Décision

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Municipalité du Village de Val-David c. Cour du Québec

2025 QCCS 306

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

 

No :

700-17-020726-245

 

 

 

DATE :

Le 6 février 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

Luc Morin, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

MUNICIPALITÉ DU VILLAGE DE VAL-DAVID

 

Demanderesse

 

c.

 

COUR DU QUÉBEC

 

Défenderesse

 

-et-

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU QUÉBEC

 

-et-

 

9297-8246 QUÉBEC INC.

 

           Mis en cause

 

-et-

 

UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC

 

Intervenante

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

  1. APERÇU
  1.                 La Demanderesse, la Municipalité du Village de Val-David (la « Municipalité »), se pourvoit en contrôle judiciaire d’une décision rendue le 21 juin 2024 (la « Décision CQ ») par la Cour du Québec (la « CQ ») en appel d’une décision rendue par la Section des affaires immobilières – siégeant en matière d’expropriation du Tribunal Administratif du Québec (le « TAQ ») rendue le 30 juin 2022 (la « Décision TAQ »).
  2.                 Il est question d’expropriation relativement au site ayant jadis hébergé L’Hôtel La Sapinière, un complexe hôtelier phare dans la région des Laurentides qui a cessé ses opérations en 2013 après quelque soixante-dix-sept (77) années d’existence.  Un site pittoresque de quelque trois-cent-quatre-vingt-mille (380 000) mètres carrés (38 hectares ou 3,64 millions de pieds carrés) délimité par le Parc régional Val-David/Val-Morin et le village de la Municipalité[1] (le « Site »).  Peu importe l’unité de mesure préconisée, on parle ici d’un endroit historique, enviable et propice aux projets d’envergure.
  3.                 La Mise en cause 9297-8246 Québec Inc. 9297 ») s’est portée acquéreuse du Site le 11 mars 2014 dans le but d’y implanter un centre de villégiature de santé et bien-être de type spa-destination, visant une clientèle variée recherchant tranquillité et soins qui s’étalent au-delà d’une seule journée.  Quiétude et tranquillité étant au rendez-vous.
  4.                 Le projet, tel que présenté par 9297 à la Municipalité, devait se décliner en deux phases : d’abord la rénovation des bâtiments existants et ensuite la construction de plusieurs accommodations individualisées sur le site - concept baptisé par 9297 comme étant des « chaletels » - jumelant l’intimité d’un chalet aux avantages et services propres à un établissement hôtelier (le « Projet »).
  5.                 La Municipalité épouse ce Projet rapidement.  Elle fera droit aux demandes de permis formulées par 9297 et procédera à la modification de la réglementation de zonage requis pour accommoder la réalisation du Projet.  Le support de la Municipalité est loin de se limiter à l’arrière-scène, tel qu’en fait foi l’annonce en grande pompe lors d’une conférence de presse à saveur politique du Projet et des répercussions positives sur la communauté découlant de la revitalisation du site ayant été délaissé depuis la fermeture de 2013[2]. 
  6.                 Entre les dédales administratifs d’usage pour un projet d’une telle ampleur, l’obtention des permis requis, la mise en place du financement et une pause forcée par la pandémie, le Projet tarde à se concrétiser. Alors que les principales composantes permettant enfin d’entamer le Projet se matérialisent, la Municipalité informe 9297 de son intention d’utiliser une partie de son site pour la construction d’un nouvel établissement scolaire régional de vingt-quatre (24) classes et l’élargissement du réseau routier en découlant.  
  7.                 Un avis de réserve est transmis par la Municipalité en janvier 2020, avis qui sera retiré au profit d’un avis d’expropriation partielle en février 2021 afin de mener à terme la construction de l’école et de prolonger le réseau routier requis par une telle mesure (« Avis d’expropriation partielle »).  C’est environ 18% du Site qui serait ainsi exproprié au profit de la construction de l’école[3].
  8.                 La surprise est totale pour 9297 qui voit ainsi son Projet s’effondrer. En mai 2021, 9297 institue une demande en expropriation totale, exigeant que la Municipalité procède à l’expropriation de l’entièreté du Site plutôt que de la partie visée par l’Avis d’expropriation partielle, conformément à l’article 65 de la Loi sur l’expropriation LE »)[4]. 
  9.                 C’est à regret que 9297 trouve refuge dans cette position, étant d’avis que la venue d’un établissement scolaire avec l’accroissement de la circulation routière et du niveau sonore en découlant, allait affecter irrémédiablement la viabilité du Projet.  9297 étant d’avis qu’un centre de villégiature de santé et bien-être de type spa-destination, visant une clientèle recherchant tranquillité et quiétude, était incompatible avec la venue d’une école et des inconvénients liés au bruit et dérangements y étant associés.
  10.            Le TAQ s’est rangé du côté de 9297 et a ordonné à la Municipalité de procéder à l’expropriation totale du Site.  Une décision étoffée qui a fait suite à une visite du Site et à une audition qui s’est étalée sur cinq  jours au terme de laquelle cinq témoins, dont trois experts, ont été entendus.
  11.            La Municipalité a porté cette Décision TAQ en appel devant la CQ, mais le résultat est demeuré le même.  La CQ, en appliquant la norme de contrôle propre à sa fonction d’appel, n’a pas décelé d’erreur justifiant son intervention.
  12.            La Municipalité est d’avis que la CQ a erré en rendant sa Décision CQ, étant d’avis que le raisonnement de celle-ci est déraisonnable et entaché de lacunes fondamentales, et demande au Tribunal d’intervenir.  Plus concrètement, la Municipalité reproche à la CQ d’avoir évité de se prononcer sur les lacunes fondamentales soulevées eu égard à la Décision du TAQ, en écartant sans justification apparente une expertise non contredite et un courant jurisprudentiel majoritaire relativement à l’interprétation de l’article 65 LE sur lequel est fondé la demande en expropriation totale de 9297.
  13.            L’Union des municipalités du Québec (l’« Intervenante ») est intervenue en la présente instance en décembre 2024 avec le consentement de toutes les parties.  L’Intervenante est une personne morale à but non lucratif dont la mission consiste à représenter les intérêts de plus de 400 municipalités de toutes tailles au Québec, couvrant environ 85% de la population.  Elle intervient dans les débats judiciaires lorsque l’intérêt juridique dépasse le cadre d’une situation particulière, pouvant avoir un impact au-delà des parties impliquées, dans d’autres instances en cours. L’Intervenante a produit un mémoire soutenant essentiellement la position de la Municipalité et faisant écho aux mêmes reproches formulés relativement à la Décision TAQ et la Décision CQ.
  14.            Tant la Municipalité que l’Intervenante invitent le Tribunal à intervenir pour casser la Décision CQ, et non pour simplement retourner le dossier à la CQ ou au TAQ.      
  15.            Le Tribunal est sensible aux arguments soulevés par la Municipalité et soutenus par l’Intervenante, mais il se doit de décliner cette invitation. 
  16.            Le Tribunal est d’avis que la CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable et que la Décision CQ ne recèle pas de lacunes fondamentales rendant celle-ci déraisonnable et justifiant son intervention.    
  17.            Le rôle du Tribunal à ce stade n’est pas de réviser la Décision du TAQ, si ce n’est qu’à travers le prisme de son exercice de révision de la Décision CQ.  Or, la Décision CQ est tout aussi étoffée que celle du TAQ.  Elle conclut que la Décision TAQ ne recèle pas de lacune fondamentale, pas plus qu’elle ne recèle d’erreur justifiant l’intervention, notamment eu égard à son interprétation de l’article 65 LE. 
  18.            La Municipalité et l’Intervenante peuvent bien ne pas être en accord avec les conclusions du TAQ, telles que confirmées par la CQ, mais force est d’admettre que celles-ci font suite à un exercice d’analyse sérieux et rigoureux de décideurs spécialisés quant aux contraintes factuelles et juridiques s’appliquant à la situation leur étant soumise. Rien ne permet de soutenir que ces conclusions découlent d’un raisonnement inintelligible n’ayant pas respecté les contraintes factuelles et juridiques propres au dossier.
  19.            Au stade de la révision, le rôle du Tribunal n’est pas de substituer son appréciation à celle des décideurs qui non seulement possèdent une expertise pointue en la matière, mais qui surtout ont eu le bénéfice d’une audition en bonne et due forme.  Cette retenue s’applique encore plus lorsque la décision d’un organisme administratif spécialisé a fait l’objet d’un appel devant la CQ.
  20.            Plutôt, le rôle du Tribunal est de s’assurer que la Décision CQ n’est pas entachée d’une lacune fondamentale la rendant déraisonnable.  Pour les raisons ci-après exposées, le Tribunal est d’avis que la Décision CQ n’est pas déraisonnable et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir.
  21.            Par ailleurs, la demande pour déclarer le pourvoi et l’intervention comme étant abusifs doit être rejetée, le Tribunal étant d’avis que les questions soumises sont sérieuses et qu’une déclaration d’abus en l’espèce n’est pas fondée.
  22.            Une dernière remarque préliminaire s’impose.  La LE a été abrogée en décembre 2023 au profit de la Loi concernant l’expropriation LCE »)[5].  La procédure permettant à un exproprié d’exiger l’expropriation totale d’un immeuble visé par un avis d’expropriation partielle prévue à l’article 65 LE est désormais régie par l’article 30 LCE.  À toutes fins pratiques, le concept de l’utilisation convenable a été substitué par celui de l’utilisation la meilleure et la plus profitable (« UMEPP »). 
  23.            Il est permis de se questionner sur l’impact qu’aura cette réforme législative sur les précédents rendus sous l’article 65 LE, incluant la présente décision. Néanmoins, après analyse des critères appropriés, le Tribunal est d’avis que le pourvoi n’est pas théorique. Plutôt, un litige réel perdure entre les parties qui militent en faveur de trancher les questions soumises. Afin d’éviter toute ambiguïté, pour les fins de la présente décision et pour les motifs ci-après exposés, le Tribunal se prononcera sur les questions soulevées au terme du pourvoi en application de la LE et de son article 65.   
  1. ANALYSE

 

  1.                   La norme de contrôle applicable
  1.            Dans un premier temps, il convient de rappeler les enseignements de la Cour suprême dans Vavilov quant au prisme à travers lequel le Tribunal doit analyser la décision dans un contexte de révision.  La présomption est à l'effet que la norme de contrôle que le Tribunal doit appliquer en révisant une décision est celle de la décision raisonnable[6] :

[23] Lorsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond (c.àd. le contrôle judiciaire d’une mesure administrative qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale), la norme de contrôle qu’elle applique doit refléter l’intention du législateur sur le rôle de la cour de révision, sauf dans les cas où la primauté du droit empêche de donner effet à cette intention. L’analyse a donc comme point de départ une présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable.

 

[Soulignements ajoutés]

 

  1.            Cette présomption sous-tend déférence et retenue du Tribunal lorsqu'il est chargé de réviser une décision au terme d’un pourvoi. C'est ce qui explique que les exceptions à la norme de contrôle de la décision raisonnable et menant l'application de la norme de contrôle de la décision correcte sont limitées et doivent être interprétées restrictivement. Ces exceptions sont au nombre de deux, à savoir (i) lorsque le législateur a prévu expressément l'application d'une autre norme de contrôle, ou encore (ii) lorsque des enjeux liés à la primauté du droit l'exigent.
  2.            La particularité en l’espèce est que le Tribunal doit réviser une décision rendue par un tribunal agissant comme instance d’appel.  Il lui faut donc appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable par rapport à une décision qui a été rendue en fonction d’une norme de contrôle différente, celle propre à l’appel. 
  3.            Comme le rappelle la Cour d’appel dans l’arrêt Ville de Montréal c. Société en commandite Locoshop Angus[7], cette juxtaposition de normes mène le Tribunal à devoir déterminer si la CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable eu égard aux normes applicables en appel et à la nature des questions qu’elle devait trancher:

(2)   La norme de contrôle applicable aux jugements de la Cour du Québec

[67]      Qu’en est-il de la norme de contrôle applicable lorsque la Cour supérieure contrôle le jugement rendu par la Cour du Québec dans l’exercice de sa fonction d’appel? Le législateur ayant clairement exprimé sa volonté qu’il n’y ait pas d’appel (art. 164 L.j.a.), il ne saurait s’agir des normes applicables en appel.

[68]      L’arrêt Parizeau c. Barreau du Québec répond à cette question. Dans cet arrêt, la Cour confirme que le Tribunal des professions est bel et bien un tribunal d’appel tenu d’appliquer les normes de l’appel et décrit ainsi la démarche que la Cour supérieure doit suivre lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision rendue par ce tribunal :

[…]

[69]      Bien que la Cour du Québec soit un tribunal judiciaire et non un tribunal administratif, elle est, au même titre que le Tribunal des professions, un tribunal québécois soumis au pouvoir de contrôle judiciaire de la Cour supérieure.

[70]      La méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable décrite par la Cour dans Parizeau est donc celle qui s’applique en l’espèce. Cette méthode est conforme au cadre d’analyse révisé de l’arrêt Vavilov qui, on l’a vu, repose sur une présomption d’application de la norme de la décision raisonnable. Elle est aussi respectueuse du choix d’organisation institutionnelle du législateur qui a voulu que la décision de la Cour du Québec, dans les matières visées à l’article 159 L.j.a., soit sans appel. Enfin, cette méthode tient compte du contexte particulier de l’appel statutaire et des normes d’intervention qu’un tribunal d’appel doit lui-même appliquer.

[…]

[74]      Étant donné que ni la Cour supérieure ni la Cour du Québec n’ont appliqué les normes de contrôle appropriées, il faut refaire l’exercice en se concentrant sur les jugements de la Cour du Québec et, par la force des choses, sur les décisions du TAQ. Pour paraphraser la Cour dans Parizeau, il faut se demander si la Cour du Québec a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable eu égard aux normes applicables en appel et à la nature des questions qu’elle devait trancher.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Les parties soumettent au Tribunal que la norme de contrôle applicable à la Décision CQ est celle de la décision raisonnable[8]. 
  2.            Le Tribunal est d’accord avec cette position commune des parties.
  3.            Ceci étant, considérant que la Municipalité reproche à la CQ (i) d’abord, d’avoir erré en validant l’interprétation proposée par le TAQ relativement à l’article 65 LE, et (ii) ensuite d’avoir erré dans son appréciation de certains faits mis de l’avant devant le TAQ, il conviendra pour le Tribunal de déterminer si dans le premier cas, la CQ a exercé sa fonction d’appel raisonnablement en appliquant la norme de contrôle de la décision correcte, et en appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable dans le second cas.
  4.            De sorte que les questions qui sont soumises à l’attention du Tribunal se déclinent ainsi :
    1.        Est-ce que la CQ a exercé sa fonction d’appel raisonnablement en rendant la Décision CQ?
    2.        Est-ce que la conduite procédurale de la Municipalité en la présente instance est constitutive d’abus au sens des articles 51 et suivants C.p.c. ?
    3.        Est-ce que l’abrogation de la LE et de son article 65 en décembre 2023 rend le présent pourvoi théorique?
  1.                  La CQ a exercé sa fonction d’appel raisonnablement
  1.            Il revenait à la Municipalité de démontrer que la Décision CQ est entachée d’une lacune fondamentale ne pouvant soutenir le syllogisme à la base du raisonnement de la CQ au point de rendre la Décision déraisonnable et justifier l’intervention de cette Cour.

 

  1.            À cet égard, la Municipalité soutient que la Décision CQ est déraisonnable, considérant notamment ce qui suit:
    1.        La CQ a validé une erreur de droit commise par le TAQ en interprétant l’article 65 LE incorrectement :

La Municipalité soumet que le TAQ s’est écarté sans justification d’un courant jurisprudentiel majoritaire voulant que lorsque l’expropriation partielle vise un terrain vacant, une adéquation entre l’utilisation projetée par l’exproprié et un usage convenable au sens de l’article 65 LE est inapproprié.  La Municipalité y voit là une erreur de droit que la CQ s’est refusée incorrectement à corriger.

Dit autrement, la CQ aurait dû intervenir pour corriger cette erreur de droit commise par le TAQ en ne tenant pas compte de la latitude inhérente dont bénéficie un exproprié dont le projet d’entreprise n’a toujours pas été entamé dans son appréciation de ce que constitue une utilisation convenable au sens de l’article 65 LE.   

  1.        La CQ a apprécié de manière déraisonnable certains éléments de preuve soumis à l’attention du TAQ :
    1.        Confusion entre les Phases 1 et 2 du Projet et erreur sur l’appréciation de la viabilité du Projet : La Municipalité reproche à la CQ de ne pas avoir fait de distinction entre la Phase 1 et la Phase 2 du Projet. 

La Municipalité est d’avis que la preuve soumise à l’attention du TAQ ne permettait pas de soutenir que la Phase 2 était économiquement et juridiquement viable, rendant cette portion du Projet plus qu’hypothétique, ne pouvant servir de base à une utilisation convenable du Site. En confondant les deux phases du Projet, la conclusion de la CQ selon laquelle l’utilisation projetée du Site par 9297 était économiquement et juridiquement viable souffre par conséquent d’un manque de logique interne la rendant inintelligible et déraisonnable.    

  1.        La CQ a omis de statuer sur l’impact de l’expertise en acoustique : La Municipalité soumet enfin que la CQ a escamoté l’impact de la seule expertise produite devant le TAQ soutenant ses prétentions à l’effet que la construction de la nouvelle école n’allait pas engendrer un accroissement sonore susceptible de nuire à la tranquillité et quiétude propre au Projet.  La Municipalité argue que cette expertise non contredite devant le TAQ ne pouvait être écartée sans motif sérieux.  Et que la CQ en n’intervenant pas pour corriger cette lacune fondamentale dans la Décision TAQ a exercé sa fonction d’appel de manière déraisonnable.
  1.            La Municipalité y voit là autant de motifs soutenant que la CQ a exercé sa fonction d’appel de manière déraisonnable et justifiant l’intervention du Tribunal. L’Intervenante soutient les prétentions de la Municipalité.  
  2.            La Mise en cause 9297, de son côté, soumet au Tribunal que la Municipalité confond contrôle d’opportunité et contrôle de légalité et que le pourvoi se veut une invitation faite au Tribunal de se livrer à une analyse de novo de la preuve qui a été soumise à l’attention du TAQ et ressassé devant la CQ.  Une énième appréciation de ce qui a déjà été apprécié par le TAQ dans le cadre de l’audition et revu par la CQ.  9297 soumet au Tribunal que le raisonnement de la CQ ne recèle pas de lacunes fondamentales.
  3.            Le Tribunal est d’accord avec 9297.
  4.            D’abord, il convient de recadrer le rôle du Tribunal à ce stade qui est de s’assurer que la CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable.  De valider le caractère raisonnable de la Décision CQ. De s’assurer que celle-ci est le fruit d’un raisonnement logique tenant compte des contraintes factuelles et juridiques propres à l’espèce et qu’elle est exempte de lacune fondamentale[9]:

[83] Il s’ensuit que le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. Le rôle des cours de justice consiste, en pareil cas, à réviser la décision et, en général à tout le moins, à s’abstenir de trancher ellesmêmes la question en litige. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème. Dans l’arrêt Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a signalé que « le juge réformateur n’établit pas son propre critère pour ensuite jauger ce qu’a fait l’administrateur » : par. 28 (CanLII); voir aussi Ryan, par. 5051. La cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu.

[…]

[99] La cour de révision doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celleci : Dunsmuir, par. 47 et 74; Catalyst, par. 13.

[100] Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. Il ne conviendrait pas que la cour de révision infirme une décision administrative pour la simple raison que son raisonnement est entaché d’une erreur mineure. La cour de justice doit plutôt être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable.

[101] Qu’estce qui rend une décision déraisonnable? Il nous semble utile ici, d’un point de vue conceptuel, de nous arrêter à deux catégories de lacunes fondamentales. La première est le manque de logique interne du raisonnement. La seconde se présente dans le cas d’une décision indéfendable sous certains rapports compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision. Il n’est toutefois pas nécessaire que les cours de révision déterminent si les problèmes qui rendent la décision déraisonnable appartiennent à l’une ou à l’autre catégorie. Ces désignations offrent plutôt un moyen pratique d’analyser les types de questions qui peuvent révéler qu’une décision est déraisonnable.

[Soulignements ajoutés]

  1.            À la lecture de la Décision CQ, force est de constater que la CQ a bien identifié les questions soumises à son attention et y a répondu en rappelant que le TAQ avait eu le bénéfice direct de témoignages clés et d’explications de procureurs aguerris sur l’imposante preuve documentaire au dossier.  Cinq témoins, dont trois expertises, une visite du Site et cinq journées d’audition. 
  2.            Ces bénéfices, ni la CQ, ni le Tribunal ne les ont eus et comme l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, le Tribunal se doit d’adopter une approche déférentielle et s’abstenir de se livrer à un exercice d’appréciation de la preuve[10].  D’autant que le recours à l’origine de la Décision du TAQ est au cœur de sa compétence[11]. 
  3.            Pour justifier l’intervention du Tribunal, la Municipalité se devait de le convaincre que la Décision CQ est entachée d’une lacune fondamentale.  Plus récemment, la Cour suprême dans l’arrêt Auer c. Auer[12] est venue réitérer ce que constitue une « lacune fondamentale » :

[50] Dans un contrôle selon la norme de décision raisonnable, « [la cour de révision] doit [. . .] se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celleci » (Vavilov, par. 99). Le texte législatif subordonné jouit d’une présomption de validité (Katz Group, par. 25). Il incombe à la partie qui conteste le texte législatif subordonné de démontrer que celuici ne relève pas raisonnablement du champ d’application du pouvoir du délégataire (Vavilov, par. 100 et 109).

[51] Deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision administrative déraisonnable ont été reconnues dans Vavilov : (1) le manque de logique interne du raisonnement, (2) la décision est indéfendable compte tenu des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur elle (par. 101). Dans les paragraphes qui suivent, j’explique comment les principes exposés dans Vavilov à l’égard du contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’appliquent au contrôle de la validité d’un texte législatif subordonné.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Avec égard, le Tribunal est d’avis que la Municipalité a échoué dans cette difficile tâche.
  1.                     La CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable en concluant que le TAQ avait correctement interprété le concept d’utilisation convenable prévu à l’article 65 LE, appliquant l’approche subjective de l’utilisation projetée par l’exproprié relativement à la portion non expropriée du Site
  1.            La nature réparatrice de la LE est admise par toutes les parties.  L’expropriation demeure un recours extraordinaire qui ne saurait jamais être banalisé.  Il est question, après tout, de dépouiller un citoyen de son droit de propriété contre son gré, un droit fondamental[13].
  2.            L’article 65 LE sert de contrepoids au recours extraordinaire permettant à une municipalité de se porter acquéreuse d’une partie d’un terrain privé contre le gré de son propriétaire. Le propriétaire exproprié partiellement peut formuler une demande d’expropriation totale de son immeuble lorsque l’effet de l’expropriation partielle est susceptible de l’empêcher de faire une utilisation convenable de la partie non expropriée :

65. À la suite de l’expropriation partielle d’un immeuble, l’expropriant ou l’exproprié peut demander au Tribunal d’ordonner l’expropriation totale ou partielle de la partie restante si cette partie ne peut plus être convenablement utilisée en tout ou en partie. Il en est de même dans le cas d’une ferme si l’expropriation partielle compromet sérieusement son exploitation.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Ce qu’une « utilisation convenable » au sens de l’article 65 LE constitue fait l’objet d’un corpus jurisprudentiel important, tel qu’en font foi les mémoires produits au dossier et des volumineuses notes et autorités les accompagnants.  Mais il est possible d’en dégager certains principes directeurs :
    1.        Interprétation large et libérale : L’arrêt de principe sur l’interprétation à donner au concept d’utilisation convenable au sens de l’article 65 LE demeure Vanier (Ville) c. Canac-Marquis Grenier Ltée [14].  La dissidence du Juge Baudouin, alors juge à la Cour d’appel du Québec, a été reprise à moult reprises[15] faisant suite à l’arrêt de la Cour suprême dans la même affaire cassant la décision de la Cour d’appel. 

Ainsi, l’interprétation à donner à l’expression « utilisation convenable » doit être large et libérale, le législateur ayant voulu élargir les cas d’ouverture à l’expropriation totale lorsqu’un exproprié reçoit un avis d’expropriation partielle. 

Le fardeau qui repose sur les épaules de l’exproprié est celui de démontrer que l’utilisation de la portion non expropriée n’est plus adaptée à ses besoins, ou qu’elle n’est plus propice, opportune ou acceptable, et ce à partir du point de vue de la situation de l’exproprié :

Lorsque le législateur a modifié le texte de l'ancien article 64 de la "Loi sur l'expropriation" (L.Q. 1973, c. 38) pour le remplacer par l'article 65 (L.Q. 1983, c. 21, art. 16), il a voulu élargir la possibilité de  l'expropriation  totale. Auparavant, selon le test dit "objectif", il fallait prouver que l’immeuble n’était  plus  utilisable selon sa destination d'origine.  Désormais, il suffit que la partie restante ne puisse plus être "convenablement" utilisée. Le mot "convenable" peut avoir deux sens, voisins d'ailleurs l'un de l'autre.

 

Dans un premier, plus restrictif, il désigne une chose qui est adéquate, idoine; dans un second plus large, une chose qui est propice, opportune, acceptable.  Je pense, pour ma part, qu'il convient de donner à ce terme une interprétation large pour respecter l'intention législative.  Ce qui n'est pas une utilisation "convenable" ne me semble pas pouvoir se limiter au cas où l'expropriation rendrait nécessaire la fermeture complète ou le déménagement du commerce ou de l'entreprise. Il suffit, à mon avis, de démontrer que l'utilisation n'est plus adaptée aux besoins particuliers de l'entreprise, qu'elle  n'est  plus propice, opportune ou acceptable dans les circonstances. C'est donc, à mon avis, par rapport à l'exproprié que le test d'évaluation doit être fait.

 

Celui-ci  doit donc démontrer qu'avec les modifications proposées, son exploitation risque de ne plus être aussi fructueuse qu'antérieurement.

 

[Soulignements ajoutés]

 

  1.        Utilisation en cours vs. utilisation projetée : Les faits à l’origine de Vanier portant sur l’immeuble d’une entreprise en opération, certains ont tenté d’en déduire qu’une distinction entre une utilisation actuelle et une utilisation projetée d’un immeuble était de mise. 

Plusieurs décisions ont été rendues depuis, dont deux plus récentes[16], et il s’en dégage que les principes d’interprétation établis dans Vanier trouvent application que l’utilisation actuelle de l’immeuble fasse l’objet d’un projet d’entreprise en cours d’opération ou que cette utilisation soit projetée en fonction d’un projet d’entreprise qui ne s’est pas encore concrétisé. 

Bien évidemment, le projet d’entreprise et l’utilisation projetée de l’immeuble doivent être sérieux et non simplement au stade hypothétique.

Il convient de citer certains passages de Baganel et d’Azim qui sont deux décisions rendues par le TAQ ayant conclu que l’article 65 LE devait recevoir la même interprétation large et libérale lorsque l’expropriation partielle vise un immeuble dont le projet d’entreprise demeure en gestation.  Et que c’est à partir du prisme du projet envisagé par l’exproprié que l’utilisation convenable de la portion non expropriée doit s’analyser. 

D’abord, dans Baganel[17], le TAQ s’exprime ainsi :

[50]         Finalement, Laval plaide qu’on doit faire abstraction d’un possible projet de redéveloppement afin de déterminer si le lot 070 peut être convenablement utilisé par Baganel. Elle souligne que M. Wolfe n’a produit ni plan de développement ni demandes de permis de lotissement, de démolition et de construction afin de permettre la réalisation de son projet de redéveloppement résidentiel.

[51]         Or, le fait que Baganel n’ait pas produit de tels plans ou demandes de permis n’est d’aucune pertinence dans le cadre de l’analyse devant être faite sous l’article 65 LE. La preuve révèle que M. Wolfe avait un projet sérieux pour un redéveloppement impliquant les lots 070 et 071.

[…]

[53]         Contrairement à ce qu’en pense Laval, le lot 070 représente une opportunité de redévelopper l’immeuble, comportant les deux lots, de façon plus intéressante et plus profitable. C’est pour cette raison qu’il fut acheté en 2020, suite à l’offre d’achat de 2019.

[54]         Pour être convenablement utilisé au sens de l’article 65 LE, on doit s’assurer que c’est en fonction de cette utilisation qu’il pourra demeurer la propriété de Baganel après l’expropriation. Or, ce n’est pas le cas.

[55]         La preuve prépondérante est à l’effet d’ordonner l’expropriation du lot 070.

[Soulignements ajoutés- références omises]

Similairement dans Azim, le TAQ s’exprime ainsi :

[62]         Finalement, Laval plaide qu’on doit faire abstraction d’un possible projet de redéveloppement afin de déterminer si le lot 133 peut être convenablement utilisé par Nanji. Elle souligne que Nanji n’a produit ni plan de développement ni demandes de permis de lotissement, de démolition et de construction afin de permettre la réalisation de son projet de redéveloppement résidentiel.

[63]         Or, le fait que Nanji n’ait pas produit de tels plans ou demandes de permis n’est d’aucune pertinence dans le cadre de l’analyse devant être faite sous l’article 65 LE.

[64]         Même si la preuve révèle que M. Nanji avait également un projet en incubation pour un nouveau concept de friperie pour son local du 755 des Laurentides, la prépondérance de cette preuve milite pour élargir l’horizon de réalisation et de considérer probable la réalisation d’un projet regroupant les deux lots. Les démarches de M. Nanji en ce sens sont sérieuses.

[65]         Par ailleurs, le Tribunal ne peut passer sous silence le témoignage teinté de suspicion de M. Morin à l’égard des intentions de M. Nanji. Il va même jusqu’à douter de la véracité de l’offre d’achat de 4,6 millions de dollars reçue en octobre 2019, fondant ses doutes sur la faible rentabilité des baux en place. Clairement, M. Morin n’a pas compris que l’UMEPP de ces lots 130 et 133 n’est plus pour l’usage actuel mais pour un redéveloppement. La réaction du marché en est une bonne illustration. Une telle lecture de sa part est regrettable.

[66]         Contrairement à ce qu’en pense Laval, le lot 133 n’est donc aucunement un site abandonné par Canada. Il représente une opportunité de redévelopper l’immeuble, comportant les deux lots, de façon plus intéressante et plus profitable. C’est pour cette raison qu’il fut acheté en 2017.

[67]         Pour être convenablement utilisé au sens de l’article 65 LE, on doit s’assurer que c’est en fonction de cette utilisation qu’il pourra demeurer la propriété de Nanji après l’expropriation. Or ce n’est pas le cas.

[68]         La preuve prépondérante est à l’effet d’ordonner l’expropriation du lot 133.

[Soulignements ajoutés-références omises]

Dans ces deux cas, il était question de projets de redéveloppement immobiliers sans demande de permis active et sans plans de développement déposés.

  1.        Test subjectif – Perspective de l’exproprié : La jurisprudence est abondante et unanime à ce sujet, du moins postérieurement à l’arrêt Vanier, la perspective à partir de laquelle l’utilisation convenable de la portion non expropriée de l’immeuble doit s’analyser est celle de l’exproprié, d’un point de vue subjectif, en considérant l’utilisation actuelle ou projetée de cette portion non expropriée par ce dernier[18]. 

L’auteur Martine Burelle résume bien cette approche subjective dans son article portant sur l’expropriation partielle[19] :

« On passe donc, à partir de la modification législative de 1983, d’un test objectif à un test subjectif : on ne se demande plus si l’immeuble pourrait encore servir – à quiconque – mais s’il est toujours utile à l’exproprié. »

[Soulignements ajoutés]

  1.            Revenons au pourvoi. 
  2.            La Municipalité s’inscrit en faux contre l’interprétation de l’article 65 LE proposée par le TAQ et validée par la CQ qui ne fait pas la distinction entre un usage actuel et une utilisation projetée de la partie non expropriée dans son application de l’utilisation convenable au sens de l’article 65 LE. 
  3.            Selon elle, le Projet n’en étant qu’au stade embryonnaire et le Site étant toujours vacant, le TAQ et la CQ auraient dû prendre en considération la latitude en découlant pour 9297 dans sa détermination de ce que constitue une utilisation convenable, argue la Municipalité. 9297 avait l’obligation de réorienter son projet au nom de son obligation de minimiser ses dommages, plaide la Municipalité, citant quelques décisions au support de cette position[20]. 
  4.            Dit plus simplement, la Municipalité est d’avis qu’il revenait à 9297 de moduler son Projet afin d’en faire une utilisation convenable, d’autant que le terrain du Site était toujours vacant.       
  5.            Cette prétention n’a pas été retenue par le TAQ et la CQ, en appliquant la norme de la décision correcte considérant que l’interprétation de l’article 65 LE est une question de droit, a conclu que le TAQ n’avait pas erré.
  6.            Le raisonnement de la CQ à cet égard est loin – très loin – d’être inintelligible.  À sa plus simple expression, la CQ n’a pas déceler d’erreur de droit dans le raisonnement du TAQ qui a préféré suivre la jurisprudence plus récente du TAQ dans Baganel et Azim que celles proposées par la Municipalité au soutien de leur prétention, des décisions qui par ailleurs ont toutes été rendues antérieurement à Baganel et Azim :

[52]   Contrairement à ce que propose Val-David, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’établir des critères d’analyse particuliers pour distinguer les situations où une entreprise en exploitation est affectée par les conséquences de l’expropriation par opposition où c’est un projet d’entreprise qui est mis en péril par les conséquences de l’expropriation.

[53]   Premièrement, il y a lieu de prendre en considération que la Loi sur l’expropriation est une loi réparatrice, et qu’à ce titre, elle doit recevoir une interprétation large et libérale qui est compatible avec son objet qui consiste à indemniser pleinement le propriétaire foncier dont le bien a été exproprié[32].

[54]   Deuxièmement, la détermination de ce qui peut être convenablement utilisé doit se faire à partir de la perspective de l’exproprié. Rien ne suggère qu’il convienne de développer un cadre d’analyse plus exigeant applicable à un exproprié qui voit son projet d’entreprise mis en péril par les conséquences de l’expropriation.

[55]   Troisièmement, le cadre d'analyse suggéré par le juge Baudouin dans Canac Marquis se révèle suffisamment souple pour s’appliquer à un scénario de développement qui est économiquement et juridiquement réalisable pour établir une utilisation potentielle.

[56]   Il appartiendra alors au TAQ d’apprécier la preuve et de déterminer, selon le contexte particulier de l’affaire, si les conséquences de l’expropriation compromettent le développement qu’un exproprié pouvait raisonnablement s’attendre à réaliser et si l’utilisation du résidu peut être adaptée aux besoins particuliers de l’exproprié.

[57]   C’est pourquoi le Tribunal ne voit pas de réelles justifications d’imposer un fardeau additionnel à l’exproprié qui voit son projet d’entreprise compromis par opposition à une situation où c’est une entreprise en exploitation qui est affectée.[21]

[Soulignements ajoutés]

  1.            En appliquant la norme de contrôle de la décision correcte quant à l’interprétation de l’article 65 LE proposée par le TAQ, et en concluant que le TAQ n’avait pas commis d’erreur de droit dans une telle interprétation, la CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable.  Sa conclusion fait suite à un raisonnement fonction d’une analyse jurisprudentielle rigoureuse qui n’est pas empreint de lacunes fondamentales.  Une conclusion raisonnable qui mérite déférence du Tribunal.
  1.                  La CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable en concluant que le TAQ avait apprécié de manière raisonnable la preuve lui ayant été soumise en vue de conclure que le Projet était viable économiquement et juridiquement
  1.            La Municipalité reproche aussi à la CQ et au TAQ de ne pas avoir considéré le stade embryonnaire du Projet, 9297 ayant acquis le Site en 2014 et n’ayant toujours pas procédé à quelques travaux que ce soit au moment où l’avis d’expropriation partielle lui a été transmis en 2021.
  2.            La Municipalité est d’avis que 9297 a indûment tardé dans ses démarches visant à matérialiser son Projet et qu’elle n’a qu’elle-même à blâmer dans ces délais de plus de six (6) années et que le Projet, du moins dans sa Phase 2, celle des « chaletels », est juridiquement et économiquement non viable.
  3.            Or, la preuve soumise à l’attention du TAQ et appréciée par la CQ à travers son prisme de tribunal d’appel permet à tout le moins de remettre en question les prétentions de la Municipalité. 
  4.            Le TAQ conclut que le Projet était loin d’être au stade embryonnaire et qu’il était plutôt sur le point de se réaliser. Ni le TAQ ni la CQ ne retiennent l’argument voulant que la Phase 2 du Projet soit juridiquement ou économiquement non viable.
  5.            Pour y arriver, le TAQ tient compte de l’émission de deux séries de permis par la Municipalité, d’accommodement de zonage octroyé par la Municipalité pour le déploiement du Projet, de discussions évolutives et constantes entre les représentants de la Municipalité et ceux de 9297 sur une période de plus de cinq (5) années, de plans d’affaires étoffés, de présentations PowerPoint faisant état des deux phases du Projet, de l’obtention de subvention gouvernementale et d’un financement de 15 M$[22]. 
  6.            Force est d’admettre que l’utilisation projetée par 9297 au terme du Projet était beaucoup plus concrète dans son déploiement éventuel que ceux ayant fait l’objet des décisions Baganel et Azim et ayant mené à une expropriation totale forcée à la demande de l’exproprié.
  7.            La CQ conclut que le TAQ n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans son appréciation de la preuve factuelle à cet égard :

[60]   En somme, la preuve est amplement suffisante pour établir que le projet de Centre de villégiature était économiquement et juridiquement réalisable. Nous sommes bien au-delà des simples affirmations qui décrivent, ex post facto, un projet imaginé qui ne peut soi-disant se réaliser en raison de la nouvelle situation imposée par l’expropriation.

[61]   C’est donc à bon droit que le TAQ a déterminé si le résidu pouvait être convenablement utilisé en fonction du projet de Centre de villégiature décrit par 9297 dans son plan d’affaires qui, rappelons-le, avait fait l’objet d’admission.

  1.            Ces conclusions de la CQ font suite à une analyse détaillée des motifs de la Décision du TAQ et de la preuve pertinente[23]. La Municipalité argue que la CQ s’est erronément attardée à confondre les deux phases du Projet, mais dans les faits, il ressort de la preuve que cette confusion provient plutôt de la conduite des parties. 
  2.            Avec égard, prétendre que la Phase 2 du Projet, celle projetant la construction des « chaletels », n’était pas économiquement ou juridiquement viable ressemble à une tentative ex post facto de faussement déconstruire un Projet qui a toujours été présenté comme un ensemble intégré.  Un Projet qui faisait l’objet de discussions évolutives entre la Municipalité et 9297.  La prétention de la Municipalité voulant que le Projet puisse être divisé vise manifestement à soutenir sa position recherchant à minimiser l’impact de l’expropriation partielle du Site sur le Projet de 9297.   Il convient de citer ce passage de la Décision TAQ :

[62]         À cet égard, le Tribunal constate que le projet de l’exproprié visait le développement de l’ensemble de cette propriété, comme un tout pour son projet de spa destination, ce qui le distingue de la situation décrite dans Ville de Saint-Basile-le-Grand sur laquelle l’expropriante s’appuie. Il s’agit d’une situation qui ressemble plus à celle des Investissements Baganel précitée et de Azim Naji Holdings.

[Soulignements ajoutés – références omises]

  1.            La CQ n’a pas fait fausse route en concluant que le Projet était un tout et que l’appréciation de la viabilité économique et juridique du Projet devait prendre en considération tant la Phase 1 que la Phase 2 du Projet[24]. Cette prémisse s’appuyait sur la Décision TAQ et son appréciation de la preuve[25].
  2.            Ce faisant, la CQ a appliqué la norme d’appel appropriée et son raisonnement n’est pas empreint de lacunes fondamentales nécessitant l’intervention de cette Cour.  La CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable.
  1.                La CQ a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable en concluant que le TAQ avait apprécié de manière raisonnable la preuve pertinente soumise son attention afin de conclure que la construction d’une nouvelle école sur le Site allait engendrer un accroissement du bruit et de la circulation
  1.            La Municipalité reproche par ailleurs à la CQ d’avoir escamoté l’erreur commise par le TAQ en mettant de côté l’expertise soumise en acoustique afin de démontrer que la construction de la nouvelle école sur la portion expropriée du Site n’allait pas engendrer un niveau de bruit supérieur à celui affectant déjà la portion non expropriée du Site.
  2.            9297 est plutôt d’avis que l’expertise en acoustique a été considérée, appréciée et écartée par le TAQ à juste titre considérant ses prémisses erronées.  9297 soumet par ailleurs que la CQ n’a pas erré en refusant d’intervenir sur cette erreur d’appréciation de la preuve.
  3.            Le Tribunal est d’accord avec 9297.
  4.            La CQ n’a pas exercé sa fonction d’appel de manière déraisonnable en concluant qu’il n’avait pas matière à intervention par rapport à l’appréciation du TAQ eu égard à l’expertise en acoustique produite par la Municipalité.
  5.            Deux raisons poussent le Tribunal à conclure ainsi :
    1.        D’abord, la Décision TAQ est généreuse de détails quant aux motifs pour lesquels cette expertise en acoustique n’était pas fiable à ses yeux. 

Une trentaine de paragraphes représentant plus de cinq pages de la décision de vingt-six (26) pages y sont consacrés.  À sa plus simple expression, le TAQ conclut que :

  1.             L’expert en acoustique a proposé une analyse de type vingt-quatre (24) heures, diluant ses résultats alors que la circulation routière et l’accroissement du bruit dans une zone scolaire sont beaucoup plus chirurgicaux en termes de période de la journée[26].
  2.             L’expert n’a pas tenu compte du fait que la nouvelle école allait engendrer une circulation additionnelle à proximité de l’entrée du bâtiment principal du Site[27]. 
  3.             L’expert a minimisé l’impact que l’autre école à proximité du Site se situe de l’autre côté du lac, offrant une mesure comparative peu fiable par rapport à la nouvelle école projetée[28].
  4.             L’expert n’a pas tenu compte du fait que la nouvelle école projetée serait un établissement régional comptant vingt-quatre (24) classes alors que l’autre école existante et sise à proximité du Site n’en compte que douze (12), menant inévitablement à une circulation routière beaucoup plus dense[29].
  5.             L’expert n’a pas tenu compte du fait que la nouvelle école accueillerait des autobus scolaires pour faciliter le transport des étudiants alors que le transport scolaire desservant l’école actuelle située à proximité du Site se fait à partir de minibus, un moyen de transport moins intrusif au niveau sonore[30].
  6.             L’expert a conclu que l’école existante ne respectait pas les normes sonores réglementaires existantes, diminuant encore plus son utilité comme mesure comparative par rapport à la nouvelle école projetée[31].
  1.        La CQ a considéré cette analyse musclée proposée par le TAQ et a conclu que la Municipalité ne s’était pas déchargée de son fardeau de démontrer l’existence d’une erreur manifeste et déterminante justifiant intervention. Il convient de reproduire les passages de la Décision CQ à cet égard :

[91]   Le TAQ conclut que l’environnement immédiat de la partie résiduelle de la propriété sera à un tel point modifié par l’expropriation qu’elle ne pourra plus être convenablement utilisée pour exploiter un spa de destination.

[92]   Pour parvenir à cette conclusion, le TAQ a notamment visité les lieux, examiné divers rapports, plans et entendu plusieurs témoins dont trois experts. Il considère peu fiable l’opinion de l’expert acousticien et soulève certaines lacunes affectant le rapport et le témoignage de l’urbaniste retenue par Val-David.

[93]   Val-David plaide que les conclusions factuelles tirées de la preuve par le TAQ sont insuffisantes pour tirer une telle conclusion. Comme il s’agit d’une question mixte, seule la démonstration que le TAQ a commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve aurait pu justifier l’intervention du Tribunal. Il s’agit d’un lourd fardeau que Val-David ne relève pas.

[94]   La conclusion du TAQ selon laquelle la partie non expropriée ne peut être convenablement utilisée aux fins visées par 9297 dans son projet de spa de destination trouve amplement appui dans la preuve ordinaire et d’expert. Elle est donc à l’abri de toute intervention.

[Soulignements ajoutés]

  1.            À l’audition, le procureur de l’Intervenante indiquera au Tribunal que dans son expérience, le raisonnement de la CQ lui paraissait court sur la question centrale de l’acoustique.
  2.            Avec égard, le Tribunal ne saurait être en plus profond désaccord.
  3.            Le Tribunal mettra cet argument hyperbolique sur le compte du fait que l’Intervenante s’est introduite au débat à la neuvième manche d’un match de balle déjà âprement disputé, mais qui tire visiblement à sa fin. 
  4.            L’Intervenante n’était pas présente lors de l’audition devant le TAQ.  Contrairement au TAQ qui s’y est déplacé, l’Intervenante ne semble pas avoir eu le bénéfice d’une visite des lieux du Site.  Ses procureurs n’ont pas eu le bénéfice de pouvoir apprécier la preuve experte soumise à l’attention du TAQ via les différents témoignages dans le cadre de l’audition. Non plus de contre-interroger l’expert en acoustique. L’Intervenante ne s’est pas non plus présentée devant la CQ.
  5.            Ces bénéfices, la Municipalité les a eus.  Et manifestement, sa position eu égard à l’absence d’accroissement de la sonorité avoisinante au Site des suites de l’arrivée de l’école projetée a été mise de l’avant par des procureurs habiles et a fait l’objet d’un débat fort intéressant devant le TAQ.  Une position qui n’a tout simplement pas été suffisamment convaincante pour le TAQ qui propose un raisonnement étoffé, détaillé et fort soutenu pour s’en écarter.  Très certainement, un raisonnement qui ne saurait être qualifié de court. 
  6.            La Décision CQ et son appréciation du raisonnement du TAQ sont appropriées.  La CQ en concluant que le TAQ n’avait pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans son appréciation de l’expertise en acoustique de la Municipalité a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable.  La CQ a identifié la norme d’appel applicable et sa décision de ne pas intervenir ne fait pas montre d’un raisonnement inintelligible justifiant l’intervention du Tribunal.
  7.            La Municipalité souligne que le TAQ n’avait qu’une seule expertise devant lui en matière d’acoustique, de sorte que cette expertise devait être considérée comme non contredite, pouvant difficilement être écartée par le TAQ. 
  8.            L’argument est habile, mais fait montre d’un raccourci qu’il convient de rétablir.
  9.            D’abord, deux autres expertises ont été produites par les parties devant le TAQ.  Tant la Municipalité que 9297 ont proposé des expertises en urbanisme.  Or, l’expertise en urbanisme produite par 9297 s’attarde sur la question de l’impact de la nouvelle école projetée sur l’accroissement de la circulation et du bruit sur le Site[32].  Il n’est par conséquent pas exact de statuer sur le fait que l’expertise en acoustique de la Municipalité n’est pas contredite. 
  10.            Ensuite, il convient de rappeler que l’appréciation de la pertinence et de la valeur probante de tout témoignage est au cœur de rôle d’appréciation du tribunal saisi d’un litige[33]. 
  11.            Bien qu’il soit reconnu que pour écarter une preuve d’expert non contredite, le tribunal doit faire état de raisons sérieuses dans sa décision, il n’en découle pas pour autant que la preuve experte revêt un caractère prioritaire ou sacro-saint ne pouvant être mis de côté[34] :

559  Témoin ordinaire et témoin expert – L'expert a une compétence spécialisée et a pour rôle d'éclairer objectivement le juge sur des matières scientifiques et techniques. Son témoignage non contredit ne peut être écarté arbitrairement et doit être généralement accepté. Cependant, il ne saurait exister une règle générale à l'effet que le tribunal devrait accorder une plus grande importance au témoin expert qu'au témoin ordinaire. En effet, aucune preuve n'est par définition prioritaire. Les juges préfèrent souvent le témoignage d'une personne ordinaire, surtout lorsqu'il y a des divergences entre les opinions d'experts ou que l'opinion de l'expert a une faible valeur probante.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Au final, le TAQ a étayé ses motifs de manière convaincante pour écarter l’expertise en acoustique.  La CQ n’a pas décelé d’erreur manifeste et déterminante dans le raisonnement du TAQ à cet égard.  Le rôle du Tribunal est de déterminer si la CQ a exercé sa fonction d’appel raisonnablement ce faisant.  Le Tribunal est d’avis que la CQ a exercé sa fonction d’appel raisonnablement en validant le raisonnement du TAQ eu égard à l’expertise en acoustique.
  1.                   La conduite procédurale de la Municipalité et de l’Intervenante en la présente instance n’est pas constitutive d’abus au sens des articles 51 et suivants du C.p.c.
  1.            9297 soumet au Tribunal que la conduite procédurale de la Municipalité frise l’acharnement procédural visant à l’essouffler considérant la disparité de ressources financières évidentes entre elle et la Municipalité.  État de compte à l’appui, 9297 soumet au Tribunal que la conduite procédurale de la Municipalité l’a forcé à devoir payer près de 85 000$ en honoraires d’avocats pour se défendre face à ce qu’elle considère une utilisation excessive du système judiciaire.
  2.            La Municipalité de son côté soutient que le pourvoi soulève des questions juridiques importantes, méritant toute l’attention et les efforts qui y ont été déployés.
  3.            Le Tribunal est d’accord avec la Municipalité.
  4.            L’accès à notre système de justice est un droit et privilège qui doivent s’exercer avec diligence. La sanction associée au non-respect de ce postulat est prévue à l’article 51 du C.p.c. qui circonscrit les cas donnant ouverture à une déclaration d’abus :

51. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif.

L’abus peut résulter, sans égard à l’intention, d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, entre autres si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats publics.

  1.            Il est utile de consulter les commentaires du ministre relativement à l’introduction des dispositions visant à sanctionner l’abus pour nous rappeler que ces dispositions participent à l’atteinte de l’objectif d’assurer une saine gestion des instances :

Le pouvoir de sanctionner les abus s’inscrit dans la mission des tribunaux d’assurer une saine gestion des instances et il constitue une application du principe de proportionnalité. Les actes doivent, quant à leur coût et au temps exigé pour les traiter, être proportionnés à leur nature et à leur finalité. Il ressort de la jurisprudence que les tribunaux sont très prudents dans l’exercice de ce pouvoir afin de ne pas brimer l’exercice des droits et de préserver notamment celui à une défense pleine et entière, mais il est aussi nécessaire, dans l’intérêt même de la justice, de réprimer ou de limiter les abus de la procédure.

L’article est une application en matière de procédure civile des principes posés par les articles 6 et 7 du Code civil, lesquels permettent de considérer que si l’abus peut résulter d’une intention de nuire, donc répréhensible, il peut aussi résulter de l’exercice déraisonnable ou excessif d’un droit qui rompt l’équilibre des droits entre les parties ou qui détourne le droit, ou ici la procédure, de sa fin sociale intrinsèque, l’administration de la justice telle que la disposition préliminaire du Code de procédure civile la circonscrit.

[Soulignements ajoutés] 

  1.            La Cour d’appel dans l’arrêt Biron c. 150 Marchand Holdings[35] invite à la prudence en rappelant, à juste titre, l’importance de ne pas banaliser le recours aux dispositions sur les procédures abusives pour mettre un terme à un litige au risque d’en faire un frein à l’accès à la justice :

[126]   L’article 51 C.p.c. couvre une panoplie de situations et le spectre de ces situations est large, mais, dans tous les cas, la barre est haut placée et elle doit le demeurer au risque de banaliser ce qu’est une procédure abusive et de constituer un frein à l’accès à la justice. Les procédures manifestement mal fondées et celles qui ne visent qu’à faire taire l’autre partie doivent être sanctionnées. Il en va de même de la partie qui utilise la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui. Mais, je le répète, la barre de l’abus de procédure doit demeurer haut placée.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Le Tribunal ne peut se convaincre que la conduite de la Municipalité en l’espèce est excessive.  Il y a certes disparité de ressources entre la Municipalité et 9297, mais celle-ci ne saurait à elle seule justifier une sanction pour abus de procédures.
  2.            Une remarque s’impose cependant sur l’Intervenante et son mémoire.  Le Tribunal ne peut s’empêcher de constater que l’Intervenante en l’espèce s’est limitée à supporter la position de la Municipalité.  Pourtant, considérant la nature même de son rôle qui est de représenter les intérêts de la vaste majorité des municipalités au Québec, le Tribunal se serait attendu à ce que le mémoire de l’Intervenante lui offre un point de vue beaucoup plus macro de la situation, en fonction de son expertise et de sa connaissance pointue des enjeux.  Une perspective au-dessus de la proverbiale mêlée. 
  3.            Quel serait l’impact de l’interprétation proposée par le TAQ sur les autres instances en cours ? Un an plus tard, quel est l’impact de l’abrogation de la LE et de l’adoption de la LCE ? Quelle est la nature des débats ayant mené à l’introduction du concept de l’UMEPP à l’article 30 LCE en remplacement du concept de l’utilisation convenable de l’article 65 LE ? Il aurait été fort intéressant pour le Tribunal de se voir offrir une telle perspective par un acteur qui de par sa constitution et son Intervention se devait d’adopter une approche qui dépasse le cadre des faits générateurs propre à la situation en l’instance. Particulièrement dans un contexte d’intervention de nature amicale.
  4.            Malheureusement, le Tribunal retiendra très peu de cette Intervention et du mémoire de l’Intervenante, celui-ci lui offrant un éclairage limité aux faits en l’espèce et se limitant à supporter la position de la Municipalité en l’instance.
  5.            Il pourrait être légitime de se questionner sur l’impact de l’Intervention eu égard à une potentielle enflure des procédures au dossier.  Est-ce que l’intervention en soit pourrait être considérée comme étant constitutive d’une conduite abusive au sens des articles 51 et suivants C.p.c.?
  6.            Le Tribunal ne le croit pas. 
  7.            Particulièrement en considérant que cette intervention est survenue à la toute fin, en décembre 2024, quelques semaines avant l’audition sur le pourvoi.  L’on ne saurait reprocher à cette Cour d’avoir fait droit à la demande d’intervention considérant le consentement de toutes les parties et des préceptes d’intérêt public y étant annoncés comme motif d’intervention[36], mais malheureusement, le mémoire qui en a résulté n’aura pas su offrir une perspective s’élevant au-dessus d’un simple support envers la position de la Municipalité.  C’est dommage.  
  1.                  L’abrogation de la LE et de son article 65 au profit de la LCE et son article 30 n’ont pas pour effet de rendre le Pourvoi théorique
  1.            La LE a été abrogée et remplacée par la LCE le 28 décembre 2023.  L’article 65 de la LE a été repris avec certains ajustements sous l’article 30 de la LCE, qui se lit comme suit :

30. À la suite de l’expropriation d’un droit sur une partie d’un immeuble, le Tribunal administratif du Québec peut, à la demande de l’expropriant ou de l’exproprié notifiée à l’autre partie, ordonner que soit également exproprié ce droit ou, lorsque ce droit est un démembrement du droit de propriété, ce droit ou le droit de propriété sur la totalité ou une partie du résidu si le résidu ne peut plus être utilisé selon l’usage le meilleur et le plus profitable de l’immeuble exproprié à la date de l’expropriation.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Essentiellement, le concept d’utilisation convenable servant à statuer sur l’opportunité d’ordonner une expropriation totale est remplacé par le concept de l’usage le meilleur et le plus profitable (UMEPP) de la partie non expropriée.
  2.            Séance tenante, le Tribunal s’est entretenu avec les procureurs de toutes les parties relativement à l’impact de ce qui, en apparence du moins, semble être une réforme en profondeur du régime d’expropriation au Québec, d’autant que les notes explicatives[37] au projet de loi y ayant mené laissent peu place à l’interprétation quant aux intentions du législateur :

Cette loi remplace la Loi sur l’expropriation. Elle établit un nouvel encadrement en matière d’expropriation de droits qui portent sur un immeuble. À ce titre, elle prévoit que toute expropriation doit faire l’objet d’une décision ou d’une autorisation du gouvernement. Elle dispense toutefois, sous certaines conditions, un ministre d’obtenir une telle autorisation. Elle établit la procédure d’expropriation applicable à toute expropriation, en précisant notamment le contenu de l’avis d’expropriation et la nécessité de son inscription sur le registre foncier. La loi précise qu’une contestation du droit à l’expropriation ne suspend pas la procédure d’expropriation. Elle prévoit que l’expropriant doit déterminer pour toute partie dessaisie une indemnité provisionnelle initiale et, dans certains cas, qu’il peut déterminer une indemnité provisionnelle supplémentaire. La loi octroie au Tribunal administratif du Québec le pouvoir d’autoriser une expropriation totale ou partielle du résidu d’un immeuble ou le désistement total ou partiel de la procédure d’expropriation. Dans certains cas, la loi impose l’obligation d’offrir de rétrocéder un immeuble, acquis par expropriation et situé en zone agricole ou utilisé pour la pratique de l’agriculture, à celui de qui il a été ainsi acquis. La loi établit les règles applicables à l’instance en fixation de l’indemnité d’expropriation, en précisant notamment des règles de preuve et de procédure applicables aux instances dont la valeur de l’indemnité réclamée ou offerte est de 500 000 $ ou plus. Elle prévoit la tenue d’une séance de conciliation ou celle d’une conférence de gestion. Elle énonce également les conséquences pour une partie à l’instance de ne pas déposer de déclaration détaillée ainsi que les règles applicables à l’acquisition d’un droit sur un immeuble exproprié par un tiers ou au dépôt du versement d’une indemnité au greffe de la Cour supérieure. Elle attribue au Tribunal le pouvoir de fixer une indemnité provisionnelle complémentaire et une indemnité définitive. À l’égard de cette dernière, elle établit les différentes approches d’indemnisation selon lesquelles l’indemnité définitive est déterminée et définit certains concepts nécessaires à son calcul, tels que celui de l’usage le meilleur et le plus profitable et celui de la valeur marchande. La loi attribue aussi au Tribunal le pouvoir de fixer des dommages-intérêts.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Est-ce que l’introduction de ce « nouvel encadrement législatif » en matière d’expropriation est de nature à rendre le pourvoi théorique? Le Tribunal ne le croit pas, et ce pour trois raisons.
  2.            D’abord l’article 12 de la Loi d’interprétation[38] établit le principe que l’abrogation n’est pas de nature à affecter les procédures intentées :   

12. L’abrogation d’une loi ou de règlements faits sous son autorité n’affecte pas les droits acquis, les infractions commises, les peines encourues et les procédures intentées; les droits acquis peuvent être exercés, les infractions poursuivies, les peines imposées et les procédures continuées, nonobstant l’abrogation.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Ensuite, parce que les dispositions transitoires de la LCE prévoient expressément que les instances introduites avant le 28 décembre 2023 continuent d’être régies par les règles prévues à la LE :

243. Toute instance d’expropriation commencée conformément à l’article 40 de la Loi sur l’expropriation et toute autre instance pour laquelle des dispositions de la Loi sur l’expropriation sont applicables, notamment les instances d’expropriation prévues par d’autres lois que la Loi sur l’expropriation et les instances visant l’échange d’immeubles, qui sont en cours le 28 décembre 2023 demeurent régies par les dispositions des lois qui leur étaient applicables à cette date.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Finalement, parce que le pourvoi soulève des enjeux qui dépassent le concept de l’utilisation convenable prévu à l’article 65 LE et l’erreur de droit qui y est reprochée par la Municipalité.  Les reproches formulés par la Municipalité ne s’y limitent pas.  Le pourvoi soulève d’autres enjeux qui tiennent à l’appréciation factuelle proposée par le TAQ et confirmée par la CQ. 
  2.        Partant, le Tribunal est satisfait qu’un litige actuel persiste entre les parties, s’appuyant sur les enseignements de la Cour suprême dans Borowski c. Canada (procureur général)[39]:          

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal puisse refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite.  Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties.  Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire.  Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision.  En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique.  Le principe ou la pratique générale s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer.  J'examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d'exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps.  En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique.  En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire.  La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot "théorique" (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre.  Pour être précis, je considère qu'une affaire est "théorique" si elle ne répond pas au critère du "litige actuel".  Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient.

[Soulignements ajoutés]

  1.        Cela dit, force est d’admettre que la valeur de précédent propre à la présente affaire risque d’être circonscrite et fort limitée. 
  2.        Les procureurs de l’Intervenante et de la Municipalité ont beau insister qu’il reste des dossiers en cours trouvant assise sur une interprétation du concept d’utilisation convenable prévu à l’article 65 LE, n’empêche que le Tribunal ne peut ignorer la valeur somme toute limitée, du moins temporellement, du précédent que la présente décision pourrait avoir. 
  3.        À tout événement, il est difficile à ce stade de statuer sur l’impact que cette réforme législative pourrait avoir en pratique et quelle utilité la jurisprudence s’étant prononcée sur le concept de l’utilisation convenable prévu à l’article 65 LE pourra avoir eu égard au principe de l’UMEPP mis de l’avant par le législateur au terme de l’article 30 LCE.
  4.        Cependant, une lecture de l’article 30 LCE n’est certes pas de nature à imputer au législateur une volonté de s’écarter de la nature réparatrice de la législation en matière d’expropriation. Il serait difficile d’y voir là une intention du législateur de remettre en question les enseignements du Juge Baudouin dans Vanier selon laquelle une demande d’expropriation totale dans un contexte d’avis d’expropriation partielle doit s’analyser selon une approche subjective, à partir de la perspective de l’exproprié, en préconisant une interprétation large et libérale, particulièrement eu égard à l’utilisation projetée de la portion non expropriée.

 

 

  1. CONCLUSION
  1.        Le Tribunal ne peut tout simplement pas se convaincre que la CQ a exercé sa fonction d’appel de manière déraisonnable en rendant sa Décision CQ.
  2.        À n’en point douter, le litige a pris une proportion de saga judiciaire.  Il s’est écoulé près de cinq années depuis la demande en expropriation totale qui date du 5 mai 2021. Plus de dix ans depuis ces premières rencontres entre 9297 et la Municipalité relativement au Projet. Or, tel que les parties l’ont laissé entendre dans le cadre de l’audition, peu importe le sort réservé au pourvoi, un débat sur le montant de l’indemnité d’expropriation – partielle ou totale – semble être dans les cartes.
  3.        Le Tribunal souhaite de tout cœur que les parties voient dans la présente décision, une certaine finalité.  Beaucoup d’énergie, d’efforts et d’honoraires ont été alloués au débat sur la faisabilité du Projet et l’opportunité de procéder à l’expropriation totale ou partielle du Site.
  4.        D’aucuns seraient d’avis que l’appareil judiciaire a été généreux de son attention quant au litige opposant 9297 à la Municipalité. Deux décideurs spécialisés au TAQ ont rendu une Décision TAQ étoffée en faveur de l’expropriation totale.  Après cinq journées d’audition, ponctuées d’une visite des lieux et avec le bénéfice d’un débat contradictoire robuste mené par des procureurs aguerris et impliquant plusieurs témoins, dont trois experts.
  5.        La CQ, au terme d’une Décision CQ tout aussi étoffée, est venue confirmer cette Décision TAQ et valider le raisonnement de ses décideurs en appliquant la norme de contrôle appropriée. 
  6.        Le Tribunal est le troisième palier, le quatrième décideur à se pencher sur le litige opposant la Municipalité à 9297.
  7.        Il est temps pour les parties de s’attarder à la détermination de l’indemnité d’expropriation. 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.        REJETTE le pourvoi en contrôle judiciaire de la Demanderesse.
  2.        LE TOUT, avec frais de justice contre la Demanderesse.

 

 

 

 

__________________________________LUC MORIN, j.c.s.

 

 

 

Me Dominique Ménard

Me Christophe Savoie

LCM Avocats Inc.

Procureurs de la Demanderesse Municipalité du Village de Val-David

 

Me Michel Beausoleil

Me Cheraz Haba

Tandem avocats-conseils Inc.
Procureur de la Mise en cause 9297-8246 Québec Inc.

 

Me Christopher-William Dufour-Gagné

Morency Société d’avocats

Procureur de l’Intervenante Union des municipalités du Québec

 

 

Date d’audience :

Le 29 janvier 2025

 

 

 

 

 

 

 

 


[1]  Le Site comprend huit lots qui sont décrits à l’acte de vente produit comme Pièce P-4 (pp. 202 et 203).

[2]  Décision TAQ, par. 23; pièce R-7.

[3]  Il est admis par les parties que la superficie expropriée est d’environ 47 285,7 mètres carrés, soit 12,4% de la superficie totale du site et de 17,4% abstraction faite des cours d’eau, milieux humides et bandes riveraines – Décision TAQ par. 9.

[4]  Loi sur l’expropriation, L.R.Q., ch. E-24 (« LE »).

[5]  Loi concernant l’expropriation, L.R.Q., ch. E-25 (« LCE »).

[6]  Vavilov, par. 23.

[7]  Ville de Montréal c. Société en commandite Locoshop Angus, 2021 QCCA 1217.

[8]  Pourvoi, par. 74 à 75, Mémoire de la Municipalité, par. 21 et 22, Mémoire de 9297, par. 25 à 27, Mémoire de l’Intervenante, par. 3 à 5.

[9]  Vavilov, par. 83, 99, 100 et 101.

[10]  Vavilov, par. 125.

[11]  Loi sur la justice administrative, LRQ, c. J-3, articles 32 et 119.

[12]  Auer c. Auer, 2024 CSC 36.

[13]  Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. ch. C-12, article 7.

[14]  Vanier (Ville) c. Canac-Marquis Grenier Ltée, [1990] R.J.Q. 1201 (Baudouin J.A.), opinion dissidente, Vanier (Ville) c. Canac-Marquis Grenier Ltée, [1990] 2 R.C.S. 203 (collectivement « Vanier »).

[15]  Exploitation agricole et forestière des Laurentides inc. c. Cour du Québec, 2016 QCCS 1882 (« Exploitation Laurentides »), par. 80 : « Cette interprétation retient que le législateur a voulu élargir la possibilité de conclure à l’existence d’une expropriation totale.  Si sous l’article 64, le test était de prouver que l’immeuble n’était plus utilisable selon sa destination d’origine, maintenant sous l’article 65, il suffit que la partie restante ne puisse être « convenablement utilisée ».  Et ce terme selon le juge Beaudoin doit bénéficier d’une interprétation large. ».

[16]  Laval (Ville) c. Les Investissements Baganel inc., 2021 QCTAQ 03472 (« Baganel »), Laval (Ville) c. Azim Nanji Holdings Inc., 2021 QCTAQ 03471 (« Azim »).

[17]  Baganel, par. 50 à 55.

[18]  Exploitation Laurentides, par. 94-95, P.G.Q. Ministre des transports c. Boulevard acquisition, 2020 QCTAQ 01792, par. 21-22, Ville de Mont-Tremblant c. Susan Gordon, 2018 QCTAQ 04377, par. 51.

[19]  BURELLE, Martine, « L’expropriation partielle », dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit de l’expropriation (2019), volume 462, Montréal, Éditions Yvon Blais.

[20]  Mémoire de la Municipalité, par. 81 et note de bas de page 69.

[21]  Décision CQ, par. 52 à 57.

[22]  Décision TAQ, par. 26 et Décision CQ, par. 59.4.

[23]  Décision CQ, par. 58 à 61.

[24]  Décision CQ, par. 12 et 13.

[25]  Décision TAQ, par. 62.

[26]  Décision TAQ, par. 100 à 105.

[27]  Décision TAQ, par 117.

[28]  Décision TAQ, par. 99.

[29]  Décision TAQ, par. 115.

[30]  Décision TAQ, par. 97, 109 et 115.

[31]  Décision TAQ, 107 et 122.

[32]  Décision TAQ, par. 68, 69, 70 et 75.

[33]  Article 2845 C.c.Q.

[34]  Jean-Claude Royer et Catherine Piché, La preuve civile, 5e éd., Montréal, Yvon Blais, 2016, no 559. Voir aussi Catherine Piché, La preuve civile, 6e éd., Montréal, Yvon Blais, 2020, nº 529.

[35] Biron c. 150 Marchand Holdings, 2020 QCCA 1537, par. 126. 

[36]  Intervention, par. 8 à 11.

[37]  Projet de loi no 22 (2023, chapitre 27) - Loi concernant l’expropriation.

[38]  Loi d’interprétation, L.R.Q. ch. I-16.

[39]  Borowski c. Canada (procureur général), [1989] 1 R.C.S., p. 342.

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