Décision

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Goldwater c. Procureur général du Québec

2025 QCCS 2057

COUR SUPÉRIEURE
(Chambre civile)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

Montréal

 

No :

50017134311-250

 

 

 

DATE :

25 juin 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ANDRES C. GARIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

ANNEFRANCE GOLDWATER

Demanderesse

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

Défendeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Mis en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

INTRODUCTION

  1.                 La Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec est notre tribunal de droit commun de compĂ©tence inhĂ©rente et rĂ©siduelle. Elle a compĂ©tence en première instance pour entendre toute demande qui n’est pas formellement et exclusivement attribuĂ©e par la loi Ă  un autre juridiction ou organisme juridictionnel[1]. Son existence, sa compĂ©tence et l’indĂ©pendance des juges qui y siègent sont protĂ©gĂ©es par les articles 96 Ă  100 de la Loi constitutionnelle de 1867. Elle est première gardienne de la primautĂ© du droit et de la Constitution.
  2.                 Les juges de la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec sont nommĂ©s par le gouvernement du Canada[2]. Ils sont choisis parmi les membres du Barreau du QuĂ©bec[3], c’est-Ă -dire parmi des juristes formĂ©s en droit civil quĂ©bĂ©cois et ayant exercĂ© comme avocat ou avocate dans cette province pendant de nombreuses annĂ©es[4]. Leur rĂ©munĂ©ration est fixĂ©e par une loi du Parlement fĂ©dĂ©ral et elle est versĂ©e par le gouvernement du Canada[5].
  3.                 L’administration de la justice au QuĂ©bec est Ă©galement assurĂ©e par d’autres instances judiciaires. La Cour du QuĂ©bec est l’une des plus importantes d’entre elles. Cour statutaire, dont la juridiction est nĂ©cessairement Ă©tablie par la loi, elle jouit d’une vaste compĂ©tence, notamment en matière civile[6], pĂ©nale et criminelle.
  4.                 Les juges de la Cour du QuĂ©bec sont nommĂ©s par le gouvernement quĂ©bĂ©cois, qui assure leur rĂ©munĂ©ration. L’indĂ©pendance des juges de la Cour du QuĂ©bec est Ă©galement protĂ©gĂ©e par la Constitution canadienne[7].
  5.                 Le droit familial est le domaine du droit qui rĂ©git les relations les plus importantes et fondamentales qu’une personne puisse avoir : avec ses parents, avec ses enfants, avec son conjoint ou sa conjointe.
  6.                 Ă€ prĂ©sent, les diffĂ©rends en matière de droit familial sont gĂ©nĂ©ralement entendus par la Cour supĂ©rieure en première instance. Cette cour tranche les demandes en divorce, en sĂ©paration de corps et en dissolution d’union civile, ainsi que l’ensemble des mesures accessoires qui en dĂ©coulent. De façon non exhaustive, cellesci comprennent les diffĂ©rends portant sur la garde des enfants, les demandes de pension alimentaire pour enfants et entre Ă©poux, les demandes d’utilisation de la rĂ©sidence familiale, les diffĂ©rends concernant l’exercice de l’autoritĂ© parentale, les demandes de partage du patrimoine familial et de dissolution de la sociĂ©tĂ© d’acquĂŞts, ainsi que les demandes de prestation compensatoire.
  7.                 La Cour supĂ©rieure entend Ă©galement les diffĂ©rends entre conjoints de fait. Ceuxci peuvent notamment concerner la garde de leurs enfants, la pension alimentaire pour enfants, l’exercice de l’autoritĂ© parentale, ainsi que des demandes d’enrichissement sans cause. Les questions de filiation relèvent Ă©galement de la compĂ©tence de la Cour supĂ©rieure.
  8.                 Par la force des choses, une vaste expertise individuelle et institutionnelle s’est dĂ©veloppĂ©e au sein de la Cour supĂ©rieure en matière de droit familial.
  9.                 En date des prĂ©sentes, la Cour du QuĂ©bec intervient Ă©galement, mais de manière limitĂ©e, en matière de droit de la famille[8]. Elle a compĂ©tence exclusive en matière d’adoption[9]. En outre, elle a compĂ©tence exclusive en matière de protection de la jeunesse[10]. Ainsi, les demandes fondĂ©es sur la Loi sur la protection de la jeunesse — c’estĂ dire lorsque la sĂ©curitĂ© ou le dĂ©veloppement d’un enfant est ou peut ĂŞtre considĂ©rĂ© comme compromis — sont entendues en première instance par la Chambre de la jeunesse de la Cour du QuĂ©bec[11].
  10.            Le 10 avril 2025, l’AssemblĂ©e nationale adopte la Loi instaurant le Tribunal unifiĂ© de la famille au sein de la Cour du QuĂ©bec (Loi instaurant le TUF)[12]. Comme l’indique son titre, cette loi vise Ă  crĂ©er un nouveau tribunal dit « unifiĂ© » de la famille. Ce Tribunal unifiĂ© de la famille (TUF) est instaurĂ© au sein de la Cour du QuĂ©bec. Outre la compĂ©tence actuelle de la Cour du QuĂ©bec en matière d’adoption et de protection de la jeunesse, la Loi instaurant le TUF attribue au TUF une compĂ©tence exclusive en trois matières :
  1. Les demandes en matière de filiation d’un enfant issu d’une grossesse pour autrui ;
  2. Les demandes relatives Ă  l’union civile et les questions accessoires Ă  cellesci ;
  3. Les demandes relatives Ă  l’union parentale et les questions accessoires Ă  cellesci.
  1.            La demanderesse, MaĂ®tre AnneFrance Goldwater, est une avocate de grande expĂ©rience spĂ©cialisĂ©e dans le domaine du droit familial. Elle ne s’oppose pas Ă  l’idĂ©e d’un tribunal unifiĂ© de la famille Ă  condition qu’il soit vĂ©ritablement unifiĂ© et respecte les exigences constitutionnelles pertinentes. Ă€ son avis, cellesci dictent qu’un tel tribunal unifiĂ© doit ĂŞtre Ă©tabli, le cas Ă©chĂ©ant, au sein de la Cour supĂ©rieure – comme cela s’est fait dans certaines autres provinces.
  2.            Selon MaĂ®tre Goldwater, un tribunal unifiĂ© de la famille ne peut ĂŞtre validement mis en place au sein de la Cour du QuĂ©bec. Elle perçoit de nombreuses difficultĂ©s pratiques importantes dans l’approche du lĂ©gislateur quĂ©bĂ©cois. Surtout, MaĂ®tre Goldwater considère que la Loi instaurant le TUF est inconstitutionnelle. Elle y voit notamment une atteinte Ă  la compĂ©tence de la Cour supĂ©rieure protĂ©gĂ©e par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.
  3.            Ainsi, le 2 juin 2025, MaĂ®tre Goldwater dĂ©pose, en son propre nom, une Demande introductive d’instance par laquelle elle sollicite un jugement dĂ©clarant la Loi instaurant le TUF invalide et inopĂ©rante. Puisque plusieurs dispositions de cette loi entreront en vigueur le 30 juin 2025, elle dĂ©pose Ă©galement une Demande en sursis afin de rechercher la suspension de la Loi instaurant le TUF pendant l’instance.
  4.            Le Tribunal, Ă  qui la gestion particulière de l’instance a Ă©tĂ© confiĂ©e, est saisi de la Demande en sursis, laquelle est contestĂ©e par le Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec.
  5.            MalgrĂ© le caractère sĂ©rieux des questions juridiques soulevĂ©es par MaĂ®tre Goldwater, au terme d’une analyse du critère rĂ©gissant le pouvoir de surseoir Ă  l’application d’une loi pendant sa contestation, le Tribunal en vient Ă  la conclusion qu’il ne s’agit pas d’un cas manifeste oĂą ce redressement exceptionnel peut ĂŞtre prononcĂ©. Voici pourquoi.

ANALYSE

1.                 La Demande de sursis : Les principes applicables

  1.            Dans notre dĂ©mocratie constitutionnelle, il revient au lĂ©gislateur d’Ă©laborer et d’adopter des lois dans la poursuite du bien commun. En revanche, les tribunaux se sont vus confier la tâche de contrĂ´ler la validitĂ© constitutionnelle des lois adoptĂ©es par le lĂ©gislateur. Ă€ ce titre, une loi dont la constitutionnalitĂ© est contestĂ©e en justice demeure en principe applicable tant qu’elle n’est pas dĂ©clarĂ©e invalide ou inopĂ©rante aux termes de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, et ce, par un jugement dĂ©finitif.
  2.            Cependant, de façon exceptionnelle et dans des cas manifestes, la Cour supĂ©rieure peut surseoir Ă  l’application d’une loi alors que sa contestation chemine devant les tribunaux. Pour obtenir un sursis et faire suspendre temporairement l’application d’une loi, la partie demanderesse doit satisfaire au mĂŞme critère Ă  trois volets qui rĂ©git l’injonction interlocutoire. Elle doit donc Ă©tablir[13] :
  1. l’existence d’une apparence de droit, Ă  savoir une question sĂ©rieuse Ă  juger ;
  2. un prĂ©judice irrĂ©parable en cas de refus de prononcer le sursis ;
  3. que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de la suspension recherchée.
  1.            Le fardeau de la preuve quant Ă  chaque Ă©lĂ©ment repose sur la partie demanderesse. Dans l’arrĂŞt rĂ©cent GaspĂ© Énergies, la Cour d’appel explique que l’analyse des critères doit se faire de façon globale et non en vase clos[14] :

[98]  Ces critères doivent ĂŞtre apprĂ©ciĂ©s de manière globale, les uns par rapport aux autres, tels des vases communicants, et non de manière sĂ©parĂ©e. Plus le droit est clair, moins le juge doit se questionner sur les inconvĂ©nients dĂ©coulant de la suspension. Inversement, Â« [m]oins l’apparence de droit s’avère forte, plus la nĂ©cessitĂ© de l’examen attentif du caractère irrĂ©parable du prĂ©judice s’impose, comme celle, Ă©ventuellement, du poids des inconvĂ©nients Â». Dans l’examen des critères, le tribunal doit se prononcer sur la lĂ©galitĂ© de la loi contestĂ©e, et non sur son opportunitĂ© ou son efficacitĂ©.

  1.            Il importe Ă  ce stade de souligner le caractère exceptionnel d’un jugement suspendant l’application d’une loi dont la validitĂ© n’a pas encore fait l’objet d’un jugement dĂ©finitif. En effet, la règle procĂ©durale que l’on dĂ©nomme la « prĂ©somption de constitutionnalitĂ© » impose Ă  la partie demanderesse le fardeau de prouver l’inconstitutionnalitĂ© de la loi qu’elle conteste[15]. Ainsi, sauf exception, ce n’est qu’au terme d’une audition au mĂ©rite que la question de la validitĂ© d’une loi peut ĂŞtre dĂ©cidĂ©e[16]. Comme l’explique la Cour d’appel dans l’arrĂŞt D’Amico[17] :

[28]  Il y a lieu de noter que dans le cadre de la procĂ©dure en injonction provisoire, la lĂ©gislation provinciale attaquĂ©e bĂ©nĂ©ficie de ce qui est communĂ©ment mais erronĂ©ment dĂ©signĂ©e comme la prĂ©somption de validitĂ© constitutionnelle. Cette prĂ©somption est en fait une règle de procĂ©dure selon laquelle le fardeau d’Ă©tablir qu’une loi va Ă  l’encontre de la Constitution incombe Ă  ceux qui la contestent. Par dĂ©finition, cette règle vise essentiellement le fond du litige. Il est donc rare que la constitutionnalitĂ© d’une loi puisse se rĂ©gler au stade d’une procĂ©dure provisoire ou interlocutoire, et les tribunaux n’ordonneront pas Ă  la lĂ©gère qu’une loi que le Parlement ou une lĂ©gislature provinciale a dĂ»ment adoptĂ©e pour le bien public soit inopĂ©rante avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet.

  1.            Ă€ ce stade, le Tribunal doit donc se garder de rendre un jugement qui tranche le mĂ©rite de la contestation et plutĂ´t tenir pour acquis que la loi contestĂ©e sert un objectif d’intĂ©rĂŞt public valable[18]. Ces principes bien Ă©tablis limitent les sursis suspendant l’application d’une loi Ă  des cas manifestes[19]. Comme l’explique le juge Mainville dans l’affaire A.B.[20] :

[33]   […] [L]es tribunaux n’ordonneront pas Ă  la lĂ©gère qu’une disposition lĂ©gislative ou rĂ©glementaire dĂ»ment adoptĂ©e soit rendue inopĂ©rante avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet, puisqu’elle est prĂ©sumĂ©e avoir Ă©tĂ© adoptĂ©e dans l’intĂ©rĂŞt public.

 

[34]   Ce n’est donc qu’exceptionnellement que les tribunaux suspendront les effets d’une loi, d’un règlement ou d’un dĂ©cret dans l’attente d’une dĂ©cision portant sur sa constitutionalitĂ©. Une telle suspension pourrait ĂŞtre envisagĂ©e, notamment, lorsque l’inconstitutionnalitĂ© allĂ©guĂ©e est Ă©vidente et qu’aucune justification ne puisse ĂŞtre raisonnablement envisagĂ©e, lorsque les effets de la lĂ©gislation auraient pour effet de crĂ©er une situation quasi irrĂ©versible sur les droits rĂ©clamĂ©s, comme c’Ă©tait le cas dans l’affaire Quebec English School Boards Association, ou encore lorsque l’effet sur les droits et libertĂ©s serait tel qu’il choquerait la conscience. D’autres cas de figure peuvent ĂŞtre envisagĂ©s, mais il n’est pas nĂ©cessaire d’en faire la nomenclature aux fins du prĂ©sent jugement. Il suffit de noter qu’il s’agit de cas rares oĂą des circonstances exceptionnelles permettent de conclure qu’une telle suspension s’impose.

 

[35]   Ainsi, de façon gĂ©nĂ©rale, au stade interlocutoire, les tribunaux doivent tenir pour acquis qu’une mesure lĂ©gislative ou rĂ©glementaire attaquĂ©e sur le plan constitutionnel sert un objectif d’intĂ©rĂŞt public valable et doivent, dans la mesure du possible, Ă©viter de se prononcer sur le fond du litige, Ă  moins que des circonstances exceptionnelles soient en jeu ou que la question soit limpide et claire et puisse se rĂ©soudre immĂ©diatement.

  1.            Avant de se plonger dans l’analyse de chacun des volets du critère rĂ©gissant la demande de sursis, il convient de faire un survol des Ă©lĂ©ments pertinents de la Loi instaurant le TUF, afin de mieux comprendre le nouveau tribunal qu’elle crĂ©e. Il convient Ă©galement de mentionner certaines critiques formulĂ©es Ă  l’encontre de cette loi et reprises par MaĂ®tre Goldwater.

2.                 La Loi instaurant le Tribunal unifiĂ© de la famille au sein de la Cour du QuĂ©bec et les Critiques formulĂ©es Ă  l’Ă©gard du TRibunal UnifiĂ© de la famille

2.1   Survol de la Loi instaurant le TUF

  1.            L’article 18 de la Loi instaurant le TUF ajoute un nouvel article 83.0.2 Ă  la Loi sur les tribunaux judiciaires. Cette disposition crĂ©e le TUF :

83.0.2. Est créé, au sein de la Cour du Québec, le Tribunal unifié de la famille.

 

Le Tribunal a compĂ©tence dans les matières civiles prĂ©vues Ă  l’article 37.2 du Code de procĂ©dure civile (chapitre C-25.01), dans les matières relatives Ă  la famille prĂ©vues au premier alinĂ©a de l’article 82.1 et dans les matières relatives Ă  la jeunesse prĂ©vues aux paragraphes 2° et 4° du premier alinĂ©a de l’article 83.

 

Peuvent siéger au Tribunal notamment les juges affectés à la chambre civile ainsi que ceux affectés à la chambre de la jeunesse.

  1.            On observe donc que le TUF fera partie de la Cour du QuĂ©bec et que les juges qui y siègeront seront ceux de cette cour affectĂ©s Ă  sa chambre civile et Ă  sa chambre de la jeunesse[21].
  2.            Pour ce qui est des matières relevant de la compĂ©tence du TUF, le 2e alinĂ©a de l’article 83.0.2 renvoie aux dispositions attributives de compĂ©tence du Code de procĂ©dure civile et de la Loi sur les tribunaux judiciaires ellemĂŞme.
  3.            Comme mentionnĂ©, on y compte d’abord des matières qui relèvent dĂ©jĂ  de la compĂ©tence exclusive en première instance de la Cour du QuĂ©bec, Ă  savoir la protection de la jeunesse conformĂ©ment Ă  la Loi sur la protection de la jeunesse[22] et l’adoption[23].
  4.            Le deuxième alinĂ©a de l’article 83.0.2 fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence aux nouveaux articles 82.1 de la Loi sur les tribunaux judiciaires et 37.2 C.p.c. Ces dispositions sont respectivement ajoutĂ©es Ă  la Loi sur les tribunaux judiciaires et au Code de procĂ©dure civile par les articles 3 et 18 de la Loi instaurant le TUF. Elles se lisent ainsi :

Loi sur les tribunaux judiciaires

 

82.1.  En matière familiale, la Cour a compĂ©tence dans les matières relatives Ă  la filiation d’un enfant issu d’un projet parental impliquant une grossesse pour autrui et celles relatives Ă  l’union civile ou Ă  l’union parentale, dans les limites prĂ©vues par le Code de procĂ©dure civile (chapitre C-25.01) ou par toute autre loi.

 

Cette compétence est exercée notamment par les juges affectés à la chambre de la jeunesse ainsi que par ceux affectés à la chambre civile et, sauf dans les cas prévus par la loi, elle est exclusive à la Cour.

 

Code de procĂ©dure civile :

 

37.2.  La Cour du QuĂ©bec connaĂ®t, Ă  l’exclusion de la Cour supĂ©rieure, des demandes relatives Ă  l’union civile ou Ă  l’union parentale concernant la garde d’un enfant, les aliments dus Ă  un enfant ou Ă  un conjoint, la dissolution de l’union civile, le partage du patrimoine familial ou d’union parentale et les autres droits patrimoniaux rĂ©sultant de l’union civile ou de la vie commune ainsi que la protection de la rĂ©sidence familiale.

 

Lorsque la Cour du QuĂ©bec est dĂ©jĂ  saisie d’une demande relative Ă  l’union civile ou Ă  l’union parentale, elle peut se prononcer sur les demandes qui y sont liĂ©es concernant l’Ă©mancipation, la tutelle lĂ©gale ou la tutelle supplĂ©tive.

 

La Cour du QuĂ©bec connaĂ®t Ă©galement, Ă  l’exclusion de la Cour supĂ©rieure, des demandes relatives Ă  l’autoritĂ© parentale prĂ©sentĂ©es par les parents et au changement de nom qui y sont liĂ©es ainsi que celles relatives aux aliments rĂ©clamĂ©s par un enfant majeur lorsque les père et mère ou les parents forment ou ont formĂ© une union civile ou une union parentale.

 

  1.            Mentionnons enfin le nouvel article 37.1 C.p.c. ajoutĂ© par l’article 3 de la Loi instaurant le TUF :

37.1.  La Cour du QuĂ©bec connaĂ®t, Ă  l’exclusion de la Cour supĂ©rieure, des demandes en matière de filiation d’un enfant issu d’un projet parental impliquant une grossesse pour autrui et de changement de nom qui y sont liĂ©es.

  1.            On observe que ces dispositions confient trois nouvelles compĂ©tences Ă  la Cour du QuĂ©bec, lesquelles seront exercĂ©es par le TUF.
  2.            La première concerne les demandes en matière de filiation d’un enfant issu d’une grossesse pour autrui. Ces questions sont rĂ©gies par les articles 541.1 et suivants du Code civil du QuĂ©bec (C.c.Q.), adoptĂ©s en 2023. Les demandes relatives aux autres formes de filiation — la filiation par la reconnaissance ou par le sang et la filiation d’un enfant issu d’un projet parental impliquant l’utilisation du matĂ©riel reproductif d’un tiers — demeurent de la compĂ©tence de la Cour supĂ©rieure. La compĂ©tence exclusive du TUF en matière de demandes concernant la filiation d’un enfant issu d’une grossesse pour autrui entrera en vigueur le 30 juin 2025[24].
  3.            La deuxième nouvelle compĂ©tence concerne les demandes en lien avec l’union civile. L’union civile existe en droit quĂ©bĂ©cois depuis 2002[25]. Il s’agit d’une institution juridique adoptĂ©e avant que le mariage entre personnes de mĂŞme sexe ne soit juridiquement reconnu. Les effets juridiques de l’union civile sont identiques Ă  ceux du mariage. Jusqu’Ă  prĂ©sent, les demandes en matière d’union civile relevaient de la compĂ©tence de la Cour supĂ©rieure. La compĂ©tence du TUF en cette matière entrera en vigueur Ă  une date fixĂ©e par dĂ©cret, mais au plus tard le 10 octobre 2025[26].
  4.            La troisième et dernière nouvelle compĂ©tence attribuĂ©e Ă  la Cour du QuĂ©bec par la Loi instaurant le TUF concerne les demandes en matière d’union parentale.
  5.            L’union parentale est une nouvelle institution juridique créée par la Loi portant rĂ©forme du droit de la famille et instituant le rĂ©gime de l’union parentale[27]. Elle Ă©tablit pour la première fois dans le droit quĂ©bĂ©cois des droits Ă©conomiques entre conjoints de fait.
  6.            Pour qu’une union parentale soit créée, les deux parties doivent[28] :
  1. ĂŞtre les parents d’un enfant commun nĂ© ou adoptĂ© Ă  compter du 30 juin 2025[29] ;
  2. ĂŞtre conjoints de fait ;
  3. ne pas ĂŞtre dĂ©jĂ  dans une autre union (mariage, union civile ou union parentale) ;
  4. ne pas ĂŞtre un ascendant, descendant, frère ou sœur.
  1.            L’union parentale emporte la crĂ©ation d’un patrimoine qui est partagĂ© Ă  la fin de l’union[30]. En outre, l’un des conjoints peut Ă©galement demander une prestation compensatoire Ă  l’autre Ă  l’issue de l’union parentale [31]. L’union parentale, de mĂŞme que la compĂ©tence du TUF en matière de demandes qui la concernent, entrent en vigueur le 30 juin 2025.
  2.            Les demandes entre conjoints de fait qui sont les parents d’enfants nĂ©s ou adoptĂ©s après le 30 juin 2025 relèveront donc de la compĂ©tence exclusive du TUF. Les demandes concernant les parents qui ne sont pas conjoints de fait, les conjoints de fait dont les enfants sont nĂ©s ou adoptĂ©s avant le 30 juin 2025 et les personnes mariĂ©es demeureront de la compĂ©tence de la Cour supĂ©rieure.
  3.            VoilĂ , dans ses grandes lignes, la compĂ©tence du TUF Ă©tablie aux termes de la Loi instaurant le TUF.
  4.            Outre sa compĂ©tence, deux aspects procĂ©duraux du TUF retiennent l’attention du juriste : la mĂ©diation obligatoire et le nouveau processus de conciliation et d’audience sommaire.
  5.            La mĂ©diation est un mode alternatif de rĂ©solution de diffĂ©rends dont la grande utilitĂ© pour les parties et pour l’administration de la justice ne saurait ĂŞtre remise en cause. Il s’agit normalement d’un processus auquel on participe de façon volontaire. Or, la Loi instaurant le TUF le rend obligatoire. Sauf exception, elle prĂ©voit qu’une affaire ne peut ĂŞtre instruite Ă  moins que les parties aient participĂ© Ă  une mĂ©diation auprès d’un mĂ©diateur accrĂ©ditĂ©[32]. Les parties peuvent y ĂŞtre exemptĂ©es pour des motifs sĂ©rieux, notamment en cas de violence familiale, conjugale ou sexuelle[33].
  6.            Pour ce qui est de la conciliation avec audition sommaire, il s’agit d’une nouvelle procĂ©dure[34]. Ce processus est volontaire et se tient Ă  la demande des parties[35]. Cellesci participent alors Ă  une sĂ©ance de conciliation Ă  huis clos, prĂ©sidĂ©e par un juge du TUF et dont le dĂ©roulement demeure confidentiel[36]. En cas de règlement du diffĂ©rend, l’entente peut ĂŞtre homologuĂ©e par le juge[37].
  7.            En revanche, si aucune entente n’intervient lors de la sĂ©ance de conciliation matinale, « le juge tient une audience sommaire en aprèsmidi et rend jugement »[38]. Le juge peut nĂ©anmoins dĂ©cider de ne pas tenir d’audience sommaire ou d’y mettre fin. Dans un tel cas, il peut poursuivre l’instruction de l’affaire[39].
  8.            Les dispositions de la Loi instaurant le TUF concernant la mĂ©diation et le processus de conciliation et d’audition sommaire entreront en vigueur Ă  une date fixĂ©e par dĂ©cret du gouvernement[40].
  9.            Comme nous le verrons, toutefois, les modifications apportĂ©es par la Loi instaurant le TUF ne font pas l’unanimitĂ©.

2.2   La question de l’opportunitĂ© de la Loi instaurant le TUF ne relève pas du pouvoir judiciaire

  1.            Ă€ l’audience, MaĂ®tre Goldwater a portĂ© Ă  l’attention du Tribunal plusieurs critiques prĂ©sentĂ©es Ă  la Commission des institutions de l’AssemblĂ©e nationale Ă  l’occasion de l’Ă©tude dĂ©taillĂ©e du projet de loi qui allait devenir de la Loi instaurant le TUF.
  2.            Cellesci mentionnent notamment que l’adjectif « unifiĂ© » dans le nom du TUF est inexact, puisqu’en rĂ©alitĂ©, la dĂ©marche du lĂ©gislateur quĂ©bĂ©cois fragmenterait davantage la compĂ©tence juridictionnelle en matière de droit de la famille. Voici ce que soutient l’Association des avocats et avocates en droit familial du QuĂ©bec dans son mĂ©moire prĂ©sentĂ© en commission parlementaire[41] :

Si l’Association est en faveur depuis longtemps de l’institution d’un tribunal unifiĂ©, elle ne peut donner son aval au projet de tribunal proposĂ© au prĂ©sent projet de loi.

 

Ainsi, contrairement Ă  ce que son nom indique, il ne s’agit nullement ici d’un tribunal unifiĂ©, mais bien d’un tribunal spĂ©cialisĂ© qui ne traiterait qu’une faible partie des dossiers en matière familiale, soit ceux des conjoints parentaux et des conjoints unis civilement. Tous les autres dossiers continueraient d’ĂŞtre traitĂ©s par la Cour supĂ©rieure.

 

Nous comprenons mal ce double corridor qui permettrait à deux tribunaux différents de rendre des ordonnances basées sur les mêmes lois :

- Garde d’enfant;

- Pension alimentaire pour enfants.

- Pension alimentaire pour ex-conjoint;

- Partage du régime matrimonial;

- Action en enrichissement sans cause;

- Prestation compensatoire.

- Tous les recours liés à la protection de la résidence familiale.

Selon le statut de leurs parents.

 

[…]

 

Ă€ cela s’ajoute que dans une perspective strictement financière, l’Association ne comprend pas pourquoi le gouvernement du QuĂ©bec injecterait de nouveaux fonds pour payer la rĂ©munĂ©ration de nouveaux juges de la Cour du QuĂ©bec alors que le fĂ©dĂ©ral assume le traitement des juges de la Cour supĂ©rieure.[42]

  1.            Dans un mĂ©moire dĂ©posĂ© en commission parlementaire, la professeure ValĂ©rie Costanzo signale Ă©galement le caractère fragmentĂ© plutĂ´t qu’unifiĂ© des compĂ©tences juridictionnelles en matière familiale occasionnĂ© par le projet de loi Ă  Ă©tude[43] :

La crĂ©ation d’une nouvelle chambre Ă  la Cour du QuĂ©bec constitue une fracture encore plus grande des matières familiales entre deux juridictions, en instaurant une nouvelle structure sans fusionner ou modifier les autres dĂ©jĂ  existantes. Il apparait ironique de nommer cette structure le « tribunal unifiĂ© de la famille », puisqu’il morcelle davantage le système judiciaire. […]

 

[…]

 

Ainsi, la structure proposĂ©e n’unifie pas les procĂ©dures qui concernent les matières familiales. Au contraire, elle morcelle davantage le système judiciaire en retirant de la Cour supĂ©rieure les litiges relatifs aux unions civiles, aux unions parentales (qui sont, en date des prĂ©sentes, des unions de fait avec enfants) et aux conventions de grossesse pour autrui. Dans sa forme actuelle, il serait plus judicieux de nommer cette structure la « Chambre des familles » Ă  la Cour du QuĂ©bec. […]

  1.            Les critiques invoquĂ©s par MaĂ®tre Goldwater traitent Ă©galement du nouveau processus de conciliation et d’audition sommaire, ainsi que de la mĂ©diation obligatoire. Pour ce qui est du premier, l’Association des avocats et avocates en droit familial du QuĂ©bec considère qu’il est inopportun et met en cause l’apparence d’impartialitĂ© des juges qui y participeront[44] :

Nous sommes en profond dĂ©saccord avec les ordonnances pouvant ĂŞtre rendues de façon sommaire par le juge qui aurait procĂ©dĂ© Ă  une sĂ©ance de conciliation, soit une forme de CRA, prĂ©sentĂ©e sous un vocable diffĂ©rent. Il est faux de croire que le juge pourra Ă©carter ce qui a Ă©tĂ© dit lors de la conciliation et qui ne serait pas recevable en preuve. Et mĂŞme s’il en Ă©tait capable, ce n’est pas l’impression qu’en auront les parties.

  1.            La professeure Costanzo partage cet avis[45] :

La responsabilitĂ© d’un mĂŞme juge de tenir en matinĂ©e une sĂ©ance de conciliation et, en cas d’Ă©chec, une audience sommaire soulève des enjeux importants en termes d’Ă©thique et de dĂ©ontologie. En effet, il semble irrĂ©aliste qu’un mĂŞme juge puisse prĂ©sider Ă  la fois une sĂ©ance de conciliation le matin, oĂą des informations confidentielles et des propositions seront partagĂ©es dans l’objectif de favoriser un règlement, puis, en cas d’Ă©chec, prĂ©sider une audience sommaire. En effet, le juge aurait connaissance des nĂ©gociations confidentielles et des offres faites. Selon les pratiques Ă©thiques de la magistrature, un tel juge devrait se rĂ©cuser, car il passerait d’un rĂ´le de conciliateur Ă  un rĂ´le d’arbitre.

  1.            En ce qui concerne la mĂ©diation obligatoire, d’aucuns craignent que les victimes de violence se voient contraintes de se manifester pour obtenir une exemption. De plus, l’obligation de participer Ă  une telle mĂ©diation est problĂ©matique en prĂ©sence de contrĂ´le coercitif ou d’inĂ©galitĂ©s de moyens[46].
  2.            Ă€ tort ou Ă  raison, le lĂ©gislateur n’a pas retenu ces critiques et la Loi instaurant le TUF est adoptĂ©e par l’AssemblĂ©e nationale le 10 avril 2025.
  3.            Aussi intĂ©ressantes ou sĂ©rieuses qu’elles soient, les critiques portant sur la sagesse de la Loi instaurant le TUF, ou de certaines de ses dispositions, ne sont pas pertinentes en ce qui a trait Ă  la tâche qui revient au Tribunal.
  4.            Il en est ainsi, car son rĂ´le Ă  ce stade consiste Ă  appliquer le cadre juridique qui rĂ©git les demandes de sursis Ă  la Loi instaurant le TUF. Au mĂ©rite, son rĂ´le sera de juger de la conformitĂ© de cette lĂ©gislation avec la Constitution. Dans les deux cas, le Tribunal doit limiter son analyse Ă  la lĂ©galitĂ© de la loi, car il ne peut se prononcer sur son opportunitĂ© politique ou son efficacitĂ©[47].
  5.            Dans la mesure oĂą la Loi instaurant le TUF respecte la Constitution, mais reprĂ©sente une organisation malavisĂ©e des compĂ©tences juridictionnelles en matière de droit familial ou encore une mauvaise utilisation des fonds publics, le redressement ne se retrouve pas entre les mains du pouvoir judiciaire, mais bien entre celles des citoyens et citoyennes au moment oĂą ils se prĂ©senteront aux urnes.
  6.            En d’autres termes, la sagesse des mesures adoptĂ©es par le lĂ©gislateur Ă©chappe au contrĂ´le judiciaire et l’opinion personnelle du juge Ă  ce sujet est sans importance, ni Ă  ce stade ni au mĂ©rite.
  7.            Abordons Ă  prĂ©sent l’application du cadre juridique pertinent Ă  la demande de MaĂ®tre Goldwater visant Ă  obtenir la suspension pendant l’instance de la Loi instaurant le TUF.

3.                 L’Apparence de Droit : le Recours de la Demanderesse soulève une question sĂ©rieuse

  1.            Le critère de l’apparence de droit ne reprĂ©sente pas typiquement un obstacle difficile Ă  franchir. Il suffit d’Ă©tablir que la demande soulève une question sĂ©rieuse, c’est-Ă -dire qu’elle n’est ni futile ni vexatoire, et ce, au terme d’une analyse prĂ©liminaire du dossier[48].
  2.            MaĂ®tre Goldwater soulève plusieurs moyens au soutien de sa contestation de la validitĂ© de la Loi instaurant le TUF. Elle soutient notamment que :
  1. En confiant Ă  la Cour du QuĂ©bec une compĂ©tence exclusive Ă  l’Ă©gard de certains diffĂ©rends en matière de droit familial, la Loi instaurant le TUF porte atteinte Ă  la compĂ©tence de la Cour supĂ©rieure protĂ©gĂ©e par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 ;
  2. Le processus de conciliation et d’audition sommaire est incompatible avec les fonctions judiciaires et porte ainsi atteinte Ă  l’indĂ©pendance judiciaire ;
  3. La mĂ©diation obligatoire et la fragmentation de la compĂ©tence juridictionnelle qui rĂ©sulte de la crĂ©ation du TUF constituent des obstacles Ă  l’accès Ă  la justice ;
  4. La Loi instaurant le TUF opère des distinctions discriminatoires entre les couples mariĂ©s et les conjoints de fait, portant ainsi atteinte au droit Ă  l’Ă©galitĂ© garanti par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s (Charte canadienne). En outre, la mĂ©diation obligatoire impose un dĂ©savantage particulier aux femmes victimes de violence conjugale et constitue une discrimination fondĂ©e sur le sexe ;
  5. En crĂ©ant un système parallèle pour une partie du contentieux familial, la Loi instaurant le TUF rompt l’unitĂ© du système judiciaire et Ă©branle la primautĂ© du droit.
  1.            Le PGQ reconnaĂ®t que la contestation de MaĂ®tre Goldwater soulève des questions sĂ©rieuses. Il a raison ; c’est assurĂ©ment le cas.
  2.            MaĂ®tre Goldwater soutient que l’inconstitutionnalitĂ© de la Loi instaurant le TUF est manifeste et que son apparence de droit est donc claire. Elle ajoute que la clartĂ© de son apparence de droit pèse lourdement dans l’apprĂ©ciation des critères pour l’octroi d’un sursis, de sorte qu’il s’agit d’un cas exceptionnel, mais manifeste, oĂą la suspension de l’application d’une loi doit ĂŞtre prononcĂ©e.
  3.            MalgrĂ© le sĂ©rieux des arguments de MaĂ®tre Goldwater, le Tribunal ne considère pas qu’il s’agisse d’un cas d’inconstitutionnalitĂ© manifeste. Voici pourquoi.
  4.            MaĂ®tre Goldwater reconnaĂ®t que ses arguments fondĂ©s sur l’article 15 de la Charte canadienne, selon lesquels la Loi instaurant le TUF serait discriminatoire, exigent une preuve et une audition au mĂ©rite avant que l’on puisse statuer sur leur bien-fondĂ©. Elle plaide que la situation serait diffĂ©rente pour ce qui est de son moyen fondĂ© sur la compĂ©tence de la Cour supĂ©rieure protĂ©gĂ©e par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867[49].
  5.            Ă€ ce titre, elle soutient que le ministre de la Justice et Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec aurait admis la fragilitĂ© constitutionnelle de la Loi instaurant le TUF. En outre, elle plaide que la validitĂ© de cette loi aux termes de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 soulève une pure question de droit. Selon MaĂ®tre Goldwater, la rĂ©ponse Ă  cette question est manifeste, car la loi contestĂ©e prive la Cour supĂ©rieure d’une partie de sa compĂ©tence fondamentale en droit de la famille.
  6.            En ce qui a trait Ă  la reconnaissance par le ministre de la Justice de l’enjeu constitutionnel, MaĂ®tre Goldwater souligne que la question avait Ă©tĂ© soulevĂ©e en commission parlementaire[50]. De plus, cet enjeu avait Ă©tĂ© mentionnĂ© par le ministre luimĂŞme lors d’une confĂ©rence de presse[51], ainsi qu’en commission parlementaire[52].
  7.            Or, les dĂ©clarations du ministre de la Justice, dans lesquelles il mentionne des « enjeux » constitutionnels et des « raisons constitutionnelles », ne constituent pas, sans plus, une admission de l’invaliditĂ© constitutionnelle de la Loi instaurant le TUF[53].
  8.            Ă€ ce stade prĂ©liminaire, le Tribunal y voit surtout une reconnaissance que cette loi s’inscrit dans un contexte constitutionnel oĂą les compĂ©tences respectives de la province et du Parlement fĂ©dĂ©ral imposent des limites aux pouvoirs de chaque palier gouvernemental. On ne peut voir dans les dĂ©clarations du ministre une reconnaissance claire que ces limites seraient outrepassĂ©es par la Loi instaurant le TUF.
  9.            Qu’en estil maintenant de l’argument voulant que l’inconstitutionnalitĂ© de la Loi instaurant le TUF soit manifeste, puisqu’elle prive la Cour supĂ©rieure d’une portion de sa compĂ©tence fondamentale ? Ă€ vrai dire, comme pour presque toute question constitutionnelle, une Ă©tude complète de la constitutionnalitĂ© de cette loi constitue un exercice complexe et difficile.
  10.            Selon le paragraphe 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867, les provinces ont compĂ©tence lĂ©gislative en matière d’administration de la justice dans la province. En revanche, aux termes des articles 96 Ă  100, c’est le gouvernement fĂ©dĂ©ral qui nomme et doit rĂ©munĂ©rer les juges des cours supĂ©rieures. La jurisprudence explique que ces dispositions reflètent un compromis entre les aspirations nationales et provinciales de la fĂ©dĂ©ration et crĂ©ent ainsi un Ă©quilibre entre les deux niveaux de gouvernement en ce qui concerne l’administration de la justice.
  11.            Le texte de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne traite explicitement que du pouvoir de nomination des juges des cours supĂ©rieures, de district et de comtĂ© de chaque province, pouvoir qui est confiĂ© au Gouverneur gĂ©nĂ©ral. Toutefois, cette disposition est interprĂ©tĂ©e comme garantissant un noyau de compĂ©tence aux cours supĂ©rieures[54].
  12.            Dans le Renvoi sur la location rĂ©sidentielle, le juge Dickson (Ă  l’Ă©poque juge puĂ®nĂ© de la Cour suprĂŞme) explique ainsi la limite au pouvoir provincial de crĂ©er des tribunaux qui dĂ©coule implicitement de l’article 96 de la loi constitutionnelle de 1867[55] :

[…] Le paragraphe 92(14) et les art. 96 Ă  100 reprĂ©sentent un des compromis importants des Pères de la ConfĂ©dĂ©ration. Il est clair qu’on dĂ©truirait l’objectif visĂ© par ce compromis et l’effet qu’on voulait donner Ă  l’art. 96 si une province pouvait adopter une loi crĂ©ant un tribunal, nommer ses juges et lui attribuer la compĂ©tence des cours supĂ©rieures. Ce qu’on concevait comme un fondement constitutionnel solide de l’unitĂ© nationale, au moyen d’un système judiciaire unitaire, serait gravement sapĂ© Ă  sa base. On est donc venu Ă  considĂ©rer que l’art. 96 restreint la compĂ©tence des provinces de nommer les juges d’un tribunal qui exerce les pouvoirs judiciaires prĂ©vus Ă  l’art. 96 et, par consĂ©quent, qu’il restreint implicitement la compĂ©tence des provinces de confĂ©rer ces pouvoirs Ă  un tribunal provincial.

[Les soulignements sont ajoutés.]

  1.            Ă€ ce chapitre, la Cour suprĂŞme du Canada a dĂ©veloppĂ© deux tests permettant de dĂ©terminer si l’attribution par une province d’une compĂ©tence juridictionnelle Ă  un tribunal qui n’est pas visĂ© par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 contrevient Ă  cette disposition. Le premier vise Ă  protĂ©ger la compĂ©tence historique des cours supĂ©rieures. Le deuxième vise Ă  protĂ©ger leur compĂ©tence fondamentale.
  2.            Le critère de la compĂ©tence historique, dĂ©nommĂ© « test du Renvoi sur la location rĂ©sidentielle Â», comporte trois volets. Il se rĂ©sume ainsi[56] :
  • Qualification de l’attribution de compĂ©tence : Pour dĂ©terminer si l’attribution d’une compĂ©tence est constitutionnellement invalide, il faut d’abord bien qualifier la compĂ©tence transfĂ©rĂ©e.

 

  • Trois volets :

 

(1) Le domaine de compĂ©tence transfĂ©rĂ© correspond-il Ă  un domaine de compĂ©tence dont l’exercice Ă©tait, au moment de la ConfĂ©dĂ©ration, dominĂ© par les cours supĂ©rieures, de district ou de comtĂ©?

 

 (2) Le cas Ă©chĂ©ant, ce domaine de compĂ©tence Ă©tait-il exercĂ© dans le cadre d’une fonction judiciaire?

 

(3) Si la rĂ©ponse aux deux questions prĂ©cĂ©dentes est oui, ce domaine de compĂ©tence est-il complĂ©mentaire ou accessoire Ă  une fonction administrative ou nĂ©cessairement insĂ©parable de la rĂ©alisation des objectifs plus larges de la lĂ©gislature?

  1.            Comme on peut l’observer, le test du Renvoi sur la location rĂ©sidentielle exige notamment un examen historique de la compĂ©tence exercĂ©e par les cours supĂ©rieures et les cours infĂ©rieures en 1867, et ce, dans chacune des trois colonies fondatrices[57]. Une preuve historique paraĂ®t nĂ©cessaire pour cet examen. MaĂ®tre Goldwater a dĂ©posĂ© un rapport de 1975 prĂ©parĂ© par l’Office de rĂ©forme du Code civil, qui expose sommairement les diverses instances qui existaient au QuĂ©bec et en Ontario en 1867[58].
  2.            Or, le Tribunal ne peut conclure qu’il est « manifeste » que la Loi instaurant le TUF est invalide en application du critère du Renvoi sur la location rĂ©sidentielle, avant mĂŞme que les parties puissent administrer une preuve historique complète.
  3.            Pour ce qui est du critère de la compĂ©tence fondamentale, il vise Ă  rĂ©pondre Ă  la question suivante[59] :

[…] [L]’attribution de la compĂ©tence affaiblit-elle la cour supĂ©rieure de juridiction gĂ©nĂ©rale de façon Ă  changer sa nature essentielle ou Ă  l’empĂŞcher de jouer le rĂ´le qui lui incombe en vertu de l’art. 96? Si la disposition attributive de compĂ©tence transforme la cour provinciale en une cour parallèle prohibĂ©e par la Constitution, une rĂ©ponse positive s’impose.

  1.            Dans le Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c., les juges CĂ´tĂ© et Martin, au nom de la majoritĂ© de la Cour suprĂŞme, identifient six facteurs non exhaustifs qui sont utiles lorsqu’il s’agit de dĂ©terminer si le lĂ©gislateur provincial a attribuĂ© Ă  une cour de nomination provinciale une vaste compĂ©tence ayant pour effet de crĂ©er une cour parallèle prohibĂ©e par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867[60] :
  1. l’Ă©tendue de la compĂ©tence attribuĂ©e ;
  2. le caractère exclusif ou concurrent de cette attribution ;
  3. les limites pĂ©cuniaires auxquelles elle est assujettie ;
  4. l’existence de mĂ©canismes d’appel Ă  l’encontre des dĂ©cisions rendues dans l’exercice de cette compĂ©tence ;
  5. l’impact sur le volume de dossiers de la cour supĂ©rieure de juridiction gĂ©nĂ©rale ;
  6. la poursuite d’un objectif social important.
  1.            Si les quatre premiers facteurs ne semblent pas requĂ©rir l’administration d’une preuve, il pourrait en ĂŞtre autrement pour les deux derniers.
  2.            Certes, le Tribunal peut prendre connaissance judiciaire du fait que la Cour supĂ©rieure entend un volume important de diffĂ©rends en droit familial entre des conjoints de fait. La logique permet Ă©galement d’observer que ce volume de dossiers se trouvera sensiblement diminuĂ© avec le temps en raison de la compĂ©tence exclusive du TUF en matière d’union parentale. Cela dit, il pourrait ĂŞtre pertinent de bĂ©nĂ©ficier d’une preuve plus prĂ©cise sur cette question.
  3.            Bien que le fardeau de la preuve au mĂ©rite incombera Ă  MaĂ®tre Goldwater, le Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec est en droit de dĂ©fendre la validitĂ© de la Loi instaurant le TUF. Ă€ ce titre, il doit pouvoir bĂ©nĂ©ficier de l’opportunitĂ© d’administrer une preuve quant Ă  l’impact prĂ©cis de cette loi sur le volume de causes entendues par la Cour supĂ©rieure, ainsi que sur l’objectif social important poursuivi par le lĂ©gislateur, le cas Ă©chĂ©ant.
  4.            De surcroĂ®t, le critère de la compĂ©tence fondamentale exige une argumentation juridique Ă©laborĂ©e de mĂŞme qu’une analyse nuancĂ©e des facteurs pertinents. Ă€ ce stade, le Tribunal ne dispose pas d’une telle argumentation complète nĂ©cessaire pour l’analyse qui s’impose.
  5.            En somme, les divers moyens soulevĂ©s par MaĂ®tre Goldwater — s’ils soulèvent certainement des questions sĂ©rieuses justifiant un examen soutenu au mĂ©rite — ne permettent pas de conclure Ă  l’inconstitutionnalitĂ© manifeste de la Loi instaurant le TUF.
  6.            Or, mĂŞme si l’inconstitutionnalitĂ© de la loi contestĂ©e n’est pas manifeste, en soulevant des questions sĂ©rieuses, MaĂ®tre Goldwater franchit la première Ă©tape du critère pour prononcer un sursis, soit l’apparence de droit. Qu’en estil des deux autres volets du critère applicable, Ă  savoir le prĂ©judice irrĂ©parable et la prĂ©pondĂ©rance des inconvĂ©nients ?

4.                 Le prĂ©judice irrĂ©parable

  1.            La notion de prĂ©judice irrĂ©parable concerne la nature du prĂ©judice et non son Ă©tendue[61]. Il s’agit d’un prĂ©judice qui ne peut ĂŞtre compensĂ© par l’octroi de dommagesintĂ©rĂŞts, ou qui peut difficilement l’ĂŞtre, si le sursis est refusĂ©, mais que la partie demanderesse obtient gain de cause au mĂ©rite[62].
  2.            L’existence d’un tel prĂ©judice ne peut ĂŞtre fondĂ©e sur un raisonnement basĂ© sur des hypothèses ou de la spĂ©culation. La probabilitĂ© rĂ©elle qu’un prĂ©judice irrĂ©parable survienne doit plutĂ´t ĂŞtre Ă©tablie par des Ă©lĂ©ments de preuve prĂ©cis et dĂ©taillĂ©s[63].
  3.            Le prĂ©judice invoquĂ© par MaĂ®tre Goldwater est celui des justiciables quĂ©bĂ©cois qui, Ă  compter de l’entrĂ©e en vigueur des dispositions de la Loi instaurant le TUF, ne pourront plus s’adresser Ă  la Cour supĂ©rieure pour trancher leurs diffĂ©rends en droit familial.
  4.            Certes, la possibilitĂ© d’avoir accès Ă  un juge de la Cour supĂ©rieure pour trancher un diffĂ©rend est un bien public incontestable. Cela dit, les justiciables concernĂ©s pourront, Ă  compter de la crĂ©ation du TUF, s’adresser Ă  un juge indĂ©pendant et impartial de la Cour du QuĂ©bec[64].
  5.            En principe, le fait qu’un justiciable soit dans l’obligation de s’adresser Ă  un juge de la Cour du QuĂ©bec plutĂ´t qu’Ă  un juge de la Cour supĂ©rieure afin de faire valoir ses droits ne saurait constituer un prĂ©judice. Cela dit, MaĂ®tre Goldwater soulève un certain nombre d’interrogations :

      Les juges siĂ©geant au TUF aurontils reçu une formation adĂ©quate pour trancher des questions complexes en droit de la  famille ?

      Serontils assez nombreux pour assurer un traitement adĂ©quat et dans un dĂ©lai acceptable des affaires relevant de leur compĂ©tence Ă  compter de l’entrĂ©e en vigueur de la Loi instaurant le TUF ?

      OĂą siègerontils ? OĂą sera situĂ© le greffe du TUF ? Quels formulaires devront utiliser les parties et les procureurs ?

  1.            Ces interrogations, et bien d’autres, sont lĂ©gitimes et importantes. Cela dit, le Tribunal ne peut prĂ©sumer que les juges de la Cour du QuĂ©bec appelĂ©s Ă  siĂ©ger au TUF n’auront pas les connaissances nĂ©cessaires pour entendre et trancher les questions de droit familial qui leur seront soumises. Il ne peut non plus prĂ©sumer que la direction de la Cour du QuĂ©bec n’aura pas pris les mesures nĂ©cessaires pour que cette instance assume adĂ©quatement les nouvelles compĂ©tences confiĂ©es au TUF par le lĂ©gislateur.
  2.            En somme, l’existence d’interrogations lĂ©gitimes ne correspond pas Ă  la preuve d’un prĂ©judice irrĂ©parable.
  3.            MaĂ®tre Goldwater soulève d’autres interrogations concernant les limites respectives des compĂ©tences du TUF et de la Cour supĂ©rieure et le pouvoir des juges siĂ©geant au TUF de prononcer des ordonnances de la nature d’une injonction, pratique courante en matière familiale.
  4.            Or, l’incertitude engendrĂ©e par l’existence de questions juridiques importantes qui demeurent sans rĂ©ponses n’est pas inhabituelle lorsqu’une nouvelle loi vient modifier en profondeur le droit applicable. Avec le temps, au moyen d’exceptions dĂ©clinatoires et de dĂ©bats juridiques, des rĂ©ponses seront apportĂ©es aux questions sĂ©rieuses soulevĂ©es par MaĂ®tre Goldwater. L’incertitude juridique qu’elle identifie est loin d’ĂŞtre idĂ©ale, mais elle ne correspond pas Ă  un prĂ©judice irrĂ©parable pour les justiciables ou leurs procureurs.
  5.            Pour ce qui est de la mĂ©diation obligatoire, la Loi instaurant le TUF prĂ©voit des exceptions, notamment en cas de violence familiale, de violence conjugale ou de violence sexuelle. Compte tenu de cellesci, le Tribunal ne peut conclure que le fait de devoir participer Ă  une session de mĂ©diation avant de pouvoir inscrire sa cause constitue un prĂ©judice irrĂ©parable.
  6.            Quant au processus de conciliation et d’audition sommaire, la participation Ă  cette nouvelle procĂ©dure est strictement volontaire. Dans les circonstances, la simple existence d’un processus que les justiciables pourront choisir d’Ă©viter entièrement ne constitue pas non plus un prĂ©judice irrĂ©parable.
  7.            Demeure la question du sort Ă©ventuel des dossiers introduits devant le TUF et des jugements qui seront prononcĂ©s par les juges qui y siègeront dans l’Ă©ventualitĂ© d’un jugement concluant Ă  l’invaliditĂ© de la Loi instaurant le TUF.
  8.            MaĂ®tre Goldwater invoque le risque que ces jugements soient nuls et invalides, compte tenu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, lequel prĂ©voit que la Constitution est la loi suprĂŞme et que toute règle de droit y Ă©tant incompatible est inopĂ©rante. Elle plaide que, dans la mesure oĂą la Loi instaurant le TUF est dĂ©clarĂ©e inopĂ©rante, les jugements prononcĂ©s par le TUF seront Ă©galement nuls. Les justiciables faisant l’objet de tels jugements subiront alors un prĂ©judice irrĂ©parable, car ils se verront dans l’obligation de reprendre leurs procĂ©dures depuis le dĂ©but.
  9.            Dans la mesure oĂą il existait un risque rĂ©el que l’invaliditĂ© Ă©ventuelle de la Loi instaurant le TUF rende nuls les jugements Ă  ĂŞtre prononcĂ©s par le TUF ou conduise Ă  la nullitĂ© des procĂ©dures intentĂ©es devant cette instance, le Tribunal conclurait Ă  l’existence d’un prĂ©judice irrĂ©parable. Or, ce risque paraĂ®t très hypothĂ©tique.
  10.            Ă€ ce sujet, le Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c. est riche d’enseignements. Dans cette affaire, les juges majoritaires avaient conclu que la disposition du Code de procĂ©dure civile qui augmentait le seuil de compĂ©tence monĂ©taire de la Cour du QuĂ©bec Ă  85 000 $ ne respectait pas la compĂ©tence fondamentale de la Cour supĂ©rieure protĂ©gĂ©e par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. 
  11.            Après avoir indiquĂ© qu’il ne fallait pas donner effet Ă  leur avis majoritaire pendant une pĂ©riode de 12 mois[65], les juges CĂ´tĂ© et Martin se penchent sur les consĂ©quences de cet avis sur les instances pendantes et les jugements dĂ©jĂ  rendus. Elles expliquent que la primautĂ© du droit, le principe de la chose jugĂ©e et le principe de la validitĂ© de facto prĂ©servent l’autoritĂ© des jugements rendus aux termes d’une loi dĂ©clarĂ©e invalide et empĂŞchent la rĂ©ouverture des dossiers dĂ©jĂ  tranchĂ©s[66] :

[157]  Premièrement, les demandes introductives d’instance dĂ©posĂ©es Ă  la Cour du QuĂ©bec avant ou durant la pĂ©riode de suspension de la dĂ©claration d’invaliditĂ© pourront suivre leur cours jusqu’Ă  la fin de l’instance, et ce, mĂŞme si l’instance prend fin après l’expiration de la pĂ©riode de 12 mois. Tout jugement final alors rendu passera en force de chose jugĂ©e et ne sera pas affectĂ© par l’avis de notre Cour. L’absence d’une telle mesure transitoire priverait le QuĂ©bec d’un ordre judiciaire harmonieux, pourrait entraĂ®ner un dĂ©sordre important et aurait des rĂ©percussions sur la mise en œuvre et la sanction des droits des justiciables. Si notre Cour omettait de remĂ©dier Ă  cette situation, la primautĂ© du droit en souffrirait (Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, p. 750-751).

 

[158]  Deuxièmement, le principe de la chose jugĂ©e empĂŞche de rouvrir les dossiers qui relevaient de la compĂ©tence de la Cour du QuĂ©bec en vertu de l’art. 35 al. 1 C.p.c. et que cette dernière a dĂ©jĂ  tranchĂ©s (voir Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, p. 756). Ainsi, toutes les dĂ©cisions de la Cour du QuĂ©bec rendues dans ces dossiers avant la prĂ©sente dĂ©cision continueront d’avoir pleine autoritĂ©.

 

[159]  Troisièmement, le principe de la validitĂ© de facto, qui reconnaĂ®t et donne effet « aux attentes justifiĂ©es de gens qui se sont fiĂ©s aux actes de ceux qui ont appliquĂ© les lois invalides, ainsi qu’Ă  l’existence et au fonctionnement des corps publics ou privĂ©s mĂŞmes irrĂ©gulièrement ou illĂ©galement constituĂ©s Â» (ibid., p. 757), permettra Ă©galement de prĂ©server les droits, obligations et autres effets ayant dĂ©coulĂ© des actes accomplis, conformĂ©ment Ă  l’art. 35 C.p.c., par des tribunaux, des juges, des personnes exerçant des pouvoirs lĂ©gaux et des officiers publics. « Ces droits, obligations et autres effets sont et seront toujours exĂ©cutoires et incontestables Â» (ibid.).

  1.            Évidemment, le Tribunal ne se prononce pas, Ă  ce stade, sur le redressement appropriĂ© advenant que MaĂ®tre Goldwater ait gain de cause dans sa contestation de la Loi instaurant le TUF. Il souligne uniquement que des outils importants existent pour Ă©viter la consĂ©quence prĂ©judiciable invoquĂ©e par cette dernière, laquelle ne saurait donc constituer un prĂ©judice irrĂ©parable.
  2.            En dĂ©finitive, MaĂ®tre Goldwater n’a pas prouvĂ© qu’il y aurait un prĂ©judice irrĂ©parable si sa demande de sursis Ă©tait refusĂ©e, mais que la Loi instaurant le TUF Ă©tait jugĂ©e invalide Ă  l’issue d’une audition au mĂ©rite.
  3.            MĂŞme si l’existence d’un prĂ©judice sĂ©rieux ou irrĂ©parable n’est pas prouvĂ©e, il convient nĂ©anmoins de se pencher sur la prĂ©pondĂ©rance des inconvĂ©nients.

5.                 La prĂ©pondĂ©rance des inconvĂ©nients

  1.        La prĂ©pondĂ©rance des inconvĂ©nients vise Ă  dĂ©terminer laquelle des parties subira un prĂ©judice plus important si le redressement interlocutoire recherchĂ© est accordĂ© ou refusĂ©. Cette Ă©tape de l’analyse joue un rĂ´le capital dans les demandes de sursis en matière constitutionnelle.
  2.        En effet, Ă  la diffĂ©rence d’une demande d’injonction interlocutoire Ă  l’occasion d’un diffĂ©rend privĂ©, une demande de sursis visant la suspension d’une loi adoptĂ©e par le lĂ©gislateur met invariablement en jeu l’intĂ©rĂŞt public, lequel doit ĂŞtre soupesĂ© lors de l’analyse de la prĂ©pondĂ©rance des inconvĂ©nients[67].
  3.        Or, la jurisprudence enseigne qu’il convient de prĂ©sumer qu’une loi validement adoptĂ©e vise Ă  favoriser l’intĂ©rĂŞt public et que la suspension d’une telle loi, mĂŞme temporaire, y causerait un prĂ©judice irrĂ©parable[68]. Comme l’explique la majoritĂ© de la Cour suprĂŞme dans l’arrĂŞt Harper[69] :

9   Un autre principe Ă©noncĂ© dans la jurisprudence veut que, en dĂ©cidant de l’opportunitĂ© d’accorder une injonction interlocutoire suspendant l’application d’une mesure lĂ©gislative adoptĂ©e validement mais contestĂ©e, il n’y ait pas lieu d’exiger la preuve que cette mesure lĂ©gislative sera Ă  l’avantage du public.  Ă€ ce stade des procĂ©dures, elle est prĂ©sumĂ©e l’ĂŞtre.  Comme les juges Sopinka et Cory l’ont affirmĂ© dans l’arrĂŞt RJRMacDonald Inc. c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), [1994] 1 R.C.S. 311, aux pp. 348 et 349:

 

Si la nature et l’objet affirmĂ© de la loi sont de promouvoir l’intĂ©rĂŞt public, le tribunal des requĂŞtes ne devrait pas se demander si la loi a rĂ©ellement cet effet.  Il faut supposer que tel est le cas.  Pour arriver Ă  contrer le supposĂ© avantage de l’application continue de la loi que commande l’intĂ©rĂŞt public, le requĂ©rant qui invoque l’intĂ©rĂŞt public doit Ă©tablir que la suspension de l’application de la loi serait elle-mĂŞme Ă  l’avantage du public.

 

Il s’ensuit qu’en Ă©valuant la prĂ©pondĂ©rance des inconvĂ©nients le juge saisi de la requĂŞte doit tenir pour acquis que la mesure lĂ©gislative — en l’espèce, le plafond des dĂ©penses imposĂ© par l’art. 350 de la Loi a Ă©tĂ© adoptĂ©e pour le bien du public et qu’elle sert un objectif d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral valable.  Cela s’applique aux violations du droit Ă  la libertĂ© d’expression garanti par l’al. 2b); d’ailleurs, il Ă©tait question d’une violation de l’al. 2b) dans l’arrĂŞt RJR—MacDonald.  La prĂ©somption que l’intĂ©rĂŞt public demande l’application de la loi joue un grand rĂ´le.  Les tribunaux n’ordonneront pas Ă  la lĂ©gère que les lois que le Parlement ou une lĂ©gislature a dĂ»ment adoptĂ©es pour le bien du public soient inopĂ©rantes avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet qui se rĂ©vèle toujours complexe et difficile.  Il s’ensuit que les injonctions interlocutoires interdisant l’application d’une mesure lĂ©gislative dont on conteste la constitutionnalitĂ© ne seront dĂ©livrĂ©es que dans les cas manifestes.

 

[Les soulignements sont ajoutés.]

  1.        En somme, dans la balance des inconvĂ©nients, il faut accorder Ă  l’intĂ©rĂŞt public — lequel est prĂ©sumĂ© se reflĂ©ter dans la loi elle-mĂŞme — le poids important qu’il mĂ©rite[70].
  2.        Cela dit, l’État ne dĂ©tient pas un monopole en ce qui a trait Ă  la dĂ©finition de l’intĂ©rĂŞt public, lequel ne militera pas toujours en faveur de l’application ininterrompue d’une loi existante[71]. Ă€ ce chapitre, pour obtenir un sursis, la partie demanderesse devra Ă©tablir, preuve Ă  l’appui, que la suspension de la loi avantagerait elle-mĂŞme un intĂ©rĂŞt public[72].
  3.        L’Ă©tendue de la suspension recherchĂ©e peut ĂŞtre un facteur pertinent dans l’analyse de la balance des inconvĂ©nients. En effet, les tribunaux seront plus enclins Ă  prononcer un sursis dans la mesure oĂą celuici se limite Ă  certaines applications de la loi, l’objectif gĂ©nĂ©ral poursuivi par le lĂ©gislateur restant passablement intact[73]. Or, en l’espèce, c’est une suspension totale qui est sollicitĂ©e, laquelle bloquerait la rĂ©alisation de l’objectif du lĂ©gislateur pendant l’instance.
  4.        En adoptant la Loi instaurant le TUF, le lĂ©gislateur considère que sa loi facilitera le parcours judiciaire des familles quĂ©bĂ©coises et servira ainsi l’intĂ©rĂŞt public. MaĂ®tre Goldwater soutient avoir repoussĂ© la prĂ©somption selon laquelle cette lĂ©gislation sert un objectif d’intĂ©rĂŞt public valable. Elle plaide en outre que l’intĂ©rĂŞt public est plutĂ´t favorisĂ© par le statu quo existant avant l’adoption de la Loi instaurant le TUF, Ă  savoir l’accès des justiciables engagĂ©s dans des diffĂ©rends en droit familial Ă  un juge de la Cour supĂ©rieure.
  5.        Le Tribunal ne peut accĂ©der Ă  l’argument selon lequel la prĂ©somption voulant que la Loi instaurant le TUF soit dans l’intĂ©rĂŞt public a Ă©tĂ© repoussĂ©e. Les arguments de MaĂ®tre Goldwater Ă  ce sujet, dont il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© question dans la section consacrĂ©e au prĂ©judice irrĂ©parable, invitent le Tribunal Ă  Ă©valuer l’opportunitĂ© et l’efficacitĂ© de la loi contestĂ©e. Ils incitent le Tribunal Ă  se prononcer effectivement sur la question de savoir si le gouvernement gouverne bien, ce qu’il ne saurait faire[74].
  6.        MaĂ®tre Goldwater soutient que le sursis recherchĂ© serait dans l’intĂ©rĂŞt du public, car il protĂ©gerait l’accès Ă  la justice en assurant que les justiciables puissent s’adresser Ă  un juge de la Cour supĂ©rieure pour faire trancher leurs diffĂ©rends dans le domaine du droit familial. L’accès Ă  la justice est manifestement dans l’intĂ©rĂŞt du public[75]. La possibilitĂ© de s’adresser Ă  un juge de la Cour supĂ©rieure est Ă©galement Ă  l’avantage du public.
  7.        Cela dit, le Tribunal considère qu’il ne peut conclure que l’avantage pour le public qui rĂ©sulterait du sursis recherchĂ© l’emporte sur l’intĂ©rĂŞt du public reflĂ©tĂ© dans le choix du lĂ©gislateur en adoptant la Loi instaurant le TUF. Comme mentionnĂ© dans le cadre de l’analyse du prĂ©judice irrĂ©parable, le bien public que constitue l’accès Ă  un juge de la Cour supĂ©rieure est remplacĂ© par l’accès Ă  un juge impartial et indĂ©pendant de la Cour du QuĂ©bec.
  8.        L’Ă©valuation aurait pu ĂŞtre diffĂ©rente dans la mesure oĂą les jugements Ă  ĂŞtre prononcĂ©s par les juges de la Cour du QuĂ©bec siĂ©geant au TUF Ă©taient vulnĂ©rables Ă  contestation si MaĂ®tre Goldwater avait gain de cause au mĂ©rite. Toutefois, comme nous l’avons vu, une telle situation paraĂ®t très hypothĂ©tique selon les enseignements de l’avis majoritaire dans le Renvoi sur l’article 35 C.p.c.
  9.        En somme, la balance des inconvĂ©nients penche en faveur de l’application pendant l’instance de la Loi instaurant le TUF, et ce, compte tenu des prĂ©somptions voulant que cette loi serve un objectif d’intĂ©rĂŞt public et que sa suspension y occasionnerait un prĂ©judice irrĂ©parable.
  10.        En dĂ©finitive, il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel et manifeste oĂą le Tribunal devrait surseoir Ă  l’application d’une loi adoptĂ©e par l’AssemblĂ©e nationale en attente d’un jugement dĂ©finitif quant Ă  sa validitĂ©.

* * * *


dISPOSITIF

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.        REJETTE la Demande en sursis ;
  2.        FRAIS de justice Ă  suivre.

 

 

 

 

__________________________________ANDRES C. GARIN, j.c.s.

 

Me AnneFrance Goldwater

Me Charlotte Roy
Goldwater Droit

Procureurs de la demanderesse

 

 

Me Francis Demers

Me Éric Cantin

Me Félix Tessier
Bernard, Roy (Justice – QuĂ©bec)

Procureurs du défendeur

 

 

Date d’audience :

18 juin 2025

 


[1]  Article 33 du Code de procĂ©dure civile, RLRQ c. C25.01 [C.p.c.] ; Renvoi relatif au Code de procĂ©dure civile (Qc), art. 35, 2021 CSC 27, par. 15 [Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c.].

[2]  Article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[3]  Ibid., article 98.

[4]  L’alinĂ©a 3a) de la Loi sur les juges, LRC 1985, c. J1, prĂ©voit qu’un avocat ou une avocate doit avoir au moins 10 ans d’expĂ©rience au barreau pour ĂŞtre admissible Ă  une nomination comme juge de la Cour supĂ©rieure. En rĂ©alitĂ©, les avocats et avocates nommĂ©s juges de la Cour supĂ©rieure ont bien plus que 10 ans d’expĂ©rience.

[5]  Article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[6]  Voir les articles 35 ss. C.p.c.

[7]  En matière civile, cette protection est garantie par le prĂ©ambule de la Loi constitutionnelle de 1867 ; en matière criminelle, elle est Ă©galement protĂ©gĂ©e par l’alinĂ©a 11d) de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s (la Charte canadienne). Voir : Renvoi relatif Ă  la rĂ©munĂ©ration des juges de la Cour provinciale de l’ĂŽleduPrinceÉdouard ; Renvoi relatif Ă  l’indĂ©pendance et Ă  l’impartialitĂ© des juges de la Cour provinciale de l’ĂŽleduPrinceÉdouard, [1997] 3 RCS 3.

[8]  La Cour du QuĂ©bec peut Ă©galement entendre des demandes d’enrichissement sans cause entre conjoints de fait qui relèvent de sa compĂ©tence monĂ©taire. En outre, il arrive que des infractions criminelles soient commises dans un contexte familial. Selon l’infraction commise et le choix de l’accusĂ© quant au mode d’instruction, bon nombre de ces infractions seront entendues par des juges qui siègent Ă  la Chambre criminelle et pĂ©nale de la Cour du QuĂ©bec. Bien qu’elles aient Ă©tĂ© commises dans un contexte familial, ces infractions relèvent du droit criminel et non du droit familial.

[9]  Article 37 C.p.c.

[10]  AlinĂ©a 1g) de la Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ c. P34.1 ; article 83 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ c. T16.

[11]  Les appels des dĂ©cisions de cette cour en matière de protection de la jeunesse sont entendus par la Cour supĂ©rieure : articles 99 et 100 de la Loi sur la protection de la jeunesse, prĂ©citĂ©e.

[12]  LQ 2025, c. 9.

[13]  Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110, p. 127129 [Metropolitan Stores] ; RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), [1994] 1 RCS 311, p. 334 et 347349 [RJRMacdonald] ; Harper c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), 2000 CSC 57, par. 4. [Harper] ; Hak c. Procureure gĂ©nĂ©rale du QuĂ©bec, 2019 QCCA 2145, par. 103 [Hak] ; Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec c. Quebec English School Board Association, 2020 QCCA 1171, par. 10 [Quebec English School Board Association] ; Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec c. GaspĂ© Énergies inc., 2025 QCCA 629, par. 9697 [GaspĂ© Énergies].

[14]  GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 98.

[15]  Metropolitan Stores, prĂ©citĂ©, p. 124125.

[16]  Dans l’arrĂŞt Metropolitan Stores, prĂ©citĂ©, le juge Beetz offre deux exemples de tels cas exceptionnels oĂą l’inconstitutionnalitĂ© d’une loi est claire : une loi qui impose une religion d’État (p. 133); et une loi quĂ©bĂ©coise adoptĂ©e uniquement en français en contravention de l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 (p. 148149 : mentionnant l’arrĂŞt SociĂ©tĂ© Asbestos LtĂ©e c. SociĂ©tĂ© nationale de l’amiante, [1979] C.A. 342).

[17]  QuĂ©bec (Procureure gĂ©nĂ©rale) c. D’Amico, 2015 QCCA, par. 28 [D’Amico]; voir aussi : Hak, prĂ©citĂ©, par. 148; A.B. c. Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec, 2023 QCCA 999, par. 32 [A.B.]

[18]  D’Amico, prĂ©citĂ©, par. 3031 ; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 117 ; A.B., prĂ©citĂ©, par. 35.

[19]  Harper, prĂ©citĂ©, par. 9 ; Procureure gĂ©nĂ©rale du QuĂ©bec c. Solski, 2001 CanLII 5956 (QC CA), par. 1314 ; Hak, prĂ©citĂ©, par. 92 ; Quebec English School Boards Association, prĂ©citĂ©, par. 59.

[20]  PrĂ©citĂ©, par. 3335.

[21]  Outre la Chambre civile et la Chambre de la jeunesse, la Cour du QuĂ©bec comporte Ă©galement une Chambre criminelle et pĂ©nale. Les juges affectĂ©s Ă  cette chambre ne siègeront pas au TUF.

[22]  Paragraphe 2o du premier alinĂ©a de l’article 83 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, prĂ©citĂ©e ; et alinĂ©a 1g) de la Loi sur la protection de la jeunesse, prĂ©citĂ©e.

[23]  Paragraphe 4o du premier alinĂ©a de l’article 83 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, prĂ©citĂ©e ; et article 37 C.p.c.

[24]  Article 51 de la Loi instaurant le TUF, prĂ©citĂ©e.

[25]  Articles 521.1 et suivants C.c.Q.

[26]  Paragraphe 1o de l’article 51 de la Loi instaurant le TUF, prĂ©citĂ©e. 

[27]  LQ 2024, c. 22.

[28]  Ibid., article 3, lequel ajoute les articles 521.20 et suivants au C.c.Q.

[29]  Voir l’article 45 de la Loi portant rĂ©forme du droit de la famille et instituant le rĂ©gime de l’union parentale, prĂ©citĂ©e.

[30]  Articles 521.29 Ă  521.42 C.c.Q. L’union parentale prend fin en cas de dĂ©cès d’un conjoint, cessation de la vie commune, ainsi que dans le cas du mariage ou de l’union civile des deux conjoints ou de l’un d’eux avec un tiers (article 521.22 C.c.Q.).

[31]  Articles 521.43 Ă  521.46 C.c.Q.

[32]  Article 419.2 C.p.c. Ă©dictĂ© par l’article 7 de la Loi instaurant le TUF, prĂ©citĂ©e.

[33]  AlinĂ©as 2 et 3 de l’article 419.2 C.p.c.

[34]  Articles 416.1 Ă  416.5 C.p.c. Ă©dictĂ©s par l’article 6 de la Loi instaurant le TUF, prĂ©citĂ©e.

[35]  Article 416.1 C.p.c.

[36]  AlinĂ©a 1 de l’article 416.5 C.p.c.

[37]  Ibid.

[38]  AlinĂ©a 2 de l’article 416.5 C.p.c.

[39]  AlinĂ©a 3 de l’article 416.5 C.p.c.

[40]  Paragraphe 2o de l’article 51 de la Loi instaurant le TUF, prĂ©citĂ©e.

[41]  Association des avocats et avocates en droit familial du QuĂ©bec, « MĂ©moire de l’Association des avocats et avocates en droit familial du QuĂ©bec sur le Projet de Loi no 91 instaurant le Tribunal unifiĂ© de la famille au sein de la Cour du QuĂ©bec » 20 mars 2025 (Cahier de documents utiles de la demanderesse, onglet 2), p. 67 [MĂ©moire de l’AAADFQ].

[42]  Sur la question du coĂ»t du TUF voir Ă©galement : Association du Barreau Canadien – Division du QuĂ©bec, « MĂ©moire : Projet de loi no 91 – Loi instaurant le Tribunal UnifiĂ© de la famille au sein de la Cour du QuĂ©bec Â», Mars 2025 (Cahier de documents utiles de la demanderesse, onglet 3) [MĂ©moire de l’ABC – Division du QuĂ©bec] : « Il faudra que cette nouvelle rĂ©forme s’accompagne d’investissements consĂ©quents afin de nommer et rĂ©munĂ©rer de nouveaux juges, mais aussi d’embaucher massivement des greffiers, huissiers audienciers et autres membres du personnel Ă  la Cour du QuĂ©bec. Â» (p. 2).

[43]  V. Costanzo, « RĂ©flexions sur le “tribunal” “unifiĂ©” de “la famille” – MĂ©moire Ă  la Commission des institutions de l’AssemblĂ©e nationale : Projet de loi no 91 – Loi instaurant le Tribunal unifiĂ© de la famille au sein de la Cour du QuĂ©bec, QuĂ©bec Â», 2005 (Cahier de documents utiles de la demanderesse, onglet 1), p. 5 et 7 [MĂ©moire V. Costanzo] ; voir Ă©galement : MĂ©moire de l’ABC – Division du QuĂ©bec, prĂ©citĂ©, p. 2.

[44]  MĂ©moire de l’AAADFQ, prĂ©citĂ©, p. 7; voir Ă©galement les p. 1819.

[45]  MĂ©moire V. Costanzo, prĂ©citĂ©, p. 12; voir Ă©galement MĂ©moire de l’ABC – Division du QuĂ©bec, prĂ©citĂ©, p. 4.

[46]  MĂ©moire de l’AAADFQ, prĂ©citĂ©, p. 7 et 2123; MĂ©moire V. Costanzo, prĂ©citĂ©, p. 1011. Pour sa part l’Association du Barreau Canadien – Division du QuĂ©bec est favorable Ă  la mĂ©diation obligatoire dans la mesure oĂą le nombre de mĂ©diateurs familiaux disponible soit suffisant : MĂ©moire de l’ABC – Division du QuĂ©bec, prĂ©citĂ©, p. 5.

[47]  QuĂ©bec (Procureur gĂ©nĂ©ral) c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), 2015 CSC 14, par. 3; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 98; Hak, prĂ©citĂ©, par. 151; Association canadienne pour les armes Ă  feu c. Procureure gĂ©nĂ©rale du QuĂ©bec, 2018 QCCA 179, par. 8; Association quĂ©bĂ©coise pour l'Ă©ducation Ă  domicile (AQED) c. Ministère de l'Éducation du QuĂ©bec (Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec), 2024 QCCS 1063, par. 38; Bilodeau c. QuĂ©bec (Procureur gĂ©nĂ©ral), 2014 QCCS 3234, par. 49 et 52.

[48]  RJRMacdonald, prĂ©citĂ©, p. 337338 ; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 101.

[49]  Sauf pour ce qui est des arguments fondĂ©s sur l’article 15 de la Charte canadienne, l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 est invoquĂ© au soutien de tous les moyens de MaĂ®tre Goldwater.

[50]  Voir : MĂ©moire de l’Association du Barreau Canadien – Division du QuĂ©bec, prĂ©citĂ©, p. 12 ; MĂ©moire de V. Costanzo, prĂ©citĂ©, p. 3.

[51]  ConfĂ©rence de presse de M. Simon JolinBarette, ministre de la Justice, et M. Mathieu LĂ©vesque, leader parlementaire adjoint du gouvernement, 25 fĂ©vrier 2025 (Cahier de documents utiles de la demanderesse, onglet 5), p. 7.

[52]  Journal des dĂ©bats de la Commission des institutions, vol. 47, no 69, 1er mai 2024, p. 63 (document remis au Tribunal Ă  l’audience).

[53]  D’ailleurs, l’on ne saurait faire une admission en droit.

[54]  Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c., prĂ©citĂ©, par. 41.

[55]  Renvoi sur la Loi de 1979 sur la location rĂ©sidentielle, [1981] 1 RCS 714, p. 728 [Renvoi sur la location rĂ©sidentielle].

[56]  Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c., prĂ©citĂ©, par. 59 ; Renvoi sur la location rĂ©sidentielle, prĂ©citĂ©, p. 734736.

[57]  Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c., prĂ©citĂ©, par. 7576. Les trois colonies fondatrices Ă©taient la province du Canada (Ă  savoir le CanadaUni, composĂ© de l’ancienne province du HautCanada, devenu l’Ontario, et de l’ancienne province du BasCanada, devenu le QuĂ©bec), la NouvelleÉcosse et le NouveauBrunswick.

[58]  D. Fortin Caron, « Le tribunal de la famille Â», Rapport de l’Office de rĂ©vision du Code civil du QuĂ©bec, 1975 (Cahier de documents utiles de la demanderesse, onglet 8), p. 3748.

[59]  Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c., prĂ©citĂ©, par. 87.

[60]  Ibid., par. 88.

[61]  RJR-Macdonald, prĂ©citĂ©, p. 341.

[62]  Ibid. ; Metropolitan Stores, prĂ©citĂ©, p. 128.

[63]  Karounis c. Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec, 2020 QCCS 2817, para. 31 ; Desrochers c. Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec, 2021 QCCS 311, par. 3637 ; Mitchell c. Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec, 2022 QCCS 2983, par. 28 [Mitchell]. Voir Ă  titre d’illustration : Hak, prĂ©citĂ©, par. 109112.

[64]  Signalons que lors de ses reprĂ©sentations Ă  l’audience, MaĂ®tre Goldwater soutient que l’indĂ©pendance individuelle des juges de la Cour du QuĂ©bec ne saurait ĂŞtre remise en cause.

[65]  Il s’agit de l’Ă©quivalent d’une dĂ©claration d’invaliditĂ© suspendue.

[66]  Renvoi relatif Ă  l’article 35 C.p.c., prĂ©citĂ©, par. 157159; voir Ă©galement le par. 161. La doctrine de la nĂ©cessitĂ© pourrait Ă©galement trouver application. Voir : Renvoi relatif Ă  la rĂ©munĂ©ration des juges de la Cour provinciale de l’ĂŽleduPrinceÉdouard ; Renvoi relatif Ă  l’indĂ©pendance et Ă  l’impartialitĂ© des juges de la Cour provinciale de l’ĂŽleduPrinceÉdouard, [1998] 1 RCS 3, par. 78.

[67]  Metropolitan Stores, prĂ©citĂ©, p. 149 ; RJR-Macdonald, prĂ©citĂ©, p. 343.

[68]  RJRMacdonald, prĂ©citĂ©, p. 346 ; Harper, prĂ©citĂ©, par. 910 ; Hak, prĂ©citĂ©, par. 104 ; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 117 ; Quebec English School Boards Association, prĂ©citĂ©, par. 11.

[69]  Harper, prĂ©citĂ©, par. 9. Voir Ă©galement : Hak, prĂ©citĂ©, par. 105 ; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 118 ; Quebec English School Boards Association, prĂ©citĂ©, par. 11.

[70]  Quebec English School Boards Association, prĂ©citĂ©, par. 11; Hak, prĂ©citĂ©, par. 104.

[71]  RJRMacdonald, prĂ©citĂ©, p. 343 ; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 119 et 136 ; Quebec English School Boards Association, prĂ©citĂ©, par. 59.

[72]  RJRMacdonald, prĂ©citĂ©, p. 344345 et 349 ; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 119120.

[73]  Voir Ă  titre d’illustration : Quebec English School Boards Association, prĂ©citĂ©; et Procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec c. Ortona, 2024 QCCA 710.

[74]  RJRMacdonald, prĂ©citĂ©, p. 346 ; GaspĂ© Énergies, prĂ©citĂ©, par. 124 ; Hak, prĂ©citĂ©, par. 104.

[75]  Mitchell, prĂ©citĂ©.

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