Procureur général du Québec c. Quebec English School Boards Association | 2025 QCCA 383 |
COUR D’APPEL |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
SIÈGE DE | MONTRÉAL |
N° : | 500-09-030704-233 |
(500-17-112190-205) |
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DATE : | 3 avril 2025 |
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FORMATION : | LES HONORABLES | ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. JUDITH HARVIE, J.C.A. |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
APPELANT – défendeur |
c. |
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QUEBEC ENGLISH SCHOOL BOARDS ASSOCIATION |
LESTER B. PEARSON SCHOOL BOARD |
ADAM GORDON |
INTIMÉS – demandeurs |
et |
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COMMISSION SCOLAIRE NEW FRONTIERS |
SHANNON KEYES |
COMMISSION SCOLAIRE ENGLISH‑MONTRÉAL |
COMMISSION SCOLAIRE WESTERN QUÉBEC |
COMMISSION SCOLAIRE RIVERSIDE |
COMMISSION SCOLAIRE EASTERN TOWNSHIPS |
COMMISSION SCOLAIRE SIR-WILFRID-LAURIER |
COMMISSION SCOLAIRE EASTERN SHORES |
COMMISSION SCOLAIRE CENTRAL QUÉBEC |
CHRIS EUSTACE |
MIS EN CAUSE – intervenants |
et |
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QUEBEC COMMUNITY GROUPS NETWORK |
INTERVENANTE |
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ARRÊT
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- Le procureur général du Québec (le « PGQ ») porte en appel le jugement du 2 août 2023 de l’honorable Sylvain Lussier de la Cour supérieure, district de Montréal[1], déclarant inopérantes à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec certaines dispositions de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires (la « Loi 40 »)[2] et de la Loi sur l’instruction publique (la « LIP »)[3], au motif qu’elles portent atteinte sans justification aux droits garantis à la minorité linguistique du Québec par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).
- Les conclusions du jugement porté en appel sont ainsi rédigées :
[438] ACCUEILLE en partie la demande en contrôle judiciaire des demandeurs;
[439] DÉCLARE QUE les articles 50, 52, en ce qui a trait à l’ajout de l’article 155 à la LIP, 66, 91, 93, 196, 208, 212 et 216 de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires et 155 et 473.1 de la Loi sur l’instruction publique portent atteinte aux droits garantis à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés;
[440] DÉCLARE que ces atteintes ne peuvent se justifier aux termes de l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés;
[441] DÉCLARE QUE ces articles sont inopérants à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec;
[442] REJETTE la demande relative aux articles 105, 142, 329 et 330 de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires;
[443] SUSPEND la déclaration du caractère inopérant de l’article 15 de la Loi sur les élections scolaires visant certains membres des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones durant une période de dix-huit mois à compter du présent jugement;
[444] PROLONGE le sursis d’application de la Loi et autres dispositions législatives décrété le 10 août 2020 jusqu’à l’expiration des délais d’appel du présent jugement;
[445] SUSPEND, pour une période de six mois à compter du présent jugement l’application, à l’égard des commissions scolaires ou centres de services scolaires anglophones les dispositions législatives énumérées à l’Annexe du présent jugement [[4]];
[446] CONSERVE compétence à l’égard du présent dossier pour régler les questions qui peuvent se poser à cet égard;
[447] LE TOUT, avec les frais de justice, incluant les frais d’experts, au bénéfice des demandeurs.
- Les intimés n’ont pas formé d’appel incident. Les intervenants devant la Cour supérieure sont des parties à l’appel comme mis en cause. Par ailleurs, le Quebec Community Groups Network a été autorisé à intervenir en appel[5]. L’audience de l’appel s’est déroulée sur trois jours du 27 au 29 janvier 2025.
- La Cour, après un rappel du contexte général de la Loi 40 et du recours entrepris ainsi qu’un résumé du jugement de première instance, abordera la portée générale des droits de gestion et de contrôle des établissements d’enseignement de la minorité linguistique, ainsi que l’identification des titulaires de ces droits. Nous traiterons par la suite de l’analyse des dispositions de la Loi 40 déclarées contraires à l’article 23 de la Charte et de la justification proposée pour ces dispositions en vertu de l’article premier de la Charte. La Cour se penchera ensuite sur la question de l’obligation de l’État de consulter la minorité linguistique dans le cadre du processus législatif. Finalement, la Cour traitera de la question des réparations.
LE CONTEXTE
- Le contexte général
- L’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère aux provinces le pouvoir exclusif de légiférer en matière d’éducation. Cependant, dans certaines provinces, dont le Québec jusqu’en 1997, ce pouvoir est assujetti à des protections pour la minorité religieuse catholique ou protestante, selon le cas[6] :
93. Dans chaque province, la législature pourra exclusivement décréter des lois relatives à l’éducation, sujettes et conformes aux dispositions suivantes : 1. Rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège conféré, lors de l’union, par la loi à aucune classe particulière de personnes dans la province, relativement aux écoles séparées (denominational); 2. Tous les pouvoirs, privilèges et devoirs conférés et imposés par la loi dans le Haut-Canada, lors de l’union, aux écoles séparées et aux syndics d’écoles des sujets catholiques romains de Sa Majesté, seront et sont par la présente étendus aux écoles dissidentes des sujets protestants et catholiques romains de la Reine dans la province de Québec; 3. Dans toute province où un système d’écoles séparées ou dissidentes existera par la loi, lors de l’union, ou sera subséquemment établi par la législature de la province — il pourra être interjeté appel au gouverneur-général en conseil de toute loi ou décision d’aucune autorité provinciale affectant aucun des droits ou privilèges de la minorité protestante ou catholique romaine des sujets de Sa Majesté relativement à l’éducation; 4. Dans le cas où il ne serait pas décrété telle loi provinciale que, de temps à autre, le gouverneur-général en conseil jugera nécessaire pour donner suite et exécution aux dispositions du présent article, — ou dans le cas où quelque décision du gouverneur-général en conseil, sur appel interjeté en vertu du présent article, ne serait pas mise à exécution par l’autorité provinciale compétente — alors et en tout tel cas, et en tant seulement que les circonstances de chaque cas l’exigeront, le parlement du Canada pourra décréter des lois propres à y remédier pour donner suite et exécution aux dispositions du présent article, ainsi qu’à toute décision rendue par le gouverneur-général en conseil sous l’autorité de ce même article. | 93. In and for each Province the Legislature may exclusively make Laws in relation to Education, subject and according to the following Provisions: 1. Nothing in any such Law shall prejudicially affect any Right or Privilege with respect to Denominational Schools which any Class of Persons have by Law in the Province at the Union; 2. All the Powers, Privileges, and Duties at the Union by Law conferred and imposed in Upper Canada on the Separate Schools and School Trustees of the Queen’s Roman Catholic Subjects shall be and the same are hereby extended to the Dissentient Schools of the Queen’s Protestant and Roman Catholic Subjects in Quebec;
3. Where in any Province a System of Separate or Dissentient Schools exists by Law at the Union or is thereafter established by the Legislature of the Province, an Appeal shall lie to the Governor General in Council from any Act or Decision of any Provincial Authority affecting any Right or Privilege of the Protestant or Roman Catholic Minority of the Queen’s Subjects in relation to Education; 4. In case any such Provincial Law as from Time to Time seems to the Governor General in Council requisite for the due Execution of the Provisions of this Section is not made, or in case any Decision of the Governor General in Council on any Appeal under this Section is not duly executed by the proper Provincial Authority in that Behalf, then and in every such Case, and as far only as the Circumstances of each Case require, the Parliament of Canada may make remedial Laws for the due Execution of the Provisions of this Section and of any Decision of the Governor General in Council under this Section. |
- Bien qu’il y ait au Canada un certain chevauchement entre les religions catholique et protestante et les langues française et anglaise[7], les protections constitutionnelles conférées par les paragraphes (1) à (4) de l’article 93 ne visent que l’éducation religieuse et non la langue d’enseignement, comme en a d’ailleurs décidé le Conseil privé il y a plus d’un siècle dans l’affaire Mackell[8]. Ainsi, jusqu’à l’entrée en vigueur de la Charte en 1982, la Constitution du Canada n’offrait aucune protection constitutionnelle aux membres des minorités linguistiques francophone et anglophone quant à la langue d’instruction de leurs enfants.
- Cela étant, au Québec, le libre choix de la langue d’enseignement était la norme pendant le premier siècle suivant la Confédération et, de fait, l’enseignement dans les commissions scolaires protestantes du Québec était largement (mais non exclusivement) dispensé en anglais. Il s’est aussi développé un large secteur d’enseignement en langue anglaise au sein des commissions scolaires catholiques du Québec, principalement dans la région de Montréal.
- Il n’est pas nécessaire aux fins de l’appel de procéder à une analyse historique détaillée de l’enseignement dans les langues des minorités linguistiques ni de traiter de l’abondante et complexe jurisprudence portant sur l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867[9]. Il suffit de noter qu’au Québec, l’enseignement en langue anglaise aux niveaux primaire et secondaire n’était pas prohibé pour tout élève dont les parents le demandaient. Par ailleurs, cet enseignement était dispensé au Québec au moyen d’institutions scolaires locales dont la gestion et le contrôle étaient généralement confiés à des élus locaux ou à des représentants désignés par ces élus. En bref, les protections constitutionnelles conférées par l’article 93 à la minorité protestante du Québec, combinées aux politiques gouvernementales en matière du choix de la langue d’enseignement, ont permis à un vigoureux secteur éducatif anglophone de s’épanouir au Québec. On peut en ce sens affirmer, comme la Cour l’a fait dans son récent arrêt Organisation mondiale sikhe du Canada, que l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 « est en quelque sorte l’ancêtre de l’art. 23 de la Charte canadienne »[10].
- L’accessibilité à l’enseignement primaire et secondaire en anglais a cependant été restreinte au Québec à compter des années 1970. Dans l’arrêt Quebec Association of Protestant School Boards[11], la Cour suprême brosse un tableau complet des diverses mesures prises en ce sens, depuis le Bill 63 de 1969[12] pour culminer dans la Charte de la langue française[13], entrée en vigueur en 1977.
- Ce sont ces restrictions à l’accessibilité à l’enseignement dans la langue de la minorité linguistique anglophone du Québec, combinées au peu d’empressement, voire à l’attentisme ou même au refus dans certains cas, d’autres provinces canadiennes à fournir de l’instruction dans la langue de la minorité linguistique francophone hors Québec, qui ont mené à l’adoption de l’article 23 de la Charte[14]. Cet article édicte ce qui suit :
23 (1) Les citoyens canadiens : a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident, b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province, ont, dans l’un ou l’autre cas, le droit d’y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.
(2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction. (3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province : a) s’exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l’instruction dans la langue de la minorité; b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics. | 23 (1) Citizens of Canada (a) whose first language learned and still understood is that of the English or French linguistic minority population of the province in which they reside, or (b) who have received their primary school instruction in Canada in English or French and reside in a province where the language in which they received that instruction is the language of the English or French linguistic minority population of the province, have the right to have their children receive primary and secondary school instruction in that language in that province. (2) Citizens of Canada of whom any child has received or is receiving primary or secondary school instruction in English or French in Canada, have the right to have all their children receive primary and secondary school instruction in the same language. (3) The right of citizens of Canada under subsections (1) and (2) to have their children receive primary and secondary school instruction in the language of the English or French linguistic minority population of a province
(a) applies wherever in the province the number of children of citizens who have such a right is sufficient to warrant the provision to them out of public funds of minority language instruction; and (b) includes, where the number of those children so warrants, the right to have them receive that instruction in minority language educational facilities provided out of public funds. |
- Il y a lieu de noter que l’alinéa 23(1)a) ne s’applique pas au Québec. L’article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit en effet que :
59 (1) L’alinéa 23(1)a) entre en vigueur pour le Québec à la date fixée par proclamation de la Reine ou du gouverneur général sous le grand sceau du Canada. | 59 (1) Paragraph 23(1)(a) shall come into force in respect of Quebec on a day to be fixed by proclamation issued by the Queen or the Governor General under the Great Seal of Canada. |
(2) La proclamation visée au paragraphe (1) ne peut être prise qu’après autorisation de l’assemblée législative ou du gouvernement du Québec. | (2) A proclamation under subsection (1) shall be issued only where authorized by the legislative assembly or government of Quebec. |
(3) Le présent article peut être abrogé à la date d’entrée en vigueur de l’alinéa 23(1)a) pour le Québec, et la présente loi faire l’objet, dès cette abrogation, des modifications et changements de numérotation qui en découlent, par proclamation de la Reine ou du gouverneur général sous le grand sceau du Canada. | (3) This section may be repealed on the day paragraph 23(1)(a) comes into force in respect of Quebec and this Act amended and renumbered, consequentially upon the repeal of this section, by proclamation issued by the Queen or the Governor General under the Great Seal of Canada. |
Or, à ce jour, ni l’Assemblée nationale du Québec ni le gouvernement du Québec n’a donné son autorisation à l’entrée en vigueur au Québec de l’alinéa 23(1)a) de la Charte.
- L’article 23 de la Charte introduit pour la première fois au sein de la Constitution du Canada des droits liés à l’enseignement dans la langue de la minorité linguistique d’une province. Son objet général vise à préserver les deux langues officielles du Canada, ainsi que les cultures qu’elles représentent, et à favoriser, dans la mesure du possible, l’épanouissement de chacune de ces langues dans les provinces où elle n’est pas parlée par la majorité. L’article 23 cherche à atteindre ce but en accordant aux parents citoyens canadiens appartenant à la minorité linguistique des droits à un enseignement dispensé dans leur langue à leurs enfants partout au Canada[15].
- L’alinéa 23(3)b) établit que le droit reconnu aux citoyens canadiens de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province comprend aussi, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics.
- Dans ses premiers arrêts interprétant l’alinéa 23(3)b), la Cour suprême a conclu qu’il permet aussi, lorsque le nombre des enfants le justifie, l’établissement d’un conseil scolaire indépendant pour la minorité linguistique[16].
- Si le nombre d’enfants ne permet pas l’établissement d’un tel conseil scolaire, l’alinéa 23(3)b) assure alors une représentation de la minorité linguistique au sein des conseils scolaires locaux ou des autres pouvoirs publics qui administrent l’instruction dans la langue de la minorité ou les établissements où elle est dispensée, et ce, en proportion du nombre d’élèves en cause[17].
- Ces représentants de la minorité linguistique exercent le pouvoir exclusif de décider des questions concernant l’instruction dans la langue de la minorité et les établissements où elle est dispensée, notamment à l’égard : a) des dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements; b) de la nomination et de la direction des personnes chargées de l’administration de cette instruction et de ces établissements; c) de l’établissement de programmes scolaires; d) du recrutement et de l’affectation du personnel (dont les enseignants); et e) de la conclusion d’accords pour l’enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique[18].
- Ces droits éducatifs de nature linguistique, qui incluent des pouvoirs de gestion et de contrôle des établissements de la minorité, s’ajoutent et se superposent à ceux conférés aux minorités protestantes et catholiques par l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Or, la laïcisation grandissante de la société québécoise dans son ensemble depuis la Révolution tranquille, laquelle s’est grandement accélérée au cours des décennies suivant l’adoption de la Charte, a mené à une remise en question des structures éducatives du Québec reposant jusqu’alors largement sur des commissions scolaires confessionnelles. Avec le temps, l’idée de remplacer ce modèle par un réseau de commissions scolaires linguistiques s’est concrétisée au Québec, ce qui a conduit à plusieurs projets de loi en ce sens.
- Bien qu’une telle réforme aurait pu se réaliser sans modification constitutionnelle[19], les défis d’ordres pratiques et opérationnels pour concilier les nouvelles commissions scolaires linguistiques avec les droits éducatifs confessionnels conférés par l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 se sont avérés fort complexes à résoudre. C’est ainsi que l’idée d’une modification constitutionnelle visant à exempter le Québec de l’application des paragraphes (1) à (4) de l’article 93 a pris forme.
- L’un des principaux obstacles politiques à une telle modification était la crainte, au sein de la communauté anglophone, que la gestion et le contrôle des nouvelles commissions scolaires linguistiques ne soient pas protégés pour celle-ci, alors que l’article 93 garantissait à tout le moins aux protestants du Québec la gestion et le contrôle d’un réseau éducatif qui regroupait, de fait, un large segment de la minorité linguistique. Or, vu la portée conférée à l’article 23 de la Charte par la Cour suprême du Canada quant à la gestion et au contrôle des établissements d’enseignement de la minorité linguistique par celle-ci, notamment dans l’arrêt Mahe, tant le gouvernement du Québec que le gouvernement du Canada ont rassuré la minorité linguistique anglophone du Québec que ces craintes étaient mal fondées.
- Ainsi, lors des débats à l’Assemblée nationale portant sur la modification constitutionnelle introduisant l’article 93A dans la Loi constitutionnelle de 1867 afin de rendre inapplicables au Québec les paragraphes (1) à (4) de l’article 93, la ministre de l’Éducation de l’époque exprimait la politique du gouvernement du Québec de permettre à la communauté anglophone du Québec de gérer ses institutions scolaires, comme le reconnaît d’ailleurs la Charte[20] :
Le deuxième fondement de cette politique, c’est de permettre à la communauté anglophone de gérer ses institutions, d’avoir la responsabilité de l’ensemble de son réseau scolaire, ce que lui reconnaît la Charte, ce que nous sommes prêts à lui reconnaître, en utilisant le moyen le plus rapide qu’est cet amendement [constitutionnel], cette motion qu’a proposée mon collègue le ministre responsable du dossier des Affaires intergouvernementales canadiennes. Alors donc, en ce sens-là, ce sont les fondements qui nous amènent à souhaiter que nous modifiions l’article 93.
[Soulignement ajouté]
- La résolution de l’Assemblée nationale portant sur la modification de l’article 93 reconnaît d’ailleurs les droits consacrés de la communauté québécoise d’expression anglaise, dont celui de faire instruire ses enfants qui y sont admissibles dans des établissements de langue anglaise « que cette communauté gère et contrôle »[21].
- Lors des débats portant sur l’adoption de cette même modification constitutionnelle, le gouvernement fédéral, par la voix de son ministre des Affaires intergouvernementales, responsable du dossier, informait le Parlement canadien que celle-ci n’aurait pas des conséquences néfastes pour la minorité linguistique anglophone du Québec, vu les droits constitutionnels garantis par l’article 23 de la Charte, notamment le droit de cette minorité linguistique à des commissions scolaires distinctes qu’elle gère et contrôle[22] :
[Traduction]
[…]
À cet égard, je répète que la minorité anglophone du Québec, qui a traditionnellement contrôlé et géré son propre réseau scolaire grâce aux protections accordées aux protestants en vertu de l’article 93, peut appuyer la modification de cet article en toute confiance puisque ses droits sont mieux protégés depuis l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982, plus particulièrement de l’article 23 de la Charte des droits et libertés.
Contrairement à l’article 93, l’article 23 de la charte vise spécifiquement à garantir le droit à l’éducation aux minorités linguistiques et les tribunaux ont donné une interprétation progressive et généreuse à cet article. Dans les faits, l’article 23 garantit aux minorités de langue officielle le droit de contrôler et de gérer leurs propres écoles et même leurs propres commissions scolaires. Certains groupes et certains experts l’ont confirmé lors des audiences du comité.
L’établissement de commissions scolaires linguistiques permettra à la communauté anglophone de regrouper sa clientèle scolaire et de tirer le maximum des garanties offertes par l’article 23.
[Soulignements ajoutés]
- La modification constitutionnelle fut finalement approuvée et est entrée en vigueur en 1997[23]. Elle introduit l’article 93A dans la Loi constitutionnelle de 1867, lequel énonce :
93A Les paragraphes (1) à (4) de l’article 93 ne s’appliquent pas au Québec. | 93A Paragraphs (1) to (4) of section 93 do not apply to Quebec. |
- C’est ainsi que les commissions scolaires confessionnelles du Québec furent réaménagées en commissions scolaires linguistiques sous la gouverne de conseils composés de commissaires élus, dont des commissions scolaires anglophones contrôlées et gérées par la minorité linguistique anglophone du Québec. Évidemment, l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui confère aux législatures provinciales pleine compétence en matière d’éducation demeure en vigueur, lequel doit toutefois être interprété et appliqué dans le respect des droits et garanties prévus à l’article 23 de la Charte[24].
- Avec le temps, plusieurs facteurs, dont notamment le faible taux de participation aux élections scolaires, particulièrement dans le secteur francophone[25], ont mené à une remise en question par certains acteurs politiques de la légitimité du modèle de gouvernance scolaire fondé sur des élus. Le parti politique provincial Coalition Avenir Québec (la « CAQ ») a d’ailleurs inscrit dans son programme électoral l’abolition des commissions scolaires, avec pour but de les transformer en centres de services aux écoles[26] : « Moins couteux et éventuellement moins nombreux, les centres de services aux écoles seront intégrés au ministère de l’Éducation. Ils auront pour mission de fournir des services administratifs et de faciliter au maximum la gestion des écoles ».
- À la suite du scrutin provincial du 1er octobre 2018, la CAQ fut appelée à former un gouvernement majoritaire à l’Assemblée nationale. La réforme des structures de gestion de l’enseignement primaire et secondaire prévue à son programme électoral fut mise en œuvre au moyen de la Loi 40.
- La Loi 40
- La Loi 40 fut présentée à l’Assemblée nationale le 1er octobre 2019, adoptée en forme finale le 8 février 2020 et sanctionnée le même jour. Cette loi comporte 335 articles et deux annexes qui modifient principalement la LIP, mais aussi plus de 80 autres lois, dont notamment la Loi sur les élections scolaires[27], qu’elle renomme la Loi sur les élections scolaires visant certains membres des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones (la « Nouvelle Loi sur les élections scolaires »)[28].
- Pour le secteur francophone, les dispositions de la Loi 40 sont graduellement entrées en vigueur; elles ont maintenant leur plein effet dans ce secteur[29]. Ce n’est cependant pas le cas pour le secteur anglophone puisqu’une ordonnance de sursis d’application de la Loi 40 à l’égard de ce secteur a été prononcée par la Cour supérieure[30] et confirmée par la Cour[31]. À la suite de ce sursis, le gouvernement a adopté, par voie de décret (Décret 1077‑2021), un règlement qui retarde sa mise en vigueur pour ce secteur[32], considérant le débat judiciaire en cours.
- Comme le soulignait le ministre de l’Éducation (le « ministre »), responsable de son adoption lors des débats parlementaires, la Loi 40 introduit « un changement de paradigme » dans le système d’éducation en « invers[ant] la pyramide des pouvoirs »[33] :
[…] Mais c'est là où il ne faut pas transposer exactement ce que font les commissaires par rapport à ce que feront les gens sur un conseil d'administration. C'est un changement de paradigme, on inverse la pyramide des pouvoirs, les gens qui siégeront sur les C.A. n'auront pas la même mission, la même charge de travail, et il y aura, justement, une formation pour qu'on comprenne nos rôles, devoirs et responsabilités. Mais, à cet égard-là, je peux comprendre que pour quelqu'un qui regarde le projet de loi et qui pense qu'on va tout simplement demander aux membres du C.A. de faire ce que font les commissaires, mais à rabais, ça pose un problème. Ceci dit, ce n'est pas ça. La mission sera différente. On leur demandera de venir siéger sur un C.A., d'être en quelque sorte le gardien de l'équité, le gardien ... que les décisions sont prises selon les règles, et on ne leur demandera pas de gouverner une instance de gouvernement comme le sont, en ce moment, les commissions scolaires. Et c'est là où il y a un changement de paradigme, et c'est là où ça demande un effort un peu plus grand, mais je comprends cette inquiétude.
[Soulignements ajoutés]
- D’ailleurs, une lecture attentive de cette loi permet de conclure, comme l’a fait le juge de première instance, qu’elle met en place a) un transfert important des pouvoirs de gestion et de contrôle du système éducatif de la minorité linguistique anglophone au profit du ministre et des employés des centres de services scolaires; et b) des restrictions importantes à la mise en candidature d’un segment significatif de la communauté anglophone aux postes de membres des conseils d’administration des nouveaux centres de services scolaires.
- La Loi 40 instaure une transformation profonde dans la gouvernance de l’éducation primaire et secondaire. Il n’y a pas lieu de décrire chacune de ses nombreuses dispositions ni l’ensemble des multiples modifications qu’elle apporte. Il suffit de brosser à grands traits les principales caractéristiques pertinentes aux fins du présent appel.
- Avant tout, la Loi 40 transforme les commissions scolaires sous la gouverne d’un conseil de commissaires formé d’élus en des centres de services scolaires[34] maintenant dirigés par un conseil d’administration. Par ailleurs, elle modifie en profondeur la mission de ces centres de services scolaires par rapport à celle des commissions scolaires.
- Alors qu’avant l’adoption de la Loi 40, l’article 207.1 de la LIP définissait la mission de la commission scolaire comme celle « d’organiser les services éducatifs au bénéfice des personnes relevant de sa compétence et de s’assurer de leur qualité [et] de veiller à la réussite des élèves », la nouvelle mission d’un centre de services scolaire prévue à l’article 207.1 modifié par la Loi 40, est maintenant « d’établir des établissements d’enseignement sur son territoire, de les soutenir et de les accompagner en leur rendant accessibles les biens et services et en leur offrant les conditions optimales leur permettant de dispenser aux élèves des services éducatifs de qualité et de veiller à leur réussite éducative ».
- Ainsi, le rôle des commissions scolaires a été restreint depuis qu’il passe de celui d’organisateur des services éducatifs qui en contrôle la qualité à un rôle plus secondaire, attribué aux centres de services scolaires, de soutien ainsi que de fournisseur de biens et services afin que prévalent les conditions optimales pour dispenser les services éducatifs. Comme son nouveau nom l’indique, un « centre de services » est désormais chargé de fournir des services selon les politiques établies par le gouvernement et les objectifs définis par un comité d’employés. Il n’est plus un corps chargé d’organiser les services éducatifs et d’en assurer la qualité. Il s’agit là d’un changement majeur de paradigme.
- Le rôle du conseil d’administration d’un centre de services scolaire en est dorénavant un de surveillance plutôt que de direction, les décisions étant prises à d’autres niveaux et devant respecter les nombreuses directives ministérielles qui portent tant sur la pédagogie, que sur l’administration et les budgets. Il est utile de rappeler que lors de débats parlementaires portant sur la Loi 40, le ministre reconnaissait d’ailleurs que le nouveau conseil d’administration deviendrait « en quelque sorte le gardien de l'équité, le gardien... que les décisions sont prises selon les règles », puisque « on ne leur demandera pas de gouverner […] »[35].
- Ces changements de rôle et de mission se reflètent dans la composition du conseil d’administration, dans l’abolition de la rémunération de ses membres, dans le transfert de responsabilités vers le directeur général (qui agit dorénavant comme porte-parole) et vers les comités d’employés (notamment le comité d’engagement pour la réussite des élèves), de même que dans l’accroissement des pouvoirs du ministre.
- Dans le secteur francophone, le conseil des commissaires élus est remplacé par un conseil d’administration composé de quinze membres qui sont désignés plutôt qu’élus[36], soit :
- cinq membres qui sont des parents d’un élève fréquentant un établissement d’enseignement relevant du centre de services scolaire, qui sont membres du comité de parents, qui ne sont pas membres du personnel du centre[37] et qui siègent au conseil d’établissement d’une école[38]; chacun de ces membres parents représente un district[39] et est désigné par le comité de parents selon les modalités que ce comité détermine et selon un découpage territorial établi par le directeur général du centre de services scolaire[40];
- cinq membres désignés par et parmi différentes catégories d’employés du centre de services scolaire[41] selon les modalités déterminées par le directeur général du centre[42];
- cinq représentants de la communauté qui doivent répondre à certains profils de compétence particuliers[43] et qui sont désignés par cooptation des deux autres catégories de membres du conseil[44].
- Dans le secteur anglophone, la Loi 40 préserve les élections scolaires pour la plupart des postes du conseil d’administration, mais elle établit des critères d’éligibilité pour se porter candidat à ces élections qui disqualifient de facto un très large segment de la minorité linguistique.
- Ainsi, dans le secteur anglophone, la composition du conseil d’administration peut fluctuer de 16 à 34 membres[45], dont :
a) huit à dix-sept parents d’un élève fréquentant un établissement d’enseignement relevant du centre de services scolaire, qui ne sont pas membres du personnel du centre et qui siègent à titre de parents au conseil d’établissement d’une école[46]; chaque membre parent est élu au suffrage universel des électeurs de la circonscription électorale concernée, laquelle est établie à cette fin sur le territoire du centre de services scolaire[47];
b) quatre à treize[48] représentants de la communauté domiciliés sur le territoire du centre de services scolaire, qui ne sont pas membres du personnel du centre, et qui répondent à certains profils de compétence particuliers, soit : « a) au moins une personne ayant une expertise en matière de gouvernance, d’éthique, de gestion des risques ou de gestion des ressources humaines; b) au moins une personne ayant une expertise en matière financière ou comptable ou en gestion des ressources financières ou matérielles; c) au moins une personne issue du milieu communautaire, municipal, sportif, culturel, de la santé, des services sociaux ou des affaires; d) au moins une personne âgée de 18 à 35 ans »[49]; ces membres sont élus au suffrage universel des électeurs sur tout le territoire desservi par le centre de services scolaire[50]; et
c) quatre membres du personnel du centre de services scolaire désignés par et parmi différentes catégories d’employés du centre selon les modalités déterminées par le directeur général du centre[51].
- Notons que le comité exécutif du conseil des commissaires est aboli, ce qui réduit d’autant l’implication des membres du conseil d’administration dans la gestion du centre de services scolaire et diminue aussi le nombre de réunions impliquant des membres du conseil d’administration[52]. Par ailleurs, les postes de président et de vice-président du conseil d’administration sont dorénavant réservés aux membres qui sont des parents d’élèves inscrits auprès d’un établissement d’enseignement du centre[53].
- Les membres du conseil d’administration n’ont pas droit à une rémunération comme c’était auparavant le cas pour les commissaires élus. Ils se voient désormais accorder une allocation de présence pour leur participation à une réunion du conseil d’administration[54]. La valeur de celle-ci entraîne une importante réduction de la compensation par rapport à la rémunération antérieure.
- La fonction de porte-parole qui était autrefois confiée aux présidents des commissions scolaires est dorénavant dévolue aux directeurs généraux des centres de services scolaires[55]. Par ailleurs, un nouveau comité d’employés est constitué, soit le comité d’engagement pour la réussite des élèves, qui a pour mission principale d’établir et de proposer les orientations, les objectifs et les cibles du centre de services scolaire, lesquels relevaient antérieurement de la seule responsabilité du conseil des commissaires[56].
- Le nouveau rôle et la nouvelle mission des centres de services scolaires contrastent avec les pouvoirs accrus du ministre. Ces pouvoirs se sont accumulés au cours des années suivant le remplacement des commissions scolaires confessionnelles par les commissions scolaires linguistiques. La Loi 40 poursuit dans cette lancée en élargissant davantage ces pouvoirs ministériels à l'égard des nouveaux centres de services scolaires, pouvoirs qui se sont d'ailleurs encore considérablement accrus dans la législation adoptée depuis cette loi. Ainsi, pour ne donner que quelques exemples parmi plusieurs :
- depuis 2009, le ministre peut déterminer, pour l’ensemble des commissions scolaires ou en fonction de la situation de l’une ou de certaines d’entre elles, des orientations, des objectifs ou des cibles devant être pris en compte pour l’élaboration du plan d’engagement vers la réussite des commissions scolaires : art. 459.2 de la LIP;
- depuis 2016, le ministre peut émettre des directives qui lient la commission scolaire portant sur l’administration, l’organisation, le fonctionnement ou les actions de celle-ci : art. 459.6 de la LIP;
- depuis 2018, le ministre peut prescrire à toute commission scolaire des modalités visant la coordination de la démarche de planification stratégique entre les établissements d’enseignement, la commission scolaire et le ministère; il peut en outre ordonner que la publication du plan d’engagement d’une commission scolaire soit différée et que celui-ci soit modifié afin, d’une part, d’harmoniser sa période avec celle du plan stratégique du ministère conformément aux modalités prescrites et, d'autre part, d’assurer sa cohérence avec les orientations stratégiques et objectifs du plan du ministère : art. 459.3 de la LIP;
- depuis 2020 (soit avec l’adoption de la Loi 40), le ministre peut déterminer, pour l’ensemble des centres de services scolaires, et même pour l’un d’entre eux en particulier, des objectifs ou des cibles portant sur l’administration, l’organisation ou le fonctionnement du centre : art. 459.5.4 de la LIP;
- toujours depuis 2020 (soit avec l’adoption de la Loi 40), le ministre peut exiger qu’un centre de services scolaire partage ses ressources ou ses services, notamment ceux de nature administrative, avec un autre centre de services scolaire, ou même avec un autre organisme public, dont une municipalité : art. 215.2 de la LIP;
- depuis 2023 (soit après l’adoption de la Loi 40), le ministre peut annuler toute décision d’un centre de services scolaire qu’il juge non conforme aux cibles, objectifs, orientations ou directives qu’il a établis; il peut alors prendre à sa place la décision qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu. Le même principe s’applique lorsque le ministre est d’avis qu’une décision devrait être prise par le centre afin que celui‑ci se conforme aux cibles, aux objectifs, aux orientations et aux directives qu’il a établis : art. 459.7 de la LIP[57];
- toujours depuis 2023 (soit après l’adoption de la Loi 40), le ministre peut, après consultation des centres de services scolaires concernés, déterminer des orientations devant être tenues en compte pour l’organisation des services éducatifs visant l’ensemble des centres de services scolaires ou en fonction de la situation de l’un ou de certains d’entre eux : art. 459.0.0.1 de la LIP[58];
- par ailleurs, le ministre établit des règles budgétaires pour les commissions scolaires (désormais les centres de services scolaires) : art. 472 de la LIP; celles-ci lui permettent, depuis 2016[59], de prescrire que certaines mesures budgétaires sont destinées à un transfert vers les établissements d’enseignement afin d’être utilisées exclusivement à des fins précises qu’il détermine : art. 473.1 de la LIP.
- On pourrait multiplier ces exemples. Il suffit toutefois de constater pour nos fins que le réseau scolaire primaire et secondaire se trouve de plus en plus sous la gouverne du ministre et que la marge de manœuvre des commissions scolaires dans la gestion et le contrôle de l’éducation s'est réduite considérablement au fil du temps, au profit des pouvoirs ministériels. Cette marge de manœuvre est davantage éprouvée sous l’égide de la Loi 40 en ce qui concerne les nouveaux centres de services scolaires. Il y a là une tendance lourde vers un contrôle ministériel direct de l’ensemble du réseau.
- Le recours entrepris
- Dès la présentation de la Loi 40 à l’Assemblée nationale, plusieurs au sein de la minorité linguistique anglophone se sont vivement opposés à celle-ci, notamment au motif qu’elle serait incompatible avec les droits garantis par l’article 23 de la Charte.
- Le 15 mai 2020, la Quebec English School Boards Association (qui regroupe l’ensemble des commissions scolaires anglophones de la province), la Commission scolaire Lester B. Pearson et un ayant droit de l’article 23 de la Charte, M. Adam Gordon, déposent à la Cour supérieure une demande visant à faire déclarer inapplicables certaines dispositions de la Loi 40 et de la LIP au motif de leur incompatibilité avec l’article 23. Le recours entrepris comprend aussi une demande afin que la Cour supérieure ordonne le sursis de l’application de la Loi 40 à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec pendant l’instance judiciaire. Les autres commissions scolaires anglophones du Québec interviennent au recours afin d’appuyer les demandeurs (maintenant les intimés en appel), soit les commissions scolaires New Frontiers, English‑Montréal, Western Québec, Riverside, Eastern Townships, Sir Wilfrid Laurier, Eastern Shores et Central Québec.
- Les intimés n’attaquent pas la Loi 40 dans son ensemble. À titre d’exemple, ils ne contestent pas la nouvelle mission et le nouveau rôle des centres de services scolaires, ni ne demandent l’inconstitutionnalité de l’ensemble des nombreux pouvoirs dévolus au ministre au fil du temps, se limitant plutôt à cibler certains de ceux-ci. Ils restreignent ainsi leurs attaques à certains aspects précis de la Loi 40 en plaidant qu’ils sont contraires aux droits de gestion et de contrôle découlant de l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
- Ainsi, et bien que la Loi 40 établisse une nouvelle structure complexe intégrée, la demande de déclaration d’invalidité constitutionnelle des intimés ne vise que 13 des 335 articles de cette loi, soit :
- l’article 50 portant sur la composition du conseil d’administration d’un centre de services scolaire;
- l’article 52 établissant que seuls les membres du conseil d’administration siégeant à titre de parent d’un élève peuvent accéder aux postes de président et de vice-président;
- l’article 66 portant sur le nouveau mode de compensation des membres du conseil d’administration;
- l’article 91 établissant le comité d’engagement pour la réussite des élèves et son mandat;
- l’article 93 prévoyant le transfert du rôle de porte-parole du président au directeur général;
- l’article 105 permettant au ministre d’exiger qu’un centre de services scolaire partage ses ressources ou ses services, notamment ceux de nature administrative, avec tout autre centre de services scolaire, ou même avec un autre organisme public, dont une municipalité;
- l’article 142 permettant au ministre de déterminer, pour l’ensemble des centres de services scolaires, et même pour l’un d’entre eux en particulier, des objectifs ou des cibles portant sur l’administration, l’organisation ou le fonctionnement du centre;
- l’article 196 concernant le mode d’élection des membres qui siègent au conseil d’administration d’un centre de services scolaire anglophone à titre de parent ou de représentant de la communauté;
- l’article 208 imposant des profils de compétence aux fins de l’élection des représentants de la communauté au conseil d’administration d’un centre de services scolaire anglophone;
- l’article 212 modifiant l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires encadrant le droit de vote aux élections du réseau scolaire anglophone;
- l’article 216 concernant les exigences de qualification des membres qui siègent au conseil d’administration d’un centre de services scolaire anglophone, notamment celle imposée à un parent de siéger au conseil d’établissement d’une école relevant du centre;
- les articles 329 et 330 permettant au ministre d’annuler toute décision d’une commission scolaire anglophone prise entre le 1er octobre 2019 et le 5 novembre 2020.
- Les intimés ajoutent aussi une demande d’invalidité constitutionnelle de l’article 473.1 de la LIP qui, depuis 2016, permet au ministre de prescrire le transfert de certaines subventions vers les instances locales afin que celles‑ci soient utilisées à des fins précises déterminées par le ministre.
- Bien que peu d’articles de la Loi 40 soient visés par leur demande d’invalidité constitutionnelle, les intimés identifient plusieurs autres dispositions de cette loi qui seraient inextricablement liées à ces articles[60]. Ils demandent donc de suspendre l’application au réseau scolaire anglophone de la Loi 40 dans son ensemble ou, subsidiairement, des dispositions inextricablement liées aux dispositions attentatoires de la loi, et ce, jusqu’à l’adoption d’une loi de remédiation par l’Assemblée nationale.
- Par ailleurs, en plus de leur demande d’invalidité de l’article 212 de la Loi 40 modifiant l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires, les intimés demandent aussi une déclaration d’invalidité constitutionnelle de cet article 15 qui encadre le droit de vote pour l’élection des membres du conseil d’administration des centres de services scolaires anglophones.
LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE
- La preuve en première instance est largement constituée de déclarations sous serment et de rapports d’expert. Certains déclarants ont aussi témoigné de vive voix lors de l’enquête tenue les 14, 15, 16 et 19 avril 2021. Les plaidoiries des procureurs se sont déroulées les 21, 22, 23, 26 et 27 avril 2021. Lors de la dernière journée des plaidoiries, les demandeurs (maintenant intimés en appel) ont été autorisés à soumettre une demande introductive d’instance modifiée, ce qu’ils ont fait le 25 juin 2021.
- Le jugement de première instance comprend 129 pages, dont 447 paragraphes et une annexe. Le juge divise son analyse en trois parties portant respectivement sur l’atteinte à l’article 23 de la Charte, la justification de l’atteinte et les réparations. En voici le résumé.
- L’atteinte à l’art. 23 de la Charte
- La première partie portant sur l’atteinte occupe près de 100 des 129 pages du jugement. Elle se subdivise en 10 sections qu’il y a lieu de brièvement résumer tour à tour.
- La première section concerne l’objet et l’interprétation de l’article 23 de la Charte. Le juge procède à une revue de la jurisprudence pour conclure que l’un « des buts de l’adoption de l’article 23 était de mettre les minorités à l’abri des décisions de la majorité, prises sans égard aux droits de la minorité »[61]. Il cite à ce sujet les juges Major et Bastarache dans l’arrêt Arsenault‑Cameron, qui énoncent que « l’art. 23 était destiné en partie à protéger la minorité contre l’effet des mesures adoptées pour répondre aux besoins de la majorité »[62]. Il rappelle les propos du juge en chef Wagner dans Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, qui mentionne que cette disposition constitutionnelle « protège les minorités linguistiques officielles contre les effets des décisions de la majorité en matière d’éducation en leur permettant de jouir d’une certaine autonomie sur leur système d’éducation »[63].
- Sa lecture des arrêts de la Cour suprême permet aussi au juge de conclure que l’article 23 de la Charte doit recevoir une interprétation large et libérale, propre à assurer son but[64], ce qui l’amène à étudier les articles contestés de la Loi 40 « dans leur perspective globale et dans leur contexte pour déterminer si, lus ensemble, ils portent atteinte aux droits garantis »[65] par cette disposition constitutionnelle.
- La seconde section concerne l’identification des bénéficiaires de l’article 23 et, plus particulièrement, de son alinéa 23(3)b). Le juge rejette l’approche du PGQ voulant que seuls les parents d’élèves fréquentant une école de la minorité jouissent des droits de gestion et de contrôle qui découlent de cette disposition constitutionnelle. Le juge estime qu’il s’agit là d’une interprétation restrictive de l’article 23 qui ne permet pas d’en réaliser les objets, notamment parce qu’elle ne tient pas compte de la dimension collective du droit à l’enseignement dans la langue de la minorité[66].
- C’est cette dimension collective que le juge aborde plus en détail dans la troisième section. Procédant à une revue exhaustive de la jurisprudence et de la doctrine, il conclut que l’article 23 de la Charte protège à la fois des droits individuels – notamment celui des individus visés de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité linguistique (par. 23(1) et (2)) – et des droits collectifs – notamment de gestion et de contrôle des établissements d’enseignement par la minorité linguistique (al. 23(3)b)). Il ne définit pas précisément les groupes d’individus faisant partie de la minorité linguistique visée par l’alinéa 23(3)b), mais laisse entendre que ce groupe comprend ceux décrits par l'alinéa 23(1)b) et le paragraphe 23(2) de la Charte :
[72] La dimension collective des droits conférés par l’article 23 doit donc conditionner et informer l’interprétation de celui-ci.
[73] La communauté anglophone du Québec ne se limite pas aux parents d’élèves inscrits à l’école. L’article 23 étend les bénéfices de sa protection à tous les citoyens canadiens qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en anglais au Canada, ou dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire en anglais. L’article 23 ne crée pas deux catégories d’ayants-droit, ceux qui ont des enfants à l’école et ceux qui n’en ont pas.
[74] La désignation des représentants de la communauté va au-delà du simple groupe des parents d’enfants inscrits à l’école. La loi doit viser à favoriser la participation des membres de la communauté à la gestion scolaire, dans un but d’épanouissement de cette communauté.
- Cela étant, plus loin dans ses motifs, le juge énonce que c’est l’ensemble de la minorité linguistique qui est concerné par l’alinéa 23(3)b), sans toutefois définir précisément cette minorité :
[211] La minorité linguistique transcende le groupe plus restreint d’individus dont les enfants sont inscrits à l’école. C’est la transmission de la culture qui est en jeu. La communauté entière est interpellée par le projet scolaire, qui ne se limite pas aux bancs d’école. La communauté doit se reconnaître dans ses représentants. Elle a voix dans leur désignation. Ceux-ci sont les membres éminents de la communauté, sans égard à leur statut de parent, membre du conseil d’établissement. La communauté doit pouvoir participer à la définition des programmes et identifier les enjeux qui lui sont propres. Elle doit pouvoir s’exprimer par l’entremise des représentants qu’elle a choisis.
- Dans la quatrième section, le juge s’attarde au contexte historique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’article 23. Il procède à un long examen des expertises au dossier traitant de l’histoire de l’enseignement primaire et secondaire au Québec et du rôle de la communauté anglophone dans la gouvernance des structures éducatives. Il constate que, lors de la Confédération, les droits éducatifs de la minorité anglophone du Québec étaient largement fondés sur les garanties constitutionnelles conférées aux protestants du Québec en vertu de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le juge s’attarde ensuite à l’évolution des structures éducatives québécoises depuis la Confédération jusqu’à l’adoption de la Loi 40. Il prend note des circonstances qui ont mené à la Modification constitutionnelle de 1997 (Québec) rendant inapplicables au Québec les garanties confessionnelles en matière d’éducation des paragraphes 93(1) à (4) de la Loi constitutionnelle de 1867 et facilitant le remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques.
- Il prend aussi note de l’engagement des représentants du Québec et du Canada envers la minorité linguistique anglophone du Québec lors de cette modification constitutionnelle, quant à la gestion et au contrôle de leurs commissions scolaires. Il énonce que « [c]et engagement de maintenir la gestion et le contrôle des institutions par la minorité doit nécessairement guider l’interprétation de l’article 23 à la situation »[67]. Il conclut de son survol du contexte historique que les garanties de l’article 23 de la Charte doivent s’interpréter de façon à protéger les droits de gestion et de contrôle de la minorité anglophone du Québec sur ses institutions d’enseignement primaire et secondaire :
[148] Rappelons ce qu’écrivaient les juges majoritaires dans le Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.) :
Il faut noter en passant, comme l'a indiqué notre Cour dans l'arrêt Ford c. Québec (Procureur général), 1988 CanLII 19 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 712, aux pp. 777 et 778, que l'accent mis sur le contexte historique de la langue et de la culture indique qu'il peut bien être nécessaire d'adopter des méthodes d'interprétation différentes dans divers ressorts qui tiennent compte de la dynamique linguistique particulière à chaque province.
(Le Tribunal souligne)
[149] Concurremment à l’objet de l’article 23 qui permet de « réparer » les injustices faites aux francophones hors-Québec, il doit être, au Québec, d’empêcher l’érosion des droits qu’ont acquis, au fil des siècles, les anglophones québécois à la gestion et au contrôle de leurs institutions scolaires.
[150] Comme l’ont écrit les professeurs Guillaume Rousseau et Éric Poirier au sujet de l’article 23 et de son application au Québec :
« Plutôt que d'engendrer des changements comme dans les autres provinces, (l’article 23) a pour effet au Québec de protéger des institutions déjà existantes ».
[Renvois omis]
- Le juge aborde le contexte géographique dans la cinquième section de son analyse de l’atteinte. Il retient de la preuve présentée que les commissions scolaires anglophones du Québec vivent des réalités fort différentes les unes des autres. Deux d’entre elles desservent un territoire relativement restreint en milieux essentiellement urbains, tandis que les autres desservent des territoires immenses, comportant à la fois des milieux densément urbanisés, des banlieues et des zones rurales ou isolées géographiquement. Il cite pour exemple le rapport d’expertise de la professeure Diane Gérin-Lajoie, qui conclut à la diversité des milieux anglophones du Québec et aux problèmes particuliers de vitalité de ceux situés en milieux éloignés de Montréal[68] :
12. […] Anglophones living in regions are isolated. Lamarre (2012) explains that, contrary to the situation in Montreal where Anglophones have better institutional support, Anglophones outside of Montreal who are dispersed on large territories face the same problems as Francophones do outside Quebec: little access to services in English, a lack of resources, such as bookstores, community centres, theater, etc. and the absence of institutional support. […]
Le juge conclut que les « problèmes de dispersion et de manque de vitalité de la communauté anglophone à l’extérieur de Montréal ne sont pas sans conséquence sur l’atteinte que porte la Loi [40] aux droits garantis par l’article 23 »[69].
- Dans la sixième section, le juge traite des atteintes aux droits de gestion et de contrôle de ses institutions scolaires garantis à la minorité linguistique anglophone du Québec. Il détermine que le remplacement des commissions scolaires anglophones par des centres de services scolaires anglophones s’inscrit dans ce qui constitue a) un transfert important des pouvoirs de gestion et de contrôle du système éducatif de la minorité linguistique anglophone au profit du ministre et des employés des centres de services scolaires, et b) l'imposition de restrictions importantes à la candidature d’un segment significatif de la communauté anglophone aux postes de membres des conseils d’administration des nouveaux centres de services scolaires[70]. Cette conclusion générale se divise en neuf points particuliers, sur lesquels il convient de s’attarder.
- Les exigences relatives à la participation aux conseils d'administration (art. 50, 196, 208 et 216 de la Loi 40)
- Son analyse de la Loi 40 et de la preuve au dossier permet au juge de conclure que plusieurs dispositions restreignent le bassin des membres de la communauté anglophone pouvant accéder aux postes d’administrateur des centres de services scolaires ou, encore, imposent des exigences ou des modes d’élection qui sont susceptibles de décourager les membres de la communauté linguistique minoritaire de se porter candidats à ces postes.
- Ainsi, les exigences d’éligibilité relatives aux postes réservés aux membres parents d’un élève – soit d’être à la fois le parent d’un élève inscrit à une école du centre de services scolaire et un membre parent du conseil d’établissement de cette école – font en sorte que 99 % des électeurs inscrits aux listes électorales du secteur scolaire anglophone sont d’emblée disqualifiés comme candidats à ces postes[71]. Les nouvelles exigences quant aux qualifications professionnelles requises (profils de compétence) empêchent aussi, dans les faits, la moitié des électeurs de se porter candidats aux postes réservés pour les représentants de la communauté[72]. Le juge retient d’ailleurs le rapport d'expert du professeur Loewen, qui établit que les commissaires anglophones en poste sont, pour la plupart, moins susceptibles de se présenter sous la nouvelle formule[73].
- Le juge en conclut que les dispositions contestées de la Loi 40 ne permettent pas à la minorité anglophone du Québec d’exercer pleinement ses droits garantis par l'article 23 de la Charte[74]. Il ajoute :
[215] Si, examinées une par une, ces dispositions peuvent apparaître anodines, leur effet cumulatif est indéniable et mène à une érosion du contrôle de la minorité par ses représentants traditionnels.
[216] Cette lecture mène inévitablement à la conclusion que la minorité se voit privée, par l’effet des dispositions, de la contribution de la majorité de ses membres à la vie démocratique de celle-ci.
[…]
[230] Limiter, directement ou indirectement, comme le fait la Loi [40] le droit des représentants de se présenter aux élections scolaires restreint le droit de la minorité à la gestion et au contrôle de ses institutions scolaires.
[231] La minorité se fait imposer la vision de la majorité quant à qui peut la représenter, alors que depuis plus de 200 ans, tous les membres de la communauté sont éligibles à s’occuper de la gestion scolaire, en tenant compte bien sûr de l’évolution historique du cens d’éligibilité. L’imposition de la vision de la majorité est un des maux que l’adoption de l’article 23 visait à corriger.
ii) L’absence de rémunération des membres des conseils d’administration (art. 66 de la Loi 40)
- Le juge constate aussi que la Loi 40 élimine désormais la rémunération des membres des nouveaux conseils d’administration des centres de services scolaires, à laquelle les commissaires élus avaient antérieurement droit. Il conclut de la preuve, dont le rapport du professeur Loewen, que cette abolition de la rémunération et son remplacement par des allocations de présence, décourage de façon marquée les membres de la minorité linguistique de participer à la gestion scolaire[75]. Il ajoute que « [c]ette mesure entrave le droit de la minorité à pouvoir élire les membres qu’elle choisit »[76] et qu'elle « enfreint le droit de contrôler les “dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements”, garanti par Mahe »[77].
iii) L’inéligibilité aux postes de président et de vice-président du conseil d’administration (art. 52 de la Loi 40)
- L’art. 52 de la Loi 40 prévoit que le président et le vice-président du conseil d’administration du centre de services scolaire doivent désormais être choisis parmi les membres siégeant à titre de parent d’un élève. Le juge conclut qu’il s’agit là d’une restriction qui contrevient aux droits exclusifs de gestion et de contrôle de la minorité linguistique qui découlent de l’article 23 de la Charte[78].
iv) La présence de représentants non élus du personnel scolaire (art. 50 de la Loi 40)
- L’article 50 de la Loi 40 prévoit aussi que quatre membres du personnel du centre de services scolaire, désignés par les employés du centre, doivent siéger au conseil d’administration. Puisque les membres du personnel ne sont pas nécessairement eux‑mêmes des ayants droit de l’article 23 de la Charte et qu’ils ne sont pas désignés par la minorité linguistique, le juge conclut qu’il s’agit là aussi d’une mesure qui contrevient aux droits exclusifs de gestion et de contrôle de la minorité[79].
v) Le transfert du rôle de porte-parole au directeur général du centre de services scolaire (art. 52 et 93 de la Loi 40, 155 de la LIP)
- Toujours selon la Loi 40 (art. 93), le directeur général d’un centre de services scolaire en devient le porte-parole, alors qu’auparavant ce rôle était dévolu au président élu de la commission scolaire (art. 155 de la LIP avant son remplacement par l’art. 52 de la Loi 40). Le juge analyse la preuve pour conclure que cette mesure limite sévèrement la liberté d’action des représentants de la minorité anglophone. Il s’agit donc d’une mesure qui porte directement atteinte aux droits de gestion et de contrôle de la minorité linguistique[80].
vi) La perte de contrôle sur le comité d’engagement pour la réussite des élèves (art. 91 de la Loi 40)
- L’art. 91 de la Loi 40 prévoit la création dans chaque centre de services scolaire d’un comité d’engagement pour la réussite des élèves, formé de membres du personnel du centre et d’un individu issu du milieu de la recherche en sciences de l’éducation. Ce comité a pour mission d’élaborer le plan d’engagement vers la réussite des élèves, lequel comprend, pour l’essentiel, l’ensemble des orientations du centre de services scolaire, qui doivent aussi être cohérentes avec les orientations stratégiques et les objectifs du ministre. Non seulement aucun élu ni aucun parent ne fait partie de ce comité, mais la loi ne prévoit aucune exigence que les membres composant ce comité soient issus de la minorité linguistique. Pour le juge, il « est inconcevable qu’un plan si fondamental que le plan envers la réussite ne relève pas des représentants élus de la minorité »[81] linguistique. Il ajoute :
[271] Il apparaît clairement que le fait de confier le plan d’engagement envers la réussite des élèves à un comité où ne siège aucun membre élu de la minorité est une contravention directe aux dispositions de l’article 23. Que ce comité soit obligé par la LIP de consulter les représentants des parents ne répond pas à l’exigence que la gestion et le contrôle de la réussite scolaire soit du ressort des représentants de la communauté, qui peuvent, seuls et exclusivement, en décider.
vii) La perte de contrôle sur les ressources et services (art. 105 de la Loi 40)
- L’art. 105 de la Loi 40 permet dorénavant au ministre d’exiger le partage de ressources et de services entre les centres de services scolaires ou avec d’autres organismes publics, dont les municipalités. Bien que le juge reconnaisse qu’un « partage d’école » entre la majorité francophone et la minorité anglophone enfreindrait l’article 23 de la Charte[82], il conclut « [qu’a]ucune preuve n’a été faite que le [M]inistre tentait ou tenterait d’imposer cette mesure à une école anglophone »[83]. Il estime que la question est théorique à l'heure actuelle puisqu’aucune atteinte concrète à la Charte n’a été établie. Le juge refuse donc de se prononcer quant à la validité ou l’applicabilité constitutionnelle de cette nouvelle mesure[84].
viii) Transfert des pouvoirs des centres de services scolaires vers les établissements d’enseignement par le biais de règles budgétaires (art. 473.1 de la LIP)
- Le juge conclut que l’article 473.1 de la LIP contrevient à l’article 23 de la Charte et est donc inopérant à l’égard des commissions scolaires anglophones. Cet article, depuis une modification introduite en 2016[85], permet au ministre de prescrire que certains fonds prévus aux règles budgétaires des commissions scolaires sont destinés à un transfert vers les budgets des établissements d’enseignement afin d’être utilisés pour les seules fins qu'il détermine.
- Après avoir révisé la preuve au dossier quant aux mécanismes de financement des commissions scolaires, le juge conclut qu’il « résulte des contraintes budgétaires ainsi imposées que des montants substantiels ne sont pas dépensés parce qu’ils sont dédiés et ne peuvent être utilisés à d’autres fins que celles déterminées par le ministre »[86]. Ces contraintes vont ainsi directement à l’encontre du pouvoir exclusif de la communauté linguistique minoritaire de prendre des décisions concernant les dépenses de fonds prévus pour l’enseignement dans la langue de la minorité et pour les établissements où cet enseignement est dispensé[87].
ix) Le pouvoir du ministre de déterminer des objectifs et des cibles (art. 142 de la Loi 40)
- L’art. 142 de la Loi 40 permet aussi au ministre de déterminer des objectifs ou des cibles portant sur l’administration, l’organisation ou le fonctionnement d’un centre de services scolaire. Le juge refuse d’invalider cette nouvelle disposition en l’absence d’une preuve établissant que le ministre exerce de fait ou exercera à l’avenir sa discrétion sans tenir compte des besoins de la communauté anglophone[88]. Toutefois, le juge précise que, dans l’éventualité où le ministre fixerait des objectifs ou des cibles incompatibles avec les besoins ou les demandes de la communauté anglophone, cette mesure pourrait faire l’objet d’une contestation judiciaire fondée sur l’article 23 de la Charte[89].
- Dans la septième section de ses motifs portant sur l’atteinte, le juge traite du pouvoir du ministre d’annuler toute décision d’une commission scolaire anglophone prise entre le 1er octobre 2019 et le 5 novembre 2020 (art. 329 de la Loi 40). Puisque la preuve ne révèle pas qu’il a été fait usage de ce pouvoir, le juge est d’avis que la question de la validité constitutionnelle de la disposition législative en cause est théorique. Il refuse donc de se prononcer à ce sujet[90].
- Dans la huitième section de ses motifs portant sur l’atteinte, le juge traite de l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires. Cet article permet à un citoyen canadien âgé d’au moins 18 ans, qui n’a pas d’enfant admis aux services éducatifs d’une commission scolaire ou d’un centre de services scolaire anglophone ou francophone qui a compétence sur le territoire où est situé son domicile, de choisir de voter à l’élection des membres du conseil d’administration du centre de services scolaire anglophone. Ainsi, en vertu de cet article 15, un individu qui ne fait pas partie de la minorité linguistique anglophone – un francophone par exemple – peut voter dans une élection scolaire pour élire le conseil d’administration d’un centre de services scolaire anglophone.
- Le juge conclut que cette possibilité n’est pas conforme à l’article 23 de la Charte. Selon lui, il « apparaît logique que la protection de la minorité et le droit de contrôle sur ses institutions scolaires exigent que seuls les membres de cette minorité aient voix au chapitre »[91]. Malgré cette conclusion, le juge omet de déclarer que l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires porte atteinte à l’article 23 de la Charte, mais il arrive à cette conclusion pour l’article 212 de la Loi 40 (qui modifie l’article 15). En tout état de cause, comme les procureurs des parties en ont convenu lors de l’audition de l’appel, il s’agit manifestement d’une omission puisque le juge suspend « la déclaration du caractère inopérant »[92] de cet article 15 dans ses conclusions.
- Dans la neuvième section de ses motifs portant sur l’atteinte, le juge conclut que les gouvernements provinciaux, dont les législatures – en l’occurrence l’Assemblée nationale – ont l’obligation de tenir compte des préoccupations de la minorité linguistique dans l’adoption des lois et l’imposition de décisions en matière d'éducation[93]. Il tire cette conclusion de sa lecture de certains arrêts de la Cour suprême[94] et détermine qu’il ne s’agit pas d’une simple obligation de consultation, mais d’une obligation de résultat :
[326] L’obligation qui est faite aux gouvernements va plus loin que l’obligation de consulter, que nous allons examiner. En effet, l’obligation de consulter n’entraîne pas de droit de veto pour la partie consultée. Dans le cas des droits protégés par l’article 23, la mesure doit répondre aux besoins de la minorité. La consultation n’est pas nécessairement le moyen d’identifier ces besoins, mais il ne fait pas de doute qu’il s’agisse d’un moyen efficace de le faire.
[Renvoi omis; soulignement dans l’original]
- En l’espèce, le juge reproche au législateur de ne pas avoir suffisamment tenu compte des préoccupations et des besoins de la minorité anglophone du Québec lors de l’adoption de la Loi 40. Il procède d’ailleurs à une longue revue des interventions des représentants de la minorité anglophone auprès des membres du gouvernement et de l’Assemblée nationale, pour conclure que le législateur n’a pas respecté les règles d’une consultation « utile » lors du processus menant à l'adoption de la Loi 40[95].
- La justification de l’atteinte
- Le second volet du jugement de première instance porte sur la justification de l’atteinte à l’article 23 en vertu de l’article premier de la Charte. Le juge rappelle les principes de l’arrêt Oakes[96], mais note que le juge en chef Wagner énonce, dans l’arrêt Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, qu’une dérogation à l’article 23 de la Charte est particulièrement difficile à justifier et qu'elle doit être examinée en fonction d’une norme sévère[97].
- Le juge rejette la justification soumise par le PGQ au premier stade de l’analyse, soit celui de l’objectif urgent et réel.
- En première instance, le PGQ soutenait que la Loi 40 avait pour objet principal de rapprocher la prise de décision des élèves et pour objectif accessoire d’assurer un rôle accru aux parents dans les prises de décisions[98]. Bien que le juge reconnaisse qu’il s’agit là d’objectifs légitimes, il constate aussi qu’ils sont « très généraux et peuvent s’appliquer à n’importe quel objectif en matière d’éducation »[99]. À cette enseigne, ceux-ci ne peuvent ainsi permettre de justifier les atteintes importantes aux droits de gestion et de contrôle garantis à la minorité anglophone du Québec par l’article 23 de la Charte[100]. Il souligne aussi que ces objectifs ne se rapportent pas aux besoins et aux préoccupations spécifiques de la minorité linguistique et ajoute qu’il « n’est pas suffisant de justifier la mesure par un objectif législatif par ailleurs légitime à l’égard de la majorité[,] [i]l faut la justifier à l’égard de la minorité »[101].
- Bien qu’il ne soit pas nécessaire de les aborder pour disposer de l’affaire, le juge conclut aussi que les autres critères de l’arrêt Oakes ne sont pas non plus satisfaits[102].
- Les réparations
- Le juge déclare inopérants à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec les articles contestés de la Loi 40 et de la LIP qui, selon lui, portent atteinte aux droits protégés par l’article 23 de la Charte[103]. Il s’agit des articles 50, 52 (en ce qui a trait à l’ajout de l’article 155 à la LIP), 66, 91, 93, 196, 208, 212 et 216 de la Loi 40, de même que des articles 155[104] et 473.1 de la LIP. La déclaration prononcée par le juge est d’effet immédiat.
- Bien que les intimés lui aient demandé de maintenir le sursis d’application de la Loi 40 à l’égard des commissions scolaires anglophones jusqu’à ce que l’Assemblée nationale adopte une loi corrigeant les atteintes aux droits garantis par l’article 23 de la Charte, le juge accorde plutôt la demande subsidiaire des intimés de suspendre pour ce réseau l’application des nombreuses dispositions de cette loi inextricablement liées aux dispositions déclarées contraires à l’article 23 de la Charte[105].
- Le juge identifie ces dispositions en annexe à son jugement[106]. Ce sursis d’application est prononcé pour une période « initiale » de six mois, laquelle est fixée pour permettre un « dialogue » visant la correction des atteintes[107]. Le juge décide de conserver sa compétence sur le dossier durant cette période afin de régler toutes les questions pouvant se poser « à cet égard », dont vraisemblablement la prolongation, au besoin, du sursis d’application, le règlement éventuel des difficultés qui pourraient survenir au cours du « dialogue », ou encore, afin d’être en mesure de répondre à toute difficulté qui pourrait se poser à la suite du sursis d'application de certaines dispositions de la Loi 40[108].
- Puisque le PGQ lui demande de suspendre pour une période de 18 mois une éventuelle déclaration rendant inopérante la disposition législative accordant le choix de voter aux élections scolaires du réseau anglophone à certains individus qui ne font pas partie de cette minorité, le juge suspend la déclaration du caractère inopérant de l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires durant une période de 18 mois à compter du jugement[109]. Rappelons que le juge n’a pas formellement déclaré cet article inopérant, mais seulement les modifications qui y ont été introduites par l’article 212 de la Loi 40.
- Finalement, le juge prolonge le sursis d’application de la Loi 40 jusqu’à l’expiration des délais d’appel de son jugement[110]. Il octroie les frais de justice aux demandeurs[111].
LES MOYENS D’APPEL
- Le PGQ soulève les trois questions suivantes en appel[112] :
- Le juge de première instance a-t-il erré en concluant que les articles 50, 52 en ce qui a trait à l’ajout de l’article 155 à la LIP, 66, 91, 93, 196, 208, 212 et 216 de la Loi 40 et 155 et 473.1 de la LIP, portent atteinte de façon injustifiée à l’article 23 de la Charte[113]?
- A-t-il erré en concluant que l’article 23 de la Charte impose à l’État une obligation de consulter qui s’applique dans le cadre du processus législatif et qui oblige l’Assemblée nationale à répondre aux préoccupations de la communauté anglophone du Québec?
- A-t-il erré dans le choix des réparations octroyées?
- En bref, le PGQ plaide que le juge de première instance donne à l’article 23 de la Charte une portée qui n’est soutenue ni par le texte de la disposition, ni par le contexte historique de son adoption, ni même par la jurisprudence. Le juge aurait également fait erreur en concluant que l’article 23 oblige l’État à consulter les membres de la minorité linguistique dans le cadre du processus législatif. Enfin, le juge aurait erré en ordonnant la suspension de dispositions législatives valides sur le plan constitutionnel et en décidant de conserver sa compétence sur le dossier.
- Deux questions préliminaires sous-jacentes à l’ensemble du litige doivent également être abordées. Les parties en ont traité abondamment dans leurs mémoires et lors de l’audience devant la Cour, mais sans jamais les identifier de façon autonome. Ces questions sont les suivantes : 1) quelle est la portée des droits de gestion et de contrôle par la minorité linguistique des établissements d’enseignement de cette minorité; et 2) qui sont ceux qui exercent ces droits?
- Selon nous, il s’agit de questions fondamentales que soulève le présent recours. En effet, elles influent sur la plupart des autres moyens soulevés par les parties. Comme le PGQ le note dans son mémoire, « [l]a solution de cette affaire repose en grande partie sur la détermination de la nature et de la portée des droits conférés par l’art. 23 »[114]. Il s’agit en l’occurrence principalement de circonscrire les droits conférés par ou découlant de l’alinéa 23(3)b).
L’ANALYSE
Les questions préliminaires sous-jacentes : quelle est la portée des droits de gestion et de contrôle des établissements d’enseignement de la minorité linguistique et qui sont ceux qui exercent ces droits de gestion et de contrôle?
- Les positions des parties
Le PGQ
- De manière générale, le PGQ soutient que le juge a commis une erreur en concentrant son analyse sur la démocratie scolaire et ses structures, une considération étrangère à l’article 23 de la Charte, et en omettant de considérer les caractéristiques globales du système mis en place, qui favorise non seulement la participation directe des parents à la gestion et au contrôle des établissements d’enseignement de la minorité, mais aussi la « faculté pour la minorité anglophone de prendre les décisions qui concernent l’administration scolaire, et ce, sans l’influence d’acteurs susceptibles de ne pas être attentifs [à ses] préoccupations linguistiques et culturelles »[115].
- Dans le cadre de sa démonstration, le PGQ soutient que l’article 23 de la Charte n’attribue pas à une communauté linguistique des droits de nature politique, dont le droit à des élections[116]. L’article 23 consacre plutôt un droit individuel aux citoyens canadiens identifiés aux paragraphes 23(1) et (2) de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité linguistique d’une province[117]. Quant au paragraphe 23(3), il ne fait que préciser les droits conférés aux paragraphes 23(1) et (2) en stipulant que le droit individuel des parents de bénéficier des garanties y prévues est conditionné par un facteur collectif, soit la nécessité que le nombre d’enfants concernés le justifie[118]. Ainsi, l’article 23 n’impose pas la création de systèmes politiques représentatifs pour chaque communauté linguistique minoritaire au Canada[119].
- Pour le PGQ, les droits conférés par l’alinéa 23(3)b) sont donc essentiellement des droits individuels attribués aux parents et non des droits collectifs accordés à l’ensemble de la minorité linguistique[120]. Procédant à une analyse historique concernant l’inclusion de l’article 23 dans la Charte, le PGQ soutient que l’objet visé est de protéger les minorités linguistiques officielles au Canada, plus particulièrement les francophones hors Québec, tout en préservant le pouvoir exclusif des provinces en matière d’éducation en leur laissant « le soin de déterminer les moyens à prendre pour rencontrer leurs obligations constitutionnelles »[121].
- S’il est vrai que la Cour suprême du Canada a reconnu l’existence d’une certaine mesure de gestion et de contrôle au profit de la minorité linguistique par le biais de l’alinéa 23(3)b) de la Charte, cette gestion et ce contrôle sont liés et restreints aux aspects de l’éducation touchant la langue et la culture[122]. Par ailleurs, cette gestion et ce contrôle relèvent des parents des élèves auxquels l’enseignement dans la langue de la minorité linguistique est dispensé et ne s’exercent pas selon des modalités établies qui seraient garanties[123]. Le juge se trompe donc lorsqu’il conclut que l’objet de l’article 23 est de placer les minorités linguistiques à l’abri des décisions de la majorité et d’empêcher l’érosion des droits qu’ont acquis, au fil des siècles, les anglophones québécois à la gestion et au contrôle de leurs institutions scolaires selon un modèle précis[124].
- Quant à l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, le PGQ estime qu'il n'est pas pertinent au débat puisque les droits qui y sont conférés visent les minorités religieuses et non les minorités linguistiques et que, de toute façon, ces droits ne protègent pas une structure particulière de gouvernance scolaire, incluant notamment des élections scolaires. Par ailleurs, selon le PGQ, le gouvernement du Québec n’aurait pris aucun engagement envers la communauté anglophone du Québec lors de la Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), laquelle rend inapplicables au Québec les paragraphes (1) à (4) de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867[125]. En tout état de cause, les événements de 1997 ne sauraient avoir un impact sur l’interprétation à donner à l’article 23 de la Charte adopté en 1982.
Les intimés
- Selon les intimés, les droits de gestion et de contrôle qui découlent de l’alinéa 23(3)b) de la Charte sont ceux définis par la Cour suprême dans l’arrêt Mahe et comprennent donc, si le nombre d’enfants concernés le justifie, l’établissement d’un conseil scolaire indépendant pour la minorité linguistique[126]. Quel que soit le nombre d’élèves en cause, les représentants de la minorité linguistique doivent minimalement pouvoir décider exclusivement des questions concernant l’instruction dans la langue de la minorité et les établissements dans lesquels elle est dispensée, notamment en ce qui concerne les dépenses de fonds, la nomination et la direction du personnel administratif, l’établissement des programmes scolaires, le recrutement et l’affectation du personnel, et la conclusion d’accords pour l’enseignement et les services dispensés aux élèves[127].
- Ces pouvoirs de gestion et de contrôle s’exercent par l’intermédiaire des représentants choisis par la minorité linguistique dans son ensemble, que les membres de cette minorité aient ou non des enfants inscrits à un établissement d’enseignement de la minorité[128]. Les intimés s’opposent donc à la position du PGQ voulant que seuls les parents d’enfants inscrits dans un établissement d’enseignement de la minorité linguistique jouissent des droits de gestion et de contrôle découlant de l’alinéa 23(3)b), que ce soit directement ou par l’intermédiaire de représentants. À leur avis, une lecture tant textuelle que contextuelle de l’article 23 permet de conclure que tous les individus concernés par les paragraphes 23(1) ou (2), qu’ils aient ou non des enfants inscrits à l’école, sont visés par l’alinéa 23(3)b)[129].
- Cela étant, vu que l’alinéa 23(1)a) de la Charte ne s’applique pas au Québec, les intimés énoncent d’abord dans leur mémoire que les individus pouvant participer aux droits de gestion et de contrôle qui découlent de l’alinéa 23(3)b) seraient restreints, au Québec, à ceux visés par l’alinéa 23(1)b) et par le paragraphe 23(2), soit les citoyens canadiens qui ont reçu leur instruction au niveau primaire en anglais au Canada ou dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en anglais au Canada[130]. Notons toutefois que lors de l’audition de l’appel, à la suite de questions de la Cour, les procureurs des intimés ont nuancé leur position sur cette question et soutiennent désormais plutôt l’interprétation mise de l’avant par l’intervenant Quebec Community Groups Network voulant que tous les membres de la minorité linguistique du Québec, y compris les citoyens canadiens dont la première langue apprise et comprise est l’anglais et qui sont visés par l’alinéa 23(1)a), participent au contrôle et à la gestion des institutions d’enseignement de la minorité linguistique par le biais des représentants qu’ils choisissent.
- Les intimés ajoutent que, compte tenu du contexte historique propre au Québec, lequel comprend notamment les droits conférés à la minorité protestante par l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, le droit de la minorité linguistique anglophone à des conseils scolaires indépendants gérés et contrôlés par des représentants qu’elle choisit serait garanti[131]. Les gouvernements du Québec et du Canada auraient par ailleurs pris l’engagement envers eux lors de la modification constitutionnelle de 1997 que leurs droits de gestion et de contrôle exclusifs ne seraient pas affectés.
L’intervenant Quebec Community Groups Network
- L’intervenant en appel, le Quebec Community Groups Network, existe depuis 1995 en tant qu'organisme sans but lucratif qui réunit une quarantaine d’associations anglophones du Québec. Il est reconnu par le gouvernement canadien comme représentant de la communauté anglophone du Québec[132]. Ses activités comprennent des interventions dans des litiges constitutionnels devant l’ensemble des tribunaux au Canada.
- Il soutient que l’article 23 de la Charte comporte à la fois une dimension individuelle et une dimension collective, mais que son but ultime est d’assurer la vitalité de la communauté linguistique minoritaire de chaque province et territoire du Canada. Cette dimension collective se reflète à l’alinéa 23(3)b) duquel découlent des droits de gestion et de contrôle des institutions d’enseignement pour la minorité linguistique dans son ensemble. Cette dimension collective fait partie intégrante de l’article 23 et doit être tenue en compte afin que son objectif ultime puisse être atteint.
- Il s’ensuit que les droits de gestion et de contrôle des institutions d’enseignement de la minorité linguistique appartiennent à cette communauté dans son ensemble. Ces droits s’exercent concrètement par l’intermédiaire de représentants issus de la minorité linguistique et choisis par les membres de celle-ci. À cette fin, il n’est pas utile de distinguer entre les diverses catégories d’ayants droit, tous les membres de la communauté linguistique minoritaire étant concernés par cette dimension collective de l’article 23, qu’ils soient visés par les alinéas 23(1)a) ou b) ou encore, par le paragraphe 23(2) de la Charte.
- Analyse
- La manière dont il convient d’interpréter les droits et libertés consacrés par la Charte est bien établie : il faut leur donner une interprétation large et libérale, dans une perspective téléologique, « en fonction de la nature et des objectifs plus larges de la Charte elle‑même, des termes choisis pour énoncer [le] droit ou [la] liberté [en cause], des origines historiques des concepts enchâssés et, s’il y a lieu, en fonction du sens et de l’objet des autres libertés et droits particuliers qui s’y rattachent selon le texte de la Charte »[133].
- Malgré ce que pouvait laisser entendre une certaine jurisprudence antérieure[134], le fait que les droits linguistiques – qu’ils découlent de la Loi constitutionnelle de 1867[135], de la Charte ou d’une loi – soient le fruit d’un compromis politique est sans incidence quant à cette règle d’interprétation[136]. Il est en effet désormais clair que les droits linguistiques, dont ceux énoncés par l’article 23 de la Charte, « doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle du Canada »[137]. Dans l’arrêt Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique, le juge en chef Wagner, pour la majorité, souligne que les arrêts rendus à l’époque où la Cour suprême préconisait une approche restrictive quant à l’interprétation des droits linguistiques, dont notamment l’arrêt Mahe, doivent par conséquent être interprétés au regard de la jurisprudence subséquente qui favorise une interprétation large et libérale de ces droits[138].
- Ces principes ne sauraient toutefois avoir préséance sur le texte de la disposition de la Charte. L’interprétation doit en effet demeurer ancrée dans le texte, point de départ de l’exercice interprétatif[139]. L’interprétation ne doit donc pas aller au-delà – ni rester en deçà – de l’objet véritable du droit ou de la liberté en question[140]. Ainsi, dans son récent arrêt Organisation mondiale sikhe du Canada, la Cour conclut que l’article 23 de la Charte ne peut servir à invalider les dispositions de la Loi sur la laïcité de l’État[141] vu le peu de connexité entre cette disposition constitutionnelle et les dispositions de cette dernière loi[142].
- L’article 23 de la Charte présente un caractère préventif et réparateur en ce qu’il vise à assurer, dans chacune des provinces et des territoires, la protection et l’épanouissement des deux langues officielles et des cultures qui s’y rattachent[143]. Il a ainsi « non seulement pour objet de prévenir l’érosion des communautés linguistiques officielles, mais aussi de remédier aux injustices passées et de favoriser leur épanouissement »[144]. En d’autres mots, il vise à modifier le statu quo[145] et « à assurer la pérennité des communautés linguistiques au pays » tout en permettant à ces communautés « de s’épanouir dans leur propre langue et leur propre culture »[146].
- La protection du droit à l’instruction dans les langues officielles minoritaires est le moyen choisi pour permettre la réalisation de cet objet. Une jurisprudence constante de la Cour suprême reconnaît le rôle fondamental que joue l’instruction dans le maintien et le développement de la vitalité linguistique et culturelle de la minorité linguistique[147], l’école constituant un « milieu de socialisation qui permet d’échanger et de s’épanouir dans sa langue et, à travers elle, de découvrir sa culture »[148]. Les écoles de la minorité linguistique jouent aussi un rôle primordial afin que puisse se réaliser la promesse contenue à l’article 23, à savoir celle de « faire des deux groupes linguistiques officiels des partenaires égaux dans le domaine de l’éducation »[149].
- L’article 23 possède en outre un caractère unificateur, « dans la mesure où il favorise la liberté de circulation et d’établissement en permettant aux citoyens de se déplacer partout au pays, sans crainte de devoir abandonner leur langue et leur culture »[150].
- Composante essentielle de la protection constitutionnelle des langues officielles au Canada, l’article 23 de la Charte a été décrit comme la « clef de voûte de l’engagement du Canada envers le bilinguisme et le biculturalisme »[151]. La Cour suprême a d’ailleurs affirmé à maintes reprises que l’article 23 est une disposition unique, propre au Canada[152], et dont la nature « diffère de celles que l’on rencontre communément dans les chartes et les déclarations de droits fondamentaux »[153]. L’article 23 a notamment ceci de particulier que, contrairement à d’autres dispositions constitutionnelles qui n’imposent que des obligations négatives, il impose des obligations positives à l’État[154]. Il consacre en effet l’obligation constitutionnelle des provinces et des territoires de fournir un enseignement dans la langue de la minorité aux enfants des titulaires de droits visés lorsque leur nombre le justifie[155]. Il impose aux gouvernements des provinces et des territoires « l’obligation absolue de mobiliser des ressources et d’édicter des lois pour l’établissement de structures institutionnelles capitales »[156]. L’État doit toutefois « disposer du pouvoir discrétionnaire le plus vaste possible dans le choix des moyens institutionnels dont il usera pour remplir ses obligations en vertu de l’art. 23 »[157].
- Dès les premiers arrêts concernant l’interprétation de l’alinéa 23(3)b) de la Charte, les cours d’appel canadiennes ont reconnu que cette disposition confère à la minorité linguistique les droits exclusifs de gérer et de contrôler ses établissements d’enseignement lorsque le nombre des enfants concernés le justifie. Ainsi, en 1987, dans l’affaire Mahe, la Cour d’appel de l’Alberta s’exprimait de la façon suivante[158] :
[96] In my view, s. 23(3)(b) guarantees to s. 23 students, where numbers warrant, an educational system (with all its complexity and cost) that not only offers the same quality of education as other systems but is run by the minority language group or its representatives. To that extent, I disagree with the learned trial judge.
[…]
[104] I therefore conclude that s. 23(3)(b) offers the minority-language group the right, where numbers warrant, to establish and control an independent school system, but that a province shall select the institutional means by which that right will be implemented.
[Soulignements ajoutés]
- Comme le notait le juge en chef Dickson dans l’arrêt Mahe, les tribunaux de l’Ontario, de la Saskatchewan, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard en étaient arrivés à des conclusions semblables[159]. C’est donc en s’appuyant sur ce consensus judiciaire qu’il a conclu, pour une Cour suprême unanime, que l’alinéa 23(3)b) fixe, lorsque le nombre d’enfants est suffisamment important pour le justifier, un niveau supérieur de gestion et de contrôle par la minorité linguistique[160] :
À mon avis, le texte de l'al. 23(3)b) est compatible avec la conclusion que l'art. 23 accorde, lorsque le nombre le justifie, une certaine mesure de gestion et de contrôle, et il étaye cette conclusion. Prenons d'abord l'al. (3)b) dans le contexte de l'article au complet. L'instruction doit avoir lieu quelque part et il s'ensuit que le droit à « l'instruction » comprend un droit implicite d'être instruit dans des établissements. Si l'expression « établissements d'enseignement de la minorité linguistique » n'est pas considérée comme englobant un certain degré de gestion et de contrôle, son inclusion dans l'art. 23 est dès lors sans objet. Cette conclusion que dicte le bon sens milite contre une interprétation selon laquelle le mot « établissements » désigne des bâtiments. En fait, dès lors que l'on accepte la méthode du critère variable, il n'est plus nécessaire de trop centrer l'attention sur le mot « établissements ». Le texte de l'art. 23 justifie plutôt de considérer que l'ensemble de l'expression « établissements d'enseignement de la minorité linguistique » fixe un niveau supérieur de gestion et de contrôle.
[Soulignement et caractères gras ajoutés]
- Bien que certains passages de l’arrêt Mahe puissent laisser entendre que seuls les parents des enfants qui fréquentent l’école de la minorité ou leurs représentants exercent les droits de gestion et de contrôle découlant de l’alinéa 23(3)b)[161], les motifs du juge en chef Dickson précisent aussi que ce sont les représentants « de la minorité linguistique » qui exercent ces droits[162].
- La Cour est d’avis que les droits de gestion et de contrôle qui découlent de l’alinéa 23(3)b) visent à protéger l’ensemble de la minorité linguistique et non seulement les parents dont les enfants fréquentent les établissements scolaires. Ce sont donc les représentants choisis par la minorité linguistique dans son ensemble qui exercent ces droits de gestion et de contrôle. Voici pourquoi.
- Comme l’ont noté les juges Major et Bastarache dans Arsenault‑Cameron, « [d]ans l’arrêt Mahe, la Cour a statué que, lorsque le nombre justifie la création d’un établissement, les représentants de la communauté de langue officielle ont droit à un certain degré de direction de cet établissement »[163]. C’est d’ailleurs effectivement ce que le juge en chef Dickson énonce dans Mahe lorsqu’il explique la portée de ces droits[164] :
À mon avis, le degré de gestion et de contrôle exigé par l'art. 23 de la Charte peut, selon le nombre d'élèves en cause, justifier l'existence d'un conseil scolaire indépendant. Toutefois lorsque les chiffres ne justifient pas ce niveau maximum de gestion et de contrôle, ils peuvent néanmoins être assez élevés pour exiger la représentation de la minorité linguistique au sein d'un conseil scolaire existant. Dans ce dernier cas:
(1) La représentation de la minorité linguistique au sein des conseils locaux ou des autres pouvoirs publics qui administrent l'instruction dans la langue de la minorité ou les établissements où elle est dispensée, devrait être garantie;
(2) Le nombre de représentants de la minorité linguistique au sein du conseil devrait être au moins proportionnel au nombre d'élèves de la minorité linguistique dans le district scolaire, c.‑à‑d. au nombre d'élèves de la minorité linguistique qui relèvent du conseil;
(3) Les représentants de la minorité linguistique devraient avoir le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l'instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée, notamment:
a) les dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements;
b) la nomination et la direction des personnes chargées de l'administration de cette instruction et de ces établissements;
c) l'établissement de programmes scolaires;
d) le recrutement et l'affectation du personnel, notamment des professeurs; et
e) la conclusion d'accords pour l'enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique.
[Soulignements ajoutés]
- C’est aussi en ce sens que s’exprime on ne peut plus clairement le juge en chef Wagner dans l’affaire Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique[165] :
[23] Dans l’arrêt Mahe, notre Cour a rejeté l’approche dite des « droits distincts », laquelle suppose que l’art. 23 vise seulement deux droits : le droit à des établissements d’enseignement s’il existe un nombre spécifique d’élèves, et uniquement le droit à l’instruction en présence d’un nombre plus petit d’élèves. Notre Cour a plutôt retenu que l’art. 23 doit être considéré « comme établissant une exigence “variable” » (p. 366).
[24] En vertu de ce concept, désormais appelé « échelle variable », l’art. 23 donne ouverture à une gamme de services éducatifs. La limite inférieure de cette échelle variable correspond au seul droit à l’instruction prévu à l’al. (3)a), alors que la limite supérieure correspond au « niveau supérieur de gestion et de contrôle » que fixe l’al. (3)b) (Mahe, p. 370). En d’autres mots, à la limite inférieure, les bénéficiaires de l’art. 23 ont le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité linguistique officielle. Toutefois, le niveau de contrôle qu’exerce la minorité sur la prestation de l’instruction augmente en fonction du nombre d’enfants d’ayants droit. À la limite inférieure de l’échelle, la minorité n’a droit qu’à l’instruction dans sa langue. Au milieu, elle pourrait contrôler une ou plusieurs salles de classe dans une école de la majorité ou encore une portion d’une école partagée avec la majorité. Elle pourrait également contrôler l’embauche du personnel enseignant ainsi que certaines dépenses. À la limite supérieure, la minorité contrôle un établissement d’enseignement distinct, c’est-à-dire une école homogène. Le nombre d’enfants d’ayants droit peut en outre donner droit à la gestion et au contrôle d’un conseil scolaire distinct. Bref, une fois que le seuil minimal de l’al. (3)a) a été franchi, l’échelle variable permet de déterminer le niveau de services qui correspond au degré de contrôle qu’exercera la minorité sur la prestation des services éducatifs.
[Soulignements ajoutés]
- Il en est ainsi en raison « de la portée collective des droits individuels [que l’article 23] accorde »[166] et du rôle primordial que cet article joue pour s’assurer que les deux groupes linguistiques officiels du Canada soient des partenaires égaux dans le domaine de l’éducation[167]. Comme le soulignait une Cour suprême unanime dans l’arrêt Solski, « [l]’article 23 établit un code complet des droits à l’instruction dans la langue de la minorité, code qui confère un statut spécial aux communautés linguistiques minoritaires anglophones ou francophones »[168].
- Une interprétation textuelle de l’article 23 appuie cette conclusion. Ainsi, le texte de l’alinéa 23(3)b) parle bel et bien du droit de certains citoyens canadiens de faire instruire leurs enfants « dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique »[169], et non pas « dans des établissements d’enseignement des parents de la minorité linguistique ». Il faut donc donner aux mots « de la minorité linguistique » leur sens commun et littéral, c’est-à-dire la communauté linguistique minoritaire dans son ensemble par opposition à un groupe restreint appartenant à cette communauté.
- C’est d’ailleurs ainsi que ces mots ont été compris partout au Canada, y compris au Québec. Ainsi, lorsque les commissions scolaires linguistiques ont été établies au Québec, il n’y a pas eu de restrictions quant à ceux qui, parmi les citoyens canadiens faisant partie de la communauté linguistique minoritaire, pouvaient voter aux élections scolaires des commissions scolaires anglophones.
- Par ailleurs, à la suite de l’arrêt Mahe et de la jurisprudence subséquente, les provinces et les territoires ont prévu dans leur législation respective que ce sont les citoyens canadiens membres de la minorité linguistique francophone et visés par les paragraphes 23 (1) et (2) de la Charte qui peuvent voter et se faire élire auprès des organismes scolaires qui gèrent et contrôlent les écoles dispensant l’enseignement dans la langue de cette minorité, et ce, sans restriction fondée sur le statut de parent d’un élève inscrit dans une école de la minorité[170].
- Il s’agit là de faits législatifs marquants qui renforcent la conclusion voulant que ce soient effectivement les membres de la minorité linguistique – et non seulement les parents des élèves inscrits dans des écoles de la minorité linguistique, comme le soutient le PGQ – qui participent à la gestion et au contrôle des établissements d’enseignement de cette minorité en choisissant leurs représentants à cette fin. Comme l’ont d’ailleurs signalé les juges Major et Bastarache pour une Cour suprême unanime dans Arsenault-Cameron, c’est « la minorité linguistique officielle, qui est elle-même un véritable bénéficiaire en vertu de l’art. 23 »[171].
- Par ailleurs, lorsque fut adoptée la Modification constitutionnelle de 1997 (Québec) qui rend inapplicables au Québec les paragraphes (1) à (4) de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, il était entendu que les droits de la minorité linguistique anglophone du Québec à la gestion et au contrôle de ses institutions scolaires étaient préservés par l’effet de l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
- Ainsi, comme déjà noté, lors des débats à l’Assemblée nationale portant sur cette modification constitutionnelle, la ministre de l’Éducation de l’époque exprimait l’engagement du gouvernement du Québec de permettre à la communauté anglophone du Québec de gérer les nouvelles commissions scolaires anglophones[172], comme le prévoit d’ailleurs l’article 23 de la Charte. La résolution de l’Assemblée nationale portant sur la modification de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 réaffirme aussi les droits consacrés de la communauté anglophone d’expression anglaise, dont le droit de faire instruire ses enfants qui y ont droit dans des établissements de langue anglaise « que cette communauté gère et contrôle »[173]. De plus, lors des débats portant sur l’adoption de la Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), le ministre fédéral responsable du dossier informait le Parlement canadien que cette modification n’aurait pas de conséquences néfastes pour la minorité linguistique anglophone du Québec vu les droits constitutionnels énoncés à l’article 23 de la Charte, notamment le droit de cette minorité linguistique à des commissions scolaires distinctes qu’elle peut gérer et contrôler[174].
- Comme le soulignent les juges Major et Bastarache dans Arsenault‑Cameron, « [l]’analyse historique et contextuelle est importante pour les tribunaux qui doivent déterminer si un gouvernement n’a pas respecté les obligations imposées par l’art. 23 »[175]. Le juge en chef Wagner insiste à son tour sur l’importance de cette analyse dans l’arrêt Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique[176], notant d’ailleurs le rôle que l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 a joué pour assurer la protection des minorités linguistiques au Canada, y compris au Québec[177].
- Le juge en chef Wagner souligne ainsi que l’ensemble du contexte social, démographique et historique qui est propre à chaque groupe linguistique, y compris la minorité anglophone du Québec, doit être considéré lorsqu’il est question d’analyser les droits conférés par l’article 23[178]. Il rappelle que cet article doit être interprété d’une façon large et libérale qui soit compatible avec l’épanouissement des communautés linguistiques officielles[179], en précisant que « [p]lusieurs droits accordés aux minorités au Canada ont été chèrement acquis au fil des ans et [qu’]il revient aux tribunaux de leur donner plein effet, de façon claire et transparente »[180].
- Pour conclure sur cette question, une analyse textuelle et contextuelle de l’article 23 démontre que ce sont ceux qui forment la minorité linguistique qui bénéficient des droits que confère cet article quant à la gestion et au contrôle de leurs établissements d’enseignement, et ce, au moyen de représentants qu’ils choisissent et désignent à cette fin. Cette conclusion est renforcée au Québec par l’analyse historique et contextuelle de la Modification constitutionnelle de 1997 (Québec).
- Cela dit, il faut souligner que par l’effet de l’article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982, l’alinéa 23(1)a) de la Charte n’est pas en vigueur au Québec. Il en résulte que plusieurs individus au sein de la minorité linguistique anglophone du Québec ne sont pas visés par le droit individuel de faire instruire leurs enfants en anglais sur les fonds publics, bien que leur première langue apprise et encore comprise soit l’anglais.
- Par exemple, plusieurs immigrants du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Afrique du Sud et de nombreux autres pays, qui sont devenus des citoyens canadiens résidant au Québec, n’ont pas droit à l’enseignement en anglais pour leurs enfants, et ce, bien que l’anglais soit leur langue maternelle. Cela étant, ils font néanmoins intégralement partie de la communauté anglophone du Québec. La législation du Québec leur a permis de participer aux élections scolaires des commissions scolaires anglophones (à titre d’électeur ou de candidat) comme membres de la minorité linguistique du Québec, à moins d’avoir des enfants inscrits à une école francophone[181]. C’est toujours le cas, même depuis l’adoption de la Loi 40, puisque l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires le permet toujours. L’article 1.1 de cette dernière loi le reconnaît d’ailleurs implicitement.
- S’il est vrai que l’article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982 retarde l’entrée en vigueur au Québec de l’alinéa 23(1)a) de la Charte, l’effet de cet article est d’exclure un citoyen canadien dont la première langue apprise et encore comprise est l’anglais du droit individuel d’y faire instruire ses enfants en anglais au Québec, à moins qu’il y ait autrement droit en vertu de l’alinéa 23(1)b) ou du paragraphe 23(2) de la Charte. Cela étant, l’article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982 n’a pas d’effet sur l’alinéa 23(3)b) de la Charte. Par conséquent, il ne permet pas de réduire le sens des mots employés à cet alinéa ni de nier à un individu son appartenance à la minorité linguistique du Québec aux fins des droits de gestion et de contrôle des établissements d’enseignement de la minorité linguistique qui en découlent.
- Conclusions
- Les droits de gestion et de contrôle qui découlent de l’alinéa 23(3)b) de la Charte sont ceux décrits dans l’arrêt Mahe[182]. Ainsi, le degré de gestion et de contrôle peut, selon le nombre d’élèves en cause, justifier l’existence d’un conseil scolaire indépendant pour la minorité linguistique. Ils comprennent à tout le moins le pouvoir exclusif des représentants de la minorité linguistique de prendre des décisions concernant l’instruction dans la langue et les établissements où elle est dispensée, notamment à l’égard : a) des dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements; b) de la nomination et de la direction des personnes chargées de l’administration de cette instruction et de ces établissements; c) de l’établissement de programmes scolaires; d) du recrutement et de l’affectation du personnel, notamment des professeurs; et e) de la conclusion d’accords pour l’enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique.
- Ceux qui exercent concrètement ces droits de gestion et de contrôle sont les représentants choisis par les individus qui font partie de la minorité linguistique. Au Québec, cette minorité linguistique comprend minimalement les citoyens canadiens : a) dont la première langue apprise et encore comprise est l’anglais (al. 23(1)a) de la Charte), b) qui ont reçu leur instruction au niveau primaire en anglais au Canada (al. 23(1)b) de la Charte); ou c) dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en anglais au Canada (par. 23(2) de la Charte).
- Ces balises étant posées, examinons maintenant si le juge a erré en concluant à une atteinte à l’article 23 de la Charte.
Le juge de première instance a-t-il erré en concluant que les articles 50, 52 en ce qui a trait à l’ajout de l’article 155 à la LIP, 66, 91, 93, 196, 208, 212 et 216 de la Loi 40 et 155 et 473.1 de la LIP ainsi que l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires, portent atteinte de façon injustifiée à l’article 23 de la Charte?
- Pour des raisons de logique et de commodité, la Cour examinera les dispositions en cause selon l’ordre suivant :
- l'article 212 de la Loi 40 et l'article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires portant sur le droit de voter et sur l'éligibilité des candidats aux élections scolaires de la minorité linguistique;
- les articles 50, 196, 208 et 216 de la Loi 40 portant sur la composition des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones et sur les modes de sélection des membres de ces conseils d’administration;
- l’article 66 de la Loi 40 prévoyant l’abolition de la rémunération des membres des conseils d’administration;
- l’article 52 de la Loi 40 stipulant des restrictions à l’éligibilité aux postes de président et de vice-président des conseils d’administration;
- l’article 93 de la Loi 40 et les modifications à l’article 155 LIP prévoyant que le rôle de porte-parole d’un centre des services scolaire est dorénavant conféré à son directeur général;
- l’article 91 de la Loi 40 portant sur la mise sur pied et la mission du comité d’engagement pour la réussite des élèves;
- finalement, l’article 473.1 de la LIP prévoyant des mesures dédiées ou protégées de financement.
- Le cens électoral permettant à des membres de la majorité linguistique de voter et de se porter candidats aux élections scolaires du réseau scolaire de la minorité linguistique (art 212 de la Loi 40 et art. 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires)
- Antérieurement à la Loi 40, l’article 15 de la Loi sur les élections scolaires accordait en substance, et ce, depuis 1989[183], le libre choix de s’inscrire à la liste électorale d’une commission scolaire anglophone si l’électeur était, d’une part, domicilié sur le territoire de la commission scolaire et, d’autre part, s’il n’avait pas d’enfant admis aux services éducatifs dispensés par une commission scolaire francophone ou anglophone. Cependant, l’électeur qui avait un enfant admis aux services éducatifs d’une commission scolaire francophone ou anglophone ne pouvait voter qu’aux élections de la commission scolaire auprès de laquelle son enfant était inscrit. Quant à l’électeur dont l’enfant avait terminé ses études à une commission scolaire anglophone, il était réputé avoir choisi d’être inscrit sur la liste électorale de cette commission scolaire et d’y voter.
- L’article 212 de la Loi 40 modifie cet article 15 tout en préservant le principe du libre choix pour l’électeur qui n’a pas d’enfant inscrit à un établissement relevant d’un centre de services scolaire francophone ou anglophone. L'article 212 de la Loi 40 adapte simplement le texte de l’article 15 au fait qu’il n’y a plus d’élections scolaires dans le réseau scolaire francophone. Il prévoit dorénavant ce qui suit[184] :
15. L’électeur qui a un enfant visé à l’article 1 de la Loi sur l’instruction publique (chapitre I‐13.3) et admis aux services éducatifs dispensés par un centre de services scolaire anglophone qui a compétence sur le territoire où est situé son domicile peut voter à l’élection des membres du conseil d’administration de ce centre. L’électeur qui n’a pas d’enfant visé à l’article 1 de la Loi sur l’instruction publique et admis aux services éducatifs dispensés par un centre de services scolaire anglophone ou francophone qui a compétence sur le territoire où est situé son domicile peut voter à l’élection des membres du conseil d’administration du centre de services scolaire anglophone, s’il en fait le choix. Toutefois, l’électeur dont l’enfant a terminé ses études à un centre de services scolaire anglophone est réputé avoir choisi d’être inscrit sur la liste électorale de ce centre de services scolaire anglophone et d’y voter. L’électeur peut faire le choix prévu au deuxième alinéa en dehors du processus électoral si, à la date où il est fait, il n’a pas d’enfant visé à l’article 1 de la Loi sur l’instruction publique et admis aux services éducatifs dispensés par l’un ou l’autre centre de services scolaire qui a compétence sur le territoire où est situé son domicile.
| 15. Any elector who has a child to whom section 1 of the Education Act (chapter I‐13.3) applies who is admitted to educational services provided by an English-language school service centre having jurisdiction over the territory in which the elector is domiciled may vote at the election of the members of that centre’s board of directors. Any elector who does not have a child to whom section 1 of the Education Act applies who is admitted to educational services provided by an English- or French-language school service centre having jurisdiction over the territory in which the elector is domiciled may vote at the election of the members of the English-language school service centre’s board of directors, if the elector so chooses. However, an elector whose child was enrolled in an English-language school service centre when he or she finished school is deemed to have chosen to be registered on the list of electors of that English-language school service centre and to vote in its elections. The elector may exercise the voting option described in the second paragraph, outside election proceedings, if, on the date the option is exercised, the elector does not have a child to whom section 1 of the Education Act applies who is admitted to educational services provided by either of the school service centres having jurisdiction over the territory in which the elector is domiciled. |
- Le juge est d’avis que le principe du libre choix prévu à l’article 15 est incompatible avec l’article 23 de la Charte, puisqu’il permet à un individu qui ne fait pas partie de la minorité linguistique anglophone de participer aux élections scolaires du secteur anglophone[185]. Le juge déclare donc que l’article 212 de la Loi 40 porte atteinte aux droits garantis par l’article 23 de la Charte, que cette atteinte n’est pas justifiée et que l’art. 212 doit par conséquent être déclaré inopérant à l’égard du secteur anglophone[186]. Il omet d’invalider l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires[187], mais il suspend toutefois la déclaration d’invalidité de cette disposition pour une période de 18 mois afin de permettre au législateur d’adopter une loi correctrice[188].
- Le PGQ soutient que le juge erre en concluant ainsi. La Cour n’est pas du même avis.
- Comme le PGQ le note avec raison, il n’y a aucune preuve au dossier que des membres de la majorité linguistique francophone auraient abusé du principe du libre choix lors des élections scolaires des commissions scolaires anglophones tenues depuis 1989, soit depuis plus de 35 ans. Il n’existe de fait aucun intérêt financier, tel un taux réduit de taxe scolaire, pour inciter les membres de la majorité linguistique francophone du Québec à voter aux élections scolaires d’une commission scolaire ou d'un centre de services scolaire anglophone, puisque la preuve révèle que ce taux est maintenant uniformisé[189]. En outre, l’intérêt de la majorité linguistique francophone pour les élections scolaires en général est négligeable; le taux de participation aux dernières élections tenues pour les commissions scolaires francophones étant d’ailleurs extrêmement faible[190].
- Cela étant, l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires permet néanmoins à un individu qui ne fait pas partie de la minorité anglophone du Québec et qui n’a pas d’enfant admis aux services éducatifs d’un centre de services scolaire francophone ou anglophone, de s’inscrire sur la liste électorale pour les élections scolaires du réseau éducatif anglophone. Ce choix se fait par simple avis écrit[191]. Par ailleurs, une fois un tel choix exercé, cet individu qui ne fait pas partie de la minorité anglophone peut se porter candidat à un poste électif du réseau scolaire anglophone[192].
- Or, le fait de conférer ces droits de voter et de se porter candidat à des individus qui ne font pas partie de la minorité linguistique anglophone est contraire à l’article 23 de la Charte. Bien que ces cas puissent vraisemblablement s’avérer fort rares, les intimés estiment néanmoins qu’il s’agit là d’une entorse à l’article 23 qui devrait être corrigée par le législateur. Ils expriment une certaine crainte quant à une utilisation future malveillante de ces droits. Le juge leur a donné raison et il ne commet aucune erreur de droit à cet égard.
- Comme déjà noté, la Cour suprême reconnaît que l’alinéa 23(3)b) confère des droits de gestion et de contrôle exclusifs aux représentants de la minorité linguistique[193]. Ceux qui ne font pas partie de la communauté linguistique minoritaire ne peuvent contrôler et gérer les établissements d’enseignement de cette communauté linguistique au sens de cet alinéa. Ce sont donc les membres de la communauté linguistique minoritaire qui doivent choisir leurs représentants à ces fins, à l’exclusion des autres.
- Il est utile de le rappeler, les membres de la communauté linguistique minoritaire du Québec comprennent à la fois les citoyens canadiens résidant au Québec dont la première langue apprise et encore comprise est l’anglais, les citoyens qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en anglais au Canada, de même que les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en anglais au Canada.
- Notons que ce n’est pas le libre choix prévu par l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires qui pose en soi un problème constitutionnel. C’est plutôt l’absence d’un mécanisme permettant d’exclure de la liste électorale ceux qui abuseraient du libre choix qui est en cause. Ultimement, il appartiendra au législateur de corriger le tir par la mise en place d’une législation conforme aux principes de l’article 23 de la Charte.
- Il y a donc lieu pour la Cour d’intervenir afin de remplacer la conclusion énoncée au paragraphe [443] du jugement de première instance par une déclaration énonçant que l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires porte atteinte aux droits garantis par l’article 23 de la Charte dans la seule mesure où il permet à un individu qui ne fait pas partie de la minorité linguistique du Québec de voter lors d’élections scolaires au sein du réseau scolaire anglophone.
- Cet article devient donc inopérant à l’égard du secteur scolaire anglophones dans cette seule mesure. Par ailleurs, puisque le juge l’a accordé à bon droit, alors que le PGQ le demandait et que les intimés ne s’y opposaient pas, il y a lieu de suspendre la déclaration du caractère inopérant de cet article 15 pour une période de 18 mois suivant la fin du processus judiciaire.
- La composition et la méthode de sélection des membres du conseil d’administration : les art. 50, 196, 208 et 216 de la Loi 40
- Pour les motifs qui suivent, la Cour est d’avis que le juge de première instance n’a pas erré en concluant que les articles 50 196, 208 et 216 de la Loi 40 restreignent les droits garantis à la minorité linguistique en vertu de l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
Critères d’éligibilité des membres parents
- Avant l’adoption de la Loi 40, les commissaires étaient, pour la plupart, élus dans chaque circonscription électorale établie à cette fin sur le territoire desservi par la commission scolaire, sauf le président qui était élu au suffrage de l’ensemble des électeurs du territoire de la commission scolaire[194]. Tous les électeurs domiciliés sur le territoire de la commission scolaire étaient éligibles pour se présenter comme commissaires[195]. S’y ajoutaient trois ou quatre commissaires nommés par le comité de parents[196] et, seulement si le conseil des commissaires le jugeait opportun, un ou deux autres commissaires cooptés par le vote des deux tiers des commissaires[197].
- Pour un centre de services scolaire anglophone, l’article 50 de la Loi 40 remplace dorénavant le conseil des commissaires par un conseil d’administration composé de trois catégories d’individus : des membres parents élus, des membres représentants de la communauté élus et des membres désignés par et au sein du personnel du centre de services scolaire. Chacune de ces catégories est définie par la Loi 40 et est soumise à des exigences qui lui sont propres. Le conseil d’administration d’un centre de services scolaire anglophone est ainsi dorénavant composé d’un nombre variable de membres, allant de 16 à 34[198], en fonction du nombre de circonscriptions électorales établies sur son territoire en vertu de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires[199]. La moitié du nombre total des postes d’administrateurs est réservée aux membres parents[200], lesquels sont chacun élus pour une circonscription électorale donnée établie selon un découpage du territoire que dessert le centre de services scolaire[201].
- Les membres parents, en plus d’occuper la moitié des postes sur le conseil d’administration, sont par ailleurs les seuls à pouvoir occuper les fonctions de président et de vice‑président du conseil d’administration[202]. Ils sont donc appelés à jouer un rôle prépondérant au sein de celui‑ci.
- Or, la Loi 40 impose de sérieuses restrictions à l’éligibilité des individus pouvant se porter candidats aux postes de membres parents. Aux termes des articles 50 et 216 de la Loi 40, tout individu qui souhaite être élu à un tel poste doit notamment satisfaire aux conditions cumulatives suivantes (à la date du scrutin) : 1) être parent d’un élève fréquentant un établissement scolaire relevant du centre de services scolaire[203]; et 2) siéger à titre de parent d’un élève au conseil d’établissement d’une école ou d’un centre de formation professionnelle relevant du centre de services scolaire[204].
- Le juge considère que ces deux exigences cumulées ont pour effet de diminuer drastiquement le bassin de candidats potentiels à ces postes. Plus précisément, il conclut de la preuve que ces nouvelles règles ont pour effet de disqualifier près de 99 % des électeurs inscrits à l’heure actuelle sur les listes électorales des commissions scolaires anglophones[205]. Cette conclusion trouve assise dans le rapport d’expert du professeur Loewen, qui démontre clairement « l’effet mécanique » des nouvelles règles sur le bassin de candidats potentiels[206]. L’expert du PGQ, le professeur Lemieux, a d’ailleurs concédé que la démonstration du professeur Loewen était très convaincante à cet égard[207].
- Le juge le souligne dans ses motifs[208] et le PGQ ne fait valoir aucun motif convaincant permettant d’écarter cette preuve et les conclusions de fait que le juge en tire.
- Le rapport de l’expert Loewen démontre en outre que les exigences relatives à l’éligibilité des administrateurs, combinées entre autres à la réduction draconienne de leur compensation par l’abolition de leur rémunération (remplacée par une allocation de présence)[209], risquent de décourager de nombreux candidats potentiels de participer aux élections scolaires. La preuve qu’il a colligée à partir d’un sondage mené auprès de membres de la minorité linguistique, de parents membres de conseils d’établissements et de commissaires actuels, établit que ces individus sont moins susceptibles de se porter candidats aux élections scolaires tenues sous le régime institué par la Loi 40[210]. Dans son rapport d’expert, il explique les raisons pour lesquelles cette loi entraîne un tel effet sur les candidats potentiels[211] :
[20] ln addition to these mechanical effects, the legislation […] introduces substantial psychological costs for those considering running for office. As outlined in detail in Part IV of this report, I find that across all categories of people surveyed (rightsholders, parents on governing boards and commissioners), there is less willingness to run under this new system in comparison to the old system. lndeed, depending on the treatment, net 18 to 26 rightsholders out of 100 are less willing to run (net - 18 percent to net - 26 percent), net 32 to 62 parents on governing boards out of 100 are less willing to run (net - 32 percent to net - 62 percent), and net 54 to 77 commissioners out of 100 are less willing to run (net - 54 percent to net - 77 percent) (Table G.1, Appendix G). Importantly, the reduced willingness to run is more pronounced among parents on governing boards and even more among commissioners. These psychological effects, then, appear most pronounced among those who have already demonstrated a willingness to serve their communities as representatives and who understand the challenges of acting as representatives.
[21] There are at least two psychological effects that explain why individuals are less willing to run under the Bill 40 system. One is the effect of uncertainty over candidacies. The second is the effect of increasing the difficulty of the job – especially via requiring dual mandates for parent representatives and requiring that community representatives run and serve in the entire territory of service centres – while changing compensation.
[…]
[26] Similarly, the requirement that parent representatives have children in school and serve both on the governing board of a local school and on the service centre has dissuasive effects, as confirmed by my survey results. When told about the dual mandate for parent representatives, net 24 rightsholders out of 100 are less willing to run (net - 24 %). Net 32 parents on governing boards out of 100 are less willing to run (net - 32 %). Finally, net 54 commissioners out of 100 are less willing to run (net - 54 %). As I show throughout the detailed survey results, these negative effects hold when discussing various aspects of the new legislation and across a large number of demographic subgroups […]. These results are unsurprising as, for many representatives, meaningfully engaging on the school board is already a substantial time commitment[212]. For example, in the survey of commissioners, more than 54% report spending 10 or more hours a week on their duties as commissioners (Figure K.1, Appendix K). Fifty percent of commissioners in fact indicate that they would not have time to fulfil their duties both as a commissioner and on a governing board (Figure K.4, Appendix K). […]
[27] Finally, by changing remuneration – even modest remuneration – for members of boards of directors of the new service centres, Bill 40 both removes incentives to running, and erects barriers to doing so for those at the bottom end of income distribution (Carnes 2018). This is supported by my survey data. First, I find that when respondents of all types – rightsholders, parents on governing boards, and commissioners – are told about changes to the compensation scheme, they report substantially reduced likelihoods of running, or belief in others' willingness to run (see Table G.1, in Appendix G). Results indicate that net 26 rightsholders out of 100 are less willing to run (net - 26 %), net 62 parents on governing boards out of 100 are less willing to run (net - 62 %), and net 77 commissioners out of 100 are less willing to run (net - 77%). The combination of a dual role and the lack of remuneration may explain why parents in particular are dissuaded from running.
[Renvois et caractères gras omis; soulignements ajoutés]
- Le juge conclut que cette preuve est fiable et que la méthodologie sur laquelle elle se fonde « est adéquate pour refléter la réaction des élus actuels »[213]. Il rejette ainsi les critiques que le professeur Lemieux avait formulées à son encontre.
- Le PGQ n’avance aucune raison valable d’écarter cette conclusion de fait du juge. Il se contente plutôt de référer à la preuve de son propre expert selon laquelle « [d]u côté francophone, alors que les parents doivent cumuler 3 fonctions, cette exigence n’a pas eu pour effet de diminuer leur participation »[214]. Le juge n’a, de toute évidence, pas retenu cette preuve et le PGQ ne démontre pas en quoi il aurait commis une quelconque erreur manifeste et déterminante en décidant ainsi. Comme le soulignent les intimés, les règles relatives à l’éligibilité et à la désignation des membres des conseils d’administration des centres de services scolaires francophones diffèrent considérablement de celles qui sont applicables du côté anglophone, à commencer par le fait que les administrateurs francophones n’ont pas à être élus et que la législation exige un nombre d’entre eux beaucoup moins élevé, notamment parmi les parents. Le professeur Loewen aborde d’ailleurs expressément cette question dans sa réponse aux critiques de l’expert Lemieux[215] :
[20] […] Prof. Lemieux does just that in parts of his report, when he relies on data from French‑language school service centres following the implementation of Bill 40 to draw inferences regarding what might happen in the English sector […]. Prof. Lemieux’s inferences here are, however, quite problematic given the major differences that exist in both sectors, including the fact that: (a) there are no general elections in the French sector, unlike in the English sector, and (b) there are two to three more times the amount of parent representatives on the English sector than on the French side (8 to 17 vs 5) […]. These differences will affect individuals’ willingness to participate on the boards of directors and the likelihood of seats being filled. Indeed, on the French side representatives can have greater individual impact (as they are one of 5, versus one of 8 to 17 members) and they do not need to go through the difficulty of elections. Election aversion is an important barrier to participation, especially among women (Kanthak and Woon 2015). There is thus little to learn from this particular comparison.
[Soulignements ajoutés]
- En somme, la preuve permettait au juge de conclure que la Loi 40 limite indûment le nombre de candidats potentiels aux postes de membres parents, en plus de « [l]a difficulté de recruter des candidats [qui] s’accentue dans les commissions scolaires périphériques, où le nombre d’ayants droit diminue et les distances augmentent »[216].
- Cette restriction importante au bassin de candidats potentiels pour les postes de membres parents au sein des conseils d’administration contrevient à l’article 23 de la Charte. Comme la Cour l’a déjà conclu, les droits de gestion et de contrôle des établissements d’enseignement de la minorité linguistique qui découlent de l’alinéa 23(3)b) de la Charte sont à l’avantage de la minorité linguistique dans son ensemble. Ces droits doivent donc être concrètement exercés par les représentants choisis parmi et par les membres de la minorité linguistique dans son ensemble. En réduisant de façon draconienne la taille du bassin de candidats éligibles aux postes de membres parents, la Loi 40 limite grandement la capacité des membres de la minorité linguistique de choisir les individus qui agiront comme ses représentants sur les conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones. Elle stérilise en quelque sorte leur droit de choisir leurs représentants et de se porter candidats.
Critères d’éligibilité des membres représentants de la communauté
- Selon le nouveau régime, les membres représentants de la communauté se voient accorder entre 4 et 13 postes sur les 16 à 34 postes au conseil d’administration d’un centre de services scolaire anglophone[217]. Leur nombre varie selon le nombre de circonscriptions établies sur le territoire du centre, duquel nombre sont soustraits les quatre postes réservés aux membres du personnel du centre[218].
- À la différence des membres parents, les membres représentants de la communauté sont élus au suffrage des électeurs de l’ensemble du territoire desservi par le centre de services scolaire[219]. De plus, pour se présenter comme candidats, les membres représentants de la communauté doivent dorénavant répondre à certains profils de compétence dictés par le gouvernement, soit[220] :
- au moins une personne ayant une expertise en matière de gouvernance, d’éthique, de gestion des risques ou de gestion des ressources humaines;
- au moins une personne ayant une expertise en matière financière ou comptable ou en gestion des ressources financières ou matérielles;
- au moins une personne issue du milieu communautaire, municipal, sportif, culturel, de la santé, des services sociaux ou des affaires;
- au moins une personne âgée de 18 à 35 ans.
- Les profils de compétence sont attribués aux postes des membres représentants de la communauté dans l’ordre précité. Lorsque le nombre de postes à pourvoir est supérieur à quatre, les profils sont attribués aux postes supplémentaires selon le même ordre, lequel est repris jusqu’à ce que chacun des postes se soit vu attribuer un profil[221].
- Le juge conclut, sur la foi de la preuve de l’expert Loewen, que ces nouvelles exigences réduisent d’environ 50 % la taille du bassin de candidats éligibles à ces postes[222]. L’expert Loewen s’exprime ainsi[223] :
[17] Recall that in the previous legislative scheme, there were 2,440 potential eligible individuals for each commissioner position (as set out above). ln the Bill 40 scheme, assuming that the positions reserved for persons "with expertise in governance, in ethics, in risk management or in human resources management" or "with expertise in finance or accounting, or in financial or physical resources management" (the first two profiles listed at section 50 of Bill 40 or new section 143.1 of the Education Act) correspond to the "management occupation" or "business, finance, and administration occupation" categories of Statistics Canada, there would be just 4,892 (or 16.7% of 29,295 adults) available to run for four positions, implying just 1,223 adults per position. This represents approximately 50% as many individuals eligible to run per seat as compared to the pre-Bill 40 regime.
[Renvois omis; soulignement ajouté]
- Le juge détermine que ces nouvelles exigences, jumelées au nouveau régime électoral applicable aux membres représentants de la communauté (soit leur élection par l’ensemble des électeurs du territoire du centre de services scolaire plutôt que par circonscription électorale), à l’abolition de la rémunération des administrateurs[224] et à l’impossibilité pour les membres représentants de la communauté d’occuper les fonctions de président et de vice‑président du conseil d’administration[225], décourageront bon nombre de candidats potentiels de briguer ces postes.
- La preuve produite par les intimés étaye cette conclusion. Par exemple, dans sa déclaration sous serment, Mme Joy Humeniuk, commissaire et vice‑présidente de la Commission scolaire Eastern Townships, déclare que[226] :
11. Because I no longer have children in school, the only positions I am eligible to run for now on the Board of directors of the English‑language school service centre are the community representative positions. I would never consider running across the entire territory of the ETSB [Eastern Townships School Board] for such positions. The ETSB covers 13 provincial ridings, in part or in full. It would take me hours by car to simply cover the territory. I have always run at the ward (electoral division) level where I know the people, community and schools, and my position as Commissioner has always involved regular visits of the community and the four schools associated with my ward (made up of around 600 or 700 students).
12. There are 20 elementary schools in the ETSB and three high schools (made up of around 5000 students) which are all very far apart. The level of investment of time and energy it would take to meet the communities, visit the schools and be aware of and respond to the issues in the entire territory would be prohibitive to me, especially with no remuneration. While I have never served as Commissioner because of the remuneration, it represents an acknowledgement of the work and investment that goes into these elected positions.
13. What’s more, community representatives are not eligible for vice chair-ship and I would not be interested in not exercising the leadership role I have now exercised for more than five years. I would not overcome the important challenges of running territory-wide with no prospect of a leadership role, where those leading the board would have the least experience.
[Soulignements ajoutés]
- Mme Mary Ellen Beaulieu, commissaire de la Commission scolaire Eastern Shores et domiciliée dans la région de la Côte-Nord (Baie-Comeau), affirme aussi qu’elle ne se présenterait pas comme candidate à un poste d’administrateur sous le nouveau régime, notamment compte tenu de l’immensité du territoire d’élection à couvrir, lequel comprend, entre autres, la Côte-Nord et la Gaspésie[227] :
9. I would not run to be a commissioner under the Bill 40 model. My children are no longer in school and I cannot run as a parent representative. I would never run in and seek to serve the entire territory of ESSB [Eastern Shores School Board] as a community representative. First, people from the Gaspé do not know me and I don't know why they would vote for me. Moreover, I would not have the time, energy or money to cover the entire ESSB territory and manage it effectively and I do not think a person from another region could either. […]
- Pour des raisons similaires, Mme Olivia Landry, commissaire de la Commission scolaire Sir Wilfrid Laurier, déclare qu’elle ne se présenterait pas aux élections scolaires sous le nouveau régime[228].
- Le rapport d’expertise du professeur Loewen va aussi dans le même sens. Il démontre que les nouvelles exigences prévues par la Loi 40 entraîneront une diminution du nombre d’individus souhaitant se porter candidats aux postes de membres représentants de la communauté[229] :
[25] Further, those interested in community representative positions face the increased difficulty of having to run and serve in the entire territories of school boards, which are extremely vast (unlike the current system where all commissioners with the exception of the chair run in their local wards). The Central Québec School Board for example spans 31 provincial ridings and 13 federal ridings. Its territory of approximately 391,755 km2 is around 788 times the area of the island of Montreal and larger than Germany. ln addition to the uncertainty that the community profiles generate, the new requirements for community representatives (having to run and serve in the entire territory of the boards and fit the community profiles) decreases individuals' willingness to run in school board elections, as my survey demonstrates. I find that all three types of survey respondents (rightsholders, current parent representatives on governing boards, and current or former commissioners) indicate that they are less willing to run under the new community representative positions than they are under the current system. Net 18 rightsholders out of 100 are less willing to run (net - 18 %), net 53 parents on governing boards out of 100 are less willing to run (net - 53 %), and net 77 commissioners out of 100 are less willing to run (net - 77%). Respondents also express a belief that others would be less willing to run for the community representative positions than under the new system as well (see Table G.1 in Appendix G).
[Soulignements ajoutés; caractères gras omis]
- Le juge retient cette preuve testimoniale et d’expert. Le PGQ ne démontre pas en quoi cette conclusion factuelle serait entachée d’une quelconque erreur manifeste et déterminante. Il reproche plutôt au juge de ne pas avoir tenu compte des objectifs poursuivis par le législateur et d’avoir retenu la preuve de l’expert Loewen plutôt que celle relative aux effets de la Loi 40 sur la participation à la gouvernance scolaire dans le secteur francophone. Ces deux griefs sont sans fondement, pour les raisons précédemment évoquées.
- En restreignant considérablement le bassin de candidats potentiels aux postes de membres représentants de la communauté, les dispositions contestées empiètent sur la capacité des membres de la minorité linguistique de choisir leurs représentants et de briguer ces postes. Par le fait même, elles portent atteinte à l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
Éligibilité des membres du personnel
- Aux termes de l’article 50 de la Loi 40 (LIP, art. 143.1 al. 1(3o)), les membres du personnel d’un centre de services scolaire anglophone se voient dorénavant octroyer un nombre fixe de quatre postes sur le conseil d’administration, lesquels doivent être occupés par un enseignant, un membre du personnel professionnel non enseignant, un membre du personnel de soutien et un directeur d’un établissement d’enseignement. À la différence des membres parents et des membres représentants de la communauté, les membres du personnel ne sont pas élus; ils sont plutôt désignés par leurs pairs[230].
- À l’instar du juge, la Cour est d’avis que cette disposition contrevient à l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
- Dans l’arrêt Mahe, la Cour suprême établit que lorsque le nombre d’enfants à faire instruire dans la langue de la minorité est suffisamment important, la minorité linguistique a droit à la création d’un « conseil scolaire indépendant »[231]. En l’espèce, il n’est pas contesté que tel est le cas pour la minorité linguistique anglophone du Québec, laquelle a droit à des « conseils scolaires indépendants » qui doivent minimalement permettre aux « représentants de la minorité linguistique » d’exercer « le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l’instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée »[232].
- En imposant la présence obligatoire d’un certain nombre d’employés non élus sur le conseil d’administration – employés qui, de surcroît, ne font pas nécessairement partie de la minorité linguistique –, la Loi 40 contrevient directement aux « pleins droits de gestion et de contrôle »[233] dont doivent jouir les représentants de la minorité linguistique en vertu de l’alinéa 23(3)b) de la Charte. Contrairement à ce que plaide le PGQ, le fait que ces membres du personnel sont d’abord embauchés par les centres de services scolaires est sans pertinence, puisque leur fonction d’employé ne peut dicter ni même établir leur légitimité au sein d’un conseil d’administration afin de représenter la minorité linguistique. Le choix d’un représentant par une minorité linguistique pour gérer et contrôler ses institutions scolaires diffère totalement de l’embauche du personnel d’un centre de services scolaire, dont le rôle est tout autre que celui de protéger spécifiquement le maintien et le développement de la vitalité linguistique et culturelle de la minorité linguistique. La Cour ne peut retenir l’argument voulant que la minorité linguistique soit représentée à travers le personnel embauché par le centre de services scolaire.
- L’abolition de la rémunération des membres des conseils d’administration (art. 66 de la Loi 40)
- Le juge conclut, comme détermination de fait, que sous l’ancien régime, le président d’une commission scolaire se voit verser annuellement une rémunération variant entre 15 000 $ et 20 000 $, alors que les commissaires reçoivent environ la moitié de ces montants[234].
- L’article 66 de la Loi 40 modifie l’article 175 de la LIP afin de prévoir que les membres des conseils d’administration des centres de services scolaires ne seront plus rémunérés, mais recevront plutôt une allocation de présence. Le Décret 1027‑2020 du 7 octobre 2020 établit les normes relatives au paiement de cette allocation de présence[235] :
Président du conseil d’administration : | 200 $ par réunion du conseil d’administration (maximum de 4 000 $ / année) |
Vice‑président du conseil d’administration : | 150 $ par réunion du conseil d’administration (maximum de 3 000 $ / année) |
Autres membres : | 100 $ par réunion du conseil d’administration (maximum de 2 000 $ / année) |
- Le juge conclut de la preuve que dorénavant un président toucherait approximativement 1 000 $ par année, tandis que ce serait de l’ordre de 500 $ par année pour les autres membres du conseil d’administration, soit une compensation environ 15 fois moindre qu’auparavant[236]. Il estime aussi que cette mesure contribue à réduire le bassin de candidats potentiels pour les postes de membres parents et de membres représentants de la communauté aux conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones[237].
- L’abolition de la rémunération et son remplacement par des allocations de présence ayant pour conséquence une diminution très significative des montants annuels payés aux membres des conseils d’administration reflète les fonctions diminuées de ces derniers par rapport aux commissaires scolaires qu’ils remplacent et du peu de temps que le législateur estime qu’ils doivent consacrer à ces fonctions.
- La Cour est d’accord avec le juge que ce changement de paradigme, lorsque considéré de concert avec les autres exigences relatives à l’éligibilité des membres parents et des membres représentants de la communauté, contribue à réduire significativement le bassin de candidats potentiels pour ces postes. En d’autres termes, l’effet cumulatif de ces mesures sera nécessairement de restreindre de façon importante le bassin des membres de la minorité linguistique qui se présenteront comme candidats et la capacité de la minorité linguistique de choisir ses représentants qui exerceront concrètement les droits de gestion et de contrôle découlant de l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
- Les restrictions à l’éligibilité aux postes de président et de vice‑président (art. 52 de la Loi 40)
- L’article 52 de la Loi 40 modifie l’article 155 de la LIP afin de prévoir que le président et le vice‑président du conseil d’administration d’un centre de services scolaire sont dorénavant nommés parmi les membres parents. Notons qu’avant la Loi 40, le président était élu au suffrage universel des électeurs d’une commission scolaire. Le juge est d’avis qu’il y a là une atteinte à l’article 23 de la Charte, cette mesure contrevenant aux droits de gestion et de contrôle de la minorité en empêchant les membres élus par la communauté d’occuper ces postes de direction. Cette conclusion est à l’abri de toute intervention en appel.
- Rappelons qu’en raison des exigences d’éligibilité qu’elle impose, la Loi 40 diminue considérablement le bassin de candidats potentiels aux postes de membres parents. Il s’ensuit qu’elle restreint aussi nécessairement le bassin de candidats pouvant être choisis pour agir à titre de président ou de vice‑président du conseil d’administration d'un centre de services scolaire anglophone. C’est la démonstration de « l’effet mécanique » de la Loi 40 par l'expert Loewen.
- La déclaration sous serment de Mme Joy Humeniuk démontre en outre que l’impossibilité pour les membres représentants de la communauté d’occuper les fonctions de président et de vice‑président, conjuguée aux autres mesures prévues par la Loi 40, est un facteur de découragement à la participation à la gouvernance scolaire[238]. À ce sujet, la Cour note l’argument des intimés, fondé sur la preuve de l’expert Loewen, voulant que « [l]imiting leadership positions to parents with children in school and who sit on a governing board creates a term limit, reducing the ability of the chair and vice‑chair to acquire valuable experience and expertise as elected officials and reducing their effectiveness »[239].
- Le rôle de porte-parole conféré au directeur général (art. 93 de la Loi 40 et la modification de l’art. 155 de la LIP)
- Le rôle de porte-parole du centre de services scolaire est dorénavant conféré exclusivement au directeur général du centre[240], alors que ce rôle était antérieurement confié à un représentant issu de et élu par les membres de la minorité linguistique, soit le président de la commission scolaire[241].
- La preuve démontre le rôle primordial et de premier plan joué par le porte‑parole de la commission scolaire pour exprimer les besoins et les préoccupations de la minorité linguistique en matière scolaire. Ainsi, le président de la Commission scolaire Central Québec, M. Stephen Burke, explique l’importance de ce rôle pour défendre les intérêts éducatifs de la minorité linguistique auprès des autorités provinciales et de la population, n’hésitant pas à se montrer critique du gouvernement au besoin[242] :
6. I believe that one of the most important roles that the chair of a school board plays is to act as spokesperson for the school board. I take this responsibility very seriously.
7. Because I am elected by the English-language minority, I can speak for the school board and the community it represents with legitimacy and authority, in a way that a staff (non-elected) member of the school board cannot. I can fulfill this role independently and can be critical of the government if needed, as I know that my position only depends on the support of my electors.
8. As chair, I handle relations with political leaders and government officials and give voice to the community's concerns. At times, I must also voice the community's opposition to measures proposed by the provincial government. Despite this, I strive to maintain a good working relationship with the government.
- Les déclarations sous serment de M. John Ryan, président de la Commission scolaire New Frontiers[243] et de M. Michael Murray, président de la Commission scolaire Eastern Townships[244], vont dans le même sens.
- Le juge a raison de conclure que le directeur général d’un centre de services scolaire, en sa qualité d’employé du centre, n’a manifestement pas le même rôle comme porte-parole ni la même liberté d’agir qu’un président d’une commission scolaire qui est élu par la minorité linguistique pour la représenter. Que le directeur général d’un centre de services scolaire soit nommé par le conseil d’administration du centre et qu’il ait l’obligation de veiller à l’exécution des décisions de celui-ci[245], ne change rien à ce constat. Le directeur n’est pas choisi par la minorité linguistique – dont il ne fait pas nécessairement partie – pour la représenter.
- En retirant le rôle de porte-parole d’un représentant de la minorité linguistique pour le confier à un employé embauché pour une fonction précise, sans égard à ses qualifications de porte-parole et son lien de confiance avec cette communauté, la Loi 40 porte atteinte aux droits de gestion et de contrôle conférés aux représentants de la minorité linguistique et découlant de l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
- Le comité d’engagement pour la réussite des élèves (art. 91 de la Loi 40)
- Avant les modifications de la Loi 40, la LIP prévoyait que l’élaboration du plan d’engagement vers la réussite relevait directement et exclusivement du conseil des commissaires[246]. La LIP prévoyait en outre que dans le cadre de leur participation à la définition des orientations et des priorités de la commission scolaire, les commissaires avaient pour rôle d’informer le conseil des commissaires des besoins et des attentes de la population de leur circonscription ou de leur milieu[247].
- Dorénavant, les membres du conseil d’administration d’un centre de services scolaire ne participent pas à l’élaboration et à la mise sur pied des orientations et des priorités de ce centre et n’ont plus l’obligation ni la responsabilité d’informer le conseil des besoins et attentes de la population[248]. En vertu des changements apportés par la Loi 40, c’est plutôt un comité formé exclusivement de membres du personnel du centre de services scolaire – le comité d’engagement pour la réussite des élèves – qui élabore, prépare et propose le plan d’engagement vers la réussite[249]. Le rôle du conseil d’administration se limite désormais à approuver le plan proposé, sans implication directe dans son élaboration, sa préparation ou son contenu, le conseil devant par ailleurs se justifier formellement s’il n’approuve pas ledit plan[250].
- Or, ce plan prévoit l’essentiel des orientations et des activités du centre de services scolaire, incluant[251] :
- le contexte dans lequel le centre évolue, notamment les besoins de ses écoles, les principaux enjeux auxquels il est confronté ainsi que les caractéristiques et les attentes du milieu qu’il dessert;
- les orientations et les objectifs retenus;
- les cibles visées au terme de la période couverte par le plan;
- les indicateurs, notamment nationaux, utilisés pour mesurer l’atteinte des objectifs et cibles visés;
- les objectifs du centre quant au niveau des services offerts et quant à leur qualité.
- Il s’agit là de sujets qui sont centraux aux droits de gestion et de contrôle qui sont garantis à la minorité linguistique par l’alinéa 23(3)b) de la Charte. Or, les représentants de la minorité linguistique sont exclus du comité d’engagement pour la réussite des élèves. La Cour est tout à fait d’accord avec le juge de première instance lorsqu’il conclut qu’il « est inconcevable qu’un plan si fondamental que le plan envers la réussite ne relève pas des représentants élus de la minorité »[252].
- Notons à nouveau que l’arrêt Mahe reconnaît expressément que les représentants de la minorité linguistique doivent avoir le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l’instruction dans la langue de la minorité et les établissements d’enseignement de la minorité[253]. L’élaboration du plan d’engagement, en l’occurrence, est directement liée à ce pouvoir. Le plan d’engagement doit d’ailleurs être considéré dans le cadre du projet éducatif de l’école[254]. La preuve produite par les intimés, que le juge de première instance a retenue, démontre l’importance de cet outil dans la détermination des besoins, des objectifs et des cibles de la communauté linguistique minoritaire en matière d’éducation[255].
- Comme le souligne le juge de première instance, la Loi 40 ne comporte aucune obligation que les membres du comité d’engagement pour la réussite des élèves soient des élus ou même des individus faisant partie de la minorité linguistique[256]. L’exigence que le plan d’engagement soit approuvé par le conseil d’administration du centre de services scolaire n’est pas non plus suffisante en soi pour conclure que ce conseil détient un contrôle effectif sur ce plan. Comme la Cour l’a déjà noté, si le conseil d’administration a le pouvoir de rejeter le plan, il doit néanmoins s’en justifier et le retourner au comité d’engagement pour la réussite des élèves qui se charge des ajustements[257].
- La responsabilité première de définir les besoins, orientations, cibles et objectifs à atteindre demeure ainsi confiée à un comité composé d’employés qui ne sont pas des représentants de la minorité linguistique ni même nécessairement des membres de cette minorité, portant atteinte de ce fait à l’article 23 de la Charte. Cette responsabilité incombe plutôt aux représentants de la minorité linguistique. Cela étant, il y a lieu de préciser à nouveau que l’attribution par l’article 23 de la Charte de droits de gestion et de contrôle aux représentants de la minorité linguistique n’exclut pas la règlementation provinciale[258]. Par contre, le gouvernement ne peut se servir des exigences, pédagogiques ou autres, établies pour répondre aux besoins des élèves de la majorité linguistique afin de contrevenir aux considérations culturelles et linguistiques applicables aux élèves de la minorité linguistique[259].
- Les mesures dédiées ou protégées de financement prévues par l’art. 473.1 de la LIP
- La Cour est d’accord avec le PGQ que le gouvernement dispose d’un large pouvoir discrétionnaire dans la dotation du financement public pour l'enseignement dispensé à la minorité linguistique. Cela étant dit, le financement du réseau scolaire de la minorité linguistique doit, au minimum, répondre à deux impératifs afin de respecter les droits garantis par l’article 23 de la Charte.
- Le premier impératif est que le niveau du financement octroyé à même les fonds publics pour les élèves et les établissements d’enseignement de la minorité linguistique doit être au moins équivalent, en proportion du nombre d’élèves, à celui octroyé aux élèves et aux établissements d’enseignement de la majorité linguistique, en tenant compte des particularités propres à chaque communauté linguistique[260]. Il n’est pas contesté que ce premier impératif est respecté en l’espèce.
- Le second est que la gestion et le contrôle de ce financement relèvent des représentants de la minorité linguistique, lesquels sont cependant tenus de l’utiliser afin de raisonnablement satisfaire aux objectifs pédagogiques du gouvernement établis pour l’ensemble des élèves de la province. Ce deuxième volet exclut une microgestion par le gouvernement du financement octroyé pour les élèves et les établissements d’enseignement de la minorité linguistique. Il n’empêche pas des règles budgétaires afin de pourvoir au financement requis pour ces élèves et ces établissements, mais il impose néanmoins certaines limites afin d’éviter que le gouvernement se substitue aux représentants de la minorité linguistique aux fins de la gestion et du contrôle des établissements en cause.
- Ainsi, il est important de rappeler à ce stade les propos du juge en chef Dickson dans Mahe, qui souligne que l’alinéa 23(3)b) de la Charte garantit minimalement aux « représentants de la minorité linguistique » « le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l’instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée », notamment à l’égard des « dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements »[261]. Ce droit serait illusoire si un gouvernement pouvait prescrire et dicter dans le menu détail comment les allocations de fonds doivent être utilisées.
- Or, c’est précisément ce que permet l’article 473.1 de la LIP lorsqu’il autorise, sans aucune limite, la mise en œuvre de règles budgétaires qui « peuvent, aux conditions ou selon les critères qui y sont prévus ou qui sont déterminés par le ministre, prescrire que certaines mesures budgétaires sont destinées à un transfert vers le budget des établissements d’enseignement ». Examinons cela de plus près.
- Les subventions gouvernementales pour les dépenses de fonctionnement sont allouées à chaque commission scolaire anglophone par le biais de règles budgétaires de fonctionnement[262], lesquelles prescrivent le mode d’allocation des ressources financières. Ces règles budgétaires permettent de calculer les sommes des subventions versées[263], tout en préservant une certaine autonomie pour les commissions scolaires dans l’organisation des services et le choix des moyens pour les mettre en œuvre[264]. Ces subventions prennent majoritairement la forme « d’allocations de base pour les services éducatifs »[265], lesquelles sont largement établies en fonction de l’effectif scolaire. Ces allocations sont attribuées pour permettre aux commissions scolaires d’assumer leurs obligations liées aux activités éducatives (c.‑à‑d. celles ayant trait à l’enseignement, au soutien à l’enseignement, aux services complémentaires et au perfectionnement)[266]. À ces allocations de base s’ajoutent des sommes supplémentaires visant d’autres domaines d’activités, par exemple le soutien additionnel aux élèves et aux enseignants, l’adaptation scolaire et le soutien aux établissements en régions et en petits milieux[267].
- Les règles budgétaires de fonctionnement catégorisent les différentes sommes allouées aux commissions scolaires sous des « familles » et « regroupements » de mesures budgétaires distinctes[268]. C’est ici que l’art. 473.1 de la LIP entre en jeu en permettant au ministre, depuis l’année scolaire 2016-2017, de prescrire que certains fonds doivent être obligatoirement alloués par les commissions scolaires aux établissements d’enseignement pour être utilisés aux seules fins déterminées par celui‑ci[269].
- Ces mesures sont identifiées dans les règles budgétaires de fonctionnement comme étant « dédiées » ou « protégées »[270]. Les mesures dédiées sont généralement transférables aux fins d’autres mesures à l’intérieur du regroupement de mesures dont elles font partie[271]. Les mesures protégées, elles, ne sont pas ainsi transférables : elles doivent être utilisées pour les fins auxquelles elles sont expressément prévues par le ministre[272].
- Dans sa déclaration sous serment, le directeur général du soutien aux réseaux et du financement du ministère de l’Éducation, M. Pierre‑Luc Pouliot, explique que les mesures protégées ont pour objectif d’assurer que « tous les élèves de tous les organismes scolaires publics puissent bénéficier des éléments prévus à chacune de ces mesures, peu importe la gouvernance du milieu scolaire (direction d'école, conseil d'établissement, comités et gouvernance des CSS [centres de services scolaires] et des CS [commissions scolaires], etc.), afin que l'importance de ces services directs aux élèves soit protégée et que la réussite éducative des élèves ne soit pas compromise »[273]. Comme exemples de mesures protégées, il mentionne notamment celle visant à assurer « un niveau de base de services complémentaires dans chaque école offrant des services directs à des élèves […] par des ressources qualifiées dans le but de répondre à leurs besoins en matière de soutien aux apprentissages, d'accompagnement et de suivi »[274], ainsi que celle visant la mise en place des classes de maternelle quatre ans à temps plein[275].
- Le juge de première instance conclut que l’article 473.1 de la LIP porte atteinte à l’alinéa 23(3)b) de la Charte en ce qu’il va directement à l’encontre du pouvoir exclusif des représentants de la minorité linguistique de prendre des décisions relatives aux dépenses de fonds prévus pour l’instruction dans la langue de la minorité et pour les établissements où cette instruction est dispensée[276]. Cette conclusion est bien fondée.
- En permettant au ministre de dicter le transfert de subventions vers les établissements d’enseignement afin qu’elles soient utilisées à des fins précises qu’il détermine seul, que ce soit à titre de « mesures dédiées » ou de « mesures protégées », l’article 473.1 de la LIP ampute aux pouvoirs de gestion et de contrôle exclusifs des représentants de la minorité linguistique sur les dépenses de fonds. Dans les deux cas, les représentants de la minorité perdent le contrôle de ces subventions, puisque celles-ci doivent être utilisées à des fins précises qui ne cadrent pas nécessairement avec les besoins de la minorité, ses objectifs ou ses intérêts linguistiques et culturels.
- La déclaration sous serment de la directrice des finances de la Commission scolaire English‑Montréal, Mme Livia Nassivera, que le juge a retenue, l’illustre bien[277] :
7. As explained in exhibits LN-1 to LN-5, the funds obtained under a protected measure must be transferred to schools and adult education and vocational training centres and must be used solely for the purpose identified by the Ministry for that measure (see for instance LN-5, p. XVII). The school board may decide the proportion of the subsidy that is allocated to each school but cannot decide to use any of the funds for any other purpose.
8. For example, measure 15026 (Ajout d'enseignants spécialistes au préscolaire) in the budgetary rules of 2020-2021 is a protected measure that may only be used for the purpose of providing preschoolers with a 30-minute segment per week with a teacher specialized in physical education, health or arts, as appears from exhibit LN-5 (at p. 79).
9. The funds obtained under a dedicated measure must be transferred to schools and adult education and vocational training centres; the school board or the school can transfer the funds to another measure but only within the same grouping of budgetary measure (see for instance exhibit LN-5, at p. XVII).
10. For example, measure 15023 (À l'école, on bouge!) in the budgetary rules of 2020-2021 may be used for physical education projects that meet the criteria of measure 15023, or it may be transferred to any of the following seven measures that are part of the 15020 grouping of measures ("Soutien à la persévérance"), all of which are themselves protected or dedicated measures, as appears from exhibit LN-5 (see pp 70-85):
15021 - Soutien additionnel à la consolidation des apprentissages et à l'engagement scolaire des élèves en contexte COVID (dedicated measure);
15024 - Aide aux parents (dedicated measure);
15025 - Seuil minimal de services pour les écoles (dedicated measure);
15026 - Ajout d'enseignants spécialistes au préscolaire (protected measure);
15027 - Soutien à la réussite éducative des élèves doués (protected measure);
15028 - Activités parascolaires au secondaire (dedicated measure);
15029 - Cours d'école vivantes, animées et sécuritaires (protected measure).
[Caractères gras omis]
- La preuve révèle en outre que depuis la modification législative de 2016 à l’article 473.1 de la LIP, le nombre de mesures dédiées et protégées a plus que doublé. En effet, il est passé de 14 au cours de l’année scolaire 2016-2017 à 37 au cours de l’année scolaire 2020-2021[278], restreignant ainsi de plus en plus la marge de manœuvre budgétaire des représentants de la minorité linguistique. La preuve établit par ailleurs que les sommes « dédiées » et « protégées » inutilisées sont « perdues » et ne peuvent être réutilisées à d’autres fins par une commission scolaire[279].
- L’article 473.1 de la LIP, dans sa version en vigueur depuis 2016, a donc pour effet concret de priver les représentants de la minorité linguistique de la gestion et du contrôle d’importantes sommes, sans possibilité de les récupérer, tout en les allouant directement à certaines fins précises déterminées par le ministre, lesquelles ne correspondent pas nécessairement aux besoins, ainsi qu’aux objectifs ou aux intérêts linguistiques et culturels de la minorité linguistique, tels que déterminés par ses représentants. Il y a là atteinte aux pouvoirs de gestion et de contrôle qui découlent de l’alinéa 23(3)b) de la Charte.
La justification de ces atteintes en vertu de l’article premier de la Charte
- L’article premier de la Charte permet de restreindre par une règle de droit les droits et libertés prévus par celle-ci, mais seulement « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». Il est donc possible de justifier une limitation des droits linguistiques garantis par l’article 23 de la Charte au moyen de cet article[280].
- Cependant, pour les motifs exprimés par le juge en chef Wagner dans Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique[281], l’article 23 « fait partie des dispositions de la Charte dont la violation est particulièrement difficile à justifier »[282]. Toute dérogation à cette disposition « doit donc être analysée et justifiée en vertu d’une norme des plus sévère »[283]. D’ailleurs, à ce jour, la Cour suprême n’a jamais conclu qu’une violation de l’article 23 était justifiée au regard de l’article premier de la Charte[284].
- Les propos du juge en chef Wagner quant à l’autonomie que confère l’article 23 à la minorité linguistique en matière de gestion de ses écoles et de leur financement apparaissent particulièrement pertinents quant à la justification dans ce cas-ci[285] :
[149] Effectivement, l’art. 23 protège les minorités linguistiques officielles contre les effets des décisions de la majorité en matière d’éducation en leur permettant de jouir d’une certaine autonomie sur leur système d’éducation. L’historique des relations entre la majorité et la minorité en matière d’éducation démontre que les intérêts de la minorité ne sont pas bien servis lorsque celle-ci n’exerce pas un certain degré de contrôle sur la gestion de ses écoles et de leur financement. En écartant l’art. 23 du champ d’application de la clause de dérogation, les rédacteurs de la Charte ont voulu éviter que la majorité puisse se soustraire à ses obligations constitutionnelles et que renaisse ainsi l’époque où la minorité ne pouvait s’épanouir dans sa langue et sa culture.
- Rappelons que lors de l’examen fondé sur l’article premier, le fardeau incombe à la partie qui demande le maintien de la mesure attentatoire[286], c’est-à-dire le gouvernement[287]. En règle générale, le gouvernement devra non seulement présenter des arguments, mais aussi une preuve pour établir sa justification[288]. Dans certains cas, les prétentions et la preuve du gouvernement pourront être complétées par « le bon sens et le raisonnement par déduction »[289]; toutefois, comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt Sauvé, il faut être prudent avant d’accepter ce type de justification[290].
- Pour remplir son fardeau, le PGQ doit satisfaire à deux critères. Premièrement, il doit démontrer l’importance de l’objectif de la mesure attentatoire. Plus précisément, pour qu’on puisse qualifier cet objectif de suffisamment important, il faut qu’il se rapporte à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique[291]. Deuxièmement, une fois l’importance de l’objectif établie, le PGQ doit démontrer que les moyens choisis pour réaliser l’objectif sont raisonnables. Ce deuxième critère comporte trois éléments : 1) la mesure doit avoir un lien rationnel avec l’objectif visé; 2) le moyen choisi doit porter atteinte le moins possible au droit ou à la liberté en question; et 3) les effets de la mesure restreignant le droit ou la liberté doivent être proportionnels à l’objectif désigné comme important[292].
- Qu’en est-il en l’espèce?
- Dans son mémoire d’appel, le PGQ n’explique pas précisément quel est l’objectif important visé par les dispositions attentatoires, se contentant de référer à ses prétentions portant sur l’atteinte, subsumant ainsi cette analyse avec celle de la justification[293].
- Lors du procès, les explications du PGQ quant à l’objectif visé étaient générales[294]. Le juge de première instance décrit l’objectif principal urgent et réel identifié par le PGQ dans son plan d’argumentation qui lui fut remis comme étant celui « de revoir la gouvernance scolaire afin de rapprocher la prise de décision des élèves »[295], et l’objectif accessoire, celui de « donner un rôle accru aux parents dans l’administration » des centres de services scolaires[296].
- Or, comme précédemment mentionné, l’objectif principal de la Loi 40 est plutôt de remplacer les commissions scolaires dirigées par des commissaires élus chargés d’organiser les services éducatifs et d’en assurer la qualité, par des centres de services scolaires qui ont dorénavant pour principale mission de fournir des services aux écoles. On passe donc d’un corps politique chargé d’organiser les services scolaires pour la population à un corps administratif qui fournit des services. Ce changement de paradigme se reflète dans la structure de gouvernance, les pouvoirs décisionnels étant pour la plupart dévolus au personnel des centres de services scolaires agissant largement en conformité avec les nombreuses directives ministérielles en matières pédagogiques, budgétaires et administratives. Comme la Cour l’a déjà exposé, le conseil d’administration d’un centre de services scolaire joue dorénavant essentiellement un rôle de surveillance plutôt que de direction, en conformité avec sa nouvelle mission.
- Si ces changements importants dans l’organisation et la gouvernance scolaire résultent des circonstances propres au secteur francophone, notamment la faible participation aux élections scolaires dans ce secteur, la preuve ne révèle pas qu’ils répondent aux besoins du secteur anglophone ni à une demande de la minorité linguistique, comme en a d’ailleurs conclu le juge de première instance comme question de fait[297].
- La Loi 40 modifie radicalement les structures en place, plus particulièrement en transformant en profondeur les commissions scolaires afin de répondre à des impératifs politiques propres à la majorité linguistique francophone. Le changement de paradigme en résultant est simplement imposé au secteur anglophone, en le particularisant légèrement, mais sans se soucier outre mesure des réalités et des besoins de la minorité linguistique. L’analyse de la preuve par le juge aux paragraphes [329] à [339] de ses motifs est particulièrement éclairante à cet égard.
- S’il n’est pas nécessaire de justifier l’objectif législatif seulement à l’égard de la minorité linguistique comme le laisse entendre le juge[298], il demeure que la mesure législative appropriée pour la majorité linguistique n’est pas nécessairement en soi une explication suffisante pour justifier une atteinte à un droit garanti par l’article 23 de la Charte.
- Comme l’énonce le juge en Chef Dickson dans Mahe[299], dont les propos ont été repris dans Arsenault-Cameron[300] : « […] il n’est pas nécessaire que la forme précise du système d’éducation fourni à la minorité soit identique à celle du système fourni à la majorité. Les situations différentes dans lesquelles se trouvent diverses écoles, de même que les exigences de l’enseignement dans la langue de la minorité rendent une telle exigence peu pratique et peu souhaitable ». Il en découle que la justification d’une atteinte à la Charte ne peut simplement être la volonté de calquer pour la minorité linguistique le modèle de gestion applicable à la majorité linguistique.
- Ainsi, outre que de faire valoir de vagues objectifs relevant de lieux communs comme « rapprocher la prise de décisions des élèves » ou « donner un rôle accru aux parents dans l’administration »[301] des centres de services scolaires, le PGQ ne soumet aucune véritable préoccupation urgente et réelle qui justifierait les modifications apportées au modèle de gouvernance du secteur éducatif anglophone. Le PGQ n’avance d’ailleurs aucun objectif pédagogique sérieux pour justifier les dispositions de la Loi 40 qui portent atteinte à l’article 23 de la Charte.
- Le PGQ ne satisfait donc pas la première étape de l’analyse de démontrer que les mesures attentatoires poursuivent un objectif urgent et réel. La Cour souscrit ainsi aux propos suivants du juge de première instance quant à la justification :
[404] Le PGQ n’a pas démontré quels objectifs pédagogiques nationaux n’étaient pas atteints par le système en place ou allaient mieux l’être avec le nouveau régime.
[405] La démonstration de l’implication grandissante du ministère de l’Éducation et de la rationalisation des structures de gestion locale, qui constituent une large part de la preuve présentée par le PGQ ne justifient pas que le législateur empêche la grande majorité des ayants-droits de se présenter aux élections scolaires à certains postes, ou en soient découragés, de ne pas pouvoir occuper les postes de président ou vice-président ou d’être le porte-parole de la commission scolaire.
[406] Ils ne justifient pas que ces élus soient exclus du processus de conception du plan d’engagement pour la réussite des élèves.
[407] Ils ne justifient pas que le ministre s’immisce dans la gestion des fonds alloués aux commissions scolaires au point où certains montants qui leurs ont été transférés ne puissent être utilisés.
[408] Le législateur avait par ailleurs à l’esprit la faible participation aux élections scolaires. Il ressort cependant que la participation des électeurs anglophones était de deux à trois fois plus élevée que celles des francophones. Le Tribunal ne voit pas comment la restriction aux candidatures va permettre d’atteindre un plus grand nombre d’électeurs et susciter un plus grand intérêt pour ces élections.
[…]
[414] L’approche préconisée par le PGQ est trop souple et générale et ne satisfait pas aux exigences de la justification. Les atteintes n’ont pas été justifiées individuellement avec une analyse en profondeur.
[415] Le PGQ avance, quant à l’atteinte minimale, qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que le législateur a choisi le moyen le moins restrictif pour réaliser son objectif. Il suffirait que le moyen ait été choisi parmi une gamme de solutions raisonnables permettant d’atteindre efficacement les objectifs. Cette gamme n’a pas été établie.
[416] Le PGQ plaide que l’atteinte est minimale dans la mesure où les commissaires ou conseillers ne sont pas désignés par la majorité francophone. Le fait d’avoir conservé certains aspects du contrôle et de la gestion, tout en lui retirant son caractère « exclusif » à plusieurs égards ne constitue pas une atteinte minimale justifiant la mesure.
[Renvoi omis]
Le juge de première instance a-t-il erré en concluant que l’art. 23 de la Charte impose à l’État une obligation de consulter qui s’applique dans le cadre du processus législatif et qui oblige l’Assemblée nationale à répondre aux préoccupations de la communauté anglophone du Québec?
- Le PGQ remet en question la conclusion du juge de première instance voulant que les « gouvernements, comprenant les législatures, ont l’obligation de tenir compte des besoins et des préoccupations de la minorité linguistique dans l’adoption des lois et l’imposition de décisions »[302]. Il s’oppose en particulier aux propos du juge voulant que l’obligation faite au gouvernement en l’espèce aille plus loin que celle de consulter et comporte une obligation de résultat visant à répondre aux besoins de la minorité linguistique[303]. Il s’oppose aussi à la conclusion du juge laissant entendre que la Cour supérieure pourrait surveiller l’exercice de cette consultation dans le cadre du processus législatif visant à remplacer les dispositions ayant été déclarées inopérantes[304].
- Pour le PGQ, les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs, de la souveraineté parlementaire et des privilèges parlementaires sont incompatibles avec la reconnaissance d’une obligation de consultation de la part du législateur[305]. La conclusion contraire du juge revient à transférer aux ayants droit de l’article 23 de la Charte une compétence législative en matière d’éducation, ce qui serait contraire à l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 conférant aux provinces la compétence exclusive d’édicter des lois relatives à l’éducation[306]. Toujours selon le PGQ, il revient au législateur provincial de circonscrire la façon dont il entend s’acquitter de ses obligations en vertu de l’article 23 de la Charte, pour autant que la législation finalement adoptée ne soit pas autrement incompatible avec ces obligations[307].
- La Cour accepte les arguments présentés par le PGQ selon lesquels le juge de première instance erre lorsqu’il conclut que l’article 23 de la Charte impose au législateur une obligation constitutionnelle de consulter les représentants de la minorité linguistique, que ce soit sous la surveillance de la Cour supérieure ou autrement, avant d’adopter des lois en matière d’éducation.
- De façon générale, le législateur n’a aucune obligation constitutionnelle de consulter les justiciables avant de légiférer, même lorsque sa législation est susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur leurs droits. Il en va du respect des principes de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté parlementaire[308].
- Certes, le gouvernement doit tenir compte des besoins de la minorité linguistique et tenter d’y répondre dans la mesure du possible lorsqu’il s’agit de besoins éducatifs, par exemple, lorsqu’il s’agit de décider si un nombre suffisant d’enfants justifie l’ouverture d’une classe, la mise sur pied d’un établissement d’enseignement de la minorité linguistique, ou encore la création d’un conseil scolaire indépendant.
- Cependant, la situation est différente lorsqu’il est question de législation. Il va sans dire que si le législateur adopte une loi qui s’avère incompatible avec les droits de la minorité linguistique, celle‑ci pourra être invalidée par les tribunaux puisque les mesures législatives doivent respecter les exigences de l’article 23 de la Charte[309]. Cela étant, bien qu’il puisse s’avérer préférable pour lui de le faire sur le plan politique, le législateur n’a aucune obligation constitutionnelle de consulter les représentants de la minorité linguistique au sujet de l’adoption de sa législation en matière d’éducation.
- En effet, l’article 23 de la Charte établit un code complet qui détermine la portée des droits à l’instruction dans la langue de la minorité[310]. C’est d’ailleurs pourquoi, dans l’arrêt Mahe, la Cour suprême a rejeté l’argument voulant que l’article 23 doive s’interpréter en fonction des articles 15 (droit à l’égalité) et 27 (multiculturalisme) de la Charte[311] :
Bien qu’il soit souvent utile de tenir compte de l’interrelation de divers articles de la Charte, je ne crois pas, aux fins de l’interprétation de l’art. 23, qu’on ait avantage à se référer à l’art. 15 ou à l’art. 27 dans le présent contexte. En effet, l'art. 23 établit un code complet régissant les droits à l'instruction dans la langue de la minorité. Il est assorti de réserves et d'une méthode d'évaluation qui lui sont propres. De toute évidence, l'art. 23 renferme une notion d'égalité entre les groupes linguistiques des deux langues officielles du Canada. À part cela, toutefois, cet article constitue d'abord et avant tout une exception aux dispositions des art. 15 et 27 en ce qu'il accorde à ces groupes, anglophone et francophone, un statut spécial par rapport à tous les autres groupes linguistiques au Canada.
[Soulignement ajouté]
- Il faut donc écarter la proposition des intimés selon laquelle il y a lieu d’interpréter l’article 23 de la Charte en tenant compte à la fois du devoir de consultation envers les peuples autochtones découlant de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et du droit des travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail émanant de la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte[312].
- Non seulement l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ne fait pas partie de la Charte, mais l’obligation de consultation qui en découle est fondée sur la relation fiduciaire des gouvernements envers les peuples autochtones, qui s’ensuit elle-même des rapports historiques entre la Couronne et ces peuples et de l’honneur de la Couronne[313], ce qui exclut toute analogie aux fins de l’article 23 de la Charte.
- En ce qui concerne l’alinéa 2d) de la Charte, si le droit d’association qui y est prévu comporte effectivement un droit à portée restreinte de négocier collectivement les conditions de travail[314], celui-ci est fondé lui aussi sur l’histoire propre des relations du travail au Canada et sur les conventions internationales portant sur les relations industrielles[315]. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer à l’article 23 de la Charte, directement ou même par analogie, des principes découlant du droit d’association des travailleurs et de l’alinéa 2d).
- L’obligation de consultation en matière de droits à l’instruction dans la langue de la minorité, s’il en est, doit donc provenir de l’article 23 lui-même. Or, si la Cour suprême a reconnu que cet article impose aux gouvernements l’obligation de tenir compte des besoins de la minorité linguistique en matière d’éducation afin d’assurer la mise en œuvre des droits qui y sont conférés, elle n’a pas conclu, à ce jour, que le législateur devait consulter la minorité linguistique avant d’adopter une législation.
- Dans Arsenault-Cameron, une décision portant sur l’article 23 de la Charte, les juges Major et Bastarache soulignent ce qui suit[316] :
43 […] Lorsqu’une commission [scolaire] de la minorité linguistique a été établie en vue de satisfaire à l’art. 23, il revient à la commission, parce qu’elle représente la communauté de la minorité linguistique officielle, de décider ce qui est le plus approprié d’un point de vue culturel et linguistique. Le rôle principal du ministre est de mettre en place des structures institutionnelles et des politiques et règlements qui répondent à la dynamique linguistique particulière à la province (voir par exemple le Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), précité, à la p. 863).
- Ils ajoutent cependant que cette obligation n’exclut pas la réglementation provinciale :
53 La province a un intérêt légitime dans le contenu et les normes qualitatives des programmes d’enseignement pour les communautés de langues officielles, et elle peut imposer des programmes dans la mesure où ceux‑ci n’affectent pas de façon négative les préoccupations linguistiques et culturelles légitimes de la minorité. La taille des écoles, les établissements, le transport et les regroupements d’élèves peuvent être réglementés, mais tous ces éléments influent sur la langue et la culture et doivent être réglementés en tenant compte de la situation particulière de la minorité et de l’objet de l’art. 23.
- Si la mise en œuvre de l’article 23 « exige une pleine compréhension des besoins de la minorité linguistique », et s’il est « extrêmement important que les parents de la minorité linguistique ou leurs représentants participent à la détermination des besoins en matière d’instruction et à l’établissement de structures et de services qui répondent le mieux possible à ces besoins »[317], il n’en demeure pas moins que les tribunaux « devrai[en]t se garder de décrire précisément le genre de texte législatif que le gouvernement […] doit adopter pour satisfaire à ses obligations constitutionnelles »[318]. Comme le notait le juge en chef Dickson dans Mahe[319] : « le gouvernement devrait disposer du pouvoir discrétionnaire le plus vaste possible dans le choix des moyens institutionnels dont il usera pour remplir ses obligations en vertu de l'art. 23 ».
- La conclusion du juge de première instance voulant que, dans l’élaboration de ses lois, le gouvernement du Québec et même l’Assemblée nationale soient assujettis à un devoir de consultation auprès de la minorité linguistique anglophone, lequel s’exercerait par ailleurs sous la surveillance de la Cour supérieure, n’apparaît pas conforme aux enseignements de la Cour suprême.
- Évidemment, l’absence de consultation des représentants de la minorité linguistique pourrait mener à une législation qui ne tient pas pleinement compte des droits conférés par l’article 23 de la Charte, comme c’est d’ailleurs le cas en l’espèce. L’absence de consultation peut donc mener à des contestations judiciaires qui auraient peut-être pu être autrement évitées. Il est donc souhaitable pour le gouvernement de consulter les représentants de la minorité linguistique quant à la législation portant sur l’éducation qui pourrait les intéresser plus particulièrement, mais il ne s’agit pas là, encore une fois, d’une obligation constitutionnelle qui découle de l’article 23 de la Charte.
Le juge de première instance a-t-il erré dans le choix des réparations qu’il a octroyées?
- Le PGQ reproche au juge d’avoir commis plusieurs erreurs au chapitre de la réparation. Il lui fait plus précisément grief d’avoir : a) conservé compétence sur le dossier (par. [446] du jugement); b) suspendu l’application à l’égard des commissions scolaires anglophones des dispositions législatives qui ne seraient pas incompatibles avec la Constitution (par. [445] du jugement); et c) prolongé le sursis d’application de la Loi 40 qu’il avait préalablement ordonné jusqu’à l’expiration des délais d’appel de son jugement (par. [444] du jugement)[320].
- Les principes applicables
- Bien que le paragraphe 24(1) de la Charte permette, dans le cas d’une violation ou d’une négation d’un droit ou d’une liberté garanti par la Charte, d’obtenir une réparation que le tribunal estime juste et convenable eu égard aux circonstances, les intimés n’ont pas demandé une telle réparation dans leur demande introductive d’instance. Leurs procureurs ont confirmé, lors de l’audition en appel, qu’ils n'en requièrent toujours pas. Puisque les réparations demandées par les intimés ne sont fondées que sur le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, il y a lieu de ne traiter ici que de cette disposition.
- Le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit ce qui suit :
52 (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. | 52 (1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect. |
- Bien que le résultat juridique qui découle de l’incompatibilité entre des dispositions législatives et la Constitution – laquelle comprend la Charte[321] – soit énoncé à ce paragraphe 52(1), cette disposition n’accorde pas explicitement aux tribunaux une compétence en matière de réparation. Les tribunaux ont plutôt le pouvoir de prononcer une déclaration générale d’inconstitutionnalité conformément à la compétence légale ou inhérente dont ils sont investis pour donner aux termes généraux du paragraphe 52(1) leur plein effet[322].
- Le tribunal appelé à statuer sur la contestation constitutionnelle d’une loi doit déterminer dans quelle mesure celle-ci est inconstitutionnelle et la déclarer ainsi[323]. Un degré de discrétion est inévitable pour déterminer la façon dont il convient de répondre à l’incompatibilité entre une loi et la Constitution[324]. Cela étant, l’élaboration de réparations constitutionnelles commande l’application de divers principes. Ainsi, dans l’exercice de leur discrétion, les tribunaux « doivent établir un juste équilibre entre ces principes lorsqu’ils sont appelés à déterminer comment donner effet au par. 52(1) d’une manière qui concorde le mieux avec l’ordre constitutionnel général du Canada »[325].
- Dans l’arrêt Schachter[326], arrêt de principe en matière de réparations d’ordre constitutionnel résultant de l’invalidité d’une loi, la majorité de la Cour suprême, sous la plume du juge en chef Lamer, indique que les tribunaux peuvent, selon les circonstances[327] : 1) invalider immédiatement la disposition législative incompatible; 2) l’invalider et suspendre temporairement l’effet de la déclaration d’invalidité; ou 3) appliquer la doctrine de la dissociation (« severance »), qui consiste à déclarer inopérante la partie fautive de la loi ou de la disposition et de maintenir en vigueur le reste du texte[328]; ou encore 4) appliquer les techniques d’interprétation large (« reading in ») ou d’interprétation atténuée (« reading down »).
- Dans Ontario (Procureur général) c. G., la Cour suprême précise aussi les principes qui doivent guider les tribunaux pour déterminer la réparation à accorder en cas d’incompatibilité d’une loi avec la Constitution. La première étape consiste à déterminer l’étendue de l’incompatibilité entre la loi et la Constitution. Lorsqu’il est question d'accorder une réparation pour une loi qui contrevient à la Charte, l’analyse de la réparation appropriée « repose sur la nature et l’étendue de la violation sous-jacente de la Charte, car la portée de la réparation qui est finalement accordée dépend notamment de l’étendue de la violation »[329]. Cette étape tient compte de l’objectif de protection des droits que vise la Charte, de l’intérêt du public à ce que les actes de l’État soient conformes à la Constitution et du libellé du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982[330].
- La deuxième étape consiste à choisir le type de déclaration appropriée. À ce moment, des réparations autres que des déclarations d’invalidité intégrales de la loi ou de la disposition en cause « devraient être accordées lorsque la nature de la violation et l’intention du législateur le justifient »[331]. Pour permettre au public de bénéficier des lois dûment adoptées par un législateur démocratiquement élu, l’interprétation atténuée, l’interprétation large et la dissociation, qui sont des « réparations adaptées » à l’étendue de la violation, devraient être utilisées dans la mesure nécessaire pour préserver les aspects constitutionnels des lois[332].
- Toutefois, il se peut que de telles réparations empiètent sur la sphère législative. Des réparations adaptées ne devraient donc être accordées que « s’il est très plausible de présumer que “le législateur aurait adopté la partie constitutionnelle de la loi en question sans la partie inconstitutionnelle” et qu’il est possible de définir avec précision la partie inconstitutionnelle de la loi »[333]. S’il paraît peu probable que le législateur aurait adopté la « version adaptée » de la loi, le recours à une telle réparation ne serait pas conforme à son choix politique et porterait ainsi atteinte à la souveraineté parlementaire[334]. Par ailleurs, des réparations adaptées ne devraient pas être accordées lorsqu’elles risquent de nuire à l’objectif législatif de la loi dans son ensemble[335]. De telles réparations sont finalement à éviter lorsqu’elles ne se dégagent pas « avec suffisamment de précision des exigences de la Constitution »[336].
- Application en l’espèce
L’ordonnance d’un « dialogue » sous surveillance judiciaire (par. [425], [426], [432] et [446] du jugement)
- On comprend du jugement de première instance que le juge souhaite établir une forme de consultation en permettant l’instauration d’un « dialogue » entre les parties visant la correction des atteintes à l’article 23 de la Charte, lequel « dialogue » se déroulerait sous sa supervision, pour une période initiale de six mois ou pour toute période additionnelle qu’il pourrait décréter selon l’évolution des discussions[337]. C’est vraisemblablement en partie à cette fin que le juge décide de conserver sa compétence sur le dossier.
- Comme la Cour l’a déjà conclu, il n’y a pas lieu d’entériner la conclusion du juge voulant que, dans l’élaboration de ses lois, le gouvernement du Québec et l’Assemblée nationale soient assujettis à un devoir de consultation auprès de la minorité linguistique anglophone du Québec mené sous la surveillance de la Cour supérieure.
- Par ailleurs, les intimés n’ont pas requis dans leurs procédures que le juge conserve sa compétence sur le dossier. Leurs procureurs ont confirmé lors de l’audition de l’appel qu’ils ne demandent toujours pas une telle ordonnance.
- S’il est possible pour un juge de conserver sa compétence dans un dossier constitutionnel afin de s’assurer qu’une réparation appropriée soit mise en œuvre, ce type de réparation est rare. Jusqu’à maintenant, il a surtout été utilisé dans des circonstances exceptionnelles, comme dans des cas où il avait été démontré que le gouvernement tardait à agir ou refusait de se plier à ses obligations constitutionnelles.
- La Cour suprême a, par exemple, confirmé la validité d’un tel remède dans l’arrêt Doucet‑Boudreau, affaire dans laquelle le gouvernement provincial en cause tardait à édifier des écoles pour les élèves de la minorité linguistique francophone, et ce, alors que l’assimilation de cette communauté se poursuivait et que les programmes scolaires francophones étaient en péril. La Cour suprême a conclu que les circonstances particulières de l’affaire justifiaient une ordonnance enjoignant au gouvernement de rendre compte au tribunal de temps à autre[338]. Ce type de réparation a aussi été utilisé dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba[339]. Dans cette dernière affaire, la Cour suprême a déclaré invalides et inopérantes l’ensemble des lois unilingues du Manitoba. Elle a toutefois ordonné la suspension temporaire de cette déclaration, jugeant que la prise d’effet immédiat de celle‑ci créerait un vide juridique suivi d’un chaos juridique dans la province. La Cour a par ailleurs décidé de conserver sa compétence sur le dossier puisqu’elle ne pouvait déterminer le délai pendant lequel il serait impossible à la législature du Manitoba de se conformer à ses obligations constitutionnelles de publier ses lois dans les deux langues officielles.
- Dans la présente affaire, aucune telle circonstance exceptionnelle n’a été établie. En effet, rien ne permet de présumer que le législateur québécois ne respectera pas ses obligations constitutionnelles à la fin du processus judiciaire entrepris en l'espèce. Confirmer la réparation judiciaire ici retenue par le juge reviendrait à lui permettre de surveiller le processus législatif menant à une loi réparatrice, ce qui – comme la Cour l’a déjà conclu – serait directement contraire aux principes de la séparation des pouvoirs et de la suprématie parlementaire.
- L’intervention de la Cour est donc requise.
La suspension des dispositions législatives inextricablement liées aux dispositions déclarées inconstitutionnelles (par. [445] du jugement)
- Dans la dernière mouture de leur demande introductive d’instance devant la Cour supérieure, les intimés soutiennent qu’un nombre considérable de dispositions de la Loi 40 sont inextricablement liées aux autres dispositions de cette loi qui portent directement atteinte aux droits de la minorité linguistique garantis par l’article 23 de la Charte[340]. Ils ont d’ailleurs reproduit en annexe à leur demande introductive d’instance un long tableau expliquant les motifs pour lesquels ils sont d’avis que les dispositions de la Loi 40 qu’ils ont identifiées sont ainsi inextricablement liées aux dispositions attentatoires[341].
- Compte tenu de ces liens inextricables et afin d’éviter la confusion juridique qui résulterait de l’application de la Loi 40 au secteur éducatif anglophone jusqu’à ce qu’une législation réparatrice soit adoptée, les intimés ont réclamé au juge une prorogation du sursis d’application de la Loi 40 dans son entier à l’égard des commissions scolaires anglophones, lequel avait déjà été préalablement ordonné par le juge et confirmé par la Cour[342]. Subsidiairement, ils ont demandé au juge d’ordonner un sursis d’application des dispositions de la Loi 40 qui sont, selon eux, inextricablement liées à celles contraires à l’article 23 de la Charte[343].
- Le juge de première instance ne retient pas l’option d’un sursis d'application de la Loi 40 dans son entier, sauf jusqu’à l’expiration des délais d’appel de son jugement, une question sur laquelle nous reviendrons. Il opte plutôt pour la demande subsidiaire des intimés, à laquelle il fait droit en partie.
- Le juge constate que tant le PGQ que les intimés conviennent qu’un certain nombre de dispositions de la Loi 40 sont inextricablement liées à celles qui portent atteinte à l’article 23 de la Charte[344]. Il s’attarde donc aux dispositions de la Loi 40 qui font l’objet d’un désaccord entre les parties quant à leur caractère « inextricablement lié ». Il rejette certains des arguments du PGQ et d’autres des intimés, pour finalement établir une liste des dispositions qu’il estime répondre à cette caractéristique[345].
- Il suspend l’application de ces dispositions de la Loi 40 aux commissions scolaires anglophones pour une période de six mois, le temps de permettre aux parties de compléter le « dialogue » qu’il a par ailleurs ordonné[346].
- Le PGQ formule deux principaux reproches au juge quant à cette façon de procéder. Le premier est qu’il ne pouvait suspendre l’application de ces dispositions de la Loi 40. Si le juge estimait que certaines dispositions étaient inextricablement liées à celles jugées contraires à l’article 23 de la Charte, il devait alors les déclarer inopérantes afin de permettre au législateur de décider de quelle façon elles seraient modifiées[347]. Le second reproche du PGQ est que certaines des dispositions de la Loi 40, identifiées par le juge comme étant « inextricablement liées », ne le sont pas; elles ne devraient donc pas être déclarées inopérantes. Il s’agit, selon le PGQ, des articles 3, 76, 93(1), 94, 115(2), 193, 194, 200, 201, 203(1) et (2), 204, 205, 207(2), 217(1)b), 233(1), 234(1)b), 249 et 255 de la Loi 40.
- La Cour est d’avis que le PGQ a raison sur le premier point et en partie sur le second.
- La doctrine de la dissociation exige d’un tribunal qu’il précise la mesure de l’incompatibilité entre la loi contestée et les exigences de la Constitution et qu’il déclare inopérantes tant : a) la partie incompatible; que b) toute partie du reste de la loi relativement à laquelle il n’y aurait pas lieu de supposer que le législateur l’aurait adoptée sans la partie incompatible[348]. Le tribunal peut suspendre une telle déclaration d’incompatibilité constitutionnelle s’il le juge approprié.
- Or, ce n’est pas ce que le juge a fait en l’espèce. Il a plutôt suspendu l’application aux commissions scolaires anglophones des dispositions de la Loi 40 qui, à son avis, n’auraient vraisemblablement pas été adoptées indépendamment des parties de cette loi incompatibles avec l’article 23 de la Charte. Il s’agit là d’une réparation inusitée et inédite qui ne semble pas reconnue à ce jour par la jurisprudence traitant du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
- Si l’effet pratique d’une suspension d’application d’une disposition législative peut, dans une certaine mesure, produire un effet similaire à une ordonnance déclarant inopérante une disposition législative, la Cour est d’avis qu’il est prudent de s’en tenir aux enseignements jurisprudentiels existants quant aux réparations judiciaires appropriées en vertu du paragraphe 52(1). Par ailleurs, le juge n’explique pas ce qui l’incite à suspendre l’application des dispositions en cause plutôt que de les déclarer inopérantes. D’ailleurs, les procureurs des intimés ont reconnu lors de l’audition de l’appel, qu’ils n’ont pas d’objection, dans les circonstances propres à cette affaire, à ce que les dispositions concernées soient déclarées inopérantes, comme le suggère le PGQ. Il y a donc lieu pour la Cour d’intervenir en ce sens.
- Quant aux dispositions que le juge a identifiées comme « inextricablement liées » et qui sont remises en question par le PGQ, elles peuvent se regrouper en trois catégories. La première concerne l’abolition du comité exécutif du conseil des commissaires (art. 3, 76, 93(1), 94, 115(2) et 234(1)b) de la Loi 40), la seconde a trait au remplacement du cycle électoral de quatre ans par un cycle électoral de trois ans pour les élections scolaires et la date de ces élections (art. 193, 194, 200, 201, 203(1) et (2), 204, 205, 207(2), 233, 249 et 255 de la Loi 40), et la troisième porte sur l’interdiction du cumul des postes électifs au sein du réseau scolaire et du réseau municipal (art. 217 par. 1ob) de la Loi 40).
- L’abolition du comité exécutif apparaît inextricablement liée à la composition et à la méthode d’élection des membres des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones, de même qu’aux fonctions et pouvoirs conférés à ceux-ci. Plus les fonctions dévolues au conseil d’administration sont importantes – le plan d’engagement vers la réussite vient à l’esprit –, plus le besoin d’un comité exécutif peut s’imposer. Ainsi, on ne peut présumer que le législateur abolirait le comité exécutif pour le secteur éducatif anglophone à la lumière de la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions de la Loi 40 portant sur la composition, le mode d’élection, les fonctions et les pouvoirs des membres du conseil d’administration.
- Il en est de même en ce qui concerne les dispositions relatives au remplacement du cycle électoral de quatre ans par un cycle électoral de trois ans pour les élections scolaires et la date de ces élections scolaires.
- En ce qui a trait à l’interdiction du cumul des postes électifs au sein du réseau scolaire avec ceux du réseau municipal, les intimés soutiennent dans l’annexe à leur demande introductive d’instance que cette interdiction ne s’applique qu’aux membres élus d’un conseil d’administration d’un centre de services scolaire anglophone et non pas aux membres de ce conseil qui sont désignés par les employés du centre[349]. Par ailleurs, ils ajoutent que cette interdiction du cumul de postes électifs ne s’applique pas aux membres du conseil d’administration d’un centre de services scolaire francophone vu qu’aucun d’entre eux n’est élu[350]. Ainsi, selon les intimés, les seuls individus visés par l’interdiction en cause seraient les représentants de la minorité linguistique. Les intimés en concluent que cette disparité de traitement serait inextricablement liée aux modifications du régime électoral applicable aux élections scolaires du secteur éducatif anglophone déclarées contraires à l’article 23 de la Charte.
- Or, les intimés se trompent. En effet, un projet de loi fut présenté à l’Assemblée nationale quelques jours après la présentation du projet de la Loi 40 afin de justement prévoir l’interdiction du cumul des fonctions de membre d’un conseil municipal et de membre, élu ou non, d’un conseil d’administration d’un centre de services scolaire[351]. Cette interdiction s’étend donc à tous les membres d’un conseil d’administration d’un centre de services scolaire francophone ou anglophone, qu’ils soient élus, nommés ou désignés. L’interdiction est énoncée à l’article 300 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités[352]. La disparité de traitement invoquée par les intimés est donc inexistante. Par ailleurs, l’interdiction du cumul de ces postes relève de la déontologie des organismes publics. Il s’agit d’un choix politique qui, à première vue du moins, peut sembler légitime et qui ne concerne en rien l’article 23 de la Charte.
- Le juge a donc erré en concluant que l’article 217 par. 1ob) de la Loi 40 était inextricablement lié aux dispositions de cette loi qu’il a déclarées contraires à l’article 23 de la Charte. Il y a lieu pour la Cour d’intervenir afin de corriger cette erreur.
- Finalement, le juge de première instance a inclus l’article 93 par. 1o de la Loi 40 dans sa liste des dispositions « inextricablement liées », alors qu’il avait préalablement déclaré l’article 93 dans son entier contraire à l’article 23 de la Charte. Il s’agit là manifestement d’une erreur d’écriture qu’il y a lieu de corriger.
La prorogation du sursis d’application de la Loi 40 jusqu’à l’expiration des délais d’appel
- Le juge prolonge le sursis d’application de la Loi 40 qu’il avait décrété – et qui fut confirmé par la Cour – jusqu’à l’expiration des délais d’appel de son jugement sur le fond du dossier[353]. Le juge n’explique pas pourquoi il ordonne cette prorogation, mais on peut raisonnablement présumer qu’il souhaitait maintenir le statu quo entre les parties tant que les procédures judiciaires seraient pendantes, et ce, afin de permettre à la Cour, si elle le jugeait approprié, de proroger ce sursis d’application pendant l’instance d’appel si un tel appel était entrepris.
- Contrairement au PGQ, la Cour est d’avis qu’une telle ordonnance n’est pas inappropriée dans les circonstances de ce dossier. Il s’agit d’une mesure de prudence qui permet à la Cour de se pencher en temps opportun sur la question de la prorogation du sursis d’application de la Loi 40 pendant l’instance d’appel.
- Dans les faits, aucune demande de prorogation du sursis d’application de la Loi 40 pendant l’instance d’appel n’a été présentée à la Cour. La raison en est fort simple. Le gouvernement du Québec a adopté un règlement retardant l’entrée en vigueur de la Loi 40 pour le réseau scolaire anglophone jusqu’à une date qui pourra être fixée ultérieurement et selon un échéancier qui permettra « une application progressive et ordonnée » de cette loi, le cas échéant[354]. Ce règlement fait donc en sorte que la Loi 40 ne s’applique toujours pas aux commissions scolaires anglophones. Ce sera vraisemblablement aussi le cas dans l’éventualité d’une demande de permission d’appeler de l’arrêt de la Cour auprès de la Cour suprême.
Les frais de justice en appel
- Finalement, comme la Cour accueille en partie l’appel du PGQ, mais maintient les principales conclusions constitutionnelles du jugement de première instance, il n’y a pas lieu d’attribuer les frais de justice en appel.
LES CONCLUSIONS
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
- ACCUEILLE l’appel en partie seulement;
- REMPLACE le paragraphe [443] du jugement de première instance par ce qui suit :
[443] DÉCLARE que l’article 15 de la Loi sur les élections scolaires visant certains membres des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones porte atteinte aux droits garantis par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, dans la seule mesure où il permet à un individu qui ne fait pas partie de la minorité linguistique du Québec de voter lors d'élections scolaires au sein du réseau scolaire anglophone; DÉCLARE cet article inopérant dans cette seule mesure; et SUSPEND cette déclaration du caractère inopérant pour la période se terminant au plus tard 18 mois après que toute procédure d’appel du présent jugement soit épuisée;
- INFIRME le paragraphe [445] de même que l’Annexe du jugement de première instance et les REMPLACE par ce qui suit :
[445] DÉCLARE QUE les dispositions suivantes de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires sont inopérantes à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec puisqu’elles sont inextricablement liées aux articles identifiés au paragraphe [439] de ce jugement : art. 3, 11(3), 51 (dans la mesure où il abroge les art. 145 à 148 de la Loi sur l’instruction publique), 53, 54, 55, 56, 57, 65(1), 67(1), 67(2)a), 67(2)c), 69(1), 70, 71, 73(2), 76, 80(1)c), 88(2), 92, 94, 98, 101(2), 115(2), 129, 137, 139 (dans la mesure où il entrave les dispositions de l’art. 457.8 de la Loi sur l’instruction publique), 140(1), 191, 193, 194, 195, 197, 198, 199, 200, 201, 203, 204, 205, 207(2), 218, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229(1)b), 229(2), 230, 231, 232(1), 233(1), 234(1)b), 235, 236(1), 242(1), 242(4), 242(5), 243(1), 244(1), 249, 251(1)b)(ii), 254(1), 254(3), 255, 260, 261, 262(2), 263, 328(3), 328(4) et 335 (dans la mesure où il prévoit l’entrée en vigueur de dispositions jugées inopérantes).
- INFIRME le paragraphe [446] du jugement de première instance;
- LE TOUT, sans frais de justice en appel.
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| ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. |
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| CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. |
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| JUDITH HARVIE, J.C.A. |
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Me Samuel Chayer | Me Vicky Samson | bernard, roy (justice-québec) | Pour le procureur général du Québec | | Me Perri Ravon | Me Audrey Mayrand | Me Mark Power | juristes Power | Pour Quebec English School Boards Association, Lester B. Pearson School Board, Adam Gordon, Commission scolaire English Montreal, Commission scolaire Western Quebec, Commission scolaire Riverside, Commission scolaire Eastern Townships, Commission scolaire Sir Wilfrid Laurier, Commission scolaire Eastern Shores et Commission scolaire Central Quebec | | Me Marion Sandilands | Me Logan Stack | conway baxter wilson | Pour Quebec Community Groups Network | | Me Jacques S. Darche | borden ladner gervais | Pour Commission scolaire New Frontiers et Shannon Keyes | | Chris Eustace | Non représenté | | Dates d’audience : | 27, 28 et 29 janvier 2025 |
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[1] Quebec English School Boards Association c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 2965 (le « jugement de première instance »).
[3] Loi sur l’instruction publique, RLRQ, c. I-13.3.
[4] Il s’agit des dispositions suivantes de la Loi 40 : les art. 3, 11(3), 51 (dans la mesure où il abroge les art. 145 à 148 de la LIP), 53, 54, 55, 56, 57, 65(1), 67(1), 67(2)a), 67(2)c), 69(1), 70, 71, 73(2), 76, 80(1)c), 88(2), 92, 93(1), 94, 98, 101(2), 115(2), 129, 137, 139 (dans la mesure où il entrave les dispositions de l’art. 457.8 de la LIP), 140(1), 191, 193, 194, 195, 197, 198, 199, 200, 201, 203, 204, 205, 207(2), 217, 218, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229(1)b), 229(2), 230, 231, 232(1), 233(1), 234(1)b), 235, 236(1), 242(1), 242(4), 242(5), 243(1), 244(1), 249, 251(1)b)(ii), 254(1), 254(3), 255, 260, 261, 262(2), 263, 328(3), 328(4) et 335 (dans la mesure où il prévoit l’entrée en vigueur de dispositions jugées inopérantes ou faisant l’objet d’un sursis).
[5] Quebec Community Groups Network c. Quebec English School Boards Association, 2024 QCCA 897.
[6] Comme le signale la Cour suprême dans Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, [2015] 2 R.C.S. 282, par. 68, note de bas de page 2 : « L’article 93 s’applique directement à l’Ontario, à la Nouvelle-Écosse, au Nouveau‑Brunswick, à la Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard. L’article 93 s’applique également au Québec, mais [depuis 1997] pas les par. 93(1) à 93(4) : Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), TR/97-141, art. 1; art. 93A de la Loi constitutionnelle de 1867. Les versions modifiées de l’art. 93 s’appliquent dans les autres provinces et les territoires : Loi de 1870 sur le Manitoba, S.C. 1870, c. 3, art. 22; Loi sur la Saskatchewan, S.C. 1905, c. 42, art. 17; Loi sur l’Alberta, S.C. 1905, c. 3, art. 17; Modification constitutionnelle de 1998 (Loi sur Terre-Neuve), TR/98-25, par. 1(2); Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, L.C. 2014, c. 2 [éd. par la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest], al. 18(1)o); Loi sur le Yukon, L.C. 2002, c. 7, al. 18(1) o); Loi sur le Nunavut, L.C. 1993, c. 28, al. 23(1) m) ».
[7] Ce chevauchement est fort imparfait; les cas des catholiques d’Angleterre et d’Irlande, de même que ceux des huguenots français et des francophones suisses protestants viennent à l’esprit.
[9] Voir notamment : Ottawa Separate Schools Trustees v. Ottawa Corporation (1916), [1917] A.C. 76 (C.P.); The Board of Trustees of the Roman Catholic Separate Schools of the City of Ottawa v. Mackell (1916), [1917] A.C. 62 (C.P.); Hirsch v. Protestant School Commissioners of Montreal, [1928] A.C. 200 (C.P.); Renvoi relatif au projet de Loi 30, An Act to Amend the Education Act (Ont.), [1987] 1 R.C.S. 1148; Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique (Qué.), [1993] 2 R.C.S. 511; Ontario English Catholic Teachers’ Assn. c. Ontario (Procureur général), 2001 CSC 15, [2001] 1 R.C.S. 470.
[10] Organisation mondiale sikhe du Canada c. Procureur général du Québec, 2024 QCCA 254, par. 545, demandes d’autorisation d’appel à la Cour suprême accueillies, 23 janvier 2025, no 41231 (« Organisation mondiale sikhe du Canada »).
[12] Loi pour promouvoir la langue française au Québec, L.Q. 1969, c. 9.
[13] Charte de la langue française, RLRQ, c. C-11.
[14] Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201 (« Solski »), par. 9 et 21; Procureur général du Québec c. Quebec Association of Protestant School Boards, [1984] 2 R.C.S. 66, p. 79-80 et 84.
[15] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342 (« Mahe »), p. 362.
[19] Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique (Qué.), [1993] 2 R.C.S. 511.
[21] Assemblée nationale, Journal des débats, 35e lég., 2e sess., vol. 35, no 88, 15 avril 1997, p. 6245‑6247; Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, Positions du Québec dans les domaines constitutionnel et intergouvernemental de 1936 à 2001, Partie 3 : Documents, Document 33 : « Résolution de l’Assemblée nationale du Québec autorisant la modification de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, 15 avril 1997 », en ligne : https://www.sqrc.gouv.qc.ca/relations-canadiennes/positions-historiques/motions/1997-04-15.pdf.
[22] Pièce PGQ-22 : Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 36e lég., 1re sess., vol. 135, no 31, 17 novembre 1997, p. 1743 (S. Dion).
[23] Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), TR/97-141.
[24] Voir par analogie Ontario English Catholic Teachers’ Assn. c. Ontario (Procureur général), [2001] 1 R.C.S. 470, 2001 CSC 15, par. 29.
[25] La pièce P-11 établit notamment qu’aux élections de 2014, le taux de participation des électeurs inscrits sur les listes électorales des commissions scolaires francophones était de seulement 4,87 %, alors que ce taux était de 16,68 % pour les commissions scolaires anglophones : pièce P‑11, Statistics regarding the 2014, 2007 and 2003 school board elections obtained from the Ministry of Education and Higher Education.
[26] Pièce GDB-15, Coalition Avenir Québec’s « Plan de gouvernance scolaire : Remettre l’école entre les mains de sa communauté, janvier 2018 ».
[27] Loi sur les élections scolaires, RLRQ, c. E-2.3.
[30] Quebec English School Boards Association c. Procureur général du Québec, 2020 QCCS 2444.
[31] Procureur général du Québec c. Quebec English School Board[s] Association, 2020 QCCA 1171.
[32] Règlement concernant l’application aux centres de services scolaires anglophones de dispositions de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires, (2021) 153 G.O.Q. II, no 32, 5055, p. 5056.
[33] Assemblée nationale, Commission de la culture et de l’éducation, Journal des débats, 42e lég., 1re sess., vol. 45, no 44, 6 novembre 2019, p. 5 (J.‑F. Roberge); pièce P‑1, Extract of the transcript of the November 6, 2019 session of consultations on Bill 40 in the Committee on Culture and Education at the National Assembly.
[34] La Loi 40 n’accorde pas le mot « scolaire » avec le mot « services » mais avec le mot « centre ». La Loi 40 utilise donc l’expression « centre de services scolaire » au singulier et « centres de services scolaires » au pluriel.
[35] Assemblée nationale, Commission de la culture et de l’éducation, Journal des débats, 42e lég., 1re sess., vol. 45, no 44, 6 novembre 2019, p. 5 (J.‑F. Roberge). Un extrait plus complet de ces propos du ministre est reproduit plus haut dans ces motifs.
[37] Art. 143 al. 1 par. 1o de la LIP (tel que modifié par l’art. 50 de la Loi 40).
[38] Art. 47 al. 3 et 189 de la LIP (tels que modifiés par les art. 11 et 312 de la Loi 40).
[39] Art. 143 al. 1 par. 1o de la LIP (tel que modifié par l’art. 50 de la Loi 40).
[40] Art. 143.6 à 143.9 de la LIP (tels qu’édictés par l’art. 50 de la Loi 40) et art. 7 à 17 du Règlement sur la désignation de membres des conseils d’administration des centres de services scolaires, RLRQ, c. I‑13.3, r. 5.1.
[41] Art. 143 al. 1 par. 2o de la LIP (tel que modifié par l’art. 50 de la Loi 40).
[43] Art. 143 al. 1 par. 3o de la LIP (tel que modifié par l’art. 50 de la Loi 40) : « a) une personne ayant une expertise en matière de gouvernance, d’éthique, de gestion des risques ou de gestion des ressources humaines; b) une personne ayant une expertise en matière financière ou comptable ou en gestion des ressources financières ou matérielles; c) une personne issue du milieu communautaire, sportif ou culturel; d) une personne issue du milieu municipal, de la santé, des services sociaux ou des affaires; e) une personne âgée de 18 à 35 ans ».
[44] Art. 143.13 à 143.15 de la LIP (tels qu’édictés par l’art. 50 de la Loi 40) et art. 25 à 33 du Règlement sur la désignation de membres des conseils d’administration des centres de services scolaires, RLRQ, c. I-13.3, r. 5.1.
[46] Art. 143.1 al. 1 par. 1o de la LIP (tel que modifié par l’art. 50 de la Loi 40). Voir aussi : art. 20 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires (tel que modifié par l’art. 216 de la Loi 40).
[48] Pour le calcul du nombre de postes de représentants de la communauté, voir l’art. 11.0.1 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires (tel qu’édicté par l’art. 208 de la Loi 40).
[49] Art. 143.1 al. 1 par. 2o de la LIP (tel que modifié par l’art. 50 de la Loi 40) et art. 20.1 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires (tel qu’édicté par l’art. 216 de la Loi 40). L’ordre d’attribution de ces profils de compétence est prévu par l’art. 11.0.2 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires (tel qu’édicté par l’art. 208 de la Loi 40).
[50] Art. 4.1 al. 2 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires (tel que modifié par l’art. 196 de la Loi 40).
[51] Art. 143.1 al. 1 par. 3o et al. 2 et art. 143.2 de la LIP (tels que modifiés par l’art. 50 de la Loi 40) et art. 18 à 24 du Règlement sur la désignation de membres des conseils d’administration des centres de services scolaires, RLRQ, c. I-13.3, r. 5.1.
[52] Art. 76 de la Loi 40 abrogeant les art. 179 à 182 de la LIP portant sur le comité exécutif du conseil des commissaires.
[53] Art. 52 de la Loi 40 remplaçant l’art. 155 de la LIP.
[54] Art. 66 de la Loi 40 remplaçant l’art. 175 de la LIP.
[55] Art. 93 de la Loi 40 modifiant l’art. 201 de la LIP.
[56] Art. 91 et 98 de la Loi 40 (ajoutant les art. 193.6 à 193.9 à la LIP et modifiant l’art. 209.1 de la LIP).
[57] Cette disposition n’est pas encore en vigueur pour le secteur anglophone, vraisemblablement en attente du sort du présent litige : art. 85 par. 2o de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique et édictant la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation, L.Q., c. 2023, c. 32.
[59] Art. 53 de la Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique, L.Q. 2016, c. 26.
[60] Amended Application for Judicial Review and Declaratory Judgment, Notice of Constitutional Question, 23 juin 2021.
[61] Jugement de première instance, par. 41.
[62] Id., par. 42, citant Arsenault‑Cameron c. Île‑du‑Prince‑Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3 (« Arsenault‑Cameron »), par. 57.
[63] Jugement de première instance, par. 42, citant Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678 (« Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique »), par. 149.
[64] Jugement de première instance, par. 43.
[68] Id., par. 167, citant la pièce P-78, Reply to Expert Report of Professor Termote’s by Diane Gérin‑Lajoie, Professor of University of Toronto, dated April 7, 2021.
[69] Jugement de première instance, par. 168.
[85] Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique, L.Q. 2016, c. 26, art. 53.
[86] Jugement de première instance, par. 293.
[95] Id., par. 327 et 371-372.
[96] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 (« Oakes »).
[97] Jugement de première instance, par. 383.
[103] Id., par. 420 et 439-441.
[104] On comprend de ses motifs et de ses conclusions que le juge suspend l’application du remplacement de l’article 155 de la LIP prévue par l’article 52 de la Loi 40, de façon à faire revivre l’article 155 de la LIP dans sa rédaction antérieure, dont le texte prévoyait notamment que le « président veille au bon fonctionnement de la commission scolaire » et « voit […] à ce que les dispositions de la loi, les règlements et les décisions du conseil des commissaires soient fidèlement et impartialement mis à exécution » et qui conférait aussi au président le rôle de « porte-parole officiel de la commission scolaire ».
[105] Jugement de première instance, par. 429-431 et 445.
[106] Comme déjà noté, il s’agit des dispositions suivantes de la Loi 40 : les art. 3, 11(3), 51 (dans la mesure où il abroge les art. 145 à 148 de la LIP), 53, 54, 55, 56, 57, 65(1), 67(1), 67(2)a), 67(2)c), 69(1), 70, 71, 73(2), 76, 80(1)c), 88(2), 92, 93(1), 94, 98, 101(2), 115(2), 129, 137, 139 (dans la mesure où il entrave les dispositions de l’art. 457.8 de la LIP), 140(1), 191, 193, 194, 195, 197, 198, 199, 200, 201, 203, 204, 205, 207(2), 217, 218, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229(1)b), 229(2), 230, 231, 232(1), 233(1), 234(1)b), 235, 236(1), 242(1), 242(4), 242(5), 243(1), 244(1), 249, 251(1)b)(ii), 254(1), 254(3), 255, 260, 261, 262(2), 263, 328(3), 328(4) et 335 (dans la mesure où il prévoit l’entrée en vigueur de dispositions jugées inopérantes ou faisant l’objet d’un sursis).
[107] Jugement de première instance, par. 432 et 445.
[108] Id., par. 425-426 et 446.
[112] Argumentation dans le mémoire de l’appelant, par. 32.
[113] Cette question comprend implicitement une contestation par le PGQ de la décision implicite du juge de première instance quant à l’invalidité constitutionnelle de l’article 15 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires.
[114] Argumentation dans le mémoire de l’appelant, par. 36.
[116] Id., titre précédant le par. 36.
[126] Argumentation dans le mémoire des intimés, par. 28.
[129] Id., par. 35-36, 38‑39 et 43-47.
[130] Id., par. 40 et 50.
[132] Quebec Community Groups Network c. Quebec English School Boards Association, 2024 QCCA 897, par. 4.
[133] R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, p. 344. Voir aussi : Canada (Procureur général) c. Power, 2024 CSC 26, par. 26; Québec (Procureure générale) c. 9147‑0732 Québec inc., 2020 CSC 32, [2020] 3 R.C.S. 426, par. 7; Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 4; Divito c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 47, [2013] 3 R.C.S. 157, par. 19; Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3 (« Doucet‑Boudreau »), par. 23.
[134] Société des Acadiens du Nouveau‑Brunswick Inc. c. Association of Parents for Fairness in Education, [1986] 1 R.C.S. 549, p. 579-580; MacDonald c. Ville de Montréal, [1986] 1 R.C.S. 460; Bilodeau c. Procureur général du Manitoba, [1986] 1 R.C.S. 449.
[135] Voir notamment l’art. 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.
[136] R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, par. 24.
[137] Id., par. 25 [soulignement dans l’original]. Voir aussi : Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 18; Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2009 CSC 47, [2009] 3 R.C.S. 208, par. 26; Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 20; Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 23-24.
[138] Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 18.
[139] Québec (Procureure générale) c. 9147‑0732 Québec inc., 2020 CSC 32, [2020] 3 R.C.S. 426, par. 8; R. c. Poulin, 2019 CSC 47, [2019] 3 R.C.S. 566, par. 64; R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 15.
[140] Québec (Procureure générale) c. 9147‑0732 Québec inc., 2020 CSC 32, [2020] 3 R.C.S. 426, par. 10.
[141] Loi sur la laïcité de l’État, RLRQ c. L-0.3.
[143] Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, par. 26; Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 15, [2005] 1 R.C.S. 238, par. 28; Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 23.
[144] Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 15.
[146] Id., par. 157. Voir aussi : Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 7.
[147] Commission scolaire francophone des Territoires du Nord‑Ouest c. Territoires du Nord‑Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31, par. 80; Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 15, [2005] 1 R.C.S. 238, par. 28; Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 3; Doucet‑Boudreau c. Nouvelle‑Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 26; Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839, p. 849-850; Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 350.
[148] Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 1, repris dans Commission scolaire francophone des Territoires du Nord‑Ouest c. Territoires du Nord‑Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31, par. 80.
[149] Arsenault‑Cameron c. Île‑du‑Prince‑Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 26. Voir aussi : Commission scolaire francophone des Territoires du Nord‑Ouest c. Territoires du Nord‑Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31, par. 4; Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 20.
[150] Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 15.
[151] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 350. Voir aussi : Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 12; Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, par. 25; Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 3.
[152] Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, par. 25; Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 28; Procureur général du Québec c. Quebec Association of Protestant School Boards, [1984] 2 R.C.S. 66, p. 79.
[153] Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2009 CSC 47, [2009] 3 R.C.S. 208, par. 23.
[154] Commission scolaire francophone des Territoires du Nord‑Ouest c. Territoires du Nord‑Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31, par. 2; Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 365.
[155] Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, par. 25; Arsenault‑Cameron c. Île‑du‑Prince‑Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 26; Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 367.
[156] Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 28.
[157] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 393.
[158] Mahe v. Alberta, 1987 ABCA 158.
[159] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 368, qui réfère à Reference Re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights (1984), 10 D.L.R. (4th) 491 (C.A. Ont.); Commission des Écoles Fransaskoises v. Saskatchewan (1988), 48 D.L.R. (4th) 315 (B.R. Sask.); Lavoie v. Nova Scotia (Attorney General) (1989), 91 N.S.R. (2d) 184 (C.A. N.-E.); Reference Re Minority Language Educational Rights (P.E.I.) (1988), 69 Nfld. & P.E.I.R. 236 (C.S.Î.‑P.‑É., Div. app.).
[160] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 369‑370.
[161] Id., p. 371-372 et 379.
[163] Arsenault‑Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 42 [soulignement ajouté].
[164] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 377.
[165] Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678.
[166] Commission scolaire francophone des Territoires du Nord‑Ouest c. Territoires du Nord‑Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31, par. 3.
[167] Id., par. 4; Arsenault‑Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 26.
[168] Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 20 [soulignement ajouté].
[169] Al. 23(3)b) de la Charte [soulignement ajouté].
[170] Jugement de première instance, par. 319, référant à Colombie-Britannique : Conseil Scolaire Francophone de la Colombie-Britannique Regulation, B.C. Reg. 2013/99, art. 6; Francophone Education Authorities Regulation, B.C. Reg 212/99, art. 2-4; School Act, R.S.B.C. 1996, c. 412, art. 1(1) (définition de « eligible person » et « immigrant parent »), 166.13 et 166.14. Alberta : Education Act, S.A. 2012, c. E-0.3, art. 1(1)(i), 87(1)(b) et 135(2). Saskatchewan : The Education Act, 1995, S.S. 1995, c. E-0.2, art. 2(1) (« minority language adult » et « voter »), 64(2) et 65. Manitoba : Loi sur les écoles publiques, C.P.L.M., c. P250, art. 21.1, 21.37 et 21.38; Règlement sur la gestion des écoles françaises, Règl. du Man. 202/93, art. 11. Ontario : Loi sur l'éducation, L.R.O. 1990, c. E.2, art. 1 (« Titulaire des droits liés au français »), 50.1(2), 54(2) et 219(1) et (4). Nouveau-Brunswick : Loi sur l'éducation, L.N.‑B 1997, c. E-1.12, art. 36.31, 36.4, 36.41 et 36.5. Nouvelle-Écosse : Education (CSAP) Act, R.S.N.S. 1995-96, c. 1, art. 3(1)(h) et (i), 13, 46 et 47. Île-du-Prince-Édouard : Education Act, R.S.P.E.I. 1988, c. E-0.2, art. 1(1)(i) (définition de « eligible parent »); Election Regulations, P.E.I. Reg. EC525/16, art. 4; Education Authority Regulations, P.E.I. Reg. EC524/16, art. 2. Terre-Neuve‑et‑Labrador : Schools Act, 1997, S.N.L. 1997, c. S‑12.2, art. 95; School Board Election Regulations, 1998, N.L.R. 146/97, art. 6. Yukon : Loi sur l'éducation, L.R.Y. 2002, c. 61, art. 82(4), 86 et 151. Territoires du Nord-Ouest : Loi sur l'éducation, L.T.N.-O. 1995, c. 28, art. 85; Loi sur les élections des administrations locales, L.R.T.N.-O. 1988, c. L-10, art. 18 et 19; Règlement sur l'instruction en français langue première, Règl. des T.N.-O. 166-96, art. 12(2). Nunavut : Loi sur l'éducation, L.Nun. 2008, c. 15, art. 156(1) et 166(4); Loi sur les élections aux conseils municipaux et aux administrations scolaires de district, L.Nun. 2017, c. 21, art. 8(3).
[171] Arsenault‑Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 29 in fine.
[172] Pièce PGQ-19 : Assemblée nationale, Journal des débats, 35e lég., 2e sess., vol. 35, no 83, 26 mars 1997, p. 6014 (P. Marois) (le texte de cette déclaration est reproduit plus haut dans ces motifs).
[173] Assemblée nationale, Journal des débats, 35e lég., 2e sess., vol. 35, no 88, 15 avril 1997, p. 6245‑6247; Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, Positions du Québec dans les domaines constitutionnel et intergouvernemental de 1936 à 2001, Partie 3 : Documents, Document 33 : « Résolution de l’Assemblée nationale du Québec autorisant la modification de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, 15 avril 1997 », en ligne : https://www.sqrc.gouv.qc.ca/relations-canadiennes/positions-historiques/motions/1997-04-15.pdf.
[174] Pièce PGQ-22 : Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 36e lég., 1re sess., vol. 135, no 31, 17 novembre 1997, p. 1743 (S. Dion) (le texte de cette déclaration est reproduit ci-haut dans ces motifs).
[176] Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 4-6 et 12.
[178] Id., par. 17. Voir aussi : Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2009 CSC 47, [2009] 3 R.C.S. 208, par. 26; Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 5-7; Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839, p. 851.
[179] Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 18. Voir aussi : Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 15, [2005] 1 R.C.S. 238, par. 28; Doucet‑Boudreau c. Nouvelle‑Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 23 et 26.
[180] Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 19.
[181] Loi sur les élections scolaires, RLRQ, c. E-2.3, art. 15 et 20 (dans leur version avant la Loi 40).
[182] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 377.
[183] Loi sur les élections scolaires, L.Q. 1989, c. 36, a. 15.
[185] Jugement de première instance, par. 318. Voir aussi le par. 320.
[186] Id., par. 439 et 441.
[189] Déclaration sous serment de Pierre-Luc Pouliot, directeur général du soutien aux réseaux et du financement au ministère de l’Éducation, 18 mars 2021, par. 5; pièce PGQ-52, Dépliant du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur expliquant la réforme de la taxe scolaire – Volet commissions scolaires.
[190] Pièce PGQ-50, Résultats généraux des élections scolaires de 2003 et 2007, ainsi que 2014.
[191] Nouvelle Loi sur les élections scolaires, art. 18.
[193] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 375 et 377.
[194] Art. 143 de la LIP et art. 6, 7, 71 et 72 de la Loi sur les élections scolaires, RLRQ, c. E-2.3 (dans leur version avant la Loi 40).
[195] Art. 20 de la Loi sur les élections scolaires, RLRQ, c. E-2.3 (dans sa version avant la Loi 40).
[196] Art. 143 et 145 de la LIP (dans leur version avant la Loi 40).
[197] Art. 143 et 143.1 de la LIP (dans leur version avant la Loi 40).
[198] Art. 50 de la Loi 40 (art. 143.1 al. 1(1o) à (3o) de la LIP).
[202] Art. 52 de la Loi 40 (modifiant l’art. 155 de la LIP).
[203] Art. 50 (art. 143.1 al. 1(1o) de la LIP) et art. 216 de la Loi 40 (art. 20(1o) de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires).
[204] Art. 50 (art. 143.1 al. 1(1o) de la LIP) et art. 216 de la Loi 40 (art. 20(4o) de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires).
[205] Jugement de première instance, par. 188.
[206] Pièce P‑45, Expert Report of Peter Loewen, PhD, Professor of Political Science and Global Affairs & Public Policy, dated February 5, 2021, par. 13-15.
[207] Rapport d’expertise préparé par Olivier Lemieux, professeur en administration et politiques de l’éducation, Université du Québec à Rimouski en date du 16 mars 2021, par. 148.
[208] Jugement de première instance, par. 189.
[209] Art. 66 de la Loi 40.
[210] Pièce P‑45, Expert Report of Peter Loewen, PhD, Professor of Political Science and Global Affairs & Public Policy, dated February 5, 2021, tableau G.1 (« The overall treatment effects on rightsholders, parents on governing boards and commissioners (p-value indicated in parenthesis) »).
[212] Voir aussi : pièce P‑58, Affidavit of Judith Kelley, dated January 22, 2021, par. 8; pièce P‑59, Affidavit of Lesley Llewelyn, dated January 22, 2021, par. 4‑7; pièce P‑60, Affidavit of Eric Bender, dated January 22, 2021, par. 4.
[213] Jugement de première instance, par. 212.
[214] Argumentation au mémoire de l’appelant, par. 112, faisant référence au rapport d’expertise préparé par Olivier Lemieux, professeur en administration et politiques de l’éducation, Université du Québec à Rimouski en date du 16 mars 2021, par. 152.
[215] Pièce P‑76, Reply to Olivier Lemieux’s Report by Peter Loewen, PhD, Professor of Political Science and Global Affairs & Public Policy, dated April 7, 2021.
[216] Jugement de première instance, par. 195.
[217] Art. 50 de la Loi 40 (art. 143.1 al. 1(2o) de la LIP).
[218] Art. 50 de la Loi 40 (art. 143.1 al. 1(3o) et al. 2 de la LIP) et art. 208 de la Loi 40 (art. 11.0.1 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires).
[220] Art. 50 de la Loi 40 (art. 143.1 al. 1(2o) de la LIP).
[221] Art. 208 de la Loi 40 (art. 11.0.2 de la Nouvelle Loi sur les élections scolaires).
[222] Jugement de première instance, par. 191.
[223] Pièce P‑45, Expert Report of Peter Loewen, PhD, Professor of Political Science and Global Affairs & Public Policy, dated February 5, 2021.
[224] Art. 66 de la Loi 40.
[225] Art. 52 de la Loi 40.
[226] Pièce P‑47, Affidavit of Joy Humeniuk, dated June 15, 2020.
[227] Pièce P‑56, Affidavit of Mary Ellen Beaulieu, dated January 22, 2021.
[228] Pièce P‑57, Affidavit of Olivia Landry, dated January 22, 2021, par. 7. Voir aussi : pièce P‑59, Affidavit of Lesley Llewelyn, dated January 22, 2021, par. 8‑9; pièce P‑61, Affidavit of Debbie Ford‑Caron, dated January 22, 2021, par. 5‑6.
[229] Pièce P‑45, Expert Report of Peter Loewen, PhD, Professor of Political Science and Global Affairs & Public Policy, dated February 5, 2021.
[230] Art. 50 de la Loi 40 (art. 143.1 al. 2 de la LIP); Règlement sur la désignation des membres des conseils d’administration des centres de services scolaires, RLRQ, c. I‑13.3, r. 5.1, art. 19.
[231] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 377.
[234] Jugement de première instance, par. 233.
[235] Décret 1027‑2020 concernant l’allocation de présence et le remboursement des frais des membres des conseils d’administration des centres de services scolaires et du Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal, (2020) 152 G.O.Q. II, no 42, p. 4515.
[236] Jugement de première instance, par. 235.
[238] Pièce P‑47, Affidavit of Joy Humeniuk, dated June 15, 2020, par. 13.
[239] Argumentation dans le mémoire des intimés., par. 75, référant à la pièce P‑45, Expert Report of Peter Loewen, PhD, Professor of Political Science and Global Affairs & Public Policy, dated February 5, 2021, par. 33‑36.
[240] Art. 201 de la LIP (tel que modifié par l’art. 93 de la Loi 40).
[241] Art. 155 al. 2 de la LIP avant le remplacement de cet article par l’art. 52 de la Loi 40.
[242] Pièce P‑53, Affidavit of Stephen Burke, dated January 22, 2021.
[243] Pièce P‑54, Affidavit of John Ryan, dated January 22, 2021, par. 6 et s.
[244] Pièce P‑55, Affidavit of Michael Murray, dated January 25, 2021, par. 5 et s.
[245] Art. 198 et 201 de la LIP.
[246] Art. 209.1 de la LIP (dans sa version avant la Loi 40).
[247] Art. 176.1 par. 1o de la LIP (dans sa version avant la Loi 40).
[248] Art. 73 al. 1 par. 2o de la Loi 40 supprimant l’art. 176.1 par. 1o de la LIP.
[249] Art. 91 de la Loi 40 introduisant les art. 193.1 à 193.9 à la LIP et art. 98 de la Loi 40 modifiant l’art. 209.1 de la LIP.
[250] Art. 91 de la Loi 40 introduisant l’art. 193.9 à la LIP.
[251] Art. 209.1 de la LIP (dans ses versions avant et après la Loi 40).
[252] Jugement de première instance, par. 270.
[253] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 377.
[254] Art. 37 et 74 de la LIP.
[255] Voir par exemple, pièce P‑53, Affidavit of Stephen Burke, dated January 22, 2021, par. 24-34; pièce P‑55, Affidavit of Michael Murray, dated January 25, 2021, par. 31-40.
[256] Jugement de première instance, par. 264.
[258] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342. p. 380.
[259] Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 38.
[260] Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, par. 47; Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 378. Voir aussi : Ontario English Catholic Teachers’ Assn. c. Ontario (Procureur général), 2001 CSC 15, [2001] 1 R.C.S. 470, par. 55 in fine.
[261] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 377.
[262] Déclaration sous serment de Pierre-Luc Pouliot, directeur général du soutien aux réseaux et du financement au ministère de l’Éducation, 18 mars 2021, par. 8.
[263] Art. 472 de la LIP.
[264] Déclaration sous serment de Pierre-Luc Pouliot, directeur général du soutien aux réseaux et du financement au ministère de l’Éducation, 18 mars 2021, par. 9-10.
[266] Ibid.; pièce PGQ‑45, Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Guide général du financement – Publication 2019‑2020 – Éducation préscolaire et Enseignement primaire et secondaire, p. 19.
[267] Déclaration sous serment de Pierre-Luc Pouliot, directeur général du soutien aux réseaux et du financement au ministère de l’Éducation, 18 mars 2021, par. 12; pièce PGQ‑45, Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Guide général du financement – Publication 2019‑2020 – Éducation préscolaire et Enseignement primaire et secondaire, p. 20-21.
[268] Déclaration sous serment de Pierre-Luc Pouliot, directeur général du soutien aux réseaux et du financement au ministère de l’Éducation, 18 mars 2021, par. 13.
[274] Id., par. 22, en référant à la Pièce LN‑5, Ministry of Education and Higher Education’s budgetary rules of 2020‑2021, as amended in August 2020, p. 77 de la section A (p. 104 de 308 de la pièce LN-5).
[275] Déclaration sous serment de Pierre-Luc Pouliot, directeur général du soutien aux réseaux et du financement au ministère de l’Éducation, 18 mars 2021, par. 22-23.
[276] Jugement de première instance, par. 295.
[277] Pièce P‑65, Affidavit of Livia Nassivera, dated January 22, 2021.
[278] Jugement de première instance, par. 290, où le juge retient la déclaration sous serment de Mme Livia Nassivera, directrice des finances pour la Commission scolaire English‑Montréal : Pièce P‑65, Affidavit of Livia Nassivera, dated January 22, 2021, par. 12. Voir aussi : pièce P‑65.1, Second Affidavit of Livia Nassivera, dated February 12, 2021, par. 3‑6.
[279] Pièce P‑65, Affidavit of Livia Nassivera, dated January 22, 2021, par. 13.
[280] Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 143; Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, par. 49; Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2009 CSC 47, [2009] 3 R.C.S. 208, par. 37.
[281] Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 147-150.
[284] Id., par. 143 in fine. L’arrêt le plus récent de la Cour suprême portant sur l’art. 23 de la Charte n’a rien changé à cet égard : Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest c. Territoires du Nord-Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31.
[285] Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678.
[286] Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1, [2019] 1 R.C.S. 3, par. 39; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, p. 136‑137.
[287] Voir notamment : R. c. Brown, 2022 CSC 18, [2022] 1 R.C.S. 374, par. 110; R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, [2016] 1 R.C.S. 906, par. 58; R. c. Nur, 2015 CSC 15, [2015] 1 R.C.S. 773, par. 111-113 et 116; Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331, par. 94, 99, 102, 118 et 119.
[288] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, p. 138.
[289] Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68, [2002] 3 R.C.S. 519 (« Sauvé »), par. 18.
[291] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, p. 138-139.
[292] Id., p. 139-140. Voir aussi : Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 146.
[293] Dans son mémoire, au par. 147, le PGQ explique en une seule phrase l’objectif visé : « Premièrement, toutes les mesures ont un objectif important, lequel a été expliqué dans la section B) de la question I du présent mémoire » [renvoi et caractères gras omis], soit la section de son mémoire portant sur l’atteinte.
[294] Dans Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1, [2019] 1 R.C.S. 3, par. 46, la Cour suprême nous met en garde contre un objectif législatif formulé de façon trop large.
[295] Jugement de première instance, par. 392.
[298] Jugement de première instance, par. 391.
[299] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 378.
[300] Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 48.
[301] Jugement de première instance, par. 392, citant le plan d’argumentation du PGQ en première instance, par. 563 et 565.
[302] Jugement de première instance, par. 321.
[304] Argumentation dans le mémoire de l’appelant, par. 170-173.
[308] Mikisew Cree First Nation c. Canada (Gouverneur général en conseil), 2018 CSC 40, [2018] 2 R.C.S. 765, par. 32 (juge Karakatsanis) et par. 102 (juge Brown).
[309] Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201, par. 10.
[310] Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2009 CSC 47, [2009] 3 R.C.S. 208, par. 25.
[311] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 369. Voir aussi : Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839, p. 857.
[312] Argumentation dans le mémoire des intimés, par. 130-132 et 138.
[313] Behn c. Moulton Contracting Ltd., 2013 CSC 26, [2013] 2 R.C.S. 227, par. 28; Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004] 3 R.C.S. 511, par. 25-27.
[314] Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391, par. 89-91.
[315] Alliance autochtone du Québec c. Procureur général du Québec (Ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et Ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec), 2024 QCCA 1472, par. 130, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême, no 41631.
[316] Arsenault‑Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3.
[317] Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839, p. 862.
[318] Id., p. 860 [soulignement dans l’original].
[319] Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 393.
[320] Argumentation dans le mémoire de l’appelant, par. 164.
[321] Par. 52(2) de la Loi constitutionnelle de 1982.
[322] Ontario (Procureur général) c. G., 2020 CSC 38, [2020] 3 R.C.S. 629, par. 85.
[324] Ibid.; Voir aussi les par. 89 et 92.
[326] Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679 (« Schachter »).
[329] Ontario (Procureur général) c. G., 2020 CSC 38, [2020] 3 R.C.S. 629, par. 108.
[332] Ibid.; Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, p. 700.
[333] Ontario (Procureur général) c. G., 2020 CSC 38, [2020] 3 R.C.S. 629, par. 114, citant Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, p. 697.
[334] Ontario (Procureur général) c. G., 2020 CSC 38, [2020] 3 R.C.S. 629, par. 114; Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, p. 705-706; Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, p. 169.
[335] Ontario (Procureur général) c. G., 2020 CSC 38, [2020] 3 R.C.S. 629, par. 114.
[336] Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, p. 707.
[337] Jugement de première instance, par. 425, 426, 432 et 446, lus en conjonction avec le par. 445.
[338] Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 7‑8 et 60-88.
[339] Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721.
[340] Amended Application for Judicial Review and Declaratory Judgment, Notice of Constitutional Question, 23 juin 2021, par. 73 et 75.
[341] Id., par. 74 et Schedule A to the Application of the Quebec English School Boards Association, Lester B. Pearson School Board and Adam Gordon.
[342] Amended Application for Judicial Review and Declaratory Judgment, Notice of Constitutional Question, 23 juin 2021, par. 76.
[344] Jugement de première instance, par. 433.
[345] Id., par. 434-435 et Annexe.
[346] Id., par. 445 et Annexe.
[347] Argument dans le mémoire de l’appelant, par. 169.
[348] Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, p. 697.
[349] Schedule A to the Application of the Quebec English School Boards Association, Lester B. Pearson School Board and Adam Gordon, p. 49.
[351] Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale et diverses dispositions législatives, L.Q. 2021, c. 31, art. 6. Ce projet de loi (projet de loi no 49) fut présenté à l’Assemblée nationale le 13 novembre 2019, alors que le projet de loi ayant mené à l’adoption de la Loi 40 fut présenté le 1er octobre 2019.
[352] Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, RLRQ, c. E-2.2.
[353] Jugement de première instance, par. 444.
[354] Règlement concernant l’application aux centres de services scolaires anglophones de dispositions de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires, (2021) 153 G.O.Q. II, no 32, 5055, p. 5056.