Décision

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TCA Global Credit Master Fund c. Apelian

2025 QCCA 1083

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE MONTRÉAL

 

 :

500-09-030822-233

(500-17-124446-231)

 

DATE :

5 septembre 2025

 

 

FORMATION : 

LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A.

 

 

TCA GLOBAL CREDIT MASTER FUND, LP

APPELANTE – demanderesse

c.

 

JEAN-PIERRE APELIAN

8894132 CANADA INC.

8895791 CANADA INC.

INTIMÉS – défendeurs

 

 

ARRÊT

 

 

  1.                 L’appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Gabrielle Brochu), rejetant sa demande en reconnaissance et exécution d’un jugement rendu en Floride.


  1.                 Pour les motifs du juge Bachand, auxquels souscrivent les juges Doyon et Baudouin, LA COUR :
  2.                 REJETTE l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

 

 

 

FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A.

 

Me Jacques S. Darche

Me Katia-Maria Medina Avelar

BORDEN LADNER GERVAIS

Pour l’appelante

 

Me Jean-Philippe Gervais

GBC LÉGAL

Pour l’intimé Jean-Pierre Apelian

 

Date d’audience :

19 mars 2025


 

 

 

MOTIFS DU JUGE BACHAND

 

 

  1.                 L’appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure, rejetant sa demande en reconnaissance et exécution d’un jugement floridien ayant (i) condamné les intimées 8894132 Canada inc. et 8895791 Canada inc. à lui payer la somme de 4 392 640,24 $ US avec intérêts au taux de 4,25 % et (ii) condamné l’intimé Jean-Pierre Apelian à lui payer la somme de 1 500 000 $ US[1].

I. Contexte

  1.                 Le litige découle d’un prêt consenti en février 2014 par l’appelante, une société incorporée aux Îles Caïmans, à la société Groupe Mercador Transport US inc. (« GMT »), une filiale américaine d’une société québécoise œuvrant dans le domaine du transport et de la logistique à l’échelle internationale. Les intimés, qui sont tous domiciliés au Québec, y interviennent à titre de cautions, mais la responsabilité de M. Apelian est limitée à 1 500 000 $ US. Les contrats pertinents contiennent tous des clauses les assujettissant au droit du Nevada.
  2.                 En juin 2017, l’appelante intente au Québec une action en remboursement du prêt contre les intimés. Ces derniers répondent en soutenant, premièrement, que les contrats à l’origine du litige sont nuls pour cause de dol et, deuxièmement, que les tribunaux québécois ne sont pas compétents en raison de clauses d’élection de for contenues dans ces mêmes contrats et conférant une compétence exclusive aux tribunaux de la Floride. Sur ce dernier point, l’appelante rétorque que les clauses ne sauraient s’appliquer étant donné le débat entourant la validité des contrats dont elles font partie. L’argument ne convainc pas la Cour supérieure qui, en septembre 2017, accueille l’exception déclinatoire des intimés[2]. Ce jugement est confirmé en appel en juillet 2018[3].
  3.                 En janvier 2019, l’appelante intente en Floride une action en remboursement du prêt contre GMT et les intimés. Ceux-ci répondent en dénonçant par écrit leurs moyens de défense et en se portant demandeurs reconventionnels. Entre autres choses, les intimés plaident que leur consentement aux contrats de cautionnement a été vicié par le dol (fraudulent misrepresentations) de l’appelante. Cette dernière répond en demandant le rejet sommaire de la défense et de la demande reconventionnelle.
  4.                 Le 5 janvier 2021, un tribunal floridien donne raison à l’appelante. Ce faisant, le tribunal rejette les moyens de défense fondés sur le dol en insistant sur le fait que les intimés y ont valablement renoncé par le biais de certaines clauses de renonciation contenues dans les contrats conclus en 2014. Les clauses en question — dont les deux premières se trouvent dans le contrat de prêt et la troisième dans les contrats de cautionnement — prévoient ce qui suit :

13.4 WAIVER OF DEFENSES. THE CREDIT PARTIES AND THE INDIVIDUAL GUARANTORS WAIVE EVERY PRESENT AND FUTURE DEFENSE, CAUSE OF ACTION, COUNTERCLAIM OR SETOFF WHICH THE CREDIT PARTIES OR THE INDIVIDUAL GUARANTOR[S] MAY HAVE AS OF THE CLOSING DATE TO ANY ACTION BY LENDER IN ENFORCING THIS AGREEMENT AND THE OTHER LOAN DOCUMENTS. THE CREDIT PARTIES AND THE INDIVIDUAL GUARANTORS WAIVE ANY IMPLIED COVENANT OF GOOD FAITH AND RATIFY AND CONFIRM WHATEVER LENDER MAY DO PURSUANT TO THE TERMS OF THIS AGREEMENT AND THE OTHER LOAN DOCUMENTS AS THE CLOSING DATE. THIS PROVISION IS A MATERIAL INDUCEMENT FOR LENDER GRANTING ANY FINANCIAL ACCOMMODATION TO BORROWER.

13.21 Release. In consideration of the mutual promises and covenants made herein, and other good and valuable consideration, the receipt and sufficiency of which is hereby acknowledged, and intending to be legally bound hereby, the Credit Parties and the Individual Guarantors hereby agree to fully, finally and forever release and forever discharge and covenant not to sue Lender and/or and its parent companies, subsidiaries, affiliates, divisions and their respective attorneys, officers, directors, agents, shareholders, members, employees, predecessors, successors, assigns, personal representatives, partners, heirs and executors from any and all debts, fees, attorneys’ fees, liens, costs, expenses, damages, sums of money, accounts, bonds, bills, covenants, promises, judgments, charges, demands, claims, causes of action, suits, liabilities, expenses, obligations or contracts of any kind whatsoever, whether in law or in equity, whether asserted or unasserted, whether known or unknown, fixed or contingent, under statute or otherwise, from the beginning of time through the Closing Date, including, without limiting the generality of the foregoing, any and all claims relating to or arising out of any financing transactions, credit facilities, debentures, security agreements, and other agreements including, without limitation, each of the Loan Documents, entered into by the Credit Parties and the Individual Guarantors with Lender and any and all claims that the Credit Parties and the Individual Guarantors does not know or suspect to exist, whether through ignorance, oversight, error, negligence, or otherwise, and which, if known, would materially affect their decision to enter into this Agreement or the related Loan Documents.

[…] Waiver. Except as otherwise provided herein or in any of the Loan Documents, Guarantor waives notice of acceptance of this Guaranty and notice of the Liabilities and waives notice of default, non-payment, partial payment, presentment, demand, protest, notice of protest or dishonor, and all other notices to which Guarantor might otherwise be entitled or which might be required by law to be given by Lender. Guarantor waives the right to any stay of execution and the benefit of all exemption laws, to the extent permitted by law, and any other protection granted by law to guarantors, now or hereafter in effect with respect to any action or proceeding brought by Lender against it. Guarantor may have at any time against Borrower or any other party liable to Lender.

[Majuscules et soulignements dans l’original]

  1.                 L’intimé Apelian réagit en demandant la révision du jugement du 5 janvier 2021. Cette demande est rejetée le 2 mai 2021.
  2.            L’instance se poursuit et le tribunal floridien rend deux autres jugements. Le premier, daté du 10 septembre 2021, établit le droit de l’appelante d’être remboursée. Le second, rendu le 19 octobre 2021, précise les sommes devant être payées par les intimés.
  3.            Les intimés se pourvoient en appel quelques semaines plus tard. L’appel est rejeté le 29 décembre 2022 et le jugement du 19 octobre 2021 devient final le 10 février 2023.
  4.            En mars 2023, l’appelante dépose en Cour supérieure sa demande en reconnaissance et exécution du jugement du 19 octobre 2021.
  5.            M. Apelian, le seul intimé qui participe à l’instance, conteste cette demande au motif que les clauses de renonciation sur lesquelles s’est appuyé le tribunal floridien sont « contraires à l’ordre public du Québec »[4], en ce qu’elles « ont pour effet de dépouiller à l’avance une partie contractante de tous ses droits en vertu tant du Code civil du Québec, que du droit statutaire québécois, que de la Charte des droits et libertés de la personne »[5]. M. Apelian déplore aussi le fait que les clauses ont pour effet d’écarter à l’avance, et pour le futur, l’obligation d’agir de bonne foi ainsi que toute cause d’action, y compris en matière de fraude[6]. Pour ces motifs, il estime que ces stipulations sont « contraires aux fondements juridiques et philosophiques qui sous-tendent le droit civil québécois, et donc contraires à l’ordre public »[7]. Il est d’avis que la reconnaissance et l’exécution du jugement du 19 octobre 2021 doivent être refusées au regard des paragraphes (3°) et (5°) de l’article 3155 C.c.Q. :

3155. Toute décision rendue hors du Québec est reconnue et, le cas échéant, déclarée exécutoire par l’autorité du Québec, sauf dans les cas suivants :

3155. A decision rendered outside Québec is recognized and, where applicable, declared enforceable by the Québec authority, except in the following cases:

1° L’autorité de l’État dans lequel la décision a été rendue n’était pas compétente suivant les dispositions du présent titre;

(1) the authority of the State where the decision was rendered had no jurisdiction under the provisions of this Title;

2° La décision, au lieu où elle a été rendue, est susceptible d’un recours ordinaire, ou n’est pas définitive ou exécutoire;

(2) the decision, at the place where it was rendered, is subject to an ordinary remedy or is not final or enforceable;

La décision a été rendue en violation des principes essentiels de la procédure;

(3) the decision was rendered in contravention of the fundamental principles of procedure;

4° Un litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet, a donné lieu au Québec à une décision passée ou non en force de chose jugée, ou est pendant devant une autorité québécoise, première saisie, ou a été jugé dans un État tiers et la décision remplit les conditions nécessaires pour sa reconnaissance au Québec;

(4) a dispute between the same parties, based on the same facts and having the same subject has given rise to a decision rendered in Québec, whether or not it has become final, is pending before a Québec authority, first seized of the dispute, or has been decided in a third State and the decision meets the conditions necessary for it to be recognized in Québec;

Le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales;

(5) the outcome of a foreign decision is manifestly inconsistent with public order as understood in international relations;

6° La décision sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d’un État étranger.

(6) the decision enforces obligations arising from the taxation laws of a foreign State.

 

[Soulignements ajoutés]

II. Le jugement entrepris

  1.            La juge de première instance commence son analyse en rappelant le cadre juridique applicable à la demande de l’appelante. Elle explique, en citant les commentaires du ministre de la Justice[8], que l’article 3155 C.c.Q. « vise à favoriser la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers dans un esprit de courtoisie internationale »[9]. Elle souligne, en s’appuyant sur l’arrêt Lépine[10], que « ce n’est qu’exceptionnellement qu’un jugement rendu par une autorité étrangère ne sera pas reconnu »[11]. Puis, elle rappelle les enseignements de l’arrêt R.S.[12] relatifs à l’exception d’ordre public codifiée au paragraphe 3155(5°) C.c.Q. :
  • « c’est le résultat de la décision étrangère qui doit faire l’objet de l’analyse, et non les lois de l’État étranger »[13];
  • « [i]l ne s’agit pas de faire la leçon aux autorités étrangères sur leur propre droit »[14];
  • « [l]e rôle du tribunal québécois consiste simplement à s’assurer que ne soit pas exécutée une décision étrangère dont le résultat serait à ce point incompatible avec certaines des valeurs qui sous-tendent le système juridique québécois qu’il ne pourrait être incorporé à celui-ci »[15];
  • « il est […] inapproprié de considérer que l’art. 3155(5) C.c.Q. exige du tribunal qu’il procède à l’examen au fond de la décision ou de la loi étrangère », ce que confirme notamment l’article 3158 C.c.Q., qui interdit au tribunal saisi d’une demande de reconnaissance et exécution de « procéder à l’examen au fond/[to] conside[r] the merits » du jugement étranger visé[16];
  • « la conformité avec l’ordre public international requiert simplement que l’on s’assure que la solution donnée par le jugement étranger pourra s’intégrer de manière harmonieuse dans l’ordre juridique du for québécois »[17];
  • « [l]’ordre public tel qu’entendu dans les relations internationales [étant] généralement plus restreint que son pendant en droit interne », la question est de savoir si le résultat du jugement étranger « heurte de front les conceptions morales, sociales, économiques ou même politiques qui sous-tendent l’ordre juridique québécois »[18];
  • cette incompatibilité « doit être grave et doit s’apprécier concrètement, afin de vérifier si l’incorporation [du] résultat [du jugement étranger] dans l’ordre juridique québécois matérialise véritablement ce conflit de conceptions »[19].
  1.            La juge examine ensuite la validité des clauses de renonciation litigieuses du point de vue de l’ordre public interne. Elle souligne que les devoirs d’agir équitablement et de manière conforme aux exigences de la bonne foi font partie intégrante de l’ordre public et ont pour effet de limiter la liberté contractuelle en droit québécois. Elle rappelle qu’au Québec, une clause par laquelle une partie contractante renonce à l’avance à son obligation d’agir de bonne foi est illégale et sans effet[20]. Ces constats la conduisent à conclure que les clauses invoquées par l’appelante sont contraires à l’ordre public interne.
  2.            Puis, la juge se penche plus spécifiquement sur l’exception d’ordre public codifiée au paragraphe 3155(5°) C.c.Q.
  3.            Elle s’emploie d’abord à préciser le résultat du jugement du 19 octobre 2021 qui, à ses yeux, ne se limite pas à une simple condamnation des cautions à rembourser un préteur à la suite du défaut du débiteur. Elle insiste sur le fait que le jugement a pour effet de « permettre l’exécution d’un contrat dont les conditions de formation ne peuvent être remises en cause alors même qu’on voudrait soulever des gestes frauduleux ou malhonnêtes, ou la mauvaise foi de l’autre partie, qui auraient vicié le consentement »[21]. Elle ajoute ceci[22] :

C’est dire qu’en reconnaissant le jugement de la Floride, on admet la validité de la renonciation d’une partie à soulever toute cause de nullité du contrat, incluant les manœuvres dolosives de l’autre partie, alors que la renonciation elle-même pourrait avoir été obtenue par le biais de ces manœuvres.

  1.            La juge s’interroge ensuite sur la compatibilité de ce résultat avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales.
  2.            S’appuyant sur les travaux de la professeure Lefebvre[23], elle conclut que « le fait pour une partie de ne pas pouvoir invoquer les gestes répréhensibles de l’autre partie sans lesquels elle n’aurait pas contracté, et qui lui étaient inconnus au moment de la formation du contrat, heurte les valeurs morales d’honnêteté, d’équité et de justice contractuelle que sous-tend le droit des obligations »[24].
  3.            Elle ajoute, en s’appuyant cette fois sur les enseignements des auteurs Baudouin et Jobin[25], que les devoirs d’agir de manière équitable et conforme aux exigences de la bonne foi constituent désormais des principes généraux « incontournables »[26] et susceptibles de limiter la liberté contractuelle, et ce, non seulement au Québec, mais également en France ainsi qu’au regard d’instruments normatifs transnationaux comme la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises[27], les Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international[28] ou les Principes du droit européen des contrats[29].
  4.            Après avoir rappelé qu’il importe de sanctionner tout comportement frauduleux ou malhonnête, la juge constate l’incompatibilité entre, d’une part, un jugement étranger permettant à une partie de profiter de ses propres manœuvres frauduleuses et, d’autre part, l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales[30].
  5.            Elle conclut son analyse ainsi :

[35] Le Tribunal conclut que la condamnation d’Apelian sur la base des clauses de renonciation et de quittance qui l’empêchent d’opposer à TCA ses fausses représentations, son comportement frauduleux et sa mauvaise foi qui auraient vicié son consentement est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales. Cette condamnation révèle une importante divergence de conception juridique et sociale au regard de la conduite à laquelle on s’attend des parties contractantes dans l’ordre juridique du for québécois.

[36] Cette conclusion sur la demande en homologation d’Apelian empêche la reconnaissance par défaut du jugement contre les Canada inc. La condamnation des Canada inc. par la justice floridienne se fonde sur le même raisonnement juridique et les mêmes clauses contractuelles que pour Apelian. Partant, les effets du jugement sont nécessairement les mêmes et son intégration au droit québécois est, de ce fait, également incompatible.

[Soulignements ajoutés]

III. Analyse

  1.            L’appelante reproche à la juge de première instance d’avoir commis plusieurs erreurs en appliquant l’article 3155 C.c.Q. La juge aurait d’abord perdu de vue qu’elle devait concentrer son analyse sur le résultat du jugement du 19 octobre 2021, sans réexaminer le fond du litige. En outre, elle aurait erré en appliquant l’exception d’ordre public en l’absence de toute preuve relative aux valeurs sous-tendant l’ordre juridique international, et cette erreur l’aurait conduite à accorder une importance indue à l’ordre public québécois interne. Enfin, le jugement entrepris méconnaîtrait le fait que les intimés ont eu amplement l’occasion d’être entendus dans le cadre de l’instance floridienne : la juge aurait donc eu tort de laisser entendre qu’ils avaient été empêchés de faire valoir leurs moyens relatifs au comportement prétendument frauduleux et malhonnête de l’appelante.
  1. Le jugement du 19 octobre 2021 n’a pas été rendu en violation des principes essentiels de la procédure au sens du paragraphe 3155(3°) C.c.Q.
  1.            J’estime utile de préciser d’entrée de jeu que les véritables enjeux de ce pourvoi concernent l’exception d’ordre public et non celle relative à l’équité procédurale.
  2.            En effet, il est clair que le jugement du 19 octobre 2021 n’a pas été rendu « en violation des principes essentiels de la procédure/in contravention of the fondamental principles of procedure » au sens du paragraphe 3155(3°) C.c.Q. Cette exception vise les jugements étrangers rendus au terme d’un processus frauduleux[31] ou ne respectant pas « certains principes larges, tel le droit d’être assigné avant son procès[,] le droit de faire valoir ses moyens »[32] ou encore « la représentation adéquate du défendeur devant le forum étranger »[33]. Or, les intimés, qui ont eux-mêmes insisté pour que l’action de l’appelante procède en Floride plutôt qu’au Québec, ont eu l’occasion d’y être entendus et de faire valoir leurs moyens, quatre fois plutôt qu’une : en déposant leur défense et demande reconventionnelle; en contestant la demande de rejet sommaire de leur défense et demande reconventionnelle; en demandant la révision du jugement rejetant sommairement leur défense et demande reconventionnelle; puis, en interjetant appel du jugement du 19 octobre 2021. Rien ne donne à penser que les intimés n’ont pas été adéquatement représentés ou que le processus a été entaché d’une quelconque irrégularité d’ordre procédural.
  3.            Certes, les intimés se plaignent du fait que les tribunaux floridiens n’ont jamais statué sur le bien-fondé de leur moyen invoquant un vice de consentement lié au comportement prétendument dolosif ou frauduleux de l’appelante. Toutefois, cette situation ne résulte pas d’une quelconque lacune ou irrégularité procédurale. Elle tient plutôt au fait que les tribunaux floridiens ont conclu au caractère manifestement mal fondé du moyen des intimés au regard des clauses de renonciation dans le contrat de prêt et les contrats de cautionnement qu’ils ont signés.
  4.            La juge de première instance a bien compris cette nuance, puisqu’elle a concentré son analyse sur l’exception d’ordre public codifiée au paragraphe 3155(5°) C.c.Q. Voyons maintenant si, ce faisant, elle a commis des erreurs révisables en l’appliquant aux circonstances de la présente affaire.
  1. La juge a-t-elle erré en réexaminant au fond le jugement du 19 octobre 2021 plutôt que de se limiter à en analyser le résultat?
  1.            L’argument principal de l’appelante est qu’en appliquant l’exception d’ordre public, la juge a réexaminé au fond le jugement du 19 octobre 2021 alors qu’elle aurait dû se limiter à en analyser le résultat. Cette erreur serait déterminante, car le jugement aurait simplement pour résultat de forcer les intimés à payer certaines sommes aux termes d’une opération commerciale des plus banales — un prêt garanti par des cautionnements —, ce qui ne contreviendrait aucunement à l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales. L’appelante estime par ailleurs que la juge a conclu en ce sens au début de son analyse, en écrivant ce qui suit[34] :

Il est vrai de dire que l’effet du jugement du 19 octobre 2021 est de condamner la caution à rembourser le créancier alors qu’il y a eu prêt, déboursé et défaut du débiteur. Rien de cela ne choque.

Or, selon l’appelante, la juge aurait dû s’en tenir à ce constat plutôt que d’étendre son analyse à la nature et l’effet des clauses de renonciation litigieuses. C’est en procédant de la sorte qu’elle aurait contrevenu à l’interdiction de procéder à l’examen au fond du jugement.

  1.            L’appelante a évidemment raison d’affirmer que, lorsqu’il est appelé à appliquer l’exception d’ordre public, le tribunal doit limiter son analyse au résultat du jugement étranger tout en se gardant d’en examiner le fond. Le paragraphe 3155(5°) et l’article 3158 C.c.Q. sont limpides sur ce point, que la doctrine[35] et la jurisprudence[36] rappellent constamment.
  2.            J’estime toutefois que l’appelante privilégie une conception trop étroite de la notion de résultat lorsqu’elle invite la Cour à conclure que le jugement du 19 octobre 2021 ne fait que condamner les intimés à payer certaines sommes aux termes d’un prêt garanti par des cautionnements. Si l’on suivait son raisonnement, il s’ensuivrait, par exemple, que le paragraphe 3155(5°) C.c.Q. ne pourrait s’appliquer à l’égard d’un jugement étranger condamnant un débiteur à rembourser un prêt sur le fondement de modalités contractuelles discriminatoires au regard d’un motif tel la race, l’origine ethnique ou la religion. Il en irait de même à l’égard d’un jugement condamnant un mandant à payer à son mandataire les honoraires dus aux termes d’un contrat visant à faciliter la vente d’armes interdites à l’échelle internationale. De tels résultats seraient assurément intolérables.
  3.            Certes, l’exception d’ordre public déroge au principe général favorisant la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers[37] et elle est, pour cette raison, d’application stricte[38]. Il faut toutefois se garder d’en restreindre la portée au point de compromettre son rôle de garde-fou contre des jugements dont la reconnaissance et l’exécution au Québec seraient susceptibles de causer de graves injustices ou d’enfreindre des normes fondamentales.
  4.            À mon avis, aux fins de l’application de l’exception d’ordre public, le résultat d’un jugement étranger ne saurait être analysé uniquement au regard de la teneur de son dispositif. Il faut plutôt s’interroger sur ses effets concrets, lesquels doivent être appréciés en tenant compte des circonstances de l’espèce. Cette approche rejoint celle que privilégient les auteurs Ferland et Laganière[39] :

À notre avis, […] on ne devrait pas exagérer le caractère restrictif du contrôle effectué par le tribunal québécois, ou complètement dissocier l’ordonnance prononcée par l’autorité étrangère des motifs qui la sous-tendent. Par exemple, un tribunal québécois pourrait, selon nous, refuser de reconnaître une décision donnant effet à un contrat dont l’objet est contraire à l’ordre public international (par exemple un contrat ayant pour objet la corruption d’un fonctionnaire étranger), et ce, même si la décision ne fait que condamner une partie au paiement d’une somme d’argent. Bien qu’on pourrait prétendre que le résultat de la décision n’est qu’une condamnation monétaire (ce qui, en tant que tel, ne serait pas contraire à l’ordre public), il nous semble que le véritable résultat de la décision devrait plutôt être vu comme le fait de donner effet à une entente contraire à l’ordre public international.

[Soulignements ajoutés]

  1.            La juge de première instance a donc eu raison de ne pas s’en tenir au dispositif du jugement du 19 octobre 2021 et de conclure que celui-ci avait comme résultat de donner effet à « la renonciation d’une partie à soulever toute cause de nullité du contrat, incluant les manœuvres dolosives de l’autre partie, alors que la renonciation elle-même pourrait avoir été obtenue par le biais de ces manœuvres »[40].
  2.            Se pose maintenant la question de savoir si elle a commis une erreur révisable en concluant que ce résultat est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales.
  1. La juge a-t-elle commis une erreur révisable en concluant que le résultat du jugement du 19 octobre 2021 est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales?
  1.            Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante reproche surtout à la juge d’avoir appliqué l’exception d’ordre public en l’absence de toute preuve relative aux valeurs sous-tendant l’ordre juridique international, et cette erreur l’aurait conduite à accorder une importance indue à l’ordre public québécois interne.
  1. La nature de l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales
  1.            Je souligne d’entrée de jeu que la position de l’appelante est fondée sur une prémisse erronée quant à la nature de l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales. En effet, cet ordre public n’est pas composé de normes exogènes à l’ordre juridique québécois et dont il incomberait à la partie invoquant le paragraphe 3155(5°) C.c.Q. de prouver la teneur. Comme l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt R.S. — rejoignant sur ce point la doctrine[41] —, l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales est composé de normes reflétant « les conceptions morales, sociales, économiques ou même politiques qui sous-tendent l’ordre juridique québécois »[42].
  2.            Il est intéressant de noter que les deux instruments normatifs dont le législateur s’est inspiré en rédigeant l’article 3155 C.c.Q.[43] sont au même effet. Le premier, la Convention du premier février 1971 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale adoptée sous les auspices de la Conférence de La Haye de droit international privé[44], prévoit que la reconnaissance ou l’exécution d’un jugement étranger peut être refusée si celui-ci « est manifestement incompatible avec l’ordre public de l’État requis »[45]. Le second, la Loi fédérale sur le droit international privé suisse de 1987[46], prévoit quant à elle que « [l]a reconnaissance d’une décision étrangère doit être refusée en Suisse si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public suisse »[47].
  3.            Une approche similaire prévaut dans les ressorts de common law, où l’exception d’ordre public permet de refuser de reconnaître ou d’exécuter « un jugement étranger fondé sur une loi contraire aux valeurs morales fondamentales du régime juridique canadien »[48]. En outre, la récente Convention sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale, qui a elle aussi été adoptée sous les auspices de la Conférence de La Haye de droit international privé[49] et qui est en vigueur dans une trentaine d’États — dont la quasi-totalité sont des membres de l’Union européenne —, va dans le même sens : la reconnaissance ou l’exécution d’un jugement étranger peut être refusée si elle est « manifestement incompatible avec l’ordre public de l’État requis »[50].
  4.            Bref, l’ordre public auquel réfère le paragraphe 3155(5°) C.c.Q. ne constitue pas un ordre public réellement international composé de normes reflétant des principes et valeurs universellement reconnus comme étant fondamentaux. Il s’agit plutôt d’une sous-catégorie de l’ordre public québécois, composée de normes internes, mais importantes au point où on les considère d’application impérative à toute situation juridique présentant des éléments d’extranéité, et ce, malgré la courtoisie dont le Québec fait généralement preuve à l’égard des droits étrangers dont la teneur diffère du sien[51].
  5.            Étant donné que l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales constitue une sous-catégorie de l’ordre public québécois, il ne saurait être question d’avoir à en prouver la teneur : aux termes de l’article 2807 alinéa 1 C.c.Q., le tribunal doit en prendre connaissance d’office. Le fait que M. Apelian n’a produit aucun élément de preuve sur sa teneur ne faisait donc aucunement obstacle à l’application du paragraphe 3155(5°) C.c.Q.
  6.            Il reste à déterminer si la juge a commis une erreur révisable en concluant qu’un jugement étranger ayant pour résultat de donner effet à une clause par laquelle une partie renonce à la possibilité d’invoquer contre son cocontractant le dol que ce dernier aurait commis est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales.
  1. La conformité à l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales d’un jugement étranger donnant effet à une renonciation anticipée aux sanctions en matière de dol
  1.            Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de dire deux mots sur la norme d’intervention applicable dans le contexte d’un appel d’un jugement appliquant le paragraphe 3155(5°) C.c.Q. À mon avis, toute question relative à la teneur de l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales constitue une question de droit que la Cour est libre de réexaminer sans devoir faire preuve de retenue à l’égard de l’analyse effectuée par le juge de première instance[52]. Toutefois, les questions ayant plus spécifiquement trait à la conformité du jugement étranger à cet ordre public constituent des questions mixtes de fait et de droit assujetties à la norme de l’erreur manifeste et déterminante[53].
  2.            En l’espèce, le débat concerne au premier chef la teneur de l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales, car il s’agit essentiellement de déterminer si cet ordre public s’oppose à une clause par laquelle une partie renonce à la possibilité d’invoquer contre son cocontractant le dol que ce dernier aurait commis. La norme applicable est donc celle de la décision correcte.
  3.            Il ne fait aucun doute que la juge de première instance a eu raison de conclure qu’une telle clause est contraire à l’ordre public interne québécois. Le cocontractant ayant recours à des manœuvres dolosives contrevient forcément à son devoir d’agir de bonne foi au moment de la naissance de l’obligation[54], un devoir dont le caractère impératif est acquis[55]. Ainsi, et comme le rappellent les auteurs Lluelles et Moore, la victime d’un dol ne peut renoncer à l’avance aux sanctions prévues à l’article 1407 C.c.Q., même par une clause expresse[56].
  4.            La question est toutefois de savoir si cette règle reflète des « conceptions morales, sociales, économiques ou même politiques qui sous-tendent l’ordre public québécois »[57] au point où son application doit s’imposer même à l’égard de situations juridiques présentant des éléments d’extranéité. J’estime que c’est le cas, pour trois principales raisons.
  5.            La première tient au caractère fondamental du principe juridique sur lequel repose la règle consacrant l’illicéité d’une renonciation anticipée aux sanctions en matière de dol. Traduit par l’adage fraus omnia corrumpit, ce principe consacre le caractère intolérable de tout comportement consistant à tromper autrui délibérément[58]. Son rôle essentiel est très bien mis en lumière dans l’extrait de l’ouvrage de l’auteur Vidal reproduit au paragraphe [33] du jugement entrepris. Par souci de commodité, je me permets de le reproduire à nouveau[59] :

Participant ainsi au maintien du caractère impératif de la règle de droit, la théorie de la fraude se révèle indispensable au maintien de l’ordre établi; et le trouble social qu’engendrerait la possibilité d’éluder les règles juridiques par la ruse vérifie cette nécessité. Mais il y a plus, et on peut se demander si cette théorie n’est pas inhérente à la notion même d’ordre juridique. Nous le pensons. L’absence d’une sanction de la fraude, parce qu’elle permettrait d’éluder le caractère obligatoire des règles juridiques, serait la négation du Droit lui-même, impératif par nature. La maxime fraus omnia corrumpit formule ainsi l’une des règles fondamentales qui constituent l’ossature de notre droit, sur lesquelles repose notre système juridique suffisamment perfectionné : elle est un principe général du droit.

[Soulignements ajoutés; italiques dans l’original; renvois omis]

Comme on le constate à la lecture de cet extrait, il est nécessaire non seulement que la fraude soit interdite, mais également qu’elle puisse être sanctionnée. Il me semble donc clair qu’une clause par laquelle une partie cherche à s’aménager à l’avance la possibilité de profiter de son propre dol — et, partant, à se mettre à l’abri de toute sanction — heurte de plein fouet le principe fondamental condamnant la fraude sous toutes ses formes.

  1.            La deuxième raison tient au consensus dont cette solution fait l’objet dans les ressorts civilistes et en common law. Le paragraphe 4:118(1) des Principes du droit européen des contrats[60], qui ont vocation à codifier des solutions largement admises dans l’espace juridique européen, prévoit que « [l]es parties ne peuvent exclure ni restreindre les moyens qui sanctionnent le dol »[61]. Pour ce qui est des ressorts de common law, on peut d’abord citer l’ouvrage de référence du professeur Burrows, maintenant juge à la Cour suprême du Royaume-Uni, qui explique qu’en droit anglais, « as a matter of public policy, one cannot exclude liability for one’s own fraudulent misrepresentation »[62]. Le droit en vigueur dans les ressorts canadiens de common law est au même effet : après avoir mentionné que « [a] broadly worded clause would not be construed to exempt liability for fraudulent misrepresentation »[63], le professeur McCamus précise que « an explicit attempt to exclude liability for fraud would be ineffective at common law »[64]. Ce consensus est important, car le fait qu’une règle impérative est largement reconnue en droit comparé constitue un indicateur particulièrement probant de son rattachement à des conceptions morales, sociales, économiques ou politiques revêtant un caractère fondamental.
  2.            La troisième raison tient au fait que les Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international[65] consacrent eux aussi l’illicéité des renonciations anticipées aux sanctions en matière de dol[66]. Il me semble très révélateur que cette règle ait été retenue par un groupe d’experts internationaux œuvrant sous l’égide de l’Institut international pour l’unification du droit privé. Cela est d’autant plus vrai que la mission de ces experts consistait à codifier des solutions qui, en plus d’être largement adoptées en droit comparé, sont également adaptées aux besoins des opérateurs du commerce international[67]. L’approche retenue par UNIDROIT démontre que l’interdiction de renoncer à l’avance aux sanctions en matière de dol reflète des conceptions morales, sociales, économiques ou politiques qui sont fondamentales non seulement dans un contexte interne, mais également à l’égard de situations juridiques présentant des éléments d’extranéité.
  3.            Bref, la juge de première instance a vu juste en concluant que le résultat du jugement du 19 octobre 2021 est manifestement incompatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales. Elle a donc eu raison de rejeter la demande de l’appelante.

IV. Conclusion

  1.            Pour ces motifs, je propose de rejeter l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A.

 


[1] TCA Global Credit Master Fund c. Apelian, 2023 QCCS 4924 jugement entrepris »).

[2] TCA Global Credit Master Fund c. 8894132 Canada Inc., 2017 QCCS 4146.

[3] TCA Global Credit Master Fund c. 8894132 Canada inc., 2018 QCCA 1132.

[4] Motifs de contestation précisés du défendeur Jean-Pierre Apelian à l’encontre de la « Judicial Application originating a proceeding for recognition and enforcement of a decision rendered outside of Québec », 2 octobre 2023, M.A., vol. 2, p. 86.

[5] Id., par. 30.

[6] Id., par. 31.

[7] Id., par. 33.

[8] Ministère de la Justice du Québec, Commentaires du ministre de la Justice, t. II, Québec, Publications du Québec, 1993, art. 3155.

[9] Jugement entrepris, par. 18.

[10] Société canadienne des postes c. Lépine, 2009 CSC 16.

[11] Jugement entrepris, par. 18.

[12] R.S. c. P.R., 2019 CSC 49.

[13] Id., par. 52.

[14] Ibid.

[15] Ibid.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] Id., par. 53.

[19] Ibid.

[20] Elle s’appuie sur ce point sur les travaux du professeur Karim : Vincent Karim, Les obligations, 5e éd., vol. 1 (« Articles 1371 à 1496 »), Montréal, Wilson & Lafleur, 2020, p. 128 (n° 3030).

[21] Jugement entrepris, par. 29.

[22] Id., par. 30.

[23] Brigitte Lefebvre, « Liberté contractuelle et justice contractuelle : Le rôle accru de la bonne foi comme norme de comportement », (2000) 129 Développements récents en droit des contrats 49.

[24] Jugement entrepris, par. 31.

[25] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, p. 222 (n° 132).

[26] Jugement entrepris, par. 32.

[27] 4 novembre 1980, 1489 R.T.N.U. 79, entrée en vigueur le 1er janvier 1988.

[28] Institut international pour l’unification du droit privé (Unidroit), Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international — 2016, 4e éd., Rome, 2016.

[29] Commission pour le droit européen du contrat, Principes du droit européen du contrat, Paris, Société de législation comparée, 2003. Voir aussi https://www.law.kuleuven.be/personal/mstorme/PECL.html.

[30] La juge s’appuie ici sur : José Vidal, Essai d’une Théorie générale de la fraude en droit français : le principe « fraus omnia corrumpit », Paris, Librairie Dalloz, 1957, p. 386; Landreville c. Ville de Boucherville, [1978] 2 R.C.S. 801, p. 814; Droit de la famille — 171197, 2017 QCCA 861, par. 99.

[31] H. Patrick Glenn, « Droit international privé », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 3 « Priorités et hypothèques, preuve et prescription, publicité des droits, droit international privé, dispositions transitoires », Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1993, 671, p. 733 (n° 104); Droit de la famille — 08689, 2008 QCCA 549; Droit de la famille — 24102, 2024 QCCA 111.

[32] H. Patrick Glenn, « Droit international privé », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 3 « Priorités et hypothèques, preuve et prescription, publicité des droits, droit international privé, dispositions transitoires », Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1993, 671, p. 733 (n° 104). Voir aussi : Société canadienne des postes c. Lépine, 2009 CSC 16, par. 44; Canfield Technologies inc. c. Servi-Metals Canada inc., 1999 CanLII 10839 (C.S.), par. 17, appel rejeté sur requête, 18 octobre 1999, n° 500-09-008657-991; Society of Lloyd’s v. Alper, 2006 QCCS 1203, par. 77, confirmé par Alper c. Society of Lloyd’s, 2007 QCCA 1321; Jeffrey A. Talpis et Jean-Gabriel Castel, « Le Code civil du Québec – Interprétation des règles du droit international privé », dans La réforme du Code civil, vol. 3 « Priorités et hypothèques, preuve et prescription, publicité des droits, droit international privé, dispositions transitoires », Québec, Presses de l’Université Laval, 801, p. 913 (n° 471); Sylvette Guillemard et Van Anh Ly, Éléments de droit international privé québécois, Montréal, Yvon Blais, 2019, p. 63 et 102.

[33] Société canadienne des postes c. Lépine, 2007 QCCA 1092, par. 70, citant Gérald Goldstein et Ethel Groffier, Droit international privé, t. I « Théorie générale », Cowansville, Yvon Blais, 1998, p. 404 (n° 167); Hocking c. Haziza, 2008 QCCA 800, par. 114, confirmé par Société canadienne des postes c. Lépine, 2009 CSC 16. Voir aussi Jeffrey Talpis, « If I am from Grand-Mère, Why am I Being Sued in Texas? » : Responding to Inappropriate Foreign Jurisdiction in Quebec-United States Crossborder Litigation, Montréal, Thémis, 2001, p. 174-175.

[34] Jugement entrepris, par. 27.

[35] Voir p. ex. : H. Patrick Glenn, « Droit international privé », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 3 « Priorités et hypothèques, preuve et prescription, publicité des droits, droit international privé, dispositions transitoires », Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1993, 671, p. 764 (n° 106); Gérald Goldstein et Ethel Groffier, Droit international privé, t. I « Théorie générale », Cowansville, Yvon Blais, 1998, p. 396-400 (n° 166); Claude Emanuelli, Droit international privé québécois, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 176 (n° 299); Sylvette Guillemard et Van Anh Ly, Éléments de droit international privé québécois, Montréal, Yvon Blais, 2019, p. 6465 et p. 103-104; Patrick Ferland et Guillaume Laganière, « Le droit international privé » dans École du Barreau (dir.), Collection de droit 2024-2025, vol. 7 « Contrats, sûretés, publicité des droits et droit international privé », Montréal, CAIJ, 2024, p. 321 et p. 328-329; Harith Al-Dabbagh, « le juge québécois face au divorce islamique : comment prévenir les divorces ‟boiteux” internationaux? », (2020) 33 R.Q.D.I.. 25, p. 43 et s.; Gérald Goldstein, « Principes généraux et conditions générales de reconnaissance et d’exécution », dans Pierre-Claude Lafond (dir.), JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », vol. « Droit international privé », fasc. 10, Montréal, LexisNexis, 2012 (feuilles mobiles, mise à jour en juin 2025), par. 72 et s.

[36] Voir p. ex. : R.S. c. P.R., 2019 CSC 49, par. 52; Eurobank Ergasias S.A. c. Bombardier inc., 2024 CSC 11, par. 102-103.

[37] « Conformément à l’objectif de favoriser la fluidité des échanges internationaux, l’art. 3155 C.c.Q. établit le principe selon lequel toute décision rendue hors du Québec doit être reconnue et déclarée exécutoire au Québec, sauf exception » (Barer c. Knight Brothers LLC, 2019 CSC 13, par. 23). Voir aussi Société canadienne des postes c. Lépine, 2009 CSC 16, par. 22; Mutual Trust Company c. St-Cyr, 1996 CanLII 6010 (C.A.), par. 30-31.

[38] Gérald Goldstein, « Principes généraux et conditions générales de reconnaissance et d’exécution », dans Pierre-Claude Lafond (dir.), JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », vol. « Droit international privé », fasc. 10, Montréal, LexisNexis, 2012 (feuilles mobiles, mise à jour en juin 2025, par. 72); Directv Inc. v. Scullion, 2002 CanLII 27406 (C.S. Qué.), par. 24.

[39] Patrick Ferland et Guillaume Laganière, « Le droit international privé » dans École du Barreau (dir.), Collection de droit 2024-2025, vol. 7 « Contrats, sûretés, publicité des droits et droit international privé », Montréal, CAIJ, 2024, p. 328 (note 525).

[40] Jugement entrepris, par. 30.

[41] H. Patrick Glenn, « Droit international privé », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil, vol. 3 « Priorités et hypothèques, preuve et prescription, publicité des droits, droit international privé, dispositions transitoires », Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1993, 671, p. 682 (n° 10) (« [q]uant à la définition de l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales, on aura recours aux principes juridiques fondamentaux du droit du for, notamment aux principes consacrés par les chartes québécoise et canadienne en matière de droits et libertés de la personne » [soulignement ajouté]); Jeffrey A. Talpis et Jean-Gabriel Castel, « Le Code civil du Québec – Interprétation des règles du droit international privé », dans La réforme du Code civil, vol. 3 « Priorités et hypothèques, preuve et prescription, publicité des droits, droit international privé, dispositions transitoires », Québec, Presses de l’Université Laval, 801, p. 824, où les auteurs mentionnent qu’il s’agit bien de « l’ordre public international québécois » [soulignement ajouté]; Sylvette Guillemard et Van Anh Ly, Éléments de droit international privé québécois, Montréal, Yvon Blais, 2019, p. 62, où les auteures mentionnent que l’exception d’ordre public « n’oblige pas à suivre toutes les règles impératives internes, mais seulement les principes fondamentaux que la société québécoise tient à faire respecter, y compris dans les relations internationales et transnationales » [soulignement ajouté]. Voir aussi Office de révision du Code civil, Rapport sur le Code civil du Québec, vol. 2, t. 2 (livres 5 à 9), Québec, Éditeur officiel du Québec, 1977, p. 987 et 1009.

[42] R.S. c. P.R., 2019 CSC 49, par. 53 [soulignement ajouté].

[43] Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice : Le Code civil du Québec, t. 2, Québec, Publications du Québec, 1993, p. 2015.

[44] 20 août 1979, 1144 R.T.N.U. 1979, entrée en vigueur le 1er février 1971. Voir https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=78.

[45] Id., paragraphe 5(1) [soulignement ajouté].

[46] 18 décembre 1987. Voir https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1988/1776_1776_1776/fr.

[47] Article 27 al. 1 [soulignement ajouté].

[48] Beals c. Saldanha, 2003 CSC 72, par. 72 [soulignement ajouté].

[49] 2 juillet 2019, 58036 R.T.N.U. 5, entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Voir https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/specialised-sections/judgments.

[50] Id., alinéa 7(1)(c) [soulignement ajouté]. Il est là aussi entendu que l’ordre public en question est uniquement composé des règles de l’État requis qui sont considérées comme étant impératives dans les situations internationales : voir en ce sens Francisco Garcimartin et Geneviève Saumier, Rapport explicatif sur la Convention du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale, La Haye, Conférence de La Haye du droit international privé, 2020, p. 125-126 (n° 262-264).

[51] Courtoisie qui explique pourquoi, en règle générale, il ne revient pas aux tribunaux québécois de « faire la leçon aux autorités étrangères sur leur propre droit » (R.S. c. P.R., 2019 CSC 49, par. 52).

[52] Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, par. 8-9.

[53] Id., par. 26-37; Hydro-Québec c. Matta, 2020 CSC 37, par. 33.

[54] Article 1375 C.c.Q.; Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Thémis, 2018, p. 306 (n° 600).

[55] Voir p. ex. Ponce c. Société d’investissements Rhéaume ltée, 2023 CSC 25, par. 70.

[56] Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Thémis, 2018, p. 340 (n° 669).

[57] R.S. c. P.R., 2019 CSC 49, par. 53; supra, par. 14.

[58] Serge Guinchard et Thierry Debard (dir.), Lexique des termes juridiques 2024-2025, Courbevoie, Dalloz, 2024, p. 525 (« [a]dage latin exprimant que tout acte juridique entaché de fraude peut être l’objet d’une action en nullité »); Albert Mayrand, Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisées en droit, 4e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2007, p. 190 (« La fraude vicie tout, que ce soit un contrat frauduleux à l’égard d’un cocontractant ou à l’égard de ses créanciers. Même un mariage célébré à l’étranger dans le seul but de frauder la loi nationale, c’est-à-dire dans le but d’y échapper (in fraudem legis), peut être atteint de nullité »). S’agissant des liens entre ce principe et la protection contre le dol, voir Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, p. 337-338 (n° 223) : « La protection de la loi contre le dol est en fait l’affirmation de la notion de bonne foi dans la conclusion et la négociation des conventions. Cependant, des siècles avant le développement de la doctrine de la bonne foi, le dol était sanctionné : le droit romain connaissait la fraus. La répression de la fraude est sans doute la mise en œuvre, figurant au premier rang, de toute politique de moralité et de justice contractuelle ».

[59] José Vidal, Essai d’une Théorie générale de la fraude en droit français : le principe « fraus omnia corrumpit », Paris, Librairie Dalloz, 1957, p. 386.

[60] Commission on European Contract Law, Principes du droit européen du contrat, Paris, Société de législation comparée, 2003. Voir aussi https://www.law.kuleuven.be/personal/mstorme/PECL.html.

[61] Voir aussi Ole Lando et Hugh Beale, Principles of European contract law – Parts I and II, La Haye, Kluwer Law International, 2000, p. 285, où, en commentant le paragraphe 4:118(1), les auteurs soulignent que « [t]hose legal systems in which this question has been discussed have generally held that remedies for grounds of invalidity involving immoral behaviour cannot be excluded […] ».

[62] Andrew Burrows, A Restatement of the English Law of Contract, Oxford, Oxford University Press, 2e éd., 2020, p. 237. Voir aussi, en ce sens, HIH Casualty and General Insurance Ltd v. Chase Manhattan Bank, [2003] UKHL 6, par. 16, 76 et 121-122.

[63] John D. McCamus, The Law of Contracts, 3e éd., Toronto, Irwin Law, 2020, p. 395-396.

[64] Ibid.

[65] Institut international pour l’unification du droit privé (Unidroit), Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international — 2016, 4e éd., Rome, Unidroit, 2016.

[66] L’article 3.2.5 des Principes prévoit que « [l]a nullité du contrat pour cause de dol peut être invoquée par une partie lorsque son engagement a été déterminé par les manœuvres frauduleuses de l’autre partie, notamment son langage ou ses actes, ou lorsque cette dernière, contrairement aux exigences de la bonne foi en matière commerciale, a omis frauduleusement de faire part à la première de circonstances particulières qu’elle aurait dû révéler ». Puis, l’article 3.1.4 précise que « [l]es dispositions relatives au dol, à la contrainte, à l’avantage excessif et à l’illicéité contenues dans le présent Chapitre sont impératives ». Les commentaires officiels précisent que ce caractère impératif s’explique par le fait qu’« [i]l serait contraire à la bonne foi pour les parties d’exclure ou de modifier ces dispositions lors de la conclusion de leur contrat » (Institut international pour l’unification du droit privé (Unidroit), Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international — 2016, 4e éd., Rome, Unidroit, 2016, p. 104).

[67] Voir, en ce sens : Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international — 1994, Rome, Unidroit, 1994, p. vii-viii; Michael Joachim Bonell, « The Unidroit Principles of International Commercial Contracts and the harmonisation of international sales law », (2002) 36 R.J.T.U.M. 335, p. 341; Anne-Marie Trahan, « Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international », (2002) 36 R.J.T.U.M. 623, p. 629.

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