Décision

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R. c. François

2025 QCCQ 918

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

« Chambre criminelle et pénale »

 :

500-01-237702-227

 

 

 

DATE :

14 février 2025

_____________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

NADIA BÉRUBÉ, J.C.Q.

___________________________________________________________________

 

 

SA MAJESTÉ LE ROI

Poursuivant

 

c.

WILLIAM FRANÇOIS

Délinquant

 

_____________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR LA PEINE

_____________________________________________________________________

 

I.            APERÇU

  1.                 Le Tribunal doit déterminer quelle est la peine appropriée devant être imposée à M. François, le délinquant, pour les événements malheureux survenus le 24 mars 2022 dans le contexte d’une énième vague de COVID-19.
  2.                 À cette date, le délinquant travaille comme « taxi » pour une agence qui fournit le service de raccompagnement aux préposés aux bénéficiaires à leur emploi. Le soir de l’événement, il reconduit ainsi deux préposées après leur quart de travail.
  3.                 Sur le chemin du retour, il perd le contrôle de son véhicule et fonce dans un mur de béton. La preuve révèle que le délinquant a alors un taux d’alcool dépassant la limite permise. Les deux préposées sont en conséquence blessées, et ce, de manière importante.
  4.                 Au soutien de son plaidoyer de culpabilité, un exposé conjoint des faits est déposé. Il est reproduit ci-après textuellement. Les éléments factuels suivants y sont relatés :
  1.      Le 24 mars 2022, vers 22 h 28, une collision est survenue impliquant un seul véhicule soit une Toyota Sienna immatriculée [...], sur l’autoroute 20 direction ouest dans la sortie pour la 32e avenue, Montréal;
  2.      L’accusé conduisait le véhicule Toyota Sienna immatriculée [...] au moment des évènements, à titre de chauffeur désigné;
  3.      Le véhicule Toyota Sienna a foncé dans le mur de béton à l’intersection au lieu de tourner à gauche dans le sens unique. Les dommages du véhicule accidenté corroborent cette hypothèse. La cause de la collision est inexpliquée;
  4.      À l’arrivée des policiers, ceux-ci discutent avec monsieur François et constate une odeur d’alcool qui provient de son haleine, il a la bouche pâteuse;
  5.      L’agent Dansereau mat. 15524 donne l’ordre de souffler dans l’appareil de détection approuvé et l’accusé s’exécute. Le résultat est fail, l’agent Dansereau mat 15524 procède à l’arrestation de monsieur;
  6.      Monsieur François est amené au poste de police et souffle dans l’appareil d’éthylomètre, les résultats sont de 120 mg/100 ml;
  7.      William FRANÇOIS était chauffeur de taxi et transportait Mesdames Élçoinize Vital et Florence René-Pierre à leur domicile au moment de la collision;
  8.      Mesdames Vital et René-Pierre travaillaient à titre de préposées aux bénéficiaires au moment des évènements. La compagnie pour laquelle elles travaillaient offrait un service de raccompagnement par taxi à leur domicile;
  9.      Les victimes ont constaté que le véhicule zigzaguait dans sa voie, qu’il roulait à une vitesse plus élevée et a pris la courbe à une vitesse trop élevée;
  10. Madame Élçoinize Vital, prenait place à bord du véhicule Toyota Sienna, passagère arrière côté gauche. Elle a subi des blessures à l’occasion de la collision, à savoir une fracture transverse. Elle a des douleurs au bas du dos, à la hanche et au genou gauche. Elle a dû prendre de la médication, de la morphine;
  11.  Madame Florence René-Pierre, prenait place à bord du véhicule Toyota Sienna, passagère arrière côté droit. Elle a subi des blessures à l’occasion de la collision, à savoir qu’elle a dû être opérée à la colonne vertébrale et aux intestins. Elle a subi une fracture à la C-2, des vis ont été posées;
  12. Madame René-Pierre est resté 6 semaines à l’hôpital général de Montréal et a été transférée au Centre de réadaptation Fleury pour 4 mois.
  1.                 Un rapport prépénal (communément appelé RPS) est confectionné. Le Tribunal en résumera les faits saillants dans le cadre de son analyse sur la peine adéquate à imposer au délinquant.
  2.                 À cette preuve s’ajoutent les déclarations sur les conséquences du crime des victimes, qui ont toutes deux témoigné quant aux retombées de la commission de l’infraction sur leur vie. Est également entendue la fille de l’une d’elles concernant les répercussions collatérales de la collision dans laquelle sa mère a été, bien malgré elle, impliquée.
  3.                 Les parties s’entendent qu’une peine de 2 ans moins un jour est appropriée dans les circonstances. Le débat se concentre sur la façon dont cette peine devrait être purgée.
  4.                 Le poursuivant considère qu’une période d’incarcération est nécessaire afin de répondre aux objectifs de dénonciation et de dissuasion générale devant être priorisés dans le cas d’un crime qui concerne la conduite en état d’ébriété.
  5.                 La défense soutient qu’une peine d’emprisonnement dans la collectivité serait adéquate dans les circonstances, notamment en raison du statut précaire du délinquant au Canada, ainsi que de ses circonstances personnelles.

II.            QUESTION EN LITIGE

  1.            Quelles sont donc les circonstances dans lesquelles, lorsqu’il s’agit de sanctionner une conduite avec facultés affaiblies ayant causé des lésions corporelles, les principes et objectifs d’imposition de la peine peuvent être adéquatement servis par l’imposition d’une peine d’emprisonnement avec sursis ?

III.            PREUVE

Rapport prépénal et témoignages du délinquant et de sa conjointe

  1.            Le RPS révèle que le délinquant est originaire d’Haïti. Son père quitte le domicile familial alors qu’il est jeune et sa mère est assassinée alors qu’il se trouve à l’extérieur de son pays. Il a des frères qu’il aide à immigrer au Canada.
  2.            M. François n’a aucun antécédent judiciaire, est âgé de 35 ans et a toujours occupé un emploi.
  3.            Il rencontre sa conjointe au Brésil alors qu’il y est envoyé afin de faire des études et ainsi contribuer à « sauver ses frères ». Il y travaillera effectivement pendant quelques années. Le couple décidera finalement d’émigrer aux États-Unis, étant donné les problèmes de fertilité de la conjointe du délinquant. Ils n’y demeurent cependant qu’un an, considérant les politiques en matière d’immigration du gouvernement de l’époque.
  4.            Il est père de deux jeunes enfants, dont l’un présente des difficultés sur le plan de la santé mentale, est à mobilité réduite et accuse un retard global de développement. Cet enfant nécessite de plus des traitements spécialisés coûteux et fréquents.
  5.            Le délinquant et sa conjointe arrivent au pays en 2017 avec le statut de demandeur d’asile. Ils sont maintenant tous deux résidents permanents. Leurs enfants sont, quant à eux, citoyens canadiens.
  6.            M. François fait l’objet, en raison de la présente accusation, d’une mesure de renvoi et fait des démarches en ce sens auprès des services d’immigration.
  7.            Il ressort de ce rapport que le délinquant est un fervent croyant. Il décrit d’ailleurs sa relation avec son épouse comme exempte de conflits, en raison de leur foi en Dieu.
  8.            Il travaille en tant qu’opérateur de chariot élévateur dans une compagnie de fer et métaux depuis 2018 mais est à la recherche d’un revenu supplémentaire afin de payer des dettes accumulées pour les traitements de fertilité et autres dépenses reliées aux besoins particuliers de son enfant malade.
  9.            C’est dans ce contexte que les événements malheureux surviennent. Le délinquant trouve un deuxième emploi comme chauffeur de taxi pour une agence de placement offrant un service de raccompagnement à ses préposés aux bénéficiaires.
  10.            La situation financière précaire du délinquant est ainsi au cœur du présent délit. Combinant deux emplois, le délinquant travaille à cette époque sept jours sur sept, ayant rarement une journée de congé.
  11.            C’est lors de l’une de ces rares journées de congé que survient le drame alors que M. François décide de consommer quelques verres d’alcool pour se détendre, ayant appris plus tôt le décès d’un membre de sa famille. Il aurait par la suite fait une sieste jusqu’à ce que l’agence lui demande, de manière imprévue, de faire un raccompagnement en soirée.
  12.            Le rapport révèle que sa femme s’oppose à ce qu’il prenne le volant ce soir-là, étant donné qu’il a consommé de l’alcool. Le délinquant croit alors être en état de conduire puisqu’il a dormi.
  13.            Quant à ses habitudes de consommation, M. François mentionne consommer à l’époque seulement lors de ses jours de congé, et ce, afin de relaxer. Il affirme n’avoir jamais présenté de problématique à ce niveau.
  14.            Il est abstinent depuis l’événement et mentionne à l’agente de probation que l’alcool représente « le mal ». Il n’a pas fait de démarches thérapeutiques afin d’arrêter de consommer. Il reçoit en revanche beaucoup de support et d’aide de la part des membres de sa famille, et plus particulièrement du pasteur de l’Église qu’il fréquente assidûment.
  15.            Sa conjointe n’a jamais dénoté chez lui de problématique de consommation d’alcool et confirme que M. François est abstinent depuis les événements.
  16.            Le délinquant collabore adéquatement à la confection du rapport prépénal et il verbalise des remords et une honte indéniables. Il reconnaît que les répercussions de ses gestes sont énormes et malheureuses.
  17.            La façon dont le délinquant s’exprime peut, à certains égards, dénoter une minimisation des conséquences. Selon l’agente de probation, ces propos peuvent s’expliquer par la difficulté pour le délinquant d’admettre qu’une brèche dans ses valeurs personnelles et ses croyances religieuses a été créée par le crime qu’il a commis.
  18.            Bien que les explications de M. François convergent perpétuellement vers sa foi en Dieu, l’agente de probation estime le risque de récidive à faible. Selon elle, le caractère dissuasif du processus judiciaire se fait sentir. Le délinquant est bien entouré par une communauté au courant des accusations et qui valorise son abstinence.
  19.            Il vaut de noter que la situation financière précaire du délinquant est toujours d’actualité et que son risque de récidive est donc tributaire d’une démarche introspective et de sa capacité à accepter ce qu’il a fait.
  20.            M. François exprime des regrets sincères aux victimes présentes en salle d’audience et espère qu’elles pourront se rétablir complètement. Il mentionne que les victimes « pourraient être ma mère ». Il est émotif à cet égard et troublé de réaliser les conséquences pour les familles des victimes en Haïti, pays dont il est également originaire. Il comprend leurs souffrances et les difficultés qu’elles vivent.

Conséquences du crime pour les victimes directes et indirectes

  1.            Les victimes sont âgées respectivement de 63 et 55 ans. Elles témoignent lors de l’audience afin de déterminer la peine. Il en va de même de la fille de l’une d’elles. Des « Déclarations de la victime sur les conséquences du crime » sont également déposées en preuve.
  2.            Le Tribunal est sensible aux tourments vécus par les victimes directes de cette tragédie et compatit avec les lourdes conséquences indirectes vécues par les membres de la famille de ces deux préposées aux bénéficiaires qui ne faisaient que leur travail « d’Ange gardien », selon le vocable aujourd’hui consacré.
  3.            De manière évidente, aucune peine ne pourra racheter ce qu’elles ont perdu et les souffrances physiques et psychologiques engendrées par ce délit.
  4.            Au moment des événements, Mme Vital travaille comme préposée aux bénéficiaires dans un centre de personnes âgées de Vaudreuil, et ce, depuis 8 mois. Elle utilise le service de raccompagnement matin et soir. La journée de l’incident est la première fois où le délinquant la reconduit.
  5.            À la suite de la collision, elle est hospitalisée deux semaines et demeure trois mois en centre de réadaptation. Elle en ressort avec des os cassés au bas du dos, des problèmes de genoux, de pieds et des maux de tête, qui perdurent à ce jour.
  6.            Elle a dorénavant besoin d’utiliser une canne pour se déplacer. Avant la collision, Mme Vital est en bonne santé. Elle est autonome et reçoit un salaire lui permettant de subvenir aux besoins de ses enfants en Haïti.
  7.            Depuis l’accident, elle ne peut plus travailler, doit prendre un taxi pour tous ses déplacements et a besoin de l’aide de sa fille. Elle reçoit désormais un montant à titre d’indemnité, mais cette somme n’est pas suffisante pour payer son loyer et supporter financièrement ses enfants à l’étranger.
  8.            Elle éprouve depuis une crainte d’être dans un véhicule en mouvement, car elle ressent la même émotion négative que lors de la collision.
  9.            Madame René-Pierre travaillait également en tant que préposée aux bénéficiaires à Vaudreuil. Après l’accident, elle est hospitalisée pendant un mois et demi et demeure trois mois en réadaptation. Elle subit une opération à la colonne vertébrale, au ventre, de même qu’une opération au cou et à l’abdomen. Cela lui occasionne des difficultés à s’alimenter. Elle éprouve encore à ce jour des problèmes de digestion.
  10.            Madame René-Pierre vit seule à Montréal, ses enfants et son mari étant toujours en Haïti. Avec son salaire, elle les aidait financièrement, ce qu’elle n’est plus en mesure de faire depuis l’événement.
  11.            Depuis la collision, elle ne peut plus vaquer de manière autonome à ses occupations. En raison des blessures subies, elle doit continuer ses séances de physiothérapie, ce qui lui pose des difficultés financières, sa seule source de revenus provenant des indemnités gouvernementales, lesquelles sont insuffisantes.
  12.            De plus, le fait de devoir compter sur les autres lui cause beaucoup de stress. Elle a de nombreuses migraines et éprouve de la tristesse et du découragement lorsqu’elle pense à sa situation actuelle.
  13.            Erbine Jérôme, 29 ans, fille de Mme Vital, arrive au Canada avant les événements afin de faire des études. Lorsque la collision survient, elle en est à sa première année universitaire. En raison de la longue période de convalescence de sa mère, elle ne peut terminer sa session. Elle n’est pas en mesure de reprendre ses cours, car elle doit travailler afin de payer les factures.
  14.            Ainsi, depuis lors, elle assume seule toutes les responsabilités de la maison. Elle prend soin de sa mère et de Mme Pierre à l’occasion. C’est elle qui doit maintenant accompagner sa mère à ses divers rendez-vous médicaux et s’occuper, de surcroît, des démarches administratives engendrées par l’événement.
  15.            De plus, n’ayant pu terminer ses cours, il lui est impossible de renouveler son permis d’études et doit demander l’asile en raison de la situation dans son pays. En conséquence, elle se retrouve désormais anxieuse, endettée et contrainte de s’occuper de sa mère et de son amie. Son but premier en venant au Canada était, pourtant, animé par l’espoir d’une vie meilleure.

IV.            PRINCIPES DE DÉTERMINATION DE LA PEINE

  1.     Principes généraux
  1.            Comme le prescrit l’article 718 du Code criminel, l’objectif essentiel du prononcé d’une peine est de protéger la société et de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes. Ces objectifs visent à :
  1.   Dénoncer le comportement illégal et le tort causé par celui-ci aux victimes ou à la collectivité;
  2.    Dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
  3.     Isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
  4.    Favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
  5.    Assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
  6.      Susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes ou à la collectivité.
  1.            Pour atteindre ces différents objectifs, le Tribunal doit rechercher l’équilibre entre la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant[1]. La sévérité de la peine prononcée doit ainsi être proportionnelle à la nature du crime commis. En effet, la gravité objective de chaque crime doit correspondre à la position qu’il occupe dans l’échelle de gravité des infractions. La gravité subjective renvoie quant à elle aux circonstances entourant la commission du crime, soit la façon dont l’infraction a été commise[2].
  2.            Ces objectifs ne sont pas mutuellement exclusifs. Au contraire, comme l’écrit le juge Vauclair dans Harbour, « la peine doit tenir compte de l’ensemble des objectifs pénologiques et non s’arrêter à certains d’entre eux. Seul l’équilibre mène à une peine juste[3] ». Et indépendamment du poids qu’un juge souhaite accorder à certains objectifs, la peine qu’il inflige doit respecter le principe fondamental de la proportionnalité[4].
  3.            Le Tribunal doit aussi tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction, tout en considérant les peines infligées pour des infractions semblables, commises dans des circonstances semblables[5]. Ainsi, la peine doit à la fois être individualisée et s’harmoniser avec les peines généralement imposées pour des infractions de même nature, commises dans des circonstances similaires[6].
  4.            De plus, lorsque les circonstances le justifient, le Tribunal doit, avant d’envisager la privation de liberté, examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes[7]. La détermination d’une peine juste et appropriée est donc un exercice délicat. Plusieurs objectifs doivent être pris en compte et certains d’entre eux sont concurrents[8].
  5.            Comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt Nasogaluak, aucun objectif de détermination de la peine n’a priorité sur les autres. Leur importance dépend des faits de l’espèce. La détermination d’une peine est donc un processus individualisé en fonction des faits propres à chaque affaire[9].
  6.            Le pouvoir discrétionnaire du Tribunal est en partie circonscrit par les précédents ayant, dans certains cas, établi des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, le but étant d’assurer une certaine cohérence dans les sanctions imposées au délinquant et ce, conformément au principe de parité[10].
  7.            Quant au degré de responsabilité du délinquant, il correspond à la culpabilité morale de ce dernier. Dans Arcand[11], la Cour d’appel de l’Alberta décrit la façon avec laquelle cette culpabilité morale doit être évaluée.
  8.            En effet, la culpabilité morale du délinquant varie au gré du tort qu’il a voulu causer ou de son degré d’insouciance ou d’aveuglement volontaire. Plus il est sérieux ou élevé, plus sa culpabilité morale l’est également. La culpabilité morale englobe un ensemble de facteurs, dont ceux liés à la personnalité du délinquant, et leur examen ne doit pas se limiter à la période correspondant au moment de la perpétration de l’infraction[12]. Comme le soulignent les auteurs Parent et Desrosiers, « c’est toute la personnalité du criminel qui se déplie, qui s’ouvre à l’analyse judiciaire[13] ».
  1.     Emprisonnement dans la collectivité
  1.            C’est le 17 novembre 2022 que le Parlement modifie de nouveau l’article 742.1 du Code criminel[14], permettant ainsi l’emprisonnement avec sursis pour le crime de conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite et ayant causé des lésions corporelles. Il est donc évident que peu de jurisprudence récente octroie le sursis pour des infractions de même nature, puisque pendant près de quinze ans, cette peine ne fait pas partie de la panoplie des peines possibles.
  2.            La Cour d’appel dans l’arrêt Lemieux[15] a d’ailleurs soulevé cette difficulté en matière de détermination de la peine pour un crime d’agression sexuelle. Elle a conclu que la modification législative était trop récente, refusant ainsi d’examiner la jurisprudence aux fins d’harmonisation de la peine :

À ce sujet, la situation en ce qui concerne la fourchette des peines, ou plutôt l’établissement d’outils de référence pour l’octroi d’un emprisonnement avec sursis, est ici un exercice délicat puisque l’emprisonnement avec sursis était prohibé depuis 2007. D’une part, si l’on s’en tient aux peines infligées pour des agressions sexuelles perpétrées avant 2007 pour décider si le sursis doit être accordé, on risque fort d’établir une norme qui dénature la réalité. En effet, la jurisprudence a grandement évolué depuis et les tribunaux sont beaucoup plus conscients de la gravité de la violence sexuelle et ont développé une plus grande sensibilité à la douleur des victimes. En conséquence, aujourd’hui, les peines peuvent être plus sévères et encourager davantage l’incarcération, autrement dit l’emprisonnement (aussi appelé emprisonnement « ferme », un terme à éviter) plutôt que l’emprisonnement avec sursis. Les jugements rendus avant 2007 risqueraient donc d’abaisser indûment la sévérité de la peine.

D’autre part, il serait tout aussi erroné de déterminer la peine en insistant indûment sur les peines infligées depuis 2007. Il pourrait alors être trop facile de conclure, sur cette base, que les tribunaux imposent l’incarcération dans les cas d’agressions sexuelles. Une telle conclusion pourrait bien être erronée puisque l’emprisonnement avec sursis était prohibé jusqu’à récemment, ce qui ne laissait pas de place à cette alternative à l’incarcération.

L’utilisation de cette jurisprudence peut même être douteuse. Ainsi, l’intimé nous renvoie à R. c. Houle, 2023 QCCA 99, pour nous convaincre que « [l]’emprisonnement ferme est la sanction privilégiée » en matière d’agression sexuelle, alors qu’il n’était aucunement question d’emprisonnement avec sursis dans cette affaire, ni dans celles citées par cet arrêt.

Le changement législatif est trop récent pour identifier avec justesse les jugements pouvant servir à un exercice valable de comparaison sur l’octroi de l’emprisonnement avec sursis. Je laisserai donc le soin aux tribunaux de le faire plus tard et c’est pourquoi je me limite essentiellement aux principes de base pour déterminer la peine appropriée dans la présente affaire[16].

  1.            Considérant ce qui précède, les nombreuses décisions répertoriées et soumises par les parties, apparaissent d’une utilité relative. Évidemment, les principes sont toujours d’actualité, mais leur application aux faits de la cause doit tenir compte du fait que le sursis est dorénavant une peine autorisée.
  1.     Crimes de conduite avec alcoolémie causant des lésions corporelles
  1.            Les parties ont soumis de nombreuses décisions qui sont colligées dans un tableau se trouvant en Annexe A du présent jugement.
  2.            Le Tribunal a également pris connaissance de plusieurs autres décisions, dont les plus pertinentes figurent également au présent jugement en Annexe B.
  3.            Tous s’entendent que le quantum à être imposé au délinquant est une période de détention provinciale s’approchant du maximum. Il faut rappeler que, très souvent, pour ce type d’infraction, des peines oscillant entre un emprisonnement de 90 jours jusqu’à deux ans d’emprisonnement[17] sont imposées.
  4.            Il est reconnu que les fourchettes de peines demeurent des lignes directrices et non des règles absolues[18]. La peine doit toujours être individualisée. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à celles-ci, à la hausse ou à la baisse, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine[19].
  5.            Il va sans dire que chaque cas est unique et que tout exercice de comparaison est par le fait même, nécessairement imparfait.
  1.     Conséquences indirectes relatives au statut d’immigration
  1.            Dans l’arrêt Pham[20], la Cour suprême établit que le juge qui détermine la peine peut exercer son pouvoir discrétionnaire et tenir compte des conséquences indirectes en matière d’immigration, pourvu que la peine qui est infligée reste proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Toutefois, ces conséquences ne sont que l’un des divers facteurs pertinents que peut prendre en compte le juge pour déterminer la peine appropriée.
  2.            La Cour d’appel du Québec dans Ibrahim[21] mentionne que, bien que les conséquences indirectes en matière d’immigration ne constituent ni un facteur aggravant ni un facteur atténuant, le juge devrait en tenir compte, et ce, en vertu des principes d’individualisation et de parité des peines[22].
  3.            En l’espèce, l’accusé est originaire d’Haïti et a le statut de résident permanent au Canada. Ainsi, une peine égale ou inférieure à 6 mois ou un emprisonnement avec sursis, peu importe la durée, lui permettrait d’invoquer un motif humanitaire au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[23] (LIPR), lui évitant ainsi d’être renvoyé du pays.
  4.            Effectivement, comme l’infraction de conduite avec une alcoolémie supérieure ayant causé des lésions corporelles (art. 320.14(2) C.cr.) est punissable d’un emprisonnement maximal « d’au moins dix ans » au sens de l’art. 36(1)a) LIPR, le résident permanent est interdit de territoire pour grande criminalité lorsqu’il est déclaré coupable, et ce, peu importe la peine reçue.
  5.            Le résident permanent ne peut interjeter appel de cette mesure de renvoi s’il reçoit une peine d’emprisonnement d’au moins 6 mois[24]. Par ailleurs, il est entendu que le terme « emprisonnement » à cet article ne vise pas les peines d’emprisonnement avec sursis[25].
  6.            Dit autrement, l’imposition d’une peine de moins de 6 mois d’incarcération ou une peine à être purgée dans la collectivité de 2 ans moins un jour permet au résident permanent d’interjeter appel de la mesure de renvoi, tel que résumé dans la décision Moses[26].

V.            ANALYSE

  1.            Le crime à sanctionner ici est objectivement et subjectivement grave. L’examen des circonstances liées à la perpétration de l’infraction suggère de faire supporter à M. François un niveau élevé de responsabilité pénale. La prise en compte de celles relatives à sa situation personnelle et familiale exerce au contraire une pression à la baisse sur le degré global de responsabilité pénale qu’il devra ultimement assumer.
  2.            L’application du principe fondamental de la proportionnalité et de son dérivé, l’individualisation de la peine, ne conditionne pas de façon déterminante la configuration de la peine à imposer. La peine pourra ainsi être davantage sévère, ou plus clémente, selon la direction vers laquelle la pondération des autres principes de détermination de la peine pointera.
  3.            Ces observations conduisent également à l’appréciation du principe de l’harmonisation des peines, ce principe requérant l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants ayant commis des infractions similaires dans des circonstances analogues.
  4.            L’application de ce principe au cas d’espèce mène tout naturellement à l’étude de la jurisprudence répertoriée en semblable matière, l’accent devant être mis sur les peines imposées alors que l’emprisonnement dans la collectivité constituait une peine possible.
  5.            Ainsi, se trouvent dans les décisions des tribunaux de première instance des précédents qui justifieraient tantôt l’imposition de la peine d’incarcération réclamée par le poursuivant, tantôt l’imposition de la peine d’emprisonnement dans la collectivité demandée par la défense.
  6.            Considérant que l’emprisonnement dans la collectivité n’était pas une peine disponible entre 2007 et 2022, les précédents soumis doivent, faut-il le rappeler, être évalués à la lumière de cet état de fait.
  7.            En l’espèce, les parties estiment que la fourchette sentencielle envisageable correspond au créneau intermédiaire de l’emprisonnement de moins de deux ans. C’est une analyse à laquelle le Tribunal souscrit entièrement. En effet, la gravité objective et subjective du crime à sanctionner, et l’accumulation de circonstances aggravantes liées à la perpétration de l’infraction, rendent inappropriées les simples mesures probatoires. L’importance des circonstances atténuantes liées à la situation du délinquant rendent tout aussi inopportune l’imposition d’une peine de pénitencier.
  8.            Ne reste dès lors qu’à apprécier si, d’une part, l’imposition d’une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité servirait adéquatement les objectifs et principes d’imposition de la peine et si, d’autre part, l’imposition d’une peine de cette nature ne serait pas susceptible de mettre en danger la sécurité du public, selon le double test enchâssé à l’article 742.1 du Code Criminel.
  9.            Notre Cour d’appel[27], il y a maintenant presque trois décennies, tenait les propos suivants :

Nul n’est besoin de citer ici les décisions dans lesquelles les cours dénoncent le fléau que constituent les infractions reliées à la conduite automobile. Le présent cas en est un exemple dramatique. Bien que le législateur n’ait pas exclu l’application de l’emprisonnement avec sursis pour les infractions reliées à la conduite automobile, j’estime qu’il faut, pour qu’un sursis soit accordé, que des conditions particulières soient réunies afin que les facteurs personnels compensent le grand besoin de dissuasion générale.

L’appelant n’a justement pas démontré qu’il réunissait ces conditions particulières. La juge de première instance a noté que l’appelant n’exprime ni remords ni empathie avec les victimes. De plus, le terrible accident n’a pas eu d’impact immédiat puisqu’il a, quelques mois après les faits qui lui sont reprochés, été accusé de conduite avec facultés affaiblies et sa culpabilité a été reconnue.

  1.            Il est troublant de réaliser à quel point ces constats, maintes fois repris par mes collègues de première instance, et par notre Cour d’appel, sont toujours d’actualité.
  2.            Il est intéressant de souligner qu’un dénominateur commun ressort de la lecture des jugements où une peine d’emprisonnement dans la collectivité a été octroyée. Dans la grande majorité des cas, il aura suffi qu’un facteur personnel significatif soit négatif pour faire obstacle à l’octroi du sursis[28].
  3.            Tantôt ce sera donc en raison d’antécédents judiciaires en semblable matière, d’une problématique de consommation excessive d’alcool non résolue, d’un rapport présentenciel défavorable ou mitigé, de l’absence de remords ou d’excuses sincères. Tantôt ce sera la coexistence avec d’autres infractions ou encore en raison d’une combinaison de ces facteurs, que le juge ne sera pas disposé à conclure à une constellation suffisante de « facteurs personnels » ayant une prévalence sur la dénonciation et la dissuasion générale et spécifique[29].
  4.            Ainsi, en matière de détermination de la peine, il n’y a pas d’automatisme. Chaque situation est un cas d’espèce, le juge appelé à configurer la peine devant en conséquence s’attarder avec minutie à tamiser chacune des circonstances pertinentes à la lumière des objectifs, principes et facteurs applicables.
  5.            Le principe de la modération commande quant à lui d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient.
  6.            Dans un cas comme celui-ci où le défendeur, père de famille ayant toujours été un actif pour la société, a eu un parcours personnel parsemé d’embûches, mais exempt d’incartades criminelles, et où le risque de récidive est faible, il s’agit certes d’une considération que le Tribunal appelé à infliger la peine doit soupeser.
  7.            En effet, la preuve révèle que la trajectoire de vie du délinquant n’a pas été de tout repos. Abandonné par son père dès son plus jeune âge, éduqué par une mère qui a usé de discipline physique à son endroit et étant l’aîné de la famille, des responsabilités d’adulte lui ont été dévolues très tôt. Qui plus est, sa mère est assassinée et il lui incombe d’aider ses frères à immigrer au Canada.
  8.            S’ajoutent par la suite les défis engendrés par son désir de fonder une famille et les difficultés supplémentaires occasionnées par les enjeux de santé de l’un de ses enfants. Ainsi, l’agente de probation chargée de la rédaction du rapport présentenciel s’exprime ainsi :

De l’histoire sociale du sujet, nous constatons que l’abandon paternel et les attentes maternelles semblent avoir exercé une certaine pression sur l’intimé depuis son enfance, ayant intégré l’altruisme aux dépens de sa propre personne. Malgré tout, le précité s’est intégré socialement et a su adhérer à un mode de vie prosocial pendant des années. Toutefois, l’accroissement de son endettement en lien avec les traitements de fertilités et les problèmes de santé de sa femme ont généré une pression énorme quant à son rôle de pourvoyeur. Afin de se détendre, il se tourne vers l’alcool lors de ses rares journées de congé. En raison de ce stress financier, il accepte un quart de travail malgré son état, manquant alors de jugement.

  1.            En dépit de l’erreur inexcusable de jugement dont il s’est rendu coupable, et dont la résultante consiste en une kyrielle de séquelles lourdes et handicapantes pour les victimes et leur famille, le Tribunal considère que ces caractéristiques personnelles doivent être prises en compte. Le délinquant, en voulant améliorer son sort, a assombri celui de deux « Anges gardiens ».
  2.            Il est paradoxal et d’une grande tristesse que, dans le malheur, les victimes et le délinquant, tous issus du même pays et partageant des préoccupations similaires, soient maintenant liés à jamais dans le drame.
  3.            Le poursuivant a beaucoup insisté sur le fait que, dans des cas comme celui-ci, la peine à imposer doit véhiculer un fort message de dénonciation et de dissuasion générale, de façon que la peine contribue aux objectifs sociétaux de lutte contre le fléau que constitue la conduite d’un véhicule automobile alors que les facultés du conducteur sont affaiblies.
  4.            Il suffira dès lors d’ajouter que la satisfaction de ces objectifs ne passe pas nécessairement par l’imposition d’une peine d’incarcération. En effet, une combinaison de mesures limitatives de liberté dans le cadre d’un emprisonnement avec sursis, de restrictions quant à l’utilisation future d’un véhicule automobile et d’obligations réparatrices à l’égard de la société par le biais de travaux communautaires peuvent aussi permettre de les réaliser.
  5.            Quant aux objectifs de dissuasion spécifique et de promotion de sa réinsertion sociale, le Tribunal considère qu’ils sont déjà atteints. La preuve révèle que le délinquant a appris de son passage devant les tribunaux et qu’il consacrera dorénavant son énergie à se rendre familialement, professionnellement et socialement utile. Il ne fait aucun doute qu’il continuera de constituer un actif pour la société. En pareil contexte, ces objectifs sentenciels ne sont pas suffisamment préoccupants pour que la configuration de la peine en soit tributaire.
  6.            Il en est de même de l’objectif d’isolation des délinquants. Dans la mesure où M. François doit être sanctionné pour un incident unique dans sa vie et où les risques de récidive sont faibles, il ne s’agit pas d’un dossier dans lequel le Tribunal doit être animé, au moment de l’imposition de la peine, par la nécessité de protéger la société contre sa délinquance.
  7.            Le même constat s’impose à l’égard de l’objectif sentenciel relatif à la conscientisation du délinquant. Tous conviennent en effet que le délinquant reconnaît le tort causé par son comportement aux deux victimes ainsi qu’à leur famille. Ses regrets, ses remords et ses excuses sincères sont autant d’indices fiables que cet objectif est lui aussi déjà atteint.
  8.            L’objectif visant à assurer la réparation des torts causés aux victimes et à la collectivité requiert quant à lui que des mesures réparatrices soient imposées afin que, considérée globalement, la peine puisse véhiculer aussi, et de façon adéquate, les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.
  9.            Or, en l’espèce, l’accomplissement de travaux communautaires constitue la mesure réparatrice la plus adaptée aux circonstances. L’ajout d’heures de « travail » en plus de celles reliées à un emploi à temps plein, et auxquelles s’ajoutent les tâches qui viennent avec la parentalité, fait que cette mesure supplémentaire n’est pas anodine et remplit son objectif.
  10.            L’article 742.1 du Code criminel exige du juge qui s’apprête à imposer une peine d’emprisonnement à purger dans la communauté qu’il se convainque « que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle-ci et est conforme à l’objectif et aux principes visés aux articles 718 à 718.2 ».
  11.            Le Tribunal est convaincu d’une part que M. François n’est pas à risque significatif de récidive et d’autre part, qu’il est en mesure de respecter les conditions que le Tribunal pourra lui imposer. La première condition d’ouverture à l’imposition d’une peine d’emprisonnement avec sursis est dès lors satisfaite.
  12.            Tout considéré, le Tribunal est également d’avis qu’une peine modelée comme celle que suggérait le juge en chef de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Proulx[30], sera conforme aux objectifs et aux principes d’imposition de la peine précédemment analysés.
  13.            Ainsi, de l’avis du Tribunal, le cas à l’étude est l’un de ces dossiers dans lesquels les facteurs personnels sont en nombre et en importance tels qu’ils doivent prévaloir sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion.
  14.            Ainsi, ultimement, l’imposition d’une peine de détention à purger dans la collectivité, assortie de mesures punitives comme une assignation à domicile, de mesures réparatrices comme des travaux communautaires, et de la sanction additionnelle que constitue une interdiction de conduire pendant une période significative, apparaît, en regard de l’ensemble des considérations pertinentes, la peine la plus susceptible de prendre adéquatement en compte les principes de la proportionnalité de la peine, de l’individualisation de la peine, de l’harmonisation des peines et de la modération dans l’infliction des peines.
  15.        À cela s’ajoute dans le cas du délinquant la conséquence indirecte que constitue la perte de son droit d’appel en cas d’imposition d’une peine d’emprisonnement à purger en institution carcérale. Les répercussions pour le délinquant d’un renvoi du pays se feraient d’autant plus sentir du fait qu’il est père de deux jeunes enfants, dont un ayant des défis de santé, et qui sont quant à eux citoyens canadiens.
  16.        Le Tribunal est conscient de l’ironie de la situation. D’un côté, la collision dont le délinquant est entièrement responsable a engendré pour les familles des victimes des conséquences reliées à leur statut d’immigrant venant en aide à leur famille toujours à l’étranger. De l’autre, le délinquant « bénéficie » d’une peine pouvant être vue comme moins lourde, notamment en raison de ce même statut d’immigration, dit précaire.
  17.        Cette situation peut effectivement paraître bien injuste à quiconque évalue la situation sans en connaître toutes les nuances. Pourtant, l’analyse à laquelle le Tribunal se livre, afin d’en arriver à une peine qui sied sur mesure au délinquant, implique de pondérer tous les facteurs, y incluant ceux qui peuvent sembler à première vue inéquitables.
  18.        Rien ne pourra ramener les plaignantes dans la situation plus enviable dans laquelle elles se trouvaient avant la collision. Incarcérer le délinquant ne leur redonnerait ni la santé pas plus que les deniers perdus.
  19.        Le Tribunal réitère les facteurs aggravants dont il a tenu compte dans le cadre de son analyse :

-          Il est l’unique responsable de la collision;

-          Les séquelles physiques, psychologiques et pécuniaires subies par les victimes sont importantes;

-          Les victimes sont au nombre de deux (art. 320.22 a) C.cr.);

-          Le délinquant était rémunéré pour la conduite en cause (art. 320.22 d) C.cr.).;

-          Son alcoolémie était de 120 mg/100 ml (art. 320.22 e) C.cr.);

  1.        Quant aux facteurs atténuants ou personnels favorisant un emprisonnement dans la communauté :

-          Il n’a aucun antécédent judiciaire;

-          Son dossier de conduite était vierge avant les événements;

-          Le plaidoyer de culpabilité;

-          Sa stabilité occupationnelle;

-          Le risque de récidive est qualifié de faible;

-          Il exprime des remords sincères;

-          Sa reconnaissance des torts causés aux victimes et leur famille;

-          Son abstinence depuis l’événement;

-          Il a le support de sa famille et de son entourage.

  1.        D’autres circonstances, qui ne constituent pas à proprement dit des facteurs aggravants ou atténuants, ont été prises en compte afin d’imposer une peine particularisée :

-          Conséquences collatérales sur le statut d’immigration du délinquant en cas de peine de 6 mois d’incarcération;

  1.        Dans l’arrêt Charbonneau[31], notre Cour d’appel réitère que ce serait une erreur que de conclure que seule l’incarcération dans un milieu carcéral permet d’atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, la sévérité n’étant pas l’apanage de l’emprisonnement. S’il est vrai que l’incarcération dans un milieu carcéral produit habituellement un effet dénonciateur plus grand que l’emprisonnement avec sursis, cette dernière mesure sentencielle peut toutefois avoir un effet dénonciateur appréciable lorsqu’elle est assortie de conditions rigoureuses et que sa durée d’application est plus longue que la peine qui aurait ordinairement été infligée.
  2.        Il ne faut pas sous-estimer les stigmates d’une ordonnance d’emprisonnement avec sursis assortie de la détention à domicile. Le fait que le délinquant vive dans la collectivité sous des conditions strictes et que ses voisins, et les membres de sa communauté religieuse, soient bien au fait de son comportement criminel peut, dans bien des cas, produire un effet dénonciateur suffisant.
  3.        Il faut réitérer qu’une peine d’emprisonnement dans la collectivité est une peine privative de liberté[32]. Toute contravention aux conditions de l’ordonnance a un potentiel élevé de transformer l’emprisonnement dans la collectivité en incarcération dans un centre de détention.
  4.        Une peine d’emprisonnement avec sursis est une véritable peine d’incarcération et elle peut être aussi sévère, voire plus sévère que l’emprisonnement. Elle ne donne notamment pas ouverture, contrairement à la peine d’emprisonnement ferme, à une réduction de peine par voie de libération conditionnelle[33].
  5.        En l’espèce, il est difficile de voir comment l’incarcération dans une prison qui forcément, engendrerait le risque que le délinquant perde ses acquis et doive quitter de manière définitive le pays, serait d’une quelconque utilité pour lui, ses enfants et pour la société en général.
  6.        En ce qui concerne l’interdiction de conduire à imposer au délinquant, les parties proposent une interdiction d’une durée de 2 à 3 ans. Cette période d’interdiction doit tenir compte du moment à partir duquel le permis du délinquant a, dans les faits, été suspendu[34].
  7.        Ainsi, il est interdit au délinquant de conduire tout véhicule à moteur depuis le 18 juin 2024, date de l’enregistrement de son plaidoyer de culpabilité. Au moment de l’imposition de la présente peine, le délinquant aura donc environ 8 mois d’interdit de conduire à son actif.
  8.        Considérant le facteur aggravant que constitue le fait que le délinquant était rémunéré au moment de la conduite à l’origine de la collision, le Tribunal considère qu’une période supplémentaire de 30 mois est de mise.
  9.        La durée totale pendant laquelle le délinquant aura ainsi été interdit de conduite est donc de 38 mois. Cela est certes légèrement plus élevé que ce qui est proposé par les parties mais constitue, aux yeux du Tribunal, une garantie supplémentaire à l’égard de la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive[35].
  10.        Cette interdiction de conduire d’une durée de 30 mois débutera ce jour et tient compte de la période d’emprisonnement avec sursis[36].

VI.            CONCLUSION

  1.        Le Tribunal considère, après avoir tenu compte de toutes les circonstances, que les critères de l’emprisonnement dans la collectivité sont satisfaits, et qu’avec des conditions très strictes et réparatrices, les critères de dissuasion et de dénonciation sont, dans le cas particulier du délinquant, remplis.
  2.        Il est difficile de concevoir comment les infractions de conduite impliquant une alcoolémie dépassant la limite surviennent encore, et pas seulement de manière anecdotique. Conduire est un privilège. Les citoyens circulant sur les routes sont en droit de s’attendre à ce que leur vie ne bascule pas abruptement, sous prétexte que quelqu’un aura eu la mauvaise idée d’utiliser son privilège de conducteur à mauvais escient.
  3.        Le Tribunal tient à souligner le courage et la résilience des victimes et de la fille de Mme Vital. Leur vie a dramatiquement changé depuis le drame et le Tribunal est pleinement conscient, et réitère, que rien ne pourra leur ramener leur ancienne vie ni les compenser pour les énormes pertes encourues.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE le délinquant à purger une peine de 2 ans moins 1 jour d’emprisonnement avec sursis aux conditions obligatoires et facultatives suivantes :

Conditions obligatoires

Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;

Répondre aux convocations du Tribunal;

Se présenter à l’agent de surveillance d’ici le 19 février 2025, 16 h 30 et, par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de surveillance.

Rester dans la province de Québec, sauf permission écrite d’en sortir donnée par le Tribunal ou par l’agent de surveillance;

Prévenir sans délai l’agent de surveillance de ses changements d’adresse ou de nom et l’aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;

Conditions facultatives

Ne pas communiquer, directement ou indirectement, avec Elcoinize Vital et Florence René-Pierre et avec les membres de leur famille immédiate;

Ne pas conduire un véhicule à moteur;

Être présent à sa résidence en tout temps (24h/24) pour les 12 premiers mois de l’ordonnance de sursis, le tout, sujet aux exceptions suivantes :

   Pour rencontrer son agent de surveillance à la suite d’un rendez-vous préétabli.

   Pour se présenter à la cour à titre de témoin ou de partie à un litige.

   Pour répondre à une convocation de la cour dans le présent dossier.

   Pour traitement médical pour lui-même ou pour un membre de sa famille immédiate.

   Pour l’achat de nourriture ou de biens ou de services nécessaires pour lui-même ou un membre de sa famille immédiate pendant une période d’au plus 4 heures, 1 fois par semaine, le dimanche entre 12h00 et 16h00 ou, sur une permission écrite, pendant toute la période jugée raisonnable par son agent de surveillance.

   Pour exécuter le service communautaire imposé par la présente ordonnance, suivant les modalités fixées par l’agent de surveillance.

   Pour occuper un travail légitime et rémunéré tel qu’approuvé par écrit par votre agent de surveillance.

   Pour fin de rencontres avec toute personne (tels enfants, parents, thérapeutes, réunions AA ou NA, service communautaire, etc.) en autant que l’agent de surveillance en aura approuvé d’avance et par écrit la nature, le lieu, le moment et la durée.

   Pour tout motif sérieux et/ou urgent suivant une autorisation écrite préalable de l’agent de surveillance.

Être présent à sa résidence, entre 22h00 et 05h00, pour la période restante de l’ordonnance de sursis, le tout, sujet aux exceptions suivantes :

   Pour traitement médical pour lui-même ou pour un membre de sa famille immédiate.

   Pour occuper un travail légitime et rémunéré tel qu’approuvé par écrit par votre agent de surveillance.

   Pour tout motif sérieux et/ou urgent suivant une autorisation écrite préalable de l’agent de surveillance.

Répondre à tous les appels téléphoniques provenant de l’agent de surveillance durant les périodes de couvre-feu ou d’assignation à résidence et prendre les dispositions nécessaires pour être en mesure de le faire;

Ne pas utiliser la ligne téléphonique pour converser ou pour l’utilisation de l’internet plus de 15 minutes consécutives;

Maintenir une ligne téléphonique terrestre et répondre à tous les appels de son agent de surveillance;

Ne pas être abonné à un service de transfert d’appels;

Faciliter l’accès à sa résidence par l’agent de surveillance;

Suivre toute directive écrite de l’agent de surveillance relative à l’application des conditions de l’ordonnance d’emprisonnement avec sursis;

Suivre les directives d’un agent de surveillance concernant toute thérapie recommandée;

Effectuer 120 heures de service communautaire dans un délai de 18 mois, à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

ORDONNE que le délinquant se conforme aux conditions prévues à une ordonnance de probation d’une durée de 1 an, avec suivi, et ce, à compter de la fin de la période d’emprisonnement avec sursis, à savoir :

Conditions obligatoires

Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;

Répondre aux convocations du Tribunal;

Prévenir le Tribunal ou l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;

 

Conditions facultatives

Ne pas communiquer, directement ou indirectement, avec Elcoinize Vital et Florence René-Pierre et avec les membres de leur famille immédiate;

Se présenter à un agent de probation dans les 7 jours ouvrables suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de probation et par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de probation;

Suivre les directives d’un agent de probation ou tout autre intervenant désigné par celui-ci concernant tout suivi thérapeutique considéré approprié.

INTERDIT au délinquant de conduire un véhicule à moteur pour une durée de 30 mois à compter de ce jour.

 

 

 

 

 

__________________________________

NADIA BÉRUBÉ, J.C.Q.

 

 

 

Me Sylvie Dulude

Directeur des poursuites criminelles et pénales

Procureure du poursuivant

 

Me Eric-Pierre Fugère

Avocat du défendeur

 

Dates d’audience :

18 juin 2024 et 2 octobre 2024

 

 

 

 

 


ANNEXE A

 

Autorités soumises par les parties

Décisions

Passages cités

R. c. Proulx, 2000 CSC 5

Par. 129-130

R. c. Sasseville, 2004 QCCQ 7102

Par. 68, 70-71

R. c. Perreault, 2008 QCCQ 3736

Par. 42, 51, 53 et 57

Ferland c. R., 2009 QCCA 1168

Par. 31, 41, 45, 47 et 49

Brutus c. R., 2009 QCCA 1382

Par. 18

R. c. Côté, 2010 QCCQ 5990

Par. 36-37

R. c. Mehmedovic, 2010 QCCQ 13255

Par. 24

Paré c. R., 2011 QCCA 2047

Par. 45, 58 et 61

R. c. Beaulieu, 2012 QCCQ 780

Par. 28, 29 et 36

R. c. Elston, 2012 QCCQ 5668

Par. 40 et 41

Silbande c. R., 2014 QCCA 1952

Par. 22 à 24

R. c. Hamel, 2015 QCCQ 5099

Par. 49 et 91

R. c. Lacasse, 2015 CSC 64

Par. 5 à 8, 64 à 66, 73-74, 78 et 95-96

Lemaire, c. R., 2016 QCCA 665

Par. 5 et 8

R. c. Mitchell, 2016 ONCJ 731

Par. 17-18, 46-47, 50 et 87

R. c. Martel-Poliquin, 2018 QCCQ 552

Par. 54-55, 70, 85-86, 88-89 et 90

Dubourg c. R., 2018 QCCA 1999

Par. 45 et 47

R. c. Maheu, 2019 QCCQ 6115

Par. 47 et 48

R. v. Skardiute, 2023 ONCJ 10

Par. 23 à 25, 29, 31, 33, 35, 37 à 40

 


ANNEXE B

 

Décisions supplémentaires considérées

 

Décisions

Faits

Peine imposée

Ekouma Gami c. R.,

2024 QCCA 438

Dans une zone de travaux routiers, le véhicule de l’accusé emboutit celui de la victime sur l’autoroute alors qu’il circule à haute vitesse.

Conséquences indirectes en matière d’immigration.

8 mois d’emprisonnement

R. c. Johnson,

2024 QCCQ 4560

 

Collision frontale entre le véhicule de la victime et celui de l’accusé, circulant en sens inverse.

14 mois d’emprisonnement

R. c. Barrette,

2023 QCCQ 8085

Collision entre le véhicule de la victime et celui de l’accusée, circulant en sens inverse sur l’autoroute.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (170 mg/100 ml).

8 mois d’emprisonnement

R. v. Franco,

2024 ONSC 2444

Collision frontale causant des blessures graves à son passager et au passager de l’autre voiture.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml.

6 mois d’emprisonnement

R. v. Parker,

2024 NSPC 10

En intégrant l’autoroute à deux voies, la voiture de l’accusée circule dans la voie inverse, frappant un autre véhicule.

7 blessés.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (148 mg/100 ml).

2 ans d’emprisonnement pour l’une des victimes

 

1 an d’emprisonnement pour les 6 autres

R. v. Wensley,

[2024] O.J. No. 3295

L’accusé rentre chez lui après avoir passé l’après-midi à la plage avec des amis et percute une camionnette en sens inverse.

6 blessés.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml.

18 mois d’emprisonnement

R. v. Wichart,

2022 MBPC 58

Célébrant ses 21 ans, l’accusée consomme de l’alcool chez une amie. Son véhicule percute un arbre, causant d’importants dommages. Son copain est gravement blessé.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (150 mg/100 ml).

1 an d’emprisonnement

R. c. De Melo,

2006 QCCQ 811

L’accusée est sans antécédent, a un bon profil. RPS favorable et éprouve des remords.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (140 mg/100 ml).

Une des victimes a deux chevilles cassées, des traitements pendant 1 an et doit marcher avec une canne.

L’autre victime a un bras cassé.

24 mois – 1 jour

de sursis

R. c. Paquette,

2007 QCCQ 922

L’accusée cause un accident en faisant une manœuvre de dépassement, heurtant alors une motocyclette arrivant en sens inverse.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (219 mg/100 ml).

L’accusée est sans antécédent, un emploi et deux enfants à charge. Exprime des remords. RPS favorable.

Une des victimes est polytraumatisée, plusieurs fractures importantes. Encore en réhabilitation.

21 mois de sursis

R. c. Morency,

2010 QCCQ 1520

L’accusée est âgée de 63 ans.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (130 mg/100 ml).

La victime est la petite fille de l’accusée, alors âgée de 10 ans.

Elle subit un traumatisme crânien, mais n’en garde aucune séquelle.

L’accusé a un bon profil, exprime des remords et n’a pas d’antécédent.

18 mois de sursis

R. c. Perreault,

2008 QCCQ 3736

L’accusé frappe plusieurs voitures avant de heurter un piéton.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml.  (138 et 148 mg/100 ml).

La victime subit des blessures importantes. En fauteuil roulant pendant 14 semaines.

L’accusé est sans antécédent. RPS positif et exprime des remords.

18 mois de sursis

R. c. Tanguay,

2010 QCCQ 8682

L’accusée se fait arrêter deux fois en moins de deux mois.

Lors des deux incidents, elle est intoxiquée aux médicaments et un enfant se trouve dans son véhicule.

Lors du deuxième incident, elle frappe la victime qui circulait à moto.

La victime subit plusieurs fractures. Une opération à venir.

L’accusée est un actif pour la société et exprime des remords.

22 mois de sursis

R. v. Lipinski,

2024 ONCJ 361

Le Tribunal permet au requérant de sortir de son domicile pour aller à l’école ou au travail à la suite d’une demande en modification des conditions.

2 ans – 1 jour

de sursis

R. v. Okimaw,

2024 ONSC 3346

L’accusé est âgé de 19 ans.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (170 mg/100 ml).

La victime subit de graves blessures. Dans le coma pendant des semaines et 4 mois à l’hôpital.

L’accusé maintient sa sobriété depuis et exprime des remords.

21 mois de sursis

R. v. Mills,

2024 SKPC 11

L’accusée devait être la conductrice désignée lors d’une soirée à un bar, mais elle boit à un point tel qu’elle perd connaissance et n’a aucun souvenir de l’accident.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml.  (230 mg/100ml).

L’accusée percute un méridien sur la route et cause des lésions corporelles à l’une des passagères.

L’accusée a 60 ans et a deux enfants.

La victime souffre encore des séquelles de sa commotion cérébrale, notamment étourdissements et maux de tête.

18 mois de sursis

R. v. Ferguson-Kellum, 2023 ONCJ 119

L’accusé est âgé de 21 ans.

Il conduit de manière dangereuse à très grande vitesse.

L’accident cause plusieurs lésions corporelles à la victime. Lors de son témoignage sur sentence, elle doit toujours avoir un sac de colostomie.

L’accusé est sans antécédent, mais après cet incident, a de nouveau conduit en état d’ébriété et plaide coupable.

RPS rapporte qu’il a différents troubles de santé mentale.

21 mois de sursis

R. c. Williams,

2023 QCCQ 6211

L’accusée est âgée de 24 ans.

L’accusée conduit le véhicule de la victime à leur retour d’un bar et percute un muret. Le véhicule est lourdement accidenté.

La victime a des séquelles émotives, cognitives, physiques et économiques.

18 mois de sursis

R. v. Sharma,

2022 BCPC 333

Le véhicule de l’accusé entre en collision frontale avec un autre véhicule.

Taux supérieur à 120 mg/100 ml (215 mg/100 ml).

Aucun antécédent, plaidoyer de culpabilité, emploi temps plein, soutien de sa famille.

La passagère mineure subit plusieurs fractures. L’une nécessite une amputation au niveau de la jointure du majeur.

Conséquences indirectes en matière d’immigration.

9 mois de sursis

R. v. Burns,

2020 NSPC 48

Le véhicule de l’accusée traverse la ligne médiane et entre en collision avec un véhicule venant en sens inverse.

L’un des occupants subit des blessures nécessitant de la physiothérapie et une fracture au sternum pour l’autre.

Le taux était de 100 mg/100 ml.

12 mois de sursis

R. c. Bourcier,

2012 QCCQ 1676

En compagnie de sa meilleure amie comme passagère, l’accusée brûle un feu de route et entre en collision avec un autre véhicule.

Son amie subit une fracture à un pied et une légère commotion cérébrale.

L’accusée est âgée de 22 ans.

18 mois de sursis

 

 


[1]  Code criminel, art. 718.1.

[3]  Harbour c. R., 2017 QCCA 204, par. 84.

[4]  R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, par. 37; R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, par. 40; R. c. Houle, 2023 QCCA 99, par. 33.

[5]  Code criminel, art. 718.2 a) et 718.2 b).

[6]  St-Cyr c. R., 2018 QCCA 768, par. 46.

[7]  Code criminel, art. 718.2 d).

[8]  St-Cyr c. R., 2018 QCCA 768, par. 44.

[9]  R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, par. 43 et 44.

[10]  R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6.

[12]  R. v. Arcand, 2010 ABCA 363, par. 58 citée dans l’opinion dissidente du juge Gascon dans; R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, par. 130.

[13]  Denis-Damée c. R., 2018 QCCA 1251, par. 60.

[14]  Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 2022, c. 15, art. 14.

[15]  Lemieux c. R., 2023 QCCA 480.

[16]  Id., par. 106-109.

[17]  Lemaire c. R., 2016 QCCA 665, par. 8; Lacelle Belec c. R., 2019 QCCA 711, par. 95.

[18]  R. c. Parranto, 2021 CSC 46, par. 36-37.

[19]  R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, par. 44.

[20]  R. c. Pham, 2013 CSC 15, par. 13-14.

[21]  Ibrahim c. R., 2018 QCCA 1205, par. 29.

[22]  Zamiara c. R., 2020 QCCA 841; Diawara c. R., 2021 QCCA 1487; Plachta c. R., 2022 QCCA 436; Pierre c. R., 2023 QCCA 84; Ekouma Gami c. R., 2024 QCCA 438, par. 8; Almoawi Eljamal c. R., 2024 QCCA 1463.

[23]  L.C. 2001, c. 27.

[24]  LIPR, art. 64.

[25]  Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, par. 34.

[26]  R. v. Moses, 2022 ONSC 332.

[27]  R. c. Paré, 1998 CanLII 12617, page 87.

[28]  R. c. Paquette, 2007 QCCQ 922, par 74.

[29]  R. c. Paquette, 2007 QCCQ 922, par. 74.

[30]  R. c. Proulx, 2000 CSC 5.

[31]  Charbonneau c. R., 2016 QCCA 1567, par. 16 à 17.

[32]  Joly c. R., 2024 QCCA 1151, par. 124.

[33]  R. c. Delisle, 2024 QCCA 1358, par. 3; R. c. Proulx, 2000 CSC 5.

[34]  R. c. Basque, 2023 CSC 18.

[35]  R. c. Proulx, 2000 CSC 5, par. 69.

[36]  R. c. Pépin, 2023 QCCA 1455, par. 6-7.

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