Autobus des Monts inc. c. Développement Côte-de-Beaupré | 2025 QCCA 634 |
COUR D’APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
SIÈGE DE QUÉBEC
No : | 200-09-010743-240 |
| (200-17-034195-222) |
FORMATION : LES HONORABLES | JULIE DUTIL, J.C.A. |
CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. |
ÉRIC HARDY, J.C.A. |
PARTIE APPELANTE | AVOCATS |
AUTOBUS DES MONTS INC. | Me CHARLES-FRANCIS ROY Me ANTOINE SARRAZIN-BOURGOIN Me CHARLOTTE REID (ABSENTE) Me CATHERINE LORD (ABSENTE) (Gravel, Bernier) |
PARTIE INTIMÉE | AVOCATS |
DÉVELOPPEMENT CÔTE-DE-BEAUPRÉ | Me BENJAMIN BOLDUC Me CLAUDE JEAN (Tremblay, Bois) |
PARTIES MISES EN CAUSE | AVOCATS |
MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE COMTÉ DE L’ÎLE-D’ORLÉANS MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE COMTÉ DE LA CÔTE-DE-BEAUPRÉ | Me BENJAMIN BOLDUC Me CLAUDE JEAN (Tremblay, Bois) |
LES TOURS DU VIEUX-QUÉBEC (1989) INC. | |
En appel d’un jugement rendu le 6 février 2024 par l’honorable Guy de Blois de la Cour supérieure, district de Québec. |
NATURE DE L’APPEL : | Municipal (administration régionale et communauté urbaine) (contrat) |
Greffière-audiencière : Alexandra Fortin | Salle : 4.33 |
9 h 30 | Appel du dossier et identification des parties; |
| La Cour s’adresse aux parties; |
9 h 32 | Observations de Me Roy; |
| Échanges entre la Cour et Me Roy; |
| Me Roy poursuit ses observations; |
10 h 25 | Suspension; |
10 h 30 | Reprise; |
10 h 31 | Observations de Me Bolduc; |
| Échanges entre la Cour et Me Bolduc; |
11 h 02 | Suspension; |
11 h 18 | Reprise; |
| Me Bolduc poursuit ses observations; |
11 h 32 | Réplique de Me Roy; |
| Échanges entre la Cour et Me Roy; |
| Me Roy poursuit sa réplique; |
11 h 45 | Échanges entre la Cour et les parties; |
11 h 47 | Suspension; |
12 h 00 | Reprise; |
| Arrêt; |
12 h 01 | Fin de l’audience. |
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Alexandra Fortin, greffière-audiencière |
- L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 6 février 2024 par la Cour supérieure (l’honorable Guy de Blois, j.c.s.), lequel rejette son pourvoi en contrôle judiciaire et action en nullité (« pourvoi »)[1].
- Pour l’essentiel, l’appelante demandait à la Cour supérieure de « constater » la nullité d’un appel d’offres lancé par l’intimée pour l’octroi d’un contrat de transport collectif et adapté devant desservir les populations des mises en cause Municipalité régionale de comté de la Côte-de-Beaupré (« MRC-CDB ») et Municipalité régionale de comté de l’Île‑d’Orléans (« MRC-IO ») et de déclarer illégal le contrat de transport en découlant qui a été octroyé à la mise en cause Les Tours du Vieux‑Québec (1989) inc.
- En première instance, l’appelante a fait valoir que l’intimée n’était pas habilitée à lancer un tel appel d’offres pour le compte de la MRC-IO ni à conclure un tel contrat[2]. Pour que l’intimée le soit, il aurait fallu que la MRC-IO se soumette au mécanisme d’autorisation ministérielle prévu aux articles 126.2, 126.3 et 126.4 de la Loi sur les compétences municipales (« L.C.M. »)[3] en matière de développement local et régional alors qu’elle-même et ses municipalités constituantes s’étaient plutôt prévalues de l’article 569 du Code municipal du Québec (« C.mun. »)[4].
- À juste titre, les parties conviennent devant le juge que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable[5].
- Le juge rejette le pourvoi. La décision de la MRC-IO et de ses municipalités constituantes de recourir à l’article 569 du C.mun. pour habiliter l’intimée à lancer un appel d’offres et à contracter lui apparaît raisonnable, d’autant plus que l’article 4(8) de la L.C.M. attribue aux municipalités une compétence en matière de transport, compétence que l’article 14.18 du C.mun., du reste, leur permet de subdéléguer. En somme, la décision attaquée possède, selon le juge, les attributs d’une décision raisonnable en ce qu’elle tient compte des contraintes juridiques et factuelles applicables[6].
- L’appelante est d’un autre avis. Les principes modernes d’interprétation des lois auraient dû convaincre le juge de conclure autrement. Notamment, il aurait dû constater que la compétence d’une municipalité en matière de transport, bien qu’elle soit énoncée de façon large à l’article 4(8) de la L.C.M., est néanmoins circonscrite par les articles que l’on trouve au chapitre IX de cette même loi. Or, aucun d’entre eux ne traite de transport collectif ou adapté. L’appelante ajoute que c’est plutôt en vertu de l’article 48.18 de la Loi sur les transports[7] qu’une municipalité peut organiser un service de transport en commun. Toutefois, si elle désire le faire, elle doit procéder par règlement, ce que les municipalités constituantes de la MRC-IO n’auraient pas fait. Finalement, l’appelante plaide qu’un jugement rendu par la Cour supérieure (l’honorable Nancy Bonsaint, j.c.s.)[8] antérieurement au pourvoi et bénéficiant de l’autorité de la chose jugée lui donnerait raison.
- L’appelante échoue à démontrer que le jugement entrepris est entaché d’une erreur révisable. Elle fait glisser le débat sur le terrain de la norme de la décision correcte alors que c’est celle de la décision raisonnable qui s’applique. Le juge n’avait pas à se demander si l’interprétation que la MRC-IO a donnée aux dispositions législatives pertinentes était la seule possible ni même si elle était la meilleure. Il lui suffisait de constater qu’elle faisait partie des issues possibles raisonnables en fonction des contraintes factuelles et juridiques applicables.
- Il ne fait d’ailleurs aucun doute que la décision administrative attaquée tient compte de ces contraintes. La compétence des municipalités en matière de transport leur est dévolue par la L.C.M. ainsi que par l’article 48.18 de la Loi sur les transports. L’article 2 de la L.C.M. indique que ses dispositions ne doivent pas s’interpréter de façon littérale ou restrictive. Au surplus, les municipalités ont le pouvoir de déléguer cette compétence et de permettre au délégataire de la subdéléguer. L’appelante ne démontre pas en quoi la conclusion du juge et l’analyse qui l’a précédée seraient irrationnelles.
- Par ailleurs, l’argument selon lequel les municipalités constituantes de la MRC-IO n’auraient pas adopté de règlement pour mettre sur pied un service de transport collectif n’a pas été présenté en première instance. De toute façon, l’appelante n’a pas fait la preuve que de tels règlements n’avaient pas été adoptés. Au contraire, le dossier d’appel démontre que plusieurs de ces règlements lui ont été communiqués en guise d’engagements. Or, elle ne les a pas produits, affirmant erronément qu’il n’y en avait pas eu.
- Enfin, l’argument de la chose jugée est sans mérite. Le jugement rendu par la juge Bonsaint avait pour objet le recours, par la MRC-IO, au mécanisme d’habilitation prévu aux articles 126.2, 126.3 et 126.4 de la L.C.M. et non celui dont elle s’est prévalue dans le présent dossier, lequel est fondé sur l’article 569 du C.mun. Ainsi, la question débattue en l’espèce n’a donc pas été tranchée par la juge Bonsaint, de sorte que son jugement n’a pas ici l’autorité de la chose jugée.
- En résumé, le juge a appliqué la norme de la décision raisonnable comme il se devait de sorte qu’une intervention de la Cour n’est pas requise.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
- REJETTE le pourvoi, avec les frais de justice.
| CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. |
[1] 2024 QCCS 2080 [jugement entrepris].
[2] Jugement entrepris, paragr. 48.
[5] Jugement entrepris, paragr. 42.
[6] Jugement entrepris, paragr. 66.