Nagar c. Desjardins sécurité financière, Compagnie d'assurance-vie | 2025 QCCS 2720 |
COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
DISTRICT DE | Montréal |
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N° : | 500-06-001245-238 |
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DATE : | Le 31 juillet 2025 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | FLORENCE LUCAS, J.C.S. |
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ARIELLE NAGAR et GIOVANA FETH |
Demanderesses |
c. |
Desjardins sécurité financière, compagnie d’assurance vie et ALLIANCE POUR LA SANTÉ ÉTUDIANTE AU QUÉBEC INC. et UNIVERSITÉ CONCORDIA et UNIVERSITÉ McGILL |
Défenderesses |
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JUGEMENT sur une demande d’autorisation
d’exercer une action collective |
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- Le 7 juin 2023, Roger Gabriel Salma, introduit une demande pour solliciter la permission d’exercer une action collective, modifiée une première fois le 10 octobre 2023, afin de lui substituer la demanderesse Arielle Nagar à titre de représentante, puis une seconde fois le 3 mai 2024, dans la Re-Amended application to authorize the bringing of a class action (Demande d’autorisation remodifiée), notamment pour ajouter une deuxième représentante, Giovana Feth.
- Ainsi, Nagar et Feth[1] (Demanderesses) sollicitent le statut de représentantes pour le compte du groupe suivant (Groupe) :
Tous les étudiants inscrits ou qui étaient inscrits à un CÉGEP ou à une université, et qui ont été automatiquement inscrits à un régime d’assurance santé, médicale ou dentaire pour lesquels ils ont payé les primes d’assurance aux défenderesses ou à leur bénéfice.
- L’assurance collective offrant des protections médicales et dentaires souscrite par des associations d’étudiants existe depuis plus de trente (30) ans[2]. Les étudiants y adhèrent à même leur adhésion à leur association, elle-même automatique de par la loi, mais disposent d’un délai déterminé pour s’en retirer.
- L’Alliance pour la Santé Étudiante au Québec inc. (ASEQ), est le « fournisseur principal des régimes étudiants de soins de santé et dentaire », qui joue le rôle de courtier[3] entre les assureurs et les associations d’étudiants, négocie les contrats d’assurance collective, informe les étudiants sur les détails du régime (site Internet, brochures, courriels, affiches sur le campus, etc.), gère les demandes de retrait, répond à leurs questions et récolte les impressions et commentaires des étudiants[4].
- Desjardins Sécurité Financière - Compagnie d’Assurance Vie (assureur DSF) est le seul et unique assureur offrant une assurance collective maladie et dentaire à toutes les associations étudiantes au Québec[5].
- L’Université Concordia et l’Université McGill (Universités) jouent le rôle de mandataires des associations étudiantes afin de collecter les primes d’assurances auprès des étudiants et de remettre intégralement les sommes aux associations.
- Quant à la Demanderesse Nagar, à la session d’automne 2017, elle entreprend des études à l’Université Concordia. En devenant membre de son association étudiante, elle se trouve à adhérer automatiquement à un régime annuel d’assurance collective. La première année, en payant ses frais de scolarité auprès de l’Université Concordia, y compris les primes d’assurance, elle ignore son droit de se désister de celle-ci, dont elle n’a aucunement besoin, étant bénéficiaire d’une couverture avec l’assurance de sa mère.
- L’année suivante, elle découvre que le retrait aux assurances est possible sur le site de l’ASEQ, qu’elle sollicite avec succès avant la date limite, et ce à deux reprises, soit pour l’année 2018 / 2019 et 2019 / 2020. À chaque fois, on lui rembourse les primes payées avec ses frais de scolarité.
- En septembre 2020, à la date de paiement de ses frais de scolarité (fin octobre ou début novembre), elle tente de s’exclure à nouveau, ce qu’on lui refuse étant donné le délai de retrait plus court et échu.
- Au début du semestre suivant, en janvier 2021, l’option de se retirer n’est offerte qu’aux étudiants nouvellement inscrits au semestre d'hiver, de sorte qu’elle ne peut s’en exclure. Dès lors, la Demanderesse Nagar présente des réclamations d’assurance pour des soins de santé, dont certaines ont été remboursées par l’assureur DSF. Elle n’a cependant fait aucune réclamation relevant de l’assurance dentaire.
- En ce qui la concerne, la Demanderesse Feth est étudiante à temps partiel à l’Université McGill au semestre d’hiver 2024. En parallèle, elle travaille et bénéficie d’une assurance maladie et dentaire auprès de son employeur. En janvier 2024, elle paie ses frais de scolarité incluant automatiquement les frais d’une autre assurance collective qu’elle n’a pas sollicitée et dont elle n’a pas besoin. Elle aurait omis de s’exclure dans le délai accordé pour ce faire (31 janvier 2024). Par la suite, en avril 2024, elle soumet une demande de remboursement, demeurée sans réponse. Elle n’a jamais utilisé ou fait de réclamation d’assurance.
- Essentiellement, les Demanderesses reprochent à l’ASEQ, à l’assureur DSF et aux Universités (collectivement Défenderesses)[6] :
- le caractère illégal de l’adhésion automatique à un régime d'assurance collective, soit sans obtenir le consentement des membres du Groupe, avant ou après leur adhésion, et ce, en vertu d’un contrat d’assurance conclu entre l’assureur DSF et chacune des associations étudiantes (contrat d’assurance);
- le défaut d’informer les membres du caractère facultatif de l’assurance collective, de l’option de s’en retirer sur les factures émises par les Universités et le défaut de transmettre la police d'assurance aux membres du Groupe;
- l'imposition du délai abusif et arbitraire de 3 à 6 semaines, selon le cas, pour s'exclure de l’assurance collective, n'étant fondé ni sur la législation ni sur la réglementation ni sur le consentement des membres du Groupe;
- le fait de passer sous silence des faits importants relatifs au droit de retrait et d’exiger une somme pour un service à un consommateur sans que ce dernier l’ait demandé;
- l’atteinte à la vie privée des membres dont certaines informations personnelles ont été transmises sans leur consentement à l’assureur DSF.
- Les Demanderesses invoquent que les modalités de l’assurance collective automatique et du délai de retrait y afférent vicient le consentement des membres au sens des articles 1401 et 1407 C.c.Q., contreviennent à l’obligation d’information de l’assuré nécessaire à une prise d’une décision éclairée des membres en vertu des articles 62 et 64 de la Loi sur les assureurs[7] et constituent des pratiques interdites au sens des articles 228, 230 A), 253 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur[8]. S’ajoute une violation de la vie privée des membres, sous l’article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (Charte québécoise)[9].
- Elles sollicitent une ordonnance injonctive pour faire cesser l’adhésion automatique d’étudiants, réclament le remboursement des primes d’assurance payées par les membres, ainsi que des dommages compensatoires, moraux et punitifs.
- Les Défenderesses s’opposent à la Demande d’autorisation, invoquant principalement l’absence d’une cause d’action défendable (574(2) C.c.Q.) vu :
- la légalité de l’adhésion automatique à l’assurance collective;
- la remise de l’information nécessaire en temps opportun;
- le délai de retrait divulgué et connu des membres;
- l’absence de conclusion d’un contrat de consommation, faisant obstacle à un recours fondé sur la Loi sur la protection du consommateur;
- la collecte et la transmission légales des informations personnelles des étudiants par les universités aux associations étudiantes, puis à l’assureur DSF;
- l’absence de cause d’action personnelle des Demanderesses, dûment informées;
- le défaut d’allégation factuelle justifiant l’octroi de dommages punitifs;
- l’absence d’implication et de responsabilité de l’ASEQ, étrangère au contrat d’assurance collective en litige;
- l’absence de responsabilité des Universités, simples mandataires des associations étudiantes, ayant comme mandat de facturer et de collecter les primes d’assurance intégralement remises à ces mandants;
- Subsidiairement, les Défenderesses soutiennent que le litige ne se prête pas à une détermination collective, faute de question commune applicable à tous les membres (art. 574(1) C.c.Q.). Qui plus est, elles soulèvent des déficiences dans la définition du Groupe et l’absence d’enquête pour démontrer l’existence même d’un groupe de personnes partageant les récriminations des Demanderesses (art. 574(3) C.c.Q.). Enfin, est également contesté leur statut de représentantes (art. 574(4) C.c.Q.).
- L’action collective est un moyen procédural permettant à une personne d’agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres d’un groupe dont elle fait partie et de les représenter[10].
- Ce véhicule procédural poursuit plusieurs objectifs dont, notamment, ceux de faciliter l’accès à la justice, de modifier des comportements préjudiciables et d’économiser les ressources judiciaires[11].
- Pour exercer une action collective[12], l’autorisation préalable du tribunal est requise, à la lumière de quatre critères énoncés par l’article 575 C.p.c. :
1° les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
2° les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
3° la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance;
4° le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.
- Il ressort de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel du Québec[13] (dont on reprendra les références et extraits pertinents en temps opportun) essentiellement les principes suivants :
Il appartient au demandeur de démontrer que les critères de l’article 575 C.p.c. sont remplis. Son fardeau en est un de démonstration et non de preuve. On préconise une approche souple, libérale et généreuse des conditions, afin de faciliter l’exercice des actions collectives comme moyen d’atteindre le double objectif du législateur de la dissuasion et de l’indemnisation des victimes. Tout doute doit jouer en faveur de l’autorisation;
À ce stade, le fardeau du demandeur consiste à établir une apparence sérieuse de droit, une cause défendable ou soutenable, dont les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées, sans nécessiter pour lui d’établir une possibilité raisonnable de succès. Ainsi, le juge autorisateur se trouve investi d’un rôle de filtrage visant à écarter les causes frivoles, suivant un seuil de preuve peu élevé;
Les allégations de faits formulées par un requérant sont présumées vraies, sont tenues pour avérées, sauf si elles apparaissent sans conteste invraisemblables ou manifestement inexactes à la lumière des pièces jointes à la demande ou de la preuve appropriée autorisée. Si les faits allégués sont suffisamment clairs, précis et spécifiques, la partie en demande est dispensée de fournir une « certaine preuve » au soutien de ce qu’elle allègue. Par contre, lorsque des allégations de fait sont vagues, générales ou imprécises, se rapprochant de l’opinion ou de l’hypothèse, elles peuvent difficilement être tenues pour avérées; elles doivent alors être accompagnées d’une certaine preuve afin d’établir une cause défendable. En se gardant de faire un débat sur la suffisance ou la valeur probante de cette « certaine preuve », le juge autorisateur peut l’analyser pour confirmer si elle supporte les allégations de la demande d’autorisation;
Le juge autorisateur doit prêter une attention particulière, non seulement aux faits allégués, mais aussi aux inférences ou présomptions de fait ou de droit qui sont susceptibles d’en découler et qui peuvent servir à établir l’existence d’une « cause défendable »;
Le demandeur doit démontrer qu’il y a au moins une question de droit ou de fait identique, similaire ou connexe qui se prête à une décision collective, sans que la réponse soit nécessairement identique pour chaque membre du groupe proposé, et qu’elle permet de faire progresser le litige de façon non négligeable pour l’ensemble du groupe. Aussi, il n’y a aucune exigence au Québec que les questions communes soient prépondérantes par rapport aux questions individuelles;
À l’étape de l’autorisation, l’action n’existant pas sur une base collective, le juge doit déterminer si les conditions se trouvent satisfaites à la lumière du recours individuel du demandeur qui cherche par le fait même à se voir attribuer le statut de représentant;
Une fois les quatre conditions énoncées à l’article 575 C.p.c. satisfaites, le juge ne bénéficie d’aucune discrétion résiduelle; il doit autoriser l’action collective.
- Reprenons les critères dans l’ordre proposé par les parties, en commençant l’analyse par l’examen du second alinéa de l’article 575 C.p.c., soit le critère de l’apparence de droit[14], puisque c’est principalement à celui-ci que les Défenderesses s’attaquent.
- La question est de savoir si « les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées ». Autrement dit, si la Demanderesse établit une cause défendable à la lumière des allégations et éléments de preuve en appui[15].
- Lorsqu’on se demande s’il est satisfait à la condition relative au caractère suffisant des faits allégués, c’est la situation individuelle de la personne désignée qui doit être examinée à ce stade de l’autorisation[16]. Elle doit démontrer une cause défendable pour chacune des causes d’action invoquées[17].
- Au stade de l’autorisation, les arrêts de principe de la Cour suprême nous enseignent que « le tribunal peut trancher une pure question de droit au stade de l’autorisation si le sort de l’action collective projetée en dépend; dans une certaine mesure, il doit aussi nécessairement interpréter la loi afin de déterminer si l’action collective projetée est « frivole » ou « manifestement non fondée » en droit. […] Toutefois, outre ces situations, il n’y a en principe pas lieu pour le tribunal, au stade de l’autorisation, de « se prononcer sur le bien-fondé en droit des conclusions en regard des faits allégués »[18].
- Le recours envisagé par les Demanderesses vise à contester un mécanisme considéré illégal par lequel les étudiants de la province de Québec sont amenés à adhérer automatiquement à des contrats d'assurance maladie et/ou dentaire collective, négociés par l’ASEQ avec l’assureur DSF, dont les primes d’assurance sont payées à ou au profit de l’assureur DSF et/ou de l’ASEQ[19].
- Sous le critère de l’apparence de droit sérieuse, analysons les cinq causes d’action des Demanderesses à la lumière des neuf motifs de contestation des Défenderesses, auxquels s’ajoute une révision de la définition du Groupe[20].
- Les Demanderesses s’attaquent à la légalité de l'adhésion automatique à l'assurance collective, faisant valoir que de nombreux étudiants deviennent membres d’une association étudiante, automatiquement de par la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants[21], et par le fait même, adhère à une assurance collective à leur insu, dont ils ne veulent pas ou dont ils n'ont pas besoin et conséquemment, pour laquelle ils n'ont jamais donné leur consentement éclairé, ce qu’elles estiment contraire à l'article 62 de la Loi sur les assureurs et aux règles fondamentales de la formation des contrats prévues dans notre Code civil du Québec.
- L’assurance collective est définie à l’article 2892 C.c.Q., lequel prévoit qu’une
« assurance collective de personnes couvre, en vertu d’un contrat-cadre, les personnes adhérant à un groupe déterminé et, dans certains cas, leur famille ou les personnes à leur charge ». Il est reconnu qu’elle implique donc une relation tripartite entre l’assureur, le preneur et les adhérents/assurés[22]. - Le contrat d’assurance collective (ou contrat-cadre) est formé dès que l’assureur accepte la proposition du preneur (art. 2398 C.c.Q.), excluant la participation des adhérents.
- En l’espèce, les Défenderesses font valoir d’une part, que conformément à l’article 2398 C.c.Q., le contrat-cadre pouvait légitimement être conclu entre les associations étudiantes (à titre de preneur) et l’assureur DSF. D’autre part, elles plaident qu’aucun élément (disposition législative, réglementaire ou norme) ne permet de conclure à l’illégalité de l’adhésion automatique à l’assurance collective en l’instance.
- Plus particulièrement, les Défenderesses suggèrent que le contrat-cadre peut
« légalement prévoir l’adhésion automatique à l’assurance collective découlant de l’adhésion au groupe au bénéfice duquel il a été conclu » et « s’appliquer automatiquement à un adhérent de par la simple appartenance au groupe »[23]. En appui à des propositions, elles citent principalement l’ouvrage de Michel Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, à l’effet qu’à « la suite de la conclusion du contrat-cadre entre le preneur et l’assureur, le membre du groupe sera invité à y adhérer ou y sera tenu, selon que le contrat est à participation facultative ou obligatoire » [24]. - D’emblée, remarquons que lorsque l’auteur invoque la possibilité d’un contrat à participation obligatoire, il offre comme seul exemple celui de la Loi sur l’assurance médicaments[25] et des obligations qu’elle impose en matière de participation à un régime d’assurance médicaments offert en milieu de travail[26].
- À la lumière d’une analyse minutieuse des règles de droit et de la jurisprudence applicables, dans son ouvrage unique en matière d’assurance collective, édité en 2006, mais toujours d’actualité à plusieurs égards, l’auteur Michel Gilbert dénonce plutôt des problématiques liées au manque de cohérence et de clarté des dispositions spécifiques à l’assurance collective[27].
- D’abord, à l’instar de l’auteur, les Demanderesses peuvent raisonnablement défendre l’idée que malgré le libellé de l’article 2892 C.c.Q., l’adhésion doit être considérée par rapport au contrat d’assurance et non au groupe, notamment à la lumière des articles 2406 et 2423 C.c.Q.[28] Ainsi, elles peuvent vraisemblablement avancer que la simple adhésion à une association d’étudiants, elle-même automatique de par la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants[29], ne saurait suffire, à défaut d’une adhésion spécifique au régime d’assurance collective (ou d’un mandat de représentation valable de l’association à cet égard).
- D’ailleurs, selon les autorités citées en défense, « [l]’adhésion subséquente des membres crée un rapport contractuel direct entre les adhérents et l’assureur »[30]. Ainsi, les Demanderesses peuvent soutenir que la conclusion du contrat d’assurance collective « demeure une coquille vide sans l’adhésion ultérieure des membres du groupe »[31]. Autrement dit, « [c]’est par l’adhésion que les membres du groupe admissible à l’assurance deviennent de véritables parties au contrat »[32], ce qui pourrait suggérer un geste positif de leur part, selon les Demanderesses. À cet égard, l’auteur Michel Gilbert remarque que « [l]e choix du terme « adhérent » par le législateur évoque une démarche volontaire et autonome de la part de cet adhérent, une forme de ratification des termes de l’entente conclue entre le preneur et l’assureur »[33].
- Ainsi, les Demanderesses ont une apparence de droit de faire valoir que l’adhésion automatique au contrat d’assurance collective, à l’insu des étudiants ou sans obtenir un consentement valide, contreviendrait non seulement aux principes du consensualisme de notre droit civil, mais aussi au devoir d’information des assureurs prévu à l’article 62 (1) 2° de la Loi sur les assureurs, entrée en vigueur en 2018[34] :
62. Un assureur autorisé doit veiller à ce que le preneur ou, selon le cas, l’adhérent soit informé en temps utile des renseignements qui lui sont nécessaires à une prise de décision éclairée et à l’exécution du contrat, dans chacun des cas suivants:
1° lorsqu’il traite avec le preneur autrement que par l’intermédiaire d’un cabinet, d’un représentant autonome ou d’une société autonome inscrits dans une discipline de l’assurance;
2° lorsqu’il a souscrit un contrat d’assurance collective de personnes auquel une personne peut adhérer sans qu’un représentant en assurance n’agisse auprès d’elle au moment de l’adhésion.
Ces renseignements comprennent notamment:
1° l’étendue de la garantie considérée et quelles en sont les exclusions; […]
[soulignements ajoutés]
- Par ailleurs, la nature de la relation juridique unissant les membres du groupe au preneur ne semble pas avoir été définie par la jurisprudence[35]. Celle-ci est d’autant plus importante dans la mesure où l’accord de volonté du preneur et de l’assureur est susceptible de lier automatiquement les adhérents/membres d’un groupe.
- Dans son ouvrage, Michel Gilbert questionne la justification du pouvoir de représentation du groupe, par le preneur, au moment de la conclusion du contrat d’assurance collective :
50. Autorité du preneur - Habituellement, lorsqu’une personne ou une entité transige au nom d’un groupe auprès d’un tiers, c’est qu’elle dispose de l’autorité requise pour ce faire. Tel est le cas de l’association accréditée qui négocie et conclut avec l’employeur les conditions de travail des salariés membres de son unité d’accréditation[36], forte du monopole légal de représentation dont elle dispose à cet égard, issu directement de la loi.
Le pouvoir d’engager autrui envers des tiers peut également découler d’un accord à cet effet, intervenu entre représentant et représentés : il en est ainsi du contrat de mandat.
A priori, rien n’indique que le preneur, en assurance collective, soit investi dans tous les cas du pouvoir de représentation de l’ensemble des membres du groupe aux fins de la conclusion du contrat-cadre. Pourtant, son seul consentement, jumelé à celui de l’assureur, suffit à la formation d’un tel contrat. Dans la mesure où l'adhérent est véritablement partie au contrat, pareil procédé heurte les conceptions civilistes traditionnelles, notamment au chapitre du consentement éclairé.
[références omises; soulignements ajoutés]
- En l’espèce, les associations d’étudiants sont investies des devoirs et pouvoirs qui leur sont conférés par la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants[37]:
3. Pour l’application de la présente loi, une association ou un regroupement d’associations d’élèves ou d’étudiants est un organisme qui a pour fonctions principales de représenter respectivement les élèves ou étudiants ou les associations d’élèves ou d’étudiants et de promouvoir leurs intérêts, notamment en matière d’enseignement, de pédagogie, de services aux élèves ou étudiants et d’administration de l’établissement d’enseignement.
26. Dans un établissement d’enseignement, tout élève ou étudiant représenté par une association d’élèves ou d’étudiants accréditée ou toute association d’élèves ou d’étudiants représentée par un regroupement d’associations d’élèves ou d’étudiants accrédité, est réputé membre, selon le cas, de cette association ou de ce regroupement.
Il demeure membre de cette association ou, selon le cas, de ce regroupement lors même que celui-ci cesse d’être accrédité ou de le représenter.
Il peut notamment exercer à l’égard de cette association ou, selon le cas, de ce regroupement les droits qu’attribue la Loi sur les compagnies (chapitre C‐38) aux membres d’une personne morale constituée en vertu de la Partie III, ainsi que les droits qu’accordent la charte et les règlements de l’association ou du regroupement à ses membres.
Toutefois, le présent article ne s’applique pas à un élève ou à un étudiant qui notifie par écrit à l’association qui le représente son refus d’y adhérer, ni à l’association qui notifie par écrit au regroupement qui la représente son refus d’y adhérer.
[soulignements ajoutés]
- Or, la portée de cette loi et des pouvoirs conférés à une association ou un regroupement d’associations méritent d’être analysés à la lumière des règles d’interprétation applicables, du contexte historique et législatif, de l'esprit de la loi, de son objet et de l'intention du législateur, ainsi que des applications et des interprétations données à ses dispositions à ce jour, entre autres, ce qui relève de la décision du juge saisi du mérite de cette question.
- Aux fins de l’autorisation, les Demanderesses peuvent raisonnablement proposer que le libellé de la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants, a priori, ne donne pas à une association d’étudiants ou au regroupement d’associations un pouvoir de représentation des étudiants aux fins spécifiques de conclure un contrat d’assurance collective auprès d’un assureur, susceptible de sortir du cadre de son mandat prévu à l’article 3 précité.
- Par conséquent, la question pourrait ultimement se poser : les associations d’étudiants obtiennent-elles autrement, dans les faits, un mandat de représentation des étudiants?
- Puisqu’en l’occurrence l’adhésion à l’association est elle-même automatique par l’effet de la loi, on pourrait répondre à ce stade par la négative. Autrement, seul un examen de l’ensemble des circonstances factuelles de cette adhésion des étudiants aux associations permettra de donner une réponse définitive sur cette question, relevant du juge du fond.
- Force est de constater que « l’existence ou non d’un véritable pouvoir de représentation du preneur lors de la conclusion du contrat nous semble tributaire, dans une très large mesure, des faits propres à chaque espèce »[38].
- En tout état de cause, remarquons que l’auteur propose l’existence d’une obligation précontractuelle de renseignement, qui pourrait lier non seulement les associations et l’assureur DSF, mais aussi les intermédiaires, tels que l’ASEQ et les Universités impliquées dans la conclusion du contrat :
60. Obligation de renseignement - En l’absence d’un véritable mandat de représentation du preneur, les exigences de la bonne foi et du consentement éclairé nous amènent à suggérer l’imposition à celui-ci d’une obligation précontractuelle de renseignement envers les membres du groupe dont il sollicite l’adhésion au contrat-cadre, en raison de l’information privilégiée dont celui-ci dispose alors quant à son contenu effectif.
L’évolution récente de la jurisprudence et de la législation témoigne d’ailleurs d’un souci d’une divulgation plus adéquate de l'information et d’une plus grande transparence dans les rapports précontractuels. Ainsi, dans Baril c. Industrielle, cie d’assurance sur la vie, la Cour d’appel s’est dite d’avis que l’agent d’assurance « simple intermédiaire dans la conclusion du contrat entre le tiers et l’assureur » était tenu envers la personne qui sollicitait une protection d’assurance à une obligation de renseignement et que le manquement à une telle obligation était d’origine contractuelle, bien que s’inscrivant dans une phase précontractuelle «parce qu’en relation directe avec la formation d’un contrat civil ». […]
[références omises ; soulignements ajoutés]
- Enfin, deux dernières remarques méritent d’être faites pour répondre aux arguments présentés par les Défenderesses.
- D’abord, cela dit avec égards, les rapports de l’Autorité des marchés financiers (AMF)[39] ne s’avèrent d’aucun secours ni à l’une ni à l’autre des parties, d’autant plus au stade de l’autorisation[40]. Il appartient aux tribunaux de décider de la légalité d’un régime d’assurance collective automatique, et le cas échéant, au juge du fond d’apprécier l’intérêt et le poids à accorder aux consultations, constats et recommandations formulées par l’AMF, à la lumière de la législation applicable et de l’ensemble de la preuve.
- Le même constat s’applique à l’historique indéniable des régimes d’assurance collective dans les universités au Québec et de leur utilisation par plusieurs étudiants satisfaits, qui ne justifient pas en droit, au stade qui nous occupe, la légalité du mécanisme d’adhésion automatique. Il s’agit d’un contexte et de faits qui seront considérés, en temps opportun, pour statuer sur cette question. D’autant plus que l’expérience des Demanderesses et une certaine preuve issue des médias écrits[41] viennent corroborer que l’adhésion automatique est aussi vivement critiquée[42].
- Autrement dit, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur l’opportunité d’une assurance collective automatique dans le milieu universitaire, mais bien sur sa légalité, et sur l’apparence de droit des Demanderesses de la contester en l’instance.
- En somme, ni la jurisprudence ni la doctrine (soumises) ne vient confirmer la légalité de l’adhésion automatique à une assurance collective. De toute évidence, ce débat ne se limite pas à une interprétation législative et à une question de droit que le juge autorisateur peut aisément trancher. Il concerne l’interprétation et l’application des règles de droit à des faits dont la preuve reste à faire, faisant en sorte que l’analyse de cet argument requiert une enquête factuelle relevant du juge du fond.
- Aux fins de l’autorisation du recours envisagé par les Demanderesses, à la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal estime défendable de prétendre que l’adhésion à une association ne serait pas suffisante à elle seule pour lier les étudiants à l’assurance collective, et que l’adhésion au contrat-cadre pourrait impliquer un pouvoir législatif, un mandat de représentation ou un geste positif de ratification.
- Il est défendable de prétendre que l’adhésion automatique en l’instance apparaît se heurter à un devoir de renseignement envers l’étudiant/l’adhérent au moment de l’adhésion[43], semble contrevenir à la définition d’un contrat comme un « accord de volontés »[44], ainsi qu’aux conditions de formation d’un contrat relatives à l’échange de consentement et au consentement libre et éclairé des parties (y compris de l’adhérent), qui s’avèrent généralement essentielles à la validité d’un contrat[45].
- Dans les circonstances, à défaut d’un pouvoir législatif ou d’un mandat avéré, les Demanderesses montrent une apparence de droit sérieuse à contester le régime d’assurance collective automatique imposé aux étudiants par les Défenderesses. Le cas échéant, les Demanderesses et les membres du Groupe ne requièrent pas la nullité de l’assurance collective, mais peuvent légalement solliciter des conclusions injonctives pour que cette pratique illégale cesse, le cas échéant, ainsi que pour obtenir le remboursement des primes payées.
- Les Demanderesses reprochent aux Défenderesses de ne pas informer de manière adéquate les étudiants (membres du Groupe) du caractère facultatif de l’assurance collective, de sorte que leur consentement serait vicié, en application des articles 1401 et 1407 C.c.Q. Qui plus est, on allègue que les Défenderesses n'ont jamais communiqué la police d'assurance aux Demanderesses ni aux membres du Groupe, contrairement à l'article 64 de la Loi sur les assureurs.
- Les dispositions invoquées se lisent commet suit :
1401. L’erreur d’une partie, provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d’une réticence.
1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d’erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s’il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu’il eût été justifié de réclamer.
Loi sur les assureurs :
64. Le preneur d’un contrat d’assurance peut, si aucun représentant en assurance n’agissait auprès de lui au moment où il y a consenti, le résoudre dans les 10 jours suivant la réception de la police, à moins qu’à ce moment il n’ait déjà pris fin ou, dans le cas d’un contrat d’assurance-voyage, qu’un voyage mettant en jeu la garantie n’ait débuté.
Un adhérent peut également résoudre son adhésion, si au moment de celle-ci aucun représentant en assurance n’agissait auprès de lui, à la même
condition et dans le même délai à compter de la réception de l’attestation d’assurance.
À l’égard d’un contrat d’assurance individuelle de personnes, la police visée au premier alinéa est celle qui constate l’existence du contrat définitif.
Lorsque la formation du contrat d’assurance ou l’adhésion à celui-ci ont eu lieu à l’occasion de la conclusion d’un autre contrat, cet autre contrat conserve tous ses effets, malgré la résolution, selon le cas, du contrat d’assurance ou de l’adhésion.
Les premier et deuxième alinéas ne s’appliquent pas à l’assurance prenant fin dans les 10 jours suivant le consentement du preneur ou, selon le cas, l’adhésion de l’adhérent.
- En ce qui a trait à la police d’assurance, s’ajoute l’article 2401 C.c.Q. qui stipule que « l’assureur délivre la police d’assurance collective au preneur et il lui remet également les attestations d’assurance que ce dernier doit distribuer aux adhérents. L’adhérent et le bénéficiaire ont le droit de consulter la police à l’établissement du preneur et d’en prendre copie et, en cas de divergence entre la police et l’attestation d’assurance, ils peuvent invoquer l’une ou l’autre, selon leur intérêt ».
- Ni l’article 64 de la Loi sur les assureurs ni la mécanique décrite au C.c.Q. n’oblige l’assureur ou le preneur à remettre systématiquement la police d’assurance à l’adhérent, à moins que celui-ci se présente pour la consulter ou en prendre copie, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, on ne peut d’aucune façon en l’instance reprocher aux Défenderesses de ne jamais avoir communiqué la police d’assurance aux Demanderesses ou aux membres[46].
- Quant à l’information relative au droit de se retirer de l’assurance collective, il convient de traiter distinctement la situation des Demanderesses auprès de deux Universités distinctes.
- À l’Université Concordia, la Demanderesse Nagar admet que les frais de l’assurance collective sont bien identifiés sur la facture de ses frais de scolarité, mais elle déplore que la possibilité de s’en retirer ne soit pas mentionnée, faisant en sorte que les étudiants paient sans le savoir, comme elle lors de sa première année universitaire.
- Les Défenderesses font valoir qu’elle aurait reçu toute l’information relative au régime d’assurance collective offert par les associations, comme tous les autres étudiants, disponible sur le site Internet de l’Université Concordia et divulgué dans une lettre transmise par courriel aux étudiants, et ce, y compris l’information afférente au mécanisme et aux périodes de retrait[47].
- Effectivement, celui qui s’intéresse à en savoir plus sur l’assurance collective souscrite, peut bénéficier des informations ainsi disponibles.
- Il n’en demeure pas moins qu’au moment de la facturation, ni le caractère facultatif ni la date butoir pour s’exclure ne sont expressément portés à la connaissance de l’étudiant qui adhère à l’assurance collective (un contrat d’adhésion pour elle[48]) et est susceptible d’acquitter ses frais de scolarité auprès de l’Université Concordia sans le savoir.
- Le cas échéant, la question et l’intérêt de déterminer si la Demanderesse Nagar et les étudiants de l’Université Concordia en avaient ou pouvaient avoir par ailleurs une connaissance de cette information, relève d’une question mixte de fait et de droit que le juge du fond veillera à analyser à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’adhésion des étudiants.
- Au stade qui nous occupe, selon les faits allégués, à sa première année universitaire, la Demanderesse Nagar ignore le caractère facultatif de l’assurance collective et paie les primes d’assurance, sans faire de réclamation, puisqu’elle bénéficie de l’assurance santé et dentaire de sa mère. Si elle réussit à s’exclure les deux années suivantes, sa demande de retrait soumise à l’automne 2020 en même temps que le paiement de ses frais de scolarité, s’est avérée hors délai. Une certaine preuve témoigne de l’expérience similaire d’autres étudiants dans des circonstances semblables[49].
- En somme, le Tribunal estime que la Demanderesse Nagar, à l’instar des autres étudiants de l’Université Concordia, bénéficie d’une cause défendable à revendiquer que les renseignements relatifs au caractère facultatif de l’assurance collective se retrouvent sur la facture des frais de scolarité, puisque nécessaire à une prise de décision éclairée, au risque autrement de payer sans le savoir.
- Ensuite, la situation de la Demanderesse Feth et des étudiants de l’Université McGill diffère puisque leur facture des frais de scolarité précise ceci[50] :
New students are charged the Society's Health and Dental
plans, the Virtual Health Care Service and Legal Essentials
fees, if applicable, at 2/3 the annual rate. Information on
these plans including how and when you can opt-out can be
found in the inserts next to your ebills. For more
information, or to exercise your right to opt-out,
visit www.studentcare.ca or call (514) 789 8775.
[soulignements ajoutés]
- Force est de constater que cette facture, mise en preuve par la Demanderesse Feth, informe les étudiants du caractère facultatif de l’assurance collective au moment de faire le paiement de leurs frais de scolarité.
- Cependant, dans les faits, la Demanderesse Feth admet avoir oublié la date limite pour s’exclure, fixée au 31 janvier 2024. Le 18 avril 2024, elle écrit pour demander un remboursement de la prime, expliquant qu’elle bénéficie déjà d'une couverture d’assurance maladie et dentaire par le biais de son employeur et donc, qu’elle n’entend pas utiliser le régime offert à son association étudiante à l’Université McGill. La Demanderesse Feth n’a pas reçu la réponse de l’ASEQ, pourtant garantie, dans un délai de 5 jours[51].
- Or, on comprend[52] que cette situation aurait pu être évitée si la facture avait précisé la date butoir pour s’exclure, au-delà de laquelle aucun retrait n’est apparemment accepté, ce qui apparaît justifier les récriminations de la Demanderesse Feth à ce stade.
- Au surplus, une certaine preuve[53] vient corroborer que certains étudiants « paient à leur insu pour une protection qu’ils n’utilisent pas » ou que « d’autres ne réalisent tout simplement pas que l’assurance est facultative »[54].
- À la lumière de ces faits et circonstances allégués, la Demanderesse Feth à une apparence de droit à soutenir que l’information fournie sur la facture de l’Université McGill est insuffisante pour permettre aux étudiants, comme elle, de se prémunir de leur droit en temps opportun, compte tenu de la date butoir non précisée.
- Par conséquent, puisque le syllogisme juridique de cette deuxième cause d’action paraît soutenable suivant le cas personnel des Demanderesses, de part et d’autre, il convient d’autoriser l’introduction d’une action collective à cet égard.
- Les Demanderesses reprochent aux Défenderesses de leur imposer un délai de retrait arbitraire et abusif face à une assurance collective à laquelle les étudiants adhèrent automatiquement, sans l’avoir sollicitée.
- Dans les faits, les étudiants de l’Université Concordia bénéficient d’un délai d’au plus 20 jours[55] pour s’exclure du régime d’assurance collective, tandis que ceux de l’Université McGill semblent bénéficier d’une période d’environ 4 à 6 semaines[56] pour ce faire.
- Par ailleurs, dans les deux Universités, il n’est pas possible pour un étudiant inscrit au semestre d’automne de s’exclure au début du semestre d’hiver suivant, cette option étant réservée aux étudiants nouvellement inscrits au semestre d'hiver seulement[57].
- Les Défenderesses font valoir que ces délais de retrait sont irréprochables, ne dérogent à aucune disposition législative, réglementaire ou autre norme. Plutôt, elles arguent qu’ils s’avèrent plus longs que le délai de 10 jours prévu à l’article 64 de la Loi sur les assureurs, précité.
- Rappelons qu’en vertu de cette disposition, le preneur peut résoudre le contrat-cadre dans les 10 jours suivant la réception de la police, et l’adhérent peut également résoudre son adhésion dans les 10 jours de la réception de l’attestation d’assurance.
- Cependant, en l’espèce, on ignore quand et comment les étudiants reçoivent (le cas échéant) les attestations d’assurance, de sorte qu’il est impossible d’évaluer, encore moins d’avaliser la comparaison proposée en défense à ce stade.
- Le recours envisagé repose sur les principes de la clause abusive en vertu du C.c.Q. En effet, le contrat d’assurance est généralement considéré comme étant un contrat d’adhésion susceptible d’être interprété contre l’assureur, autorisant l’adhérent à tirer profit des articles 1435 à 1437 C.c.Q. et à invoquer le caractère abusif de l’une des stipulations du contrat d’assurance collective, en l’occurrence le délai pour se prévaloir de l’option de se retirer (1437 C.c.Q)[58].
- Dans les faits, les Défenderesses demandent au Tribunal de constater que le droit de retrait est connu et « largement exercé »[59] par les étudiants, dans des proportions de 21 % à 33 % d’étudiants, pour rejeter la prétention d’abus des Demanderesses, au stade de l’autorisation.
- Avec égards, ces données prises hors contexte ne permettent pas de conclure au bénéfice de l’une ou l’autre des parties, notamment sans savoir dans quelle proportion se trouvent ceux qui ont tenté de s’exclure sans succès, après la date limite.
- En réalité, il serait prématuré de statuer définitivement sur cette question de fait et de droit sans la preuve complète du contexte et des circonstances de l’adhésion des étudiants, qu’il reviendra au juge du fond d’examiner avant de conclure ou non au caractère abusif des délais qui leur sont accordés pour s’exclure.
- Suivant le fardeau de démonstration applicable à l’autorisation, le Tribunal est cependant d’avis que les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées.
- D’une part, pour le semestre d'automne 2020, la Demanderesse Nagar aurait de nouveau tenté de s’exclure à la date de paiement de ses frais de scolarité. Mais l’ASEQ et l’Université Concordia lui auraient répondu qu'il était trop tard et lui ont imposé une assurance collective dont elle ne voulait pas et dont elle n'avait pas besoin. Cette expérience met en évidence une dichotomie entre l’échéance pour payer la première prime et la date limite pour s’exclure de l’assurance collective, qui amène un argument soutenable pour dénoncer le caractère arbitraire et abusif du délai de retrait plus court (20 jours), imposé aux étudiants adhérents. Qui plus est, on lui aurait refusé de se retirer au semestre suivant.
- D’autre part, la Demanderesse Feth soumet que le délai pour se retirer de 4 à 6 semaines accordé à l’Université McGill est abusif et arbitraire, en tenant compte du contexte de l’adhésion automatique et d’un contrat d’assurance collective imposé, non sollicité. Elle considère abusif que l’ASEQ ne lui permette pas d’être remboursée, même quelques semaines passées la date limite, refusant de prendre en considération des motifs justificatifs raisonnables dans ce contexte particulier, dont le fait que l’adhésion automatique l’a amenée à payer pour un régime d’assurance collective qu’elle n’a pas sollicité et dont elle n’a pas besoin, compte tenu de la couverture d’assurance déjà souscrite auprès de son employeur.
- Dans les deux Université, les Demanderesses déplorent et peuvent raisonnablement soulever l’incongruité de refuser que les étudiants inscrits au semestre d’automne puisse se retirer au semestre d’hiver suivant, et y voir une forme d’abus, d’autant plus dans le contexte d’une adhésion automatique au départ.
- Enfin, les Demanderesses allèguent également que le mécanisme pour s’exclure s’avère complexe pour les étudiants, que l’ASEQ ne répond pas toujours, selon leurs expériences personnelles, mais aussi celles relatées par d’autres étudiants, dont certains qui finissent par renoncer selon les articles et les avis de satisfaction, constituant une certaine preuve administrée par les Demanderesses, suffisantes à ce stade[60].
- Par conséquent, les motifs de contestation des Défenderesses ne sont pas retenus à ce stade. Aux fins de l’autorisation, le Tribunal estime que les faits tenus pour avérés soutiennent le syllogisme juridique avancé par les Demanderesses dans cette deuxième cause d’action, basé sur l’abus de la limite de retrait, et consiste en une cause soutenable en droit.
- D’abord, force est d’admettre que la Loi sur la protection du consommateur (LPC) ne trouve pas application en matière de contrat d’assurance[61].
- Ainsi, les Demanderesses opposent principalement les dispositions de la LPC aux contrats universitaires[62] signés par les étudiants avec les Universités[63], leur reprochant d’avoir passé sous silence des faits importants (art. 228) et d’exiger une somme pour un service à un consommateur sans que ce dernier ne l’ait demandé (art. 230).
- Pour leur part, les Universités estiment qu’elles ne sont pas assujetties à cette loi, que le contrat universitaire, un service public, n’est pas un contrat de consommation régi par la LPC et que les Universités ne sont pas des commerçantes.
- D’emblée, remarquons que la jurisprudence n’est pas définitivement fixée sur la question, à savoir si la LPC s’applique aux universités ou non.
- Plutôt, deux précédents de la Cour supérieure, rendus en matière d’action collective, l’une au stade de l’autorisation, l’autre suivant une requête en exception déclinatoire et irrecevabilité, donnent ouverture à l’application de la LPC à des établissements d'enseignement privés même s'ils exercent leurs activités sans but lucratif, pour les motifs repris dans l’affaire Bernard c. Collège Charles-Lemoyne de Longueuil inc.[64] :
[136] Dans le jugement Gagnon c. Orlando International School of Visual and Entertainment Design Corp.[65], le juge Chrétien statuait qu’un contrat de consommation régi par la LPC était intervenu avec un établissement d’enseignement privé situé en Floride, et ne détenant au Québec aucun permis délivré en vertu de la LEP.
[137] Le juge Chrétien constatait que la Section VI de la Loi, traitant du contrat de service à exécution successive, s’appliquait à divers commerçants, mais à l’exclusion notamment :
• des commissions scolaires;
• des CEGEPs;
• des universités;
• des établissements régis par la LEP ou par une entente internationale;
• etc. (article 188 LPC).
[138] Le juge Chrétien raisonnait que, procédant de la sorte, le législateur entendait que les autres sections de la LPC s’appliquent à de telles entités.
[139] Ce précédent doit être invoqué avec circonspection (même s’il s’agissait d’une action collective) puisque la question alors posée au juge Chrétien était si les tribunaux québécois avaient compétence sur un établissement d’enseignement basé hors Québec (en Floride).
[140] Par ailleurs, il semble bien établi qu’en application de l’article 3 LPC, une personne morale peut être un commerçant même si elle exerce ses activités sans rechercher un profit.
[références omises; soulignements ajoutés]
- Ainsi, les Demanderesses estiment faire la démonstration que les Universités, des personnes morales légalement constituées[66], pourraient être assujetties à la LPC.
- Pour s’en distinguer, on suggère que la situation des universités est toute autre, puisqu’elles dispensent un service public, largement financé par le gouvernement du Québec, qu’elles ne visent aucune activité commerciale et dont les contrats universitaires sui generis n’ont pas été conclus en vue de faire un profit, distinct du contrat de consommation nommé et défini à l’article 1384 C.c.Q. Elles plaident une incompatibilité entre la nature du contrat universitaire et le régime de la LPC, renforcé par la jurisprudence relative à la déférence dont les tribunaux doivent faire preuve à l’égard des activités de fonctionnement interne des universités.
- Bien que ces arguments paraissent fort intéressants, ils impliquent des questions mixtes de droit et de fait, notamment en ce qui a trait à la qualification de « commerçant »[67], qui excèdent les limites inhérentes à l’étape de filtrage qui nous occupe et qui devront être traitées par le juge du fond.
- Aux fins de l’autorisation, d’abord, le mécanisme d’adhésion automatique fait en sorte que dans le cadre des contrats universitaires des Universités avec les étudiants, elles acceptent de facturer les primes d’une assurance collective non sollicitée par les étudiants, ce que pourrait aller à l’encontre de l’article 230 LPC, et ce, vraisemblablement en son propre nom vis-à-vis les étudiants, soit sans préciser son rôle d’intermédiaire ou de mandataire pour les associations sur les factures[68].
- Qui plus est, l’analyse qui précède confirme la démonstration prima facie que les factures ne feraient pas état de toutes les informations nécessaires (option et date) pour que les étudiants soient dûment informés de leur droit de retrait en temps opportun[69], pouvant justifier une contestation contre les Universités sous l’article 228 LPC.
- Qu’en est-il des autres Défenderesses?
- En mettant en place le mécanisme d’une adhésion automatique, apparemment imposé aux Universités, il n’est certainement pas frivole d’alléguer que l’ASEQ et l’assureur DSF, avec la connaissance et leur implication dans l’administration du régime automatique, auraient pu inciter les Universités à enfreindre leurs obligations contractuelles envers les étudiants, et de considérer qu’une analyse exhaustive des faits et du droit applicable à cet égard pourrait éventuellement amener le juge du fond à conclure à la responsabilité extracontractuelle des Défenderesses ASEQ et DSF[70].
- En somme, il y a lieu de conclure que les Demanderesses énoncent des faits qui supportent une cause d’action défendable à l’encontre des Défenderesses sur la base des articles 228 (sous la présomption de l’article 253 LPC) et 230 de la LPC, de même que l’article 1457 C.c.Q. Ces manquements donnent ouverture aux sanctions prévues à l’article 272 LPC, dont la restitution des primes d’assurance et des dommages punitifs sollicités par les Demanderesses.
- La Demande d’autorisation remodifiée dénonce une atteinte à l’article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[71],alléguant que les Défenderesses n'auraient pas collecté les informations privées des Demanderesses de manière légale, alors qu’elles n'ont jamais consenti à ce que leurs données personnelles soient partagées avec/entre ASEQ et l’assureur DSF.
- Dans la mesure où une mésentente découle de l’exercice d’un droit spécifique énoncé à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, celle-ci peut relever de la compétence exclusive de la Commission d’accès à l’information, selon les enseignements de la Cour d’appel dans Commission d'accès à l'information du Québec c. ArcelorMittal Montréal inc.[72].
- En l’occurrence, le reproche des Demanderesses repose sur le droit au respect de la vie privée et l’obligation des personnes, des entreprises et des organismes publics de prendre les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels d’individus qu’ils recueillent[73], à défaut de quoi leur responsabilité peut être retenue devant les tribunaux civils[74].
- On comprend que l’article 31 de la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants impose aux université l’obligation de transmettre aux associations d’étudiants une série d’informations concernant les étudiants qui fréquentent leurs établissements. La preuve appropriée confirme que la seule utilisation autorisée de ces informations, en l’instance, est l’administration des régimes d’assurance collective[75].
- Force est de constater que la légitimité de la communication des renseignements personnels des étudiants à l’assureur DSF dépend de la légalité d’un régime d’assurance collective automatique et de la portée du pouvoir de représentation des associations d’étudiants, discuté précédemment[76].
- La cause d’action ayant été autorisée sur cette première question, il convient de reconnaître que les Demanderesses ont accessoirement une position défendable à contester la communication de leurs renseignements personnels à l’assureur DSF aux fins de souscrire à une assurance collective automatique qui pourrait se heurter aux conceptions civilistes traditionnelles relatives au consentement et/ou s’écarter des pouvoirs de représentation détenus par les associations d’étudiants.
- Par ailleurs, les Défenderesses soulignent que les allégations de la Demande d’autorisation remodifiée ne font état d’aucun dommage subi par les Demanderesses ou quiconque en lien avec la communication de leur renseignements personnels[77], faisant échec à cette cause d’action.
- En réalité, les Demanderesses recherchent une condamnation en dommages pour le stress, les troubles et inconvénients vécus en lien avec les démarches et frustrations alléguées, détaillées dans l’expérience personnelle de chacune, faisant la démonstration suffisante à ce stade du préjudice qu’elles seraient susceptibles de compenser. Elles réclament en outre des dommages punitifs qui pourraient être accordés indépendamment de l’existence de dommages compensatoires, même en l’absence de préjudice[78].
- Le fait que la Demande d’autorisation remodifiée n’ait pas chiffré le quantum des dommages réclamés n’est pas un obstacle à l’autorisation de l’action collective[79].
- Par conséquent, les Demanderesses font la démonstration que leurs renseignements personnels et ceux d’autres étudiants pourraient être communiqués, sans leur consentement à un tiers, en contravention des règles applicables et en violation de leur droit à la vie privée.
- Selon les Défenderesses, la Demanderesse Nagar n’est titulaire d’aucune cause défendable d’action dans les circonstances factuelles alléguées et démontrées par la preuve appropriée autorisée. Essentiellement, en s’étant prévalue de son droit de retrait en 2018 / 2019 et 2019 / 2020 et ayant reçu des prestations d’assurance en 2020, on suggère qu’elle ne pourrait valablement prétendre être victime d’un vice de consentement. La Demanderesse Nagar aurait plutôt ratifié l’assurance collective.
- En réalité, la Demanderesse elle-même allègue son retrait, mais seulement après une première année universitaire où elle aurait payé les primes de l’assurance collective, sans en avoir besoin et par dépit, sans être informée du caractère facultatif du régime. C’est ainsi que la Demanderesse Nagar, de son expérience personnelle, apparaît initialement avoir été victime de l’absence d’information sur le droit de retrait sur la facture de l’Université Concordia.
- Aussi, la Demanderesse Nagar ne conteste pas avoir fait des réclamations et reçu des prestations en 2020 et ce, après avoir tenté sans succès de se retirer de façon concomitante au délai de paiement de ses frais de scolarité. D’emblée, les deux délais distincts, dont le délai de retrait plus court accordé aux étudiants, justifie a priori son intérêt à soulever le caractère potentiellement abusif de cette stipulation.
- Autrement, suite à un consentement qui apparaît avoir été forcé, ces réclamations et prestations reçues de l’assurance maladie seulement ne viennent pas contredire le fait qu’elle ne voulait pas d’assurance maladie et dentaire au départ, qu’elle allègue s’être vue imposer, justifiant a priori les conclusions injonctives de cesser l’adhésion automatique à l’assurance collective recherchée.
- En outre, la preuve d’une éventuelle ratification (tacite) repose sur un contexte factuel inévitable[80] et constitue donc un moyen de défense relevant du fond de l’action collective.
- En tout état de cause, son intérêt demeure manifeste en ce qui a trait à la couverture d’assurance dentaire, et du remboursement des primes afférentes[81].
- Quant à la Demanderesse Feth, informée de son adhésion automatique à l’assurance collective et de l’option de s’en retirer, on lui reproche plutôt d’avoir oublié d’exercer son droit de retrait, ce qui ne saurait suffire pour justifier sa cause d’action personnelle en l’instance, selon les Défenderesses.
- Or, c’est principalement l’absence de consentement initial et le fardeau imposé aux étudiants, y compris à la Demanderesse Feth, de faire les démarches de se retirer, d’autant plus à une date limite hâtive et méconnue, qui paraît justifier son intérêt à contester la validité de l’assurance collective automatique et à invoquer le caractère abusif et arbitraire du délai de retrait.
- Son intérêt à invoquer un abus découlerait aussi du fait que l’ASEQ n’a pas considéré sa demande de retrait subséquente, même sachant pertinemment que dans le contexte de son adhésion automatique, l’assurance collective a été imposée à la Demanderesse Feth, déjà couverte par la couverture offerte par son employeur, de sorte qu’elle a payé pour une assurance collective jamais demandée, dont elle n’avait pas besoin et qu’elle n’a jamais utilisée, selon les faits pris pour avérés à ce stade.
- En somme, de leurs expériences personnelles, les Demanderesses démontrent un intérêt suffisant à contester la validité de l’assurance collective automatique et de la communication afférente de leurs renseignements personnels, ainsi qu’à dénoncer le manque d’information sur l’existence du droit de se retirer et le délai de retrait, par ailleurs considéré abusif.
- Pour sa part, l’ASEQ plaide l’absence de toute cause d’action contre elle, vu qu’elle n’est pas partie aux contrats d’assurance et que les dispositions de la Loi sur les assureurs et de la LPC ne lui sont pas opposables.
- Avec égards, comme l’honorable juge Jean-Louis Baudouin nous le rappelle dans l’arrêt Baril c. Industrielle compagnie d'assurance sur la vie, « les obligations légales spécifiquement prévues par le législateur n'épuisent pas, on le sait, la liste des devoirs de se comporter prudemment et diligemment » [82].
- L’ASEQ est inscrite auprès de l’AMF comme un cabinet autorisé à pratiquer en assurance de personnes et en assurance collective de personnes depuis 2000[83].
- Dans les faits, il est indéniable qu’elle joue un rôle de premier plan dans la négociation et la mise en place des régimes d’assurance collective automatique au sein des associations.
- Ainsi, l’ASEQ apparaît intervenir dans le cadre de toutes les causes d’action du recours, vu son implication dans la négociation et la conclusion des contrats d’assurance, dans la mise en place du mécanisme d’adhésion automatique avec une option de se retirer dans un délai limité, de son rôle d’information indéniable auprès des étudiants, non seulement au moment de leur adhésion, mais aussi dans le cadre de leurs demandes de retrait.
- Conséquemment, même si l’ASEQ n’est ni partie aux contrats d’assurance collective ni aux contrats universitaires, les Demanderesses peuvent raisonnablement invoquer sa responsabilité extracontractuelle et défendre l’existence d’une éventuelle faute par interférence contractuelle[84] dans le cadre du régime d’assurance collective automatique litigieux, dont le mérite sera tranché par le juge du fond après enquête et audition.
- Pour leur part, les Universités plaident qu’elles ne sont pas parties aux contrats d’assurance collective en litige, qu’elles jouent un rôle d’assistance administrative, à titre de mandataire pour les associations. C’est ainsi qu’elles se trouvent à collecter les primes d’assurance aux étudiants et les remettre intégralement aux associations, sans plus.
- Il n’en demeure pas moins que principalement, la responsabilité des Universités est recherchée en vertu des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, analysées plus tôt[85], soit dans le cadre des contrats universitaires. Dans la mesure où elles imposent des frais aux étudiants pour une assurance collective, automatique donc non sollicitée, l’apparence de droit requise est démontrée sous l’article 230 LPC.
- Il en va de même pour les informations apparemment manquantes sur les factures universitaires, qui pourraient générer un manquement à l’article 228 LPC dans le cadre même des contrats universitaires.
- Quant aux autres causes d’action en l’instance, le rôle d’intermédiaire allégué par les Universités, mais leur implication réelle dans les faits dans la mise en place d’un régime d’assurance collective automatique, leur qualité de mandataires des associations et leur responsabilité limitée envers les tiers, mais possible à ce titre[86], soulèvent de multiples questions mixtes de fait et de droit relevant du juge du fond.
- Cependant, suivant la preuve administrée à ce stade, il n’est pas déraisonnable d’invoquer la responsabilité des Universités à titre extracontractuelle qui souscrit vraisemblablement à l’adhésion automatique avec droit de retrait en litige, ou à titre de mandataire des associations, mais agissant en son propre nom auprès des étudiants, quand les factures ne divulguent pas les limites de leur mandat.
- Par conséquent, le Tribunal autorise l’action collective à l’encontre des Universités Concordia et McGill.
- En vertu de l’article 49 de la Charte québécoise, « en cas d’atteinte illicite et intentionnelle », le tribunal peut condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs[87]. Selon les principes établis par la Cour suprême, pour qu’une atteinte illicite soit intentionnelle, il faut que le résultat du comportement fautif soit voulu[88].
- La Cour suprême dans son arrêt de principe Hôpital St-Ferdinand établit qu’il y a atteinte illicite et intentionnelle « lorsque l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera[89] ».
- Rappelons qu’à l’étape de l’autorisation, le seuil à ce sujet est peu élevé, comme le réitère la Cour d’appel dans l’arrêt Télévision communautaire et indépendante de Montréal (TVCI-MTL) c. Vidéotron[90].
- En l’espèce, il convient de reproduire les allégations de la Demande d’autorisation remodifiée qui appuient la réclamation de dommages punitifs :
27.1 The initial authorization application was filed on June 7, 2023, and on June 14, 2023,– even prior to being served – the representatives of the Defendants made public declarations to the media concerning the merits of the case to a journalist from La Presse, as it appears from the article titled “Assurance maladie sur les campus Une action collective déposée”, communicated as Exhibit P-23;
27.2 It is obvious that the purpose of these public declarations was an attempt by the Defendants to discredit this class action and to influence the public narrative, without ever addressing the legal issues raised in the lawsuit. For instance, Marc-André Ross, spokesperson of ASEQ, is quoted as follows:
Porte-parole de l’ASEQ, une tierce partie jouant le rôle de courtier entre fournisseurs d’assurances et associations étudiantes, Marc-André Ross a affirmé que l’avocat derrière la demande d’action collective allait « à la pêche avec de la dynamite en s’en prenant à des régimes d’assurance utilisés par des centaines de milliers de personnes ».
L’Autorité des marchés financiers (AMF) aurait assuré à l’ASEQ à plusieurs reprises qu’elle n’allait plus toucher au mécanisme « opt-in » ou « opt-out ». « Ils ont compris que les étudiants aiment beaucoup ces régimes d’assurance et que ces régimes sont très utilisés », a affirmé le porte-parole de l’ASEQ. Selon Marc-André Ross, si le régime devenait « opt-in », il serait discriminatoire puisqu’il se baserait sur des caractéristiques individuelles comme le genre, la nationalité ou le bagage génétique de l’individu.
27.3 First, the reason why these insurance plans are used “par des centaines de milliers de personnes” is because they are unlawfully forced into them. Second, this case is not about whether “les étudiants aiment beaucoup ces régimes d’assurance”, rather whether these students have given enlightened consent to subscribe to such insurance. Third, the purpose of this action is not to terminate the collective insurance regimes, but to leave it accessible to those students who actually wish to have it by way of an “opt-in”; if Mr. Ross is correct and his plans are indeed loved by hundreds of thousands of students, then there will certainly be no issue with asking these same students to opt-in. Fourth, the assertion that asking students to “opt-in” makes the regime “discriminatoire” is devoid of any sense or reason. Asking students to opt-in to a collective insurance is in no way whatsoever discriminatory. On this point, Mr. Ross is admitting that the Defendants are well aware that they do not obtain valid consent from a significant portion of students and that the insurance plans may not be as profitable for his organization if such consent is sought by the students. Unfortunately for ASEQ, loss of profits is not yet a recognized means of defense for transgressing the law;
[…]
27.5 As for Desjardins, the La Presse article cited its spokesperson, Jean-Benoît Turcotti, as follows (Exhibit P-23):
Desjardins a envoyé par courriel à La Presse une déclaration stipulant que l’assurance collective offerte aux étudiants par l’entremise de leur association étudiante était « un produit largement utilisé et apprécié des étudiants depuis plus de 25 ans ». Selon le porte-parole Jean-Benoît Turcotti, les allégations sont « dépourvues de fondement ». « Nous rectifierons les allégations formulées et nous contesterons le recours pour la préservation des droits et avantages des étudiants », a ajouté M. Turcotti.
27.6 It is reassuring to know that Desjardins is concerned about preserving the students’ “droits”, which, of course, includes section 62 of the Insurers Act (i.e. the right to “make an enlightened decision” for an insurance contract), which Mr. Turcotti completely ignores. Moreover, if the product is as appreciated by the students as Desjardins states, then they should have no qualms about asking students to give their consent (i.e. “opt-in”) in advance in order to be in the regime;
27.7 In their public declarations to La Presse, both ASEQ and Desjardins try to create a faux débat as to whether the plans are appreciated by some students, as opposed to addressing the heart of the litigation, which is that many students are automatically subscribed to an insurance that they do not want or even need, and never gave enlightened consent for such insurance contrary to section 62 of the Insurers Act and the basic rules of contract formation; This is precisely the illegal conduct that must change according to the conclusions of the AMF’s report (Exhibit P-25, page 25);
[…]
48. There is no doubt that Desjardins and ASEQ are acting intentionally and Desjardins’ system and generic response to the complaints of Class members speaks precisely to that intention (Exhibit P-19); Moreover, ASEQ did not even respond to Applicant’s letter (Exhibit P-29) within its own 5-day delay, but expects students to rigorously respect their arbitrary delays to opt-out;
49. Despite recently being the subject of one of the biggest privacy scandals in the province’s history, Desjardins did not even address the Class member’s concerns regarding them having access to their personal information; On April 12, 2024, an article titled “Bisbille à l’Université de Montréal sur la gestion des assurances étudiantes” was published in Le Devoir highlighting this privacy rights issue in the context of the collective insurance imposed by the Defendants as alleged herein, Applicants disclosing Exhibit P-30:
« L’Université avait ainsi indiqué vouloir se conformer à la loi 25, qui est venue moderniser les règles protégeant les renseignements personnels au Québec, en optant pour une formule « opt-in ». Selon ce modèle, seuls les étudiants qui signent une autorisation explicite verront leurs renseignements personnels être communiqués aux assureurs et une cotisation leur être facturée, afin de leur donner accès à ces assurances collectives. »
49.1 Concordia and McGill, together with the other Defendants, have participated in the breach of several provisions of the CPA, which allows Class members to claim punitive damages pursuant to s. 272 CPA;
50. The Defendants’ overall conduct before, during and after the violation is lax, careless, passive and ignorant with respect to privacy rights and to their own obligations;
53.1 The Defendants’ reactions and conduct after the violations confirm that their breaches were intentional, including the comments they made publicly to the media on June 14, 2023, even before being served in this file (Exhibit P-23);
[reproduit tel quel]
- En somme, les Demanderesses déplorent le mépris total exprimé par les Défenderesses à l’endroit du recours envisagé et des enjeux légaux qu’il soulève, dénonce leur insouciance et leur indifférence face à la problématique de consentement invoquée par les étudiants, reconnue par la doctrine et devant les conséquences immédiates d’un régime automatique pour les étudiants. Il y a lieu de conclure que la procédure comporte suffisamment d’allégations de faits pour donner ouverture aux conclusions recherchées à cet égard.
- Ainsi, les Demanderesses remplissent le fardeau peu onéreux de démontrer l’existence d’une cause défendable sur les dommages punitifs[91]. Ultimement, il reviendra au juge du fond d’entendre la preuve et d’apprécier le comportement des Défenderesses pour en décider.
- Il convient de retenir les critères énoncés dans l’arrêt George c. Québec (Procureur général)[92] pour définir adéquatement le groupe, soit :
1. La définition du groupe doit être fondée sur des critères objectifs;
2. Les critères doivent avoir un rapport rationnel avec les revendications communes à tous les membres du groupe;
3. La définition du groupe ne doit être ni circulaire ni imprécise;
4. La définition du groupe ne doit pas s’appuyer sur un ou des critères qui dépendent de l’issue du recours collectif au fond.
- Le Tribunal dispose du pouvoir de modifier la définition du groupe afin d’assurer que les exigences juridiques d’un fondement légal, objectif et rationnel soient respectées[93].
- Les Défenderesses soulèvent différentes problématiques liées à la définition du Groupe, qu’il est utile de reproduire à nouveau :
Tous les étudiants inscrits ou qui étaient inscrits à un CÉGEP ou à une université, et qui ont été automatiquement inscrits à un régime d’assurance santé, médicale ou dentaire pour lesquels ils ont payé les primes d’assurance aux défenderesses ou à leur bénéfice, et ce, dont les contrats d’assurance ont été conclus après le 19 décembre 2019.
[soulignement ajouté]
- Premièrement, soulignons que les Demanderesses ont consenti à la période du recours suggérée par les Défenderesses DSF et ASEQ, débutant le 19 décembre 2019, telle que précisée dans la définition ci-dessus[94].
- Deuxièmement, le Tribunal estime qu’il serait imprudent et arbitraire d’adopter une approche trop restrictive de la définition du Groupe et de présumer que la satisfaction de certains étudiants envers l’assurance collective puisse influencer le dénouement des questions en litige et l’intérêt juridique de certains, sans une analyse approfondie des faits et du droit applicable relevant du juge du fond. Cela serait d’autant plus contraire à l’approche libérale préconisée par la Cour suprême dans les arrêts Vivendi et Infineon[95] pour interpréter les conditions. Au cours de l’instance, il demeure une possibilité que le groupe soit ultérieurement redéfini, augmenté, réduit ou scindé[96].
- Troisièmement, l’analyse menée sous le critère de l’apparence de droit démontre que chacune des causes d’action demeure tributaire des faits propres à chaque établissement, de sorte qu’il serait inopportun d’inclure toutes les universités et tous les CÉGEP dans le recours, sans permettre à ces établissements de participer au débat contradictoire sur des questions importantes les concernant et d’exercer leur droit d’être entendu[97], y compris l’Université de Montréal contre laquelle on formule des reproches dans la Demande d’autorisation remodifiée[98].
- Finalement, dans la mesure où le mécanisme d’assurance collective automatique perdure, il convient de ne pas fermer temporellement le Groupe, pour l’instance, afin de pouvoir inclure le maximum de membres : « Dans un tel cas, le groupe est généralement fermé dans le cadre du déroulement du dossier au mérite ou lors du procès au fond ou lors du jugement final »[99].
* * *
- En définitive, en limitant la définition du Groupe aux étudiants inscrits à l’Université Concordia et à l’Université McGill et aux contrats d’assurance conclus après le 19 décembre 2019, le Tribunal conclut que le critère de l’apparence de droit est démontré pour chacune des causes d’action proposées.
- Dans L’Oratoire Saint‑Joseph du Mont‑Royal c. J.J., la Cour suprême rappelle le caractère large et flexible de l’approche québécoise quant au caractère commun des questions[100], voulant que la seule présence d’une question de droit ou de fait identique ou similaire suffise pour satisfaire au critère, sauf si cette question ne joue qu’un rôle négligeable quant au sort du recours[101]. Dans Asselin, elle reconfirme qu’il n’y a aucune exigence au Québec voulant que les questions communes soient prépondérantes par rapport aux questions individuelles[102].
- En l’espèce, les Demanderesses identifient les questions de fait et de droit suivantes :
- Dans les faits, les étudiants inscrits aux Universités Concordia et McGill ont tous en commun d’adhérer automatiquement à une assurance collective, où leur consentement n’est tout simplement pas sollicité[103].
- Dans les circonstances, il apparaît clair que les questions liées à la légalité de l’assurance collective automatique et de son délai de retrait, à la légitimité de la communication des renseignements personnels dans ce contexte et de la publicité suffisante du caractère facultatif de l’assurance collective, relèvent d’une situation qui s’avère généralement la même pour tous les étudiants, avec certaines distinctions propres à chacune des Universités, encore là applicables à tous les étudiants d’un même établissement.
- Par conséquent, tous les membres du Groupe bénéficieront de la preuve d’un contexte factuel commun et de l’analyse afférente des fautes reprochées à cet égard[104]. L’analyse et la décision permettront ainsi l’avancement d’une part non négligeable des réclamations, évitant une répétition de l’analyse factuelle et juridique en litige.
- En revanche, l’action collective proposée en l’instance se distingue des affaires où le contexte n’est pas toujours le même et où la nature des gestes reprochés varie grandement d’un membre à l’autre, impliquant de faire une preuve de façon individuelle et non de façon commune[105].
- Bien que les réclamations individuelles des membres pourraient éventuellement requérir une preuve particulière de certains facteurs individuels[106], il ne s’agit d’un motif suffisant pour conclure au non-respect des exigences de l’article 575 (1) C.p.c. vu la présence de questions communes significatives[107].
- En somme, il y a lieu de conclure que le recours envisagé soulève des questions communes qui permettent de faire avancer le recours de manière non négligeable et suffisent pour satisfaire ce critère.
- Par ailleurs, considérant les décisions et modifications apportées à la définition du Groupe, la question ix. doit être supprimée, et les questions et x. et xiii. limitées aux Universités Concordia et McGill.
- Aux termes du troisième critère, le requérant doit démontrer que le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui (86 et ss. C.p.c.) ou sur la jonction d’instance (143, 210 et 211 C.p.c.) est difficile ou peu pratique, non pas qu’il est impossible. Or, dans le but d’analyser l’existence de difficultés ou obstacles liés à la composition du groupe, les éléments suivants sont à considérer : « le nombre probable de membres; la situation géographique des membres; les coûts impliqués; et les contraintes pratiques et juridiques inhérentes à l’utilisation du mandat et de la jonction des parties en comparaison avec le recours collectif[108] ».
- En l’espèce, il y a une démonstration certaine qu’outre les Demanderesses, il y a un groupe de personnes qui ont des récriminations identiques, notamment qui dénoncent le caractère automatique de l’assurance collective imposée par les associations étudiantes et le manque d’information nécessaire à l’exercice du droit de retrait[109], ce qui présente un potentiel important de membres parmi les milliers d’étudiants[110] qui ont fréquenté les deux établissements au Québec depuis décembre 2019 et qui démontrent un intérêt à poursuivre. Dans les circonstances, une enquête supplémentaire n’était pas nécessaire, vu la nature du recours, des faits allégués et de la preuve, d’autant plus que les Défenderesses apparaissent détenir les données nécessaires à l’estimation du nombre d’étudiants concernés par le recours[111].
- À l’évidence, l’obtention d’un mandat pour représenter l’ensemble de ces membres, dont l’identité n’est pas facilement déterminable, s’avérerait une tâche difficile et peu pratique. Une action collective s’avère le véhicule procédural le mieux adapté à leur situation.
- Ce critère est satisfait.
- Dans l’arrêt de principe Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, la Cour suprême réitère les trois facteurs à considérer pour évaluer la représentation adéquate requise comme quatrième condition, soit : « 1) l’intérêt à poursuivre; 2) la compétence du représentant, et 3) l’absence de conflit avec les membres du groupe. La Cour suprême ajoute toutefois que « [A]ucun représentant proposé ne devrait être exclu, à moins que ses intérêts ou sa compétence ne soient tels qu’il serait impossible que l’affaire survive équitablement ». Ce faisant, la Cour suprême envoie un message plutôt clair quant au niveau de compétence requis pour être nommé représentant. Le critère est devenu minimaliste[112] ».
- En l’occurrence, l’analyse qui précède confirme que les Demanderesses ont chacune une cause d’action personnelle à faire valoir. Autrement, elles possèdent les qualités requises et une compréhension certaine des enjeux du recours, vu leurs expériences personnelles et leur participation active à l’instance. Au surplus, elle dispose des compétences pour agir et de la disponibilité raisonnable pour collaborer à l’avancement et la mise en état du dossier.
- En somme, les Demanderesses répondent au dernier critère de l’article 575 C.p.c.
- AUTORISE en partie la Re-Amended application to authorize the bringing of a class action en date du 3 mai 2024;
- ATTRIBUE à aux Demanderesses Arielle Nagar et Giovana Feth le statut de représentantes pour le Groupe suivant :
Tous les étudiants inscrits ou qui étaient inscrits à l’Université Concordia ou à l’Université McGill, et qui ont été automatiquement inscrits à un régime d’assurance santé, médicale ou dentaire pour lesquels ils ont payé les primes d’assurance aux défenderesses ou à leur bénéfice, et ce, dont les contrats d’assurance ont été conclus après le 19 décembre 2019.
- IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait ou de droit qui seront traitées collectivement :
- IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées qui s'y rattachent :
ALLOW the class action of the Plaintiffs and the members of the Class against the Defendants;
ORDER the Defendants to cease automatically subscribing students to insurances and to cease forcing the “opt-out” method instead of the “opt-in” method;
ORDER the Defendants to cease sharing the personal information of the Class members to insurance companies without their prior enlightened and express consent;
CONDEMN each of the Defendants, solidarily, to pay the Plaintiffs and each Class member compensation equal to the amount paid on account of health, medical and dental insurance;
CONDEMN each of the Defendants, solidarily, to pay the Plaintiffs and each Class member compensatory damages for breach of their privacy rights;
CONDEMN each of the Defendants, solidarily, to pay an amount to be determined on account of punitive damages;
CONDEMN each of the Defendants, solidarily, to pay an amount to be determined on account of moral damages and damages for stress, troubles and inconveniences;
CONDEMN each Defendant, solidarily, to pay interest and the additional indemnity on the above sums according to law from the date of service of the Application to Authorize a Class Action;
ORDER that all of the above condemnations be subject to collective recovery;
ORDER that the claims of individual Class members be the object of collective liquidation if the proof permits and alternately, by individual liquidation;
ORDER the Defendants to deposit in the office of this Court the totality of the sums which forms part of the collective recovery, with interest and costs;
CONDEMN the Defendants, solidarily, to bear the costs of the present action including the cost of exhibits, notices, the cost of management of claims and the costs of experts, if any, including the costs of experts required to establish the amount of the collective recovery orders;
RENDER any other order that this Honourable Court shall determine;
- DÉCLARE qu'à moins d'exclusion, les membres du Groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur l'action collective de la manière prévue par la loi;
- REPORTE à plus tard l’audition et la décision sur les avis d’autorisation, l’identité du payeur des frais reliés à ces avis et le délai d’exclusion des membres;
- DÉCIDE que le présent dossier sera institué au mérite dans le district judiciaire de Montréal;
- LE TOUT, avec les frais de justice en faveur de la Demanderesse, mais excluant les frais de publication d’avis pour l’instant.
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| __________________________________FLORENCE LUCAS, j.c.s. |
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Me Joey Zukran Me Léa Bruyère |
LPC AVOCAT INC. |
Avocats des Demanderesses |
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Me Vincent De l’Étoile Me Sandra Desjardins |
langlois avocats, s.e.n.c.r.l. |
Avocats de la Défenderesse Desjardins sécurité financière, Compagnie d’assurance vie |
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Me Frédéric Paré Me Alexa Teofilovic |
stikeman elliott s.e.n.c.r.l., s.r.l |
Avocats de la défenderesse Alliance pour la santé étudiante au Québec inc. |
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Me Vincent Rochette Me Maya Angenot Me Florence Méthot |
norton rose fulbright canada |
Avocats de la défenderesse Université Concordia |
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Me Karine Chênevert Me Antoine Gamache |
Borden ladner gervais s.e.n.c.r.l., s.r.l. |
Avocats de la défenderesse Université McGill |
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Date de l’audience : Le 17 février 2025 |
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[1] L’utilisation des noms de famille dans le jugement vise à alléger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention.
[6] Les Demanderesses se sont désistées à l’encontre de la Fédération des Caisses Desjardins du Québec, sans frais : procès-verbal du 17 février 2025.
[7] Loi sur les assureurs, c. A-32.1.
[8] Loi sur la protection du consommateur, c. P-40.1 (LPC).
[9] Charte québécoise des droits et libertés de la personne, c. C-12.
[11] L’Oratoire Saint-Joseph du Mont‑Royal c. J.J., 2019 CSC 35, par. 6.
[13] Notamment : Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, 2020 CSC 30; Oratoire Saint-Joseph, préc., note 11; Vivendi Canada inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59; Leduc c. Elad Canada inc., 2024 QCCA 152; Homsy c. Google, 2023 QCCA 1220 ; Hazan c. Micron Technology inc., 2023 QCCA 132; Rozon c. Les Courageuses, 2020 QCCA 5; Champagne c. Subaru Canada inc., 2018 QCCA 1554.
[14] D’Amico c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 4830, par. 24 (constat de caducité (C.A., 2019-03-28), 500-09-027981-182).
[15] Infineon, préc., note 13, par. 94.
[16] L’Oratoire Saint‑Joseph, préc., note 11, par. 82.
[17] Poitras c. Concession A25, 2021 QCCA 1182, par. 41, demande d’autorisation rejetée pas la CSC : 2022 CanLII 14375 (CSC).
[18] L’Oratoire Saint-Joseph, préc., note 11, par. 55; Asselin, préc., note 13, par. 27.
[19] Demande d’autorisation remodifiée, par. 2.
[20] Par. 11 et 14 du présent jugement.
[21] Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants, c. A-3.01.
[22] Côté c. Compagnie mutuelle d’assurance-vie du Québec, 1995 CanLII 5046 (QC CA), pp. 5 et 6; Fortier c. Sunlife du Canada, 2010 QCCS 4923, par. 48.
[23] Plan d’argumentation conjoint de Desjardins Sécurité Financière - Compagnie d’Assurance Vie, Fédération des Caisses Desjardins du Québec et Alliance pour la Santé Étudiante au Québec inc., 10 février, 2025, par. 25 à 30 (Plan d’argumentation conjoint DSF et ASEQ).
[24] Michel Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, 2e édition, Éditions Yvon Blais, 2006, par. 51, soulignement ajouté.
[25] Loi sur l’assurance médicaments, c. A-29.01.
[26] M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, nos. 24, 26. 66, 89 et 131; Sogedent Assurances inc. c. Régie de l'assurance maladie du Québec, 2006 QCCS 3970; Elyse Lemay et Sylvia Reiter, Assurance de personnes: le nouveau Règlement sur les assurances, dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, vol. 337, Développements récents en droit des assurances, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 114.
[27] M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, id., nos. 30, 49 à 60, 51 à 53, 81 et 103.
[28] Id., no. 15; « 2406. Les déclarations de celui qui adhère à une assurance collective ne lui sont opposables que si l’assureur lui en a remis copie »; « 2423. Les fausses déclarations et les réticences de l’adhérent à un contrat d’assurance collective, sur l’âge ou le risque, n’ont d’effet que sur l’assurance des personnes qui en font l’objet », soulignements ajoutés.
[30] Dubé c. Shawinigan (Ville), 2004 CanLII 14512 (QC CQ), par. 11; Collin c. La Capital assurance et services financiers, 2023 QCCQ 4289, par. 28, soulignement ajouté.
[31] M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, no. 61.
[35] M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, no. 52.
[36] Id., voir également nos. 22, 33, 34 44 à 46, 56, 57 et 70 : En milieu de travail, on comprend que le contrat de travail ou la convention collective énonce les critères d’admissibilité et explicite les rapports juridiques qui unit les membres au preneur.
[37] Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants, préc., note 21.
[38] M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, no. 59, voir aussi no. 35.
[40] Wang c. CST Consultants inc., 2021 QCCS 1104, par. 72 et ss.
[41] Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, par. 78; Option Consommateurs c. Samsung Eletronics Canada inc., 2018 QCCS 1751, par. 15 : « les éléments de preuve indirects, imparfaits et même fragiles s’ils étaient évalués selon la balance des probabilités, sont suffisants à ce stade s’ils permettent d’appuyer une cause défendable et non frivole ».
[42] Pièces P-3, P-4, P-5 et P-7.
[43] Art. 62 de la Loi sur les assureurs, préc., note 7; M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, no. 60 précité au par. 43 du présent jugement.
[45] Art. 1399 C.c.Q.; art. 62 de la Loi sur les assureurs, préc., note 7; M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, nos. 81.
[46] Demande d’autorisation remodifiée, par. 24.
[48] M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, no. 141; art. 1435 C.c.Q.
[49] Pièces P-3 à P-5 et P-7; préc., note 40.
[52] Asselin, préc., note 13, par. 14 et 15; Royer c. Capital One Bank (Canada Branch), 2025 QCCA 217, par. 25.
[56] Pièces P-28, MMJ-1 et MMJ-2.
[57] Pièces DC-1 et MMJ-2, p. 22.
[58] M. Gilbert, L’assurance collective en milieu de travail, préc., note 24, no. 141; Lalonde c. Sun Life du Canada, Cie d'assurance-vie, [1992] 3 R.C.S. 261, p. 273; Association pour la protection automobile (APA) c. Banque de Montréal, 2021 QCCA 676, par. 46 et 47.
[59] Plan d’argumentation conjoint DSF et ASEQ, par. 92.
[60] Pièces P-3 à P-5 et P-7; préc., note 40.
[62] Arias c. Université de Montréal, 2022 QCCS 845, par. 20.
[63] Demande d’autorisation remodifiée, par. 65.
[64] Bernard c. Collège Charles-Lemoyne de Longueuil inc., 2021 QCCS 3083, par. 146.
[65] Gagnon c. Orlando International School of Visual and Entertainment Design Corp., 2004 CanLII 49185 (QC CS), par. 31.
[67] Caza c. Derisca, 2015 QCCA 368, par. 17 et 18.
[69] Section 1.1 iii) du présent jugement.
[70] Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., 2020 QCCA 1331, par. 47 à 50; Gillich c. Mercedes-Benz West Island, 2020 QCCS 1582, par. 44-45.
[71] Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, c. P-39.1 : « 5. La personne qui recueille des renseignements personnels sur autrui ne doit recueillir que les renseignements nécessaires aux fins déterminées avant la collecte. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites ».
[72] Commission d'accès à l'information du Québec c. ArcelorMittal Montréal inc., 2016 QCCA 1336, par. 52 et 87.
[73] Art. 5 Charte québécoise, préc., note 9; art. 35 et s. C.c.Q.; Art. 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, préc., note 71.
[74] Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, par. 1-275, p. 269; Zuckerman c. Target Corporation, 2017 QCCS 110, par.59; Lévy c. Nissan Canada inc., 2019 QCCS 3957, par. 93 et s.; Lamoureux c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2021 QCCS 1093, par. 40, confirmé par la Cour d’appel : 2022 QCCA 685, par. 22.
[76] Section 1.1 i) du présent jugement.
[77] Demande d’autorisation remodifiée, par. 36, 44, 52, 53 et 54.
[78] De Montigny c. Brossard (Succession), [2010] 3 R.C.S. 64, 2010 CSC 51, par. 45 à 51; Section 1.1 ix) du présent jugement.
[79] Abicidan c. Bell Canada, 2017 QCCS 1198, par. 60, 69 et 111.
[80] Succession Lalonde c. Lithown, 2017 QCCA 121, par. 33.
[81] Art. 85 C.p.c.; Morfonios (Succession de Sarlis) c. Vigi Santé ltée, 2021 QCCS 2489, par. 32.
[82] Baril c. Industrielle compagnie d'assurance sur la vie, 1991 CanLII 3566 (QC CA); art. 1457 et 2138 C.c.Q., notamment.
[83] Pièces R-1(ASEQ) et ASEQ-1.
[84] Costco et Gillich, préc., note 70.
[85] Section 1.1 iv) du présent jugement.
[87] Voir l’article 24(1) de la Charte canadienne, au même effet.
[88] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’Hôpital St‑Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, par. 116 à 121.
[90] Télévision communautaire et indépendante de Montréal (TVCI-MTL) c. Vidéotron, 2018 QCCA 527.
[91] Union des consommateurs c. Bell Mobilité inc., 2017 QCCA 504, par. 42.
[92] George c. Québec (Procureur général), 2006 QCCA 1204, paragr. 40.
[93] Ligue des Noirs du Québec c. Ville de Montréal, 2019 QCCS 3319, par. 1, 50 à 52; De Auburn c. Desjardins assurances générales inc., 2022 QCCS 3682, par. 7 et 8.
[94] Procès-verbal du 17 février 2025; Plan d’argumentation conjoint DSF et ASEQ, par. 178.
[95] Infineon, préc., note 13, par. 73.
[96] Art. 588 C.p.c.; Sibiga, préc., note 41, par. 144 à 150; Bell Canada c. Frainetti, 2024 QCCA 1541, par. 17; Société des loteries du Québec (Loto-Québec) c. Brochu, 2007 QCCA 1392, par. 6 et 7.
[98] Demande d’autorisation remodifiée, par. 68.1 à 68.20.
[99] Option Consommateurs c. Google, 2022 QCCS 2308, par. 162; Morfonios, préc., note 81, par. 108; Frainetti c. Bell Canada, 2024 QCCS 3232, par. 36.
[100] Oratoire Saint‑Joseph, préc., note 44.
[101] Id., par. 43 et suiv.; Les Courageuses, préc., note 13, par. 30 (juge dissidente) et 72 (majorité).
[102] Asselin, préc., note 13, par. 25 à 27, 83 à 88; Vivendi, préc., note 13, par. 56 et 57.
[103] U.T. c. Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière, 2025 QCCA 157, par. 16, 39 et 42; a contrario, Paré c. Desjardins Sécurité financière, 2007 QCCS 4566, par. 69.
[104] Les Courageuses, préc., note 13, par. 76.
[105] Id., par. 90; Louisméus c. Compagnie d'assurance-vie Manufacturers (Financière Manuvie), 2017 QCCS 3614, par. 91 à 95; Caron c. Fraternité provinciale des ouvriers en électricité, section locale 1676, 2016 QCCS 25, par. 46 et suiv.; Deraspe c. Zinc Électrolytique du Cana ltée, 2008 QCCS 2338, par. 54 à 57, confirmé par la Cour d’appel : 2009 QCCA 1618; Lemieux c. Marinacci, 2023 QCCS 1519, par. 246 à 248.
[106] Plan d’argumentation conjoint DSF et ASEQ, par. 161 à 163.
[107] Vivendi, précité, note 13, paragr. 58 à 60.
[108] Les Courageuses, préc., note 13, par. 44; Brière c. Rogers Communications, 2012 QCCS 2733, par. 71 et 72; Yves Lauzon, Le recours collectif, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2001, p. 38, 39 et 42.
[109] Pièces P-3 à P-5 et P-7.
[111] Lévesque c. Vidéotron s.e.n.c., J.E. 2015-297 (C.A.), 2015 QCCA 205, par. 25 à 29; Martel c. Kia Canada inc., 2015 QCCA 1033, par. 29.
[112] Lévesque, id., par. 111; Infineon, préc., note 13, par. 149 et 150.