Conseil de bande de Pessamit c. Rock | 2024 QCCA 1532 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
SIÈGE DE
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N° : | |||||
(655-17-000904-230) | |||||
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DATE : | 18 novembre 2024 | ||||
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CONSEIL DE BANDE DE PESSAMIT | |||||
APPELANT – défendeur | |||||
c. | |||||
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RENÉ ROCK RÉGINALD ROCK JOHN ROCK RICHARD HERVIEUX | |||||
INTIMÉS – demandeurs | |||||
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[1] L’appelant conseil de bande de Pessamit se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure rendu en cours d’instance le 26 septembre 2023 (l’honorable Serge Francoeur) qui rejette sa demande d’irrecevabilité, en inhabileté et son moyen déclinatoire.
[2] Pour les motifs de la juge Lavallée, auxquels souscrivent les juges Gagnon et Kalichman, LA COUR :
[3] ACCUEILLE la demande de permission d’appeler de la conclusion du jugement de première instance qui rejette le moyen d’irrecevabilité de l’appelant;
[4] ACCUEILLE en partie l’appel, aux seules fins de remplacer le paragraphe 30 du jugement de première instance par le suivant :
[30] REJETTE la demande en inhabileté ainsi que le moyen déclinatoire, mais ACCUEILLE la demande d’irrecevabilité du défendeur;
[5] Avec les frais de justice tant en première instance qu’en appel.
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| GUY GAGNON, J.C.A. | |
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| SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. | |
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| PETER KALICHMAN, J.C.A. | |
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Me Charles Daviault Me Marie-Christine Gagnon | ||
GOWLING WLG (CANADA) | ||
Pour l’appelant | ||
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Me François Boulianne | ||
Pour les intimés | ||
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Date d’audience : | 12 juin 2024 | |
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MOTIFS DE LA JUGE LAVALLÉE | ||
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[6] Le conseil de bande de Pessamit (« l’appelant » ou « le Conseil de bande ») se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure (l’honorable Serge Francoeur) rendu en cours d’instance, le 26 septembre 2023, lequel rejette le moyen déclinatoire, le moyen d’irrecevabilité et le moyen d’inhabileté dénoncés par l’appelant[1].
[7] La requête pour permission d’appeler de ce jugement a été partiellement accueillie par une juge de la Cour. Cette dernière a accordé au Conseil de bande la permission de porter en appel la conclusion du jugement statuant que la Cour supérieure était ratione materiae compétente pour connaître de ce litige, et a déféré à la formation la conclusion du jugement selon laquelle les intimés avaient l’intérêt pour agir en justice afin de demander les conclusions recherchées[2].
[8] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la conclusion du jugement relative au moyen déclinatoire est bien fondée, car le recours intenté par les intimés n’est pas de la compétence exclusive de la Cour fédérale.
[9] Cela dit, j’estime qu’il y a lieu d’accorder la permission d’appeler de la conclusion du jugement de première instance statuant que les intimés ont l’intérêt pour agir au nom de la Première Nation des Innus de Pessamit (la « Première Nation ») dans le cadre de ce recours. L’appel doit être accueilli sur ce moyen.
[10] En première instance, les intimés, quatre membres de la Première Nation et membres de la bande des Innus de Pessamit au sens de la Loi sur les Indiens[3] (« L.I. »), se sont adressés à la Cour supérieure pour qu’elle prononce une injonction permanente ordonnant au Conseil de bande de remettre à la Première Nation tous les documents et toutes les informations et de cesser toute action en lien avec les droits ancestraux collectifs et les sommes d’argent, autres que « l’argent des Indiens », détenus exclusivement par la Première Nation.
[11] La Première Nation et le Conseil de bande sont deux entités distinctes possédant chacune leurs propres compétences.
[12] La Première Nation est une communauté autochtone d’environ 4 000 membres habitant principalement, mais non exclusivement, dans la réserve de Pessamit, située à environ 40 km à l’ouest de Baie-Comeau.
[13] Il est acquis que « [l]es pouvoirs que peuvent exercer le conseil de bande et la bande découlent des dispositions de la Loi sur les Indiens. […] »[4]. Le Conseil de bande est une entité qui ne détient que les pouvoirs qui lui sont délégués par cette loi, lesquels ne s’appliquent qu’à l’intérieur de la réserve de Pessamit[5].
[14] Les quatre intimés reprochent au Conseil de bande de s’approprier sans droit les compétences de la Première Nation en matière de droits ancestraux et d’autodétermination gouvernementale. À titre d’exemples, ils font état de certaines situations qui, selon eux, constituent une appropriation illégale des pouvoirs de la Première Nation :
- Le Conseil de bande négocie, sans autorisation ni consultation de la Première Nation, des ententes avec diverses entités gouvernementales, paragouvernementales, privées ou autres entités relativement aux droits ancestraux de la Première Nation sur le Nitassinan. Le Conseil de bande et ses représentants sont notamment intervenus, sans droit et sans consulter la Première Nation, dans la conclusion de deux ententes, en 2012, avec Hydro‑Québec pour la construction de centrales hydroélectriques sur la rivière du Sault aux Cochons. Le Conseil de bande a aussi déposé des revendications particulières devant le Tribunal des revendications particulières au regard d’enjeux portant sur les droits ancestraux de la Première Nation sur le Nitassinan.
- Les représentants du Conseil de bande font des démarches auprès des instances gouvernementales au regard du caribou forestier sur le Nitassinan sans droit et sans consulter la Première Nation;
- Le 3 juin 2022, le Conseil de bande a adopté une résolution, en dehors des compétences que lui confère la L.I., afin d’énoncer qu’il est la seule entité gouvernementale pouvant représenter la Première Nation.
[15] Par conséquent, les intimés sollicitent le prononcé d’une injonction interdisant au Conseil de bande de poser des actes et prendre des décisions en ce qui concerne les droits ancestraux et l’autonomie gouvernementale de la Première Nation. Cette injonction vise à ordonner au Conseil de bande de cesser d’exercer les droits ancestraux que le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982[6] (« L.c. de 1982 ») reconnaît comme étant inhérents au « peuple », soit à la Première Nation, et non au Conseil de bande.
[16] L’objectif des intimés est que la Première Nation recouvre l’entièreté de ses compétences en matière de droits ancestraux et d’autodétermination gouvernementale.
[19] Le Conseil de bande affirme qu’un conseil de bande coutumier est un office fédéral au sens de la Loi sur les Cours fédérales[7] (« L.C.f. »). La question de la détermination des limites de sa compétence à titre d’office fédéral relèverait donc de la compétence exclusive de la Cour fédérale.
[20] Le juge est plutôt d’avis que le Conseil de bande, lorsqu’il intervient en ce qui concerne les droits ancestraux et l’autonomie gouvernementale de la Première Nation, n’agit pas comme un office fédéral et que la Cour supérieure est compétente pour entendre la demande des intimés. Il rejette donc le moyen déclinatoire[8].
[21] Le Conseil de bande soutient aussi que les intimés n’ont pas la qualité pour agir puisqu’ils font valoir les droits collectifs appartenant à l’ensemble des membres de la Première Nation et qu’ils n’ont pas obtenu l’autorisation requise pour agir au nom de cette dernière.
[22] Le juge de première instance rejette ce moyen au motif que les intimés, comme membres de la Première Nation, ont le droit de se plaindre que le Conseil de bande s’immisce à tort dans les droits ancestraux dévolus à celle-ci. Le juge est d’avis que les intimés ont la qualité pour agir dans l’intérêt public au sens de l’article 85 al. 2 C.p.c.[9].
[23] S’agissant de la demande en inhabileté de Me François Boulianne, le juge conclut que ce dernier ne contrevient pas à une ordonnance du Tribunal en représentant les droits des quatre intimés à titre individuel puisque l’ordonnance rendue le 12 mars 2020[10] (fondée sur le secret professionnel) l’empêche seulement de dire qu’il représente ou est mandaté par la Bande ou la Première Nation[11].
[24] Le Conseil de bande a sollicité la permission d’appeler de ce jugement rendu en cours d’instance, soutenant que :
- Le juge a erré en droit en concluant que la Cour supérieure a compétence pour entendre le recours des intimés.
- Le juge a erré en droit en appliquant l’article 85 C.p.c. et en reconnaissant que les intimés ont l’intérêt pour agir.
[25] Une juge de la Cour a accueilli en partie la permission d’appeler en ce qui a trait au moyen déclinatoire, estimant que le rejeter serait susceptible de causer un préjudice irrémédiable au sens de l’article 31 al. 2 C.p.c. puisque le jugement sur le fond ne pourrait y remédier[12]. Elle a déféré à la Cour la décision d’accorder ou non la permission d’appeler de la conclusion du juge relative à l’intérêt pour agir des intimés, estimant, à raison, que la Cour devrait répondre immédiatement à cette question d’intérêt public advenant que la formation rejette l’appel du rejet du moyen déclinatoire.
[26] Comme il en sera maintenant question, le volet de l’appel portant sur le moyen déclinatoire doit être rejeté. Cela dit, je suis toutefois d’avis qu’il y a lieu d’accorder au Conseil de bande la permission de porter en appel la conclusion du jugement déclarant que les intimés ont l’intérêt pour agir dans l’intérêt public, puisqu’il s’agit d’une conclusion susceptible de lui causer un préjudice irrémédiable (art. 31 al. 2 C.p.c.), et que l’appel doit être accueilli sur cette question.
[27] Le pourvoi soulève d’abord la question de savoir si la Cour supérieure est compétente pour entendre ce litige ou si celui-ci relève plutôt de la compétence exclusive de la Cour fédérale. Si la Cour supérieure est jugée compétente, il s’agira ensuite de déterminer si les intimés, à titre de membres de la Première Nation, ont l’intérêt pour agir dans l’intérêt public pour demander à la Cour supérieure de faire droit aux conclusions déclaratoires et injonctives recherchées dans leur demande introductive d’instance.
[28] Quelques remarques s’imposent avant de procéder à l’analyse des motifs du jugement de première instance relatifs au moyen déclinatoire.
[29] D’abord, une cour de justice est matériellement compétente ou elle ne l’est pas. La Cour supérieure, en tant que tribunal de droit commun, peut entendre toute demande qui n’est pas attribuée exclusivement à un autre tribunal. Sa compétence inhérente ne peut être amoindrie en faveur d’un autre tribunal que par une disposition législative claire et expresse. La compétence s’évalue à l’égard des parties, de l’objet du litige et des réparations demandées. Lorsqu’il s’agit de déterminer le tribunal compétent pour entendre une demande, il faut déterminer « la nature essentielle de la demande », en se fondant sur « une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur »[13].
[30] Cette analyse de la compétence d’un tribunal, au stade d’un moyen déclinatoire dénonçant l’absence de compétence ratione materiae, doit se faire en tenant les faits pour avérés, ce qui impose une certaine prudence dans l’analyse du moyen afin de ne pas mettre fin prématurément à un litige[14].
[31] La jurisprudence enseigne qu’afin de trancher un moyen déclinatoire ratione materiae, il faut se garder de s’arrêter à la qualification de la demande par une partie, laquelle peut donner « superficiellement l’apparence »[15] qu’il s’agit d’un recours à l’égard duquel le Tribunal a compétence.
[32] L’état du droit est clair à ce sujet. Ce n’est pas la qualification du recours par une partie qui détermine la compétence d’un tribunal, mais bien l’essence du litige. Dans l’arrêt de principe Weber c. Ontario Hydro[16], la Cour suprême préconise une méthode d’analyse en deux étapes afin d’identifier le tribunal compétent pour statuer sur un litige[17]. La première étape porte sur l’examen des dispositions législatives en cause, particulièrement celles ayant trait à la compétence, et la seconde consiste à cerner l’essence du litige en examinant non pas sa qualification juridique par le demandeur, mais plutôt son contexte en tenant les faits allégués pour avérés.
[33] L’article 18 de la L.C.f. confère à la Cour fédérale la compétence exclusive pour ordonner une injonction contre un office fédéral lorsque le recours en injonction est exercé par présentation d’une demande de contrôle judiciaire suivant le paragraphe 18.1(1) :
18(1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :
a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;
b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.
[…]
(3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire. | 18(1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction
(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and
(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal. […]
(3) The remedies provided for in subsections (1) and (2) may be obtained only on an application for judicial review made under section 18.1. [Soulignements ajoutés] |
[34] L’article 18.1 donne plus de précisions sur la demande de contrôle judiciaire dont il est question au paragraphe 18(3) in fine :
18.1(1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.
[…]
(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :
a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;
b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.
(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :
a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;
b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;
c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;
d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;
e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;
f) a agi de toute autre façon contraire à la loi. […] | 18.1(1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.
[…]
(3) On an application for judicial review, the Federal Court may
(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or
(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.
(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal
(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;
(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;
(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;
(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;
(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or
(f) acted in any other way that was contrary to law. […] [Soulignements ajoutés] |
[35] Ainsi, les pouvoirs exclusifs de la Cour fédérale s’appliquent à l’égard d’un « office fédéral » en vertu du paragraphe 18.1(3) de la L.C.f. Le paragraphe 2(1) de ladite loi définit cette expression ainsi :
office fédéral Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges et juges adjoints, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. (federal board, commission or other tribunal) | federal board, commission or other tribunal means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercice jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made under a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges or associate judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867; (office fédéral) |
[36] Ces dispositions ont été interprétées par la jurisprudence. Dans ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics[18], la Cour suprême a énoncé les exigences permettant de déterminer si la Cour fédérale a la compétence exclusive de connaître d’un litige au sens des articles 18 et 18.1 de la L.C.f. Ainsi, la compétence exclusive de la Cour fédérale est fonction des trois conditions suivantes :
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral;
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence;
3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.[19]
[37] Ces trois conditions doivent être réunies pour conclure que la Cour fédérale a la compétence exclusive d’entendre un recours. À ce sujet, la Cour suprême a souligné :
Dans l’arrêt ITO, notre Cour a jugé qu’une attribution législative de compétence était nécessaire, mais insuffisante, à elle seule, pour conférer à la Cour fédérale compétence dans une affaire donnée. Étant donné que le Parlement a établi la Cour fédérale en application de la compétence que lui reconnaît l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 d’établir « des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada », le rôle de la Cour fédérale se limite constitutionnellement à administrer les « lois du Canada », une expression qui, dans le présent contexte, s’entend des lois fédérales (Thomas Fuller, p. 707; Quebec North Shore, p. 1065‑1066; Consolidated Distilleries, p. 521‑522). […][20]
[Soulignements ajoutés]
[38] Une entité peut être qualifiée d’« office fédéral » au sens de la L.C.f. si elle exerce une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale et si, deuxièmement, elle exerce une compétence ou un pouvoir de nature « publique »[21]. À maintes reprises, la jurisprudence, notamment celle de la Cour d’appel fédérale, a reconnu que la Cour fédérale a compétence pour entendre une demande de contrôle judiciaire relativement à une décision prise par un conseil de bande[22] lorsque la question en litige est de nature publique et que le pouvoir habilitant le conseil à prendre cette décision découle des « lois du Canada », ce qui inclut la L.I. et les règles coutumières ou les pratiques d’une première nation :
[29] The Federal Court of Appeal and this Court have held on numerous occasions that the Federal Court has jurisdiction to review decisions of a First Nation council where the issue is over a matter that is “public” in nature, and where a source of the jurisdiction or power originates from an Act of Parliament such as the Indian Act, including where the power also involves the application of Indigenous law, custom or practice of the First Nation. As such, First Nation councils and bodies created by them or by First Nations as a whole (through custom or otherwise), such as election appeal tribunals or election committees, have historically been recognized as a “federal board, commission or other tribunal” for the purposes of the FC Act when making decisions under those powers. The Court’s jurisdiction also extends to the individual Chief and councillors acting, or purporting to act, in their official capacity under those powers.[23]
[Renvois omis; soulignements ajoutés]
[39] La notion de « décision » est également interprétée largement dans la jurisprudence. Dans Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, la Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur le libellé de la L.C.f. afin de circonscrire l’étendue des décisions assujetties au contrôle judiciaire. Elle a conclu que tout acte, ordonnance ou procédure, ainsi que l’omission de les accomplir ou le retard à les exécuter, étaient des décisions rendues par un conseil de bande au sens du paragraphe 18.1(1) de la L.C.f. :
[24] Le paragraphe 18.1(1) […] de la Loi sur les Cours fédérales énonce qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est « directement touché par l’objet de la demande ». La question qui peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire ne comprend pas seulement une « décision ou ordonnance », mais tout objet susceptible de donner droit à une réparation aux termes de l’article 18 […] de la Loi sur les Cours fédérales. Le paragraphe 18.1(3) […] apporte d’autres précisions à ce sujet, indiquant que la Cour peut accorder une réparation à l’égard d’un « acte », de l’omission ou du refus d’accomplir un « acte », ou du retard mis à exécuter un « acte », une « décision », une « ordonnance » et une « procédure ». Enfin, les règles qui régissent les demandes de contrôle judiciaire s’appliquent aux « demandes de contrôle judiciaire de mesures administratives », et non pas aux seules demandes de contrôle judiciaire de « décisions ou ordonnances ».[24]
[Renvois omis; soulignements ajoutés]
[40] Conformément au paragraphe 18(1) de la L.C.f., la Cour fédérale peut alors accorder à la partie lésée toute demande ou accueillir toute autre procédure de réparation contre tout office fédéral afin de corriger « tout autre acte » qu’un décideur a accompli ou a refusé d’accomplir[25]. Elle a ainsi compétence pour prononcer une injonction, décerner un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral :
[52] Tous les recours énumérés à l’al. 18(1)a) sont des recours classiques du droit administratif, y compris les quatre brefs de prérogative — certiorari, mandamus, prohibition et quo warranto — et les demandes d’injonction et de jugement déclaratoire en droit administratif. L’article 18 ne prévoit pas l’octroi de dommages-intérêts. L’indemnisation n’est pas possible dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire. De même, on ne peut, dans le cadre d’une action en dommages-intérêts, demander par surcroît un jugement déclaratoire ou une injonction visant à empêcher la mise en œuvre d’une décision administrative prétendument illégale. Pareille demande est du ressort de la Cour fédérale.[26]
[41] En se fondant sur l’arrêt TeleZone[27], les intimés rappellent la compétence inhérente de la Cour supérieure et soulignent que celle-ci ne devrait pas décliner compétence à moins d’indications législatives claires qu’un autre tribunal a la compétence exclusive en la matière[28]. En l’espèce, font-ils valoir, la Cour fédérale n’a pas compétence exclusive pour entendre leur recours puisque celui-ci ne vise pas des décisions d’un « office fédéral » fondées sur une loi fédérale. Ils soutiennent que, dans son essence, leur recours n’est donc pas de la nature d’un contrôle judiciaire qui serait de la compétence exclusive de la Cour fédérale.
[42] Le Conseil de bande rétorque qu’il est bien établi qu’un conseil de bande est un « office fédéral » au sens de la L.C.f. lorsqu’il prend des décisions en vertu de ses pouvoirs[29]. Il plaide que le recours des intimés est, dans son essence, une demande en contrôle judiciaire des décisions « au sens large » du Conseil de bande, considérant que le terme « décision » doit être interprété largement comme incluant tout acte de nature publique accompli par ce dernier.
[43] En appliquant les enseignements de ITO‑Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics[30], je suis d’avis que les intimés ont raison.
[44] Comme il en a été question précédemment, selon la première condition, une attribution de compétence par une loi fédérale doit exister en faveur de la Cour fédérale.
[45] S’agissant de la seconde et de la troisième condition, selon la jurisprudence, la Cour fédérale est seule compétente pour connaître des affaires qui découlent de toute décision ou de tout acte d’un « […] chef et [du c]onseil lorsque la question en litige est de nature “publique”, peu importe si la décision a été prise au titre de la Loi sur les Indiens, d’un règlement interne d’une bande ou de l’application d’une coutume ou d’une pratique de la Première Nation »[31].
[46] Afin de trancher la question de savoir si, en l’espèce, le litige repose sur un ensemble de règles de droit fédérales essentiel à la solution du litige et constituant le fondement de l’attribution légale de compétence, et si la loi invoquée dans l’affaire est une loi du Canada au sens de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 (« L.c. de 1867 »)[32], il convient de cerner l’essence du litige des intimés, en examinant les conclusions recherchées dans la demande introductive d’instance en injonction permanente, lesquelles se lisent ainsi :
[…]
PRENDRE ACTE des compétences exclusives de la Première Nation de Pessamit au regard de ses droits ancestraux et de son autonomie gouvernementale;
PRENDRE ACTE des compétences exclusives de la Première Nation de Pessamit au regard du Nitassinan de Pessamit;
PRENDRE ACTE des compétences exclusives de la Première Nation de Pessamit au regard de la gestion de toutes sommes d’argent qui lui est dévolue, à l’exception de « l’argent des Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens;
INTERDIRE au Conseil de bande de Pessamit de faire toute représentation et toute action au regard des droits ancestraux et de l’autonomie gouvernementale de la Première Nation de Pessamit;
INTERDIRE au Conseil de bande de Pessamit de faire toute représentation et toute action en regard du Nitassinan de Pessamit;
INTERDIRE au Conseil de bande de Pessamit de faire toute représentation et toute action au regard de toute somme d’argent, à l’exception de « l’argent des Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens;
ORDONNER au Conseil de bande de Pessamit de remettre immédiatement à la Première nation de Pessamit tous les renseignements et les documents portant sur les droits ancestraux, le Nitassinan et l’autonomie gouvernementale de la Première Nation de Pessamit;[33]
[Soulignements ajoutés]
[47] Après avoir examiné les conclusions ainsi recherchées par les intimés, le juge de première instance a conclu que le litige n’était pas de la compétence exclusive de la Cour fédérale, en s’exprimant en ces termes :
[17] Ce qui est visé par la demande introductive d’instance en injonction permanente, c’est que le Conseil des Innus de Pessamit restreigne sa juridiction à la Loi et ne pas l’étendre en intervenant au niveau des droits ancestraux.
[18] Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qu’il exerce en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, le Conseil n’est pas un office fédéral et la Cour supérieure, comme tribunal de droit commun, possède la compétence en première instance pour entendre le recours des demandeurs qui n’est pas attribué formellement et exclusivement à une autre juridiction ou à un organisme juridictionnel.
[Renvoi omis]
[48] La difficulté dans ce dossier réside dans le fait que le Conseil de bande se définit à la fois comme le conseil de bande aux fins de la L.I., et comme l’organisme politique représentatif de la Première Nation pour les besoins de l’article 35 de la L.c. de 1982.
[49] Je conclus, à l’instar du juge de première instance, que le litige ne relève pas de la L.I. puisque les intimés demandent à la Cour supérieure de déclarer que le Conseil de bande ne peut agir pour la Première Nation lorsque celle-ci réclame des droits garantis par l’article 35 de la L.c. de 1982. Dans ce contexte, il ne s’agit pas d’une demande en justice visant le Conseil de bande agissant en vertu de la L.I. Il ne s’agit donc pas d’un litige portant fondamentalement sur une loi fédérale.
[50] Il en découle que la Cour fédérale ne détient pas une compétence exclusive sur le litige. Il est vrai que les intimés cherchent à obtenir des injonctions contre le Conseil de bande, mais ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un « office fédéral » créé et agissant en vertu de la L.I. C’est plutôt parce qu’ils soutiennent qu’il n’a pas le pouvoir d’agir en tant que représentant de la Première Nation de Pessamit selon l’article 35 de la L.c. de 1982.
[51] Le recours n’est pas une demande en contrôle judiciaire, et ne découle pas d’une décision prise par le Conseil de bande en tant qu’« office fédéral ». Partant, il ne relève pas de la compétence exclusive de la Cour fédérale sur un tel office[34].
[52] Dans leur demande introductive d’instance, ce que les intimés attaquent, ce n’est pas l’exercice des pouvoirs du Conseil de bande en vertu de la L.I., mais plutôt l’exercice de droits reconnus par l’article 35 de la L.c. de 1982. L’enjeu du recours ne porte pas sur la L.I. L’enjeu est plutôt de savoir qui parle pour la Première Nation lorsque l’article 35 de la L.c. de 1982 est invoqué.
[53] En l’espèce, lorsque le Conseil de bande soutient par résolution[35] qu’il est la seule entité politique représentant la Première Nation pour les besoins de l’article 35 de la L.c. de 1982, il n’agit pas en vertu de la L.I. Autrement dit, ce que les intimés demandent, c’est une déclaration portant que le Conseil de bande ne peut agir pour la Première Nation afin de faire valoir des revendications fondées sur l’article 35 de la L.c. de 1982. Il ne s’agit pas là d’un litige qui découle de la L.I.
[54] Il est acquis que le mot « Canada » à l’article 101 de la L.c. de 1867 s’entend uniquement du palier fédéral de sorte que la Constitution, qui inclut la L.c. de 1982, ne constitue pas une des « lois du Canada »[36].
[55] À titre d’exemple, l’une des conclusions de la demande introductive d’instance se lit ainsi : « INTERDIRE au Conseil de bande de Pessamit de faire toute représentation et toute action au regard du Nitassinan de Pessamit ». Le fondement de cette conclusion est que le Conseil de bande ne peut pas prétendre agir pour la Première Nation lorsqu’il invoque l’article 35 de la L.c. de 1982 afin de faire valoir le titre ancestral. Il ne s’agit pas d’une question qui concerne la L.I.
[56] D’ailleurs, le Conseil de bande ne conteste pas que le litige porte sur l’article 35 de la L.c. de 1982 plutôt que sur la L.I. Il plaide plutôt qu’un conseil de bande coutumier est un office fédéral au sens de la L.C.f. Autrement dit, il plaide qu’un conseil de bande (ou toute autre organisation politique autochtone) qui invoque l’article 35 de la L.c. de 1982 est un « office fédéral » assujetti à la compétence exclusive de la Cour fédérale.
[57] Le Conseil de bande invite ainsi la Cour à reconnaître que la Cour fédérale a compétence exclusive à l’égard non seulement d’une organisation autochtone qui exerce un pouvoir en vertu de la L.I., mais aussi à l’égard d’une telle organisation lorsqu’elle invoque un droit reconnu à l’article 35 de la L.c. de 1982, alors que le droit applicable est plutôt à l’effet contraire, comme l’a conclu le juge Grammond dans George c. Première Nation Heiltsuk :
[39] Il est bien établi que les Premières Nations, leurs conseils ou les organismes qu’elles créent sont des « offices fédéraux » lorsqu’ils exercent des pouvoirs conférés par la Loi sur les Indiens ou d’autres lois fédérales. C’est également le cas lorsqu’ils exercent des pouvoirs conférés par le droit autochtone concernant la sélection des dirigeants, y compris ce qu’on appelle souvent les « codes électoraux coutumiers » : Canatonquin c. Gabriel, [1980] 2 CF 792 (CA). Bien que notre compréhension du droit autochtone ait considérablement changé depuis 1980, la meilleure façon d’expliquer ce résultat dans le contexte actuel semble être qu’il suffit que la Loi sur les Indiens reconnaisse les règles de droit autochtone (ou la « coutume ») concernant la sélection des dirigeants pour que l’on conclue que ces règles résultent de l’exercice « [d’]une compétence ou [de] pouvoirs prévus par une loi fédérale ».
[40] Toutefois, lorsque le conseil d’une Première Nation exerce des pouvoirs qui ne sont pas conférés ou reconnus par la Loi sur les Indiens ou d’autres lois fédérales, il n’agit pas comme un « office fédéral » et ses décisions ne sont pas susceptibles de contrôle par la Cour fédérale : Devil’s Gap Cottagers (1982) Ltd. c Première Nation de Rat Portage no 38B, 2008 CF 812 au paragraphe 45, [2009] 2 RCF 276 [Devil’s Gap].[37]
[Soulignement ajouté]
[58] Ces paragraphes résument bien l’état du droit sur cette question de compétence.
[59] Les pouvoirs et compétences dévolus à l’appelant en vertu de la L.I., lesquels s’appliquent à l’intérieur de la réserve, ne sont pas contestés par les intimés. Le litige porte fondamentalement sur l’article 35 de la L.c. de 1982, et non sur la L.I. Il en découle que la Cour fédérale n’exerce pas une compétence exclusive sur le litige. Cela suffit à rejeter le moyen déclinatoire et à rejeter l’appel portant sur cette question.
[60] Il convient maintenant d’examiner le moyen d’appel par lequel le Conseil de bande attaque la décision du juge selon laquelle les intimés ont la qualité pour agir en vertu de l’article 85 C.p.c. pour représenter la Première Nation.
[61] Afin d’examiner ce moyen d’appel, il faut garder à l’esprit que le tribunal saisi d’une demande d’irrecevabilité (art. 168 C.p.c.) doit faire preuve de prudence, compte tenu des conséquences évidentes qu’un rejet sommaire prématuré peut causer à la partie contre qui la demande est formulée alors que celle-ci n’a pas encore eu le bénéfice de présenter des arguments sur le fond[38].
[62] L’article 85 C.p.c. est libellé ainsi :
85. La personne qui forme une demande en justice doit y avoir un intérêt suffisant.
L’intérêt du demandeur qui entend soulever une question d’intérêt public s’apprécie en tenant compte de son intérêt véritable, de l’existence d’une question sérieuse qui puisse être valablement résolue par le tribunal et de l’absence d’un autre moyen efficace de saisir celui-ci de la question. | 85. To bring a judicial application, a person must have a sufficient interest.
The interest of a plaintiff who intends to raise a public interest issue is assessed on the basis of whether the interest is genuine, whether the issue is a serious one that can be validly resolved by the court and whether there is no other effective way to bring the issue before the court. |
[63] S’agissant de l’intérêt pour agir dans l’intérêt public, qu’invoquent les intimés, les critères dégagés par la jurisprudence permettent à un citoyen, une association ou toute autre entité juridique, sauf le gouvernement, d’intenter un recours dans l’intérêt public sans démontrer un préjudice né, actuel, personnel et direct distinct du préjudice subi par la collectivité[39]. Dans Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, la Cour suprême précise à ce sujet que :
[2] Lorsqu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire en matière de qualité pour agir, les tribunaux soupèsent trois facteurs à la lumière de ces objectifs sous‑jacents et des circonstances particulières de chaque cas. Ils se demandent si l’affaire soulève une question justiciable sérieuse, si la partie qui a intenté la poursuite a un intérêt réel ou véritable dans son issue et, en tenant compte d’un grand nombre de facteurs, si la poursuite proposée constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour : Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, p. 253. Les tribunaux exercent ce pouvoir discrétionnaire de reconnaître ou non la qualité pour agir de façon « libérale et souple » (p. 253).[40]
[Soulignement ajouté]
[64] La Cour suprême enseigne que lorsqu’il est question de l’intérêt pour agir dans l’intérêt public, il convient d’utiliser la notion de « qualité pour agir »[41]. C’est également ce que soulignait notre Cour, sous la plume de la juge Marcotte, tout en précisant que « [l]orsqu’il est question de l’intérêt public, les principes jurisprudentiels regroupent les deux concepts [l’intérêt pour agir et la qualité pour agir] sous la notion de “qualité pour agir dans l’intérêt public” »[42].
[65] Dans Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, la Cour suprême dégage trois critères devant être évalués afin de déterminer si une personne a l’intérêt pour agir dans l’intérêt public :
(1) une question justiciable sérieuse est-elle soulevée?
(2) le demandeur a‑t‑il un intérêt réel ou véritable dans l’issue de cette question?
(3) compte tenu de toutes les circonstances, la poursuite proposée constitue‑t‑elle une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux?[43]
[66] Elle rappelle l’importance de soupeser de tels facteurs, qui sont intimement liés, de façon cumulative et de les appliquer de façon souple et libérale[44].
[67] Une « approche téléologique » doit être suivie pour apprécier ces trois critères. Il est utile de rappeler que :
[23] Dans les affaires de droit public, la Cour a adopté une approche téléologique pour l’élaboration des règles de droit applicables à la question de la qualité pour agir. Lorsqu’il s’agit de décider s’il est justifié de reconnaître cette qualité, les tribunaux doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire et mettre en balance, d’une part, le raisonnement qui sous-tend les restrictions à cette reconnaissance et, d’autre part, le rôle important qu’ils jouent lorsqu’ils se prononcent sur la validité des mesures prises par le gouvernement. En somme, les règles de droit relatives à la qualité pour agir tirent leur origine de la nécessité d’établir un équilibre « entre l’accès aux tribunaux et la nécessité d’économiser les ressources judiciaires » : Conseil canadien des Églises, p. 252.[45]
[Soulignements ajoutés]
***
[68] En l’espèce, le recours entrepris par les intimés « constitue-t-[il], compte tenu de toutes les circonstances, une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour »[46], étant entendu que « [c]e facteur, comme les deux autres, doit être apprécié d’une manière souple et téléologique en plus d’être soupesé à la lumière des autres facteurs »[47].
[69] Il importe d’abord de souligner qu’en matière d’irrecevabilité, « la norme d’intervention est celle de la décision correcte puisqu’il s’agit de l’examen d’une question de droit dans un contexte où les faits contenus dans la requête introductive d’instance ainsi que les pièces à son soutien doivent être tenus pour avérés »[48].
[70] Il convient ensuite de rappeler les motifs du jugement de première instance relativement à la qualité pour agir des intimés :
[19] Le défendeur soumet que les demandeurs n’ont pas la qualité pour agir ni l’intérêt juridique requis pour débattre une question qui découle des droits ancestraux et du droit de l’autonomie gouvernementale sans avoir obtenu préalablement l’autorisation d’agir pour et au nom de la Première Nation de Pessamit.
[20] Ce qui ressort de la demande introductive d’instance en injonction permanente, c’est que les demandeurs ne prétendent pas agir pour la Première Nation de Pessamit, mais plutôt comme membres de celle-ci.
[21] Ils ont certes le droit, comme membres de cette Première Nation, de faire valoir que leur conseil de bande s’immisce à tort dans les droits qui sont dévolus à celle-ci en vertu de droits ancestraux.
[…]
[23] Ils soulèvent une question d’intérêt public qui s’apprécie, qui a d’ailleurs avantage à être résolue, soit la détermination de l’étendue des pouvoirs du Conseil des Innus de Pessamit en regard de ses interventions dans les droits ancestraux de la Nation qu’il représente.
[24] Un tribunal ne peut restreindre le droit à des individus de s’adresser à la cour.
[71] Le Conseil de bande plaide que la conclusion du juge de première instance est erronée. Il soutient que les intimés n’ont pas la qualité pour agir puisqu’ils font valoir des droits collectifs appartenant à l’ensemble des membres de la Première Nation et qu’ils n’ont pas obtenu l’autorisation d’agir pour et au nom de cette dernière dans le cadre de ce recours.
[72] Les intimés rétorquent qu’ils ont la qualité pour agir afin de faire valoir ces droits. Selon eux, même si les droits garantis par l’article 35 de la L.c. de 1982 sont des droits collectifs, ils ont l’intérêt pour agir afin de les faire valoir en justice dans l’intérêt public.
[73] Le recours des intimés est fondé sur les droits ancestraux de la Première Nation, lesquels sont des droits collectifs reconnus par l’article 35 de la L.c. de 1982 comme la Cour suprême l’enseigne dans Behn c. Moulton Contracting Ltd[49], appartenant à l’ensemble des membres d’une Première Nation. Il est acquis que ces droits ne peuvent généralement pas être invoqués par des membres individuels d’une première nation, sous réserve de certaines exceptions, bien que les droits collectifs puissent parfois comporter un aspect individuel, notamment dans les situations suivantes :
1) lorsqu’ils sont invoqués en défense à des procédures relatives à des infractions criminelles ou liées à la réglementation[50];
2) lorsqu’un individu ou un organisme est autorisé par les membres de la Première Nation à faire valoir en leurs noms ces droits collectifs[51].
[74] Dans Behn c. Moulton Contracting Ltd., le juge LeBel reconnaissait ces situations et expliquait que des droits collectifs pouvaient, dans une certaine mesure, comporter des aspects individuels, tout en se gardant de prononcer une catégorisation de ceux-ci :
[33] La Couronne soutient que les demandes fondées sur des droits issus de traités doivent être présentées par la collectivité autochtone ou en son nom. Cette proposition générale est trop restrictive. Il est vrai que les droits ancestraux et issus de traités sont, de par leur nature, des droits collectifs : voir R. c. Sparrow, 1990 CanLII 104 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1075, p. 1112; Delgamuukw, par. 115; R. c. Sundown, 1999 CanLII 673 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 393, par. 36; R. c. Marshall, 1999 CanLII 666 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 533, par. 17 et 37; R. c. Sappier, 2006 CSC 54(CanLII), [2006] 2 R.C.S. 686, par. 31; Beckman, par. 35. Toutefois, certains droits, bien que la collectivité autochtone en soit titulaire, sont néanmoins exercés par des membres à titre individuel ou attribués à ceux-ci. De tels droits peuvent par conséquent posséder des attributs à la fois collectifs et individuels. Il est possible que des membres de la collectivité possèdent à titre individuel un intérêt acquis dans la protection de ces droits. Comme certains intervenants l’ont fait valoir, il se peut fort bien que, lorsque les circonstances s’y prêtent, des membres d’une collectivité puissent être en mesure d’invoquer à titre individuel certains droits ancestraux ou issus de traités.
[34] Des suggestions intéressantes ont été faites à propos de la catégorisation des droits ancestraux et issus de traités. Par exemple, les intervenants le Grand Conseil des Cris et l’Administration régionale crie en font état dans leur mémoire, au par. 14. Ils y proposent de distinguer trois types de droits ancestraux et issus de traités : a) les droits exclusivement collectifs, b) les droits mixtes et c) les droits essentiellement individuels. Ces intervenants ont également cherché à classer divers droits dans ces trois catégories.
[35] Ces suggestions témoignent de la diversité des droits ancestraux et issus de traités, mais j’éviterai, dans ce pourvoi, à ce stade de l’évolution du droit, de procéder à une catégorisation générale de ces droits et de tenter de tous les faire entrer dans la catégorie appropriée. Il suffit de reconnaître qu’en dépit de l’importance cruciale que revêt l’aspect collectif des droits ancestraux et issus de traités, des droits peuvent parfois être attribués à des membres des collectivités autochtones ou exercés par eux sur une base individuelle, ou encore être créés en leur faveur. On pourrait affirmer, de façon générale, que ces droits leur appartiendraient peut‑être ou qu’ils comporteraient un aspect individuel malgré leur nature collective. Il ne convient pas d’en dire davantage pour l’instant[52].
[Soulignements ajoutés]
[75] Citant ces motifs du juge LeBel, notre Cour, dans l’arrêt Rice c. Agence du revenu du Québec[53], discute du fait que les droits collectifs peuvent avoir un aspect individuel, et conclut que dans le cas particulier dont elle est saisie, les appelants ont un plus grand intérêt juridique que les autres membres de la communauté :
[126] Ainsi en est-il dans le cas des appelants. Les droits qu’ils invoquent « comporte[nt] un aspect individuel malgré leur nature collective ». Cet aspect individuel leur octroie l’intérêt suffisant pour ester en justice. En effet, en tant que détaillants de carburants, les appelants sont parmi les principaux commerçants sur le territoire de la réserve. Par conséquent, ils ont un plus grand intérêt, que ce soit sur le plan juridique ou autrement, que les autres membres de la communauté ou la communauté en général. La Cour conclut donc que les appelants avaient un intérêt suffisant pour former une demande en jugement déclaratoire, visant à déterminer si les droits ancestraux qu’ils invoquent s’appliquent dans les circonstances de l’espèce.[54]
[Soulignements ajoutés]
[76] Dans le cas en l’espèce, contrairement à la situation dans Rice[55], les intimés n’ont pas un plus grand intérêt, sur le plan juridique, que les autres membres de la Première Nation en tant qu’entité à revendiquer les droits pour lesquels ils recherchent le prononcé d’un jugement déclaratoire assorti d’ordonnances injonctives. N’étant pas mandatés par ces membres pour les représenter, les intimés ne peuvent, par exemple, demander que la Cour fasse droit à cette conclusion qu’ils recherchent d’« ORDONNER au Conseil de bande de Pessamit de remettre immédiatement à la Première Nation de Pessamit toute somme d’argent qu’elle administre, à l’exception de « l’argent des Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens »[56].
[77] Le juge de première instance souligne que les intimés ne prétendent pas agir pour la Première Nation, mais plutôt comme membres de celle-ci[57], pour ensuite conclure qu’ils ont certes le droit de faire valoir que le Conseil de bande s’immisce à tort dans les revendications liées aux droits ancestraux dont est titulaire la Première Nation[58]. Or, avec égards, j’estime que cela revient à permettre aux intimés d’invoquer au nom de la Première Nation les droits collectifs de cette dernière alors qu’ils n’ont aucun mandat pour ce faire, ce qu’ils ne peuvent faire, comme le souligne ainsi la Cour suprême :
[30] L’obligation de consultation existe pour la protection des droits collectifs des peuples autochtones. C’est pourquoi elle est due au groupe autochtone titulaire des droits protégés par l’art. 35, qui sont par nature des droits collectifs : Beckman, par. 35; Woodward, p. 5‑55. Un groupe autochtone peut toutefois autoriser un individu ou un organisme à le représenter en vue de faire valoir ses droits garantis par l’art. 35 : voir, p. ex., Komoyue Heritage Society c. British Columbia (Attorney General), 2006 BCSC 1517, 55 Admin. L.R. (4th) 236.[59]
[78] Les intimés peuvent-ils bénéficier de l’approche « souple » mettant l’accent sur le caractère discrétionnaire des décisions relatives à la qualité pour agir, de sorte qu’on leur reconnaisse cet intérêt?
[79] À la face même du recours, il apparaît que les intimés plaident pour autrui sans mandat. Si les intimés désirent intenter un tel recours, ils doivent, au préalable, obtenir un mandat de la Première Nation.
[80] Le recours des intimés est une contestation de la qualité que le Conseil de bande prétend avoir pour représenter la Première Nation relativement aux droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la L.c. de 1982. Il s’agit aussi d’une contestation de la manière dont le Conseil de bande exerce ces droits relativement à la Première Nation que les intimés prétendent représenter, et ce, sans justifier d’un quelconque mandat de représentation.
[81] Les intimés n’allèguent aucunement qu’ils ont ce mandat ou qu’ils auraient même tenté de l’obtenir.
[82] En l’espèce, non seulement les intimés plaident pour la Première Nation en ne faisant référence à aucun mandat qui leur aurait été accordé par celle-ci ou par ses membres et en ne définissant pas cette nation dans leur recours, mais ils n’établissent pas leur intérêt véritable dans l’issue de la question qu’ils soulèvent. Ils ne satisfont donc pas à deux conditions importantes de l’article 85 C.p.c. et ne convainquent pas non plus que leur recours, compte tenu de toutes les circonstances, constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux.
[83] Même en considérant la préoccupation envers le principe de la légalité, sous‑jacente à la question dont les intimés veulent débattre devant les tribunaux, celle-ci ne peut être soumise judicieusement par les intimés, au nom de la Première Nation, sans mandat à cette fin, dans le cadre de leur recours tel qu’intenté en première instance. Reconnaître aux intimés la qualité pour agir ne respecterait pas l’équilibre « entre l’accès aux tribunaux et la nécessité d’économiser les ressources judiciaires »[60].
[84] Pour ces motifs, je suggère d’accueillir la demande de permission d’appeler portant sur la conclusion du jugement de première instance rejetant le moyen d’irrecevabilité présenté par l’appelant, et d’accueillir l’appel sur cette question, avec les frais de justice devant les deux instances.
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| SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
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[1] Rock c. Conseil de bande de Pessamit, 2023 QCCS 3806 [Jugement entrepris]. La conclusion du jugement entrepris rejetant la demande de l’appelant pour faire déclarer inhabile l’avocat des intimés n’est pas remise en cause dans le cadre de ce pourvoi.
[2] Conseil de bande de Pessamit c. René Rock et al., 2023 QCCA 1470, 24 novembre 2023, paragr. 13 (Gagné, j.c.a.).
[3] Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, paragr. 2(1).
[4] Alliance de la Fonction publique du Canada c. Francis et autres, [1982] 2 RCS 72, p. 76.
[5] Sur la compétence matérielle des conseils de bande, voir : R. v. Paul Band, 1983 ABCA 308, paragr. 20; Whitebear Band Council v. Carpenters Council of Saskatchewan, [1982] 135 D.L.R. (3d) 128, 1982 CanLII 2582, paragr. 19 (C.A. Sask.). Sur la compétence territoriale des conseils de bande, voir : Domaine du lac des Coeurs inc. c. Corporation municipale de Les Escoumins, [1994] R.L. 615, 1994 CanLII 5342 (C.A.), paragr. 13.
[6] Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[7] L.R.C. 1985, ch. F-7.
[8] Jugement entrepris, paragr. 10-18.
[9] Id., paragr. 19-24.
[10] Conseil des Innus de Pessamit c. Boulianne, 2020 QCCS 1410.
[11] Id., paragr. 25–27.
[13] Canada c. Domtar Inc., 2009 CAF 218, paragr. 28, citant Canada c. Roitman, 2006 CAF 266, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 décembre 2006, no 31634, repris par Stephkan Holdings Inc. c. Agence du revenu du Canada, 2013 QCCA 1651, paragr. 8.
[14] MC Commercial inc. c. Collerette, 2020 QCCA 305, paragr. 1, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 10 décembre 2020, no 39148, citant Parisien c. Hôtel du Lac Tremblant inc., 2018 QCCA 2217, paragr. 5-6, lui-même citant St-Eustache (Ville de) c. Régie intermunicipale Argenteuil Deux-Montagnes, 2011 QCCA 227, paragr. 25.
[15] Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, paragr. 78.
[16] Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929.
[17] Id., paragr. 57 et 67. Voir aussi : Procureur général du Québec c. Groleau, 2022 QCCA 545, paragr. 22‑23, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 16 mars 2023, no 40264.
[18] ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752.
[19] Id., p. 766.
[20] Windsor (City) c. Canadian Transit Co., 2016 CSC 54, paragr. 34, citant ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, supra, note 18, p. 766.
[21] Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, 2018 CSC 26, paragr. 14 « […] Un tel recours [en contrôle judiciaire] est possible uniquement lorsqu’un pouvoir étatique a été exercé et que l’exercice de ce pouvoir présente une nature suffisamment publique. […] ».
[22] Pour la qualification d’un conseil de bande, voir : Air Liaison inc. c. Conseil des Innus de Unamen Shipu, 2014 QCCS 2299, paragr. 25. Au même effet, voir aussi : Horseman c. Première Nation de Horse Lake, 2013 CAF 159, paragr. 6; Felix Sr. c. Sturgeon Lake First Nation, 2011 CF 1139, paragr. 15; Pitawanakwat c. Service de police tribale de Wikwemikong, 2010 CF 917, paragr. 26.
[23] Bellegarde v. Carry the Kettle First Nation, 2024 FC 699, paragr. 29. Voir aussi : Marie-Jewell v. Salt River First Nation #195, 2024 FC 192, paragr. 24; Vollant c. Sioui, 2006 CF 487, paragr. 25. Sur l’existence d’une « coutume » et sur sa valeur juridique, voir : Bertrand c. Première Nation Acho Dene Koe, 2021 CF 287, paragr. 41‑42. Sur la différence entre « droit autochtone » et « droit canadien », voir : George c. Première Nation Heiltsuk, 2023 CF 1705, paragr. 25-29.
[24] Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347, paragr. 24.
[25] Ibid.
[26] Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., supra, note 15, paragr. 52. Voir aussi : Première Nation de Key c. Lavallée, 2021 CAF 123, paragr. 34; Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, supra, note 24, paragr. 24; Krause c. Canada (C.A.), [1999] 2 C.F. 476 (C.A.F.).
[28] Id., paragr. 14-25.
[31] Shanks c. Première Nation de Salt River no. 195, 2023 CF 690, paragr. 36. Voir aussi : Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, supra, note 24, paragr. 52-60, cité avec approbation par Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, supra, note 21, paragr. 14.
[33] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance d’injonction permanente, 18 janvier 2023, conclusions recherchées, p. 14-15.
[34] Jugement entrepris, paragr. 13-18.
[35] Pièce P-8, Résolution du 3 juin 2022, non reproduite en appel, citée dans le Jugement entrepris, paragr. 14.
[38] Bohémier c. Barreau du Québec, 2012 QCCA 308, paragr. 17. Voir aussi : Giroux c. Hydro-Québec, [2003] R.J.Q. 346, 2003 CanLII 11338, paragr. 65 (C.A.); Lord c. Tu, 2021 QCCS 996, paragr. 8.
[39] Luc Chamberland (dir.), Le Grand collectif : Code de procédure civile, Commentaires et annotations, 8e éd., Montréal, Yvon-Blais, 2023, art. 85. Voir aussi : Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, paragr. 43; Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45, paragr. 37; Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, paragr. 35; Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, p. 253; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607, p. 614-615; Ministre de la Justice (Can.) c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575, p. 598; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265, p. 267-271; Thorson c. Procureur Général du Canada, [1975] 1 R.C.S. 138.
[40] Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, supra, note 39, paragr. 2.
[42] Coroner en chef du Québec c. Duhamel, 2021 QCCA 796, paragr. 64, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 17 février 2022, no 39760.
[43] Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, supra, note 39, paragr. 37.
[44] Id., paragr. 20.
[46] Id., paragr. 52.
[47] Ibid.
[48] Chapman c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCA 2013, paragr. 32.
[49] Behn c. Moulton Contracting Ltd., 2013 CSC 26, paragr. 30 et 33.
[50] Comme le note la Cour suprême, plusieurs arrêts en lien avec les droits reconnus par l’art. 35 de la L.c. de 1982 ont été rendus dans un tel contexte, voir : R. c. Marshall; R. c. Bernard, 2005 CSC 43, paragr. 142-143 (motifs concordants du j. LeBel); R. c. Powley, 2003 CSC 43; Rice c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCA 666, paragr. 121, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 22 décembre 2016, no 37077. Voir aussi : Francis c. Canada, 2018 CF 49, paragr. 26.
[52] Behn c. Moulton Contracting Ltd., supra, note 49, paragr. 33-35.
[53] Rice c. Agence du revenu du Québec, supra, note 50, paragr. 114-126. Demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 22 décembre 2016, no 37077.
[54] Id., paragr. 126.
[55] Ibid.
[56] Demande introductive d’instance pour l’émission d’une ordonnance d’injonction permanente, 18 janvier 2023, conclusions recherchées, p. 15.
[57] Jugement entrepris, paragr. 20.
[58] Id., paragr. 21.
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