Décision

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Ville de Montréal c. Club de golf Métropolitain Anjou inc.

2025 QCCA 1049

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030680-235

(500-17-120929-222)

 

DATE :

27 août 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

SIMON RUEL, J.C.A.

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

ÉRIC HARDY, J.C.A.

 

 

VILLE DE MONTRÉAL

APPELANTE – défenderesse

c.

 

CLUB DE GOLF MÉTROPOLITAIN ANJOU INC.

INTIMÉE – demanderesse

 

 

 

ARRÊT

 

 

  1.                 L’appelante (ou la « Ville ») se pourvoit contre un jugement rendu le 14 juillet 2023 par la Cour supérieure (l’honorable Gabrielle Brochu), laquelle accueille le pourvoi en contrôle judiciaire de l’intimée et déclare que ses demandes de permis de construction étaient substantiellement complètes et substantiellement conformes le jour de l’entrée en vigueur du contrôle intérimaire imposé par le conseil d’agglomération de l’appelante et que de ce fait, l’intimée bénéficie du droit à l’obtention des permis demandés, sous réserve de la vérification ultérieure par le Service de l’eau de l’appelante de la conformité de ses ouvrages de gestion des eaux pluviales et sous réserve de la décision que devra rendre le conseil municipal au titre du règlement local sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (« PIIA »)[1].
  2.                 Pour les motifs du juge Sansfaçon, auxquels souscrivent les juges Ruel et Hardy, LA COUR :
  3.                 REJETTE l’appel avec les frais de justice.

 

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 

 

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

 

 

 

 

ÉRIC HARDY, J.C.A.

 

Me Alexandre Paul-Hus

Me Daniel Aubé

GAGNIER GUAY BIRON

Pour l’appelante

 

Me Jonathan Maxime Fecteau

Me Marie-Pier Leroux

DE GRANDPRÉ CHAIT

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

26 novembre 2024

 


 

 

MOTIFS DU JUGE SANSFAÇON

 

 

  1.                 Les faits sont simples et non contestés.
  2.                 Le 22 février 2022, l’intimée dépose 11 demandes de permis pour la construction de bâtiments industriels et commerciaux, demandes qui s’ajoutent à une première demande déposée en 2021 pour un premier bâtiment. Toutes ces demandes sont accompagnées de demandes d’approbation des PIIA.
  3.                 Le 24 février suivant, le conseil d’agglomération de l’appelante adopte des mesures de contrôle intérimaire visant à modifier les orientations urbanistiques du secteur où se trouve l’immeuble de l’intimée pour le faire passer d’un secteur industriel à un secteur « grand parc ». Ces mesures créent un effet de gel immédiat quant à la délivrance de permis de construction.
  4.                 Le lendemain, l’appelante avise l’intimée que deux fiches techniques concernant les régulateurs de débit et les avaloirs de toit des bâtiments projetés sont manquantes, ce qui empêche son Service de l’eau d’analyser la conformité de l’ensemble de ses ouvrages de gestion des eaux pluviales. Les deux fiches manquantes sont transmises à l’appelante dans les minutes qui suivent la réception de cet avis.
  5.                 L’appelante ne termine pas l’analyse de la conformité des ouvrages de gestion des eaux pluviales de l’intimée malgré la réception de ces fiches. Le 22 avril suivant, elle avise l’intimée qu’elle ne peut donner suite à ses demandes de permis, car celles-ci n’étaient pas substantiellement complètes et conformes au moment de la prise d’effet du contrôle intérimaire, ce qui a empêché la cristallisation d’un droit à leur délivrance le jour de leur dépôt. Elle l’avise aussi qu’outre les deux fiches techniques manquantes mentionnées dans son avis du 25 février précédent, le projet ne respecte pas le coefficient d’occupation au sol (« COS »), puisque celui apparaissant sur les plans soumis est de 0,28 alors que le règlement exige un COS minimum de 0,3. Qui plus est, 12 îlots paysagers sont manquants sur les plans de stationnements de quatre des bâtiments proposés.
  6.                 Le 5 mai suivant, l’intimée répond à l’avis du 22 avril portant sur le non-respect du COS. Deux nouveaux plans, sur lesquels une mezzanine a été ajoutée à cinq des bâtiments[2], ont été confectionnés et sont alors transmis à l’appelante, ce qui permet d’atteindre le COS minimum requis.
  7.                 Le 9 mai 2022, l’intimée dépose des procédures judiciaires en mandamus pour forcer l’appelante à délivrer les permis demandés. Cette dernière soutient que les demandes de permis n’étaient pas substantiellement complètes et conformes en date du 24 février 2022 pour les raisons évoquées ci-haut, auxquelles elle ajoute que le nombre de matériaux sur les murs extérieurs des bâtiments excéderait celui autorisé. 

 Le jugement entrepris

  1.                 La juge conclut que les bâtiments se conformaient bien au nombre de matériaux prescrit par règlement. Cette conclusion n’est pas remise en question en appel. Quant aux îlots paysagers manquants, la juge retient de la preuve qu’ils apparaissaient sur les plans préalablement soumis à la Ville dans le cadre de la première demande de permis et que leur absence sur les plans soumis le 22 février 2022 découlait d’une simple omission de concordance entre les plans. Cette conclusion n’est pas non plus remise en question en appel.
  2.                 Au sujet des deux fiches techniques manquantes relatives aux régulateurs de débit et aux avaloirs de toit, l’appelante soutenait que l’omission de les avoir transmises avant l’entrée en vigueur des mesures de contrôle intérimaire avait empêché la cristallisation d’un droit à la délivrance des permis. La juge rejette cette prétention et estime au contraire que cette omission ne portait que sur des détails mineurs et que la transmission de ces deux fiches dans les minutes suivant la réception de l’avis de la Ville qui soulignait leur absence relevait d’une simple formalité et ne constituait pas un empêchement à la naissance du droit à la délivrance des permis.
  3.            Quant au non-respect du COS, la juge retient de la preuve que la conception initiale des bâtiments prévoyait l’aménagement de ces mezzanines, lesquelles apparaissaient sur les plans-projets soumis préalablement à la Ville. Elle retient aussi que si les mezzanines n’apparaissaient pas sur les plans déposés à l’appui des demandes de permis, les fenêtres donnant sur ces mezzanines y étaient bien prévues. Elle conclut de cela que ces mezzanines n’ont été omises des plans finaux qu’à la suite d’une erreur des professionnels de l’intimée. Cette appréciation des faits n’est pas remise en question en appel.
  4.            Vu cette preuve et vu la faible amplitude de la non-conformité au COS lorsque mesurée à celle du projet (691,25 m2 sur 100 540,25 m2 prévus au projet, soit 0,7 %), la juge conclut que cette non-conformité est mineure, qu’elle a facilement été corrigée par la production des deux plans (sur les 120 déjà déposés), que l’intimée avait dès le dépôt des demandes de permis l’intention et la capacité de respecter la norme et que cette omission n’affectait pas la « substance » du projet de construction.
  5.            La juge déclare par conséquent que les demandes de permis étaient substantiellement complètes et conformes à la réglementation de l’appelante en date du 22 février 2022, soit avant l’entrée en vigueur du contrôle intérimaire, sous réserve de la vérification de sa conformité à la réglementation portant sur les PIIA et de l’obtention des autorisations requises à cet égard, et sous réserve de la vérification de la conformité des ouvrages de gestion des eaux pluviales dont l’analyse n’a pas été encore achevée. L’intimée bénéficie d’un droit au traitement de ses demandes de permis pour les deux étapes restantes et la juge ordonne à l’appelante d’en poursuivre l’analyse et de rendre une décision conformément aux règlements applicables dans les 45 jours du jugement.
  6.            Il importe ici de souligner que la Ville n’a pas porté en appel la conclusion de la juge voulant que le fait que le conseil n’avait pas encore analysé la conformité du projet aux critères prévus dans la réglementation sur les PIIA le jour de l’entrée en vigueur du contrôle intérimaire ne constituait pas un obstacle à la reconnaissance d’un droit prima facie à la délivrance des permis. Selon la juge, cette étape de la vérification de la conformité du projet aux critères de la réglementation portant sur les PIIA peut être accomplie après la reconnaissance par le tribunal que les demandes de permis sont par ailleurs substantiellement conformes et complètes, le cas échéant. Le droit à la délivrance des permis serait alors déclaré par le tribunal, sous réserve de la conformité des plans aux critères prévus par la réglementation sur les PIIA, selon l’évaluation qu’en fait le conseil municipal, comme le prévoit la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[3]. Puisque cette conclusion n’est pas remise en question en appel, les présents motifs n’en traiteront pas.

 Les moyens d’appel

  1.            Ne reste donc comme seuls motifs d’appel que les allégations d’erreurs de droit à l’égard de la non-conformité du COS et de l’omission d’avoir déposé les deux fiches techniques concernant les régulateurs de débit et les avaloirs de toit. L’appelante formule la question en litige comme suit :

La juge commet-elle une erreur révisable en concluant qu’il peut y avoir cristallisation d’un droit acquis à la délivrance d’un permis de construction, ou naissance d’une situation préconstituée au sens des principes d’interprétation des lois et de leur application dans le temps, alors que les demandes de permis de construction n’étaient pas entièrement conformes à la réglementation en vigueur à la date de référence et avant un changement de loi ayant rendu illégal ou interdit le projet tel que soumis à la municipalité?

  1.            Selon l’appelante, la juge a erré en droit en appliquant les principes énoncés par la Cour suprême dans Corp. of the City of Ottawa v. Boyd Builders Ltd.[4]. Ce jugement ne permettrait pas de soutenir que le dépôt d’une demande de permis « substantiellement conforme et complète » avant la prise d’effet[5] de la nouvelle norme plus restrictive puisse mener à la reconnaissance d’un droit – ou droit acquis – à l’usage ou à la construction malgré la nouvelle norme.
  2.            L’appelante soutient d’abord que la Cour et les auteurs québécois en droit de l’urbanisme se sont égarés en droit en donnant un sens erroné aux propos du juge Spence, l’auteur des motifs dans Boyd Builders, qui, au nom de la Cour suprême, émet l’opinion suivante :

An owner has a prima facie right to utilize his own property in whatever manner he deems fit subject only to the rights of surrounding owners, e.g., nuisance, etc. This prima facie right may be defeated or superseded by rezoning if three prerequisites are established by the municipality, (a) a clear intent to restrict or zone existing before the application by the owner for a building permit, (b) that council has proceeded in good faith, and (c) that council has proceeded with dispatch.[6]

  1.            Selon l’appelante, ces propos n’énoncent pas une règle générale, mais doivent plutôt être compris comme ne pouvant s’appliquer qu’en fonction de la loi ontarienne qui était en vigueur au moment où cet arrêt a été rendu, dans le contexte d’une demande d’ajournement de procès qui avait été présentée par la municipalité dans cette affaire. Plus précisément, la municipalité demandait l’ajournement d’un procès sur un recours en mandamus, le temps que la réglementation municipale soit modifiée de façon à interdire le projet faisant l’objet de la demande de permis visée par le mandamus. Les propos du juge Spence ne s’appliqueraient donc pas en l’espèce. L’appelante appuie son interprétation restrictive de cette décision sur l’arrêt Monarch Holdings Ltd. v. Oak Bay District de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[7].
  2.            Cette lecture restrictive des motifs du juge Spence n’a jamais été approuvée par les tribunaux du Québec ni par les auteurs. Le professeur Lorne Giroux, tel qu’il était à l’époque, l’a même expressément écartée dès 1979 dans son ouvrage-référence Aspects juridiques du règlement de zonage au Québec[8]. Au contraire, les principes de cet arrêt sont toujours d’actualité et sont régulièrement appliqués tant par notre Cour que par la Cour supérieure[9].
  3.            La Cour suprême a elle aussi écarté la portée particulièrement étroite que l’appelante souhaite donner à Boyd Builders[10].
  4.            Comme le professeur Giroux l’exposait en 1979, Boyd Builders répondait alors à la décision du Conseil privé dans City of Toronto Corporation and Trustees of the Roman Catholic Separate Schools of Toronto[11] et à celle de la Cour suprême dans Canadian Petrofina Ltd. c. Martin & St-Lambert[12], qui avaient affirmé que l’entrée en vigueur d’un règlement peut empêcher la délivrance d’une demande de permis déposée au préalable. Dans Boyd Builders, la Cour suprême est en quelque sorte venue baliser l’exercice de ce pouvoir en imposant à la municipalité qui souhaite rendre opposable son nouveau règlement à la personne dont la demande de permis a été déposée avant que ce règlement ne soit entré en vigueur, un fardeau de démonstration de trois conditions. L’objectif alors visé était d’éviter les abus et d’accorder une certaine protection aux propriétaires[13] en assurant l’équilibre entre les droits de la municipalité et ceux des propriétaires qui, autrement, seraient mis en échec malgré le dépôt de leur demande de permis en temps utile.
  5.            L’appelante soutient aussi que les principes de Boyd Builders sont désuets. Elle donne comme exemple le fait que le fardeau imposé à une municipalité (dans Boyd Builders) de démontrer sa bonne foi afin de rendre son règlement opposable à un citoyen a depuis été écartée par nombre de jugements.
  6.            Cet argument doit aussi être rejeté.
  7.            Il ne fait évidemment pas de doute que la validité d’un règlement se présume et qu’il appartient à celui qui le conteste de prouver la mauvaise foi de la municipalité, règle que la Cour suprême a d’ailleurs encore très récemment réitérée dans le cadre d’une décision unanime de ses membres[14]. La démonstration de la bonne foi dont traite Boyd Builders est requise dans un tout autre contexte, soit celui où la municipalité souhaite opposer à la personne qui a déposé une demande de permis substantiellement complète et conforme au règlement qui était en vigueur lors de ce dépôt une nouvelle norme qui n’aura pris effet qu’après le dépôt de la demande. La démonstration par la municipalité de sa bonne foi ne se rattache alors nullement à la validité du règlement, laquelle est présumée. La démonstration de sa bonne foi ne sera exigée que lorsque, dans ce contexte particulier, elle souhaite contrecarrer le droit prima facie de ce demandeur à la délivrance du permis avant même que le règlement n’entre en vigueur.
  8.            On peut certes s’interroger à savoir si le test de Boyd Builders s’applique toujours au Québec, mais pour une autre raison. Boyd Builders enseigne que la personne qui a déposé une demande de permis possède un droit prima facie à sa délivrance. La municipalité pourra malgré cela lui opposer son nouveau règlement à trois conditions, dont le fardeau lui incombe : elle avait l’intention claire d’adopter la nouvelle norme avant le dépôt de la demande de permis; elle a agi de bonne foi dans l’intérêt public; elle a agi promptement[15].
  9.            En l’espèce, et contrairement à ce qui était le cas dans Boyd Builders, l’appelante ne souhaite pas faire reconnaître par les tribunaux que ses nouvelles normes devraient s’appliquer rétroactivement au dépôt des demandes de permis. Elle avait bien annoncé cet argument en première instance dans l’exposé sommaire de ses moyens de défense et dans son mémoire à la Cour supérieure du 30 novembre 2022, mais elle l’a expressément retiré dans le cadre des admissions additionnelles réciproques des parties du 12 avril 2023 (au paragraphe 3).
  10.            Plutôt, l’appelante soutient que puisque son conseil d’agglomération a adopté une résolution de contrôle intérimaire, l’effet de gel prévu à l’article 68 LAU empêche la délivrance des permis demandés par l’intimée, à moins que celle-ci démontre que ses demandes étaient entièrement, par opposition à substantiellement, conformes et complètes avant l’adoption de la résolution. S’il est reconnu par la jurisprudence et la doctrine qu’il peut y avoir naissance d’un droit au permis lorsque cette demande est « substantiellement conforme et complète », il s’agit là d’une erreur. Toujours selon l’appelante, qui reconnaît toutefois dans son mémoire que la demande peut n’être que substantiellement complète, un tel droit à la délivrance du permis ne devrait être reconnu que si la demande est « entièrement » conforme au règlement en vigueur le jour de son dépôt.
  11.            L’appelante invite donc la Cour à déclarer que la juge a erré en droit en reconnaissant à l’intimée un droit à la délivrance des permis (ou plus précisément un droit à ce que les demandes suivent leur cours), vu que ses demandes n’étaient pas parfaitement complètes et conformes, mais seulement « substantiellement » complètes et « substantiellement » conformes aux dispositions des règlements alors en vigueur. Boyd Builders ne peut servir de fondement à l’ajout du mot substantiellement aux conditions voulant que la demande soit complète et conforme. La demande doit au contraire être substantiellement complète et entièrement conforme. La lecture qu’elle fait des arrêts ultérieurs de notre Cour confirmerait son avis.
  12.            Ce moyen d’appel est rejeté.
  13.            Il est maintenant bien établi dans notre droit que le droit prima facie à un permis de construction naît le jour où une demande de permis « substantiellement conforme et complète »[16] est déposée, et l’appelante ne propose aucun argument valable autorisant la Cour à renverser le droit sur la question. Contrairement à ce que soutient l’appelante, la reconnaissance d’un tel droit prima facie lorsque la demande est substantiellement conforme et complète n’est pas l’expression d’une « souplesse » inacceptable, mais plutôt la reconnaissance d’un droit né lorsque le justiciable s’est placé dans une situation substantiellement identique à celle qu’il aurait occupée s’il avait entrepris la construction alors que celle-ci était autorisée par la réglementation. Le demandeur doit alors démontrer qu’en regard de l’ensemble et de la complexité de son projet, le manquement n’est qu’accessoire ou marginal et qu’il pourra de façon simple le corriger ou pallier l’élément manquant de façon à respecter toutes les normes énoncées dans les règlements.
  14.            Ceci nous amène au moyen d’appel voulant que la juge ait commis une erreur de principe en concluant que les deux manquements admis relatifs au COS et aux deux fiches techniques ne l’empêchaient pas de reconnaître le droit de l’intimée à ce que ses demandes de permis suivent leur cours et soient analysées en fonction des critères du règlement sur les PIIA et par le Service de l’eau de l’appelante.
  15.            Ce moyen se heurte à la norme d’intervention d’une cour d’appel en cette matière.
  16.            La juge expose les raisons qui l’amènent à conclure que ces deux manquements, dans les circonstances particulières de cette affaire et compte tenu de l’ampleur du projet global, étaient minimes et pouvaient être facilement corrigés.
  17.            Bien que l’ampleur de ces deux manquements se situe certainement à la limite de ce qui peut être accepté à titre de manquements ne rendant pas la demande de permis non substantiellement complète et conforme, l’appréciation que la juge en a faite n’est ni une erreur « de principe » ni une erreur de droit. Si erreur il y a, il s’agirait plutôt d’erreurs mixtes de fait et de droit soumises à la norme d’intervention de l’erreur manifeste et déterminante.
  18.            La Cour suprême écrit à cet égard :

[69] Sauf exception, les questions mixtes de fait et de droit sont soumises à la norme d’intervention de l’erreur manifeste et déterminante, une norme qui commande un « degré élevé de retenue » (Benhaim c. StGermain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 38, citant South Yukon Forest Corp. c. R., 2012 CAF 165, 4 B.L.R. (5 th) 31, par. 46). En vertu de cette norme, le rôle d’une cour d’appel ne consiste pas à réexaminer la preuve globalement et à tirer ses propres conclusions, mais simplement à s’assurer que les conclusions du juge du procès — y compris ses inférences juridiques — trouvent appui dans la preuve (Housen, par. 1, 4, 22-23 et 26; Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 55; J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167, par. 79 (CanLII)).[17]

  1.            Or, l’appréciation de l’importance des manquements appartenait à la juge de première instance, appréciation à l’égard de laquelle la Cour doit déférence. L’appelante ne démontrant pas que la juge a erré de façon manifeste et déterminante dans l’appréciation de leur importance et de leur incidence sur la conformité de la demande considérant l’importance et la complexité du projet global, rien ne justifie une intervention de la Cour.
  2.            Je propose donc le rejet de l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

 

 


[1]  Club de golf Métropolitain Anjou inc. c. Ville de Montréal, 2023 QCCS 2743 [jugement entrepris].

[2]  Des mentions de la présence des mezzanines apparaissent aux plans originaux S-400, S-500 et
S-501, pièce P-32A.

[3]  RLRQ, c. A-19.1 [LAU ].

[4]  [1965] S.R.C. 408, SOQUIJ AZ-65111037, 1965 CanLII 1 [Boyd Builders].

[5]  Par l’emploi de l’expression « prise d’effet », j’entends ici non seulement l’entrée en vigueur du règlement, mais aussi toute étape antérieure, par exemple l’adoption d’une résolution de contrôle intérimaire (art. 112.5 LAU) ou encore la présentation d’un avis de motion lorsque la loi prévoit qu’il est susceptible de s’appliquer par anticipation (p. ex., art. 114 LAU; Ville de Dorval c. Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw, 2012 QCCA 1493, par. 42 et s., demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 février 2013, no 35044).

[6]  Boyd Builders, supra, note 4, p. 410.

[7]  1977 CanLII 386 (BC CA), par. 38-44.

[8]  Lorne Giroux, Aspects juridiques du règlement de zonage au Québec, Québec, PUL, 1979, SOQUIJ AZ-81101104, p. 281 et s.

[9]  À titre d’exemples, voir : Ville de Mirabel c. Carrières T.R.P. ltée, [1979] J.Q. no 291, (1979) 12 M.P.L.R. 104, autorisation d’appel à la Cour suprême refusée, 27 mars 1980; Placements Val des Arbres Laval inc. c. Laval (Ville), J.E. 87-588, 1987 CanLII 609 (QC CA); Carrières P.C.M. (1994) Inc. c. Warwick (Municipalité du Canton de), [2002] R.J.Q. 302, 2001 CanLII 18681 (QC CA); Reliance Power Equipment Ltd. c. Montréal (Ville de), [2002] R.J.Q. 2317, 2002 CanLII 7862 (QC CA); 4164857 Canada inc. c. Montréal (Ville de) (arrondissement de Pierrefonds-Roxboro), 2013 QCCA 1306; Al-Musawi c. Westmount (Ville de), 2013 QCCA 2066 [Al-Musawi]; Municipalité de Saint-Colomban c. Boutique de golf Gilles Gareau inc., 2019 QCCA 1402, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 9 avril 2020, no 38868 [St-Colomban]; 9261-1243 Québec inc. c. Ville de Saint-Colomban, 2020 QCCS 977; 9222-9293 Québec inc. c. Ville de Québec, 2024 QCCS 2209; 9116-7957 Québec inc. c. Ville de Shannon, 2024 QCCS 3670.

[10]  Entreprises Sibeca inc. c. Frelighsburg (Municipalité), 2004 CSC 61, par. 29-30.

[11]  (1916) A.C. 81.

[12]  [1959] R.C.S. 453.

[13]  Giroux, supra, note 8, p. 244 et s.

[14]  Auer c. Auer, 2024 CSC 36, par. 3 et 33-40.

[15]  Boyd Builders, supra, note 4, p. 412 : « (a) a clear intent to restrict or zone existing before the application by the owner for a building permit, (b) that council has proceeded in good faith, and (c) that council has proceeded with dispatch ».

[16]  Al-Musawi, supra, note 9, par. 98-102 cité dans Yale Properties Ltd. c. Ville de Beaconsfield, 2019 QCCA 344, par. 33; Saint-Colomban, supra note 9, par. 86.

[17]  Modern Concept d’entretien inc. c. Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics de la région de Québec, 2019 CSC 28, par. 69-70. Voir aussi La Prairie (Ville de) c. Demix Béton, une division de Holcim (Canada) inc., 2014 QCCA 661, par. 16.

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