Ville de Saint-Constant c. Surdu | 2023 QCCM 69 |
COUR MUNICIPALE commune de SAINT-CONSTANT | ||||||
CANADA
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PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | LONGUEUIL | |||||
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No : | 0006313 | |||||
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DATE : | 13 décembre 2023 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE SYLVAIN DORAIS, J.C.M. ____________________________________________________________________
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VILLE DE SAINT-CONSTANT | ||||||
Poursuivante | ||||||
c. | ||||||
NICHITA SURDU | ||||||
Défendeur | ||||||
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JUGEMENT ____________________________________________________________________
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I. REMARQUES PRÉLIMINAIRES
[1] Le 1er mars 2023, le défendeur reçoit un constat d’infraction pour avoir stationné un véhicule routier sur un chemin public ou une place publique entre minuit et 7 h lorsqu’une opération de déneigement est déclenchée, selon le Règlement numéro 1525-16 relatif au stationnement hivernal (le « Règlement »).
[2] Bien que le défendeur conteste le constat, il est absent le jour de son procès et, ayant été dûment convoqué, son dossier procède par défaut.
[3] La poursuivante présente une preuve élaborée incluant trois témoins pour justifier l’opération déneigement du 1er mars 2023, laquelle est génératrice de l’infraction qui est reprochée au défendeur.
[4] Puis, l’avocate de la poursuivante insiste que « le débat s’arrête ici ». Il n’y a pas de défendeur pour faire valoir les arguments retenus dans l’affaire Ville de Mercier c. Kudrevatykh[1] ou dans la jurisprudence qui y est citée. Par conséquent, le Tribunal n’aurait d’autre choix que de prononcer la culpabilité du défendeur, tout simplement.
[5] La position de la poursuite surprend à plus d’un chef. Elle prétend qu’elle serait dans une situation plus avantageuse puisqu’elle a choisi de présenter sa « cause type » dans un dossier par défaut. Devant l’absence du défendeur, le Tribunal serait empêché de trancher des questions controversées qui sont apparentes à la simple lecture du Règlement.
[6] Or, le devoir de n’importe quel juge d’instance est d’exercer correctement son pouvoir discrétionnaire de façon à assurer un procès équitable[2]. Un défendeur qui transmet un plaidoyer de non-culpabilité remet en cause non seulement sa culpabilité puisqu’il est alors présumé innocent, mais conteste par le fait même tous les éléments constitutifs de l’infraction.
[7] Dans Derradji[3], la Cour supérieure a confirmé cette approche lors de l’adjudication de dossiers par défaut traité par la Cour municipale de Montréal (L’hon. Line Charest) ; il s’agissait alors d’une ordonnance d’arrêt des procédures pour délai déraisonnable rendu ex parte. La Cour d’appel a aussi confirmé ce jugement[4].
[8] Le 31 mai 2023, la poursuivante a demandé que tous les dossiers de stationnement d’hiver contestés soient réunis pour être traités ensemble à la séance du 30 août 2023. Il avait été convenu de faire ainsi pour que le Tribunal puisse apporter une réponse complète aux nombreuses questions que ce type de réglementation soulève.
[9] Quant à la plaidoirie, elle fut reportée du 30 août au 11 octobre 2023, justement pour permettre à la procureure de se préparer en lien avec les questions soulevées dans Ville de Mercier c. Kudrevatykh, la jurisprudence citée et qui, depuis 25 ans[5], a établi les règles à suivre pour ce type de dossier.
[10] La poursuite a bénéficié d’un délai de plus de quatre mois (31 mai au 11 octobre) pour se préparer adéquatement. Dès lors, le Tribunal détermine qu’il se trouve dans l’un des cas exceptionnels où il lui est permis de trancher les questions liées à l’illégalité possible du Règlement, et ce, malgré l’absence d’un avis au procureur général du Québec, prévu par l’article
II. CONTEXTE FACTUEL
[11] Guy Bell est agent de sécurité pour Sécurité Investigation Quali-T, une agence de sécurité privée qui a le mandat d’émettre des constats d’infraction durant les opérations de déneigement. Il travaille pour cet employeur depuis 12 ans et son superviseur immédiat est Marc Boudreau, le directeur des opérations de Quali-T. Il affirme être le seul agent chargé de patrouiller le territoire de Saint-Constant lors des opérations de déneigement.
[12] Bien qu’il ne se souvienne pas du cas particulier du défendeur, il produit deux photographies du véhicule du défendeur stationné sur la rue durant l’opération de déneigement.
[13] Stéphane Huard est le directeur des communications, des technologies de l’information et du service à la clientèle de Saint-Constant. Il travaille pour la municipalité depuis bientôt 11 ans. L’une de ses fonctions est d’informer les citoyens des opérations de déneigement. Il produit le bulletin INFO-déneigement et explique l’usage qui est fait des autres moyens technologiques comme le site Internet de la Ville, les alertes par message texte (SMS) et par courriel.
[14] Il ajoute que « 11 881 portes » sur le territoire de la Ville ont reçu un carton d’information au sujet des modes de communication de l’interdiction de stationnement prévue par le Règlement et que d’autres campagnes d’information pour les nouveaux résidents ont aussi eu lieu.
[15] Monsieur Huard rappelle que la Ville a installé quatre panneaux électroniques et 25 petits panneaux de route avec logo INFO-déneigement à des endroits stratégiques rappelant aux automobilistes leur obligation de se renseigner en période hivernale, en indiquant le numéro de téléphone dédié à cette fin.
[16] Maggy Hinse est directrice du service de l’hygiène du milieu et du développement durable de la Ville. Le 28 février à 13 h 21, ses subalternes constatent qu’il y aura des précipitations de 2,5 cm de neige.
[17] Pour valider cette estimation, un contremaître surveille deux sites reconnus, soit : Environnement Canada et Enviromet. Suivant ces informations, elle décide de déclencher l’opération de déneigement du 1er mars 2023. Le déclenchement consiste par l’envoi d’un courriel interne aux différents services impliqués, notamment à Stéphane Huard pour le volet communications.
III. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
[18] Les dispositions législatives pertinentes de la Loi sur les compétences municipales[7] et du Code de la sécurité routière[8]ont été citées dans Ville de Mercier c. Kudrevatykh, aux par. 23, 24 et 25.
[19] Les extraits du Règlement numéro 1525-16 relatif au stationnement hivernal se lisent comme suit :
ARTICLE 2. Il est interdit de stationner un véhicule routier sur tout chemin public ou place publique entre minuit et 7 heures du 1er novembre d’une année au 1er avril de l’année suivante, lorsqu’une opération de déneigement est déclenchée par le directeur et tant que cette opération n’est pas déclarée terminée.
Une signalisation appropriée annonce cette restriction aux entrées permettant d’accéder à la Ville, tel qu’indiqué au plan joint au présent règlement comme annexe 1 pour en faire partie intégrante.
ARTICLE 3. Lorsqu’une opération de déneigement est déclenchée, elle est annoncée chaque jour à la population au plus tard à 17 heures à l’aide des moyens suivants :
2. Un message disponible via le site Internet de la Ville à l’adresse suivante : www.saint-constant.ca
ARTICLE 4. Il est de la responsabilité de tout propriétaire de véhicule de s’assurer quotidiennement de l’existence d’une opération de déneigement avant de laisser son véhicule stationné dans la rue entre minuit et 7 heures. (Je souligne).
IV. ANALYSE & DISCUSSION
[20] D’emblée, le Tribunal fait une distinction importante entre deux types de règlements municipaux. Il y a d’une part ceux qui ne posent pas de problème quant aux principes en jeu et où l’interdiction est complète pour toute la période hivernale. C’est le premier groupe. Dans ces cas, les villes permettent quand même aux automobilistes de se garer sur la rue en publicisant leur tolérance (et non l’interdiction) les jours où il n’y a pas d’opération de déneigement.
[21] Puisqu’il n’y a pas de règle contraignante encadrant la façon de publiciser la tolérance, une municipalité peut utiliser toute sorte de procédés, incluant les nouvelles technologies de l’information comme un site web, les réseaux sociaux ou des services messagerie automatisés.
[22] Puis, il y a les situations comme Mercier (avant le jugement rendu) et le cas à l'étude, à la Ville de Saint-Constant. Les municipalités de ce deuxième groupe permettent le stationnement hivernal en tout temps, sauf lors des opérations de déneigement. Pour des raisons pratiques liées au fardeau de preuve en matière pénale, elles imposent aux automobilistes l’obligation de s’informer quotidiennement pour savoir s’ils peuvent ou non stationner sur la rue. Le fardeau est alors inversé.
[23] Mais plus encore, ces municipalités du deuxième groupe obligent le public à utiliser des moyens de s’informer de leur choix comme leurs sites Internet, une ligne téléphonique dédiée ou des abonnements à des alertes SMS ou par courriels pour connaître le moment où l’interdiction sera en vigueur. Ces villes choisissent de ne pas installer des panneaux de signalisation dans les rues affectées par le déneigement, fort probablement pour limiter les coûts liés à ces opérations.
[24] Il est vrai que le résultat pratique de ces deux systèmes est le même : rendre le stationnement sur la rue possible lorsqu’il n’y a pas de déneigement. Cependant, comme on le verra plus loin, cette différence d’approche entre les deux régimes ne relève pas de la sémantique. Elle met en jeu des questions substantives de droit liées aux principes de justice fondamentale, comme celui de la présomption d’innocence.
[25] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal en vient à la conclusion que le Règlement tel que rédigé et la preuve présentée ne peuvent justifier la condamnation du défendeur, et ce, même si le dossier a procédé par défaut. Voici pourquoi :
A. Principe de la courtoisie judiciaire
[26] Même s’il n’avait pas été rendu par le même juge, le Tribunal s’estimerait lié par le jugement Ville de Mercier c. Kudrevatykh dans la mesure où ses principes sont applicables au Règlement de la Ville de Saint-Constant.
[27] Il s’agit du stare decisis horizontal ou principe de la courtoisie judiciaire. Cette question a été clarifiée en 2022 dans l’arrêt Sullivan[9]. Pour s’écarter d’un précédent rendu par une cour de juridiction équivalente, comme celui d’une autre Cour municipale, le juge d’instance doit appliquer les règles suivantes :
1) Un jugement peut ne pas être contraignant s’il est possible de le distinguer au vu des faits en cause ou si le tribunal n’avait aucun moyen pratique de savoir qu’il existait.
2) Lorsque le tribunal se trouve devant des précédents contradictoires, il doit suivre le jugement le plus récent.
3) Si un tribunal est lié par un jugement d’une cour de juridiction équivalente, il ne peut s’en écarter que s’il fait face à au moins une des exceptions du renvoi Hansard Spruce Mills[10] :
a) La justification du jugement antérieur a été remise en question par des jugements subséquents de la Cour d’appel ;
b) Un précédent faisant autorité ou une loi pertinente n’a pas été pris en considération par ledit précédent antérieur ;
c) Le jugement antérieur n’a pas été mûrement réfléchi, par exemple s’il a été rendu dans l’urgence.
[28] Par souci de concision, le Tribunal référera aux motifs du jugement Ville de Mercier c. Kudrevatykh[11], mais sans reproduire toute l’analyse.
B. Delegatus non potest delegare
[29] La question de la délégation illégale de pouvoir a été traitée dans Ville de Mercier c. Kudrevatykh, aux par. 35 à 42. Selon la jurisprudence et la doctrine qui y sont citées, le Tribunal retient les quatre propositions suivantes :
[30] Le déclenchement de l’opération de déneigement est l’action créatrice de l’interdiction de stationnement. Il représente le point de départ de l’infraction. Selon la preuve, cette décision n’est pas prise par le conseil municipal qui n’a adopté aucune résolution pour confirmer le déclenchement du 1er mars 2023. La preuve établit plutôt qu’il s’agit d’une décision administrative qui relève entièrement de la discrétion d’une fonctionnaire.
[31] Le Règlement ne prévoit aucun critère objectif permettant à cette fonctionnaire de déterminer quand cette prohibition devient nécessaire ni les secteurs de la ville où elle s’appliquera. Elle jouit donc de l’entière discrétion pour mener à terme cette tâche selon son bon vouloir, pour la durée qu’elle détermine, sur tout de territoire ou une partie de la municipalité.
[32] L’ordre est transmis par l’envoi d’un courriel à l’interne. C’est la fonctionnaire qui décide de l’à-propos de déclencher l’interdiction selon des prévisions météorologiques, elle choisit le territoire visé ainsi que de la durée de l’opération. Ainsi, le conseil municipal n’est aucunement impliqué dans le processus qui a créé l’infraction de stationnement en date du 1er mars 2023. Dès lors, le conseil délègue entièrement son pouvoir d’interdire le stationnement à ce fonctionnaire. En lui déléguant sur le plan pratique sa compétence de régir le stationnement, le conseil municipal lui permet de fixer des normes à caractère législatif à sa place et selon ses propres critères, ce qui est tout simplement illégal.
[33] Ces commentaires ne doivent pas être interprétés comme une critique du discernement que peut exercer la fonctionnaire responsable. Il s’agit plutôt de l’application d’un principe reconnu en droit public depuis le XVIIIe siècle[12].
[34] En conséquence, les articles 2, 3 et 4 du règlement sont invalides. Puisque cette délégation de pouvoir illégale entraîne l’inopposabilité des dispositions visées au défendeur, il doit être acquitté de l’infraction.
C. Signalisation insuffisante et inappropriée
[35] Cette question a été traitée dans Ville de Mercier c. Kudrevatykh, aux par. 43 à 59. Notons que les par. 51 à 54 ne sont pas pertinents à l’analyse vu les différences dans le texte des dispositions du Règlement de la Ville de Saint-Constant qui ne prévoit pas que la Ville doit prendre « tous les moyens mis à sa disposition » pour informer la population. Saint-Constant ne cible que deux modes obligatoires de communication, soit la ligne téléphonique et le site Internet de la Ville.
[36] À plus d’une occasion, les tribunaux ont décidé qu’une signalisation qui incite la population à composer un numéro de téléphone pour savoir si le stationnement est interdit est insuffisante et inappropriée. De plus, les publications faites sur le site Internet de la Ville ou les réseaux sociaux ne sauraient constituer une « signalisation » appropriée.
[37] Ce choix de forcer l’utilisation des technologies de l’information est imposé non seulement aux résidents de Saint-Constant, mais aussi à « tous les tout propriétaires de véhicules » qui utilisent les routes de ce territoire. Cette obligation désavantage les personnes qui n’ont pas accès à ces moyens technologiques, soit à cause de leurs moyens financiers limités, de leur désintéressement aux réseaux sociaux ou parce qu’ils n’ont pas les connaissances suffisantes pour faire fonctionner les appareils électroniques nécessaires pour y avoir accès.
[38] Quant au service d’alertes par messagerie texte et par courriel, la poursuivante n’a pas produit de preuve selon laquelle le défendeur était un abonné et qu’il devait ainsi connaître l’interdiction de stationnement. De toute façon, ces modes de communication ne sont pas nommés dans le Règlement. À tous égards, ils ne correspondent pas à la définition de signalisation prévue par les lois applicables. Face à une signalisation insuffisante et inappropriée, le Tribunal doit prononcer l’acquittement du défendeur.
[39] Notons que le jour de l’infraction alléguée, la Ville aurait pu se prévaloir de la possibilité d’installer des panneaux de signalisation sur les rues affectées par le déneigement, comme le prévoit l’article 5 de son Règlement :
ARTICLE 5 Malgré toute signalisation permanente, il est interdit de stationner un véhicule routier sur un chemin public ou une place publique lorsqu’une enseigne amovible ou toute autre signalisation temporaire a été posée dans le but d’interdire le stationnement afin de permettre une opération de déneigement ponctuelle sur ce chemin public ou cette place publique.
D. Renversement du fardeau de preuve et présomption d’innocence
[40] Cette question a été traitée dans Ville de Mercier c. Kudrevatykh, aux par. 60 à 74. Pour le règlement de Saint-Constant, le problème est apparent à la lecture des mots : « Il est de la responsabilité de tout propriétaire de véhicule de s’assurer quotidiennement de l’existence d’une opération de déneigement avant de laisser son véhicule stationné dans la rue (…) ».
[41] Un tel renversement du fardeau ne résiste pas à l’analyse. Ce type de rédaction a pour effet d’empiéter sur la présomption d’innocence. Le renversement sert à faciliter la preuve de la poursuite pour établir la connaissance du défendeur de l’interdiction ou sa faute de ne pas avoir vérifié. Le texte créateur de l’infraction vient donc nier un moyen de défense puisque la personne qui omet de vérifier si une opération de déneigement est en vigueur peut ainsi engager sa responsabilité pénale, d’autant plus que l’obligation de vérifier est « quotidienne » pour la période du 1er novembre au 1er avril.
[42] Le choix d’imposer un renversement du fardeau de preuve pour une infraction de stationnement est injustifiable et doit être dénoncé. Ce système ne saurait être sauvé par l’article premier de la Charte. Il est difficile d’y voir un objectif urgent et réel et certainement pas une atteinte minimale aux droits des citoyens, alors qu’un autre système valide (publiciser la tolérance et non l’interdiction) permet d’arriver au même résultat en permettant aux automobilistes de se stationner sur la rue les jours où il n’y a pas de déneigement[13].
[43] En outre, il apparaît inadmissible en droit que le défaut de procéder à cette vérification par les moyens technologiques imposés par la Ville puisse entraîner une faute pénale.
E. Statut de la fonctionnaire ayant déclenché l’opération de déneigement
[44] Une problématique supplémentaire s’ajoute à celles qui ont déjà été traitées dans Ville de Mercier c. Kudrevatykh, soit le statut de la fonctionnaire qui a déclenché l’opération de déneigement. Madame Hinse est directrice du service de l’hygiène du milieu et du développement durable de la Ville. Pourtant, le Règlement prévoit que c’est le « directeur des services techniques » qui est la personne ayant le pouvoir de déclencher une opération de déneigement.
[45] Ce règlement date de 2016 alors que c’est en 2019 que le service de l’hygiène du milieu et du développement durable aurait été créé. Lorsque l’on compare le règlement qui est entré en vigueur le 21 décembre 2016 avec la codification administrative[14] qui reprend chacune de ses modifications subséquentes (notamment pour hausser l’amende de 30 $ à 40 $), jamais le législateur municipal ne prend-il le temps de modifier la définition de « Directeur », qui se lit toujours comme suit :
Directeur : Le directeur des Services techniques de la Ville de Saint-Constant ou son représentant ou celui qui le remplace ;
[46] Selon la preuve, le poste de Directeur des services techniques n’existe plus. À la suite d’une réorganisation administrative, un autre poste, différents à plusieurs égards a été créé, soit celui de Directrice de l’hygiène du milieu et du développement durable. La titulaire de ce nouveau poste précise qu’elle a hérité de la responsabilité de déclencher les opérations de déneigement et non qu’elle « remplace » le directeur des services techniques. D’ailleurs, un « remplaçant » s’entend d’une personne qui occupe temporairement certaines fonctions, durant un congé ou un affichage de poste, pour une courte période et de façon exceptionnelle[15], ce qui n’est pas le cas ici.
[47] Mais plus encore, la poursuivante n’a produit aucune résolution municipale ni aucun document susceptible d’établir cet élément factuel, lequel vient pourtant contredire le texte de son propre Règlement. Seul le témoignage de madame Hinse affirme qu’elle a l’autorité pour déclencher l’opération déneigement. Avec égards, cette affirmation est insuffisante pour répondre à la norme de preuve en matière pénale, soit hors de tout doute raisonnable.
F. Conclusions
[48] Suivant l’analyse, le Tribunal rendra deux conclusions : Le Règlement doit être déclaré inopposable au défendeur dans la mesure où l’infraction ainsi créée découle d’une délégation illégale de pouvoir du conseil municipal à une fonctionnaire de la Ville. Puis, nonobstant cette première conclusion, le défendeur doit être acquitté de l’infraction portée contre lui compte tenu de tous les autres motifs retenus par le Tribunal et dont l’analyse complète se retrouve dans le jugement Ville de Mercier c. Kudrevatykh.
V. DISPOSITIF
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[49] DÉCLARE les articles 2, 3 et 4 du Règlement numéro 1525-16 relatif au stationnement hivernal de la Ville de Saint-Constant constitutionnellement inopérant et en conséquence qu’ils sont inopposables au défendeur dans le présent dossier ;
[50] DÉCLARE le défendeur non coupable et l’acquitte de l’infraction d’avoir stationné un véhicule routier sur un chemin public ou une place publique entre minuit et 7 h, lorsqu’une opération de déneigement est déclenchée.
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| __________________________________ Sylvain Dorais, j.c.m. | |
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Me Caroline Arsenault Pour la poursuivante
Le défendeur est absent
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Dates d’audience : | 31 mai, 30 août et 11 octobre 2023 | |
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ANNEXE
Ville de Mercier c. Kudrevatykh,
[1] Ville de Mercier c. Kudrevatykh,
[3] Ville de Montréal c. Derradji,
[4] Ville de Montréal c. Derradji,
[5] Beloeil (Ville) c. Gallant, 1998 CanLII 9285;
[6] Guindon c. Canada,
[7] RLRQ, chapitre C-47.1 (« LCM »).
[8] RLRQ, chapitre C-24.2 (« C.s.r. »).
[9] R. c. Sullivan,
[10] Hansard Spruce Mills Limited (Re), [1954] 4 DLR 590; 1954 CanLII 253 (BC SC).
[11] Une copie de ce jugement est jointe en annexe pour référence rapide aux sources de droit qui y sont citées.
[12] Jeremy Bentham, Introduction aux principes de la morale et de la législation (1789), Librairie Philosophique J. Vrin, 2011 (traduit par Malik Bozzo-Rey), 368 pages.
[13] Supra, par. 20 à 24.
[14] Version à jour au 22 octobre 2020 et incluant les modifications apportées par les règlements numéros : 1592-18, 1638-19 et 1667-20.
[15] Selon le dictionnaire Robert en ligne : « Personne qui en remplace momentanément une autre (dans son travail) ». Au nombre de ses synonymes, on retrouve : « substitut, adjoint, intérimaire, relève, représentant, successeur, suppléant, [Théâtre, Cinéma] doublure ».
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.