- L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu en cours d’instance, le 22 février 2024 par la Cour supérieure, district de Baie-Comeau (l’honorable Carl Lachance), lequel rejette sa demande en exception déclinatoire.
- Pour les motifs de la juge Lavallée, auxquels souscrivent les juges Rancourt et Cotnam, LA COUR :
- ACCUEILLE l’appel, avec les frais de justice.
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| JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A. |
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| GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A. |
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| SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
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Me Charles Daviault Me Mathieu Papineau |
GOWLING WLG (CANADA) |
Pour l’appelant |
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Me François Boulianne |
Pour l’intimé |
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Date d’audience : | 9 juillet 2024 |
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- L’appelant, le conseil de bande de Pessamit (« le Conseil de bande »), se pourvoit contre un jugement rendu en cours d’instance le 22 février 2024 par la Cour supérieure, district de Baie-Comeau (l’honorable Carl Lachance), qui a rejeté sa demande en exception déclinatoire dans le contexte d’un litige portant sur la possession et l’usage d’un lot situé sur le territoire de Pessamit[1].
- En dénonçant ainsi un moyen déclinatoire, le Conseil de bande soutenait que la demande en injonction permanente déposée contre lui par l’intimé John Rock était de la compétence exclusive de la Cour fédérale en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales[2] (« L.C.f. »), lequel confère à la Cour fédérale la compétence exclusive pour décerner une injonction contre un office fédéral, ledit recours devant alors être exercé par la présentation d’une demande de contrôle judiciaire conformément au paragraphe 18(3) de cette même loi.
- Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la demande en exception déclinatoire doit être accueillie puisque, dans son essence, la demande de l’intimé est de la compétence exclusive de la Cour fédérale.
I. Contexte
- Le 26 octobre 2023, l’intimé John Rock a introduit un recours devant la Cour supérieure en vue d’obtenir le prononcé d'une ordonnance d’injonction interlocutoire et permanente contre le Conseil de bande relativement au lot sis au 25, rue Ashini, Pessamit, désigné comme le lot C-001 (« Lot ») et à la bâtisse y étant située. Il n’est pas contesté que le Lot est une terre de réserve au sens de la Loi sur les Indiens[3].
- L’intimé allègue s’être fait transférer contractuellement les droits d’usage et de possession du Lot qui étaient détenus par M. Louis Picard et M. Ludovick Picard, ainsi que leurs droits de propriété sur l’immeuble construit sur ce lot[4]. Il demande à la Cour supérieure d’entériner cette transaction qui, allègue-t-il, a été faite dans le respect des us et coutumes en vigueur à Pessamit et qui ne nécessiterait, selon lui, aucune intervention de la part de l’appelant.
- Cette transaction interviendrait dans le contexte suivant, lequel est tiré de la demande introductive d’instance, des déclarations sous serment l’accompagnant[5] et des pièces.
- MM. Picard détiennent des droits d’usage sur le Lot en vertu d’une cession consentie en leur faveur par M. Patrick Canapé et Mme Évangéline Picard le 6 février 2012. Ces derniers leur ont également vendu l’immeuble commercial érigé sur le Lot. Celui-ci sera utilisé comme garage de mécanique jusqu’à sa destruction à la suite d’un incendie en février 2021.
- C’est dans ce contexte qu’une « Entente de transfert entre membres » (« l’Entente ») intervient entre MM. Picard et l’intimé, selon laquelle[6] :
Par la présente, nous, M. Louis Picard et Ludovik Picard transférons le lot C-001 du 25, rue Ashini à M. John Rock pour la somme de 55 000.00 $ et ceci en date du 23 mars 2021.
- Préalablement à la signature de l’Entente, l’intimé rencontre le chef du Conseil de bande de Pessamit, M. Jean-Marie Vollant, à qui il remet une lettre émanant de MM. Picard indiquant simplement, sans formuler quelque demande que ce soit : « Par la présente, nous, M. Louis Picard et M. Ludovik Picard transférons le lot commercial C‑001 situé au 25, rue Ashini à M. John Rock ».
- Jean-Marie Vollant appose sa signature sur la lettre lorsqu’il en prend connaissance[7]. Il précise dans sa déclaration sous serment que sa signature ne visait pas à reconnaître le transfert, mais simplement à attester du fait qu’il avait vu le document[8].
- Le 20 avril 2021, soit près d’un mois après la conclusion de l’Entente, Me Marie‑Christine Gagnon, l’avocate du Conseil de bande, envoie une mise en demeure à l’intimé qui laisse entrevoir une mésentente entre celui-ci et l’appelant en lien avec des travaux de décontamination que le Conseil de bande aurait entrepris sur le Lot. Me Gagnon met en demeure l’intimé de cesser de communiquer avec les employés et les représentants de l’appelant, et de ne pas s’approprier ni accaparer le Lot sans droit. Elle indique notamment[9] :
Or, mon client [le Conseil de bande de Pessamit] a été étonné de constater qu’une telle transaction avait eu lieu entre messieurs Louis Picard et Ludovilk Picard et vous-même relativement au lot sis au 25, rue Ashini alors qu’aucune personne ne peut être légalement en possession d’une terre de réserve, à moins d’être titulaire d’un certificat de possession délivré selon les dispositions de la Loi sur les Indiens.
Par conséquent et en vertu de ce qui précède, notre client ne reconnaît d’aucune manière cette transaction.
[Soulignement ajouté]
- Le 28 avril 2021, l’avocat de l’intimé répond à cette mise en demeure, affirmant que (1) la mise en demeure n’a aucune valeur légale, car le Conseil de bande n’a adopté aucune résolution pour mandater Me Gagnon à cette fin; (2) l’intimé serait légalement en possession du Lot, car les formalités auraient été respectées pour le transférer en règle; et (3) l’intimé ne saurait être empêché de communiquer avec le Conseil de bande, car ce dernier aurait l’obligation de lui répondre en vertu de son obligation fiduciaire[10]. La missive se solde à son tour par une mise en demeure de l’appelant[11] :
Pour toutes ces considérations le Conseil est formellement mis en demeure de prendre acte que [l’intimé] M. Rock possède légalement le [Lot] et qu’il peut l’utiliser selon les normes juridiques applicables. En outre, le Conseil est également mis en demeure de cesser toute action illégale sur le [Lot]. Enfin, le Conseil est, de surcroît, en demeure de transmettre à [l’intimé] M. Rock les renseignements demandés à l’égard du [Lot] et de cesser de le harceler lorsqu’il exerce légalement ses droits à titre de membre de la bande.
[Soulignement ajouté]
- Selon l’intimé, à la suite de la réponse de son procureur, datée du 28 avril 2021, le Conseil de bande n’a pris aucune action à l’égard du Lot »[12].
- Le 1er juin 2021, Louis Picard et Ludovick Picard remplissent le formulaire intitulé « Transfert de terre dans une réserve indienne en vertu de la Loi sur les Indiens », un formulaire prescrit par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada[13]. Dans celui-ci, ils indiquent qu’ils transfèrent à l’intimé, John Rock, « toute propriété et tout intérêt qu’[ils] […] possèd[ent] dans [le Lot], en vertu de la Loi sur les Indiens »[14]. Sur cette base, l’intimé croit que « [c]ette vente a […] été enregistrée au ministère des Affaires autochtones et du Nord canadien »[15]. Le 13 juillet 2021, une commissaire à l’assermentation signe l’attestation d’exécution[16].
- Environ un an plus tard, soit le 11 juillet 2022, Sylvie Vollant, la directrice générale du Conseil des Innus de Pessamit, envoie une lettre à Louis Picard et Ludovick Picard dans laquelle elle indique que le Conseil de bande n’a pas reconnu la transaction intervenue concernant le Lot et a l’intention de reprendre celui-ci pour des raisons environnementales, en plus de faire assumer les coûts de décontamination du Lot par l’intimé[17].
- La semaine suivante, l’avocat de l’intimé répond à Mme Vollant. Il affirme que le Lot appartient légalement à l’intimé puisque la vente a été effectuée sans que le Conseil de bande ne puisse y faire obstacle. Il ajoute que le Conseil de bande n’agit sur la base d’aucun fondement légal, puisqu’aucune résolution n’a été adoptée à cette fin, de sorte qu’il ne peut ni refuser de reconnaître la vente et tenter de reprendre le Lot ni réclamer que l’intimé paie les sommes requises pour le décontaminer. Il ajoute que le Conseil ne possède aucun pouvoir d’expropriation et qu’aucune réglementation environnementale ou de lotissement n’a été adoptée par le Conseil. Une mise en demeure solde cette missive : « nous mettons, une fois de plus, en demeure le Conseil afin qu’il respecte intégralement les droits de [l’intimé] relativement au [Lot] »[18].
- Au printemps suivant, plus précisément le 17 avril 2023, alors que l’intimé, Ludovick Picard et Réginald Rock nettoient le Lot, des employés et représentants du Conseil de bande se présentent sur les lieux et intiment à l’intimé de quitter les lieux[19].
- Le même jour, Marielle Vachon, la cheffe du Conseil de bande, envoie une nouvelle mise en demeure à l’intimé. Elle constate d’abord que ce dernier ne se conforme pas à la mise en demeure du 20 avril 2021 et le met en demeure « de cesser tous les travaux entamer [sic] sur le [Lot] et de récupérer tous les biens qu’[il] y [a] déposés d’ici aujourd’hui [17 avril 2023] à 16 heures »[20]. Elle énonce clairement ce qui suit :
Dans les circonstances, il importe de vous réitérer que conformément à la Loi sur Indiens, aucun membre de la communauté de Pessamit ne peut prendre possession d’un lot sans l’autorisation du Conseil des Innus de Pessamit (le « Conseil »).
À cet effet, en réponse à une lettre datée du 22 mars 2021 de messieurs Louis Picard et Ludovik Picard relativement à un transfert du Lot entre ces derniers et vous-même, nous vous avons mentionné, à maintes reprises, que nous ne reconnaissions pas cette transaction, laquelle est illégale en vertu de la Loi sur les Indiens.
- Encore le même jour, l’avocat de l’intimé transmet à son tour une mise en demeure à l’appelant où il indique que la vente de mars 2021 est légale et que les agissements de l’appelant, eux, sont illégaux. L’intimé met l’appelant en demeure de cesser toute intervention illégale sur le Lot[21].
- La semaine suivante, le Conseil de bande clôture tous les côtés du Lot, empêchant par le fait même l’intimé d’y avoir accès et de récupérer certains biens s’y trouvant[22].
- Au cours de l’été et de l’automne 2023, l’intimé affirme avoir tenté de négocier avec l’appelant pour parvenir à une entente concernant le Lot. Le Conseil de bande ne répond pas à ses tentatives de négociation[23].
- Le 4 octobre 2023, Sylvie Vollant invite l’intimé à se conformer à la mise en demeure du 17 avril 2023, soit à communiquer avec le Conseil de bande pour aller récupérer ses biens[24].
- Quelques semaines plus tard, le 26 octobre 2023, l’intimé dépose sa demande introductive d’instance, demandant à la Cour supérieure du Québec de prononcer une injonction interlocutoire et permanente ordonnant essentiellement à l’appelant de :
- Retirer les clôtures, obstacles et autres constructions entourant le Lot;
- Remettre le Lot en état;
- Cesser de s’approprier les biens et le matériel sur le Lot;
- Cesser d’empiéter sur le Lot.
- La demande introductive d’instance contient également les conclusions suivantes[25] :
ENTÉRINER et DÉCLARER exécutoire la transaction portant sur le [Lot], intervenue le, ou vers le 22 mars 2021 entre les cessionnaires Ludovick Picard et Louis Picard et [l’intimé] à titre d’acquéreur;
ENTÉRINER les droits d’usage de [l’intimé] sur le [Lot];
ENTÉRINER les droits de propriété de [l’intimé] sur les bâtiments existants ou à construire sur le [Lot];
[Caractères gras ajoutés]
II. Le jugement de première instance
- Le juge de première instance estime que la Cour supérieure est compétente pour entendre et trancher le litige[26], l’appelant ne l’ayant pas persuadé du contraire[27].
- Pour en arriver à cette conclusion, le juge examine les trois conditions[28] du test exposé dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators[29] et explique que celles-ci doivent être réunies afin que la Cour fédérale ait la compétence exclusive pour connaître d’un litige[30].
- Pour décider de la demande déclinatoire, il explique devoir tenir pour avérés, comme l’enseigne la jurisprudence, les faits mentionnés dans la demande en injonction appuyée par quatre déclarations assermentées et par des pièces déposées au soutien de celle-ci[31]. Il poursuit en ajoutant qu’il doit tenir pour avéré « le fait que le conseil de bande n’a adopté aucune décision valable à la majorité concernant le lot C-001 (voir paragraphes 19, 32 et 46 de la demande introductive d’instance) »[32].
- Le juge estime que la première condition de l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators n’est pas remplie. Selon lui, « aucune loi fédérale n’attribue compétence à la Cour fédérale en raison des circonstances particulières révélées par les faits tenus pour avérés »[33].
- Il est également d’avis qu’il doit tenir pour avérées les allégations de la demande introductive d’instance attestant des coutumes de la bande de Pessamit qui encadrent, indépendamment de la Loi sur les Indiens (« L.I. »), les droits d’usage (leur transfert et leur cession) qu’ont les membres de la bande de Pessamit sur les lots de la réserve[34]. Sur le fondement de ces allégations tenues pour avérées, il estime que la résolution du litige repose sur l’application des règles coutumières de Pessamit. Il en serait ainsi parce que le Conseil de bande n’exercerait pas les pouvoirs que la L.I. lui confère sur les terres de la réserve, selon l’arrêt Copeau, que le juge analyse[35].
- Il souligne que le litige, tel que présenté dans la demande introductive d’instance, semble se référer à des questions relevant du Code civil du Québec qui ne sont pas exclues par l’article 88 de la L.I., notamment celles en matière de droit des biens, de droit de la vente et de droit des obligations[36]. Le juge croit enfin que l’intimé n’aurait pas pu se pourvoir en contrôle judiciaire[37].
- Le juge estime que la deuxième condition de l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators est absente[38]. Il se fonde, pour ce faire, sur la déclaration assermentée de l’ancien chef de la bande de Pessamit[39], Jean-Marie Vollant, selon qui « [l’appelant] n’a adopté aucun règlement administratif en vertu de la Loi sur les Indiens concernant les bâtiments, la division de la réserve en zone, l’arpentage des terres et leur répartition entre les membres de la bande comme le permet l’article 81(1) de la loi »[40].
- Il ajoute que la troisième condition est également manquante, étant donné que « la Loi sur les Indiens […] ne semble pas trouver application d’après les circonstances particulières des faits tenus pour avérés dans le présent dossier »[41].
- En conclusion, le juge se dit d’avis « [qu’]il serait donc prématuré de rejeter la demande introductive en injonction », et conclut à la compétence concurrente (entre la Cour supérieure du Québec et la Cour fédérale) en matière de « gestion des terres »[42].
III. Les moyens d’appel
- Selon le Conseil de bande, la Cour fédérale aurait compétence exclusive pour entendre et trancher le litige en vertu de l’article 18 de la L.C.f. Il soutient que, même si le Conseil de bande n’a pas adopté une décision à la majorité, l’intimé devait nécessairement se pourvoir en contrôle judiciaire parce que ses actes s’inscrivent, au sens de la jurisprudence, dans la gamme des décisions, comportements ou actes commis par un « office fédéral » exerçant une compétence ou un pouvoir prévu par une loi fédérale et pouvant faire l’objet d’un contrôle judiciaire au sens de cet article[43]. Le Conseil de bande soutient que l’intimé lui reproche des actes qu’il a posés en vertu de la L.I., laquelle l’habilite à exercer des pouvoirs de nature publique en matière d’administration et de gestion des terres. Par conséquent, ces actes sont assujettis au pouvoir de surveillance du contrôle judiciaire.
- Le Conseil de bande explique qu’il a réservé le Lot au bénéfice de la bande, et ce, en vertu de son pouvoir d’agir dans l’intérêt de la bande au sens de la L.I. Il soutient que, loin de s’agir d’un recours privé, l’espèce est un recours fondé sur une question de droit public, visant un office fédéral exerçant un pouvoir de nature publique. Ainsi, les conditions seraient réunies, au sens de l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators, pour que la Cour fédérale soit seule compétente pour entendre cette affaire.
- L’intimé rétorque en insistant premièrement sur le fait qu’il a seulement demandé à la Cour supérieure de prononcer une injonction et qu’il n’a pas intitulé son recours « contrôle judiciaire », rendant selon lui inapplicables les articles 18 et 18.1 de la L.C.f.. Selon lui, l’article 44 de la L.C.f., lu de concert avec l’article 17, serait attributif de compétence à la Cour supérieure. Ainsi, la compétence de la Cour fédérale serait concurrente avec celle de la Cour supérieure, et les deux auraient compétence pour prononcer une injonction, ainsi qu’entériner et déclarer exécutoire une transaction.
- L’intimé soutient que, comme il l’a allégué dans sa demande introductive d’instance, la L.I. ne s’applique pas en l’espèce puisqu’à Pessamit, les droits d’usage et de possession sont coutumiers[44], de sorte qu’au sens de l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators, aucune loi fédérale ne serait essentielle à la résolution du litige. Selon lui, seulement la coutume ou le droit de Pessamit s’applique. Enfin, puisqu’aucune résolution n’a autorisé les actes du Conseil de bande, il n’y avait pas de décisions qui, de toute manière, pouvaient faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Par conséquent, la Cour fédérale n’est pas seule compétente pour entendre ce litige.
IV. L’analyse
- Le pourvoi soulève la question de savoir si la Cour supérieure est compétente pour connaître de ce litige ou si celui-ci relève plutôt de la compétence exclusive de la Cour fédérale.
- Quelques remarques s’imposent avant de procéder à l’analyse des motifs du jugement de première instance relatifs au moyen déclinatoire.
- Une cour de justice est matériellement compétente ou elle ne l’est pas[45]. À titre de tribunal de droit commun, la Cour supérieure peut entendre toute demande qui n’est pas attribuée exclusivement à un autre tribunal. Sous réserve de certaines contraintes constitutionnelles, sa compétence inhérente peut être amoindrie en faveur d’un autre tribunal, mais uniquement par une disposition législative claire et expresse. La compétence s’apprécie à l’égard des parties, de l’objet du litige et des réparations demandées.
- Cette analyse de la compétence d’un tribunal, au stade d’un moyen déclinatoire soulevant l’absence de compétence ratione materiae, doit être faite en tenant les faits allégués pour avérés, ce qui impose la prudence dans l’analyse du moyen afin de ne pas mettre fin prématurément à un litige[46].
- Pour statuer sur un moyen déclinatoire ratione materiae, il ne faut pas s’arrêter à la qualification de la demande par une partie, laquelle peut donner « superficiellement l’apparence »[47] qu’il s’agit d’un recours au sujet duquel le tribunal a compétence. Il s’agit plutôt de cerner « la nature essentielle du litige », en se fondant sur « une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur »[48]. À cette fin, il peut être nécessaire « [d’]anticiper également les moyens de défense les plus évidents »[49].
- Dans l’arrêt de principe Weber c. Ontario Hydro[50], la Cour suprême préconise une méthode d’analyse en deux étapes afin d’identifier le tribunal compétent pour statuer sur un litige[51]. La première étape porte sur l’examen des dispositions législatives en cause, particulièrement celles ayant trait à la compétence, et la seconde nécessite d’identifier l’essence du litige en examinant non pas sa qualification juridique par le demandeur, mais plutôt son contexte en tenant les faits allégués pour avérés. Il faut toutefois prendre garde, ce faisant, de ne pas dénaturer la théorie de la cause proposée par la partie demanderesse.
A. La première étape : l’examen des dispositions législatives
- L’article 18 de la L.C.f. confère à la Cour fédérale la compétence exclusive pour ordonner une injonction contre un office fédéral. Ce recours en injonction s’exerce alors par le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire suivant le paragraphe 18.1(1) :
18(1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour : - décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;
- connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.
[…] (3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire. [Soulignements ajoutés] | 18(1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction - to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and
- to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.
[…] (3) The remedies provided for in subsections (1) and (2) may be obtained only on an application for judicial review made under section 18.1. [Emphasis added] |
- Le paragraphe 18(3) in fine renvoie à l’article 18.1, que voici :
18.1(1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande. […] (3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut : - ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;
- déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.
(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas : - a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;
- n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;
- a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;
- a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;
- a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;
- a agi de toute autre façon contraire à la loi.
[…] [Soulignements ajoutés] | 18.1(1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought. […] (3) On an application for judicial review, the Federal Court may - order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or
- declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.
(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal - acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;
- failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;
- erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;
- based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;
- acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or
- acted in any other way that was contrary to law.
[…] [Emphasis added] |
- Ainsi, les pouvoirs exclusifs de la Cour fédérale s’appliquent à l’égard d’un « office fédéral » en vertu du paragraphe 18.1(3) de la L.C.f. Le paragraphe 2(1) de cette loi définit cette expression ainsi :
office fédéral Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges et juges adjoints, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. (federal board, commission or other tribunal) | federal board, commission or other tribunal means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made under a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges or associate judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867; (office fédéral) |
- Ces dispositions ont été interprétées par la jurisprudence. Dans ITO-Int'l Terminal Operators[52], la Cour suprême a élaboré un test permettant de déterminer si la Cour fédérale a compétence exclusive pour connaître d’un litige au sens des articles 18 et 18.1 de la L.C.f. Selon ce test, la compétence exclusive de la Cour fédérale est fonction des trois conditions suivantes[53] :
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
- Ces trois conditions doivent être réunies pour conclure que la Cour fédérale a compétence exclusive pour entendre un recours. À ce sujet, la Cour suprême a souligné[54] :
[34] Dans l’arrêt ITO, notre Cour a jugé qu’une attribution législative de compétence était nécessaire, mais insuffisante, à elle seule, pour conférer à la Cour fédérale compétence dans une affaire donnée. Étant donné que le Parlement a établi la Cour fédérale en application de la compétence que lui reconnaît l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 d’établir « des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada », le rôle de la Cour fédérale se limite constitutionnellement à administrer les « lois du Canada », une expression qui, dans le présent contexte, s’entend des lois fédérales. […]
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
- Une entité peut être qualifiée d’« office fédéral » au sens de la L.C.f. si, premièrement, elle exerce une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale et si, deuxièmement, elle exerce une compétence ou un pouvoir de nature « publique »[55].
- À maintes reprises, la jurisprudence, notamment celle de la Cour d’appel fédérale, a reconnu que la Cour fédérale avait compétence pour entendre une demande de contrôle judiciaire relativement à une décision prise par un conseil de bande[56] lorsque la question en litige est de nature publique et que le pouvoir habilitant découle des « lois du Canada », ce qui inclut la L.I. et les règles coutumières ou les pratiques du Conseil d’une Première Nation[57] :
[27] Il est maintenant bien établi en droit que la Cour a compétence pour entendre les affaires qui découlent de décisions rendues par le chef et le conseil d’une Première Nation lorsque cette question est de nature « publique », peu importe si la décision a été prise en application de la Loi sur les Indiens, d’un règlement interne d’une bande ou de l’application d’une coutume ou d’une pratique de la Première Nation : voir Vollant c Sioui, 2006 CF 487, au paragraphe 25 [Vollant]; Hill c Nation des Onneiouts de la Thames et Clinton Wayne Hill, 2014 CF 796, aux paragraphes 37 et 38 [Hill].
- La notion de « décision » est également interprétée largement dans la jurisprudence. Dans Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, la Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur le libellé de la L.C.f. afin de circonscrire l’étendue des décisions pouvant faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Elle a conclu que tout acte, ordonnance ou procédure, ainsi que l’omission ou le retard à les accomplir ou les exécuter, étaient des décisions rendues par un Conseil de bande au sens du paragraphe 18.1(1) de la L.C.f.[58] :
[24] Le paragraphe 18.1(1) […] de la Loi sur les Cours fédérales énonce qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est « directement touché par l’objet de la demande ». La question qui peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire ne comprend pas seulement une « décision ou ordonnance », mais tout objet susceptible de donner droit à une réparation aux termes de l’article 18 […] de la Loi sur les Cours fédérales. […] Le paragraphe 18.1(3) […] apporte d’autres précisions à ce sujet, indiquant que la Cour peut accorder une réparation à l’égard d’un « acte », de l’omission ou du refus d’accomplir un « acte », ou du retard mis à exécuter un « acte », une « décision », une « ordonnance » et une « procédure ». Enfin, les règles qui régissent les demandes de contrôle judiciaire s’appliquent aux « demandes de contrôle judiciaire de mesures administratives », et non pas aux seules demandes de contrôle judiciaire de « décisions ou ordonnances » […].
[Soulignement ajouté; renvois omis]
- Conformément au paragraphe 18(1) de la L.C.f., la Cour fédérale peut accorder à la partie lésée toute demande ou autre procédure de réparation contre tout office fédéral afin de corriger « tout autre acte » qu’un décideur a accompli ou a refusé d’accomplir[59]. Elle a ainsi compétence pour prononcer une injonction, décerner un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral[60] :
[52] Tous les recours énumérés à l’al. 18(1)a) sont des recours classiques du droit administratif, y compris les quatre brefs de prérogative — certiorari, mandamus, prohibition et quo warranto — et les demandes d’injonction et de jugement déclaratoire en droit administratif. L’article 18 ne prévoit pas l’octroi de dommages-intérêts. L’indemnisation n’est pas possible dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire. De même, on ne peut, dans le cadre d’une action en dommages-intérêts, demander par surcroît un jugement déclaratoire ou une injonction visant à empêcher la mise en œuvre d’une décision administrative prétendument illégale. Pareille demande est du ressort de la Cour fédérale.
B. La seconde étape : l’examen du litige en considérant son contexte
- En se fondant sur l’arrêt TeleZone[61], l’intimé rappelle la compétence inhérente de la Cour supérieure et souligne que celle-ci ne devrait pas décliner compétence à moins d’indications législatives claires qu’un autre tribunal a compétence exclusive en la matière. En l’espèce, fait-il valoir, la Cour fédérale n’a pas compétence exclusive pour entendre leur recours puisque celui-ci ne vise pas des décisions d’un « office fédéral » fondées sur une loi fédérale dans la mesure où l’intervention de l’appelant n’est pas requise aux fins du transfert. Il ajoute que l’appelant « ne détient aucun droit à l’égard du Lot car il n’en est pas propriétaire, il n’a pas adopté de règlement administratif en ce qui le concerne et il n’a pas pris de décision à son sujet à la majorité des conseillers présents à une réunion dûment convoquée »[62]. Il soutient que, dans son essence, son recours n'est donc pas de la nature d’un contrôle judiciaire qui relèverait de la compétence exclusive de la Cour fédérale. Il plaide qu’il vise essentiellement à faire reconnaître ses droits sur le Lot et à exiger leur respect en forçant l’appelant à retirer les clôtures et à cesser certains comportements.
- Le Conseil de bande rétorque qu’il est bien établi par la jurisprudence qu’un conseil de bande est un « office fédéral » au sens de la L.C.f. lorsqu’il prend des décisions en vertu de ses pouvoirs[63]. Il plaide que le recours de l’intimé est, dans son essence, une demande en contrôle judiciaire des décisions du Conseil de bande, considérant que le terme « décision » doit être interprété largement comme incluant tout acte de nature publique de ce dernier. Il découle du dossier que le Conseil de bande ne reconnaît pas que l’intimé puisse s’être fait transférer de gré à gré la « possession » du Lot. Les mises en demeure transmises par des représentants du Conseil de bande ainsi que l’installation des clôtures doivent être considérées comme des « actes » posés par l’appelant afin d’affirmer et d’exercer son pouvoir de gestion des terres conféré par la L.I.
- En tenant compte de l’ensemble des faits allégués par l’intimé, et en appliquant le test élaboré dans ITO-Int'l Terminal Operators, je suis d’avis que le recours entrepris relève de la compétence de la Cour fédérale.
- Le juge de première instance commet une erreur lorsqu’il énonce :
[30] Par sa demande Rock souhaite le maintien de la situation existante, le respect de la coutume établie et la reconnaissance par injonction de ses droits en découlant.
[31] En l’espèce, il ne s’agit pas d’une demande de la nature d’un contrôle judiciaire d’une décision du conseil de bande qui aurait été valablement adoptée et qui pourrait être assortie d’une injonction en vertu de la Loi sur les Cours fédérales.
[32] Tel que mentionné à la déclaration introductive d’instance, le conseil de bande n’a pris aucune décision à la majorité de ses membres en tant qu’office fédéral.
[33] Il nous apparait qu’il ne peut y avoir de contrôle judiciaire en l’absence de décisions valablement adoptées.
[Soulignements ajoutés]
- Pour les motifs qui suivent, j’estime que l’erreur du juge de première instance a eu pour effet de vicier l’ensemble de son raisonnement.
i. La première condition : une attribution de compétence par une loi fédérale doit exister en faveur de la Cour fédérale
- Pour rappel, suivant la première condition de l’arrêt ITO, une attribution de compétence par une loi fédérale doit exister en faveur de la Cour fédérale.
- Dans les circonstances du présent dossier, il s’agit de déterminer si la L.C.f. est attributive de compétence[64] dans la mesure où il est satisfait aux conditions d’application prévues aux articles 18 et 18.1.
- Nul ne conteste que l’appelant soit un office fédéral au sens de cette Loi. La véritable question est de savoir s’il a exercé une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale, en l’occurrence la L.I.
- Afin de trancher cette question, il convient de revenir sur l’essence du recours de l’intimé en examinant certaines des conclusions recherchées dans la demande introductive d’instance en injonction permanente, lesquelles se lisent ainsi :
ORDONNER au défendeur ainsi qu'à ses mandataires, employés, représentants, sous-traitants et/ou toutes personnes sous son contrôle ou son autorité à retirer tous les obstacles, toutes clôtures et/ou toutes autres constructions empêchant l'accès au lot C-001, sis au 25, rue Ashini à Pessamit, dans les dix (10) jours du jugement à intervenir;
ORDONNER au défendeur ainsi qu'à ses mandataires, employés, représentants, sous-traitants et/ou toutes personnes sous son contrôle ou son autorité à remettre en état le lot C-001, sis au 25 rue Ashini à Pessamit, dans les dix (10) jours du jugement à intervenir;
ORDONNER au défendeur ainsi qu'à ses mandataires, employés, représentants, sous-traitants et/ou toutes personnes sous son contrôle ou son autorité de cesser de s'approprier les biens et/ou le matériel situés sur le lot C-001, sis au 25 rue Ashini à Pessamit;
ORDONNER au défendeur ainsi qu'à ses mandataires, employés, représentants, sous-traitants et/ou toutes personnes sous son contrôle ou son autorité de cesser d'empiéter sur le lot C-001, sis au 25, rue Ashini à Pessamit;
[…]
ENTÉRINER et DÉCLARER exécutoire la transaction portant sur le lot C-001, sis au 25, rue Ashini à Pessamit, intervenue le, ou vers le 22 mars 2021 entre les cessionnaires Ludovick Picard et Louis Picard et le demandeur à titre d'acquéreur;
ENTÉRINER les droits d'usage du demandeur sur du lot C-001, sis au 25, rue Ashini à Pessamit;
ENTÉRINER les droits de propriété du demandeur sur les bâtiments existants ou à construire sur le lot C-001, sis au 25, rue Ashini à Pessamit;
AUTORISER les huissiers, pour les fins de l'exécution de l'ordonnance à intervenir, de prendre toutes les mesures nécessaires et/ou utiles pour voir à l'exécution des termes de cette ordonnance;
[Soulignements ajoutés; caractères gras dans l’original]
- Comme on peut le constater, l’intimé souhaite, par les conclusions de sa demande introductive d’instance, faire reconnaître la validité de la transaction intervenue avec les Picard à l’égard d’une terre de réserve puisqu’il demande expressément à la Cour supérieure d’entériner « la transaction », ses « droits d’usage » relatifs au Lot et ses « droits de propriété » par rapport aux bâtiments existants ou ceux à construire, et ce, afin de pouvoir l’opposer à l’appelant.
- Cependant, au-delà de ces conclusions, la demande introductive d’instance et les pièces laissent sous-entendre que l’intimé se considère non seulement comme étant le détenteur d’un droit d’usage, mais également comme étant le possesseur du Lot, et ce, sans égards aux droits et responsabilités de l’appelant reconnus par la L.I.
- En effet, il ne se limite pas à invoquer la coutume en vigueur à Pessamit selon laquelle les droits d’usage peuvent être transférés de gré à gré entre les membres de la bande sans l’intervention du Conseil, il suggère que le seul pouvoir que détient l’appelant « au regard des lots de la réserve, est celui d’accorder, en vertu de l’article 20(1) de la Loi sur les Indiens, la possession d’une terre de réserve à un membre de la bande avec l’approbation du ministre »[65]. En s’inspirant de son interprétation de la décision dans Copeau, il allègue que la pratique de délivrer des certificats de possession « n’existe plus à Pessamit puisque le défendeur ne consent plus à l’émission de certificats de possession, depuis au moins les années 1980, afin de favoriser la gestion collective du territoire »[66].
- Il est possible de déduire du contenu des mises en demeure échangées que le cœur du litige porte sur la possession du Lot et sur le pouvoir de l’appelant, à l’intérieur de son pouvoir de gestion d’une terre de réserve, d’intervenir sur celui-ci afin d’exécuter des travaux qu’il juge nécessaires. C’est donc dire, contrairement à ce que laisse entendre l’intimé, que l’appelant, en affirmant son statut de possesseur du Lot et en indiquant vouloir y réaliser des travaux, exerce les pouvoirs reconnus à un conseil de bande en matière de gestion et d’administration des terres de réserve en vertu de la Loi sur les Indiens[67].
- Or, les actes posés par l’appelant se fondent, non pas sur les règles du Code civil du Québec comme le suggère le juge de première instance, mais à la fois sur la L.I., la coutume et la pratique en vigueur à Pessamit.
- Rappelons que la coutume et la pratique à l’égard d’une terre de réserve sont considérées par la jurisprudence au même titre que les lois fédérales pour déterminer si la Cour fédérale a compétence exclusive pour entendre un recours, ce qui ressort de l’arrêt Shanks c. Première Nation de Salt River no. 195[68] :
[36] La Cour a compétence pour entendre les affaires qui découlent de décisions rendues par le chef et le Conseil lorsque la question en litige est de nature « publique », peu importe si la décision a été prise au titre de la Loi sur les Indiens, d’un règlement interne d’une bande ou de l’application d’une coutume ou d’une pratique de la Première Nation […].
[Caractères gras ajoutés; renvois omis]
- Dans Pelletier, la Cour fédérale rappelle non seulement qu’un conseil de bande jouit de nombreux pouvoirs en matière de gestion de terres de réserve[69], mais qu’il n’est pas déterminant qu’il ait, ou non, pris sa décision en vertu de la L.I. ou d’un règlement puisqu’il ne s’agit que d’une façon parmi d’autres de prendre une « décision »[70] :
[90] Les arguments des demandeurs m’ont convaincu. Je conclus que les décisions peuvent être assujetties à un contrôle judiciaire pour deux raisons. Premièrement, les décisions sont de nature publique; deuxièmement, il a été déterminé qu’un conseil de bande était un office fédéral au sens de la Loi sur les Cours fédérales. Récemment, dans la décision Crowchild c Nation Tsuu T’ina […], le juge Pentney a résumé le droit en la matière au paragraphe 27 :
Il est maintenant bien établi en droit que la Cour a compétence pour entendre les affaires qui découlent de décisions rendues par le chef et le conseil d’une Première Nation, lorsque cette question est de nature « publique », peu importe si la décision a été prise en vertu de la Loi sur les Indiens, d’un règlement interne d’une bande ou de l’application d’une coutume ou d’une pratique de la Première Nation […].
[91] Je peux donc effectuer un contrôle des décisions rendues par le conseil de bande de la [Première Nation de Cowessess].
[Caractères gras ajoutés; renvois omis]
- La première condition de l’arrêt ITO est donc remplie.
ii. La seconde et la troisième condition : une décision ou un acte d’un office fédéral si la question en litige est de nature publique
- Le juge de première instance a conclu que le Conseil de bande n’avait pris aucune décision, et que par conséquent, aucun recours en contrôle judiciaire ne pouvait être exercé contre lui.
- Pour en arriver à cette conclusion, le juge s’est fondé sur les allégations suivantes de la demande introductive d’instance qu’il a tenues pour avérées :
19. Aucune décision ni résolution du défendeur, prise à la majorité des conseillers élus, lors d’une réunion dûment convoquée, n’a autorisé Me Marie‑Christine Gagnon à faire parvenir la mise en demeure, datée du 21 avril 2021;
[…]
32. Aucune décision ni résolution du défendeur, prise à la majorité des conseillers élus, lors d’une réunion dûment convoquée, n’a autorisé la cheffe du défendeur, Mme Marielle Vachon, à faire parvenir la mise en demeure au demandeur datée du 17 avril 2023;
[…]
46. Aucune décision ni résolution du Conseil, prise à la majorité des conseillers élus, lors d’une réunion dûment convoquée, n’a été adoptée par le défendeur pour autoriser les communications et l’ensemble des actions posées à l’égard du Lot;
- Avec égards, le juge a erré en croyant devoir tenir pour avérée l’allégation de l’intimé selon laquelle aucune « décision » ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire en l’espèce. Il se devait de regarder l’ensemble du contexte révélé par le dossier.
- En effet, les notions de « décision » et de « contrôle judiciaire » sur lesquelles se fonde le juge sont trop étroites. Comme mentionné précédemment, la jurisprudence établit que l’application des articles 18 et 18.1(1) de la L.C.f. n’est pas limitée aux seules « décisions », mais s’étend également à tout autre acte d’un office fédéral et que l’exercice de la compétence prévue à l’article 18 n’est pas subordonné à l’existence d’une décision ou d’une ordonnance[71].
- Puisque l’intimé s’en prend à l’ensemble des actions posées à l’égard du Lot par l’appelant, il faut aussi tenir compte du fait que le Conseil de bande a clairement indiqué que l’intimé ne détenait pas de droit de possession sur le Lot, et que l’appelant en conservait le pouvoir de gestion, ce qu’il a manifesté en procédant à l’installation de clôtures autour du Lot. Il s’agit là, en effet, d’un acte accompli par le Conseil de bande dont la validité est remise en question par l’intimé[72].
- Selon l’appelant, la mise en demeure envoyée par Me Gagnon pour le Conseil de bande[73], la mise en demeure transmise par la cheffe du Conseil de bande[74] et la lettre du Conseil de bande enjoignant à l’intimé de déplacer les biens se trouvant sur le Lot[75] ne sont pas des décisions valides adoptées par le Conseil de bande. Il allègue que « tant la Loi sur les Indiens que la résolution du défendeur no 085-2013-036, adoptée le 19 juin 2013, exigent que les décisions du défendeur soient adoptées à la majorité des élus lors d'une réunion dûment convoquée pour qu'elle soit valide »[76].
- Il est acquis que la compétence de la Cour fédérale s’étend également aux actes des chefs et conseillers individuels agissant, ou prétendant agir, en leur qualité officielle en vertu de la Loi sur les Indiens[77] :
[29] The Federal Court of Appeal and this Court have held on numerous occasions that the Federal Court has jurisdiction to review decisions of a First Nation council where the issue is over a matter that is “public” in nature, and where a source of the jurisdiction or power originates from an Act of Parliament such as the Indian Act, including where the power also involves the application of Indigenous law, custom or practice of the First Nation. As such, First Nation councils and bodies created by them or by First Nations as a whole (through custom or otherwise), such as election appeal tribunals or election committees, have historically been recognized as a “federal board, commission or other tribunal” for the purposes of the FC Act when making decisions under those powers. The Court’s jurisdiction also extends to the individual Chief and councillors acting, or purporting to act, in their official capacity under those powers […].
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
- Les actes et décisions qui ne sont pas validement adoptés par un Conseil de bande ou son chef n’en sont pas moins susceptibles de contrôle judiciaire. C’est le propre de ce type de recours que de contrôler l’illégalité d’une décision ou d’un acte posé par l’autorité publique. C’est d’ailleurs pourquoi, contrairement au juge de première instance qui a écarté succinctement l’application de Tremblay c. Conseil de la première nation Malécite de Viger[78], j’estime que cet arrêt est pertinent en l’espèce :
[22] Lorsqu’on examine les faits dans une vue conforme aux documents déposés par Tremblay, on constate qu’il ne s’agit plus d’une simple revendication de biens par un propriétaire qui en aurait été dépossédé par un tiers sans aucune apparence de droit.
[23] Tout au contraire, le Conseil de bande prétend agir dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus par la Loi sur les [I]ndiens, notamment les articles 20, 29 et 81.
[24] Le Conseil de bande a-t-il outrepassé des pouvoirs que lui reconnaît sa loi constitutive? Telle sera la question que la Cour sera appelée à trancher. Pour ce faire, elle aura à examiner les pouvoirs d’un « Office fédéral » et à déterminer s’il a agi conformément à la loi et aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle.
[25] En conséquence, et malgré les apparences qui se dégagent de la déclaration, Tremblay exerce réellement une demande de réparation au sens de l’article 18(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale, réparation qui s’apparente aux recours extraordinaires mentionnés au paragraphe a) du même article.
[Soulignements dans l’original; caractères gras ajoutés]
- Avec égards, le juge a erré en concluant que le Conseil de bande, son chef et ses officiers, n’ont pris aucune décision ni posé un ou plusieurs actes révisables dans le contexte du présent dossier.
- La conclusion de la demande introductive d’instance de l’intimé recherchant une ordonnance de la Cour supérieure entérinant et déclarant exécutoire le transfert allégué de la possession du Lot est, dans son essence, une demande visant à contrôler judiciairement l’exercice du pouvoir de gestion des terres de réserve sous la responsabilité de l’appelant.
- En somme, le juge devait constater que la L.I. était centrale au litige et que, même si le juge du fond devait conclure que c’est la coutume qui s’applique à ce type de transfert à Pessamit, cela ne pouvait écarter la compétence exclusive de la Cour fédérale pour se saisir de l’affaire, la coutume étant aussi considérée, au sens de l’article 18 de la L.C.f., comme une « loi fédérale »[79], particulièrement lorsqu’elle porte sur une terre de réserve.
- Enfin, les actes du Conseil de bande manifestant son refus de reconnaître un transfert de la possession du Lot qui serait non conforme à la L.I. constituent une décision de nature publique[80]. Bien que celle-ci entraîne des répercussions sur un nombre restreint de personnes, ce critère n’est pas déterminant[81]. En effet, afin de décider si une décision est de nature publique, il faut évaluer si l’appelant « exerce […] un pouvoir central à la mission administrative que lui a attribuée le législateur »[82]. Il s’agit bel et bien de l’exercice d’un pouvoir de cette nature en l’espèce.
- Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que le moyen déclinatoire est bien‑fondé et je suggère à la Cour d’accueillir le pourvoi avec les frais de justice.
[1] Rock c. Conseil de Bande de Pessamit, 2024 QCCS 1322 [Jugement entrepris].
[2] Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.
[4] Pièce P-3, Documents portant sur le transfert entre Louis et Ludovick Picard et John Rock portant sur le 25, rue Ashini à Pessamit, datés du 23 et 24 mars 2021; Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[5] Déclarations sous serment de M. John Rock, de M. Ludovick Picard, de M. Louis Picard et de M. Jean‑Marie Vollant.
[6] Pièce P-3, supra, note 4. Selon l’intimé, la vente a eu lieu le 24 mars 2021 : Pièce P-6, Réponse du procureur du demandeur, datée du 28 avril 2021, à la mise en demeure du 20 avril 2021 […].
[7] On peut voir cette signature au bas de la Pièce P-3, supra, note 4 et de la Pièce P-4, Correspondance envoyée au Conseil de bande de Pessamit par John Rock, datée du 22 mars 2021 […].
[8] Déclaration sous serment de Jean-Marie Vollant, paragr. 23.
[9] Pièce P-5, Mise en demeure de Me Marie-Christine Gagnon concernant le transfert du lot sis au 25, rue Ashini à Pessamit, datée du 20 avril 2021.
[10] Pièce P-6, supra, note 6; Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[11] Pièce P-6, supra, note 6.
[12] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[13] Devenu, depuis, les ministères Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ainsi que Services aux Autochtones Canada.
[14] Pièce P-3, supra, note 4.
[15] Pièce P-6, supra, note 6.
[16] Pièce P-3, supra, note 4.
[17] La lettre n’est pas au dossier d’appel, mais elle est évoquée par l’intimé, voir : Pièce P-6, […] Correspondance datée du 18 juillet 2022 concernant la validité du transfert du lot sis au 25, rue Ashini à Pessamit.
[18] Pièce P-6, […] Correspondance datée du 18 juillet 2022 concernant la validité du transfert du lot sis au 25, rue Ashini à Pessamit.
[19] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[20] Pièce P-7, Mise en demeure du Conseil de bande de Pessamit envoyée à John Rock concernant le lot sis au 25, rue Ashini à Pessamit, datée du 17 avril 2023; Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[21] Pièce P-8, Réponse de John Rock à la mise en demeure du Conseil de bande de Pessamit du 17 avril 2023 concernant le lot sis au 25, rue Ashini à Pessamit […]; Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[22] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023; Pièce P-12, Photographies du lot au 25, rue Ashini à Pessamit prises le 1er mai 2023.
[23] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[24] Pièce P-10, Correspondance du Conseil de bande de Pessamit envoyée à John Rock relativement aux biens situés sur le lot sis au 25, rue Ashini à Pessamit, revue le 6 octobre 2023; Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[25] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023.
[26] Jugement entrepris, paragr. 16 et 40.
[29] ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752. Ce test a ensuite été repris dans l’arrêt Windsor (City) c. Canadian Transit Co., 2016 CSC 54.
[30] Jugement entrepris, paragr. 14 citant Windsor (City) c. Canadian Transit Co., supra, note 29.
[31] Jugement entrepris, paragr. 18 citant Fruits de mer Lagoon inc. c. Réfrigération, plomberie & chauffage Longueuil inc. (Zero-C), 2016 QCCS 1647, paragr. 30 et 33. Voir aussi : Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec c. D.B., 2019 QCCA 459, paragr. 29; Emerging Artists Research and Rating Service Inc. (Copyright Depository Inc.) c. Canada Post Corporation, 2012 QCCA 1116, paragr. 15; 155030 Canada inc. (Family Games) c. Gigamic, s.a.r.l., 2009 QCCA 522, paragr. 3; Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Conseils taxes inc., 2005 QCCA 888, paragr. 21; Gestion M.P.F. inc. c. 9024-3247 Québec inc., J.E. 97-1706, 1997 CanLII 9063, paragr. 39 (C.S.), appel rejeté par Philip Environmental Corporation c. Gestion M.P.F. inc., 1998 CanLII 10464 (C.A.).
[32] Jugement entrepris, paragr. 19.
[34] Id., paragr. 22-24 et 26-27.
[35] Id., paragr. 26. Voir : Copeau c. Canada (Procureur général), 2021 CF 325.
[36] Jugement entrepris, paragr. 28-29.
[39] Affidavit de M. Jean-Marie Vollant, 4 juillet 2023.
[40] Jugement entrepris, paragr. 35.
[43] Première Nation de Key c. Lavallée, 2021 CAF 123, paragr. 34-35; Zaghbib c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 182, paragr. 30; May c. CBC/Radio Canada, 2011 CAF 130, paragr. 10; Besse c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 1003, paragr. 70.
[44] Copeau c. Canada (Procureur général), supra, note 35, paragr. 25.
[45] Digiulian c. Greene (Succession de Digiulian), 2023 QCCA 274, paragr. 18; Pinard c. Laplante, 2022 QCCA 1119, paragr. 16; Association des intervenants en dépendance du Québec c. Villeneuve, 2021 QCCA 1763, paragr. 40, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 juillet 2022, no 40037.
[46] MC Commercial inc. c. Collerette, 2020 QCCA 305, paragr. 1, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 10 décembre 2020, no 39148 citant Parisien c. Hôtel du Lac Tremblant inc., 2018 QCCA 2217, paragr. 5-6. Voir aussi : Conseil de bande de Pessamit c. Rock, 2024 QCCA 1532, paragr. 30.
[47] Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, paragr. 78. Voir aussi : Canada (Procureur général) c. British Columbia Investment Management Corp., 2019 CSC 63, paragr. 36 citant Windsor (City) c. Canadian Transit Co., supra, note 29, paragr. 25‑27.
[48] Canada c. Domtar Inc., 2009 CAF 218, paragr. 28 citant Canada c. Roitman, 2006 CAF 266, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 décembre 2006, no 31634. Voir aussi : Stephkan Holdings Inc. c. Agence du revenu du Canada, 2013 QCCA 1651, paragr. 8.
[49] Tremblay c. Conseil de la première nation Malécite de Viger, J.E. 2001-135, 2000 CanLII 11377, paragr. 19 (C.A.).
[50] Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929.
[51] Id., paragr. 57 et 67. Voir aussi : Procureur général du Québec c. Groleau, 2022 QCCA 545, paragr. 22‑23, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 16 mars 2023, no 40264.
[52] ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, supra, note 29.
[54] Windsor (City) c. Canadian Transit Co., supra, note 29, paragr. 34.
[55] Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, 2018 CSC 26, paragr. 14.
[56] Pour la qualification d’un conseil de bande, voir : Air Liaison inc. c. Conseil des innus de Unamen Shipu, 2014 QCCS 2299, paragr. 25. Au même effet, voir aussi : Horseman c. Première Nation de Horse Lake, 2013 CAF 159, paragr. 6; Felix Sr. c. Sturgeon Lake First Nation, 2011 CF 1139, paragr. 15; Pitawanakwat c. Service de police tribale de Wikwemikong, 2010 CF 917, paragr. 26.
[57] Crowchild c. Nation Tsuut’ina, 2017 CF 861, paragr. 27. Voir au même effet : Bellegarde v. Carry the Kettle First Nation, 2024 FC 699, paragr. 29 et 58; Pelletier c. Delorme, 2019 CF 1487, paragr. 90.
[58] Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347, paragr. 24. Voir aussi : Première Nation de Key c. Lavallée, supra, note 43, paragr. 34; Zaghbib c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), supra, note 43, paragr. 30.
[59] Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, supra, note 58, paragr. 24.
[60] Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., supra, note 47, paragr. 52. Voir aussi : Première Nation de Key c. Lavallée, supra, note 43, paragr. 34; Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, supra, note 58, paragr. 24; Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476, 1999 CanLII 9338 (C.A.F.).
[61] Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., supra, note 47.
[62] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023, paragr. 87.
[63] Bellegarde v. Carry the Kettle First Nation, supra, note 57, paragr. 29.
[64] Première Nation Pasqua c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 133, paragr. 68, demandes d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetées, 22 décembre 2026, no 37084.
[65] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023, paragr. 62.
[67] Derrickson c. Derrickson, [1986] 1 R.C.S. 285, p. 296; Pelletier c. Delorme, supra, note 57, paragr. 116‑121; Kaquitts v. Council of the Chiniki First Nation, 2019 FC 498, paragr. 17 in fine; Jimmie c. Conseil de la Première Nation Squiala, 2018 CF 190, paragr. 44; Parker c. Conseil de la bande indienne d’Okanagan, 2010 CF 1218, paragr. 38, 43 et 46.
[68] Shanks c. Première Nation de Salt River no. 195, 2023 CF 690, paragr. 36.
[69] Pelletier c. Delorme, supra, note 57, paragr. 116-121.
[71] Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, supra, note 58, paragr. 24.
[73] Pièce P-5, supra, note 9.
[74] Pièce P-7, supra, note 20.
[75] Pièce P-10, supra, note 24.
[76] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance pour injonction interlocutoire et permanente, datée du 23 octobre 2023, paragr. 47.
[77] Bellegarde v. Carry the Kettle First Nation, supra, note 57, paragr. 29. Voir aussi : Loi sur les Cours fédérales, supra, note 2, paragr. 2(1) « office fédéral ».
[78] Tremblay c. Conseil de la première nation Malécite de Viger, supra, note 49, paragr. 22-26.
[79] Shanks c. Première Nation de Salt River no. 195, supra, note 68, paragr. 36. Voir, au même effet : Bellegarde v. Carry the Kettle First Nation, supra, note 57, paragr. 29; Marie-Jewell v. Salt River First Nation #195, 2024 FC 192, paragr. 24.
[80] Voir, par analogie : Hill c. Nation des Onneiouts de la Thames et Clinton Wayne Hill, 2014 CF 796, paragr. 37-38.
[81] Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, supra, note 55, paragr. 20 a contrario : « Le simple fait qu’une décision ait des répercussions sur un large segment du public n’a pas pour effet de conférer à cette décision un caractère “public” au sens du droit administratif ».
[82] Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, supra, note 58, paragr. 52 cité avec approbation par Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, supra, note 55, paragr. 14.