Chowieri (Sam Chowieri Family Trust) c. Ville de Gatineau |
2021 QCCS 2257 |
COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
Gatineau |
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N° : |
550-17-009903-178
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DATE : |
Le 3 juin 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MARIE-JOSÉE BÉDARD, J.C.S. |
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SAMIR CHOWIERI, ès qualités de fiduciaire de The Sam Chowieri Family Trust et LISE CHARTRAND, ès qualités de fiduciaire de The Sam Chowieri Family Trust et DENIS DAOUST, ès qualités de fiduciaire de The Sam Chowieri Family Trust et KATHERINE CHOWIERI et SAMANTHA CHOWIERI et TANYA CHOWIERI et SAMIR CHOWIERI, ès qualités de fiduciaire de The Katherine Chowieri Family Trust et SAMIR CHOWIERI, ès qualités de fiduciaire de The Tanya Chowieri Family Trust et SAMIR CHOWIERI, ès qualités de fiduciaire de The Samantha Chowieri Family Trust
Demandeurs
c.
VILLE DE GATINEAU
Défenderesse |
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JUGEMENT (jugement déclaratoire) |
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[1] Les demandeurs demandent au Tribunal de déclarer qu’ils peuvent bénéficier d’une exonération du paiement du droit de mutation suite à une transaction immobilière.
APERÇU
[2] Le litige survient dans le contexte factuel suivant, lequel n’est pas contesté.
[3] Le 6 avril 1991, Samir Chowieri établit une fiducie familiale « The Sam Showieri Family Trust » (« la Fiducie ») au bénéfice de ses trois filles : Katherine, Samantha et Tanya.
[4] La Fiducie a trois fiduciaires : Samir Chowieri, Lise Chartrand et Denis Daoust.
[5] Le 13 décembre 1994, Samir Showieri vend à la Fiducie un immeuble composé d’une série de lots[1] pour un montant de 8 071 046 $. Lesdits lots sont ensuite regroupés le 11 février 1999 et deviennent le [1] du cadastre du Québec.
[6] Le 23 juillet 2000, la Fiducie acquiert de la Société en commandite de la Résidence de l’Ile un immeuble désigné comme étant le lot [2] du cadastre du Québec pour un montant de 1$. Il s’agit d’un terrain vacant qui est adjacent au [1].
[7] Le 2 mai 2001, Samir Chowieri, Lise Chartrand et Denis Daoust en leur capacité de fiduciaires de la Fiducie acquièrent de la Société municipale d’habitation Asticou un immeuble qui est également adjacent au [1], soit le lot [3] du cadastre du Québec. La vente est faite pour 50 000 $.
[8] En 2002, la Fiducie veut construire un complexe d’hébergement pour personnes âgées sur ces immeubles. Le règlement concernant les permis de la ville de Hull qui s’applique à l’époque[2] prévoit qu’une demande de permis de construire est refusée si « le terrain sur lequel doit être érigée chaque construction projetée, y compris les dépendances, ne forme pas un lot identifié sur les plans officiels du cadastre ».
[9] La Fiducie procède donc à une opération cadastrale pour se conformer à la réglementation municipale en regroupant les lots [4], [2] et [3] pour former, à compter du 6 juin 2002, le nouveau lot [5].
[10] Le 13 avril 2012, la Fiducie transfère les biens qui sont dans son patrimoine à ses trois bénéficiaires, notamment pour éviter l’impact fiscal lié à la disposition présumée de ses biens en immobilisation à son 21e anniversaire. L’acte de distribution intervient devant notaire entre les trois fiduciaires et les trois bénéficiaires et prévoit le transfert du lot [5]. Ce transfert ne sera publié au registre foncier qu’en 2019, mais il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les raisons de ce délai pour régler le sort de la présente demande.
[11] Les demandeurs prétendent que ce transfert doit bénéficier, en tout ou en partie, de l’exonération prévu à l’article 20 e.1) de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières[3] [LDMI]. La ville de Gatineau prétend que le transfert ne respecte pas les conditions requises pour bénéficier de l’exonération invoquée.
[12] Une exonération était également réclamée à l’égard de transferts subséquents entre les bénéficiaires et leurs propres fiducies, mais ce volet n’est plus en litige.
ANALYSE
[13]
L’exonération réclamée est fondée sur l’article
20. Il y a exonération du paiement du droit de mutation dans les cas suivants :
[…]
e.1) l’acte est relatif au transfert d’un immeuble par une fiducie à la personne physique au bénéfice de laquelle la fiducie est établie, lorsque cette personne et celle qui a cédé l’immeuble à la fiducie sont la même personne ou des personnes liées entre elles au sens du paragraphe d).
[14] Le paragraphe 20d) de la LDMI renvoie aux personnes liées suivantes :
L’acte est relatif au transfert d’un immeuble en ligne directe, ascendante ou descendante, entre conjoints ou à un cessionnaire qui est le conjoint du fils, de la fille, du père ou de la mère du cédant ou qui est le fils, la fille, le père ou la mère du conjoint du cédant;
[15] Pour bénéficier de l’exonération, trois conditions doivent être remplies :
Ø l’acte doit être relatif au transfert d’un immeuble;
Ø le transfert doit être fait de la fiducie à la personne physique bénéficiaire de la fiducie; et
Ø cette personne physique bénéficiaire doit être la même que la personne qui a cédé l’immeuble à la fiducie ou en être une personne liée.
[16] La Ville reconnaît que les deux premières conditions sont remplies : (1) l’acte est relatif au transfert d’un immeuble et (2) le transfert est fait de la Fiducie aux personnes au bénéfice desquelles la fiducie a été établie, soit les trois filles de Samir Chowieri.
[17] La question que doit trancher le Tribunal concerne la troisième condition qui exige que la personne bénéficiaire et celle qui a cédé l’immeuble à la fiducie soit la même personne ou des personnes liées.
[18] Pour trancher cette question, il faut examiner qui a cédé l’immeuble à la Fiducie. Or, comme le lot 1 555 805 est le fruit d’un regroupement de trois lots qui a précédé le transfert, il faut examiner qui a cédé ces anciens lots à la Fiducie :
Ø Le [1] a été cédé à la Fiducie par Samir Chowieri;
Ø Le lot 1 288 942 a été cédé à la Fiducie par la Société en commandite de la résidence de l’Ile;
Ø Le lot [3] a été cédé à la Fiducie par la Société municipale d’habitation Asticou.
[19] Les parties reconnaissent que la superficie du lot [5] est de 6 636,1 m2 et que les anciens lots dont il est issu représentent les proportions suivantes de sa superficie totale:
[1]: 89,52% du lot [5]
Lot [2]: 2,31% du lot [5]
Lot [3] : 8,17% du lot [5].
[20] Il n’est pas contesté que seul le transfert de l’ancien [1] remplit la troisième condition exigée pour bénéficier de l’exonération puisque seul Samir Chowieri est une personne liée aux bénéficiaires de la Fiducie. La Société en commandite d’habitation de la résidence de l’Île et la Société municipale d’habitation Asticou ne sont pas des personnes liées aux bénéficiaires.
1. Position des parties
1.1 Les demandeurs
[21]
Les demandeurs allèguent que l’on doit faire une distinction entre un
lot et un immeuble et retenir que bien qu’il existe maintenant un seul lot à la
suite de l’opération cadastrale de 2002 (le lot [5]), il s’agit encore de trois
immeubles distincts qui correspondent aux anciens lots. Les demandeurs
suggèrent que la notion de lot est prévue au Code civil du Québec uniquement
pour les fins de l’organisation cadastrale et que plusieurs immeubles peuvent
être désignés comme étant un seul lot, comme le prévoit l’article
[22] Ils soulignent que le regroupement des lots a été fait en 2002 uniquement pour respecter le règlement concernant l’émission des permis de construction de la Ville qui exigeait que la construction soit faite sur un lot unique. Cette condition devait être respectée pour permettre à la Fiducie de réaliser son projet de construction d’une résidence pour personnes âgées.
[23] Pour déterminer la base de taxation, les demandeurs proposent d’examiner la situation des lots [4], [2] et [3], telle qu’elle existait avant le regroupement. Ils avancent que comme le [1] représente 89,52% de la superficie du nouveau lot, c’est ce dernier qui doit être retenu pour déterminer l’assujettissement au droit de mutation. Les demandeurs arguent qu’il serait injuste de leur faire perdre le droit à l’exonération alors que seuls les transferts des deux immeubles dont la superficie totale n’équivaut qu’à 10,48% de la superficie totale du nouveau lot n’auraient pu bénéficier de l’exonération lors de leur cession à la Fiducie.
[24] À titre subsidiaire, les demandeurs allèguent que le transfert devrait à tout le moins bénéficier d’une exonération partielle correspondant à la valeur de l’ancien [1] puisque le transfert de cet immeuble respecte les conditions requises pour bénéficier de l’exemption. Ainsi, l’assiette fiscale serait calculée sur la valeur combinée des anciens lots [2] et [3].
[25] Les demandeurs avancent qu’en procédant à une taxation partielle, l’objectif du législateur est respecté puisque Samir Chowieri a acquitté les droits de mutation lorsqu’il a acquis les parties de lots qui sont devenues le lot 288 048 et que le but de l’exonération est d’éviter une double taxation lorsque le transfert subséquent d’un immeuble est fait entre parties liées.
[26] Les demandeurs invoquent donc qu’il serait injuste de permettre à la Ville de percevoir un droit de mutation sur la totalité de la valeur du lot [5] sans prendre en considération l’historique des transactions et les circonstances particulières de la présente affaire.
1.2 La Ville
[27] La Ville adopte une position complètement différente.
[28] Elle invoque que son obligation de percevoir les droits de mutation lors de transferts d’immeubles sur son territoire doit s’apprécier à la lumière du transfert tel qu’il a été fait et que pour bénéficier d’une exemption, un contribuable doit respecter toutes les exigences prévues à l’article 201.e) de la LDMI.
[29] La Ville reconnaît que pour déterminer si le transfert du 13 avril 2012 peut être exonéré du droit de mutation, il faut examiner les transferts des anciens lots à la Fiducie. Elle soumet que pour pouvoir bénéficier de l’exonération, tous les cédants doivent être des personnes physiques liées aux bénéficiaires de la Fiducie.
[30] Or, seul l’ancien [1] a été cédé à la Fiducie par Samir Chowieri qui est une personne liée aux bénéficiaires. Ainsi, comme les deux autres transferts n’ont pas été faits par des personnes liées aux bénéficiaires, le transfert du 13 avril 2012 est assujetti à la perception d’un droit de mutation.
[31]
La Ville allègue que pour retenir la proposition principale des
demandeurs, il faut traiter le transfert du 13 avril 2012 comme s’il portait
sur trois lots distincts (les trois anciens lots) et ne retenir que celui qui
concerne le [1]. Procéder ainsi équivaudrait à ajouter au texte de l’article
[32] La Ville rejette également la proposition de taxation partielle pour les mêmes raisons. Elle soumet que les anciens lots n’existent plus depuis 2002. Lors de leur regroupement, les anciens lots ont cessé d’exister tant au registre foncier qu’au rôle d’évaluation. Le lot [5] correspond à une unité d’évaluation depuis 2002 et il n’est pas possible, 10 ans plus tard, de le morceler et de répartir sa valeur entre les anciens lots.
[33] La Ville souligne d’ailleurs que des modifications importantes sont survenues depuis le regroupement et que la valeur du lot [5] inscrite au rôle d’évaluation foncière a plus de triplé.
1.3 Discussion
[34]
L’article
[35] La situation doit être appréciée en considérant le but principal de la LDMI qui vise à générer des revenus pour les municipalités lors des transferts d’immeubles sur leur territoire. L’objet de la LDMI concerne donc l’imposition par les municipalités d’un droit de mutation sur les transferts d’immeubles sur leur territoire[4]. Il est utile de noter que les municipalités ont l’obligation de percevoir un droit de mutation lors des transferts d’immeubles sur leur territoire.
[36] Le principe général est donc la taxation alors que les exonérations en sont des exceptions décrétées par le législateur dans des circonstances particulières, notamment dans le but d’éviter une double taxation pour le même immeuble lors d’un transfert entre les mêmes parties ou entre parties liées. Les exonérations doivent donc s’interpréter de façon restrictive[5] et toutes les conditions qui y sont prévues doivent être remplies pour en bénéficier.
[37] Dans Carrière Saint-Eustache c. Boisbriand (Ville de)[6], la Cour d’appel a rappelé comme suit l’approche moderne d’interprétation des lois qui s’applique même à l’égard d’une loi de nature fiscale comme la LDMI :
[32] L’appelante adopte une interprétation rigide de la Loi qui n’est pas justifiée. Suivant l’approche moderne d’interprétation des lois, « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[6]. La règle demeure, même lorsque la Loi s’apparente aux lois fiscales[7]. Empruntant les mots de la Cour suprême, on peut dire que « si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposition fiscale, il sera assujetti… » à la disposition[8]. Ce n’est que s'il subsiste un doute sérieux qu’on interprète la disposition en faveur du contribuable[9]. Or, dans le cas sous étude, il n’y a pas de tel doute.
[Emphase ajoutée]
[38] En l’espèce et comme le reconnaît la Ville, les deux premières conditions pour bénéficier de l’exonération sont remplies : le transfert de l’immeuble est fait par la Fiducie aux personnes physiques au bénéfice desquelles elle a été établie. La troisième condition exige que le bénéficiaire cessionnaire soit la même personne physique qui a cédé l’immeuble à la fiducie ou qu’elle en soit une personne liée.
[39] Ainsi, pour vérifier si le transfert du lot [5] de la Fiducie à ses bénéficiaires peut bénéficier de l’exonération, il faut examiner qui a cédé cet immeuble à la Fiducie et comme ce lot est issu d’un regroupement de trois lots, il faut examiner les actes d’acquisition de chacun des anciens lots.
[40] Le seul des anciens lots qui a été cédé à la Fiducie par une personne liée aux bénéficiaires est le [1]. Le lot [2] a été cédé à la Fiducie par la Société en commandite de la Résidence de l’Ile alors que le lot [3] a été cédé par la Société municipale d’habitation Asticou. Le Tribunal est d’avis que c’est uniquement si les trois lots avaient été cédés à la Fiducie par des personnes liées aux bénéficiaires que l’exonération aurait été applicable suite au transfert réalisé le 13 avril 2012.
[41] Pour retenir la proposition des demandeurs, il faut ignorer le transfert à la Fiducie de deux des trois lots qui ont ensuite été regroupés. Le fait que le [1] représente presque 90% de la superficie du lot [5] n’y change rien.
[42] Si le législateur avait souhaité que dans les cas de lots issus de regroupements, certains transferts puissent être ignorés au bénéfice de celui concernant l’ancien lot ayant la superficie la plus importante, il l’aurait prévu de façon expresse. La proposition des demandeurs requiert de morceler le lot [5] de façon fictive, pour ne retenir que la situation de l’ancien lot [6] comme assiette de taxation au motif qu’elle représente la portion ayant la superficie la plus importante du lot [7]. Avec égards, cette gymnastique ajoute au texte de la LDMI.
[43] La proposition de taxation partielle avancée par les demandeurs n’est pas non plus retenue.
[44]
Les demandeurs invoquent la distinction entre « lot » et « immeuble »
et proposent que bien que le lot [5] soit un lot unique, il regroupe toujours
trois immeubles qui peuvent être traités distinctement aux fins de perception
d’un droit de mutation. Ils appuient leur position sur l’article
[45]
Il est utile de citer les articles
3030. À moins qu’il ne porte sur un immeuble situé en territoire non cadastré, aucun droit de propriété ne peut être publié au registre foncier si l’immeuble visé n’est pas identifié par un numéro de lot distinct au cadastre.
[…]
3032. Dès le jour de l’entrée en vigueur d’un plan cadastral, le numéro donné à un lot est sa seule désignation et suffit dans tout document qui y fait référence.
Lorsque le droit à publier porte sur un immeuble formé de plusieurs lots entiers, chacun des lots doit être individuellement désigné.
3033. Dès l’entrée en vigueur du plan cadastral, toute personne qui rédige un acte soumis ou admis à la publicité est tenue de désigner les immeubles par le numéro qui leur est attribué au plan.
[…]
[46]
Ces articles imposent une règle de désignation des lots selon leur
numéro d’attribution au cadastre, notamment lorsqu’ils sont publiés sur le
registre foncier. Le fait qu’un immeuble puisse être composé de plusieurs lots
n’a pas d’incidence sur la présente affaire puisqu’en l’espèce, au moment du
transfert le 13 avril 2012, il n’existe qu’un seul lot au plan cadastral. Le
transfert concerne un immeuble composé d’un seul lot, soit le lot [5].
L’article
[47] On ne peut ignorer l’opération cadastrale survenue en 2002 qui a mené à la création du lot [5] et à la disparition des trois anciens lots. L’acte de distribution du 13 avril 2012 renvoie d’ailleurs au lot [5] et non aux anciens lots.
[48]
De plus, lors de cette opération réalisée pour permettre le
développement du projet de résidence pour personnes âgées de la Fiducie, le lot
[5] est devenu une seule unité d’évaluation inscrite au rôle d’évaluation
foncière de la Ville. L’article
1.1
Pour l’application de la présente loi, lorsqu’un immeuble constitue, au moment
de son transfert, une unité d'évaluation ou une partie d’une telle unité dont
la valeur est distinctement inscrite au rôle, sa valeur marchande est le
produit que l’on obtient en multipliant la valeur inscrite au rôle de l’unité
ou de sa partie correspondant à l’immeuble décès, selon le cas, par le facteur
du rôle établi conformément à l’article
[49]
L’article
[50] Il n’est pas possible, sans ajouter au texte de la LDMI, de morceler la valeur de lot [5] et de la répartir entre des parties de lots correspondant aux anciens lots qui n’ont plus d’existence légale depuis 10 ans. La position des demandeurs équivaut à traiter le transfert du 13 avril 2012 comme s’il portait sur trois lots distincts qui n’existent plus et qui ne sont plus inscrits au rôle d’évaluation foncière depuis 10 ans.
[51] Un peu comme dans l’affaire Productions Merveilles inc. c. Montréal (Ville de)[7], les demandeurs proposent une interprétation de la LDMI qui va au-delà des termes de la loi et qui demande que le Tribunal crée une nouvelle catégorie d’exonération. Dans Laval (Ville de) c. Polyclinique médicale Fabreville, s.e.c.[8], la Cour d’appel a précisé qu’il n’appartient pas aux tribunaux de créer des exonérations non prévues à la LDMI, et ce, même dans les cas qui ne représentent pas un changement significatif de patrimoine. Il est utile de citer l’extrait suivant de l’arrêt :
[27] Cet extrait a souvent été utilisé pour accorder des exonérations, non spécifiquement prévues par la Loi, au motif que le transfert en cause n'impliquait pas un changement significatif de patrimoine[4].
[28] La seule portée du passage cité ci-dessus est de souligner que les exemptions énumérées à l'article 19 de la Loi sont des cas où il n'y a pas un changement significatif de patrimoine. Il n'a pas pour effet de créer une règle d'intervention chaque fois qu'un cas non prévu par cet article en est un où il n'y a pas un changement significatif de patrimoine.
[29] Malgré toute la sympathie que peut engendrer la situation des intimées, il ne relève pas des tribunaux de légiférer. Si le législateur considère que les exonérations énumérées à l'article 19 de la Loi devraient être élargies, il lui appartient d'agir.
[52]
Si les transferts des anciens lots de la Fiducie à ses bénéficiaires
avaient été faits avant leur regroupement, ils auraient été traités
distinctement et le [1] aurait bénéficié de l’exonération en vertu de l’article
[53] Samir Chowieri aurait également pu éviter la présente situation s’il avait d’abord acquis lui-même les lots [2] et [3] pour ensuite les céder à la Fiducie. Dès lors, le transfert du lot [5] aux bénéficiaires de la Fiducie aurait pu être exonéré puisque les anciens lots auraient tous été transférés à la Fiducie par Samir Chowieri.
[54] Le Tribunal doit toutefois examiner la situation telle qu’elle existe au moment du transfert le 13 avril 2012, et en matière de taxation, il est bien établi que le Tribunal doit tenir compte de ce que le contribuable a fait et non de ce qu’il aurait pu faire.[9]
[55] POUR TOUT CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[56] DÉCLARE que l’acte de distribution de la Fiducie à ses bénéficiaires intervenu le 13 avril 2012 devant le notaire Marc Trépanier sous le numéro 12 203 de ses minutes ne bénéficie pas d’une exonération en vertu de la LDMI et est assujetti à la perception d’un droit de mutation;
[57] LE TOUT avec frais de justice en faveur de la Ville.
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MARIE-JOSÉE BÉDARD, J.C.S.
Me Charles Daviault
Gowling WLG (Canada) s.e.n.c.r.l.
Procureurs des demandeurs
Me Marc Lalonde
BÉLANGER SAUVÉ, s.e.c.r.l.
Procureurs de la défenderesse
Date d’audition : Le 17 mai 2021
[1] Lots [1] du cadastre officiel de la Cité de Hull.
[2] Règlement numéro 2454 intitulé Règlement concernant les permis et certificats et remplaçant certaines dispositions du Règlement numéro 1594 de la Ville de Hull.
[3] RLRQ, c. D-15.1.
[4] Racine c. Ville de Québec, 1989 CanLII 591 (QC CA).
[5] Complexe Future inc. c. Vaudreuil-Dorion (Ville de), J.E.2000-1492, p. 3.
[6]
[7]
[8] 2007 QCCA 426, par. 26-28.
[9]
Bronfman Trust v. The Queen, [1987] 1 R.C.S., p. 55; Produits
Forestiers Alliance inc. c. Donnacona (Ville de),
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.