R. c. St-Amand | 2025 QCCQ 1346 |
COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
DISTRICT DE | SAINT-MAURICE |
LOCALITÉ DE | LA TUQUE |
« Chambre criminelle et pénale » |
N° : | 425-01-010589-205 425-01-010591-201 |
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DATE : | 23 avril 2025 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | SIMON RICARD, J.C.Q. |
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LE ROI |
Poursuivant |
c. |
PATRICE ST-AMAND |
Accusé |
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DÉCISIONS SUR LA DÉCLARATION DE DÉLINQUANT
À CONTRÔLER ET SUR LA PEINE |
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APERÇU
- Dans un jugement rendu le 30 octobre 2023, le Tribunal a déclaré monsieur St-Amand coupable de tentative de meurtre, de voies de fait (2 chefs), d’avoir proféré des menaces (3 chefs), d’incendie criminel (433a) C.cr.) et de fuite des policiers (320.17 C.cr.).
- Les événements reprochés au délinquant sont survenus le 3 janvier 2020 à Parent, dans un secteur isolé au nord de la ville de La Tuque.
- Partis pour célébrer le Nouvel An lors d’une excursion en motoneige, Patrice St-Amand et un ami se rendent dans un relais de motoneigistes. Sur place, le délinquant est invité à quitter en raison de son comportement désagréable.
- Ils se rendent ensuite à l’Hôtel Central de Parent. À cet endroit, le délinquant profère des menaces de mort à des clients, il menace aussi de retourner au relais de motoneigistes duquel il a été expulsé pour y mettre le feu.
- Sous l’effet de l’alcool et toujours aussi dérangeant, on lui offre le gîte gracieusement pour la nuit. Mais le délinquant maintient le même comportement au point où la serveuse au bar, madame Hébert, dépassée par la situation, fait appel à la propriétaire pour qu’elle vienne gérer la situation.
- La propriétaire, madame Sylvie Lachapelle, se présente sur place et tente de raisonner le délinquant. Dans un élan d’une grande violence, le délinquant frappe son verre sur le comptoir et pousse la victime, madame Lachapelle.
- Successivement, il lui assène un coup de poing au visage qui la fait tomber au sol à travers les tabourets devant le comptoir du bar, pour ensuite la frapper à coups de pied au visage. Au total, il la frappe à 21 reprises. Il vise la tête. Il s’arrête brièvement afin de repousser madame Hébert et monsieur Brouillette et reprend de plus belle. Le Tribunal réfère le lecteur aux paragraphes 216 à 233 de son jugement sur la culpabilité qui décrit en détail les agressions subies par madame Lachapelle, madame Hébert et monsieur Brouillette.
- N’eût été la présence de caméras de surveillance dans le bar qui enregistrent la scène, il aurait été difficile sur la base des seuls témoignages des gens présents de percevoir et de réaliser la violence inouïe et tout l’acharnement dont a fait preuve le délinquant. Madame Lachapelle n’en garde que très peu de souvenirs. Madame Hébert et monsieur Brouillette ont eux aussi été victimes de la violence du délinquant, les laissant aussi avec d’importantes séquelles psychologiques.
- Après avoir laissé madame Lachapelle pour morte, le délinquant enfourche sa motoneige et parcourt plusieurs kilomètres pour aller mettre le feu au relais de motoneige Chez Ti-Rouge. Plusieurs personnes y passent la nuit et le délinquant le sait. Il revient mettre à exécution ses menaces proférées plus tôt en soirée. Il allume un incendie à un endroit où le bois de chauffage est entreposé tout juste à l’extérieur du dortoir. Sans l’intervention de gens alertés, les conséquences auraient pu être pires. Les dommages sont superficiels et heureusement, personne n’a été blessé. Mais là encore, le crime laisse des séquelles psychologiques pour les propriétaires.
POSITION DES PARTIES
- La poursuite demande au Tribunal d’infliger au délinquant une peine globale de 27 ans de pénitencier. Après quoi, il devrait être soumis à une période de surveillance de longue durée au sein de la collectivité pour la période maximale prévue par le législateur, soit dix ans.
- Invité à plaider ce qu’il croyait être une peine juste pour les crimes qu’il a commis, le délinquant a préféré ne rien dire, se prétendant inapte à le faire et réitérant son désir d’être représenté par un avocat. Il n’a pas souhaité non plus se prononcer sur la demande de déclaration de délinquant à contrôler ni sa durée le cas échéant. Enfin, invité à s’exprimer avant l’infliction de la peine en vertu de l’article 726 du Code criminel, il a répété ses doléances et s’est abstenu de tout commentaire additionnel.
QUESTIONS EN LITIGE
- Le délinquant doit-il être déclaré « délinquant à contrôler » au sens de l’article 753.1(1) du Code criminel?
- Dans l’affirmative, quelle durée doit avoir la période de surveillance en collectivité[1]?
- Enfin, quelles sont les peines qui doivent être infligées au délinquant pour chacun des crimes pour lesquels il a été déclaré coupable?
PROPOS LIMINAIRES
- Au stade des observations sur la peine, le délinquant n’est plus assisté par l’avocate l’ayant représentée lors du procès. Le Tribunal a accueilli une requête pour cesser d’occuper présentée par celle-ci plus de huit mois avant l’audition sur la peine, laissant au délinquant plus de temps qu’il n’en faut pour se constituer un nouveau procureur.
- Au premier jour des observations sur la peine, le Tribunal a refusé la demande de remise de monsieur St-Amand au motif qu’il souhaitait être représenté par un avocat.
- Ce dernier soutenait ne pas avoir suffisamment eu de temps à la prison pour faire des appels à des avocats en vue d’en trouver un ou une pour le représenter.
- Tout au long du processus judiciaire, du moins depuis que le soussigné est saisi des présents dossiers, le délinquant a formulé de nombreux reproches à l’endroit du personnel carcéral, notamment au sujet des difficultés d’accès au matériel informatique pour consulter la preuve numérique, à l’accessibilité et sa capacité à faire des appels téléphoniques à des avocats et des psychiatres, et aussi à la possibilité de garder dans sa cellule ses sacs contenant la divulgation de la preuve en format papier. Le Tribunal a d’ailleurs émis plusieurs recommandations à cet effet aux différentes dates où les dossiers revenaient en cour.
- Lors des observations sur la peine, la poursuite a déposé en preuve la déclaration assermentée de madame Mylène Bertin, conseillère en milieu carcéral à l’établissement de détention de Trois-Rivières. Celle-ci détaille tous les efforts faits par le personnel des trois établissements de détention dans lesquels le délinquant a été gardé provisoirement dans l’attente des procédures pour répondre à ses multiples demandes.
- En résumé, le délinquant a pu avoir accès au poste informatique sécurisé (PSI) des centaines voire des milliers d’heures pendant sa détention provisoire. Il a également eu accès à un téléphone, tant celui de son secteur qu’un autre réservé au personnel carcéral, à partir desquels il a effectué plus de trois mille trois cents appels. Des plaintes ont été reçues à la détention parce que monsieur St-Amand appelait le numéro d’urgence de la Sûreté du Québec et la Régie des alcools par exemple.
- De plus, il avait accès à un Code criminel à jour. Il pouvait aussi conserver dans sa cellule de nombreux sacs dans lesquels il gardait la divulgation de la preuve en format papier ainsi que ses notes personnelles.
- À l’audience, le Tribunal s’est assuré qu’il avait toute la documentation nécessaire en vue de l’audition sur la peine. Le Tribunal lui a, au surplus, expliqué les différentes règles de droit pertinentes au stade de la peine et a invité le délinquant, à plusieurs reprises, à participer au processus de détermination de la peine. Le délinquant a refusé, préférant réserver ses commentaires et arguments pour un Tribunal d’appel.
- Depuis le début des procédures judiciaires, monsieur St-Amand a été représenté par cinq avocats différents dans ses différents dossiers à La Tuque, à Shawinigan, à Trois-Rivières et à Montréal.
- Les observations sur la peine ont été reportées à quelques reprises du 30 octobre 2023 au 15 janvier 2025, d’abord pour permettre l’évaluation sur la demande de déclaration de délinquant dangereux ou à contrôler, pour que son avocate trouve un contre-expert, pour respecter des engagements légitimes à l’agenda de son avocate, pour lui permettre de se trouver un nouvel avocat, et enfin en raison de l’hospitalisation de quelques jours du délinquant à Rimouski en octobre dernier.
- Après plus de cinq ans de procédures judiciaires, et près de quinze mois après le verdict, il devenait déraisonnable de reporter à nouveau les procédures judiciaires tant pour le délinquant que pour les victimes des crimes commis par celui-ci.
DÉCLARATION DE CONTRÔLE
- Les dispositions législatives pertinentes concernant les délinquants dangereux et à contrôler se trouvent à la partie XXIV du Code criminel.
- Plus précisément, l’article 753.1(1) du Code criminel traite des demandes visant les déclarations de « délinquants à contrôler ». Il se lit comme suit :
753.1 (1) Sur demande faite, en vertu de la présente partie, postérieurement au dépôt du rapport d’évaluation visé au paragraphe 752.1(2), le tribunal peut déclarer que le délinquant est un délinquant à contrôler, s’il est convaincu que les conditions suivantes sont réunies :
a) il y a lieu d’imposer au délinquant une peine minimale d’emprisonnement de deux ans pour l’infraction dont il a été déclaré coupable;
b) celui-ci présente un risque élevé de récidive;
c) il existe une possibilité réelle que ce risque puisse être maîtrisé au sein de la collectivité.
[…]
(3) S’il déclare que le délinquant est un délinquant à contrôler, le tribunal lui inflige une peine minimale d’emprisonnement de deux ans pour l’infraction dont il a été déclaré coupable et ordonne qu’il soit soumis, pour une période maximale de dix ans, à une surveillance de longue durée.[2]
- Dans l’arrêt Yombo c. R.[3], notre Cour d’appel énonce les trois étapes à suivre dans l’analyse d’une telle demande.
- Premièrement, le juge doit décider si la peine d’emprisonnement à être imposée pour l’infraction pour laquelle le délinquant a été déclaré coupable sera minimalement de deux ans. À cette étape, le juge ne fixe pas la peine. Il doit seulement « être convaincu que la criminalité du délinquant et sa culpabilité morale appellent, à tout le moins, l’imposition d’une peine minimale de deux ans »[4] .
- Deuxièmement, le juge doit être convaincu que le délinquant présente un risque élevé de récidive[5]. La commission d’actes criminels répétitifs et la probabilité que le délinquant commette à nouveau un crime de violence de nature à causer des sévices ou des dommages psychologiques graves à la personne sont autant d’éléments à considérer à cette étape de l’analyse.
- Troisièmement, selon la preuve présentée, « le juge doit être convaincu d’une possibilité réelle que le risque de récidive puisse être maîtrisé au sein de la collectivité »[6].
- Qu’en est-il dans le cas de monsieur St-Amand?
- Lors de la présentation de la requête pour évaluation en vue de la déclaration de délinquant dangereux ou à contrôler[7], monsieur St-Amand, alors représenté, avait consenti à l’évaluation.
- C’est le psychologue Marc-André Lamontagne-Laflamme qui a été chargé de procéder à l’évaluation de monsieur St-Amand. Cette évaluation, nécessitant cinq rencontres et s’échelonnant au total sur 21 heures, est de loin la plus longue qu’il ait eu à faire. Dans son rapport déposé sous la cote Pe-4, il explique de façon précise et détaillée pourquoi il conclut que le délinquant doit être déclaré délinquant à contrôler et soumis à une période de surveillance de longue durée à sa sortie de détention.
- Lors des observations sur la peine, la poursuite le fait entendre. Après la tenue d’un voir-dire, le Tribunal l’a déclaré expert en psychologie et en évaluation du risque de récidive.
- Pour l’essentiel, son témoignage résume son rapport écrit[8] et vulgarise certains concepts. Le Tribunal y reviendra davantage dans son analyse.
- À son avis, un encadrement serré sera nécessaire à la libération de monsieur St-Amand, et ce, pour la période maximale. Il existe selon lui une forte probabilité que l’ordonnance de surveillance de longue durée soit enfreinte par monsieur St-Amand. Il affirme que puisque les problèmes décelés chez le délinquant sont profondément ancrés dans sa personnalité et son mode de fonctionnement, il y aura des manquements à l’ordonnance.
- Bien que le cas de Patrice St-Amand soit à la limite, il ne suggère pas qu’il soit déclaré délinquant dangereux. Le délinquant s’expose pour la première fois à une longue peine d’emprisonnement au cours de laquelle on peut espérer certains changements avec un encadrement serré et de longue durée. Des traitements relatifs à la violence, à la gestion de la colère et de l’impulsivité, à la toxicomanie et des suivis médicaux, incluant la prise d’une médication, sont à envisager.
Analyse
- Le Tribunal doit notamment infliger une peine pour un crime de tentative de meurtre à l’endroit de madame Lachapelle, un crime dont la gravité objective est parmi les plus importantes. Le délinquant est passible de l’emprisonnement à perpétuité. Un bref survol de la jurisprudence en matière de peine pour tentative de meurtre démontre que les peines infligées sont majoritairement des peines de pénitencier. La fourchette de peine en cette matière va, selon la Cour d’appel, de 18 mois à 8 ans d’emprisonnement[9].
- Il existe donc des exemples de peines inférieures à deux ans[10].
- Les auteurs Parent et Desrosiers divisent en trois grandes catégories les fourchettes de peine pour les tentatives de meurtre qui ne sont ni commises en contexte conjugal ni à l’aide d’une arme à feu :
636. i) Les peines de plus courte durée (sept ans et moins d’emprisonnement);
637. ii) Les peines de durée intermédiaire (8 à 11 ans d’emprisonnement);
638. iii) Les peines de plus longue durée (12 ans d’emprisonnement et plus).[11]
- À la lecture de la description de chacune de ces trois grandes catégories, à première vue, le cas de monsieur St-Amand se classe dans la catégorie des peines de plus longue durée et donc, des peines supérieures à 12 ans.
- Les auteurs décrivent cette catégorie de la façon suivante :
Les peines de plus longue durée se démarquent par la gravité des gestes commis (agression extrêmement brutale, importantes séquelles pour la victime, etc.), les circonstances entourant la réalisation de l’infraction (planification, geste gratuit, crime commis au profit d’un groupe criminalisé, bris de conditions, danger pour la sécurité et la vie d’autrui, etc.) et la personnalité du délinquant (absence d’empathie et de remords, faible conscientisation relativement aux torts causés à la victime, nombreuses condamnations antérieures, risque élevé de récidive, etc.).[12]
[Soulignements ajoutés]
- Cette description énonce divers éléments que l’on retrouve presque tous dans la présente affaire. Le Tribunal y reviendra plus en détail dans la section visant à déterminer la peine, mais la seule tentative de meurtre appelle à l’infliction d’une peine qui sera nettement au-delà de deux ans. Au surplus, en considérant que le Tribunal doit aussi infliger des peines pour d’autres crimes graves, il devient manifeste que la peine globale que doit recevoir le délinquant sera supérieure à deux ans.
- Le délinquant a posé un geste d’une extrême brutalité, la vie et la sécurité de plusieurs personnes ont été mises en péril, les séquelles pour les victimes sont indéniables, le profil du délinquant est peu reluisant et le pronostic de réhabilitation apparaît sombre selon la preuve entendue.
- En réponse au premier critère relatif à l’examen de la déclaration de contrôle, le Tribunal est convaincu « que la criminalité du délinquant et sa culpabilité morale appellent, à tout le moins, l’imposition d’une peine minimale de deux ans »[13].
- Deuxièmement, le Tribunal doit déterminer si le délinquant présente un risque élevé de récidive.
- À cet égard, le Tribunal accepte le témoignage de l’expert Lamontagne-Laflamme.
- Il témoigne de façon crédible et fiable. Ses affirmations sont supportées par de nombreux exemples tirés des propos du délinquant tenus à travers les rencontres ainsi que sur les différents éléments de preuve tant au procès que lors des observations sur la peine. Non seulement son expertise est fondée sur son importante expérience, mais aussi sur des outils objectifs d’évaluation reconnus scientifiquement. L’évaluation est rigoureuse, détaillée et précise.
- Il est apparu au Tribunal comme voulant donner l’heure juste, témoignant avec nuances et avec impartialité.
- Force est de constater que la description de monsieur St-Amand faite par l’expert ou du moins certains comportements ou traits observés chez celui-ci sont tout à fait compatibles avec ce que le Tribunal, sans être un expert dans le domaine, a pu observer tout au long du procès et des observations sur la peine.
- Monsieur St-Amand est toujours très loquace, il se plaint des services correctionnels, de son ex-avocate, de la poursuite et du Tribunal notamment. Il blâme les autres pour ce qui lui arrive et prétend que plusieurs témoins de la poursuite ont menti.
- Les résultats fournis par les outils actuariels d’évaluation du risque de récidive sont convaincants. En voici un bref résumé.
- Pour évaluer le risque de récidive que présente monsieur St-Amand, l’expert utilise des méthodes structurées d’évaluation. Des outils actuariels ou des grilles d’analyse comme l’Échelle de psychopathie de Hare (PCL-R), le Level of service/Risk, Need, Responsivity (LS/RNR) et le Violence Risk Appraisal Guide, Revised (VRAG-R) ont servi à évaluer le délinquant et déterminer le risque de récidive qu’il présente.
- D’abord, le délinquant a accepté de se soumettre à l’évaluation de l’expert. Cependant, ce dernier se garde de qualifier la collaboration du délinquant d’adéquate en raison de sa tendance à ne pas répondre aux questions directement, à étirer ses réponses, à contrôler les entretiens, à se présenter sous un jour exagérément favorable et à arranger la réalité pour correspondre à cette présentation.
- Il en ressort que monsieur St-Amand aurait eu une enfance difficile. Ses parents s’étant séparés alors qu’il avait 3 ans, il aurait été élevé principalement par ses grands-parents. Sa mère souffrait de problèmes de santé mentale. Sa relation avec son père était difficile, car ce dernier adoptait des comportements dénigrants, manipulateurs et violents. Il n’a plus de contacts avec son père et sa mère est décédée en 2013.
- Le parcours du délinquant est caractérisé par une grande instabilité, notamment dans le logement, dans sa formation scolaire, dans ses emplois et dans ses relations interpersonnelles.
- Il s’est initié à la consommation d’alcool et de cannabis vers l’âge de 13 ou 14 ans. Vers l’âge adulte, cette consommation s’est accentuée et l’usage d’autres drogues est apparu de manière occasionnelle. La psilocybine, appelée communément « champignons magiques », est devenue vers l’âge de 37 ans une substance de prédilection puisqu’elle lui permettait de diminuer son anxiété et facilitait ses contacts sociaux selon lui.
- Le délinquant affirme avoir souffert de détresse psychologique depuis l’enfance. À répétition, il a eu recours aux services de médecins, de psychiatres, de psychologues, d’infirmières et de travailleurs sociaux. Les notes provenant des dossiers de monsieur St-Amand, consultés par l’expert, révèlent notamment des traits narcissiques et antisociaux. La colère est aussi très présente dans son discours tout comme la victimisation. En milieu hospitalier, alors qu’il était contrarié, il s’est fabriqué un pic artisanal à partir d’une brosse à dents et d’un stylo, nécessitant une intervention policière.
- La violence est aussi très présente dans la vie du délinquant, tant verbalement que physiquement. Celui-ci rapporte plusieurs événements de bagarres dans les bars et lors de soirées arrosées ou encore lors d’interventions policières à son endroit. Il s’en prend aussi physiquement aux gens qui le soignent en milieu hospitalier.
- En 2018, alors qu’il circule en automobile, une autre automobiliste lui coupe la voie. Monsieur St-Amand la rejoint, il descend de son véhicule et il saute à pieds joints sur le capot de l’automobile de la dame l’ayant coupé.
- En 2019, au Festival Western de St-Tite, le délinquant est expulsé d’un lieu de fête en raison de ses comportements agressifs. Il est ensuite conduit à l’hôpital par ambulance. Sans avertissement, il frappe deux membres du personnel soignant, dont une infirmière qui prenait ses signes vitaux, la blessant grièvement au visage.
- S’ajoute à cela, les événements survenus à Parent en janvier 2020 pour lesquels le Tribunal doit déterminer la peine.
- En entrevue, le délinquant est décrit comme étant loquace. Il a des problèmes d’attention, de distractibilité, d’organisation et de planification de l’information ainsi que de l’impulsivité cognitive. Il désire contrôler l’entrevue. L’expert mentionne que plutôt que de répondre aux questions, monsieur St-Amand s’adonne « à un réquisitoire visant à convaincre de la malveillance, de l’incompétence, de la malhonnêteté des autres, de sa malchance chronique, de ses troubles mentaux, de ses demandes d’aide répétées qui ont été rejetées, de sa supériorité morale et de sa non-responsabilité dans la plupart des conduites qui lui sont reprochées »[14].
- Son humeur est teintée par de l’hostilité et de la colère persistante. Sa capacité d’empathie est très limitée, tout comme sa capacité d’introspection. Selon monsieur Lamontagne-Laflamme, les difficultés sur le plan de la personnalité que présente le délinquant se manifestent par des traits telles la méfiance, l’hostilité, la grandiosité, la dépressivité, l’impulsivité, la distractibilité, l’insensibilité et la dominance.
- Le délinquant a de la difficulté à résister à ses impulsions. Il présente aussi des problèmes importants sur le plan de l’empathie ainsi que des lacunes significatives quant à sa capacité à éprouver des remords et de la culpabilité. Il reporte la responsabilité de ses actes sur les autres.
- Selon le DSM-5-TR, le psychologue retient l’impression diagnostique suivante :
- Trouble de l’usage d’alcool et de psilocybine en rémission prolongée, dans un environnement contrôlé;
- Autre trouble de la personnalité spécifié (mixte, avec éléments narcissiques, antisociaux et paranoïaques);
- Déficit d’attention/hyperactivité (probable, à investiguer davantage);
- Trouble cyclothymique (possible) ou trouble bipolaire de type II (moins probable; à investiguer davantage).[15].
- À l’aide des outils actuariels et grilles d’évaluation, le délinquant se classe à la limite du tiers supérieur à l’échantillon de comparaison dans l’échelle de psychopathie de Hare. Il obtient une note de 26 sur 40. Il est tout juste en dessous du résultat de 30 sur 40 permettant de qualifier une personne de psychopathe. Monsieur St-Amand présente donc un bon nombre de caractéristiques de la psychopathie, mais pas le portrait global.
- Il est narcissique, froid, il manque d’empathie. Il a une très forte surestimation de lui-même. Il présente une insensibilité pour les autres.
- Les résultats démontrent une personnalité antisociale se traduisant par une grande difficulté à maîtriser ses comportements ainsi qu’une tendance à agir de manière impulsive et violente.
- Selon l’échelle de Hare, monsieur St-Amand présente un niveau de risque de récidive élevé. À ce niveau, après 5 ans, 63% des délinquants ont récidivé. Le délinquant présente beaucoup de besoins et il y a plusieurs changements comportementaux à effectuer.
- Selon le VRAG-R, monsieur St-Amand présente un niveau de risque de 7 sur une échelle de 9. À ce niveau de risque, 45% des délinquants récidivent avec violence à l’intérieur de 5 ans et 69% à l’intérieur de 12 ans. Monsieur St-Amand se situe nettement au-dessus de la moyenne.
- Enfin le HCR-20 évalue vingt facteurs regroupés en trois catégories : les facteurs historiques, les facteurs cliniques et les facteurs de gestion du risque.
- En résumé, l’évaluateur note au chapitre des facteurs historiques, un « pattern clair de violence » accompagné d’une escalade de la fréquence et de la gravité de la violence au cours des dernières années. Les relations intimes, familiales et amicales sont problématiques.
- Quant aux facteurs cliniques, monsieur St-Amand a un faible niveau d’introspection, il tend à blâmer les autres. On note de l’instabilité, une grande colère, un sentiment de détresse, des tentatives de suicide récentes et de la distractibilité.
- Les facteurs de gestion du risque qui ressortent sont les suivants : des plans irréalistes et ne visant pas les besoins criminogènes concernant les services et les plans professionnels, un soutien personnel lacunaire, des fréquentations qui n’encouragent pas la maîtrise de soi, ainsi que d’importants problèmes d’adhésion au traitement. En somme, il demande de l’aide, mais la rejette aussitôt.
- Cela fait dire à l’expert Lamontagne-Laflamme que le niveau de risque de récidive de commettre une infraction de sévices graves à la personne est élevé.
- Les pièces Pe-5, Pe-6, Pe-7 et Pe-8 révèlent plusieurs condamnations et peines reçues par le délinquant depuis 2016 pour des crimes commis depuis 2014. On y compte des condamnations pour voies de fait causant des lésions corporelles, voies de fait (2), manquement à une ordonnance de mise en liberté, possession de stupéfiants, menace, entrave au travail des policiers et méfait. Le délinquant a aussi été absout conditionnellement pour voies de fait et menace.
- La pièce Pe-9 fait état des manquements disciplinaires du délinquant au cours de sa détention provisoire. Il s’agit de rapports d’agents correctionnels et de comptes rendus d’auditions disciplinaires. Voici ce que le Juge Vauclair de la Cour d’appel écrivait dans l’arrêt Bazile[16] à propos de ces rapports :
[47] En matière de détermination de la peine, les rapports carcéraux ne devraient être utilisés qu'avec parcimonie et, encore plus rarement, sous forme de ouï-dire, ce qui exacerbe leur caractère préjudiciable inhérent, particulièrement lorsqu’on prétend y retrouver les aveux du délinquant. La vie en établissement de détention n'est pas de connaissance judiciaire. Elle fait aussi l’objet de stéréotypes tenaces. Les juges ne sont pas particulièrement bien équipés pour saisir pleinement la signification de manquements disciplinaires sans une preuve adéquate. Ces rapports doivent être interprétés avec prudence et à la lumière d’une preuve complète. Par conséquent, ils risquent de prolonger les débats sur des questions souvent très collatérales avec, à la clé, une faible valeur probante.
- En conséquence, le Tribunal leur accorde une faible valeur probante parce qu’ils constituent du ouï-dire. Le délinquant n’a pas pu contre-interroger les auteurs de ces documents. En somme, ce que le Tribunal en retient, c’est que le délinquant ne semble pas toujours avoir adopté un comportement conformiste en détention. En sus des comportements impolis, racistes, agressifs, voire violents, rien ne démontre un réel changement dans son comportement. Cette conclusion n’a cependant pas une incidence significative dans la décision qu’il a à rendre.
- Le Tribunal n’est évidemment pas lié par l’opinion du psychologue. Mais en considérant la preuve dans son ensemble, notamment les résultats aux différentes évaluations faites par l’expert Lamontagne-Laflamme, les nombreux crimes violents commis avant, mais aussi ceux du 3 janvier 2020, et le profil du délinquant révélé par l’expertise, le Tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable que monsieur St-Amand représente un risque élevé de récidive.
- Jusqu’à son incarcération, il consommait alcool et drogue, faisant de la psilocybine et de l’alcool ses substances de prédilection. Au procès, il rapportait avoir l’habitude de mélanger ces substances et il en appréciait les effets. Ses fréquentations sont souvent orientées vers la consommation d’alcool et de drogues. Il présente une grande instabilité tant dans ses relations interpersonnelles, dans ses endroits de résidence, dans son parcours scolaire et dans l’emploi.
- Sa personnalité impulsive, narcissique, antisociale et paranoïaque le rend imprévisible et capable d’une grande violence contre les personnes. Il n’arrive pas à maîtriser ses émotions. La colère, la frustration, l’hostilité et l’insatisfaction sont des sentiments qui l’animent. Il ne se reconnait aucune responsabilité dans les gestes qu’il a posés. Il manque d’empathie et n’éprouve aucun regret ni aucun remords.
- En plus d’avoir sauté sur le capot de l’auto d’une dame dans un épisode de rage au volant (2018), il a, à ce jour, agressé, sans provocation, des membres du personnel du Centre hospitalier affilié universitaire régional de Trois-Rivières (2014), une infirmière de l’hôpital de Shawinigan (2019), mesdames Lachapelle et Hébert, monsieur Brouillette et il a mis le feu à un dortoir où dormaient des motoneigistes.
- Le Tribunal note une escalade évidente des comportements violents chez le délinquant.
- Le risque élevé de récidive que présente monsieur St-Amand dépasse le simple risque de récidive qu’il commette une infraction criminelle. La preuve convainc le Tribunal hors de tout doute raisonnable que le délinquant présente un risque élevé de récidive de commettre un crime violent de nature à causer des sévices physiques ou psychologiques graves à d’autres personnes au sens où l’a défini notre Cour d’appel dans l’arrêt Guindon[17].
- Troisièmement, existe-t-il une possibilité réelle que ce risque puisse être maîtrisé au sein de la collectivité?
- À ce sujet, le psychologue Lamontagne-Laflamme arrive à la conclusion que la réponse est affirmative. Voici ce qu’il mentionne à son rapport :
L’égocentrisme, la grandiosité, le pessimisme, la méfiance, le cynisme, la déresponsabilisation, la projection de la faute vers l’extérieur, la justification de la violence, la colère chronique et l’abus de substances constituent un mélange inquiétant, susceptible d’entraîner d’autres accès de rage et de violence. Cette dynamique apparaît profondément ancrée et difficilement ébranlable. Il apparaît extrêmement improbable que la colère et les sentiments d’injustice qui meuvent la dynamique violente de l’expertisé se résorbent spontanément. Le pronostic en traitement apparaît pour le moins mitigé.[18]
- Plus loin, l’expert poursuit en ces termes :
On peut s’attendre à ce que le temps nécessaire, ne serait-ce que pour parvenir à convaincre M. St-Amand de réellement collaborer aux interventions et aux suivis, sans simplement s’opposer à toutes les interventions qui ne correspondent pas exactement à ses désirs, soit considérable, mais il faudra encore plus longtemps pour parvenir à des changements durables susceptibles de diminuer son risque de récidive.
Néanmoins, moyennant la mise en place de stratégies et d’interventions intensives visant les besoins criminogènes et les obstacles à la réceptivité ainsi que d’un encadrement serré et de longue durée, il est permis de croire que le risque de M. St-Amand pourra être maîtrisé au sein de la collectivité.[19]
- Parmi les stratégies et traitements envisagés, l’expert suggère des traitements spécialisés visant la violence, un suivi régulier et prolongé concernant la gestion de la colère après sa libération, un traitement en toxicomanie, une interdiction de consommer de l’alcool et des drogues, un séjour en maison de transition suivant sa libération, un suivi correctionnel régulier dans la communauté et enfin un suivi médical.
- Ces stratégies n’ont jamais été tentées auprès de monsieur St-Amand ce qui fait dire à l’expert qu’elles doivent l’être avant d’envisager un statut de délinquant dangereux et une peine d’emprisonnement à durée indéterminée. Il propose une période de surveillance de longue durée en collectivité, et ce, pour la durée maximale permise par la loi, soit 10 ans. Pour reprendre son expression, selon lui, l’ordonnance de surveillance de longue durée ne sera pas un « sans-faute ». Il apparaît probable que le délinquant manque à certaines conditions de l’ordonnance dans la période de 10 ans proposée, nécessitant une intervention rapide. Le risque de récidive dans ce contexte pourra être maîtrisé en collectivité. Il en va, bien sûr, de la motivation et de l’implication du délinquant.
- Le Tribunal est convaincu par la preuve dans son ensemble qu’il existe une possibilité réelle que le risque de récidive que présente le délinquant pourra être maîtrisé au sein de la collectivité. La preuve révèle que des traitements existent et que dans la mesure où le délinquant y collabore, le risque peut être abaissé à un niveau acceptable pour la société.
- Les trois critères étant satisfaits, le Tribunal conclut que Patrice St-Amand doit être déclaré « délinquant à contrôler » pour la période maximale permise par la loi de 10 ans.
- Le Tribunal est conscient qu’une telle mesure préventive peut être contraignante pour le délinquant. Une période plus courte a été considérée, mais n’apparaît pas suffisamment protectrice pour la collectivité compte tenu des nombreux besoins criminogènes que présente monsieur St-Amand. Sa personnalité rend difficiles les changements comportementaux puisqu’il reporte la responsabilité de ses gestes sur les autres, se justifie constamment et ne se reconnait aucune problématique. Il écoute peu et rejette l’aide proposée. Tout comme l’expert psychologue le soutient, le Tribunal estime qu’il faudra du temps pour que s’opèrent des changements d’attitudes et de comportements chez le délinquant. Une période moindre ne permettrait pas d’atteindre des objectifs liés à la réinsertion sociale du délinquant et d’assurer la sécurité du public.
- La période de 10 ans est nécessaire et raisonnable pour maîtriser le risque de récidive au sein de la collectivité.
LES PEINES
Principes juridiques applicables
- Quelques mots sur les principes et objectifs de détermination de la peine prévus aux articles 718 et suivants du Code criminel.
- En plus d’assurer la protection de la société, le Tribunal doit :
- dénoncer le comportement illégal et le tort causé par celui-ci aux victimes et à la collectivité;
- dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
- isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
- favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
- assurer la réparation des torts causés aux victimes et à la collectivité;
- susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
- La peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Au sujet de la proportionnalité, la Cour suprême écrit dans l’arrêt Ipeelee[20], au paragraphe 37, qu’elle est un principe fondamental de la détermination de la peine et ajoute :
[…] Premièrement, la reconnaissance de ce principe garantit que la peine reflète la gravité de l’infraction et crée ainsi un lien étroit avec l’objectif de dénonciation. La proportionnalité favorise ainsi la justice envers les victimes et assure la confiance du public dans le système de justice.
[…]
Deuxièmement, le principe de proportionnalité garantit que la peine n’excède pas ce qui est approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant. En ce sens, il joue un rôle restrictif et assure la justice de la peine envers le délinquant. En droit pénal canadien, une sanction juste prend en compte les deux optiques de la proportionnalité et n’en privilégie aucune par rapport à l’autre.
[Reproduction intégrale]
- La peine doit aussi être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant, le Tribunal y reviendra.
- Elle doit être individualisée, elle ne sanctionne pas simplement la commission d’un crime, mais bien le délinquant qui a commis ce crime.
- Le Tribunal tient aussi compte des paragraphes b) à e) de l’article 718.2 du Code criminel dans son analyse lorsque les circonstances le justifient.
- Le principe de l’harmonisation des peines prévoit que des peines semblables devraient être imposées à des délinquants ayant commis des crimes semblables dans des circonstances semblables.
Analyse
La gravité objective
- Le tableau suivant montre la gravité objective des crimes pour lesquels Patrice St-Amand a été reconnu coupable. Il s’agit en d’autres mots des peines maximales prévues par le législateur pour chacune de ces infractions.
Dossier 425-01-010589-205
Chef 1 | La tentative de meurtre | 239(1)b) C.cr. | À perpétuité |
Dossier 425-01-010591-201
Chef 1 | Voies de fait | 266a) C.cr. | 5 ans |
Chef 2 | Menace | 264.1(1)a)(2)a) C.cr. | 5 ans |
Chef 3 | Voies de fait | 266a) C.cr. | 5 ans |
Chef 4 | Menace | 264.1(1)a)(2)a) C.cr. | 5 ans |
Chef 5 | Menace de brûler | 264.1(1)b)(3)a) C.cr. | 2 ans |
Chef 6 | Incendie criminel | 433a) C.cr. | À perpétuité |
Chef 7 | Omission de s’arrêter | 320.17- 320.19(5) C.cr. | 10 ans |
- Les crimes les plus graves objectivement sont la tentative de meurtre et l’incendie criminel.
- Lorsque le délinquant omet d’immobiliser sa motoneige alors qu’il sait qu’il est poursuivi par un policier, il se rend passible d’une peine maximale de 10 ans.
- Le fait d’avoir proférer des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles et de s’être livré à des voies de fait à l’endroit de différentes victimes sont des crimes punissables d’un emprisonnement de 5 ans.
- Enfin, lorsque le délinquant menace d’aller incendier le relais de motoneige, il s’expose à une peine maximale de deux ans. Il s’agit du crime le moins grave objectivement de ceux qu’il a commis.
La gravité subjective
- Dans les faits, la tentative de meurtre commise à l’endroit de madame Lachapelle se démarque par le niveau de violence élevé et l’acharnement dont a fait preuve le délinquant.
- La bande vidéo montrant le crime est révélatrice et choquante. Patrice St-Amand est d’une stature nettement plus imposante que la victime. Celle-ci revient au bar de l’hôtel pour tenter de le calmer. Elle a la gentillesse de lui offrir une chambre sans frais pour la nuit.
- Soudainement, il explose et frappe son verre sur le comptoir. Sans aucune provocation apparente de la part de la victime, il la frappe violemment au visage d’un coup de poing, ce qui entraîne sa chute au sol entre les tabourets et le bar. Ce qui suit est sans commune mesure. Pareille démonstration de violence, de brutalité et d’acharnement choque la conscience. Le délinquant lance un total de 21 coups, principalement des coups de botte de travail, atteignant madame Lachapelle au visage. Le délinquant résiste aux assauts de Jaysen Brouillette qui tente de l’interrompre. L’intervention de madame Hébert ne fait que dévier momentanément l’attention du délinquant sur elle. Il la pourchasse jusque dans le bureau à l’arrière du bar. Il la frappe et menace de la tuer elle aussi. Il frappe aussi Jaysen Brouillette.
- Il laisse madame Lachapelle pour morte et quitte en motoneige.
- Il se rend au relais de motoneigistes Chez Ti-Rouge et comme il l’avait dit plus tôt dans la soirée, il va y mettre le feu. Il allume un incendie à l’endroit où est entreposé le bois de chauffage. Des gens dorment dans le dortoir adjacent. Le danger est bien réel. Le délinquant le sait. Son geste est prémédité, motivé par la colère de s’être fait montrer la porte plus tôt en après-midi. En somme, il met sa menace à exécution. Par chance, de bons samaritains sont intervenus pour réveiller les gens sur place et éteindre rapidement le début d’incendie. Les dommages sont mineurs.
- Il se sauve à motoneige et lorsqu’un policier tente de l’intercepter, à la vue des gyrophares, il accélère et prend la fuite. Il est arrêté le lendemain non loin de là.
Le profil de l’accusé
- Le Tribunal réfère le lecteur à la section précédente concernant la déclaration de contrôle. Le profil du délinquant y est amplement décrit.
- La description faite par le psychologue Lamontagne-Laflamme est en quelque sorte l’équivalent d’un rapport présentenciel approfondi.
- Il suffit de rappeler les éléments suivants :
- Patrice St-Amand a 47 ans. Il est célibataire et n’a pas d’enfant.
- Il a vécu une enfance difficile. Ses parents se sont séparés et la relation avec son père était conflictuelle, car ce dernier le dénigrait et le violentait. Sa mère souffrait de problème de santé mentale.
- À travers son parcours, il a obtenu un diplôme d’études secondaires, une attestation d’études collégiales en services d’assistance technique en informatique et réseautique, un diplôme d’études professionnelles d’opérateur de machinerie lourde et en voirie forestière. Il aurait aussi débuté une formation professionnelle en transport par camion sans toutefois la compléter.
- Au moment de son arrestation, il était sans emploi depuis environ trois mois et vivait de prestation de la sécurité du revenu.
- Sa vie est caractérisée par l’instabilité, tant dans l’emploi que dans ses relations interpersonnelles. Ses fréquentations sont mauvaises et l’emmènent à consommer alcool et drogues. Très jeune, à 13 ou 14 ans, il s’initie à la consommation. Dans la trentaine, il adopte les champignons magiques comme substances préférées. Il en consomme avec de l’alcool, car l’effet combiné chasse son anxiété et le rend plus sociable, dit-il. Ce sont d’ailleurs ces mêmes substances qu’il avait consommées dans les heures qui ont précédé son passage à l’acte. Il mentionne lors du procès qu’il en connaissait bien les effets et en avait l’habitude.
- Le rapport fait état de détresse psychologique chez monsieur St-Amand depuis son enfance. Le délinquant a rapporté des idées suicidaires présentes dès l’âge de huit ans. Il rapporte également un épisode dépressif à l’adolescence à la suite du vol de son VTT. Il a fréquemment consulté à l’urgence pour demander de l’aide, mais affirme qu’on a toujours refusé de l’aider. Cette perception du délinquant n’est pas supportée par le psychologue qui mentionne à l’inverse que le délinquant refuse l’aide offerte ou se montre insatisfait de celle-ci.
- Le psychologue conclut que monsieur St-Amand présente un trouble de l’usage de l’alcool et de drogues, mais qu’il est abstinent depuis sa détention provisoire. Il présente également un trouble de la personnalité spécifié, mixte avec des éléments narcissiques, antisociaux et paranoïaques. Il est probable qu’il ait un déficit d’attention et un trouble de l’humeur, mais ils restent à être examinés.
- Quant à ses démêlés judiciaires, ils débutent en 2014.
- Pour des infractions de voies de fait et d’avoir proféré une menace de causer la mort ou des lésions corporelles, il est absout conditionnellement. Il est placé sous probation pour dix mois. Ces événements sont survenus dans un hôpital et les victimes sont des membres du personnel hospitalier.
- Le 12 octobre 2018, il commet un méfait en sautant sur le capot d’une automobile. La conductrice de cette automobile lui avait apparemment coupé le chemin et sous le coup de la colère, monsieur St-Amand l’a rejointe pour ensuite sauter sur son véhicule. Il reçoit une peine de 30 jours d’emprisonnement le 1er avril 2022.
- Le 5 septembre 2019, il entrave le travail d’un agent de la paix qui voulait procéder à son arrestation. Intercepté sur la route pour une conduite erratique, sachant qu’un mandat d’arrestation est lancé contre lui, il ne s’immobilise pas immédiatement et résiste à son arrestation. Il est condamné le 12 juillet 2023 à payer une amende de 1 000 $.
- Le 15 septembre 2019, il est accusé de voies de fait causant des lésions corporelles, de voies de fait (2 chefs), de possession de psilocybine, d’avoir proféré des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles et d’avoir fait défaut de se conformer à une promesse de comparaître. L’événement débute au Festival Western de St-Tite. Le délinquant est d’abord expulsé d’une terrasse où un spectacle musical est présenté. Son comportement agressif et désagréable nécessite l’intervention d’agents de sécurité et des policiers. Il est ensuite conduit à l’hôpital par ambulance, il semble feindre l’inconscience. À l’hôpital, alors qu’une infirmière s’apprête à couper son chandail pour lui retirer, il s’assoit soudainement et la frappe au visage la blessant grièvement. Il la menace de mort et frappe aussi un préposé venu pour porter assistance à l’infirmière. Les policiers trouvent sur lui sept grammes de psilocybine. Il est condamné le 21 juin 2022 et reçoit une peine globale de 16 mois d’emprisonnement le 21 février 2023.
- C’est donc dire qu’à l’exception de l’absolution conditionnelle octroyée en 2016 pour l’événement de 2014, toutes les condamnations enregistrées contre l’accusé l’ont été après la commission des crimes pour lesquels le Tribunal s’apprête à rendre la peine, et ce, malgré le fait que les infractions soient survenues avant.
- Au moment où monsieur St-Amand s’en prend à madame Lachapelle, madame Hébert et monsieur Brouillette, et qu’il va mettre le feu Chez Ti-Rouge, il n’a que des causes pendantes. Il n’a pas encore été condamné pour le méfait survenu à Montréal, l’entrave au travail des policiers à Trois-Rivières ou les voies de fait survenus à St-Tite et Shawinigan.
- Comme ces dossiers ont tous été réglés depuis, l’accusé ayant été condamné et ayant reçu ses peines, le Tribunal peut-il les considérer comme des antécédents judiciaires constituant un facteur aggravant?
- Selon « la règle de Coke », qui tire son origine de la common law, les condamnations postérieures d’un accusé à la commission des infractions qui lui sont reprochées ne constituent pas un antécédent judiciaire et ne devraient pas être considérées dans l’application du principe de gradation des peines.
- Cependant, le juge Robertson dans l’arrêt Andrade[21] rendu par la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick apporte la nuance suivante :
À mon avis, la notion voulant que la déclaration de culpabilité antérieure ne doive pas être considérée comme faisant partie des antécédents judiciaires du délinquant pour les fins de la détermination de la peine, parce que celui‑ci n’a pas été convenablement mis en garde avant de commettre la deuxième infraction ou l’infraction subséquente, est un concept hypothétique trop éloigné de la réalité de ce que pensent les récidivistes et de l’objet qui sous‑tend la règle de Coke. La question de savoir ce qui constitue ou non une circonstance aggravante et la façon dont il faut considérer les antécédents judiciaires du délinquant sont des choses qu’il vaut mieux laisser au juge chargé de déterminer la peine afin qu’il les tranche en fonction de la situation factuelle dont il est saisi.
- Traitant d’une question similaire, mon collègue le juge Galiatsatos, mentionne ceci dans l’affaire Vinet[22] :
[…] En conséquence, ces condamnations ne constituent pas des « antécédents judiciaires » proprement dits et elles ne peuvent donc entrer en ligne de compte en appliquant le principe de la gradation des peines.
[117] Malgré tout, ces condamnations postérieures demeurent hautement pertinentes. Par exemple, elles permettent d’illustrer le caractère de l’accusé et de démontrer le risque de récidive qu’il pose.
- Notre Cour d’appel a, depuis, rendu l’arrêt Laguerre[23] dans lequel elle mentionne au paragraphe 53 :
Même s'il est vrai, comme le reconnaît la poursuite, que l'appelant n'avait pas encore été condamné pour les infractions commises le 3 mars 2017 au moment où il perpètre celles du 7 juin 2017, il n'en demeure pas moins que les faits relatifs à ces infractions étaient pertinents « dans le but de faire la lumière sur la situation et le caractère du délinquant ».
- En conséquence, monsieur St-Amand n’avait aucune condamnation enregistrée contre lui au moment où il commet les crimes dont le Tribunal est saisi. Mais les faits relatifs à ces infractions, pour lesquels il a depuis été condamné, demeurent pertinents dans l’analyse de la détermination de la peine appropriée. Ces faits démontrent le caractère impulsif, imprévisible et violent du délinquant et qu’il représente un risque élevé de récidive pour la collectivité.
Les conséquences pour les victimes
Daniel Laliberté et Marie-Claire Gagné
- Monsieur Laliberté et Madame Gagné sont les propriétaires du relais de motoneigistes Chez Ti-Rouge au lac Dandurand non loin de Parent. En 2020, cela faisait 15 ans qu’ils possédaient ce commerce en région éloignée. Frustré qu’on lui ait demandé de quitter, Patrice St-Amand est revenu dans la nuit mettre le feu à l’extérieur du dortoir. Plusieurs clients y dormaient cette nuit-là. L’incendie a rapidement été maîtrisé.
- Monsieur Laliberté et sa conjointe ont eu des craintes que le délinquant revienne « finir le travail » s’il était libéré. Aujourd’hui, ces craintes sont moins présentes, mais l’idée qu’il se venge à sa sortie de prison est encore une préoccupation.
- Dans les mois suivant l’incendie, outre les craintes, madame Gagné a souffert d’insomnie et d’insécurité. Chaque fois que les dossiers de monsieur St-Amand reviennent à la cour, ils sont replongés dans cette histoire avec les émotions qui refont surface. Tous deux ressentent toujours une immense peine pour madame Lachapelle.
- Financièrement, ils estiment avoir subi une baisse d’achalandage dans les semaines qui ont suivi. Certains clients craintifs ont annulé leurs réservations. Ils évaluent leur perte à environ 5 000 $.
Jaysen Brouillette
- Monsieur Brouillette était l’ami du délinquant. Cette tragique soirée le laisse avec un sentiment d’incompréhension et de culpabilité. Pourquoi a-t-il en premier lieu accepté d’accompagner St-Amand vers Parent? Pourquoi n’a-t-il pas fait davantage pour tenter d’arrêter St-Amand lorsqu’il s’en prenait à madame Lachapelle? Pourquoi St-Amand nie l’évidence et s’entête dans les procédures judiciaires? Autant de questions qui le hantent encore aujourd’hui.
- Le Tribunal a pu voir et revoir la bande vidéo de l’événement et tient à préciser ceci : la bande vidéo montre très bien monsieur Brouillette tenter de s’interposer physiquement pour faire cesser l’agression, et ce, à plusieurs reprises. Si St-Amand n’est pas parvenu à tuer madame Lachapelle et qu’il a interrompu son agression à l’égard de madame Hébert, c’est sans doute en raison des interventions de monsieur Brouillette et de sa présence sur les lieux. Lui-même a subi la violence du délinquant tout en réussissant finalement à s’y soustraire. Le Tribunal comprend qu’il puisse ressentir de la culpabilité, mais celle-ci n’est pas justifiée. Il a contribué à ce que le pire soit évité cette nuit-là.
- Incapable encore aujourd’hui de consulter, il se dit aux prises avec un « blocage ». Il évoque sans un diagnostic médical ce qui s’apparente à un choc post-traumatique.
- Il a aussi souffert du jugement des autres qui l’associaient au délinquant. Monsieur Brouillette fait de l’insomnie et des cauchemars depuis le soir de l’agression. Sa consommation d’alcool et de drogues s’est accrue pendant la période qui a suivi.
- Vu l’entêtement dont le délinquant a fait preuve depuis les événements, il craint la réaction de celui-ci lorsqu’il sera libéré.
Nathalie Hébert
- Madame Hébert était la serveuse au bar ce soir-là. Elle aussi a contribué à ce que le pire soit évité. Elle aussi a tenté de s’interposer avec beaucoup de courage. Elle est restée porter assistance à madame Lachapelle jusqu’à l’arrivée des premiers répondants.
- Pendant l’agression, elle a reçu des coups de la part du délinquant lui causant des douleurs au cou.
- Elle ressent de la culpabilité d’avoir fait appel à Madame Lachapelle pour tenter de calmer le délinquant le soir de l’agression. Là encore, ce sentiment, bien que compréhensible, n’est pas justifié. Rien ne permettait d’imaginer un acte aussi brutal et un tel acharnement.
- Madame Hébert, a dû cesser temporairement de travailler pendant six mois. Elle éprouve toujours des craintes et se qualifie d’hypervigilante et nerveuse. Elle a modifié certaines habitudes de vie comme le fait de barrer les portes de sa demeure lorsqu’elle y est. Après l’événement, elle s’est isolée et est devenue plus émotive. L’alcool est devenu une béquille dont elle s’est débarrassée aujourd’hui avec l’aide de ses proches.
- Encore aujourd’hui, elle fait des cauchemars et de l’insomnie. Des images de la nuit de l’événement lui reviennent à l’esprit. Elle craint la libération du délinquant et qu’il vienne mettre à exécution ses menaces.
Sylvie Lachapelle
- Le 3 janvier 2020, la vie de Sylvie Lachapelle a basculé.
- Jusque-là, elle était une femme d’affaires engagée dans sa communauté. Elle exploitait avec son mari l’Hôtel Central de Parent. Elle s’impliquait en politique municipale comme échevine.
- Mais cette nuit-là, Patrice St-Amand a voulu lui enlever ce qu’il y a de plus précieux, il a voulu lui enlever la vie. Heureusement, il n’y est pas parvenu. Mais son crime laisse des traces indélébiles sur la vie de madame Lachapelle.
- D’abord, les coups reçus lui ont fracturé les os de la mâchoire, de la joue et de l’orbite de l’œil nécessitant une opération pour y installer des plaques, des vis et un grillage[24]. Le délinquant a littéralement défiguré la victime. Elle a ensuite dû être réopérée en raison d’une infection. Elle souffre désormais de la chaleur et du froid, le métal à son visage lui causant une grande sensibilité.
- Elle souffre de maux de tête chroniques, de détresse, de dépression, d’un choc post-traumatique. Madame Lachapelle éprouve des difficultés à se concentrer, à lire, à regarder la télévision. Sa vision de l’œil gauche est trouble et floue. Il lui arrive d’avoir des pertes de mémoire.
- Elle évalue à plus de 200 rendez-vous auxquels elle a dû se rendre pour consulter ses différents médecins spécialistes tels un neurologue, un ophtalmologiste, et aussi un psychologue, des ostéopathes, des massothérapeutes, des physiothérapeutes et un dentiste. Certains de ces soins n’étant pas offerts à La Tuque, madame Lachapelle a été forcée de se rendre fréquemment dans les grands centres, à plusieurs centaines de kilomètres de chez elle chaque fois.
- Les conséquences financières sont importantes. Elle a dû vendre l’hôtel puisqu’elle ne pouvait plus travailler. N’étant plus capable de conduire sur de grandes distances, elle a dû être accompagnée dans ses déplacements, multipliant par deux les coûts de transport, d’hébergement et de nourriture. Seule une fraction des dépenses sont remboursées par la CNESST, sans compter les heures perdues en déplacements.
- Les conséquences du crime qu’elle vit encore à ce jour ont aussi affecté son mari, qui, pendant les procédures judiciaires, est décédé. La victime aurait aussi voulu à la retraite pouvoir s’occuper davantage de sa mère vieillissante. Le délinquant l’en a privé, accentuant sa souffrance.
- Enfin la peur est toujours présente. St-Amand lui a enlevé son sentiment de sécurité. Vivre à Parent, à plus de deux heures des secours, n’est plus possible. Elle doit vendre sa maison et déménager.
- Le Tribunal note que malgré les innombrables conséquences et leur importance, madame Lachapelle demeure courageuse et résiliente.
L’harmonisation des peines
La tentative de meurtre
- Dans Roy c. R.[25], la Cour d’appel accueille l’appel d’une peine d’emprisonnement à perpétuité pour la réduire à 15 ans (13 ans une fois la détention provisoire soustraite). Le crime de tentative de meurtre est commis dans un contexte conjugal. L’accusé assène de nombreux coups de couteau à sa conjointe qui venait, plus tôt dans la soirée, de lui annoncer son intention de rompre la relation. L’un des enfants du couple est témoin de l’agression. La Cour d’appel reproche au premier juge de n’avoir accordé aucun poids aux circonstances atténuantes pourtant énumérées telles des démarches thérapeutiques avant l’agression, des remords et des regrets sincères, le risque de récidive peu élevé et un plaidoyer de culpabilité à la première occasion. Des circonstances atténuantes que l’on ne retrouve pas dans le présent dossier.
- Dans R. c. Barnabé-Paradis[26], le juge condamne l’accusé à une peine de 18 ans d’emprisonnement pour tentative de meurtre. Alors que la victime dormait sur un banc de parc, l’accusé l’agresse violemment avec un tesson de bouteille. L’agression est qualifiée de sournoise et brutale. L’accusé a un lourd casier judiciaire et est atteint de maladie mentale. À la différence de son lourd passé judiciaire, le profil de l’accusé s’apparente à celui de monsieur St-Amand. Il est décrit comme étant très dangereux, incapable d’autocritique et fermé aux traitements médicaux.
- Dans Jean c. R.[27], la Cour d’appel confirme la peine infligée en première instance. L’accusé avait été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour une tentative de meurtre commise avec une arme à feu. Affilié à un gang de rue, Hensley Jean, tire à deux reprises sur la victime, mais son arme s’enraye. Il s’avère qu’il y a eu erreur sur la personne puisque la personne visée était l’ancien résident à l’adresse de la victime. Les facteurs aggravants sont nombreux et prédominants alors qu’il n’y a aucune circonstance atténuante. Une preuve d’expert avait été entendue au sujet de la croissance des crimes impliquant l’usage d’armes à feu à Montréal et la banalisation des armes à feu sur les réseaux sociaux. Cette affaire se distingue de la nôtre, ne serait-ce que par le contexte se rattachant aux gangs de rue et à l’usage d’une arme à feu notamment.
- Dans A.G. c. R.[28], la Cour d’appel refuse d’intervenir à l’égard d’une peine de 15 ans d’emprisonnement infligée pour une tentative de meurtre survenue en contexte conjugal. L’accusé, sans antécédent judiciaire, contrevient à une ordonnance lui interdisant de se trouver à la résidence du couple à la suite d’une rupture. Il s’empare d’un couteau de cuisine et frappe la victime à plusieurs reprises. Deux enfants en sont témoins et l’un d’eux parvient à appeler les secours. Les facteurs atténuants sont peu nombreux.
- Dans R. c Martin[29], la Cour d’appel n’intervient pas face à une peine de six mois d’emprisonnement pour tentative de meurtre, tout en soulignant qu’une peine de douze mois aurait été raisonnable dans les circonstances. L’accusé, qui attaque sa colocataire avec un couteau, était aux prises avec d’importants problèmes de santé mentale. La Cour d’appel constate tout de même que la peine se situe en dehors de la fourchette habituelle des peines, mais estime que l’accusé a complété sa réhabilitation et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir.
- Alexandre c. R.[30] est un autre exemple de peine infligée pour une tentative de meurtre avec usage d’une arme à feu. Selon la Cour d’appel, cette peine de 16 ans d’emprisonnement, qui date de 2012, était à l’époque la plus lourde infligée dans cette province et se situait en dehors de la fourchette habituelle des peines. L’accusé était entré dans un bar où plusieurs personnes étaient attablées et avait fait feu en direction de la victime à cinq reprises.
- Dans R. c. Fuentes[31], la Cour d’appel rejette l’appel d’une peine globale de 19 ans d’emprisonnement dont des peines concurrentes de 17 ans et 12 ans pour deux tentatives de meurtre. L’accusé avait tiré sur deux personnes avec un fusil de calibre .410 alors qu’elles marchaient sur la rue. Selon le juge d’instance, le crime suscite l'indignation par sa gratuité et son absurdité. Il a été perpétré sans aucune raison et pour le seul plaisir de la violence.
Les voies de fait et les menaces
- Dans l’arrêt Gagnon[32], un cas de violence conjugale, la Cour d’appel mentionne que « les peines les plus lourdes, jusqu’à deux ans d’emprisonnement, sont observées par exemple dans le cas d’infractions commises sur une longue période, hebdomadairement, en l’absence de peu ou pas de circonstances atténuantes, et ayant causé des préjudices physiques importants à la victime ». Dans cette affaire, la Cour estime qu’une peine de 12 mois d’emprisonnement pour les voies de fait et 6 mois consécutifs pour du harcèlement criminel est appropriée.
- Les auteurs Parent et Desrosiers ajoutent que généralement, les peines les plus graves sont observées dans les cas de multiples agressions commises sur une longue période, à l’égard de plusieurs victimes et par un délinquant présentant peu ou pas de circonstances atténuantes. Des peines sévères sont aussi infligées à des récidivistes violents dont le degré de dangerosité exige un emprisonnement prolongé[33].
- Le Tribunal estime que les crimes de voies de fait commis par monsieur St-Amand, poursuivis par mise en accusation, se situent dans le haut de la fourchette des peines en matière de voies de fait. Bien que nous ne soyons pas dans un contexte de violence conjugale, le délinquant fait deux autres victimes, les frappe et les pousse à plusieurs reprises, les force à s’éloigner et ainsi les empêche de venir prêter main-forte à madame Lachapelle. Il leur cause des séquelles psychologiques importantes et encore présentes à ce jour. Il présente un degré de dangerosité élevé et un profil peu reluisant.
L’incendie criminel
- Dans R. c. Lalonde[34], le juge Gosselin fait une revue exhaustive de la jurisprudence en matière de crimes d’incendies poursuivis en vertu de l’article 433 du Code criminel. Il conclut ainsi au paragraphe 113 de sa décision :
Par ailleurs, au titre du principe de l'harmonisation des peines, l'on ne peut ignorer que les tribunaux imposent habituellement des peines variant entre 29 mois et sept ans de pénitencier aux délinquants déclarés coupables d'incendie criminel mettant la vie humaine en danger, la peine médiane infligée pour ce crime se situant autour de trois ans.
- En considérant la revue jurisprudentielle exhaustive faite dans cette décision, le Tribunal estime que le crime d’incendie commis par Patrice St-Amand se situe dans la catégorie des peines de plus longue durée, généralement de deux à huit ans d’emprisonnement et plus, telle que décrite par les auteurs Parent et Desrosiers.
- La faible valeur des dommages, limités à une toile et à du bois entreposé à l’extérieur du dortoir, vient mitiger la peine. Mais le fait que l’incendie soit allumé dans le but exprimé de « tuer des Français Chez Ti-Rouge », que l’acte est motivé par la vengeance et la colère et que le délinquant présente une indifférence marquée pour la vie et la sécurité des occupants du dortoir militent en faveur du durcissement de la peine. Le délinquant présente un profil peu reluisant, il représente un risque de récidive important. En conséquence, il n’y a pas lieu de se distancier de la peine médiane infligée pour ce crime, tel que constaté par le juge Gosselin dans Lalonde[35].
Les facteurs aggravants et les circonstances atténuantes
- Le Tribunal retient de la preuve les facteurs aggravants suivants :
- Le caractère gratuit de l’attaque commise sans provocation[36];
- Le degré élevé de violence employée[37];
- Le nombre de coups portés[38];
- La nature et l’étendue des blessures[39];
- Les conséquences subies par la victime, madame Lachapelle[40];
- La victime, madame Lachapelle, est vulnérable, car d’une taille et d’une force physique considérablement plus petite que celle du délinquant et il continue de la frapper lorsqu’elle est au sol sans défense;
- Le risque de récidive élevé qu’il représente;
- La personnalité antisociale et narcissique du délinquant[41];
- Le nombre de victimes;
- Sa consommation volontaire d’alcool et de psilocybine comme anxiolytique dans le but de se désinhiber, sachant qu’elle entraîne chez lui des comportements violents[42];
- L’absence d’empathie et sa déresponsabilisation;
- La préméditation de l’incendie criminel;
- Il est en liberté sous conditions de la Cour lors de la commission des crimes.
- Les circonstances atténuantes sont les suivantes;
- L’enfance difficile du délinquant et sa détresse psychologique;
- L’absence d’antécédents judiciaires.
- Un autre facteur pertinent à la détermination de la peine réside dans le fait que Patrice St-Amand avait plusieurs causes pendantes au moment de commettre les présentes infractions. Ces causes pendantes sont devenues depuis des condamnations. Elles ont une valeur probante certaine quant à la personnalité impulsive, agressive et violente du délinquant[43].
- En se livrant à un exercice de pondération, le Tribunal estime que le poids à accorder aux facteurs aggravants l’emporte sensiblement sur celui à accorder aux circonstances atténuantes. Leur nombre, leur nature et leur importance outrepassent les quelques circonstances pouvant mitiger la peine.
- Les crimes commis sont graves, tant objectivement que subjectivement. Le crime commis à l’endroit de madame Lachapelle l’est particulièrement par sa brutalité et son acharnement. La victime en subit des séquelles permanentes et des conséquences importantes. Elle exprime qu’il y a des jours où sa souffrance est telle, qu’elle aurait préféré mourir.
- La responsabilité morale du délinquant est entière. Il part célébrer le Nouvel An et adopte des comportements téméraires. Il consomme une drogue dont il connait et apprécie les effets. Il est alors sous le coup d’une cause pendante pour des gestes de violence posés dans des circonstances semblables quelques mois auparavant. Il entre en conflit avec son ami Brouillette et devient de plus en plus agressif au fil du périple. Une fois expulsé du relais de motoneigistes Chez Ti-Rouge, il menace de revenir y mettre le feu. Au bar, il se fait menaçant et incite des clients, par son comportement violent, à quitter. Il s’en prend à madame Lachapelle. Pour empêcher qu’ils lui viennent en aide, il s’en prend à madame Hébert et monsieur Brouillette. Il les menace. Monsieur St-Amand quitte l’hôtel à motoneige précisant son intention d’aller mettre le feu Chez Ti-Rouge. Il laisse madame Lachapelle pour morte. Après une vingtaine de minutes à motoneige en milieu de nuit, il rejoint le relais de motoneigistes. Il allume deux foyers d’incendie tout juste à l’extérieur du dortoir où dorment plusieurs clients. Il s’en est fallu de peu pour que le bois de chauffage entreposé s’embrase. Dans sa cavale, un policier tente de l’intercepter. Il prend la fuite.
- Le délinquant prend une série de décisions et pose des actes blâmables tout au long de son périple. Il fait preuve d’esprit de suite, de fixité. Ses crimes suivent l’expression de ses idées agressives et violentes.
- La peine se doit d’être proportionnelle à l’importante gravité des infractions et à la responsabilité morale élevée du délinquant.
- Depuis la commission des crimes, il ne démontre aucune conscientisation à l’égard du tort causé aux victimes et à la collectivité. Il reporte la faute sur les autres, par exemple en soutenant que les témoins ont menti ou encore en alléguant que madame Lachapelle exagère les conséquences qu’il lui a fait subir. Il n’éprouve aucune empathie.
- L’analyse de l’ensemble de la preuve, dont la gravité élevée des crimes commis et le risque élevé de dangerosité que monsieur St-Amand représente, commande l’infliction d’une peine dénonciatrice, dissuasive et visant à protéger le public. Aucune autre sanction moins contraignante ne rencontrerait les principes et objectifs de détermination de la peine.
- Celle-ci doit notamment, dans le cas présent, exprimer la forte réprobation de la société à l’égard de l’usage d’une telle violence. Ces comportements doivent être dénoncés, la société ne saurait les tolérer. Les gestes posés par le délinquant sont hautement répréhensibles, la gravité ne doit pas être banalisée. Les quelques circonstances atténuantes ont un poids très relatif dans la présente affaire.
- La conscientisation et la responsabilisation sont aussi des principes de détermination de la peine qui doivent recevoir une attention particulière. Mais face à un délinquant narcissique et paranoïaque, le pronostic est sombre.
- La réinsertion sociale demeure aussi un objectif à ne pas écarter si l’on veut à terme protéger le public. Cela dépendra de l’ouverture de monsieur St-Amand aux différents traitements offerts par les services carcéraux. Là encore, le pronostic est sombre.
- Lors des observations sur la peine, la poursuite, réclamant une peine globale de 27 ans d’emprisonnement, mentionne qu’il faut infliger « une peine exceptionnelle à un délinquant exceptionnel qui commet des crimes exceptionnels ».
- Même s’il est exact qu’il n’existe pas de plafond préétabli à l'égard des peines d'une durée déterminée infligées en vertu du Code criminel, et ce, que la peine maximale prévue soit l’emprisonnement à perpétuité ou non, certains auteurs estiment qu’une peine ne devrait qu’exceptionnellement excéder 20 ans[44].
- Aussi choquants sont les crimes commis par Patrice St-Amand et aussi graves sont les conséquences qu’ils ont entraînées, le processus pénologique ne doit pas être motivé par la vengeance.
- Le juge Vauclair de la Cour d’appel du Québec écrit ceci dans l’arrêt V.L.[45], une affaire de tentative de meurtre survenue dans un contexte de violence conjugale :
Les juges sont toujours affectés par les drames humains causés par la criminalité et particulièrement par les violences familiales et sexuelles. Une fois cela dit, les tribunaux doivent recentrer leur rôle. La justice est un équilibre. Il doit être recherché et les tribunaux existent pour cette raison. « Seul l’équilibre mène à une peine juste » : R. c. Harbour, 2017 QCCA 204, par. 84.
[39] Dans un autre contexte, la Cour suprême reconnaît l’objectif d’équilibre de la détermination de la peine et les défis inhérents à la détermination d’une sanction juste : R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, par. 45-53. La sanction juste n’est pas étrangère à la peine proportionnelle et individualisée. Reconnaissant sans détour les limites de l’exemplarité, le juge en chef Wagner, pour la Cour, précise que « la proportionnalité joue un rôle restrictif et, en ce sens, elle est garante d’une peine qui est individualisée, juste et appropriée » : Bissonnette, par. 51.
- Le Juge Rowe de la Cour suprême rappelle dans l’arrêt Parranto[46] que le juge chargé de la détermination de la peine doit trancher une question profondément contextuelle : « …Pour cette infraction, commise par ce délinquant, ayant causé du tort à cette victime, dans cette communauté, quelle est la sanction appropriée au regard du Code criminel? »
- En réponse à cette question, face à un délinquant ayant eu une enfance difficile présentant un risque de récidive élevé et un pronostic de réhabilitation peu encourageant à court et moyen termes, la tentative de meurtre commise à l’endroit de madame Lachapelle, avec les conséquences avec lesquelles elle doit dorénavant composer, doit être sanctionnée par une peine de 18 ans d’emprisonnement. Se situant dans la partie supérieure de la fourchette des peines infligées pour tentative de meurtre, la peine s’harmonise avec les peines en semblable matière où le crime est gratuit, particulièrement violent et où l’acharnement est présent. La décision R. c. Barnabé-Paradis[47] peut notamment servir de comparaison avec la présente affaire.
- Pour les crimes de voies de fait et de menaces à l’endroit de madame Hébert (chefs 1 et 2), de monsieur Brouillette (chef 3), d’Alain Lavoie, de Benoît Proulx et de Daniel Laliberté et ainsi que de ses invités (chef 4), des peines de 2 ans d’emprisonnement.
- Pour la menace d’incendier le chalet de Daniel Laliberté (chef 5) et pour avoir causé par le feu un dommage à ce même chalet sachant qu’il était occupé par des motoneigistes (chef 6), le Tribunal inflige des peines respectives de 1 an et 3 ans d’emprisonnement.
- Enfin, relativement à l’accusation d’avoir omis d’immobiliser sa motoneige alors qu’il savait qu’il était poursuivi par un agent de la paix (chef 7), la peine est de 6 mois d’emprisonnement.
La totalité de la peine
- Lors de la détermination de sanctions justes, le Tribunal doit éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction de peines consécutives[48].
- En considérant l’ensemble des circonstances, les crimes de violence physique et verbale commis à l’endroit de madame Hébert, de monsieur Brouillette et des autres victimes de menaces seront regroupés et punis par des peines concurrentes à celle infligée pour la tentative de meurtre. Ces infractions constituent une seule et même transaction criminelle et surviennent contemporainement. Comme le souligne la Cour d’appel dans R. c. Desjardins[49], en règle générale, les peines d’emprisonnement pour des chefs d’accusation qui résultent d’un événement unique ou d’actes criminels continus devraient être punies concurremment. Le Tribunal se garde ici d’infliger une peine consécutive pour éviter un excès quant à la durée globale, le tout, dans le respect du principe de la totalité de la peine.
- Cependant, il y a lieu de regrouper la menace de brûler le chalet servant de dortoir et le fait d’avoir causé par le feu un dommage à ce même chalet puisqu’il s’agit d’une transaction criminelle distincte de la tentative de meurtre et des voies de fait survenues au bar de l’hôtel.
- Lorsque le délinquant quitte, il laisse madame Lachapelle pour morte et confirme à monsieur Brouillette son intention d’aller mettre le feu Chez Ti-Rouge. Malgré que monsieur Brouillette tente de l’en dissuader, il enfourche sa motoneige et parcourt plusieurs kilomètres. Il a amplement de temps pour réfléchir à la suite des événements et se raviser. Malgré cela, il persiste dans son agir délictuel et allume deux foyers d’incendie. Un crime annoncé depuis l’après-midi et auquel il a pu réfléchir. Le Tribunal estime que ces chefs d’accusation comportent des éléments aggravants qui justifient des peines consécutives à la tentative de meurtre[50]. Les dommages matériels sont de peu d’importance, mais le risque pour des vies humaines créé par monsieur St-Amand est important.
- La peine pour l’omission d’immobiliser sa motoneige alors qu’il était poursuivi par un agent de la paix sera purgée de façon concurrente à toutes les autres peines.
- Il en résulte donc une peine globale de 21 ans (7 665 jours) d’emprisonnement, une peine proportionnelle et individualisée. Une peine cumulative totale qui ne dépasse pas la culpabilité globale du délinquant.
La détention provisoire
- De cette peine, le Tribunal soustrait la période passée sous garde dans l’attente de son procès comprise entre le 4 janvier 2020 et le 23 avril 2025 ce qui représente 1 936 jours (5 ans 3 mois et 19 jours).
- Il faut préalablement soustraire de cette période les peines auxquelles il a été condamné dans les dossiers de Montréal (1 mois) et de Shawinigan (16 mois) soit 517 jours. Cette période ne peut entrer dans le calcul du crédit pour la détention provisoire puisqu’il s’agissait de peines à purger pour d’autres infractions.
- Il reste donc (1 936 - 517) 1 419 jours auxquels il faut ajouter le crédit majoré (1 419 jours X 1.5), soit 2 129 jours.
- De la peine globale de 21 ans soit 7 665 jours, le Tribunal soustrait 2 129 jours pour un reliquat à purger à compter de ce jour de 5 536 jours ou 15 ans et 2 mois.
- Le crédit accordé pour la détention provisoire sera appliqué sur la peine infligée pour la tentative de meurtre.
CONCLUSION
- Enfin, Le Tribunal est conscient qu’aucune peine qu’il pourrait infliger ne saurait replacer madame Lachapelle dans l’état où elle se trouvait avant la nuit du 3 janvier 2020. Cela dit, le Tribunal souhaite que les victimes puissent, avec la fin du processus judiciaire, retrouver une certaine quiétude, une paix d’esprit, un sentiment de sécurité comme celui qui régnait avant la commission des crimes dans la petite communauté éloignée de Parent.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- CONDAMNE le délinquant à purger une peine, à compter de ce jour, de 4 441 jours sur le chef de tentative de meurtre;
Dans le dossier 425-01-010591-201 :
- CONDAMNE le délinquant à purger des peines de 730 jours sur les chefs 1, 2, 3 et 4. Ces peines sont concurrentes entre elles, et concurrentes à la peine infligée dans le dossier 425-01-010589-205;
- CONDAMNE le délinquant à purger une peine de 365 jours sur le chef 5 et à une peine de 1 095 jours sur le chef 6. Ces peines sont concurrentes entre elles, concurrentes à la peine infligée sur les chefs 1, 2, 3, et 4, mais consécutives à la peine infligée dans le dossier 425-01-010589-205.
- CONDAMNE le délinquant à purger une peine concurrente de 180 jours sur le chef 7;
- PRÉCISE que le délinquant doit purger, à compter de ce jour, un reliquat de 5 536 jours, soit 15 ans et 2 mois;
- DÉCLARE que le délinquant est un délinquant à contrôler;
- ORDONNE que le délinquant soit soumis à une surveillance de longue durée pour une période de 10 ans débutant à l’échéance de la peine globale imposée;
- ORDONNE que soit remises au Service correctionnel du Canada (SCC) une copie des notes sténographiques des audiences sur la détermination de la peine, notamment le témoignage du psychologue Lamontagne-Laflamme, et des observations des parties, une copie de l’expertise psychologique portant sur le statut de délinquant à contrôler ainsi qu’une copie de la présente décision et du jugement sur verdict;
- INTERDIT à l’accusé pendant la période de détention de communiquer directement ou indirectement avec Sylvie Lachapelle, Nathalie Hébert, Jaysen Brouillette, Daniel Laliberté, Marie-Claire Gagné, Alain Lavoie et Benoît Proulx en vertu de l’article 743.21 du Code criminel;
- INTERDIT à l’accusé d’avoir en sa possession des armes à feu, arbalètes, armes à autorisation restreinte, munitions et substances explosives pour une période commençant à la date de la présente ordonnance et se terminant au plus tôt 10 ans après sa libération en vertu de l’article 109(1)a) du Code criminel;
- INTERDIT à l’accusé d’avoir en sa possession des armes à feu prohibées, armes à feu à autorisation restreinte, armes prohibées, dispositifs prohibés et des munitions prohibées, et ce, à perpétuité en vertu de l’article 109(1)a) du Code criminel;
- AUTORISE le prélèvement du nombre d’échantillons de substances corporelles du délinquant jugé nécessaire pour analyse génétique dans un délai de 90 jours selon l’article 487.051(1) du Code criminel;
- DISPENSE le délinquant du paiement de la suramende.
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| __________________________________ SIMON RICARD, J.C.Q. |
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Me Éric Thériault |
Procureur du poursuivant |
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Monsieur Patrice St-Amand |
Accusé se représentant seul |
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Dates d’audience : | 15 et 16 janvier 2025 |
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[1] Article 753.1(3) C.cr.
[6] Préc., note 3, paragr. 37.
[7] Article 752.1(1) C.cr.
[8] Pièce Pe-4 : Rapport d’expertise, 64 p.
[9] R. c. Martin, 2012 QCCA 2223, paragr. 55.
[10] Id.; R. c. N.L., 2014 QCCQ 4117.
[11] Parent, Hugues et Desrosiers, Julie, Traité de droit criminel: la peine, 4e éd., tome 3, Montréal, Les Éditions Thémis, 2024.
[12] Id., paragr. 638 iii).
[13] Préc., note 3, paragr. 35.
[14] Préc., note 8, p. 43.
[16] Bazile c. R., 2022 QCCA 1009, paragr. 47.
[17] Guindon c. R., 2008 QCCA 1445, paragr.39.
[18] Préc., note 8, p. 63.
[20] R. c. Ipeelee, [2012] 1 R.C.S. 433, paragr. 37.
[21] Andrade c. R., 2010 NBCA 62, paragr. 20.
[22] Vinet c. R., 2021 QCCQ 3474, paragr. 116 et 117.
[23] Laguerre c. R., 2022 QCCA 1548, paragr. 53.
[24] Pièce Pe-11 : Rapport d’imagerie médicale CHAUR.
[31] 2001 CanLII 14947 (QC CA).
[32] R. c. Gagnon, 2024 QCCA 343, paragr.57.
[33] Préc., note 11, paragr. 653.
[34] 2009 QCCQ 1669, paragr. 113.
[36] R. c. Martinez Abarca, 2022 QCCA 1095, paragr. 29; Denis c. R., 2015 QCCA 300, paragr. 8.
[37] Plachta c. R., 2022 QCCA 436, paragr. 2 à 4; Lubin c. R., 2019 QCCA 1711, paragr. 8; Gignac Joncas c. R., 2019 QCCA 1635, paragr. 19.
[38] R. c. Martinez Abarca, préc., note 36, paragr. 22.
[39] Marcellus c. R., 2024 QCCA 1262, paragr. 40; R. c. Martinez Abarca, préc., note 36, paragr. 20; R. c. Foster, 2020 QCCA 1172, paragr. 22 à 24; R. c. Sylvain, 2020 QCCA 1173, paragr. 19; Dubourg c. R., 2018 QCCA 11296, paragr. 45.
[40] R. c. Déry Bédard, 2024 QCCA 446, paragr. 14; R. c. Martinez Abarca, préc., note 36, paragr. 20-21; Gignac Joncas c. R., préc., note 37, paragr. 19.
[41] Azevedo c. R., 2021 QCCA 1688, paragr. 11.
[42] R. v. L.P., 2020 QCCA 1239, paragr. 111 et 112; Régimballe c. R., 2012 QCCA 1290, paragr. 62; Ivlev c. R., 2020 QCCA 1184, par. 29; R. c. Quévillon, [1999] J.Q. no 573 (C.A.Q.), paragr. 15.
[43] R. c. Angelillo, [2006] 2 R.C.S. 728, paragr. 27; Moisan c. R., 2023 QCCA 117, paragr. 22 à 25; Arsenault c. R., 2019 QCCA 1881, paragr. 11; Aprile c. R., 2007 QCCA 1040, paragr. 11.
[44] Vauclair, Martin, Desjardins, Tristan et Lachance, Pauline, Traité général de preuve et de procédure pénales, 31e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2024, paragr. 48.111.
[45] V.L. c. R., 2023 QCCA 449, paragr. 38 et 39.
[46] R. c. Parranto, 2021 CSC 46, [2021] 3 R.C.S. 366.
[48] Article 718.2c) C.cr.
[50] Préc., note 49, paragr. 29.