version originale, P-12, sauf pour la suppression de certains passages qui pourrait contenir des opinions et des conclusions de droit, ainsi que l’ajout des notes infrapaginales faisant référence aux Annexes P-13.

[47]           En d’autres mots, le rapport P-12A est un document contemporain préparé par un témoin de fait. Il s’agit de la réclamation de l’entrepreneur dans le cadre de l’étape prévue à cette fin selon le Contrat.

[48]           Lorsqu’il intente son recours judiciaire, Nahtac dépose les pièces P-12A et P-13 (alors cotée comme P-12) à l’appui de son recours. La Ville demande le retrait de cette pièce, prétendant qu’il s’agit d’une expertise déguisée.

[49]           En janvier 2020, la Ville saisit l’honorable Chantal Corriveau de sa demande. Au lieu de la contester et de prendre position sur le fait que la P-12A est un document préparé par un témoin factuel, à un moment dans le temps qui est contemporain à l’administration du Contrat, et donc d’insister sur la question de valeur probante et non de recevabilité de la preuve, Nahtac décide de communiquer la pièce P-12A avec un avis de communication de rapport d’expertise en vertu de l’article 293 du Code de procédure civile (Cpc).

[50]           La juge Corriveau n’a donc pas eu à trancher la question de la recevabilité de la pièce P-12A à titre de document factuel, car Nahtac n’a pas insisté pour en débattre. Elle autorise le dépôt du rapport de M. DesRochers, qualifié de rapport d’expertise, et elle accorde à la Ville un délai pour y répondre avec sa propre expertise.

[51]           C’est dans ce contexte qu’on peut qualifier son observation de commentaire obiter dictum[3], « Le rapport, pièce P-12, contient des éléments qui relèvent du domaine d’expertise. Une telle expertise peut être utile aux fins de calculer et d’appuyer la réclamation des coûts de la demanderesse »[4].

[52]           Quelques mois plus tard, Nahtac demande la permission à la Cour de déposer une expertise préparée par un expert ingénieur, expertise qui portera sur des sujets déjà abordés dans le rapport P-12A (alors toujours cotée comme P-12). La Ville conteste la demande.

[53]           Dans son jugement sur procès-verbal, l’honorable Yves Poirier note que le rapport P-12A « ne correspond pas au standard de ce type d’expertise complexe, la pièce P-12 reflète la démarche contractuelle exigé par le donneur d’ordre au fin de soumettre une réclamation […]»[5]. Il accueille la demande de Nahtac.

[54]           Au procès, la Ville conteste le fait que M. DesRochers soit qualifié d’expert et conteste la production du rapport P-12A et des Annexes P-13 à titre de rapport d’expertise. En d’autres mots, après avoir insisté pour que celles-ci soient qualifiées d’opinion experte, la Ville formule une objection basée sur l’absence d’impartialité et d’indépendance, ainsi que le parti pris, les trois critères pour la qualification d’expert[6].

[55]           Le Tribunal décide, aussi durant le procès, d’entendre le témoignage de M. DesRochers, sous réserve de l’objection de la Ville.

[56]           Le Tribunal conclut que M. DesRochers ne peut être qualifié d’expert mais que son témoignage est recevable en tant que témoignage factuel, et que les pièces P-12A et P-13 le sont comme pièces factuelles.

[57]           Le témoignage de M. DesRochers et les pièces P-12A et P-13 ne satisfont pas aux critères, à savoir l’impartialité, l’indépendance et l’absence de parti pris, auxquels l’expert est tenu. M. DesRochers est consultant de Nahtac pendant les travaux et la préparation du rapport P-12A. Son mandat était de présenter la réclamation contractuelle de Nahtac. Il l’a certainement fait d’une façon professionnelle et intègre, là n'est pas l’enjeu, mais l’expert comparaissant devant la Cour est tenu à une norme plus exigeante.

[58]           En outre, depuis 2018, M. DesRochers est en relation d’affaires avec M. La Haye, les deux étant cofondateurs de la firme La Haye-Desrochers inc., entreprise de services stratégiques en construction. Il est difficile d’imaginer comment M. DesRochers peut avoir le recul nécessaire vis-à-vis du président de Nahtac, si bien intentionné soit-il, alors qu’il est son coactionnaire dans une autre société.

[59]           Cela étant dit, son témoignage et les pièces P-12A et P-13 ne sont pas irrecevables en tant que preuves factuelles. Nahtac fait la preuve de la réclamation faite au moment de la période contractuelle et la présente au fond de son recours en l’espèce. Le Tribunal attribue une certaine valeur probante à cette preuve.

[60]           Or, l’entrepreneur lui-même démontre implicitement quelque réserve quant à la P-12A en mandatant l’ingénieur Denis Dauphinais pour la réviser. M. Dauphinais n’adopte pas intégralement les conclusions de M. DesRochers qui se trouvent dans la pièce P-12A. La Ville ne conteste pas le statut d’expert de M. Dauphinais. En conclusion, le Tribunal accorde plus de poids au rapport de M. Dauphinais qu’au rapport de M. DesRochers.

[61]           Voilà le faux débat sur la question de la recevabilité du témoignage de M. DesRochers et des pièces P-12A et P-13. Au procès, la Ville aurait pu ne pas insister pour que les pièces P-12A et P-13 soient qualifiées d’expertise, laissant ainsi Nahtac présenter ces pièces comme les documents factuels qu’ils sont.

B.    Le Contrat et la question de la période des travaux

[62]           La question clé que le Tribunal doit trancher est de savoir si les travaux à exécuter en vertu du Contrat se limitent à l’été et au début de l’automne. La réponse est déterminante pour la réclamation de Nahtac : si la réponse est affirmative, alors Nahtac a raison de se plaindre de l’ordre tardif de la Ville de commencer les travaux.

[63]           Ce retard a eu pour conséquence que les travaux n’ont pu débuter qu’après le 6 septembre 2016, se poursuivant ainsi en hiver et bouleversant les méthodes de travail estivales planifiées par Nahtac. Ce bouleversement a entraîné des coûts non prévus par Nahtac et des pénalités imposées par la Ville à l’entrepreneur.

[64]           La Ville aurait manqué à son devoir en vertu du Contrat, contrairement à l’article 1458 du Code civil du Québec (CcQ) et serait donc responsable du préjudice causé à Nahtac.

[65]           Si la réponse à la question de la restriction de la période des travaux à l’été et au début de l’automne est négative, alors l’entrepreneur ne peut être dédommagé pour le préjudice qu’il évoque, étant l’auteur de sa propre interprétation erronée du Contrat, et par conséquent, il doit subir les coûts et les pénalités afférents à un contrat forfaitaire qui prévoit l’exécution des travaux sans égard à la saison.

[66]           Pour les motifs ci-dessous, le Tribunal rejette la théorie de Nahtac voulant que la période des travaux prévus au Contrat ait été restreinte à l’été et au début de l’automne.

[67]           Nahtac cite plusieurs éléments qui confirmeraient pour ses représentants lors de l’analyse des documents de l’appel d’offres, et pour son expert au procès Denis Dauphinais, que la période des travaux est restreinte à l’été et exclut l’hiver :

        bureau de chantier – CCAS, article 2.3.13[7], qui prévoit que le bureau de chantier doit être maintenu, même durant les périodes d’inactivité ;

 

        le début des travaux – CCAS, article ajouté – 5.1.6.1[8], qui prévoit que « L’entrepreneur doit prévoir recevoir l’ordre de commencer les travaux dans un délai minimum de trente (30) jours calendrier après la date d’ouverture des soumissions [] » (soulignement par la Ville) ;

 

        suspension des travaux – CCAS, article 5.1.8.9[9], qui prévoit que l’arrêt des travaux durant la période hivernale ne peut être assimilé à une suspension des travaux ;

 

        les restrictions pour conditions climatiques – CCAS, article 5.1.15[10], qui prévoit qu’aucun travail de bétonnage n’est autorisé entre le 31 octobre et le 1er avril et qu’aucun travail de peinture n’est autorisé entre le 1er octobre et le 30 avril ;

 

        les contraintes liées à la circulation, extrait du Devis de circulation[11], qui prévoit quatre activités, toutes en période estivale, soit entre le 11 juin 2016 et le 11 septembre 2016 ;

 

        les contraintes de cure du béton, clauses techniques spéciales, Cahier des clauses techniques spéciales, article 12.1[12], qui exige une température minimale de 10 degrés Celsius durant une période minimale de trois jours consécutifs suivant le bétonnage ;

 

        l’absence de toute indication au bordereau détaillé en référence à des travaux en période hivernale[13].

 

 

[68]           Or, la Ville, pour sa part, cite d’autres éléments qui contredisent la théorie de Nahtac :

        les documents d’appel d’offres ne prévoient aucun échéancier, aucune date de début et de fin des travaux, aucune saison particulière, aucune exclusion quant à la possibilité d’exécuter les travaux en période hivernale ;

 

        le CCAS fait référence aux conditions hivernales :

 

  • Article 2.2.2.7 :

« […] L’installation d’un compteur d’eau, etc. peut être requise dans certains arrondissements et dans le cas où une grande consommation d’eau est prévue.

Lorsqu’il y a danger de gel, l’autorisation pourra être émise suivant des conditions particulières. »

 

  • Article 5.1.8.9 :

« L’arrêt des travaux durant la période hivernale ne peut être assimilé à une suspension des travaux. »

 

  • Article 5.1.15 Restrictions pour conditions climatiques :

« Les restrictions relatives aux conditions climatiques prévues au CCDG s’appliquent pour la mise en œuvre des matériaux, en particulier pour les travaux de revêtements souples, de bétonnage, de pose de membrane, de marquage et d’aménagement paysager. »

 

Article 5.1.16 Travaux durant la période de dégel :

« L’Entrepreneur doit respecter les exigences liées à la période de dégel. L’Entrepreneur doit inclure dans ses prix unitaires l’augmentation des coûts de transport et tous autres frais reliés à la période de dégel. »

 

        de plus, le CCAS précise expressément le fait qu’en l’absence d’article spécifique au bordereau, l’entrepreneur devait prévoir tous ses frais dans l’ensemble des prix unitaires et globaux au contrat, contrairement à l’argument de Nahtac selon lequel la Ville aurait prévu les travaux hivernaux dans le bordereau des prix si ceux-ci étaient envisagés :

 

  • Article 1.1.4.1.5 :

« L’organisation de chantier, l’arpentage, la pose des piquets et des repères, les mobilisations et démobilisations, les frais généraux et d’administration, ainsi que les profits de même que tous les éléments de fourniture, qui sont connexes aux travaux ne font l’objet d’aucun article spécifique au bordereau des prix. L’Entrepreneur doit répartir tous ces frais, ainsi que les autres coûts découlant des exigences aux plans, devis et autres documents contractuels qui ne feraient pas l’objet d’un article spécifique au bordereau des prix, dans l’ensemble des prix unitaires et globaux du contrat. »

 

        le CCAS prévoit un délai de 150 jours pour l’octroi du Contrat par la Ville suivant l’ouverture des soumissions déposées par les soumissionnaires, de sorte que Nahtac devait prévoir la possibilité que le Contrat soit octroyé au plus tard le 8 septembre 2016, ce qui implique nécessairement des travaux en hiver :

 

  • Article 1.2.4 :

« Le soumissionnaire doit fournir avec la présente soumission une garantie de soumission sous forme de cautionnement de soumission équivalent à 10 % du montant soumissionné; aucun chèque visé et aucune lettre de garantie bancaire irrévocable et inconditionnelle ne seront acceptés. Ce cautionnement est valide pendant les cent cinquante (150) jours qui suivent la date de l’ouverture de la soumission et le soumissionnaire ne peut durant cette période ni modifier ni retirer sa soumission. La durée de la validité du cautionnement de soumission indiquée dans le présent article a priorité sur la durée indiquée dans les autres documents contractuels (notamment dans les formulaires des Clauses administratives générales — Volume 1). » (notre soulignement) ;

 

        par ailleurs, les Instructions aux soumissionnaires prévoient ce qui suit :

« Chacun des prix unitaires ou globaux du contrat est à forfait, le soumissionnaire s’engage à faire l’ouvrage pour ce prix unique, à gain ou à perte. Le prix unitaire ou global d’un ouvrage doit donc compenser pour toutes dépenses, tous les travaux, déboursés, paiements, frais directs ou indirects, mobilisations, démobilisations et tous les actes, tous les faits, toutes les responsabilités, obligations, omissions et erreurs du soumissionnaire liés à la réalisation de cet ouvrage. » (notre soulignement) ;

 

        le Cahier des clauses administratives générales fait référence aux conditions hivernales :

 

  • Article 5.4.1.2 :

« À ces fins, l’entrepreneur doit notamment fournir :

5.4.1.2.1 les clôtures, les barrières, les affiches et le gardiennage;

5.4.1.2.2 le chauffage, l’éclairage et la ventilation. » (notre soulignement).

 

[69]           De façon préliminaire, le Tribunal retient que la citation de ces diverses dispositions de part et d’autre, ainsi que les témoignages factuels et experts, brosse un portrait qui pourrait être qualifié d’ambigu quant à la période prévue pour les travaux.

[70]           Cependant, bien que certaines dispositions citées par Nahtac puissent étayer l’affirmation selon laquelle le Contrat souffre d’une ambiguïté ou qu’il est manifeste que les travaux hivernaux ne sont pas envisagés, le Tribunal n’accepte pas que l’article 5.1.6.1 CCAS puisse appuyer cette thèse.

[71]           L’entrepreneur interprète la disposition comme voulant dire que la Ville allait donner l’ordre du début des travaux dans les 30 jours après la date d’ouverture des soumissions. Or, ce n’est pas une interprétation exacte. Le texte prévoit que l’entrepreneur doit s’attendre à recevoir l’ordre de commencer les travaux dans un délai minimal de 30 jours après la date d’ouverture des soumissions. En d’autres mots, l’ordre pourrait venir aussi tôt que 30 jours après cette date, mais cela ne sera pas nécessairement le cas. La disposition ne prévoit pas un délai maximal, mais plutôt un délai minimal dans lequel l’entrepreneur doit être prêt.

[72]           Quant au délai maximal, comme l’affirme la Ville, l’octroi du Contrat à l’entrepreneur pouvait se faire jusqu’à 150 jours à compter de la date d’ouverture des soumissions, selon l’article 1.2.4 CCAS. Par conséquent, l’ordre de commencer les travaux—étape logiquement postérieure à l’octroi du Contrat—, serait nécessairement reçu par l’entrepreneur plus de 30 jours après l’ouverture des soumissions, voire jusqu’à 150 jours ou plus après cette date d’ouverture.

[73]           Le Tribunal aborde maintenant la question juridique soulevée à l’aune des dispositions citées par les parties. Dans le meilleur des cas, Nahtac peut qualifier d’ambigu l’aspect du Contrat portant sur la question de la période des travaux. Dans un tel cas d’ambiguïté, est-ce que la Ville avait l’obligation d’informer l’entrepreneur ou si ce dernier avait lui l’obligation de s’informer?

[74]           En analysant les éléments cités par la Ville, reproduits ci-dessus, le Tribunal conclut qu’il y en avait suffisamment au stade de l’analyse des documents d’appel d’offres qui indiquaient les conditions hivernales pour ainsi imposer à Nahtac l’obligation de se renseigner auprès de la Ville quant à la possibilité que cette dernière ne restreigne pas les travaux à l’été et au début de l’automne.

[75]           Le droit civil est clair sur la question de l’obligation du contractant de se renseigner. En fait, les critères de l’obligation de renseignement du cocontractant prévoient eux-mêmes la question de déterminer si le créancier de l’obligation est dans l’impossibilité de se renseigner lui-même. La Cour suprême du Canada, sous la plume de l’honorable Charles Gonthier, fait explicitement référence à ce dernier critère en définissant l’obligation de renseignement :

        la connaissance, réelle ou présumée, de l'information par la partie débitrice de l'obligation de renseignement ;

        la nature déterminante de l'information en question;

        l'impossibilité du créancier de l'obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur[14].

 

[76]           Dans un arrêt en droit de la construction, la Cour d’appel cite le passage ci-dessus et la doctrine voulant que le droit d’information entende protéger le contractant contre une inégalité situationnelle, mais non contre sa propre négligence[15].

[77]           Ce dernier doit faire les efforts nécessaires pour se procurer l’information générale pertinente[16], et « on ne doit pas pousser l'intensité de l’obligation d’informer jusqu'à une tolérance inconditionnelle et à l'absolution d'une conduite négligente ou imprudente de la part du débiteur »[17].

[78]           Dans le présent dossier, la période envisagée des travaux relève certainement de l’information générale pertinente et Nahtac était à même de se la procurer aisément en posant la question directement à la Ville avant de soumissionner, au lieu de faire une présomption sur un élément lourd de conséquences.

[79]           Les dispositions citées ci-dessus par la Ville auraient dû « susciter un questionnement et une mise au point avec le donneur d’ouvrage avant le dépôt de la soumission »[18]. Or, la Ville a reçu peu de questions, et aucune concernant la période des travaux. Elle n’est pas responsable de la mauvaise interprétation de Nahtac des documents d’appel d’offres.

[80]           La conclusion du Tribunal quant à la période de réalisation des travaux le conduit à rejeter la réclamation de Nahtac de 1 174 973,14 $, qualifiée par l’entrepreneur de réclamation pour « travaux directement reliés [à] la prolongation du chantier »[19].

C.    Pénalités pour retard

[81]           Nahtac réclame à la Ville le paiement de 165 000 $, montant total soustrait par la Ville en guise de pénalités pour retard. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal accueille ce volet de la demande de Nahtac.

[82]           Le CCAS, à l’article 5.1.10.1.2, prévoit la disposition sur la pénalité pour retard, qui se lit comme suit :

Une pénalité de mille dollars (1 000 $) par jour pour les sept (7) premiers jours en défaut et de deux mille dollars (2 000 $) par jours subséquents sera retenue à titre de dommages-intérêts liquidés pour chaque jour de calendrier dépassant le délai long établi à l’article 5.1.5.3.

 

De plus, pour chaque jour de calendrier dépassant le délai stipulé dans la réception provisoire pour exécuter, entre autres, la correction des travaux non acceptables tel que mentionné à l’article 5.1.5.3, une somme de mille dollars (1 000 $) sera retenue à titre de dommages-intérêts liquidés.

 

Passé les délais, toutes les ressources requises pour le maintien de la circulation doivent demeurer en place et fonctionnelles, et ce, sans coût additionnel pour la Ville de Montréal.

 

Advenant le cas où la fin des travaux excède le délai prescrit (délai entendu lors de la réception provisoire), les retenues s’appliquent de façon cumulative.

 

La prolongation d’un délai ne peut être accordée que par le Directeur.

[83]           La Ville a imposé des pénalités d’un montant total de 165 000 $ pour les périodes ci-dessous :

83.1.       Du 1er au 31 mars 2017 – 62 000 $ ;

83.2.       Du 1er au 6 avril 2017 – 12 000 $ ;

83.3.       Du 1er mai 2017 et 31 mai 2017 – 4 000 $ ;

83.4.       Du 1er au 30 juin 2017 – 60 000 $ ;

83.5.       Du 1er au 13 juillet 2017 – 27 000 $.

[84]           Elle n’a pas imposé de pénalité pour les périodes suivantes :

84.1.       Période de grâce : du 24 janvier au 1er mars 2017, soit 36 jours calendaires ;

84.2.       Crues des eaux : du 7 au 30 avril 2017 et du 2 au 24 mai 2017, soit 46 jours calendaires ;

84.3.       Grève de la construction : du 24 au 30 mai 2017, soit 5 jours calendaires.

[85]           Le Tribunal conclut que l’application de la clause de pénalité dans le présent dossier est abusive en vertu de l’article 1437 CcQ[20]. Ce dernier se lit comme suit :

1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci.

[86]           La Ville ne conteste pas, à juste titre, la qualification du Contrat de contrat d’adhésion. On est donc dans un contexte qui permet au Tribunal de qualifier une ou plusieurs des clauses du Contrat comme d’abusives.

[87]           L’article 1437 CcQ dicte que Nahtac doit se décharger du fardeau de remplir deux critères :  la clause de pénalité est désavantageuse de manière excessive et elle est déraisonnable[21]. Ce qui constitue une clause abusive dépend du secteur économique ou du domaine d’activité, et des circonstances de l’affaire en litige[22].

[88]           Selon les principes juridiques applicables, le Tribunal estime que la clause de pénalité en l’espèce est abusive, et voici pourquoi.

[89]           Rappelons-le : la Ville bénéficie du prix nettement inférieur de Nahtac alors que, n’eût été la soumission de cet entrepreneur, la Ville aurait été obligée de payer un montant de 456 751,70 $ de plus au soumissionnaire suivant, et à défaut de ce dernier, un montant de 1 529 727,14 $ de plus au soumissionnaire d’après.

[90]           En d’autres mots, la Ville a économisé au moins un montant de 456 751,70 $ en choisissant l’entrepreneur Nahtac, qui a erronément conclu qu’il n’était pas nécessaire de planifier les travaux en période hivernale.

[91]           Bien que la Ville ait bénéficié de la mauvaise interprétation contractuelle de Nahtac et que l’entrepreneur, « personne initiée et rompue à ce type d’exercice »[23], ait l’obligation d’absorber les coûts afférents à son interprétation erronée, la Ville tente de désavantager Nahtac d’une manière excessive et déraisonnable, en appliquant la clause de pénalité. Essentiellement, elle cherche à économiser 456 751,70 $ + 165 000 $ = 621 751,70 $ à même la mauvaise conclusion de Nahtac. C’est inadmissible puisque l’application de la clause dénature le contrat.

[92]           De plus, le Tribunal note que la Ville aurait pu accéder à la demande de Nahtac du 21 octobre 2016 de suspendre les travaux pendant l’hiver. Bien que la Ville ait le droit contractuel de refuser cette demande, ce qu’elle a fait le 24 octobre 2016 en réponse à la susdite demande de Nahtac, elle fait en sorte par son refus, dans le contexte du présent dossier, que l’application des pénalités est abusive, d’autant qu’elle a l’obligation d’éviter l’aggravation du préjudice dont elle se plaint[24].

[93]           La Ville argue qu’une suspension des travaux aurait impliqué qu’elle procède à des inspections supplémentaires du pont ainsi qu’à la mobilisation d’une équipe spéciale en cas de découverte de problèmes lors des inspections. De telles démarches auraient entrainé inévitablement des coûts supplémentaires pour la Ville, dit-elle.

[94]           Or, la Ville ne verse pas au dossier de la cour la preuve de tels coûts supplémentaires, évitant d’analyser si Nahtac aurait pu défrayer ces coûts en contrepartie de la suspension. Elle ne précise pas non plus ces coûts supplémentaires dans sa lettre du 24 octobre 2016, se contentant de présenter l’enjeu de façon générale :

Finalement, le pont Jacques-Bizard fait l’objet d’inspections spéciales afin de suivre l’évolution de la fissuration depuis septembre 2011. Le fait de reporter les travaux à 2017 obligerait la ville à procéder à des inspections supplémentaires et obligerait implicitement la ville, à assumer le risque de mobiliser une équipe spéciale dans l’éventualité où une problématique serait décelée lors de ces inspections. Vous comprendrez que la ville n’est pas prête à assumer le risque et les coûts associés à cette éventualité.

[95]           La Ville ne précise pas l’envergure des coûts en question, et elle les invoque de façon floue pour ainsi refuser la demande de suspension, de sorte que Nahtac sera nécessairement en retard, donnant l’occasion à la Ville de profiter davantage du bas prix de soumission en imposant des pénalités.

[96]           Le 16 décembre 2016, le jour de l’incident de la perte de la barge, Nahtac revient à la charge et demande la suspension des travaux. La Ville répond le 19 décembre en refusant la demande et en précisant qu’en cas de démobilisation par l’entrepreneur, la Ville sera « alors dans l’obligation de procéder à une inspection de la structure Cette dernière serait effectuee à vos frais dans les prochaines semaines De plus, nous serions dans l obligation de vous demander de rester disponible pendant la suspension des travaux pour exécuter si requis des travaux en urgence » (reproduit textuellement).

[97]           Bien que Nahtac n’ait pas fait le suivi de ce dernier point, le Tribunal conclut que l’entrepreneur n’avait pas à le faire puisque la Ville énonce plus tôt dans sa lettre qu’une démobilisation entrainerait une violation des obligations contractuelles de Nahtac. La question de l’inspection et des frais est donc présentée par la Ville non pas à titre de quête de solution à l’enjeu de Nahtac, mais plutôt à titre punitif.

[98]           La Ville précise au Tribunal « qu’il ne fallait pas retarder les travaux considérant l’état de la structure et la présence de fissures »[25]. Or, la Ville n’a souligné aucun caractère urgent des travaux à Nahtac, au moment opportun.

[99]           Elle a certes raison d’insister pour dire que la période des travaux n’était pas limitée à l’été et au début de l’automne et que Nahtac doit donc absorber les coûts additionnels en lien avec les travaux hivernaux, mais de là à dire qu’elle a droit aux pénalités alors qu’elle aurait pu accorder la demande de suspension et qu’elle profite d’une économie importante du prix de soumission de Nahtac, c’est un pas juridique de trop.

[100]       La clause de pénalité n’est pas nécessairement abusive en soi, mais son caractère potentiellement abusif dépend de la manière dont elle est invoquée. Le Tribunal conclut que la Ville s’est prévalue de la clause de manière abusive dans le présent dossier.

D.    Coûts engendrés par l’état de la structure et les travaux imprévus

[101]       Nahtac réclame le montant de 281 265,50 $ à titre de coûts liés aux travaux complémentaires exigés par l’état du pont et de sa structure, ainsi qu’en raison de la période hivernale[26]. Toutes ces réclamations prennent la forme d’avis de réclamation « GNAH » en ordre séquentiel, sauf la dernière, soit celle des coûts additionnels liés aux travaux de peinture. Le Tribunal aborde ces réclamations distinctes ci-dessous.

1.                  GNAH-001 : Déneigement, déglaçage, et perte de temps en découlant

[102]       Nahtac réclame le montant de 38 368,98 $ plus taxes en vertu de GNAH-001. Le Tribunal rejette cette réclamation puisqu’elle est en lien avec les travaux nécessaires durant la période hivernale, que Nahtac devait prévoir dans sa soumission.

[103]       De plus, le Tribunal note que la Ville a versé le montant de 2 491,33 $ plus taxes, sous la directive DDC-002, pour les frais de déneigement et de déglaçage dans la période contractuelle des travaux, soit du 6 septembre 2016 au 24 janvier 2017. La Ville refuse de payer le montant de 33 956,07 $ plus taxes, montant qui représente des frais afférents à la période qui suit le 24 janvier 2017. Le Tribunal estime que ce refus est justifié en raison de l’obligation de résultat qui incombe à Nahtac.

[104]       La Ville ajoute que le montant de 33 956,07 $ réclamé par Nahtac inclut la perte de temps, alors que la Ville n’en est pas responsable et qu’il s’agit d’une double réclamation, puisque Nahtac réclame déjà la somme de 275 887,60 $ (taxes incluses) pour la perte de productivité, en raison des conditions hivernales, chef de dommages inclus dans le montant total de 1 174 973,14 $, abordé dans la section ci-dessus.

2.                  GNAH-002 : Conflit avec le Catwalk et nouveau contreventement de type 3

[105]       Nahtac réclame le montant de 3 629,25 $ plus taxes en vertu de GNAH-002. Il s’agit d’une réclamation pour perte de temps en raison d’un prétendu conflit entre les nouvelles pièces de contreventements et la structure existante du pont.

[106]       Le Tribunal rejette cette réclamation en se basant sur l’article 1.1.2.7 CCAS, sous le titre « 1.1.2 Examen des documents et des lieux » :

[…]

Le soumissionnaire ne peut réclamer aucun dommage dû à des difficultés résultantes des conditions existantes, de la température ou de l’accès au site des travaux. Il est tenu responsable de l’examen de toutes ces conditions et de l’évaluation des effets qu’elles peuvent avoir sur la réalisation des travaux.

[107]       Le Tribunal se base aussi sur l’article 5.1.2.4 CCAS, sous le titre « 5.1.2 Exécution des travaux », qui se lit comme suit :

Pour l’ensemble des travaux de cette soumission, l’Entrepreneur doit tenir compte dans son évaluation, de toutes les particularités susceptibles (probabilité de présence de roc, utilités publiques, câbles électriques, conduite de gaz, etc.) de nuire à la bonne marche de ses travaux. […] Il doit, à toutes les phases de ses travaux, vérifier les dimensions des éléments existants apparaissant aux plans. Il doit s’assurer que toutes les pièces qui doivent être fabriquées répondent aux conditions réelles du chantier. De la même façon, l’Entrepreneur ne peut réclamer aucun dommage dû à des difficultés résultant des conditions existantes, des services publics, de la circulation ou de l’accès aux sites des travaux. Il est tenu responsable de toutes ces conditions et de l’évaluation des effets qu’elles peuvent avoir sur la poursuite des travaux. [nos soulignements]

3.                  GNAH-003 : Conflit entre les « Nelson stud » existants et les forages

[108]       Nahtac réclame le montant de 2 594,88 $ en vertu de GNAH-003, pour la perte de temps résultant d’un prétendu conflit entre les forages et les Nelson stud, impliquant d’enlever manuellement les goujons, d’effectuer du forage supplémentaire pour accéder à l’ensemble des goujons, d’enlever du béton autour des goujons, et de casser les goujons avec une barre de force.

[109]       Or, Nahtac omet de prendre en compte la somme de 1 399,04 $ plus taxes versée par la Ville en vertu de la directive de changement numéro 4. La différence, soit le montant de 2 594,88 $, n’est pas due parce que Nahtac a surévalué les heures de main-d’œuvre et des équipements associés à ces travaux. L’entrepreneur n’appuie pas ce volet par les feuilles de temps pertinentes ou d’autres pièces justificatives.

[110]       Le Tribunal rejette cette réclamation.

4.                  GNAH-004 : Travaux supplémentaires en raison d’un conflit de soudure et la mise en place d’un sabot à l’axe 36

[111]       Nahtac réclame le montant de 403,34 $ en vertu de GNAH-004, pour les coûts de démobilisation et de remobilisation une fois la solution trouvée au problème de l’existence d’une soudure sur l’âme de la poutre.

[112]       Le Tribunal rejette cette réclamation sur la base des articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS, cités ci-dessus.

5.                  GNAH-005 : Travaux supplémentaires pour déplacement d’une conduite en conflit avec les contreventements

[113]       Nahtac réclame le montant de 429 $ en vertu de GNAH-005, pour les coûts afférents au déplacement de la conduite faisant obstacle à l’installation de contreventements.

[114]       Le Tribunal rejette cette réclamation sur la base des articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS, cités ci-dessus.

6.                  GNAH-006 : Travaux supplémentaires en raison du manque d’espace pour l’installation des boulons

[115]       Nahtac réclame le montant de 10 296,09 $ en vertu de GNAH-006, pour les travaux de coupe rendus nécessaires afin de pallier le manque d’espace d’installation des boulons de certains contreventements.

[116]       Le Tribunal rejette cette réclamation sur la base des articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS, cités ci-dessus.

7.                  GNAH-007.1 : Travaux supplémentaires – Semelles inférieures des poutres non uniformes

[117]       Nahtac réclame le montant de 35 693,70 $ en vertu de GNAH-007.1, pour les travaux correctifs en lien avec les semelles inférieures des poutres qui étaient non rectilignes et non uniformes.

[118]       Le Tribunal rejette cette réclamation sur la base des articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS, cités ci-dessus. De plus, il note que les plans de construction indiquaient que l’épaisseur de la semelle variait de 1 à 3 pouces, et que les angles variaient également[27].

[119]       Nahtac fait référence au chiffre de 3 mm prévu par WSP afin de plaider que la tolérance prévue était erronée puisque sont apparues des déformations aux poutres pour des écarts allant jusqu’à 30 mm.

[120]       Or, les plans font référence à la fois au chiffre ±3 mm et aux chiffres 1’’ à 3’’, mais pour des choses distinctes : le premier en lien avec les cales et le deuxième, avec la semelle.

[121]       Quant aux cales de 1 mm, 2 mm et 3,5 mm achetées par Nahtac au montant de 3 800 $, ce volet est irrecevable aussi puisque les plans prévoyaient déjà un chiffre variable de ±3 mm pour les cales, et que Nahtac était donc censé prévoir cet achat dans son prix forfaitaire.

8.                  GNAH-007.2 : Coûts supplémentaires en raison de la déformation marquée de la structure du pont

[122]       Nahtac réclame le montant de 21 231,28 $ en vertu de GNAH-007.2, pour les coûts payés à Iscan afin que ce dernier puisse produire des dessins d’atelier supplémentaires à la suite de difficultés émanant du fait que la structure existante du pont n’était pas rectiligne et que les déformations excédaient le seuil tolérable de 3 mm.

[123]       Le Tribunal rejette cette réclamation puisque l’entrepreneur était censé inclure dans son prix forfaitaire de tels coûts de relevés. Vu les articles du CCAS cités ci-dessus et les indications sur les plans de construction, il était prévisible que la structure ne soit pas rectiligne.

[124]       En outre, le Tribunal note que le montant de 21 231,28 $ réclamé par Nahtac ne constitue pas des frais supplémentaires facturés par Iscan, mais fait partie du prix forfaitaire de 25 000 $ fourni par le fournisseur et couvrant les services décrits dans son offre de service à titre de « planification de projet (Phase 2 et 3), Scan 3D, Alignement, nettoyage et transfert, Modélisation 3D, paramétrage, transfert, dessins d’atelier, mise en plan, validation »[28].

9.                  GNAH-008 : Travaux additionnels pour les coûts générés par l’usage du forage au diamant

[125]       Nahtac réclame le montant de 78 121,65 $ en vertu de GNAH-008, s’agissant des coûts supplémentaires en raison du changement dans la méthode de percement de la dalle. Le Tribunal accueille cette réclamation, pour les motifs qui suivent.

[126]       Les documents d’appel d’offres interdisent l’usage d’un percement au diamant et Nahtac a donc soumissionné en fonction de cette contrainte. Cette soumission prévoit un équipement standard, dont le marteau rotatif pour le percement de la dalle, avec les employés et les équipements de Nahtac.

[127]       Cependant, des tiges d’acier d’armature se trouvant dans la dalle du pont font en sorte qu’il est impossible d’utiliser un marteau rotatif. La Ville assouplit ses exigences contractuelles par le truchement de l’acceptation de WSP d’une autre méthode de forage au diamant.

[128]       Bien que la Ville puisse avoir raison de restreindre l’utilisation d’une foreuse à diamant considérant l’endommagement potentiel des poutres du pont, il n’en demeure pas moins que l’entrepreneur était obligé de changer la méthode soumissionnée à cause d’un imprévu et que la Ville a accepté la modification.

[129]       La règle juridique concernant le prix fixe n’exige pas que Nahtac absorbe le coût de ce changement alors que la Ville reconnait qu’il s’agit d’une situation qui n’est pas prévue au Contrat[29]. La Ville ne peut non plus exiger de Nahtac une preuve d’impossibilité d’utiliser une méthode de travail autre que celle du forage au diamant[30], ayant déjà approuvé cette dernière méthode au moment pertinent.

[130]       Contrairement à l’affirmation de la Ville[31], le Tribunal conclut que Nahtac a fourni l’explication nécessaire pour le calcul de la différence entre le prix pour le forage au marteau rotatif et celui pour le forage au diamant. Le calcul prévu dans le document intitulé Modification au contrat en date du 1er mai 2017[32] et le témoignage de M. La Haye sont suffisants pour expliquer l’augmentation de coûts afférente au changement de méthode.

[131]       En revanche, la Ville a raison d’arguer que les cinq fermetures de voies invoquées par Nahtac, à raison de 4 750 $ pour la fermeture et de 2 880 $ pour le signaleur, sont déjà incluses dans la soumission de Nahtac car l’entrepreneur avait prévu 20 fermetures[33].

[132]       En conséquence, le Tribunal soustrait ces deux sommes du sous-total de 60 666,64 $ pour arriver au nouveau sous-total de 53 036,64 $. Le Tribunal condamnera la Ville à payer ce montant, majoré de 12 % pour administration et profit, en sus des taxes.

10.             GNAH-009 : Coûts supplémentaires pour excès de rouille

[133]       Nahtac réclame le montant de 39 087,92 $ en vertu de GNAH-009, pour le temps de la main-d’œuvre en lien avec le nettoyage et la peinture rendus nécessaire par l’excès de rouille. L’entrepreneur affirme qu’au stade de la soumission, il était « impossible de vérifier ou connaître le niveau de rouille se trouvant sur les poutres de la travée centrale, directement au-dessus de la rivière », bien que l’entrepreneur ait été au courant de « certains éléments de rouille » en examinant les poutres à partir des berges[34].

[134]       Le Tribunal rejette cette réclamation sur la base des articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS, cités ci-dessus.

[135]       La Ville reconnait que « les documents d’appel d’offres ne pouvaient prévoir le niveau de rouille sur le pont »[35] et Nahtac affirme « qu’il était impensable pour un soumissionnaire d’avoir accès à cette partie de la structure en période de soumission »[36].

[136]       Cependant, puisque Nahtac était au courant de la possibilité de rouille et, plus précisément, était au courant de « certains éléments de rouille » qui étaient repérables lors de son inspection au stade de la soumission, l’entrepreneur était en mesure de prévoir une grande quantité de rouille, comme les articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS incitent essentiellement à le faire. Il y a une distinction entre l’imprévu et l’imprévisible.

[137]       En d’autres mots, Nahtac aurait pu estimer, par prudence, et tenir pour acquis aux fins de sa soumission que l’état de rouille était pire que constaté. Cela lui appartenait et la Ville ne peut être tenue responsable d’une erreur d’estimation par Nahtac à cet égard.

11.             GNAH-010 : Travaux supplémentaires pour alésage des trous existants

[138]       Nahtac réclame le montant de 8 307,38 $ en vertu de GNAH-010, en lien avec le temps consacré à l’agrandissement des trous existants sous le trottoir et la piste cyclable afin d’installer les boulons exigés.

[139]       Bien qu’il soit vrai que les trous existants étaient plus petits que le diamètre des nouveaux boulons et que Nahtac ait ainsi dû agrandir les trous au bon diamètre, en tout état de cause, l’entrepreneur était censé percer un nouveau trou dans le gousset, selon les plans[37].

[140]       Cependant, WSP a dispensé Nahtac de cette dernière obligation en réponse à la demande de l’entrepreneur pendant les travaux puisqu’il était possible d’utiliser les mêmes trous sans devoir créer un trou supplémentaire. Par conséquent, Nahtac devait un crédit à la Ville en lien avec cette dispense, crédit qui couvre les travaux supplémentaires de l’alésage des trous. En fait, le travail pour cette dernière activité était inférieur au travail qui aurait été exigé afin de percer le gousset.

[141]       Le Tribunal rejette donc cette réclamation.

12.             GNAH-011 : Travaux supplémentaires pour coupe du contreventement aux axes indiqués

[142]       Nahtac réclame le montant de 532,02 $ en vertu de GNAH-011, en lien avec des travaux supplémentaires impliquant la coupe des plaques du haut de certains raidisseurs en raison d’un conflit avec la cale.

[143]       Le Tribunal rejette cette réclamation sur la base des articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS, cités ci-dessus. La Ville a raison de dire que Nahtac avait l’obligation de vérifier les dimensions actuelles et que l’entrepreneur ne peut, à ce titre, réclamer un quelconque dommage dû à des difficultés résultant de conditions existantes.

13.             GNAH-012 : Travaux supplémentaires pour coupe aux contreventements

[144]       Nahtac réclame le montant de 6 384,26 $ en vertu de GNAH-012, en lien avec des travaux supplémentaires pour couper la boîte de certains contreventements. Ceux-ci étaient nécessaires, selon Nahtac, parce qu’aux axes en question, la largeur de la semelle supérieure était inférieure à celle prévue aux plans.

[145]       Or, l’ingénieure Caroline Giroux, représentante de WSP, explique au procès que la largeur de la semelle supérieure des axes en question, soit les axes 14, 15.8, 44.5, 46, et 54, prévue aux plans est bel et bien de 20 pouces, la largeur constatée par Nahtac dans les faits.

[146]       Le Tribunal rejette donc cette réclamation.

14.             GNAH-014 : Montant réclamé pour l’indexation du prix de l’acier

[147]       Nahtac réclame le montant de 7 363,18 $ en vertu de GNAH-014, en lien avec l’augmentation du prix de l’acier. L’entrepreneur invoque ici l’article 8.10.2 du Cahier des charges et devis généraux (CCDG), qui prévoit que le prix contractuel doit tenir compte de l’augmentation du prix de l’acier.

[148]       Or, l’article 8.10.2 CCDG n’est pas applicable en l’espèce, car il se trouve à la partie 1 du CCDG; seuls les articles désignés de la partie 1 s’appliquent dans le présent dossier, comme le précise l’article 2.1.2.1 CCAS. La Ville souligne que l’article 8.10.2 CCDG « n’est pas désigné à travers les documents contractuels »[38] et Nahtac ne nie pas cette affirmation dans sa réplique.

[149]       Le Tribunal note qu’en vertu de la Directive de changement numéro 3, la Ville a accordé une majoration du coût de l’acier jusqu’au 24 janvier 2017 à raison de 1 082 $ plus taxes. Cependant, le représentant de la Ville, l’ingénieur Louis-Philippe Riopel, explique au procès que ce paiement était une preuve de bonne foi dans la relation contractuelle, alors qu’il n’était pas prévu dans le devis du projet. Puisque le prix de l’acier fluctue, la Ville a accepté de payer l’augmentation jusqu’à la fin du délai le 24 janvier 2017.

[150]       Le Tribunal accueille la position de la Ville selon laquelle ce paiement ne signifie pas l’accord de toute autre augmentation du prix de l’acier réclamée par Nahtac. En outre, le paiement prend la forme d’une directive de changement justement en raison du fait que l’article 8.10.2 CCDG ne fait pas partie du Contrat.

[151]       Le Tribunal rejette donc cette réclamation.

15.             GNAH-015 : Travaux supplémentaires pour le remplacement de la boîte d’accès

[152]       Nahtac réclame le montant de 2 671,22 $ en vertu de GNAH-015, en lien avec les travaux supplémentaires de coupe et de reconstruction d’une boîte d’accès qui constituait un obstacle pour le contreventement de l’axe 38, travaux non compris dans la soumission.

[153]       Le Tribunal rejette cette réclamation sur la base des articles 1.1.2.7 CCAS et 5.1.2.4 CCAS, cités ci-dessus. La Ville a raison d’affirmer que Nahtac se devait de vérifier les dimensions actuelles et que l’entrepreneur ne peut, à ce titre, réclamer des dommages pour des difficultés liées à des conditions existantes.

16.             Coûts additionnels pour les travaux de peinture

[154]       Nahtac réclame le montant de 26 151,35 $ pour la perte de temps liée au séchage de la peinture en raison de la période hivernale. Ce poste de réclamation ne porte pas un numéro « GNAH » bien qu’il se trouve dans la liste des avis GNAH au paragraphe 46 de la Demande introductive d’instance re-modifiée[39].

[155]       Pour les motifs explicités ci-dessus concernant la possibilité des travaux hivernaux en vertu du Contrat, le Tribunal rejette cette réclamation.

E.     Coûts pour la préparation de la réclamation

[156]       Nahtac réclame le montant de 51 633,13 $ à titre de frais pour la préparation de sa réclamation soumise à la Ville avant le début du dossier judiciaire. Pour les motifs ci-dessous, le Tribunal rejette cette réclamation.

[157]       À ce sujet, la Cour d’appel précise qu’une réclamation non judiciaire n’est pas normalement une perte indemnisable, « sauf si la preuve peut être faite que cette réclamation constitue un préjudice résultant d’une faute contractuelle caractérisée »[40]. La Cour souligne que « lorsque le contrat prévoit la manière de présenter les réclamations afférentes à ces ajouts, modifications, perturbations, etc., on peut difficilement voir dans l’obligation de se conformer à ces exigences contractuelles une perte – et donc un préjudice – susceptible de compensation »[41].

[158]       Or, comme le Tribunal le cite ci-dessus, le Contrat dans le présent dossier prévoit justement à l’article 5.1.7.8 CCAS la manière de présenter les réclamations.  

[159]       Subsidiairement, le Tribunal note que Nahtac n’a pas gain de cause sur tous ses chefs de réclamation, et il est donc douteux que la réclamation de l’entrepreneur puisse être qualifiée d’un préjudice et que la conduite de la Ville dans son ensemble puisse être qualifiée de faute.

F.     Troubles et inconvénients

[160]       Nahtac réclame 100 000 $ à titre de troubles et inconvénients. Dans sa Demande introductive d’instance re-modifiée, l’entrepreneur n’étaye ce chef de dommages d’aucune allégation permettant de comprendre la faute de la Ville évoquée en lien avec ce préjudice[42].

[161]       Dans son Plan d’argumentation, Nahtac fournit deux paragraphes à ce sujet[43]. Dans le premier, l’entrepreneur qualifie de conduite abusive le fait que la Ville retienne l’argent à titre de pénalités et réclame « une juste compensation » en forme de dommages-intérêts pour troubles et inconvénients. Dans le deuxième, Nahtac cite un jugement dans lequel la Cour supérieure a accordé un montant pour troubles et inconvénients[44].

[162]       Bien que le Tribunal conclue que la Ville n’était pas fondée à appliquer la clause de pénalité, cette dernière ne s’est pas comportée de façon abusive et elle n’est l’auteur d’aucune faute qui donnerait à Nahtac droit aux dommages-intérêts pour troubles et inconvénients.

[163]       Le Tribunal rejette donc cette réclamation[45].

G.    La demande reconventionnelle de la Ville

[164]       Dans sa demande reconventionnelle, la Ville réclame à Nahtac un montant de 48 759,46 $ à titre d’honoraires professionnels supplémentaires payés à EXP pour la surveillance des travaux dans la période du 25 janvier au 31 juillet 2017, soit la période après le délai contractuel de la fin des travaux. La Ville est d’avis qu’elle n’aurait pas eu à débourser cette somme auprès de EXP pour assurer la surveillance du chantier si Nahtac avait terminé ses travaux dans les délais contractuels.

[165]       D’abord, la Ville fait erreur quand elle affirme que les honoraires couvrent la période du 25 janvier au 31 juillet. Les deux factures invoquées à l’appui de la réclamation relèvent des périodes du 3 juin au 21 juillet 2017 et du 22 juillet au 1er septembre 2017[46].

[166]       Ensuite, la Ville ne convainc pas le Tribunal que le montant réclamé inclut uniquement des coûts supplémentaires engendrés pour assurer la surveillance de chantier. Par exemple, EXP facture plus de 2 000 $ pour analyser la réclamation de Nahtac. Dans la mesure où Nahtac n’a pas le droit de réclamer ses coûts en lien avec la réclamation, comme le Tribunal le décide ci-dessus, la Ville non plus n’a pas le droit d’imposer à Nahtac les coûts liés à sa décision de faire analyser la réclamation par EXP.

[167]       Un autre point : la Ville ne départage pas le travail fait par EXP qui aurait un lien causal direct avec le retard de Nahtac du travail fait par EXP qui est certes fait plus tard mais que la Ville aurait été obligée de payer parce qu’il aurait été, en tout état de cause, fait dans le cadre de l’échéancier original.

[168]       Puisque la preuve présentée par la Ville manque de précision nécessaire pour soutenir la réclamation pour compensation des honoraires supplémentaires, le Tribunal rejette la demande reconventionnelle de la Ville.

H.    Intérêts

[169]       La Ville consacre 26 paragraphes dans sa Plaidoirie écrite pour tenter de convaincre le Tribunal que la comptabilisation des intérêts devrait s’arrêter au 16 avril 2020 puisque la Ville était prête à procéder à l’instruction dès le 6 janvier 2020 et que, dans ce cas, un jugement aurait probablement été rendu dans les trois mois suivants[47].

[170]       L’argument de la Ville est exagéré. Quelle que soit la conduite de Nahtac dont on pourrait se plaindre, la suspension des intérêts n’est pas un remède logique ni proportionnel. Le fait demeure que la Ville jouit de l’argent qui est dû à Nahtac et l’entrepreneur est réputé privé de cet argent à compter de l’assignation de la demande introductive, soit le 5 septembre 2017. Par conséquent, la Ville doit payer les intérêts sur les sommes dues à compter de cette date.

I.        Frais d’expertise

[171]       La Ville réclame à Nahtac le remboursement des frais d’expertise du cabinet Revay qu’elle a dû débourser, soit un montant total de 89 221,32 $, taxes incluses. Nahtac, pour sa part, réclame le montant de 13 081,28 $.

[172]       La Ville explique l’envergure de ses frais d’expertise en arguant que la complexité des enjeux, la documentation considérable ainsi que le défi d’aborder deux analyses traitant de retard, de perte de productivité et de quantum de réclamation, analyses présentées par Nahtac, ont tous fait en sorte que son expert était tenu de consacrer un temps considérable à l’analyse du dossier.

[173]       Vu le résultat mitigé pour les parties au plan général, mais considérant la perte de Nahtac quant à sa réclamation principale basée sur la prétendue violation du Contrat en lien avec la période des travaux, le Tribunal condamne Nahtac à payer une moitié des frais d’expertise de la Ville, soit le montant de 44 600 $.

IV.               REMERCIEMENTS

[174]       Le Tribunal tient à remercier les avocats des deux parties pour leur professionnalisme pendant l’instance. Leurs plaidoiries écrites étoffées, bien qu’étalées sur une période de quelques mois en raison de disponibilités serrées de part et d’autre, ont permis au Tribunal d’examiner tous les angles de la panoplie des questions soulevées par les parties.

V.                 DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[175]       ACCUEILLE en partie la Demande introductive d’instance re-modifiée de la demanderesse Nahtac Construction inc. (Nahtac) ;

[176]       CONDAMNE la défenderesse Ville de Montréal (Ville) à payer à Nahtac :

176.1.  le montant de 165 000 $, retenu par la Ville en vertu d’une clause contractuelle de pénalité pour retard que le Tribunal considère comme clause abusive dans le présent dossier ;

176.2.  le montant de 53 036,64 $, majoré de 12 % pour administration et profit, en sus des taxes, en vertu de l’avis de réclamation GNAH-008 ;

176.3.  les intérêts et l’indemnité additionnelle appliqués auxdits montants à compter du 5 septembre 2017 ;

[177]       REJETTE le volet demande reconventionnelle dans la Défense et demande reconventionnelle de la Ville ;

[178]       ACCUEILLE l’objection de la Ville à qualifier Pascal DesRochers d’expert et à qualifier le rapport de ce dernier (pièce P-12A) ainsi que de ses annexes (pièce P-13) de rapport d’expertise, mais DÉCLARE que le témoignage de M. DesRochers est recevable en tant que témoin de fait et que la pièce P-12A et la pièce P-13 sont produites comme des documents factuels ;

[179]       SANS FRAIS vu le résultat mitigé; mais le Tribunal CONDAMNE Nahtac à payer à la Ville un montant de 44 600 $ à titre de frais d’expert.

 

 

__________________________________ AZIMUDDIN HUSSAIN, j.c.s.

 

 

Maître Jacques Renaud

LJT AVOCATS sencrl

Pour Nahtac Constructions inc.

 

Maître Anthoine Préfontaine

Maître Kevin Mikaelian

RACICOT CHANDONNET

Pour la Ville de Montréal

 

Dates d’audience :

 

Plaidoiries écrites :

11-14, 17-20 avril 2023

 

12 mai 2023, Plan d’argumentation de Nahtac Constructions inc. (56 pages)

 

9 juin 2023, Plaidoirie écrite de la Ville de Montréal (163 pages)

 

22 juin 2023, Réplique de Nahtac Constructions inc. (10 pages)

 

6 juillet 2023, Supplique de la Ville de Montréal (3 pages) 

 

 

 

 


[1]  Rapport de l’expert Eric Davies, pièce D-59 à la p 3-29.

[2]  On entend par ce qualificatif les projets ayant une valeur de 20 à 35 millions $.

[3]  Locution latine voulant dire que le commentaire est accessoire et non essentiel à la décision ultime, voir Hubert Reid et Simon Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 6e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2023, sub verbo « obiter dictum ».

[4]  Nahtac Constructions inc c Ville de Montréal, 2020 QCCS 144 au para 14.

[5]  Procès-verbal du 2 mars 2020 à la p 3 de 5 (reproduit textuellement).

[6]  White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co, 2015 CSC 23 au para 32.

[7]  Pièce D-2 à la p 26 de 49.

[8]  Ibid à la p 35 de 49.

[9]  Ibid à la p 39 de 49.

[10]  Ibid à la p 41 de 49.

[11]  Pièce P-5A à la p 2.

[12]  Pièce D-4 à la p 11 de 18.

[13]  Formule de soumission, pièce P-3 aux p 6 et 7; Rapport d’expertise d’Eric Davies, pièce D-59 aux p 3-10.

[14]  Banque de Montréal c Bail Ltée, [1992] 2 RCS 554 aux pp 586-87.

[15]  Hôpital Maisonneuve-Rosemont c Buesco Construction inc, 2016 QCCA 739 au para 170, citant Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Baudouin et Jobin : Les obligations, 7e éd, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2013 au para 314, à la p 413.

[16]  Jobin et Vézina, ibid.

[17]  Banque Laurentienne du Canada c MacKay, 2002 CanLII 41095 (QCCA) au para 34.

[18]  Coffrage Alliance ltée c Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 3782 au para 108, conf par 2020 QCCA 1383.

[19]  Demande introductive d’instance re-modifiée au para 50(b).

[20]  Pour une application de cet article en contexte du droit de la construction et des clauses de pénalité pour retard, quoiqu’avec une trame factuelle différente, voir ITE Construction inc c Ville de Québec, 2019 QCCS 3788 au para 148, conf par 2021 QCCA 1628 aux para 35-38 sur ce point.

[21]  Voir Latreille c Industrielle Alliance (L’), compagnie d’assurance sur la vie, 2009 QCCA 1575 aux para 22, 28-30, 35-37 ; Hydro-Québec c Canmec Industriel inc, 2014 QCCA 919 au para 52, citant Neilson-EBC (7) c Hydro-Québec, 2013 QCCS 1302 aux para 10-22, pour l’analyse de la Cour d’appel des critères applicables afin de déterminer le caractère abusif d’une clause.

[22]  Beaulne c Valeurs mobilières Desjardins inc, 2013 QCCA 1082 aux para 23-24.

[23]  Excavations H St-Pierre inc c Municipalité de Saint-Pierre-de-Broughton, 2019 QCCA 864 au para 9.

[24]  Article 1479 CcQ : « La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter. »

[25]  Plaidoirie écrite de la défenderesse / demanderesse reconventionnelle Ville de Montréal au para 147.

[26]  Demande introductive d’instance re-modifiée au para 46.

[27]  Pièce D-47 à la p 9—détail A, à la p 10—détails D et H, à la p 12.

[28]  Pièce P-43.

[29]  Article 2107 CcQ (augmentation de prix), article 2109 CcQ (prix forfaitaire).

[30]  Voir Plaidoirie écrite de la défenderesse / demanderesse reconventionnelle Ville de Montréal aux para 872-873.

[31]  Ibid au para 874.

[32]  Pièce P-13 à la p 136.

[33]  Pièce P-42 à la p 13, art 4.1.

[34]  Plan d’argumentation de la demanderesse et défenderesse reconventionnelle au para 152(b).

[35]  Plaidoirie écrite de la défenderesse / demanderesse reconventionnelle Ville de Montréal au para 890.

[36]  Plan d’argumentation de la demanderesse et défenderesse reconventionnelle au para 152(d).

[37]  Pièce D-40 à la p 9, détail C.

[38]  Plaidoirie écrite de la défenderesse / demanderesse reconventionnelle Ville de Montréal au para 942.

[39]  En revanche, cette réclamation se trouve, de façon plus cohérente, dans la section « Les coûts et dommages pour prolongation du chantier » du Plan d’argumentation de la demanderesse et défenderesse reconventionnelle à la p 41, au lieu de la section sur les avis GNAH de ce dernier, à la p 34.

[40]  Dawcolectric inc c Hydro-Québec, 2014 QCCA 948 au para 212.

[41]  Ibid au para 218.

[42]  Demande introductive d’instance re-modifiée au para 50(f).

[43]  Plan d’argumentation de la demanderesse et défenderesse reconventionnelle aux para 247-248.

[44]  ITE Construction, supra note 20 aux para 149-153.

[45]  Par conséquent, le Tribunal n’aborde pas la demande de la Ville de rejeter la pièce P-11A pour cause d’irrecevabilité. La pièce étant une lettre de la part de la Ville adressée à Nahtac, mais envoyée aussi à la caution à titre d’avis, demeure sans objet au plan de la preuve puisque Nahtac n’y fait pas référence à l’appui de sa réclamation de dommages-intérêts pour troubles et inconvénients.

[46]  Pièce D-22.

[47]  Plaidoirie écrite de la défenderesse / demanderesse reconventionnelle Ville de Montréal aux para 1052-1078.

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