Décision

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Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Procureur général du Québec

2024 QCCA 1106

 

COUR D’APPEL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-029779-212

(500-17-104725-182)

 

DATE :

29 août 2024

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

FRATERNITÉ DES POLICIERS ET POLICIÈRES DE MONTRÉAL

FÉDÉRATION DES POLICIERS ET POLICIÈRES MUNICIPAUX DU QUÉBEC

SYNDICAT DES POMPIERS ET POMPIÈRES DU QUÉBEC

APPELANTS / INTIMÉS INCIDENTS – demandeurs

c.

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

INTIMÉ / APPELANT INCIDENT – défendeur

et

 

MARTIN COITEUX, en sa qualité de ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire

INTIMÉ / APPELANT INCIDENT – mis en cause

et

 

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC

MIS EN CAUSE – intervenants

 

 

ARRÊT

 

[1]                Les parties se pourvoient contre un jugement rendu le 5 octobre 2021, rectifié le 18 octobre 2021, par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Lukasz Granosik), qui, pour l’essentiel, accueille en partie la demande de pourvoi en contrôle judiciaire des appelants / intimés incidents, déclare inconstitutionnels les articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal et suspend cette déclaration d’invalidité pour une période de 12 mois.

[2]                Pour les motifs de la juge Gagné, auxquels souscrit le juge Mainville, LA COUR :

[3]                REJETTE l’appel;

[4]                REJETTE l’appel incident, sauf en ce qui concerne la période de suspension contenue au paragraphe [162] du jugement de la Cour supérieure;

[5]                SUSPEND la déclaration d’invalidité des articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal pour une période de six mois à compter de la date du présent arrêt;

[6]                LE TOUT, sans frais de justice;

[7]                Pour d’autres motifs, le juge Rancourt aurait accueilli l’appel incident, infirmé le jugement de la Cour supérieure et rejeté la demande de pourvoi en contrôle judiciaire des appelants / intimés incidents, avec les frais de justice.

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

Me Laurent Roy

Me Yves Morin

ROY BÉLANGER AVOCATS

Pour les appelants / intimés incidents

 

Me Louis Bernier

Me Sébastien Gobeil

Me Christelle Leblanc

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

Pour les intimés / appelants incidents

 

Me Julie Girard-Lemay

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

Pour le mis en cause Syndicat canadien de la fonction publique

 

Me Bernard Jacob

Me Nicolas Déplanche

MORENCY, SOCIÉTÉ D’AVOCATS

Pour la mise en cause Union des municipalités du Québec

 

Dates d’audience :

 24-25 novembre 2022


 

 

 

MOTIFS DE LA JUGE GAGNÉ

 

 

[8]                Les présents pourvois portent sur la validité constitutionnelle de plusieurs dispositions de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal[1]  Loi 24 »). Cette loi, qui est en vigueur depuis le 2 novembre 2016, modifie le processus de détermination des conditions de travail des salariés du secteur municipal, notamment par la création du conseil de règlement des différends (« CRD »).

[9]                Le jugement de la Cour supérieure déclare inconstitutionnelles les dispositions qui touchent le processus de nomination des membres du CRD et les décisions de ce dernier à l’endroit des policiers et des pompiers (le bloc des articles 10, 11, 12, 25 et 26) et suspend cette déclaration pour une période de 12 mois[2]. Le juge est d’avis que ces dispositions restreignent la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés[3] et posent des limites qui ne sont ni raisonnables ni justifiées dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[10]           La Fraternité des policiers et policières de Montréal, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec et le Syndicat des pompiers et pompières du Québec (les « Associations »), qui regroupent près de 13 500 membres, font appel du jugement. Elles demandent à la Cour de déclarer inconstitutionnels l’ensemble du mécanisme de règlement des différends applicable aux policiers et aux pompiers (la section III du chapitre II), la disposition qui établit à au moins cinq ans la durée d’une convention collective (article 50) et certaines dispositions modificatives, transitoires et finales.

[11]           Le procureur général du Québec (« PGQ ») et le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (« Ministre ») forment un appel incident. Ils demandent à la Cour de déclarer valides sur le plan constitutionnel les articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi 24.

[12]           Enfin, le Syndicat canadien de la fonction publique (« SCFP ») et l’Union des municipalités du Québec (« UMQ »), intervenants en première instance, appuient respectivement l’appel et l’appel incident[4].

[13]           L’instruction de la demande de pourvoi en contrôle judiciaire a duré 11 jours, au cours desquels les parties ont administré une preuve testimoniale et documentaire d’envergure. En appel, les annexes des mémoires comptent près de 9 000 pages.

[14]           Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel et l’appel incident, tout en suspendant la déclaration d’invalidité des articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi 24 pour une période de six mois à compter de la date de l’arrêt de la Cour.

I.                    Contexte entourant l’adoption de la Loi 24

[15]           L’interdiction de la grève pour les policiers et les pompiers municipaux du Québec existe depuis 1944. Les préoccupations concernant le mécanisme de règlement des différends qui leur est applicable en remplacement de la grève ne datent pas d’hier.

[16]           Pas moins de six groupes de travail ou commissions se sont penchés sur cette question entre 1980 et 1995[5]. Le Groupe de travail sur l’arbitrage de différend chez les policiers et pompiers municipaux, présidé par M. Jean-Roch Boivin (« Comité Boivin »), n’a pas voulu proposer une réforme en profondeur. Selon lui, le système fonctionnait « de manière relativement satisfaisante », malgré certains travers que le législateur avait jugés mineurs en comparaison des effets du libre exercice des moyens de pression traditionnels[6].

[17]           Le Comité Boivin a néanmoins suggéré des modifications au mécanisme qui existait à l’époque, notamment quant à la médiation, au mode et aux critères d’arbitrage. Ces modifications, considérées comme « souhaitables à court terme », ont donné lieu aux recommandations suivantes adressées à la ministre de l’Emploi :

  • Rétablir le caractère volontaire de la médiation;
  • Permettre aux parties d’opter entre l’arbitrage classique et la « médiationarbitrage, où le médiateur et l’arbitre ne font qu’un, choisissant le moment opportun pour se transformer en décideur »;
  • « [R]econnaître le droit des parties, quelle que soit la formule d’arbitrage, de s’entendre sur le choix de l’arbitre », à partir de la liste particulière prévue à l’article 99 du Code du travail;
  • Rendre obligatoires les critères de l’équité interne et de l’équité externe énoncés à l’article 99.5 du Code du travail[7] et ajouter un critère consistant à « devoir considérer la situation et les perspectives salariales et économiques du Québec »[8].

[18]           Par ailleurs, le Comité Boivin a refusé de proposer l’inscription dans la loi d’un critère lié aux conditions économiques locales (critère qui figure désormais à l’article 17 de la Loi 24). Il était d’avis que le critère de l’équité interne – la prise en compte des conditions de travail applicables aux autres salariés de la municipalité concernée – tenait déjà compte de la capacité de payer de la ville. De plus, il ne pouvait accepter « qu’en matière de sécurité publique, le niveau de salaire ou les conditions de travail des fournisseurs de service soit dicté, du moins principalement, par la richesse de la municipalité »[9].

[19]           Le législateur a donné suite aux recommandations du Comité Boivin par l’adoption, en 1996, de la Loi modifiant le Code du travail[10] Loi de 1996 »). Les critères de l’article 99.5, incluant celui de la situation et des perspectives salariales et économiques du Québec, sont ainsi devenus obligatoires[11].

[20]           Trois ans plus tard, le ministère du Travail en est venu à la conclusion que ces critères avaient permis d’atteindre les objectifs de la Loi de 1996. À ce sujet, il est utile de citer un extrait de son rapport fait au gouvernement en juin 1999 :

L’article 99.5 est au cœur de ces amendements. Il énumère les critères décisionnels obligatoires dont tout arbitre affecté à un dossier concernant des policiers et des pompiers municipaux doit dorénavant tenir compte.

Les critères décisionnels qui y sont prévus visent deux grands objectifs : responsabiliser les parties en favorisant la négociation de convention collective et rétablir la crédibilité de larbitrage chez les policiers et les pompiers municipaux. Deux indicateurs principaux devraient, en principe, nous permettre de mesurer latteinte de ces objectifs. On devrait assister à une baisse du nombre de demandes darbitrage ou, alternativement, à une augmentation du nombre de règlements intervenus dans les dossiers soumis à larbitrage. On devrait ensuite constater un ralentissement dans la progression des salaires, octroyée par les sentences arbitrales, en comparaison des résultats obtenus jadis par la négociation directe et, du même souffle, un meilleur arrimage entre lévolution de la situation économique en général et celle de la rémunération des policiers et des pompiers municipaux.

Les données dont nous disposons portent à conclure que les objectifs de 1996 ont été atteints. En effet, bien que le pourcentage des dossiers réglés par la négociation directe soit demeuré sensiblement le même (88,4 % contre 85 % selon les données colligées par le Groupe Boivin), on note tout de même que, des 63 dossiers déférés à larbitrage après le 20 juin 1996, 38 se sont réglés par la négociation directe et 6 par des sentences arbitrales, alors que 19 étaient en cours en mai 1999. Ces données, à elles seules, confirmeraient une tendance nouvelle vers une ferme volonté de réaliser les objectifs de la loi de 1996.

De plus, on note un ralentissement marqué de la tendance à laugmentation, jadis rapide, du salaire des policiers municipaux. Au cours de la période 1990-1995, la croissance annuelle moyenne du salaire des policiers était de 3,2 % lors de négociation directe et de 3,3 % en arbitrage, alors que les autres employés municipaux recevaient 2,2 % en moyenne et les salariés du secteur privé, 2,5 %. Au cours de la période 1996-1998, les policiers ont obtenu 2,2 % grâce à la négociation et 1,4 % en arbitrage, soit, dans ce dernier cas, le même niveau daugmentation que celui gagné par les autres employés municipaux en négociation; les employés du secteur privé obtenaient, pour leur part, 2,2 % daugmentation salariale (voir le tableau 9). Larbitrage des différends a donc donné des résultats proches des taux dinflation et parfois même en deçà de ces taux, en plus daboutir pour les policiers à un niveau daugmentation de salaires sensiblement inférieur à celui obtenu par la négociation, une norme à laquelle on nétait pas habitué dans le passé (voir le tableau 5).

[…]

En conclusion, nous pouvons avancer que les divers éléments analysés ici nous portent à croire que les objectifs visés par les amendements apportés au Code du travail par le chapitre 30 des lois de 1996 ont été atteints ou sont en voie de lêtre.[12]

[21]           Les modifications édictées par la Loi de 1996 sont demeurées en vigueur jusqu’à l’adoption de la Loi 24.

[22]           Entre-temps, le ministère du Travail et le ministère de la Sécurité publique ont mis sur pied un comité composé de représentants syndicaux et patronaux des milieux policier et pompier (« Comité Thérien-Morency »). Ce comité s’est réuni à sept reprises entre mai 2012 et septembre 2013 dans le but de « trouver ensemble des pistes de solution »[13].

[23]           Plusieurs consensus ont émergé des travaux du Comité Thérien-Morency, notamment quant à la durée d’une sentence arbitrale de différends. En effet, les représentants patronaux, qui avaient exprimé une préférence pour une durée plus longue, se sont finalement ralliés à la proposition d’une durée maximale de 36 mois à partir de la date d’échéance de la dernière convention collective[14].

[24]           Quant aux frais d’arbitrage, les membres ont accepté à l’unanimité la proposition suivante :

Proposition du MTRAV :

Sous réserve de l’approbation du ministre du Travail, le MTRAV demande l’avis du comité sur la solution suivante :

      Les honoraires des arbitres de différends seraient payés entièrement par le MTRAV, à un montant qui reste à déterminer, mais qui pourrait être à 85 % ou à 90 % de leurs tarifs horaires (selon la grille publiée par le MTRAV). Cependant, les parties patronales et syndicales payeraient 50 % syndicat et 50 % employeur pour les journées de rencontre annulées par l’une ou l’autre des parties.[15]

[Soulignement dans l’original]

[25]           Notons tout de suite que les consensus dégagés par le Comité Thérien-Morency n’ont pas été repris dans le projet de loi no 110 qui a mené à la Loi 24.

[26]           Le 29 septembre 2015, le gouvernement du Québec et les municipalités ont conclu un nouvel accord de partenariat pour la période de 2016 à 2019[16]. Par cet accord, le gouvernement souhaitait « renforcer le soutien qu’il accorde aux municipalités pour leur permettre d’assurer, dans une perspective d’autonomie accrue et avec efficience, des services de qualité aux citoyens […] »[17]. À cette fin, il s’est engagé à réviser le cadre des relations du travail, notamment le processus de négociation collective et le processus d’arbitrage de différends pour les policiers et les pompiers, et à présenter des modifications législatives à ce sujet à la session du printemps 2016.

[27]           Le gouvernement a tenu parole. Le 10 juin 2016, le Ministre a déposé le projet de loi no 110 à l’Assemblée nationale[18]. L’UMQ n’a pas tardé à exprimer sa gratitude envers le Ministre. Un communiqué publié le même jour mentionne ceci :

« C’est une réforme majeure attendue depuis des décennies. Une réforme citoyenne qui reconnaît les municipalités comme des gouvernements de proximité en rééquilibrant le rapport de force dans le cadre des négociations des conventions collectives de leurs employés. Ce projet de loi est important et structurant pour l’avenir, car il est adapté à la réalité du 21e siècle. Le nouveau régime d’arbitrage pour les policiers et pompiers et de médiation pour les autres employés proposé par le ministre nous permettra d’atteindre notre objectif de respecter la capacité de payer des contribuables. C’est ce qui est le plus important et je remercie le ministre Coiteux d’avoir livré cet engagement pris envers le monde municipal par son gouvernement », a déclaré le président de l’UMQ et maire de Sherbrooke, monsieur Bernard Sévigny.[19]

[Italiques dans l’original]

Ce communiqué fait aussi un lien direct entre le projet de loi no 110 et la rémunération des employés municipaux :

Rémunération des employés municipaux

En novembre 2015, une enquête de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) révélait qu’en moyenne, les employés municipaux touchaient une rémunération annuelle globale de 39,5 % plus élevée par rapport à un emploi similaire dans la fonction publique provinciale. Ceci représente un écart moyen de plus de 20 000 $ par année. Cet écart favorable aux salariés municipaux n’a cessé de croître au cours des 15 dernières années, alors qu’il était de 24,3 % en novembre 2000. Le faible rapport de force des municipalités dans la négociation des conventions collectives, auquel s’ajoute un mode d’arbitrage pour les policiers et pompiers, résulte la plupart du temps en une spirale vers le haut des conditions de travail.[20]

[Caractères gras dans l’original]

[28]           Lors des consultations particulières qui ont eu lieu devant la Commission de l’aménagement du territoire en août 2016, le Ministre s’est toutefois défendu de poursuivre un objectif de réduction des conditions de travail dans le secteur municipal :

M. Coiteux :

[…] Ce n’est absolument pas ça qui est l’objectif du projet de loi no 110. L’objectif du projet de loi no 110, c’est de reconnaître que, dans le secteur municipal, on a affaire à une négociation entre une forme de gouvernement puis des syndicats qui représentent les employés de la municipalité, qui représentent leurs membres.[21]

[Caractères gras dans l’original]

[29]           Enfin, dans leur mémoire au soutien de l’appel principal, les Associations proposent d’examiner la Loi 24 dans le contexte législatif qui existait au moment de son adoption. Elles font observer qu’en l’espace de moins de trois ans, l’Assemblée nationale a légiféré à trois reprises en matière de relations du travail dans le secteur municipal. Elle a d’abord adopté la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal Loi 15 »)[22] en décembre 2014, puis la Loi 24 en novembre 2016 enfin, la Loi obligeant le port de l’uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions et sur l’exclusivité de fonction des policiers occupant un poste d’encadrement Loi 20 »)[23] en octobre 2017. Selon les Associations, ce triptyque s’inscrit « dans le cadre d’un “processus de contraintes répétées et successives, qui, par leur accumulation” minent “la capacité des employés de se regrouper et de faire valoir collectivement leurs intérêts” »[24].

II.                  Contenu de la Loi 24

[30]           Comme mentionné d’entrée de jeu, la Loi 24 modifie le processus de détermination des conditions de travail des salariés du secteur municipal[25]. Elle met en place deux nouveaux régimes de négociation collective, le premier applicable aux policiers et aux pompiers, et le second, aux autres salariés municipaux.

[31]           L’objet de la loi et les principes directeurs sont énoncés à l’article 1 :

1.  La présente loi vise à assurer, dans le processus de détermination des conditions de travail des salariés du secteur municipal, la prise en compte des attentes collectives de ces salariés et des impératifs d’une gestion efficace et efficiente des ressources financières destinées à la prestation des services publics.

À cette fin, les principes suivants doivent guider en tout temps la détermination des conditions de travail dans ce secteur :

 en qualité d’institution démocratique, une municipalité est redevable auprès de ses contribuables de l’utilisation du produit des taxes et tarifs qu’elle perçoit pour assumer la prestation des services publics qui lui incombent ou qui incombent à un autre employeur municipal dont elle assume en totalité ou en partie les dépenses, chaque employeur municipal ayant par ailleurs pour mission première de dispenser des services de qualité aux résidents de chaque territoire desservi;

 l’attraction et le maintien à l’emploi d’un personnel qualifié commandent des conditions de travail justes et raisonnables eu égard aux qualifications requises, aux tâches à exécuter et à la nature des services rendus;

 l’équité entre les membres du personnel exige de maintenir un rapport approprié entre les conditions afférentes aux différentes catégories ou classes d’emploi, notamment en ce qui concerne les salaires, les augmentations salariales et les avantages pouvant être consentis;

 il est de la responsabilité de l’employeur de pourvoir à l’embauche de personnel qualifié et de gérer ses effectifs de manière à combler ses besoins opérationnels.

Ces principes doivent être interprétés de manière à ne pas limiter le droit des parties à la négociation d’une convention collective ou le droit de soumettre à l’arbitrage d’un conseil de règlement des différends ou à un arbitre quelque matière relative aux conditions de travail des salariés.

1.  The purpose of this Act is to ensure, in determining the conditions of employment of employees in the municipal sector, that account is taken of the collective expectations of those employees and of the requirements of an effective and efficient management of financial resources intended for the provision of public services.

To that end, the determination of conditions of employment in that sector must at all times be guided by the following principles:

(1) as a democratic institution, a municipality is accountable to its ratepayers for the use of proceeds from the taxes and tariffs it collects to provide the public services incumbent on it or on another municipal employer whose expenses it assumes in whole or in part, each municipal employer having as its primary mission the provision of quality services to the residents of every territory served;

 

 

(2) the attraction and retention of qualified personnel require conditions of employment that are fair and reasonable in light of the qualifications required, the work performed and the nature of the services rendered;

(3) equity among personnel members requires that appropriate relationships be maintained as regards the conditions pertaining to the various categories or classes of employment, in particular, with respect to the wages, wage increases and benefits that may be granted; and

(4) it is the employer’s responsibility to hire qualified personnel and manage its workforce so as to satisfy its operational needs.

These principles must be interpreted so as not to limit the right of the parties to negotiate a collective agreement or the right to refer any matter relating to the conditions of employment of employees to a dispute settlement board or an arbitrator for arbitration.

[32]           Le chapitre II de la Loi 24 contient les dispositions applicables aux policiers et aux pompiers. La section II de ce chapitre, en particulier l’article 5, rend la médiation obligatoire en l’absence d’une convention collective intervenue dans les 240 premiers jours de la phase des négociations. Le médiateur a 60 jours suivant sa nomination pour amener les parties à s’entendre[26].

[33]           À défaut d’entente, le ministre responsable des affaires municipales[27] défère le différend à un CRD[28]. Celui-ci est constitué de trois membres, dont un avocat agissant comme président, nommés par le gouvernement sur recommandation du ministre[29]. Je reviendrai plus loin sur la procédure menant à la reconnaissance des personnes aptes à être nommées à ce titre.

[34]           Le CRD est tenu de rendre sa décision selon l’équité et la bonne conscience et à partir de la preuve recueillie à l’enquête[30]. De plus, pour rendre sa décision, le CRD doit tenir compte des huit critères énoncés à l’article 17, dont celui « de la situation économique locale »[31].

[35]           La décision du CRD lie les parties pour une durée déterminée de cinq ans à compter de l’expiration de la convention collective ou, dans le cas d’une première convention, à compter de la date de l’accréditation[32]. Les frais du CRD, y compris les honoraires de ses membres, sont assumés à parts égales par les parties[33].

[36]           Le chapitre III de la Loi 24 contient les dispositions applicables aux salariés municipaux autres que des policiers et des pompiers. Pour ces salariés aussi, la médiation devient obligatoire en l’absence d’une convention collective intervenue entre les parties le 150e jour suivant l’acquisition du droit de grève ou de lock-out[34]. Après une médiation infructueuse, les parties peuvent demander conjointement que leur différend soit soumis à un arbitre unique[35].

[37]           Le chapitre IV de la Loi 24 contient les dispositions applicables à tous les salariés municipaux, notamment l’article 50 qui, malgré l’article 65 du Code du travail, fixe à au moins cinq ans la durée déterminée d’une convention collective[36].

[38]           Finalement, le chapitre V contient les dispositions modificatives, transitoires et finales. En particulier, l’article 51 abroge la section II du chapitre IV du Code du travail portant sur la médiation et l’arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers. L’article 58 confie la responsabilité de l’application de la Loi 24 au ministre responsable des affaires municipales[37].

[39]           Le tableau récapitulatif ci-dessous montre les modifications les plus importantes apportées par la Loi 24 par rapport à l’état du droit qui existait depuis l’adoption de la Loi de 1996 :

Tableau récapitulatif des principales modifications apportées par la Loi 24

Sujet

Avant l’entrée en vigueur de la Loi 24

Après l’entrée en vigueur de la Loi 24

Médiation

Facultative[38].

Obligatoire[39].

Durée d’une convention collective

Au moins un an et au plus trois ans s’il s’agit de la première convention collective[40].

Au moins cinq ans[41].

Durée d’une sentence arbitrale de différends

Au moins un an et au plus trois ans[42].

Cinq ans[43].

Critères décisionnels

L’équité interne,

l’équité externe ainsi que la situation et les perspectives salariales et économiques du Québec[44].

Ajout de cinq critères, dont la situation économique locale[45].

Rémunération du ou des décideurs

L’arbitre était payé 140 $/heure par le ministre du Travail; l’excédent des honoraires était à la charge des parties[46].

Les membres du CRD sont payés 180 $/heure (205 $/heure pour le président); les frais du CRD, incluant les honoraires de ses membres, sont assumés à parts égales par les parties[47].

Processus de nomination

L’arbitre était nommé à partir d’une liste dressée par le ministre du Travail, à la suite de propositions conjointes[48].

Les membres du CRD sont nommés par le gouvernement à partir d’une liste de personnes recommandées par un comité de sélection de cinq personnes sur lequel les parties patronale et syndicale ont chacune une voix[49].

Ministre responsable de l’application de la loi

Ministre du Travail[50].

Ministre responsable des affaires municipales[51].

III.                Jugement de la Cour supérieure

[40]           Le juge présente d’abord les parties et le contenu de la Loi 24. Après avoir tranché certaines questions préliminaires[52] et tracé les contours de la liberté d’association telle que définie par la Cour suprême du Canada, il se penche sur les demandes des syndicats intervenants, à savoir le SCFP et la CSN.

[41]           Ces derniers contestaient surtout l’absence de conciliation disponible en tout temps et d’arbitrage à la demande d’une partie lors de la négociation d’une première convention collective pour les salariés municipaux autres que les policiers et les pompiers[53]. Le juge conclut que ces moyens particuliers de négociation et de règlement de différends « ne font [pas] partie de ce que la liberté d’association protège dans son noyau irréductible »[54], donc que leur absence ne constitue pas une entrave substantielle à cette liberté.

[42]           Il examine ensuite les demandes de tous les syndicats concernant l’arbitrage (CRD et arbitre unique), la médiation obligatoire, les critères décisionnels, les frais d’arbitrage et la durée de la convention collective.

[43]           Sur ce dernier point, le juge observe que, depuis l’adoption de la Loi 24, les parties signent des conventions collectives allant au-delà de la durée minimale prescrite de cinq ans. Il s’agit selon lui « d’un choix législatif difficilement attaquable et qui ne constitue pas une entrave substantielle à la liberté d’association »[55].

[44]           Le juge est d’avis que la médiation obligatoire n’enfreint pas non plus la liberté d’association dans la mesure où « [l]es syndicats conservent dans cet exercice le contrôle total de leurs objectifs et moyens de négociation et continuent de faire valoir leurs droits et leurs revendications, à armes égales face à l’employeur »[56].

[45]           Quant aux principes directeurs et aux critères énoncés à l’article 17, le juge n’y voit pas un « changement de paradigme »[57]. Tous ces éléments lui paraissent rationnels et acceptables au regard des principes d’indépendance et d’impartialité[58].

[46]           Le juge rejette aussi les arguments avancés par les Associations en ce qui concerne le paiement des frais du CRD à parts égales. Il souligne notamment l’absence de preuve probante de la situation financière des Associations et de l’incidence de cette mesure sur la viabilité même de la négociation collective ou encore de son effet dissuasif[59].

[47]           Il reste la question de la constitution du tribunal d’arbitrage de différends. Pour le juge, « il existe une préoccupation reliée à l’indépendance car le comité de sélection comprend trois représentants gouvernementaux sur cinq avec pour résultat que le gouvernement y dispose de la majorité absolue »[60]. Il qualifie de « factice » le mode de représentation des Associations dans ce comité[61], en plus du fait que ces dernières « ne peuvent influer ou contribuer d’aucune façon sur la nomination des arbitres du CRD »[62].

[48]           En ce qui concerne les policiers et les pompiers, le juge conclut que « le retrait de toute faculté de choisir la personne qui déterminera la loi des parties”, soit la convention collective et donc toutes les conditions de travail, constitue une entrave substantielle à la liberté d’association »[63].

[49]           Il n’arrive pas à la même conclusion en ce qui concerne les autres salariés municipaux. D’abord parce que ces derniers disposent toujours du droit de grève, et ensuite parce que, dans leur cas, l’arbitrage de différends est facultatif[64].

[50]           Appliquant le test de l’arrêt R. c. Oakes[65], le juge est d’avis que l’objectif général de la Loi 24, qui est d’assurer que les obligations financières des municipalités soient reflétées dans le régime municipal de relations de travail, constitue un objectif urgent et réel[66].

[51]           Le lien rationnel entre cet objectif et les moyens choisis lui paraît manifeste : « [e]n face de l’explosion des salaires des employés du secteur municipal, le gouvernement change les modalités applicables à la négociation et à la conclusion de leurs contrats de travail collectifs incluant la détermination de leur rémunération »[67].

[52]           Quant à l’atteinte minimale, le juge rappelle « qu’avant 2016 et pendant des décennies, les parties patronales et syndicales disposaient d’une importante voix au chapitre et l’égalitarisme était la norme voire la règle »[68]. Il fait remarquer que les divers groupes de travail et commissions qui se sont penchés sur le mécanisme d’arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers municipaux n’ont jamais mis en cause cette règle : « le processus de désignation paritaire et l’identification des personnes aptes à remplir la fonction d’arbitre de différend n’a jamais été bougé de son socle »[69]. Cet élément le convainc que les dispositions portant sur la constitution des listes des personnes aptes et la formation des CRD dépassent ce qui est nécessaire et ne satisfont pas au critère de l’atteinte minimale[70].

[53]           À la dernière étape du test, celle de la proportionnalité entre les effets des mesures restreignant la liberté d’association et l’objectif poursuivi, le juge arrive à la conclusion que la restriction est disproportionnée puisque l’objectif pourrait être atteint « en permettant aux parties de continuer de participer à la détermination des candidats possibles et à la nomination du tribunal d’arbitrage de différends, comme cela se faisait auparavant »[71].

[54]           Il poursuit son analyse en traitant brièvement du droit international et de la sociologie du droit, des aspects qui, selon lui, présentent peu d’intérêt pratique pour un tribunal d’instance. Dans tous les cas, il estime que « les enseignements relevant de ces domaines ne peuvent se substituer à une analyse rigoureuse du droit interne, de l’autorité du précédent, du principe de la séparation des pouvoirs et de la primauté de la Constitution »[72].

[55]           Au chapitre du redressement approprié, le juge décide d’appliquer la doctrine de la dissociation, c’est-à-dire de déclarer inopérante seulement la partie de la loi qui pose problème[73]. Il énonce ainsi ses conclusions :

[154]  Les articles de la Loi 24 qui ont trait à la constitution des conseils de règlement des différends ainsi qu’à leur composition, soit les articles 10, 11, 12, 25 et 26 sont invalides. Ce mécanisme ne représente pas un mode véritable et efficace de règlement des différends, car les syndicats n’ont aucun pouvoir décisionnel ni ne peuvent avoir aucune influence sur l’identité du tribunal d’arbitrage en amont, soit au moment de la confection de la liste, et en aval, soit au moment du choix ultime des arbitres. Il y a absence de consultation significative des deux parties dans la désignation du décideur et une place sur cinq sur le Comité de sélection pour représenter tous les pompiers et policiers municipaux de la province est une offre factice, d’autant plus que le gouvernement y possède une majorité absolue.

[155]  Toutes les autres dispositions de la Loi 24 qui sont attaquées ne constituent pas une entrave substantielle à la liberté d’association. Ainsi, à titre d’exemple, les articles portant sur la procédure applicable aux CRD sont valides et seraient viables dans le cas d’un tribunal d’arbitrage formé conformément à la Constitution.[74]

[56]           Enfin, le juge suspend la prise d’effet de la déclaration d’invalidité des articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi 24 pour une période de 12 mois à compter de la date de son jugement[75].

IV.               Questions en litige

[57]           L’appel des Associations soulève les questions suivantes :

  • L’article 50 de la Loi 24 – qui établit à au moins cinq ans la durée d’une convention collective  comporte-t-il une ingérence, une contrainte et une entrave substantielle au sens où l’entend la jurisprudence sur la liberté d’association?
  • Dans le cas des autres dispositions contestées de la Loi 24 – lesquelles prévoient un mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève pour les policiers et les pompiers –, quel est le point de départ de l’analyse? Doit-on analyser le caractère adéquat, indépendant et efficace du mécanisme à l’étape de l’atteinte à la liberté d’association, ou à l’étape de la justification en vertu de l’article premier de la Charte canadienne?
  • Selon le point de départ de l’analyse, les autres dispositions contestées de la Loi 24 comportent-elles une ingérence, une contrainte et une entrave substantielle au sens où l’entend la jurisprudence sur la liberté d’association et ces dispositions sont-elles justifiées en vertu de l’article premier de la Charte canadienne?
  • La doctrine de la dissociation s’applique-t-elle en l’espèce?
  • Quelles sont l’importance et la pertinence du droit international dans le contexte de la présente affaire?
  • Est-il conforme au droit et approprié de suspendre la déclaration d’invalidité et, si oui, pour quelle durée et de façon rétrospective ou prospective?

[58]           Le SCFP appuie l’appel et présente des arguments complémentaires sur la méthode d’analyse du mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève ainsi que sur les articles 30 et 50 de la Loi 24 (durée de cinq ans pour la décision du CRD et d’au moins cinq ans pour une convention collective).

[59]           L’appel incident formé par le PGQ et le Ministre soulève quatre questions :

  • La Cour supérieure s’est-elle bien dirigée en droit en concluant que le mécanisme de règlement des différends prévu par la Loi 24 ne constitue pas un mode véritable et efficace de règlement vu l’absence de pouvoir décisionnel et d’influence des Associations sur la composition du CRD?
  • La Cour supérieure s’est-elle bien dirigée en droit dans son analyse des notions d’indépendance, d’impartialité et d’efficacité exigées comme conditions essentielles à l’existence d’un véritable mécanisme de règlement des différends en concluant que le CRD prévu par la Loi 24 ne respecte pas les conditions énoncées dans l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan[76]?
  • La Cour supérieure a-t-elle erré en droit dans son analyse des principes portant sur l’indépendance du processus de nomination des membres d’un CRD en concluant que ce processus serait vicié en raison de l’« intérêt financier certain » que le gouvernement posséderait quant aux conséquences et aux effets financiers que pourraient avoir les conventions collectives dans le secteur municipal?
  • Dans son analyse de l’existence ou non d’une justification, la Cour supérieure atelle erré en droit en concluant à l’absence d’une atteinte minimale et à des effets disproportionnés eu égard aux objectifs de la Loi 24 résultant de l’absence de participation des Associations au processus de nomination des membres d’un CRD?

[60]           L’UMQ appuie l’appel incident et formule trois questions touchant la méthode d’analyse et la suspension de la déclaration d’invalidité.

[61]           Je propose d’analyser l’ensemble des questions dans un ordre différent. Après un bref rappel de la norme d’intervention applicable et de la jurisprudence en matière de liberté d’association, je traiterai de la méthode d’analyse du caractère adéquat, indépendant et efficace d’un mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève. J’appliquerai cette méthode au mécanisme créé par la Loi 24, en m’attardant sur les dispositions touchant le processus de nomination des membres d’un CRD (articles 10, 11, 12, 25 et 26), les critères que celui-ci doit prendre en compte pour rendre une décision (article 17), la durée de cinq ans de la décision (article 30) et le partage des frais à parts égales (article 34). Puis, je me pencherai sur la durée d’au moins cinq ans d’une convention collective liant une association accréditée et un employeur du secteur municipal (article 50). Je conclurai par la question de la réparation appropriée.

V.                 Analyse

A.       La norme d’intervention applicable

[62]           La norme d’intervention applicable dans les affaires constitutionnelles est celle de la décision correcte[77]. Toutefois, lorsque les conclusions de fait qui sous-tendent l’analyse peuvent être traitées séparément, celles-ci sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et déterminante[78]. Il en va de même des conclusions sur les faits sociaux et législatifs[79].

B.       La liberté d’association

[63]           L’alinéa 2d) de la Charte canadienne, tout comme l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne[80], garantit la liberté d’association. Cette liberté fondamentale ne peut être restreinte que par une règle de droit, dans les limites prévues à l’article premier de la Charte canadienne[81] :

1 La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

1 The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.

[64]           Suivant le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, la Constitution du Canada, qui inclut la Charte canadienne, « rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit / any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect ».

[65]           Il s’agit donc de décider si les dispositions contestées de la Loi 24 sont incompatibles avec la liberté d’association et, le cas échéant, si les restrictions à cette liberté sont raisonnables et justifiées dans le cadre d’une société libre et démocratique. Comme pour toute revendication fondée sur l’alinéa 2d), le cadre d’analyse « consiste à déterminer si les activités en cause relèvent du champ d’application de l’al. 2d), et si l’action gouvernementale a, par son objet ou son effet, substantiellement entravé ces activités »[82].

[66]           Dans l’arrêt Alliance des professionnels portant sur la validité constitutionnelle de la Loi 15, mon collègue le juge Mainville survole la jurisprudence sur la liberté d’association[83]. Il note d’abord que celle-ci a beaucoup évolué au fil du temps, l’interprétation restrictive du début ayant cédé la place à une interprétation plus généreuse fondée sur l’objet de la garantie constitutionnelle[84]. Il s’attarde ensuite sur les deux aspects de la liberté d’association qui étaient invoqués au regard de la Loi 15 (et qui sont invoqués ici), soit la liberté de négocier collectivement[85] et la liberté d’exercer la grève comme moyen de pression sur les négociations[86].

[67]           Selon l’arrêt Health Services, la liberté de négocier collectivement « vise à protéger la capacité des travailleurs de participer à des activités associatives et leur capacité d’agir collectivement pour réaliser des objectifs communs » liés à leur milieu et à leurs conditions de travail[87]. Ce droit de négociation collective a toutefois une portée restreinte, comme l’expliquent la juge en chef McLachlin et le juge LeBel :

91.  Ainsi défini, le droit de négociation collective demeure un droit à portée restreinte. Premièrement, parce qu’il concerne un processus, il ne garantit pas l’atteinte de résultats quant au fond de la négociation ou à ses effets économiques. Deuxièmement, il confère le droit de participer à un processus général de négociation collective et non le droit de revendiquer un modèle particulier de relations du travail ou une méthode particulière de négociation. Comme le fait remarquer P. A. Gall, on ne saurait prédire avec certitude si le modèle actuel des relations du travail sera celui qui s’imposera dans 50 ou même 20 ans (« Freedom of Association and Trade Union: a Double-Edged Constitutional Sword », dans J. M. Weiler and R. M. Elliot, dir., Litigating the Values of a Nation : The Canadian Charter of Rights and Freedom (1986), p. 245, p. 248). Enfin, et plus important encore, comme nous l’enseigne l’arrêt Dunmore, l’atteinte au droit doit être substantielle, au point de constituer une entrave non seulement à la réalisation des objectifs des syndiqués (laquelle n’est pas protégée), mais aussi au processus même qui leur permet de poursuivre ces objectifs en s’engageant dans de véritables négociations avec l’employeur.[88]

[68]           Pour décider si l’atteinte au processus de négociation collective est « substantielle », une analyse contextuelle et factuelle s’impose. Toujours selon Health Services, celle-ci requiert l’examen de deux questions successives :

93.  De façon générale, pour déterminer si une mesure gouvernementale ayant des répercussions sur le processus de négociation collective protégé par la Charte constitue une atteinte substantielle, il faut examiner successivement deux questions. D’abord, il faut déterminer l’importance que les aspects touchés revêtent pour le processus de négociation collective et, plus particulièrement, la mesure dans laquelle la capacité des syndiqués d’agir d’une seule voix en vue de réaliser des objectifs communs est compromise. Puis, on doit étudier l’impact de la mesure sur le droit collectif à une consultation et à une négociation menée de bonne foi.[89]

Je reviendrai sur ces questions lors de l’examen des dispositions législatives contestées.

[69]           Quant à la liberté d’exercer la grève comme moyen de pression sur les négociations, elle va « [d]e pair avec le droit [des salariés] de s’associer, de s’exprimer par l’entremise de l’agent négociateur de leur choix et de négocier collectivement »[90]. Le droit de grève est ainsi considéré comme « indispensable à la protection du processus véritable de négociation collective »[91].

[70]           Le droit de grève ne revêt pas pour autant un caractère absolu. Une loi peut encadrer la grève, et même l’interdire pendant la durée d’une convention collective[92], comme l’observe le juge Mainville dans l’arrêt Alliance des professionnels :

[91]  Cest ainsi que la réglementation de lexercice de la grève ne constitue pas nécessairement une entrave substantielle à la liberté dassociation. Dailleurs, la plupart des législations canadiennes portant sur les relations de travail, notamment le Code canadien du travail et le Code du travail, réglementent la grève sans quil sagisse là nécessairement dune entrave substantielle. Tout dépend du contexte et de la portée de la réglementation.[93]

[Renvois omis]

[71]           La jurisprudence reconnaît toutefois que l’interdiction législative de la grève en toute circonstance, comme celle prévue à l’article 105 du Code du travail pour les policiers et les pompiers municipaux, constitue une entrave substantielle à la liberté d’association[94]. Les extraits suivants des motifs de la juge Abella dans l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour ne laissent guère de doute à ce propos :

[46]  […] Et lorsque l’histoire montre l’importance de la grève pour le bon fonctionnement d’un modèle de relations de travail en particulier, comme c’est le cas du modèle fondé sur la Loi Wagner, on ne doit pas s’étonner que la suppression du droit de grève légal soit considérée comme une entrave substantielle à la négociation collective véritable. En effet, on reconnaît depuis longtemps que le pouvoir des travailleurs de cesser collectivement le travail aux fins de la négociation de leurs conditions de travail — le droit de grève, en somme — constitue une composante essentielle de la poursuite, par les travailleurs, d’objectifs liés au travail. […]

[…]

[51]  Les données historiques qui précèdent révèlent que même si la grève a fait l’objet parfois de protections, parfois d’interdictions, la faculté des salariés de cesser le travail de manière concertée est depuis longtemps essentielle à la négociation collective véritable. Or, la protection offerte par l’al. 2d) ne dépend pas seulement ou principalement du profil historique et juridique du droit de grève. En fait, le droit de grève jouit de la protection constitutionnelle en raison de sa fonction cruciale dans le cadre d’un processus véritable de négociation collective.

[…]

[61]  La faculté des travailleurs de cesser collectivement le travail pendant la négociation d’une convention collective constitue donc — et a toujours constitué — le [traduction] « minimum irréductible » de la liberté d’association dans les relations de travail au Canada (Paul Weiler, Reconcilable Differences : New Directions in Canadian Labour Law (1980), p. 69).[95]

[72]           De là, la nécessité d’un mécanisme adéquat, indépendant et efficace de règlement des différends comme substitut à la grève. Ce qui m’amène à traiter de la méthode d’analyse.

C.       La méthode d’analyse du caractère adéquat, indépendant et efficace d’un mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève

[73]           Le juge constate qu’il n’est pas « absolument clair » si l’analyse du caractère adéquat d’un mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève « doit se faire au niveau de la qualification de l’atteinte à la liberté d’association ou au niveau de la défense de justification »[96].

[74]           L’arrêt Alliance des professionnels (rendu après le jugement de la Cour supérieure) répond clairement à cette question. S’appuyant sur les motifs dissidents du juge en chef Dickson dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.)[97], lesquels font maintenant jurisprudence[98], le juge Mainville détermine que l’analyse du caractère adéquat du substitut à la grève s’effectue au stade de la défense de justification :

[97]  Il est d’ailleurs logique que l’analyse du caractère adéquat du substitut à la grève s’effectue dans le cadre du volet portant sur la justification en vertu de l’article premier de la Charte canadienne. C’est l’interdiction du droit de grève qui porte une atteinte substantielle à l’alinéa 2d). C’est donc dans le cadre de la justification de cette atteinte substantielle à la liberté d’association que le gouvernement doit démontrer qu’il a prévu un mécanisme satisfaisant comme substitut à la grève.[99]

[75]           En effet, dans la mesure où l’interdiction du droit de grève pendant la phase des négociations est considérée comme une entrave substantielle à la négociation collective[100], donc comme une atteinte à la liberté d’association protégée par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne, il est logique que le gouvernement supporte le fardeau de démontrer son caractère raisonnable et justifié aux termes de l’article premier. C’est du reste ce que l’on comprend des motifs du juge en chef Dickson dans le Renvoi albertain :

[…]  Dans notre régime actuel de relations de travail, la protection constitutionnelle efficace des intérêts des associations de travailleurs dans le processus de négociation collective requiert la protection concomitante de leur liberté de cesser collectivement de fournir leurs services, sous réserve de l’article premier de la Charte.[101]

[Caractères gras ajoutés]

[76]           Le débat, ici, a ceci de particulier qu’il ne met pas en cause, du moins pas directement, la validité de l’article 105 du Code du travail qui interdit la grève en toute circonstance aux policiers et pompiers municipaux. Rappelons que l’article 51 de la Loi 24 abroge les articles 94 à 99.11 du Code du travail portant sur la médiation et l’arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers. Dans la mesure où le mécanisme de règlement des différends prévu à ces dispositions était considéré comme adéquat, les Associations dirigent leur attaque constitutionnelle seulement contre la Loi 24.

[77]           Selon leurs prétentions, cette loi ne restreint pas en soi la liberté d’association. Elle crée toutefois un mécanisme d’arbitrage inadéquat comme substitut à la grève, avec pour conséquence de rendre l’interdiction du droit de grève injustifiée selon l’article premier de la Charte canadienne. Les Associations se trouvent ainsi à contester indirectement l’article 105 du Code du travail.

[78]           C’est précisément le raisonnement suivi par le juge en chef Dickson dans le Renvoi albertain, en réponse à la deuxième question constitutionnelle :

Les articles 117.2 et 117.3 ne restreignent pas en soi la liberté d’association. Toutefois, l’absence du droit de soumettre un différend à l’arbitrage, qui découle de ces articles, a pour effet de rendre le régime d’arbitrage inadéquat comme substitut à la liberté de grève et, par conséquent, contribue à rendre le par. 117.1(2) injustifié selon l’article premier.[102]

[79]           Aussi suis-je d’avis que cette particularité (le fait que la validité de l’article 105 du Code du travail ne soit pas directement contestée) ne change pas la méthode d’analyse du caractère adéquat du substitut à la grève, telle qu’énoncée dans l’arrêt Alliance des professionnels. Il me paraît tout aussi logique de faire reposer le fardeau sur les épaules du gouvernement.

[80]           Le test de l’arrêt R. c. Oakes exige que l’objectif poursuivi par le législateur soit urgent et réel et que le moyen choisi pour l’atteindre soit proportionné, c’est-à-dire qu’il possède un lien rationnel avec l’objectif, qu’il porte le moins possible atteinte à la liberté d’association et qu’il soit proportionné sur le plan de ses effets[103].

[81]           En l’espèce, l’objectif urgent et réel qui sous-tend l’interdiction de la grève pour les policiers et les pompiers ainsi que l’existence d’un lien rationnel entre les deux ne sont pas contestés[104]. Le débat se situe au niveau de l’atteinte minimale et de la proportionnalité.

[82]           Le gouvernement se déchargera de son fardeau si l’interdiction de faire la grève est assortie d’un mécanisme de règlement des différends comportant des « garanties adéquates de sauvegarde des intérêts des travailleurs »[105]. La jurisprudence emploie plusieurs qualificatifs pour décrire ce mécanisme : véritable, juste, efficace, adéquat, indépendant et impartial. Pour paraphraser le juge en chef Dickson dans le Renvoi albertain, le but d’un tel mécanisme est de compenser la perte du pouvoir de négociation résultant de l’interdiction de faire la grève[106]. Il doit s’agir d’un moyen véritable de mettre fin à l’impasse des négociations, tout en maintenant les parties sur un pied d’égalité.

[83]           Voyons maintenant si le mécanisme de règlement des différends créé par la Loi 24 pour les policiers et les pompiers possède ces caractéristiques essentielles.

D.       Le mécanisme de règlement des différends créé par la Loi 24 pour les policiers et les pompiers (section III du chapitre II)

[84]           La Loi 24 remplace l’arbitrage de différends chez les pompiers et les policiers municipaux par le CRD.

[85]           Les Associations contestent la validité constitutionnelle du nouveau mécanisme sous pratiquement tous ses aspects : le processus de nomination des membres d’un CRD, les critères décisionnels, la durée de la décision et le partage des frais à parts égales. Le juge, on l’a vu, leur a donné raison seulement sur le premier aspect.

[86]           Examinons tour à tour ces aspects.

      Le processus de nomination des membres d’un CRD (articles 10, 11, 12, 25 et 26)

[87]           Puisqu’il faut « considérer l’activité associative en cause dans son contexte global et en fonction de son histoire »[107], je ferai d’abord un survol du processus de nomination de l’arbitre qui existait avant l’entrée en vigueur de la Loi 24.

[88]           De 1964 à 1983, chaque partie nommait un membre du conseil d’arbitrage et ces derniers s’entendaient pour nommer le troisième membre qui agissait à titre de président[108]. À défaut d’entente, le ministre du Travail nommait le troisième membre à partir d’une liste de 25 noms dressée annuellement par le Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre, aujourd’hui nommé le Comité consultatif du travail et de la maind’œuvre (« CCTM »)[109]. Ce comité était et est toujours constitué d’un nombre égal de personnes recommandées par les associations de salariés et d’employeurs les plus représentatives.

[89]           De 1983 à 1993, les parties devaient se consulter sur le choix d’un arbitre. Si elles s’entendaient, le ministre du Travail nommait à ce poste la personne de leur choix; à défaut d’entente, il nommait l’arbitre à partir de la liste mentionnée au paragraphe précédent. L’arbitre procédait à l’arbitrage avec assesseurs, à moins d’une entente à l’effet contraire. Chaque partie désignait un assesseur pour assister l’arbitre et la représenter au cours de l’audition du différend et du délibéré[110].

[90]           De 1993 jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi 24, les parties devaient se consulter sur le choix d’un arbitre à partir d’une liste dressée par le ministre du Travail spécifiquement aux fins de l’arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers[111]. Si les parties s’entendaient, le ministre du Travail nommait à ce poste la personne de leur choix; à défaut d’entente, il nommait l’arbitre à partir de cette liste. Les personnes dont le nom figurait sur cette liste étaient proposées conjointement par les associations reconnues par décret du gouvernement comme étant les plus représentatives des municipalités, des régies intermunicipales, des policiers et des pompiers[112]. Comme auparavant, chaque partie pouvait désigner un assesseur pour assister l’arbitre et la représenter au cours de l’audition du différend et du délibéré[113].

[91]           Bref, depuis plus de 50 ans, le processus de nomination de l’arbitre était consensuel et, comme le souligne le juge, les parties « disposaient d’une importante voix au chapitre »[114].

[92]           La Loi 24 rompt avec ce principe. Selon les articles 10 et 11, les trois membres du CRD sont nommés par le gouvernement, sur recommandation du ministre responsable des affaires municipales. Ils sont choisis parmi les personnes reconnues aptes à être nommées à ce titre. Ces personnes doivent faire l’objet d’une recommandation d’un comité de sélection, formé et agissant selon les conditions que le gouvernement détermine.

[93]           Ce comité est composé de cinq personnes : trois personnes sans lien avec la partie patronale ou syndicale, une personne proposée par la partie patronale et une personne proposée par la partie syndicale[115]. Le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire nomme les membres du comité de sélection et désigne, parmi les trois membres sans lien avec la partie patronale ou syndicale, celui qui agira comme président[116]. Les décisions du comité de sélection sont prises à la majorité de ses membres, le président ayant une voix prépondérante en cas d’égalité[117].

[94]           Tout cela fait dire au juge que le gouvernement dispose de la « majorité absolue »[118] au sein du comité de sélection et que les Associations « ne peuvent influer ou contribuer d’aucune façon sur la nomination des arbitres du CRD »[119]. Cette affirmation mérite d’être nuancée. En réalité, les Associations peuvent contribuer en proposant une personne qui participera au comité de sélection, mais celle-ci, tout comme la personne proposée par la partie patronale, sera minoritaire lorsque viendra le temps de dresser la liste des candidats recommandés.

[95]           Ainsi, contrairement au processus qui existait antérieurement, la liste des personnes reconnues aptes à être membres d’un CRD ne reçoit pas nécessairement l’aval des parties. Tant la partie syndicale que patronale peuvent être en désaccord avec la liste des candidats recommandés par le comité de sélection et, par le fait même, avec la nomination des membres d’un CRD.

[96]           Cette perte de contrôle, qui s’ajoute à la perte du pouvoir de négociation résultant de l’interdiction de faire la grève, rend-elle le mécanisme de règlement des différends injuste ou inadéquat pour les Associations?

[97]           Le juge répond à cette question par l’affirmative, d’abord sur le plan de la qualification de l’atteinte à la liberté d’association :

[99]  Cela dit, au risque de redite, il est difficile de trouver une entrave plus importante que celle de ne pas pouvoir participer au processus menant au choix du décideur de la convention collective, toujours en ayant à l’esprit « une analyse et une approche plus téléologique et contextuelle ». Il est par ailleurs manifeste qu’il n’y a pas lieu de faire la comparaison avec un contexte purement judiciaire où les parties décident de s’en remettre à la justice et devant un magistrat nommé selon bonne conduite ou devant un tribunal administratif alors que l’État fournit un décideur dans un litige spécifique. En effet, il ne s’agit pas ici de déterminer les droits et obligations des parties dans un contexte de litige et d’intérêts opposés ou de « donner à chacun le sien ».

[100]  En matière d’arbitrage de différends obligatoire, il s’agit tout au contraire d’un mécanisme de négociation par excellence, de la clef de voûte des rapports collectifs du travail dans le modèle wagnérien et lequel, par définition, est le résultat d’un exercice de discussions, tractations et échanges. Les parties ne font pas appliquer ou exécuter leurs droits mais procèdent à leur création. Ainsi, si un tel arbitrage doit constituer un substitut adéquat au droit de grève, encore faut-il que les syndicats puissent y participer réellement au stade du choix du décideur. Dans l’état actuel de la situation et vu la Loi 24, les syndicats demandeurs sont privés de ce droit et ne peuvent influer sur ce plan, ce qui rompt l’équilibre des rapports de force et constitue ainsi une entrave substantielle à la liberté d’association.[120]

[Italiques dans l’original; renvoi omis]

Puis, il conclut que le nouveau processus ne satisfait pas aux critères de l’atteinte minimale et de la proportionnalité.

[98]           En somme, pour le juge, le fait que les Associations ne disposent plus d’un droit de veto sur la liste des personnes reconnues aptes à être membres d’un CRD est incompatible avec la Charte canadienne.

[99]           Le PGQ et le Ministre font valoir qu’il n’existe aucun droit constitutionnel de participer au processus de nomination des membres d’un CRD et que « si le législateur a déjà reconnu une telle participation, cela ne saurait être la source de quelque droit acquis que ce soit »[121].

[100]      Sur ce point, ils ont raison. Comme nous l’enseigne la Cour suprême de façon constante, la liberté d’association n’impose pas un modèle particulier de relations de travail ni un régime idéal de négociation collective[122]. Il ne s’agit pas non plus de constitutionnaliser le processus de nomination de l’arbitre de différends qui existait en vertu du Code du travail. Le législateur demeure libre d’adopter un autre modèle de processus, dans le respect des limites imposées par l’alinéa 2d) et par l’article premier de la Charte canadienne[123].

[101]      La question doit cependant être examinée sous l’angle de la nécessité d’un mécanisme juste, efficace, indépendant et impartial de règlement des différends comme substitut à la grève. Les conditions d’un tel mécanisme, comme celles permettant une véritable négociation collective, « varient en fonction de la culture du secteur d’activité et du milieu de travail en question »[124]. L’analyse requise doit toujours demeurer contextuelle.

[102]      En l’espèce, le juge souligne à juste titre la nature particulière de l’arbitrage de différends[125]. Contrairement à un juge ou à un décideur administratif appelé à statuer sur les droits des parties, l’arbitre de différends détermine les conditions de travail des salariés. Comme le plaident les Associations, son rôle s’apparente à celui d’un législateur; il crée le droit; il tranche non pas un conflit de droit, mais un conflit d’intérêts[126]. En ce sens, l’arbitrage de différends est le prolongement des négociations[127].

[103]      Pour cette raison, le processus de nomination de l’arbitre de différends est généralement paritaire et consensuel. C’est le cas, notamment, en ce qui concerne la Gendarmerie royale du Canada (« GRC »), l’Ontario Provincial Police OPP »), les policiers et pompiers municipaux en Ontario[128] ainsi que les policiers municipaux en Colombie-Britannique[129]. Comme l’observe l’expert des Associations, le professeur Michel Coutu :

En principe, l’arbitrage des différends devant simuler un processus réel de négociation collective, le choix de l’arbitre se fait par entente entre les deux parties. L’arbitre sera normalement un arbitre professionnel expérimenté, jouissant d’une bonne connaissance du secteur d’activité en cause et bénéficiant de la confiance des deux parties. Ce n’est qu’en cas de désaccord entre l’agent négociateur et l’employeur qu’un tiers neutre et impartial procédera à la désignation de l’arbitre, fréquemment à même une liste d’arbitres professionnels agréés par les employeurs et les syndicats.[130]

[Renvoi omis]

[104]      Rappelons qu’en cas d’interdiction de faire la grève, le mécanisme de règlement des différends doit viser à compenser la perte du pouvoir de négociation qui en résulte[131]. Dans LANEQ, le juge Morissette résume ainsi cet objectif : « [e]n somme, il s’agit de rétablir, sans doute artificiellement et par ce qui à l’évidence n’est qu’un moyen de substitution, le rapport de force initial lorsque les parties traitaient encore d’égale à égale dans leur situation particulière »[132].

[105]      Qui plus est, l’arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers est obligatoire. En cas d’impasse dans les négociations, le différend sera déféré à un CRD. Il est donc primordial que les parties aient confiance dans le mécanisme. Son caractère « véritable » en dépend.

[106]      Selon le PGQ et le Ministre, le processus de nomination des membres d’un CRD satisfait aux critères de l’atteinte minimale et de la proportionnalité en ce qu’il demeure paritaire (chaque partie est invitée à proposer une personne qui participera au comité de sélection). Peut-être, mais cela ne diminue pas la perte de contrôle des Associations sur la liste des personnes reconnues aptes à être membres d’un CRD. En pratique, vu la composition du comité de sélection et le fait que c’est le gouvernement qui nomme les membres d’un CRD, celui-ci pourrait être constitué de trois membres plus près du milieu patronal. L’image évoquée dans le mémoire des Associations est assez éloquente :

52.  Une image vaut mille mots : selon la liste des membres des CRD produite sous la cote R-26 et les états de service des membres des CRD (R-31), un conseil de règlement pourrait être formé des trois personnes suivantes : […] ex-directeur général au Conseil du trésor (pour le domaine économique), […] ex-directeur des relations du travail pour la Ville de Montréal (pour le domaine municipal) et […] (pour le domaine des relations du travail et avocat pouvant présider un CRD), exchef de division (recours et arbitrage) à la Ville de Montréal et ex-conseiller juridique de Québecor Média.[133]

[Italiques dans l’original]

[107]      À cette perte de contrôle s’ajoute l’absence de règles semblables à celles auxquelles les arbitres nommés en vertu du Code du travail[134] sont assujettis. Le CCTM s’est en effet doté d’une politique générale concernant la confection et la gestion de la liste des arbitres[135]. Cette politique, qui « a comme principal objet la crédibilité de la liste des arbitres »[136], contient plusieurs règles visant à assurer la compétence et la conduite professionnelle, l’impartialité et la disponibilité des arbitres, et à encadrer leur rémunération, en plus d’établir une procédure de traitement des plaintes faites en vertu de l’article 12.2 de la Loi sur le ministère du Travail[137].

[108]      Il n’y a rien de tel pour les personnes reconnues aptes à être membres d’un CRD. La Procédure menant à la reconnaissance des personnes aptes à agir en matière de règlement des différends dans le secteur municipal contient tout au plus des conditions d’admissibilité et des critères de sélection rédigés en termes généraux[138]. La Loi 24, quant à elle, prévoit uniquement ceci[139] :

11. […]

Pour être reconnues aptes et le demeurer, ces personnes doivent satisfaire aux conditions suivantes :

 ne pas être ou avoir été, au cours de l’année précédant la reconnaissance, employé, dirigeant ou autrement représentant d’un employeur du secteur municipal, d’une association représentant des salariés de ce secteur ou d’un regroupement de ces employeurs ou associations;

2° s’engager par écrit à ne pas agir comme arbitre dans un grief relativement à l’interprétation ou à l’application d’une décision rendue conformément au présent chapitre.

Le comité de sélection doit, aux fins d’identifier les personnes qu’il entend recommander, favoriser celles jouissant d’une expérience reconnue en relations du travail ou dans le domaine municipal ou économique.

La reconnaissance, par le gouvernement, des personnes aptes à être membres du conseil est valide pour une période de cinq ans.

12. Un membre du conseil ne doit avoir aucun intérêt pécuniaire dans le différend qui lui est soumis ni avoir agi dans ce différend à titre d’agent d’affaires, de procureur, de conseiller ou de représentant d’une partie.

[Caractères gras ajoutés]

11. […]

To be recognized as and remain qualified, those persons must

(1)  not be, nor have been in the year preceding the recognition, employees, officers or other representatives of an employer in the municipal sector, of an association representing employees in that sector or of a grouping of such employers or associations; and

 

(2)  undertake in writing not to act as arbitrator with respect to a grievance that relates to the interpretation or implementation of a decision rendered in accordance with this chapter.

The selection committee must, when identifying the persons it intends to recommend, give preference to those possessing recognized experience in labour relations, in the municipal field or in the field of economy.

The recognition by the Government of the persons qualified to be members of the board is valid for a period of five years.

12. A member of the board cannot have any pecuniary interest in the dispute submitted to the board or have acted in the dispute as a business agent, attorney, adviser or representative of any of the parties.

[Emphasis added]

[109]      Ainsi, les personnes reconnues aptes à être membres d’un CRD ne possèdent pas nécessairement une expérience reconnue en relations du travail[140] ni une expertise particulière dans le milieu des policiers et des pompiers, elles ne reçoivent aucune formation sur l’arbitrage de différends, elles n’ont aucune obligation de formation continue[141], enfin, elles ne sont assujetties à aucun code d’éthique – ni même à un devoir d’agir d’une façon impartiale et objective – et ne peuvent, en conséquence, être sanctionnées par le ministre du Travail ou par le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire de qui relève leur nomination.

[110]      En bref, il n’existe aucune politique ni aucune règle visant à assurer la compétence et l’impartialité des membres d’un CRD.

[111]      Je note incidemment que, depuis l’entrée en vigueur de la Loi 24, cinq membres de CRD (l’un dans un dossier concernant la Ville de Mascouche et l’autre la Ville de Terrebonne) se sont récusés à la suite de divers incidents. Entre autres, l’un des membres (le président) a pris cette décision après avoir reçu une requête conjointe des parties, un autre après qu’il eut transmis par erreur un courriel qui contenait un commentaire désobligeant à l’endroit de l’avocat de la partie syndicale[142]. Dans le dossier concernant la Ville de Terrebonne, c’est la Cour supérieure qui a ordonné au président du CRD de se récuser parce qu’il avait tenu des propos permettant de « craindre de façon raisonnable à sa partialité et à son manque d’ouverture face à la position de la Fraternité »[143].

[112]      Tout cela me convainc que le processus de nomination des membres d’un CRD n’est pas conçu de façon à susciter la confiance des parties. C’est plutôt le contraire. Selon le PGQ et le Ministre, l’un des objectifs derrière la création du CRD est de résoudre des problématiques telles que « l’utilisation du mécanisme d’arbitrage en tant que stratégie de négociation, la dévaluation de la négociation et la déresponsabilisation des parties »[144]. En d’autres mots, on cherche à encourager la négociation et à diminuer le recours à l’arbitrage de différends.

[113]      Le Ministre a d’ailleurs eu cette remarque lors des consultations particulières sur le projet de loi no 110 :

M. Coiteux : […]

 Puis c’est certainement le souhait, là, que dans la majorité des cas les choses se règlent par négociation. Et d’ailleurs le projet de loi prévoit un nombre minimal de jours de négociation, oui, bien entendu, parce qu’il faut quand même que les gens démontrent leur bonne foi, on ne peut pas aller à deux, trois séances de négociation sur une semaine puis demander un arbitrage, là, même avec le nouveau régime. Donc, il faut travailler fort en négociation, parce que ce qu’on veut, c’est qu’il y ait des règlements négociés, mais on a la médiation obligatoire.

 Bon, notre espoir, bien entendu, c’est que, le nouveau cadre, l’équilibre entre les grands principes, démocratie municipale, au service de l’ensemble des citoyens — donc ce n’est pas une entreprise privée qui négocie avec un syndicat, c’est une entité publique, démocratiquement élue, redevable devant ses citoyens — notre espoir, c’est qu’il n’y aura pas tant que ça besoin d’utiliser le conseil de règlement des différends, hein? Si tout le monde s’oriente, là, vers une négociation raisonnable, sachant qu’il y a des principes d’équilibre, peut-être qu’il y aura moins la nécessité de recourir à des mécanismes comme celui-là.[145]

[Caractères gras ajoutés]

[114]      Cet objectif n’est pas en soi répréhensible. Le législateur peut mettre en place des mesures pour encourager la négociation et rendre celle-ci plus attrayante, notamment en termes de coûts, de délais et de prévisibilité. Seulement, en cas d’impasse dans les négociations, les parties doivent pouvoir se tourner vers un mécanisme de règlement des différends qui leur paraît à la fois juste, efficace, indépendant et impartial.

[115]      Ce principe est du reste reconnu par le droit international du travail, comme le souligne le professeur Coutu, se référant à la jurisprudence du Comité de la liberté syndicale (« CLS ») du Bureau international du travail (« BIT ») :

Le CLS attire lattention des États membres de l’[Organisation internationale du Travail] sur limportance quil accorde au mode de désignation de larbitre des différends, lorsque le recours obligatoire à cette procédure apparaît conforme aux principes de la liberté syndicale. La nomination de l’arbitre doit est empreinte d’impartialité et demeurer apte à susciter la confiance des deux parties en présence :

« ... Le comité tient à rappeler que, en cas de médiation et darbitrage des conflits collectifs, l’essentiel réside dans le fait que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent apparaître comme tels aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs, afin que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties et dont dépend le succès de l’action, même s’il s’agit d’arbitrage obligatoire, soit maintenue. Le comité suggère au gouvernement et aux partenaires sociaux denvisager de dresser une liste d’arbitres jouissant de la confiance des parties pour les cas où celles-ci solliciteraient un arbitrage à lavenir ».[146]

[Caractères gras ajoutés; renvoi omis]

[116]        Le PGQ et le Ministre s’appuient sur les rapports de groupes de travail qui, au fil des années, ont révélé les problématiques mentionnées plus haut ainsi que « certaines perceptions quant au manque d’indépendance des arbitres »[147]. Il n’empêche qu’aucun de ces groupes de travail n’a recommandé de supprimer le caractère consensuel du processus de nomination de l’arbitre.

[117]        Le rapport du Comité Lemieux daté du 27 mai 1991 précise au contraire que « [c]e n’est pas le mode de désignation des arbitres qui est ici remis en question; la discussion porte essentiellement sur l’encadrement du processus décisionnel »[148]. Ce comité a d’ailleurs rejeté la proposition de l’UMQ de constituer un tribunal permanent d’arbitrage, non sans rappeler aux parties « qu’il leur [était] loisible de s’entendre sur une liste d’arbitres appelés à agir » dans l’éventualité d’un différend et que « [l]e ministre pourrait donc se limiter au contenu de cette liste lorsqu’appelé à procéder à une désignation d’office »[149].

[118]      Le Comité Gabrièle a poussé la réflexion plus loin et a fait la recommandation suivante dans son rapport daté du 30 juin 1992 :

En conséquence le comité recommande donc la confection d’une liste particulière d’arbitres, pour trancher les différends entre les municipalités et les policiers et pompiers à leur emploi. L’inscription à la liste se fera à partir des propositions conjointes des partenaires aux rapports de travail du secteur. De plus, afin d’estomper toute apparence de partialité, le ministre s’assurera que toute personne inscrite à cette liste s’engage, pour la durée de cette inscription, à ne pas agir en qualité d’arbitre de griefs dans quelque dossier impliquant une municipalité au Québec.[150]

[Caractères gras omis]

[119]      La question de l’indépendance des arbitres a refait surface lors des travaux du Comité Thérien-Morency. L’un des représentants patronaux a réitéré la proposition « d’institutionnaliser les arbitres », une proposition sur laquelle le comité n’a pas voulu s’attarder au motif « qu’elle viendrait complètement modifier les façons de faire actuelles (choix de l’arbitre par les parties, liste des arbitres, participation financière du gouvernement, etc.) »[151] et que cela ne faisait pas partie de l’objectif poursuivi. Le compte-rendu de la rencontre du 3 mai 2013 clôt le débat ainsi : « M. Morency indique que cette idée [d’avoir des juges indépendants] pourrait être proposée ultérieurement, mais pas dans le cadre des présents travaux »[152].

[120]      C’est ainsi que le processus de désignation paritaire et consensuel « n’a jamais été bougé de son socle », pour employer l’expression du juge de première instance[153].

[121]      Comme déjà mentionné, il est loisible au législateur d’adopter un autre modèle. Il ne s’agit pas, je le répète, de constitutionnaliser le droit de participer au processus de nomination des membres d’un CRD. Le législateur doit toutefois s’assurer de maintenir la confiance des parties dans le mécanisme de règlement des différends et, dans le cas d’une instance arbitrale (par opposition à un tribunal composé de juges indépendants), cette confiance peut, selon les circonstances, requérir une participation effective des parties. Ainsi, bien qu’aucun mécanisme particulier y compris le paritarisme –, n’est en soi privilégié ni garanti constitutionnellement, le mécanisme finalement retenu en tant que substitut à la grève doit toujours demeurer juste, efficace, indépendant et impartial, de façon à porter le moins possible atteinte à la liberté d’association.

[122]      En l’espèce, le contrôle exercé par le gouvernement, conjugué à l’absence de règles visant à assurer la compétence et l’impartialité des membres d’un CRD, rend le mécanisme de règlement des différends inadéquat comme substitut à la grève, surtout si l’on tient compte de la culture du consensus qui avait cours depuis des décennies dans ce milieu et qui demeure la règle hors du secteur municipal.

[123]      J’en viens à la conclusion, tout comme le juge de première instance, que cet aspect du mécanisme de règlement des différends créé par la Loi 24 rend celui-ci insatisfaisant au regard de l’article premier de la Charte canadienne. Je rejetterais donc l’appel incident et confirmerais le jugement de la Cour supérieure en ce qui concerne l’inconstitutionnalité des articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi 24.

      Les critères décisionnels (article 17)

[124]      Selon l’article 16 de la Loi 24, le CRD rend sa décision à partir de la preuve recueillie à l’enquête. Les critères dont il doit tenir compte sont énoncés à l’article 17 :

17. Sous réserve de l’article 16, le conseil doit, pour rendre sa décision, tenir compte :

 de la situation financière et fiscale de la municipalité concernée ou des municipalités parties à l’entente constituant la régie intermunicipale concernée et de l’impact de la décision sur cette municipalité ou ces municipalités et sur leurs contribuables;

 des conditions de travail applicables aux salariés concernés;

 des conditions de travail applicables aux autres salariés de la municipalité concernée ou des municipalités parties à l’entente constituant la régie intermunicipale concernée;

 de la politique de rémunération et des dernières majorations consenties par le gouvernement aux employés des secteurs public et parapublic;

 des conditions de travail applicables dans des municipalités et des régies intermunicipales semblables;

 des exigences relatives à la saine gestion des finances publiques;

 de la situation économique locale;

 de la situation et des perspectives salariales et économiques du Québec.

Le conseil peut, en outre, tenir compte de tout autre élément de la preuve visée à l’article 16.

17. Subject to section 16, the board must, in rendering its decision, take into account

(1) the financial and fiscal situation of the municipality concerned or of the municipalities which are party to the agreement creating the intermunicipal board concerned and the impact of the decision on that municipality or those municipalities and their ratepayers;

(2) the conditions of employment applicable to the employees concerned;

(3) the conditions of employment applicable to the other employees of the municipality concerned or of the municipalities which are party to the agreement creating the intermunicipal board concerned;

(4) the policy on remuneration and the latest increases granted by the Government to employees in the public and parapublic sectors;

(5) the conditions of employment applicable in similar municipalities and intermunicipal boards;

(6) requirements relating to the sound management of public finances;

(7) prevailing local economic conditions; and

(8) prevailing and anticipated wage and economic conditions in Québec.

The board may also take into account any other evidence referred to in section 16.

[125]      Comme on l’a vu[154], les critères de l’équité interne (3o), de l’équité externe (5o) et de la situation et des perspectives salariales et économiques du Québec (8o) ne sont pas nouveaux. En 1996, le législateur a rendu les deux premiers obligatoires et a ajouté le troisième, à la suite des recommandations du Comité Bovin.

[126]      Selon les Associations, les critères énoncés à l’article 17, « dont cinq sont de nature économique et ciblés », ont pour objectifs de permettre aux municipalités de réduire leur masse salariale[155] et, par le fait même, de dissuader les policiers et les pompiers de recourir à l’arbitrage[156]. Elles soutiennent que l’article 17 modifie l’équilibre des forces en présence et rend le mécanisme de règlement des différends « biaisé et dirigé en faveur des municipalités »[157].

[127]      Le PGQ et le Ministre rétorquent que la jurisprudence arbitrale en matière de différends pour les policiers et les pompiers prend déjà en considération des critères semblables à ceux énoncés à l’article 17. Ils se réfèrent en outre à une étude du professeur Giuseppe Carabetta[158] sur la façon dont les arbitres de différends en Ontario et en Colombie-Britannique appliquent des critères similaires[159].

[128]      Il peut être utile de reproduire les critères imposés par la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers en ce qui concerne les policiers municipaux en Ontario[160] :

Arbitrage

227 […]

Critères

(13) Pour rendre une décision ou une sentence arbitrale, le conseil d’arbitrage prend en considération tous les facteurs qu’il estime pertinents, notamment les critères suivants :

1. La capacité de payer de l’employeur compte tenu de sa situation financière.

2. La mesure dans laquelle des services devront peut-être être réduits, compte tenu de la décision ou de la sentence arbitrale, si les niveaux de financement et d’imposition actuels ne sont pas relevés.

3. La situation économique prévalant en Ontario et, s’il y a lieu, dans la municipalité.

4. La comparaison, établie entre les employés et des employés comparables des secteurs public et privé, des conditions d’emploi et de la nature du travail exécuté.

5. La capacité de l’employeur d’attirer et de garder des employés qualifiés.

6. L’intérêt et le bien-être de la collectivité que dessert le corps de police.

7. Les facteurs locaux qui influent sur la collectivité.

[Caractères gras dans l’original]

Arbitration

227 […]

Criteria

(13) In making a decision or award, the arbitration board shall take into consideration all factors it considers relevant, including the following criteria:

1. The employer’s ability to pay in light of its fiscal situation.

2. The extent to which services may have to be reduced, in light of the decision or award, if current funding and taxation levels are not increased.

 

3. The economic situation in Ontario and in the municipality.

4. A comparison, as between the employees and other comparable employees in the public and private sectors, of the terms and conditions of employment and the nature of the work performed.

5. The employer’s ability to attract and retain qualified employees.

6. The interest and welfare of the community served by the police force.

7. Any local factors affecting that community.

[Emphasis in the original]

À l’instar de la Loi 24, la loi ontarienne ne hiérarchise pas ces critères.

[129]      Cela étant, la question est de savoir si obliger le CRD à tenir compte des critères énoncés à l’article 17 rend le mécanisme de règlement des différends inadéquat comme substitut à la grève.

[130]      Une question fort similaire s’est posée dans le Renvoi albertain à l’égard de dispositions législatives qui obligeaient les arbitres à tenir compte : (i) des politiques fiscales du gouvernement énoncées par écrit par le Trésorier provincial; (ii) des salaires et des avantages offerts aux salariés syndiqués et non syndiqués des secteurs privé et public. Le juge en chef Dickson, dont les motifs dissidents font aujourd’hui jurisprudence[161], formule ainsi la question :

[…] La question cependant est non pas de savoir s’il est souhaitable ou non que les tribunaux d’arbitrage tiennent compte des facteurs énumérés, mais plutôt de savoir si obliger les arbitres à tenir compte de ces facteurs porte atteinte à l’équité et à l’efficacité de la procédure d’arbitrage.[162]

Il répond à cette question par la négative, d’abord en ce qui concerne la politique financière du gouvernement :

[…] À mon avis, la politique financière du gouvernement constitue une mesure de la capacité de payer de l’employeur et il n’y a rien d’irrégulier à obliger l’arbitre à en tenir compte. L’arbitre n’est pas obligé par la loi de considérer la politique financière énoncée comme une mesure concluante de la capacité de payer de l’employeur et les syndicats pourraient toujours demander que l’arbitre s’en écarte.[163]

[131]      Puis, en ce qui concerne le critère que j’appellerais celui de l’équité externe « élargie » (incluant même les salaires et avantages offerts aux salariés non syndiqués des secteurs privé et public), le juge en chef Dickson est d’avis qu’« [u]ne obligation d’établir une base comparative aussi large que possible ne compromet pas […] l’impartialité de l’arbitrage ni ne désavantage les employés concernés »[164].

[132]      Il est vrai qu’ici, le critère de l’équité externe n’établit pas une base comparative aussi large, mais rien dans la preuve ne permet de conclure que ce critère, qui est obligatoire depuis 1996, a joué en défaveur des policiers et des pompiers.

[133]      Les Associations invoquent une décision rendue par le CLS voulant que « les résultats des arbitrages ne doivent pas être prédéterminés par des critères législatifs »[165]. Dans une autre décision, le CLS reconnaît que des considérations financières peuvent être prises en compte et « que les particularités du service public justifient une certaine flexibilité dans l’application du principe d’autonomie des parties à la négociation collective »[166]. Cette position nuancée fait dire au professeur Coutu que, selon les principes généraux du droit international du travail, l’obligation de « prendre en compte en priorité la situation économique et financière du gouvernement […] n’est pas acceptable du point de vue des principes de la liberté syndicale »[167].

[134]      En l’espèce, l’article 17 ne priorise pas les critères se rapportant à la situation financière et fiscale de la municipalité concernée et à sa capacité de payer. La pondération de l’ensemble des critères est laissée à l’appréciation du CRD qui pourra, dans un cas donné et selon la preuve qui sera recueillie à l’enquête, privilégier le critère de l’équité externe, auquel s’ajoute celui de la rémunération des employés des secteurs public et parapublic.

[135]      En somme, même si les critères décisionnels énoncés à l’article 17 peuvent sembler insister sur la capacité de payer des municipalités, il est difficile de conclure que les résultats des arbitrages seront prédéterminés par ces critères.

[136]      De plus, dans le Renvoi albertain, le juge en chef Dickson a validé d’une certaine manière le critère de la capacité de payer de l’État-patron. En soi, l’obligation de tenir compte de ce critère ne compromet pas l’impartialité du mécanisme d’arbitrage.

      La durée de cinq ans de la décision (article 30)

[137]      Comme mentionné précédemment[168], la durée d’une sentence arbitrale de différends chez les policiers et les pompiers municipaux était auparavant d’au moins un an et d’au plus trois ans[169]. L’article 30 de la Loi 24 fixe cette durée à cinq ans.

[138]      Les Associations qualifient de « confondants » les motifs du juge sur l’absence d’entrave substantielle découlant de l’article 30. Je partage leur avis. D’abord, le juge ne fait pas la distinction entre la durée de la convention collective et celle de la décision du CRD. En ce qui concerne la durée de la convention collective, il écrit « qu’avant l’avènement de la Loi 24, elle était d’un minimum de trois ans »[170], ce qui est inexact (elle était d’au moins un an). Peut-être avait-il à l’esprit la durée de la sentence arbitrale de différends[171], mais, là encore, il fait erreur puisque cette durée était d’au moins un an et d’au plus trois ans, et non « d’un minimum de trois ans ».

[139]      Ensuite, le juge semble justifier la durée de cinq ans de la convention collective[172] (applicable à tous les salariés syndiqués du secteur municipal) par le fait que les arbitres de différends rendaient fréquemment des décisions une fois la convention collective échue. Il omet toutefois de considérer l’effet de la durée de la décision sur le caractère adéquat, indépendant et efficace du mécanisme de règlement des différends applicable aux policiers et aux pompiers en remplacement de la grève.

[140]      Je rappelle qu’en 2013, lors des travaux du Comité Thérien-Morency, les représentants patronaux se sont ralliés à la proposition d’une durée maximale de 36 mois à partir de la date d’échéance de la dernière convention collective (l’option B)[173]. Lautre option qui était sur la table consistait en une durée maximale de 36 mois plus 9 mois pour couvrir la période de médiation et d’arbitrage en vue du renouvellement de la convention collective (l’option A). L’option d’une durée déterminée de cinq ans n’a pas été envisagée.

[141]      Cela dit, la question est de savoir si cette durée compromet le caractère adéquat, indépendant et efficace du mécanisme de règlement des différends créé par la Loi 24.

[142]      À mon avis, non. Pour les motifs que j’expose plus loin (infra, paragraphes [159] à [177]), la durée d’au moins cinq ans d’une convention collective dans le secteur municipal (article 50) n’est pas incompatible avec la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne. La durée de cinq ans de la décision (article 30) n’a donc pas pour effet de placer les policiers et les pompiers dans une situation moins avantageuse que s’ils bénéficiaient du droit de grève. Autrement dit, elle ne modifie ni leur « situation particulière »[174] ni la perte de leur pouvoir de négociation résultant de l’interdiction de faire la grève.

[143]      Bref, dans la mesure où l’ensemble des salariés syndiqués du secteur municipal ne peuvent négocier une convention collective d’une durée de moins de cinq ans, la durée de cinq ans de la décision ne désavantage pas les policiers et les pompiers.

[144]      Il en irait différemment si les policiers et les pompiers pouvaient négocier une convention collective d’une durée de moins de cinq ans, mais ne pouvaient pas obtenir la même durée en arbitrage. Comme l’explique le juge en chef Dickson dans le Renvoi albertain, « [l]’équité et l’efficacité du régime d’arbitrage se trouvent sérieusement compromises lorsque des questions, qui normalement pourraient être négociées, sont exclues de l’arbitrage »[175]. Ce n’est pas le cas ici, vu ma conclusion sur la validité de la durée d’au moins cinq ans d’une convention collective dans le secteur municipal.

      Le partage des frais à parts égales (article 34)

[145]      Avant l’entrée en vigueur de la Loi 24, les frais de l’arbitrage, incluant les honoraires de l’arbitre, étaient assumés par le ministre du Travail (jusqu’à concurrence de 140 $/heure) et chaque partie assumait les frais et les honoraires de son assesseur. De plus, comme le note le juge, « les parties n’hésitaient pas dans le passé à accepter les taux horaires majorés exigés par les arbitres de différend [excédant] le tarif assumé par le gouvernement et partageaient ainsi la facturation additionnelle »[176].

[146]      L’article 34 de la Loi 24 change la donne. Les frais du CRD, incluant les honoraires de ses membres, sont désormais assumés à parts égales par les parties. Les taux horaires sont établis à 180 $ pour les membres et à 205 $ pour le président[177].

[147]      Lors de l’étude détaillée du projet de loi no 110 devant la Commission de l’aménagement du territoire, le Ministre a déclaré que cette disposition reposait sur le principe de la responsabilisation des parties :

M. Coiteux :

[…] Alors, je pense, c’est important, pour responsabiliser les parties, que les parties soient conscientes qu’il y a un coût à l’utilisation de ces mécanismes-là. Je pense que c’est très important que ce coût-là soit pris en compte. Ça fait partie des éléments qui vont responsabiliser et inciter les parties à en arriver à des ententes négociées plutôt que d’utiliser des mécanismes comme celui du conseil de règlement des différends.

Alors, si on me pose la question pourquoi, pourquoi cette approche, pourquoi cette philosophie, ça repose surtout dans ces principes-là.[178]

[Caractères gras dans l’original]

[148]      Pour le juge, « il est attendu et normal de devoir assumer les coûts d’un décideur arbitre » et « [c]’est la règle en matière d’arbitrage de griefs »[179]. Dans ce contexte, le choix du législateur à l’article 34 lui apparaît logique :

[87]  […] Ainsi, il apparaît logique que, puisque les syndicats assument déjà les frais et les honoraires d’arbitres de griefs, il en soit de même pour ceux d’un tribunal d’arbitrage de différends dont la sentence entraînera des conséquences globales et, sauf exception, sans doute plus importantes qu’une sentence d’arbitre de griefs. En somme, je ne vois pas en quoi cette variable – alors que l’État tout simplement se désengage et n’offre plus le service gratuit comme auparavant – constitue une atteinte quelconque à la liberté d’association et le droit à la véritable négociation d’une convention collective.[180]

[149]      Ce raisonnement ne suit pas la méthode d’analyse vue plus haut. En effet, la question n’est pas de savoir s’« il est attendu et normal de devoir assumer les coûts d’un décideur arbitre », comme c’est la règle en matière d’arbitrage de griefs, ni si l’article 34 de la Loi 24 porte atteinte à la liberté d’association. Cette disposition est l’un des aspects du mécanisme de règlement des différends censé compenser la perte du pouvoir de négociation résultant de l’interdiction de faire la grève. Comme pour les autres aspects, la question est de savoir si obliger les parties à assumer à parts égales les frais du CRD porte atteinte à l’équité et à l’efficacité du mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève.

[150]      Sur ce point précis, le juge retient que « [l]a preuve est muette sur les actifs de ces syndicats, sur leurs budgets, sur le partage de la facture entre les syndicats locaux et les associations ou les fédérations ou encore sur l’utilisation des ressources externes ou internes »[181]. Il se dit non convaincu « qu’une facture de quelques dizaines de milliers de dollars, dans un cycle de cinq ans, […] représente pour les associations syndicales un coût qui est susceptible de les dissuader d’avoir recours au mécanisme de règlement des différends »[182]. En l’absence d’une preuve probante sur ce sujet, il rejette l’argument des Associations.

[151]      Cette évaluation de la preuve par le juge n’est entachée d’aucune erreur déterminante. Il est vrai que la preuve démontre qu’en ce qui concerne la très grande majorité des associations policières, l’assesseur syndical faisait partie du contentieux de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. S’ils devaient recourir à l’arbitrage de différends, les membres de ces associations « n’[avaient] pas de débours additionnels à faire, sauf pour les témoins experts »[183]. La situation était la même en ce qui concerne le Syndicat des pompiers et pompières du Québec (« SPQ »)[184]. La preuve n’est donc pas « muette » en ce qui concerne l’utilisation de ressources internes, sans pour autant être très probante. Au mieux, elle vient tempérer la conclusion du juge selon laquelle « le nouveau régime n’admettant pas d’assesseurs et étant circonscrit de façon assez stricte au niveau [des] délais, il est à prévoir que la facture finale pour les antagonistes risque d’être moins importante que par le passé »[185].

[152]      Les Associations insistent davantage sur la situation du SPQ, lequel regroupe environ 3 900 membres[186] répartis dans 108 sections locales travaillant pour 170 municipalités. La plupart des sections locales ont moins de 40 membres[187]. Le président du SPQ, M. Daniel Pépin, témoigne que les frais d’un CRD sont à la charge des sections locales et que les membres « ont l’impression d’aller en négociation de convention collective présentement puis d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête »[188]. Ils n’ont pas le choix de s’entendre avec la Ville, ajoute-t-il, car ils n’ont pas les moyens d’aller en arbitrage.

[153]      Mais l’exercice du droit de grève n’est pas sans coûts pour les salariés, ces derniers étant privés de leur rémunération durant la période de grève. Il n’y a donc rien d’étonnant que le substitut au droit de grève que constitue l’arbitrage de différends puisse lui aussi entraîner des coûts pour ces salariés. Comme le soulignent le PGQ et le Ministre, plusieurs lois d’autres provinces canadiennes prévoient la répartition des coûts entre les parties lorsqu’elles font appel à un conseil d’arbitrage.

[154]      Ce n’est que si la preuve démontre qu’une telle mesure rend inaccessible ou difficilement accessible le mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève que sa validité constitutionnelle pourra être mise en cause. Or ici, le juge conclut que cette preuve n’a pas été faite et la Cour doit faire montre de déférence envers sa conclusion.

[155]      J’ajouterais que rien n’empêche le SPQ de mutualiser les frais d’arbitrage entre l’ensemble de ses sections locales afin de soutenir celles qui comptent un faible nombre de membres. En effet, un arbitrage de différends pour une section locale donnée peut avoir un effet d’entraînement pour d’autres sections locales.

[156]      Étant donné l’absence de preuve probante à l’effet contraire, j’en viens à la conclusion que le partage des frais à parts égales ne compromet pas l’équilibre du rapport de force entre les parties ni ne contribue à rendre le mécanisme de règlement des différends créé par la Loi 24 inadéquat comme substitut à la grève.

***

[157]      En somme, le processus de nomination des membres d’un CRD porte atteinte à l’équité et à l’efficacité du mécanisme de règlement des différends créé par la Loi 24. Les autres aspects, soit les critères décisionnels, la durée de la décision et le partage des frais à parts égales, ne rendent pas le mécanisme d’arbitrage insatisfaisant au regard de l’article premier de Charte canadienne.

[158]      Cela soulève la question de la dissociation : doit-on invalider le mécanisme de règlement des différends en totalité ou seulement les parties fautives? Je traiterai de cette question au chapitre de la réparation appropriée.

E.       La durée d’au moins cinq ans d’une convention collective (article 50)

[159]      L’article 50 de la Loi 24 fixe à cinq ans la durée minimale d’une convention collective dans le secteur municipal. Je rappelle que cette disposition fait exception à la règle générale édictée à l’article 65 du Code du travail selon lequel une convention collective doit être d’une durée déterminée d’au moins un an et, dans le cas d’une première convention, d’au plus trois ans.

[160]      Les Associations insistent sur le fait que les groupes de salariés syndiqués du secteur municipal « sont les seuls au Québec à se voir imposer une durée minimale de cinq ans »[189]. Elles y voient une entrave substantielle à la liberté d’association puisque la durée d’une convention collective fait partie des matières négociables et négociées et revêt une importance cruciale pour les parties.

[161]      Elles soulignent également la différence fondamentale qui existe entre les durées minimale et maximale. Alors que la première a pour objectif d’assurer la stabilité et la paix industrielle pendant une période raisonnable, la seconde vise à protéger le droit des salariés de changer d’association accréditée. L’article 50 de la Loi 24 constituerait une ingérence injustifiée et déraisonnable dans la négociation collective de la durée de la convention.

[162]      Pour le PGQ et le Ministre, cette mesure s’inscrit dans le contexte de l’évolution législative. Ils rappellent qu’au moment de l’adoption du Code du travail en 1964, le législateur a balisé la durée des conventions collectives (minimum un an et maximum trois ans). En 1994, il a aboli la balise maximale de trois ans, sauf dans le cas d’une première convention collective[190]. La nouvelle balise minimale de cinq ans pour les salariés du secteur municipal se voudrait une simple adaptation à la réalité d’aujourd’hui.

[163]      Il faut préciser que la modification de 1994 coïncidait avec l’adoption de nouvelles règles en matière d’accréditation des associations de salariés. Comme l’expliquent les auteurs Jalette, Laroche et Trudeau :

[…] Avec les amendements au Code du travail de 1994, le législateur a fait disparaître cette particularité du régime québécois en déplafonnant la durée légale des conventions collectives et en fixant de nouvelles règles permettant le changement d’allégeance syndicale avant l’expiration de l’entente dans le cas des conventions collectives de longue durée (art. 22 (e), C.t.).[191]

[164]      Aussi suis-je d’accord avec les Associations que les durées minimale et maximale d’une convention collective sont conceptuellement différentes. En soi, l’abolition de la durée maximale de trois ans en 1994 n’est pas un fait législatif pertinent pour déterminer si la durée minimale de cinq ans constitue une entrave substantielle à la liberté d’association.

[165]      Ensuite, j’ai déjà souligné le caractère confondant des motifs du juge sur la question de la durée de la convention collective et son erreur quant à la durée minimale de celle-ci avant l’entrée en vigueur de la Loi 24 (supra, paragraphe [138]). Il écrit à ce sujet :

[76]  En ce qui concerne la durée de la convention collective, il faut tout d’abord souligner qu’avant l’avènement de la Loi 24, elle était d’un minimum de trois ans. Je ne vois pas comment - et les syndicats demandeurs n’avancent aucun argument convaincant à ce propos -, ce changement sur le plan purement quantitatif constituerait une modification sur le plan qualitatif. Autrement dit, en quoi la période de trois ans ne constituerait-elle pas une atteinte substantielle à la liberté d’association alors que la période de cinq ans (ou alors de quatre ou de six ans, etc.) le serait.[192]

[166]      Contrairement au juge, j’estime que l’allongement de la durée minimale (ce qu’il qualifie de changement purement quantitatif) entraîne des répercussions sur le processus de négociation collective et sur le droit d’exercer la grève, ne serait-ce qu’en raison du fait que les syndicats ne peuvent, pendant la période d’application de la convention collective, négocier les conditions de travail de leurs membres ni exercer la grève comme moyen de pression. Ce qu’il faut déterminer, c’est si la durée minimale de cinq ans perturbe l’équilibre du rapport de force entre les parties, de telle sorte qu’elle interfère de façon substantielle avec un processus véritable de négociation collective[193].

[167]      Cela me ramène aux deux questions formulées par la juge en chef McLachlin et le juge LeBel dans Health Services. Je reproduis de nouveau, par commodité, le paragraphe 93 de cet arrêt :

93.  De façon générale, pour déterminer si une mesure gouvernementale ayant des répercussions sur le processus de négociation collective protégé par la Charte constitue une atteinte substantielle, il faut examiner successivement deux questions. D’abord, il faut déterminer l’importance que les aspects touchés revêtent pour le processus de négociation collective et, plus particulièrement, la mesure dans laquelle la capacité des syndiqués d’agir d’une seule voix en vue de réaliser des objectifs communs est compromise. Puis, on doit étudier l’impact de la mesure sur le droit collectif à une consultation et à une négociation menée de bonne foi.[194]

Plus loin, la juge en chef McLachlin et le juge LeBel précisent que l’importance du sujet ne possède pas un caractère déterminant en soi, mais influera sur la réponse à la première question qu’ils reformulent ainsi : « l’ingérence dans la négociation collective d’un certain sujet nuit-elle à la capacité des syndiqués d’unir leurs efforts et de poursuivre des objectifs communs? »[195].

[168]      En l’espèce, je conviens avec les Associations que la durée de la convention collective touche un aspect important du processus de négociation collective. Les auteurs Jalette, Laroche et Trudeau qualifient ce sujet d’« enjeu crucial pour les parties » et font observer que les employeurs préfèrent généralement des conventions collectives plus longues, alors que c’est le contraire pour les syndicats[196]. Selon ces auteurs, la durée d’une convention collective a un impact direct sur le pouvoir de négociation des syndicats :

En fait, pour toute la durée de la convention, le syndicat perd un levier de pouvoir par lequel il peut répondre aux besoins et aux attentes de ses membres. En raison de l’espacement des périodes de négociation collective - considérées comme des moments forts de l’activité syndicale pour les travailleurs -, une convention de longue durée peut réduire la possibilité pour ces derniers de participer à la prise de décisions importantes relatives au travail et restreindre leur participation aux affaires syndicales et aux réunions. Si un accord à long terme peut être souhaité par les salariés, car il crée un sentiment de sécurité et de stabilité, cette situation risque en même temps d’étioler le militantisme syndical et la mobilisation des membres, ce qui peut affaiblir le pouvoir de négociation du syndicat. Dans ces conditions, une convention à long terme est vue comme une concession syndicale majeure.[197]

[169]      Mais toute ingérence dans la négociation collective de ce sujet ne constitue pas une entrave substantielle à la liberté d’association. L’alinéa 2d) de la Charte canadienne, faut-il le rappeler, « garantit […] un processus plutôt qu’un résultat ou que l’accès à un modèle particulier de relations de travail »[198]. Comme l’explique la Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675, « c’est affaire de degré ou d’intensité, et la mesure doit être suffisamment invasive du processus pour enfreindre la Charte »[199].

[170]      C’est aussi affaire de contexte puisque, dans tous les cas, « il faut se demander s’il y a eu ou s’il surviendra vraisemblablement des effets négatifs importants sur le processus de négociation collective »[200].

[171]      Qu’en est-il de la durée minimale de cinq ans? Bien qu’elle me paraisse longue, notamment en regard de la durée minimale d’un an prévue à l’article 65 du Code du travail, je ne suis pas convaincue qu’elle compromette la capacité des Associations de poursuivre collectivement des objectifs communs.

[172]      La preuve démontre en effet que la durée moyenne des conventions collectives dans le secteur municipal était de 4,8 ans avant l’entrée en vigueur de la Loi 24[201]. La médiane était de cinq ans, ce qui signifie que la moitié des conventions collectives conclues alors que la durée minimale était d’un an l’ont été pour une durée égale ou supérieure à cinq ans[202].

[173]      Évidemment, ce n’est pas parce que les Associations ont convenu d’une durée plus longue dans le passé que le législateur peut restreindre indûment leur capacité de négocier ce sujet à l’avenir[203]. Ces statistiques donnent néanmoins une indication que la durée minimale de cinq ans n’est pas de nature à nuire sérieusement à la capacité des membres d’unir leurs efforts dans la poursuite d’objectifs communs.

[174]      Dans l’arrêt Meredith c. Canada (Procureur général)[204], la juge en chef McLachlin et le juge LeBel, pour la majorité, tiennent compte des résultats concrets obtenus pour évaluer les répercussions de la loi contestée sur le processus de négociation collective :

[29]  […] Il ressort du dossier que les membres de la GRC ont pu obtenir d’importants avantages à la suite de propositions ultérieures présentées dans le cadre du processus du Conseil de la solde. […] On a également approuvé une nouvelle politique plus généreuse relative à l’indemnité de disponibilité. Les résultats concrets ne sont pas déterminants dans une analyse relative à l’al. 2d), mais ceux qui ont été mis en preuve en l’espèce étayent une conclusion selon laquelle l’adoption de la LCD a eu des répercussions mineures sur les activités associatives des appelants.[205]

[175]      Le même raisonnement vaut ici. La durée moyenne des conventions collectives dans le secteur municipal avant l’entrée en vigueur de la Loi 24 étaye la conclusion selon laquelle l’article 50 n’est pas susceptible d’entraîner des effets négatifs importants sur le processus de négociation collective. Du reste, les Associations ne présentent aucune preuve à l’effet contraire; elles se fondent uniquement sur l’importance que revêt la durée de la convention collective pour les parties.

[176]      En somme, l’article 50 de la Loi 24 ne constitue pas une entrave substantielle à la liberté d’association des salariés syndiqués du secteur municipal. Cette mesure est sans contredit une ingérence dans la négociation collective, mais elle ne perturbe pas l’équilibre du rapport de force entre les parties au point d’interférer de façon substantielle avec un processus véritable de négociation collective. Elle n’empêche pas les salariés du secteur municipal de se regrouper et de poursuivre des objectifs communs en période de négociation collective.

[177]      Vu cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner si la restriction à la liberté d’association pose des limites raisonnables et justifiées aux termes de l’article premier de la Charte canadienne.

F.        La réparation appropriée

[178]      Si je récapitule, le processus de nomination des membres d’un CRD est le seul aspect de la Loi 24 qui compromet le caractère adéquat du mécanisme de règlement des différends comme substitut à la grève. Les autres aspects, soit les critères décisionnels, la durée de la décision et le partage des frais à parts égales, ne rendent pas le mécanisme d’arbitrage insatisfaisant au regard de l’article premier de Charte canadienne. Quant à la durée d’au moins cinq ans de la convention collective, elle ne porte pas atteinte à l’alinéa 2d) de la Charte canadienne.

[179]      Cela étant, quelle est la réparation appropriée eu égard aux rôles différents des tribunaux et des législateurs? Je traiterai d’abord de la doctrine de la dissociation pour ensuite aborder la suspension de la déclaration d’invalidité.

      La doctrine de la dissociation

[180]      L’arrêt de principe sur la doctrine de la dissociation demeure l’arrêt Schachter c. Canada[206]. Le juge de première instance renvoie d’ailleurs au passage suivant des motifs du juge en chef Lamer :

[…] Les tribunaux ont recours à la dissociation de façon à s’ingérer le moins possible dans les lois adoptées par le corps législatif. En règle générale, lorsque seulement une partie d’une loi ou d’une disposition viole la Constitution, il est logique de déclarer inopérante seulement la partie fautive et de maintenir en vigueur le reste du texte.[207]

Le critère pour appliquer la doctrine de la dissociation « repose sur la supposition que le législateur aurait adopté la partie constitutionnelle de la loi en question sans la partie inconstitutionnelle »[208].

[181]      Dans Ontario (Procureur général) c. G., la juge Karakatsanis, pour la majorité, résume ainsi la méthode fondée sur des principes qu’il faut utiliser pour déterminer la réparation appropriée :

[116]  […] Pour respecter les rôles différents des tribunaux et des législateurs, un principe fondamental de notre architecture constitutionnelle, le choix d’annuler une loi dans sa totalité ou d’accorder une réparation adaptée en donnant à cette loi une interprétation large, une interprétation atténuée ou en retranchant une de ses dispositions dépend de la réponse à la question de savoir si l’intention du législateur était telle qu’une cour peut raisonnablement conclure qu’il aurait adopté la loi telle que l’a modifiée la cour. Pour ce faire, la cour doit déterminer si l’objet général de la loi peut être réalisé sans qu’il y ait violation des droits. Si une réparation adaptée peut être accordée sans que la cour empiète sur le rôle du législateur, une telle réparation permettra de préserver les effets conformes sur le plan constitutionnel d’une loi ainsi que le bénéfice que cette loi procure au public. La primauté du droit est donc respectée si l’on veille à la conformité des lois avec la Constitution et si l’on s’assure que le public bénéficie des lois dans la mesure du possible.[209]

[182]      En l’espèce, les aspects du mécanisme de règlement des différends qui ne sont pas « fautifs », soit les critères décisionnels, la durée de la décision et le partage des frais à parts égales, peuvent être dissociés des parties de la loi qui rendent ce mécanisme inadéquat comme substitut à la grève. En effet, il est raisonnable de supposer que le législateur aurait adopté les articles 17, 30 et 34 sans les articles qui ont trait au processus de nomination des membres d’un CRD (le bloc des articles 10, 11, 12, 25 et 26). Il en va de même de l’article 50 sur la durée d’une convention collective dans le secteur municipal.

[183]      Ainsi, compte tenu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs et du respect qui est dû aux rôles différents des tribunaux et des législateurs, il n’y a pas lieu de déclarer invalides les articles 17, 30, 34 et 50 de la Loi 24.

      La suspension de la déclaration d’invalidité

[184]      Après avoir rappelé que les déclarations d’inconstitutionnalité ont généralement un effet rétroactif, le juge se penche sur la demande de suspension formulée par le PGQ. Il mentionne que « les syndicats demandeurs et intervenants n’ont pas fait de représentations sur le sujet »[210]. Il est d’avis de suspendre la prise d’effet de la déclaration afin de donner le temps au gouvernement d’examiner les répercussions et afin de « permettre éventuellement au législateur d’y répondre, en adoptant une loi qui soit compatible avec la Constitution »[211]. Enfin, il estime qu’une période de 12 mois sera « amplement suffisante »[212], notant à cet égard « qu’il existe déjà un remède disponible », soit le régime des articles 96, 97 et 98 du Code du travail [existant] avant 2016[213].

[185]      Les Associations soutiennent que le PGQ n’a pas démontré qu’un intérêt public impérieux, tel que la sécurité du public ou la primauté du droit, justifiait une suspension de la déclaration d’invalidité[214] et que les motifs du juge à cet égard sont lacunaires. Elles invoquent également la présomption de rétroactivité de la déclaration d’invalidité qui ferait en sorte que seul l’effet de la déclaration serait suspendu. Au terme de la période de suspension, la déclaration d’invalidité serait rétroactive à partir du moment de l’édiction de la Loi 24. Ainsi, la suspension ne ferait qu’aggraver la situation d’incertitude et de perturbation de la paix industrielle, en plus d’aller à l’encontre de la suprématie de la Constitution et des intérêts de la justice.

[186]      On peut inférer des motifs du juge que c’est précisément pour éviter de créer de l’incertitude et de l’instabilité qu’il a décidé de suspendre les effets de la déclaration d’invalidité pour une période de 12 mois à compter de la date de son jugement. Plutôt que de faire revivre partiellement l’ancien régime d’arbitrage (et d’empiéter, de ce fait, sur le domaine législatif), il a préféré laisser au législateur le soin de revoir le processus de nomination des membres d’un CRD[215].

[187]      La norme d’intervention applicable à une telle décision est la même que celle applicable à une réparation accordée en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne, c’est-à-dire que les Associations doivent démontrer que la suspension pour une période de 12 mois n’est pas « convenable et juste eu égard aux circonstances »[216]. À mon avis, les Associations ne font pas cette démonstration.

[188]      Quant à la nature temporelle de la déclaration avec effet suspendu, il est vrai que le juge ne dit pas explicitement si la déclaration d’invalidité s’appliquera de manière rétroactive ou purement prospective à la fin de la période de suspension. Mais vu l’objectif visé par la suspension, l’application prospective paraît plus logique. Il s’agit d’un cas où la présomption de rétroactivité se trouve réfutée « par voie de conséquence nécessaire » puisque l’application rétroactive de la déclaration d’invalidité irait à l’encontre de l’objectif même de la suspension[217].

[189]      D’ailleurs, étant donné le temps écoulé depuis le jugement de première instance, il convient de suspendre la déclaration d’invalidité des articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi 24 pour une période de six mois à compter de la date de l’arrêt de la Cour.

VI.               Conclusion

[190]      Pour ces motifs, je propose de rejeter l’appel et l’appel incident, sauf en ce qui concerne la période de suspension, sans frais de justice dans les circonstances.

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.


 

 

MOTIFS DU JUGE RANCOURT

 

 

[191]      J’ai lu avec attention les motifs soignés de ma collègue la juge Gagné. Je ne peux me rallier à son opinion qui conclut à l’inconstitutionnalité des dispositions de la Loi 24 encadrant le processus de sélection des membres du conseil de règlement des différends (« CRD »).

[192]      Je crois important, avant de fournir les motifs de mon désaccord, de traiter de la méthode d’analyse applicable lorsque le droit de grève est supprimé et remplacé par un mécanisme véritable de règlement des différends, couramment employé en relations du travail[218], comme c’est le cas ici.

[193]      En l’espèce, le Code du travail interdit aux policiers et pompiers à l’emploi d’une municipalité ou d’une régie intermunicipale de recourir à la grève en toute circonstance[219]. Cette même pièce législative prévoit un mécanisme de règlement des différends en donnant à l’association accréditée la possibilité, en cas d’échec à la table des négociations et en médiation, de recourir à l’arbitrage du différend qui l’oppose à l’employeur. Ce mécanisme existait avant l’adoption de la Loi 24, et ce, depuis plusieurs années.

[194]      Tant en première instance qu’en appel, la question s’est posée de savoir si l’examen d’un tel mécanisme devait se faire à l’étape de la détermination de l’entrave substantielle à la liberté d’association ou à l’étape de l’analyse fondée sur l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés  Charte canadienne »)[220].

[195]      L’intervenante UMQ avance, à l’instar du PGQ et du Ministre (« l’Employeur »), que les Associations doivent d’abord démontrer à la première étape de l’analyse que le mécanisme de règlement des différends entrave substantiellement le droit à la négociation collective. Ce ne serait qu’une fois cette démonstration établie que le mécanisme devrait ensuite être analysé sous l’angle de l’article premier de la Charte canadienne.

[196]      En revanche, les Associations plaident que la suppression du droit de grève et l’obligation de soumettre la conclusion d’une convention collective à un arbitre de différends constituent en soi une entrave substantielle à la liberté d’association. En conséquence, la seule manière pour l’Employeur de repousser la contravention est d’établir que le mécanisme se justifie aux termes de l’article premier de la Charte canadienne.

[197]      Le juge de première instance souligne que la réponse à cette question n’est pas claire. C’est ce qui l’amène à examiner la question selon les deux options et à affirmer que la seconde option apparaît s’imposer davantage[221], à l’aune de l’arrêt de notre Cour dans Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l’État québécois  LANEQ »)[222].

[198]      En appel, l’Employeur réaffirme qu’il ne saurait y avoir d’entrave substantielle à la liberté d’association puisqu’il existe, au sein de la Loi 24, un véritable mécanisme de règlement des différends.

[199]      J’estime que la position de l’Employeur ne peut être retenue.

[200]      La réponse à la question se trouve dans les motifs de la juge Abella exprimés dans l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour[223]. Dans cette affaire, le gouvernement de la Saskatchewan avait adopté une loi interdisant aux salariés désignés du secteur public qui assuraient des services essentiels d’exercer leur droit de grève. Même si la loi prévoyait la négociation d’un accord portant sur les services essentiels, l’employeur conservait le pouvoir de désigner unilatéralement ceux-ci si les parties ne parvenaient pas à un accord.

[201]      La juge Abella affirme que la suppression du droit de grève « revient à entraver substantiellement l’exercice du droit à un processus véritable de négociation collective »[224]. D’avis que la loi adoptée par le gouvernement de la Saskatchewan empêche les salariés désignés de se livrer à tout arrêt de travail, elle conclut à l’existence d’une entrave substantielle à la négociation collective, dont la justification doit être démontrée sous le prisme de l’article premier de la Charte canadienne[225].

[202]      Après avoir reconnu que l’ininterruption des services publics essentiels constitue à l’évidence un objectif urgent et réel et qu’il y a un lien rationnel entre l’objectif de l’État et la mesure législative[226], la juge Abella avalise les propos du juge de première instance suivant lesquels les dispositions de la loi « vont au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour assurer la prestation ininterrompue de services essentiels durant une grève »[227]. Tous ces éléments s’ajoutent, écrit-elle à « l’inexistence d’un processus de règlement des différends à la fois impartial et efficace qui permette de contester les désignations de l’employeur »[228] portant sur les services essentiels.

[203]      Il appert donc que la suppression législative du droit de grève constitue de façon univoque une entrave substantielle à la liberté d’association, et ce, malgré l’existence d’un véritable mécanisme de règlement des différends[229]. Il devient dès lors inutile de se livrer à l’examen de ce mécanisme à l’étape de la qualification de l’atteinte à la liberté d’association.

[204]      J’ouvre ici une parenthèse au sujet de cet énoncé de principe que je tiens pour acquis.

[205]      Je peux aisément concevoir que l’interdiction législative du droit de grève, lorsque non accompagnée d’un mécanisme adéquat de règlement des différends, constitue une entrave substantielle à la liberté d’association. Dépouillées de tout rapport de forces, les Associations ne pourraient revendiquer leur droit à un processus véritable de négociation collective et à l’obtention de conditions de travail décentes et équitables.

[206]      Qu’en est-il toutefois lorsque la suppression du droit de grève est assortie, à même la loi, d’un mécanisme adéquat de règlement de différends? En quoi une telle situation correspond-elle à une entrave substantielle à la liberté d’association?

[207]      Dans Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique Health Services »), la Cour suprême écrit ceci à propos des conditions de reconnaissance d’une entrave substantielle :

[93] De façon générale, pour déterminer si une mesure gouvernementale ayant des répercussions sur le processus de négociation collective protégé par la Charte constitue une atteinte substantielle, il faut examiner successivement deux questions. D’abord, il faut déterminer l’importance que les aspects touchés revêtent pour le processus de négociation collective et, plus particulièrement, la mesure dans laquelle la capacité des syndiqués d’agir d’une seule voix en vue de réaliser des objectifs communs est compromise. Puis, on doit étudier l’impact de la mesure sur le droit collectif à une consultation et à une négociation menée de bonne foi.[230]

[Soulignement ajouté]

[208]      Je me méprends peut-être, mais je ne crois pas que le mécanisme de règlement des différends adopté par le législateur (pré ou post Loi 24) répond à l’acception de l’entrave substantielle à la liberté d’association retenue par la Cour Suprême dans Health Services.

[209]      Bien que les aspects touchés par les mesures gouvernementales revêtent une importance particulière, elles n’ont pas miné la capacité des Associations de poursuivre collectivement leurs objectifs communs d’améliorer les conditions de travail de leurs membres. Elles n’ont pas davantage compromis la tenue de véritables discussions et consultations à leur sujet, l’arbitrage de différends étant spécifiquement précédé d’une phase de négociation et de médiation.

[210]      Loin en effet d’avoir miné la capacité des Associations de poursuivre leurs objectifs communs, le mécanisme de règlement des différends, comme substitut à l’interdiction du droit de grève, leur a plutôt permis d’améliorer nettement leurs conditions de travail au fil des ans.

[211]      La preuve au dossier est indubitable : grâce au mécanisme de règlement des différends, les conditions de travail des policiers et pompiers ont connu des améliorations significatives. C’est d’ailleurs ce que retient le juge de première instance en précisant aux paragraphes [107] et [108] du jugement entrepris que les salariés municipaux reçoivent une rémunération annuelle globale plus élevée que celle d’un salarié de la fonction publique provinciale. L’écart qui était de 24 % en 2000 s’est significativement creusé pour atteindre 39,5 %[231] en 2015[232].

[212]      Bref, si le but d’un tel mécanisme est de compenser la perte du pouvoir de négociation résultant de l’interdiction du droit de grève[233], force est de constater ici que le mécanisme mis en œuvre par le législateur a visiblement avantagé les Associations. Difficile dans ces circonstances d’y voir une entrave substantielle à leur liberté d’association.

[213]      Je ferme la parenthèse en rappelant que je tiens pour acquis l’énoncé de principe, tout en retenant les propos de la juge Abella dans Saskatchewan Federation of Labour selon laquelle la loi qui prévoit un mécanisme de rechange à la suppression du droit de grève « voit sa justification accrue au regard de l’article premier de la Charte »[234].

L’article premier de la Charte canadienne

[214]      L’article premier de la Charte canadienne précise que les droits qui y sont consacrés peuvent être restreints « par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique »[235].

[215]      Dans l’arrêt Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général) Association de la police montée »)[236], la Cour suprême réitère le test adopté dans l’arrêt R. c. Oakes[237]. Ainsi, la procédure de justification doit répondre à deux critères fondamentaux. Le premier requiert que l’objectif de la mesure gouvernementale soit urgent et réel et le second exige que le moyen choisi pour l’atteindre soit proportionné à cet objectif[238]. Ce critère de proportionnalité suppose que : 1) le moyen choisi possède un lien rationnel avec l’objectif de la mesure gouvernementale; 2) qu’il porte le moins possible atteinte au droit garanti par l’alinéa 2d); et 3) qu’il soit proportionné sur le plan de ses effets bénéfiques et préjudiciables[239].

[216]      Comme le précise la Cour suprême dans l’arrêt Ontario (Procureur général) c. Fraser  Fraser »), même si les lois du travail ne sont pas à l’abri d’un examen fondé sur la Charte canadienne, les tribunaux doivent adopter une posture de déférence envers le législateur au moment d’apprécier le caractère raisonnable de la justification, plus particulièrement à l’étape de l’atteinte minimale au droit garanti[240].

[217]      L’analyse au regard de l’article premier de la Charte canadienne doit se faire de façon globale, ce qui postule ici que le mécanisme de règlement des différends prévu dans la Loi 24 doit être examiné dans son ensemble.

[218]      La charge d’établir que la restriction à la liberté d’association est raisonnable repose sur les épaules de l’Employeur[241]. Ce dernier se déchargera de ce fardeau en établissant que la suppression du droit de grève est assortie d’un mécanisme de règlement des différends comportant des « garanties adéquates de sauvegarde des intérêts des travailleurs »[242], c’est-à-dire un mécanisme « à la fois adéquat, indépendant et efficace »[243].

Le caractère urgent et réel de l’objectif de la mesure gouvernementale

[219]      L’article 1 de la Loi 24 circonscrit l’objet de la Loi et énonce les principes directeurs qui la gouvernent.

[220]      L’objet de la Loi 24 met en exergue l’équilibre entre d’une part, la prise en compte des attentes collectives des salariés du secteur municipal et d’autre part, les impératifs d’une gestion efficace et efficiente des ressources financières destinées à la prestation des services publics, dans le processus de détermination de leurs conditions de travail.

[221]      Les principes directeurs, au nombre de quatre, mettent l’accent sur la redevabilité de la municipalité envers ses contribuables dans l’utilisation du produit des taxes et des tarifs, sur l’importance d’attirer et de maintenir un personnel qualifié, sur l’équité interne des conditions de travail pouvant être consenties et sur la responsabilité de l’employeur d’embaucher et de gérer les effectifs de manière à combler ses besoins opérationnels.

[222]      Le législateur prend le soin de préciser que ces principes directeurs doivent être interprétés de manière à ne pas limiter le droit des parties à la négociation collective, pas plus que le droit de soumettre un différend sur leurs conditions de travail à un CRD.

[223]      À l’égard du critère du caractère urgent et réel de l’objectif de la mesure gouvernementale, le juge de première instance a raison d’affirmer que ce n’est pas d’hier que le processus de négociation collective et d’arbitrage des différends présente des difficultés sérieuses[244]. Il retient également, à bon droit, l’écart salarial significatif entre les salariés municipaux et ceux de la fonction publique provinciale[245]. C’est ce qui lui fait dire que ces raisons budgétaires de même que l’objectif d’atteindre la paix industrielle par des négociations et arbitrages efficaces rendent urgent et réel l’objectif de la mesure gouvernementale adoptée. J’abonde dans le même sens.

L’examen de la proportionnalité du moyen choisi

Le moyen choisi possède un lien rationnel avec l’objet de la loi

[224]      Ce critère, peu exigeant, requiert l’existence d’un lien rationnel entre l’objectif urgent et réel et les moyens choisis pour atteindre cet objectif[246]. Il n’est pas nécessaire d’établir que la mesure gouvernementale permettra inévitablement d’atteindre l’objectif poursuivi[247].

[225]      Le juge ne commet aucune erreur en affirmant que le lien rationnel entre les moyens choisis et l’objectif du législateur est « manifeste »[248]. Il y a en effet un lien causal entre l’objectif du législateur d’assurer un équilibre entre les attentes collectives des salariés du secteur municipal et les impératifs de gestion efficace des ressources financières des municipalités, en ce qui concerne la détermination des conditions de travail des salariés du secteur municipal.

L’atteinte minimale à la liberté d’association et la proportionnalité des effets

[226]      Il est acquis que le moyen choisi par le législateur doit porter le moins possible atteinte au droit garanti à l’alinéa 2d) de la Charte canadienne, tout en permettant au gouvernement de réaliser son objectif. Ce moyen doit se situer à l’intérieur d’une gamme de mesures alternatives raisonnables[249]. Le moyen choisi doit également être proportionné dans ses effets bénéfiques et préjudiciables.

[227]      La question est donc de savoir si le mécanisme de règlement des différends de la Loi 24 porte atteinte le moins possible à la liberté d’association et s’il s’avère proportionné dans ses effets.

[228]      Comme je l’ai souligné plus haut, ce mécanisme de substitution à l’interdiction de faire la grève doit être adéquat, indépendant et efficace. S’il possède ces attributs, l’Employeur se sera alors déchargé du fardeau d’établir que la restriction à la liberté d’association est raisonnable et qu’elle se justifie dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[229]      Qu’en est-il?

[230]      Comme l’écrit le juge aux paragraphes [11] à [18] du jugement entrepris, la Loi 24 modifie les régimes de négociation collective applicables aux policiers et pompiers ainsi qu’aux autres salariés municipaux[250].

[231]      En ce qui a trait aux policiers et pompiers, elle introduit une phase obligatoire de médiation suivant une période de négociation entre les parties. Lorsque le médiateur n’est pas en mesure d’amener les parties à s’entendre, il remet aux parties et au ministre un rapport qui précise les matières sur lesquelles un accord est intervenu et celles sur lesquelles un différend subsiste.

[232]      Le ministre défère alors les matières sur lesquelles persiste un différend à un CRD, un tribunal constitué de trois membres nommés par le gouvernement, sur recommandation du ministre. Les membres du CRD doivent faire l’objet d’une recommandation d’un comité de sélection formé par le gouvernement. Le CRD est tenu de rendre sa décision selon l’équité et la bonne conscience, à partir de la preuve recueillie à l’enquête. Il doit tenir compte de huit facteurs et de tout autre élément de la preuve administrée à l’enquête. La décision, rendue à la majorité des membres, doit être motivée, rendue par écrit et signée.

[233]      Les parties peuvent, à tout moment, s’entendre sur une matière qui faisait l’objet du différend auquel cas le CRD consigne l’entente à la décision.

[234]      La décision lie les parties pour une durée déterminée de cinq ans à compter de l’expiration de la convention collective ou de la date d’accréditation dans le cas où il s’agit d’une première convention.

[235]      Les frais du CRD sont assumés à parts égales par les parties. Le ministre peut, à sa discrétion, mettre en place un programme d’aide financière destiné aux parties.

[236]      Quant aux autres salariés municipaux, la Loi 24 prévoit une première phase de médiation lorsque les parties n’ont pu en venir à une entente négociée dans un délai imparti. Si la médiation s’avère infructueuse, des circonstances exceptionnelles permettent à une partie de demander la nomination d’un mandataire spécial en vue de favoriser le règlement du différend. Elles peuvent également, dans la même situation d’impasse après la médiation, demander conjointement que leur différend soit soumis à un arbitre unique. Le ministre nomme l’arbitre, qui est choisi parmi les personnes reconnues aptes à être nommées arbitres par décision du gouvernement, après avoir fait l’objet d’une recommandation d’un comité de sélection formé par ledit gouvernement.

[237]      J’ai à dessein résumé les principales dispositions de la Loi 24, afin d’illustrer le caractère adéquat du mécanisme de remplacement mis en place par le législateur en ce qui concerne les policiers et les pompiers.

[238]      Le mécanisme prévoit un véritable processus de négociation collective entre les parties. Il importe de souligner que la grande majorité des conventions collectives sont signées à la suite de ce processus de négociation collective. Lorsque les parties ne parviennent pas à une entente, le mécanisme prévoit une phase de médiation obligatoire pour les policiers et pompiers. Sous l’égide d’un médiateur rompu aux rapports collectifs du travail, la médiation permet aux parties de faire valoir leur point de vue respectif, afin de conclure une entente négociée. Le législateur crée ainsi un autre espace pour amener les parties à conclure une convention collective.

[239]      Ce n’est que dans l’hypothèse où la médiation échoue que le ministre défère uniquement les matières sur lesquelles persiste un différend à un CRD. Ce tribunal entend les parties et recueille la preuve administrée par chacune d’elles. Il rend ensuite une décision en tenant compte notamment des huit facteurs prévus par la Loi 24.

[240]      Je ne crains pas d’affirmer que ce mécanisme échappe aux failles dirimantes décelées par les tribunaux dans les arrêts Health Services, Association de la police montée, Saskatchewan Federation of Labour et LANEQ.

[241]      Le mécanisme ne prohibe pas l’intégration de conditions de travail spécifiques dans les conventions collectives, comme c’était le cas dans Health Services. Il ne place pas le sort des conditions de travail des salariés entre les seules mains de l’employeur comme dans l’affaire Association de la police montée. Il n’est vraiment pas comparable à celui ayant cours dans Saskatchewan Federation of Labour qui conférait à l’employeur le pouvoir de désigner unilatéralement les services essentiels lorsque les parties ne parvenaient pas à s’entendre. Et, plus près de nous, il ne ressemble en rien à celui adopté dans LANEQ, dont l’objet visait la prolongation de la période de négociation entre les parties, mais qui, à défaut d’entente, laissait au législateur le pouvoir entier de déterminer le contenu de la convention collective.

[242]      Pour reprendre les propos du juge Dickson dans le Renvoi albertain, ce mécanisme garantit « que la perte du pouvoir de négociation par suite de l’interdiction législative des grèves est compensée par l’accès à un système qui permet de résoudre équitablement, efficacement et promptement les différends mettant aux prises employés et employeurs »[251].

[243]      Je n’ai donc aucune hésitation à affirmer que le mécanisme de rechange à l’interdiction du droit de grève de la Loi 24 est adéquat.

[244]      Le mécanisme de rechange est-il indépendant?

[245]      À l’étape de l’examen de l’entrave substantielle à la liberté d’association[252], le juge de première instance signale sa préoccupation liée à l’indépendance du CRD puisque « le comité de sélection comprend trois représentants gouvernementaux sur cinq avec pour résultat que le gouvernement y dispose de la majorité absolue »[253]. En sa qualité de bailleur de fonds des municipalités, le juge voit un problème à ce qu’il n’y ait qu’un représentant syndical sur cinq siégeant au comité de sélection. Sans pouvoir décisionnel, il qualifie ce mode de représentation de « factice »[254]. Il renchérit en écrivant que : « les syndicats, ni à travers leurs associations ou leurs centrales ni au niveau local, ne sont pas consultés et ne peuvent influer ou contribuer d’aucune façon sur la nomination des arbitres du CRD »[255].

[246]      Puis, transposant son analyse à l’étape justificative de l’article premier de la Charte canadienne, le juge estime que les dispositions portant sur la constitution des CRD ne satisfont pas au critère de l’atteinte minimale. Pour justifier cette position, il insiste sur les caractéristiques du régime en vigueur avant l’adoption de la Loi 24. Il accorde une importance particulière au choix exercé de façon paritaire par les parties dans la désignation d’un arbitre de différends, une protection disparue avec l’avènement de la Loi 24[256]. Au sujet de la proportionnalité des effets, il affirme que le fait d’être « placé devant des conditions de travail fixées pour une période d’au moins cinq ans sans qu’on puisse d’aucune façon influer sur le choix du décideur, c’est d’enlever aux syndicats un élément de négociation capital »[257]. La nouvelle approche prescrite par la Loi 24 enlève « aux syndicats un attribut fondamental de la liberté d’association et ce, de façon disproportionnée par rapport aux objectifs de la législation »[258].

[247]      Ma collègue partage essentiellement la perspective du juge de première instance. Elle renvoie à la procédure de nomination de l’arbitre qui existait depuis 1964 jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi 24[259]. Il s’agissait d’un processus consensuel qui donnait aux parties une importante voix au chapitre[260]. La nouvelle loi rompt avec cette approche[261]. La liste des personnes reconnues aptes à être membre d’un CRD ne reçoit plus l’aval des parties qui perdent ainsi le contrôle sur la sélection de l’arbitre[262]. La Loi 24 ne renferme aucune politique ou règle visant à assurer la compétence et l’impartialité des membres d’un CRD; jumelé au contrôle exercé par le gouvernement, cela rend le mécanisme de rechange inadéquat comme substitut à la grève[263].

[248]      Nos opinions divergent sur ces deux aspects du raisonnement du juge de première instance. J’aborderai en premier lieu l’« exigence » du paritarisme dans le choix de l’arbitre de différends que le législateur n’a pas retenue dans la Loi 24. Puis, je traiterai du processus de désignation, par le comité de sélection, des personnes aptes à être nommées membres d’un CRD.

[249]      Les associations font grand état du régime légal en vigueur avant l’adoption de la Loi 24 fondé sur le paritarisme, comme s’il s’agissait de la seule façon de résoudre un différend portant sur les conditions de travail.

[250]      Pourtant, la Cour suprême a constamment rappelé[264] que la protection de l’alinéa 2d) de la Charte canadienne ne garantissait pas l’accès de l’une ou l’autre des parties à un régime légal précis.

[251]      Dans Dunmore c. Ontario (Procureur général), la Cour suprême établit que l’alinéa 2d) de la Charte canadienne garantit la liberté d’exercer une activité associative de la nature d’une négociation collective; le processus est protégé et non l’atteinte d’un résultat précis[265].

[252]      Dans Health Services, la Cour suprême précise que la protection de l’alinéa 2d) confère le droit de participer à un processus général de négociation collective et non l’accès à un régime légal précis[266], le droit de revendiquer un modèle particulier de relations du travail ou encore une méthode particulière de négociation[267].

[253]      Dans Fraser, la Cour suprême réfute l’idée suivant laquelle la protection offerte par la liberté d’association exige l’adoption de lois établissant un modèle uniforme de relations du travail du type Wagner[268].

[254]      Dans Association de la police montée, la Cour suprême réaffirme que la liberté d’association n’impose pas un modèle particulier de relations du travail[269]. Le régime choisi doit cependant offrir aux salariés « l’occasion de véritablement participer au choix de leurs objectifs collectifs » et leur assurer « une indépendance suffisante par rapport à la direction pour qu’ils puissent contrôler les activités de l’association, eu égard au secteur d’activités et au milieu de travail en cause »[270].

[255]      Dans les faits, les Associations veulent à tout prix préserver le modèle d’arbitrage des différends antérieur à l’adoption de la Loi 24 et l’imposer au gouvernement.

[256]      Or, s’agissant d’une décision de politique générale sujette à déférence, le gouvernement n’était aucunement tenu de maintenir la modalité de la participation paritaire dans le régime d’arbitrage des différends. Il devait toutefois s’assurer, et c’est ce qu’il a fait, que les modifications apportées au régime ne contrevenaient pas à leur liberté d’association[271]. 

[257]      Dit autrement, ce n’est pas parce que le législateur prévoit dorénavant la nomination des membres du tribunal chargé de régler les différends que le mécanisme de rechange a perdu son caractère d’indépendance.

[258]      Le juge de première instance commet une erreur révisable en affirmant que la disparition du paritarisme entraîne par voie de conséquence une contravention à l’alinéa 2d) de la Charte canadienne.

[259]      Qu’en est-il maintenant du processus de désignation des membres du CRD?

[260]      Le juge de première instance conclut que les articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi 24 encadrant la constitution d’un CRD sont inconstitutionnels. Selon lui, le mécanisme de rechange n’est pas impartial ou indépendant puisque les Associations « n’ont aucun pouvoir décisionnel ni ne peuvent avoir aucune influence sur l’identité du tribunal d’arbitrage en amont, soit au moment de la confection de la liste, et en aval, soit au moment du choix ultime des arbitres »[272]. Le fait d’avoir réservé un siège sur cinq au représentant des Associations les plus représentatives des policiers et des pompiers sur le comité de sélection des membres du CRD alors que le gouvernement en détient trois, soit la majorité absolue, accentue le caractère inadéquat du régime de rechange[273].

[261]      À l’instar de l’Employeur, je suis d’avis que le juge commet une erreur de droit en déclarant que le mécanisme de règlement des différends doit inclure la participation paritaire des Associations lors de la désignation des personnes aptes à être nommées membres d’un CRD. Une telle protection constitutionnelle est inexistante.

[262]      Le juge se méprend en constitutionnalisant le droit de participation au processus de nomination des membres d’un CRD. Le droit de désigner les personnes aptes à résoudre un différend appartient au gouvernement et non à l’une ou l’autre des parties à l’arbitrage. Le pouvoir de nomination de décideurs administratifs relève en effet du gouvernement, conformément au principe démocratique du gouvernement responsable[274]. La protection constitutionnelle du droit à un processus véritable de négociation collective et du droit de grève ne s’étend pas jusqu’à prévoir une telle participation.

[263]      Je peine à concevoir qu’une partie, pour reprendre les propos du juge de première instance, puisse avoir un droit constitutionnel « d’influer sur le choix du décideur »[275]. Je ne vois pas davantage comment le fait pour une partie de n’« avoir aucune influence sur l’identité du tribunal d’arbitrage »[276] puisse être de nature à rendre le mécanisme de règlement des différends dysfonctionnel et entaché de partialité. Rien dans la preuve ne permet de soutenir que la présence majoritaire des représentants du gouvernement sur le comité de sélection emportera comme conséquence la nomination d’un membre du CRD à la solde de l’Employeur.

[264]      La conclusion du juge fait en outre fi des exigences d’impartialité et d’indépendance auxquelles est assujetti chacun des membres composant le CRD, une fois nommé. L’article 12 de la Loi 24 prévoit que l’arbitre ne doit avoir aucun intérêt pécuniaire dans le différend soumis ni d’avoir agi dans ce différend à quelque titre. L’article 15 établit que la décision doit être rendue selon l’équité et la bonne conscience. Suivant l’article 16, la décision est rendue à partir de la preuve recueillie à l’enquête, en tenant compte des huit facteurs énumérés à l’article 17.

[265]      Une fois nommés, les membres du CRD ne sont redevables à aucune autorité gouvernementale. À l’instar de tout décideur de l’ordre judiciaire ou administratif, la décision à rendre doit l’être uniquement en suivant les paramètres fixés par la Loi 24.

[266]      Le mécanisme possède sans conteste la qualité d’être indépendant.

[267]      Le mécanisme de rechange est-il efficace?

[268]      Le juge note au paragraphe [98] du jugement entrepris que les Associations ont introduit une preuve portant sur l’incompétence et le manque de professionnalisme des membres du CRD dans deux dossiers en particulier. Cela démontrerait, selon elles, que le processus de désignation des membres est vicié et que le mécanisme est inefficace.

[269]      Le juge rejette prestement cet argument en écrivant ce qui suit :

[98] […] D’une part, toutes les parties s’entendent pour dire que d’autres arbitres de la liste sont tout à la fois compétents et professionnels et, d’autre part, il existe des mesures, comme des demandes de récusation ou des recours judiciaires, permettant de corriger ou rectifier la situation et dont les parties s’en sont d’ailleurs prévalues avec succès dans les cas invoqués.[277]

[270]      Ce passage du jugement tranche par ailleurs avec les propos tenus par le juge au paragraphe [122] dans lequel il affirme que les membres des CRD sont choisis « un peu au hasard » et que « [c]es arbitres ne possèdent pas nécessairement d’expertise ni de connaissances du milieu de travail propre aux policiers et pompiers », ce qui est inexact.

[271]      Ce dernier énoncé est en décalage complet avec la Procédure menant à la reconnaissance des personnes aptes à agir en matière de règlement des différends dans le secteur municipal[278], adoptée conformément à la Loi 24. Cette Procédure précise dans le menu détail les règles et les modalités conduisant à la sélection des membres d’un CRD. Il n’y a aucun hasard dans le choix de ces personnes tant s’en faut. D’affirmer de surcroît que ces arbitres ne possèdent pas nécessairement l’expertise et les connaissances voulues ne rend pas justice aux membres reconnus aptes et dont le nom figure au Décret pris par le gouvernement le 4 juillet 2017[279].

[272]      L’argument de l’inefficacité du mécanisme d’arbitrage des différends ne résiste donc pas à l’analyse, d’autant que la preuve recueillie à l’instruction devant la Cour supérieure a démontré que les Associations ont boycotté le processus de désignation des membres du CRD en refusant de participer aux séances du comité de sélection[280], ce qui a forcé le ministre à désigner en leur nom un professeur titulaire du Département des relations industrielles de l’Université Laval.

[273]      Il est permis d’affirmer, comme l’a écrit la Cour suprême dans Fraser, que les Associations n’ont pas fait d’efforts significatifs pour faire fonctionner ce nouveau régime[281].

[274]      À la différence de ce qu’écrit ma collègue, la récusation de membres du CRD à la suite d’incidents procéduraux ne minore en rien l’efficacité du mécanisme. Comme le souligne le juge de première instance, des recours judiciaires existent pour pallier ces accrocs, ce que les Associations n’ont pas manqué d’utiliser avec succès dans les cas invoqués[282].

[275]      Le mécanisme de règlement des différends constitue un moyen efficace de résoudre l’impasse des négociations. Il permet à chaque partie de faire valoir son point de vue en administrant une preuve devant un tiers qui a les pouvoirs de rendre la décision après avoir pris en considération les facteurs énumérés à l’article 17 de la Loi 24.

[276]      En définitive, je suis convaincu que le mécanisme de rechange retenu par le législateur est adéquat, indépendant et efficace. Il empêche l’une des parties de dicter ses conditions ou d’imposer ses exigences à l’autre. Il présente une solution raisonnablement défendable pour réaliser l’objectif du législateur et il a été soigneusement adapté pour éviter que l’atteinte au droit des Associations ne dépasse ce qui est nécessaire. Il va de soi, dans ces circonstances, que les effets bénéfiques de la Loi 24 l’emportent sur ses effets préjudiciables. Elle passe ainsi avec succès le test de la justification accrue au regard de l’article premier de la Charte canadienne[283].

[277]      Cela étant écrit, je propose d’accueillir l’appel incident et d’infirmer les conclusions du juge de première instance sur l’inconstitutionnalité des dispositions portant sur la constitution du CRD.

 

 

 

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 


ANNEXE

Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, L.Q. 2016, c. 24 [Loi 24]

CHAPITRE I

OBJET DE LA LOI ET PRINCIPES DIRECTEURS

1.  La présente loi vise à assurer, dans le processus de détermination des conditions de travail des salariés du secteur municipal, la prise en compte des attentes collectives de ces salariés et des impératifs d’une gestion efficace et efficiente des ressources financières destinées à la prestation des services publics.

À cette fin, les principes suivants doivent guider en tout temps la détermination des conditions de travail dans ce secteur :

 en qualité d’institution démocratique, une municipalité est redevable auprès de ses contribuables de l’utilisation du produit des taxes et tarifs qu’elle perçoit pour assumer la prestation des services publics qui lui incombent ou qui incombent à un autre employeur municipal dont elle assume en totalité ou en partie les dépenses, chaque employeur municipal ayant par ailleurs pour mission première de dispenser des services de qualité aux résidents de chaque territoire desservi;

 l’attraction et le maintien à l’emploi d’un personnel qualifié commandent des conditions de travail justes et raisonnables eu égard aux qualifications requises, aux tâches à exécuter et à la nature des services rendus;

 l’équité entre les membres du personnel exige de maintenir un rapport approprié entre les conditions afférentes aux différentes catégories ou classes d’emploi, notamment en ce qui concerne les salaires, les augmentations salariales et les avantages pouvant être consentis;

 il est de la responsabilité de l’employeur de pourvoir à l’embauche de personnel qualifié et de gérer ses effectifs de manière à combler ses besoins opérationnels.

Ces principes doivent être interprétés de manière à ne pas limiter le droit des parties à la négociation d’une convention collective ou le droit de soumettre à l’arbitrage d’un conseil de règlement des différends ou à un arbitre quelque matière relative aux conditions de travail des salariés.

2.  Dans la présente loi, on entend par « secteur municipal » :

 toute municipalité, à l’exception de l’Administration régionale Kativik, des villages nordiques et cris et du village naskapi;

 toute communauté métropolitaine;

 toute régie intermunicipale;

 toute société de transport en commun;

 tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent de la municipalité, tout organisme dont le conseil d’administration est composé majoritairement de membres du conseil d’une municipalité et dont le budget est adopté par celui-ci et tout organisme dont le conseil d’administration est formé majoritairement d’élus municipaux;

 la Société municipale d’habitation Champlain et tout autre organisme constitué en vertu de l’article 59 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Québec (chapitre C-11.5);

 la Société d’habitation et de développement de Montréal et tout autre organisme constitué en vertu de l’article 218 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal (chapitre C11.4).

CHAPITRE II

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX POLICIERS ET AUX POMPIERS

SECTION I

APPLICATION

3.  Le présent chapitre s’applique au règlement des différends entre une association de salariés accréditée au sens du Code du travail (chapitre C27) pour représenter des policiers ou des pompiers et une municipalité ou une régie intermunicipale.

SECTION II

MÉDIATION

4.  En l’absence d’une convention collective intervenue entre les parties dans les 240 premiers jours de la phase des négociations entre les parties, l’employeur en donne avis au ministre responsable de l’application du Code du travail, avec copie à l’association accréditée. Malgré l’article 53 du Code du travail, la phase des négociations débute le 90e jour précédant celui de l’expiration de la convention courante ou, dans le cas de la négociation d’une convention par une association nouvellement accréditée, le jour de cette accréditation.

L’employeur peut différer l’envoi de cet avis si une entente de principe fait l’objet d’un examen par les salariés. Le cas échéant, il transmet l’avis dans les sept jours du rejet de l’entente.

À défaut par l’employeur de transmettre l’avis dans le délai prescrit, l’association accréditée peut y pourvoir.

5.  Sur réception de l’avis prévu à l’article 4, le ministre responsable de l’application du Code du travail nomme un médiateur pour aider les parties à régler leur différend. Le ministre peut agir de son propre chef s’il n’a reçu aucun avis le quinzième jour suivant celui de l’expiration de l’un ou l’autre des délais prévus à cet article, selon celui qui est applicable.

Malgré le premier alinéa, en tout temps, le ministre nomme un médiateur sur demande conjointe des parties.

6.  Le médiateur a 60 jours suivant sa nomination pour amener les parties à s’entendre. Le ministre responsable de l’application du Code du travail peut, une seule fois et à la demande conjointe des parties ou du médiateur, prolonger la période de médiation d’au plus 60 jours.

Les parties sont tenues d’assister à toute réunion où le médiateur les convoque.

7.  À défaut d’entente à l’expiration de la période de médiation, le médiateur remet aux parties un rapport dans lequel il indique les matières qui ont fait l’objet d’un accord et celles faisant encore l’objet d’un différend.

8.  Le médiateur remet en même temps une copie du rapport au ministre et au ministre responsable de l’application du Code du travail, avec ses commentaires.

SECTION III

CONSEIL DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

9.  Sur réception d’un rapport du médiateur, le ministre défère le différend à un conseil de règlement des différends et en avise les parties.

10.  Le conseil de règlement des différends est constitué de trois membres nommés par le gouvernement, sur recommandation du ministre. Le membre qui préside les séances doit être avocat.

11.  Les membres du conseil sont choisis parmi les personnes reconnues aptes à être nommées à ce titre, par décision du gouvernement. Les membres choisis doivent, ensemble, posséder une expérience reconnue dans tous les domaines de compétence prévus au quatrième alinéa.

Aux fins du premier alinéa, le gouvernement reconnaît au moins six personnes. Ces personnes doivent faire l’objet d’une recommandation d’un comité de sélection, formé et agissant selon les conditions que le gouvernement détermine.

Pour être reconnues aptes et le demeurer, ces personnes doivent satisfaire aux conditions suivantes :

 ne pas être ou avoir été, au cours de l’année précédant la reconnaissance, employé, dirigeant ou autrement représentant d’un employeur du secteur municipal, d’une association représentant des salariés de ce secteur ou d’un regroupement de ces employeurs ou associations;

2° s’engager par écrit à ne pas agir comme arbitre dans un grief relativement à l’interprétation ou à l’application d’une décision rendue conformément au présent chapitre.

Le comité de sélection doit, aux fins d’identifier les personnes qu’il entend recommander, favoriser celles jouissant d’une expérience reconnue en relations du travail ou dans le domaine municipal ou économique.

La reconnaissance, par le gouvernement, des personnes aptes à être membres du conseil est valide pour une période de cinq ans.

12.  Un membre du conseil ne doit avoir aucun intérêt pécuniaire dans le différend qui lui est soumis ni avoir agi dans ce différend à titre d’agent d’affaires, de procureur, de conseiller ou de représentant d’une partie.

13.  Le ministre transmet au conseil le rapport du médiateur.

14.  Seules les matières qui n’ont pas fait l’objet d’un accord constaté dans le rapport du médiateur sont soumises à la décision du conseil.

Le conseil a compétence exclusive pour déterminer ces matières en se fondant sur le rapport du médiateur ou, selon le cas, sur son constat des matières qui n’ont pas fait l’objet d’un accord lors de sa médiation.

15.  Le conseil est tenu de rendre sa décision selon l’équité et la bonne conscience.

16.  Le conseil rend sa décision à partir de la preuve recueillie à l’enquête.

17.  Sous réserve de l’article 16, le conseil doit, pour rendre sa décision, tenir compte :

 de la situation financière et fiscale de la municipalité concernée ou des municipalités parties à l’entente constituant la régie intermunicipale concernée et de l’impact de la décision sur cette municipalité ou ces municipalités et sur leurs contribuables;

 des conditions de travail applicables aux salariés concernés;

 des conditions de travail applicables aux autres salariés de la municipalité concernée ou des municipalités parties à l’entente constituant la régie intermunicipale concernée;

 de la politique de rémunération et des dernières majorations consenties par le gouvernement aux employés des secteurs public et parapublic;

 des conditions de travail applicables dans des municipalités et des régies intermunicipales semblables;

 des exigences relatives à la saine gestion des finances publiques;

 de la situation économique locale;

 de la situation et des perspectives salariales et économiques du Québec.

Le conseil peut, en outre, tenir compte de tout autre élément de la preuve visée à l’article 16.

18.  Le conseil procède en toute diligence à l’instruction du différend selon la procédure et le mode de preuve qu’il juge appropriés.

19.  Les séances du conseil sont publiques; il peut toutefois, de son chef ou à la demande de l’une des parties, ordonner le huis clos.

20.  Le conseil a tous les pouvoirs d’un juge de la Cour supérieure pour la conduite de ses séances; il ne peut cependant imposer l’emprisonnement.

21.  Sur demande des parties ou à l’initiative du conseil, les témoins sont cités à comparaître par ordre écrit, signé par le président du conseil. Celui-ci peut faire prêter serment.

22.  Une personne dûment citée à comparaître en application de l’article 21 qui refuse de comparaître ou de témoigner peut y être contrainte comme si elle avait été citée à comparaître suivant le Code de procédure civile (chapitre C-25.01).

23.  Toute personne citée à comparaître en application de l’article 21 a droit à la même indemnité que les témoins en Cour supérieure et au remboursement de ses frais de déplacement et de séjour.

Cette somme est payable par la partie qui a proposé la citation à comparaître, mais la personne qui bénéficie de son salaire durant cette période n’a droit qu’au remboursement des frais de déplacement et de séjour.

Lorsqu’une personne est dûment citée à comparaître à l’initiative du conseil, cette somme est payable à parts égales par les parties.

24.  Le conseil peut communiquer ou autrement notifier tout ordre, document ou procédure émanant de lui ou des parties en cause.

25.  Les décisions du conseil sont prises à la majorité de ses membres. Elles doivent être motivées, rendues par écrit et signées par les membres qui y concourent. Un membre peut exprimer sa dissidence par un écrit distinct de la décision.

26.  Lorsque, à la suite d’un empêchement d’agir, un membre du conseil ne peut poursuivre l’instruction du différend, celui-ci peut être validement poursuivi et une décision unanime peut être validement rendue par les deux autres membres si l’un d’eux est avocat.

Lorsque le conseil poursuit l’instruction d’un différend conformément au premier alinéa et que les opinions sont partagées aux fins de rendre la décision, le gouvernement nomme, après avis du conseil l’en informant, un troisième membre. Ce membre peut, aux fins de rendre la décision et avec le consentement des parties, s’en tenir à la preuve déjà produite.

Lorsque le conseil ne peut poursuivre l’instruction d’un différend conformément au premier alinéa, le membre avocat qui le présidait doit être remplacé. Le membre avocat désigné pour le remplacer peut aussi, avec le consentement des parties, s’en tenir à la preuve déjà produite au moment de sa nomination.

27.  En tout temps avant de rendre sa décision finale, le conseil peut rendre toute décision intérimaire qu’il croit juste et utile.

28.  Le conseil doit rendre sa décision dans les six mois de sa constitution.

Le ministre peut, lorsqu’il juge que les circonstances et l’intérêt des parties le justifient, accorder au conseil un délai supplémentaire qu’il détermine. Il peut, aux mêmes conditions, accorder un nouveau délai supplémentaire.

29.  Le conseil consigne à sa décision les stipulations relatives aux matières qui ont fait l’objet d’un accord constaté par le rapport du médiateur.

Les parties peuvent, à tout moment, s’entendre sur une matière faisant l’objet du différend et les stipulations correspondantes sont également consignées à la décision par le conseil, qui ne peut les modifier sauf en vue de faire les adaptations nécessaires pour les rendre compatibles avec une disposition de la décision.

30.  La décision lie les parties pour une durée déterminée de cinq ans à compter de l’expiration de la convention collective ou, dans le cas d’une première convention, à compter de la date de l’accréditation. Les parties peuvent cependant convenir d’en modifier le contenu en partie ou en tout.

31.  Le conseil transmet l’original de la décision au ministre responsable de l’application du Code du travail et en expédie, en même temps, une copie au ministre et à chaque partie.

32.  Le conseil peut corriger en tout temps une décision entachée d’erreur d’écriture ou de calcul, ou de toute autre erreur matérielle.

33.  La décision a l’effet d’une convention collective signée par les parties conformément aux dispositions du Code du travail.

Elle peut être exécutée sous l’autorité d’un tribunal compétent, sur poursuite intentée par une partie, laquelle n’est pas tenue de mettre en cause la personne pour le bénéfice de laquelle elle agit.

 

34.  Les frais du conseil, y compris les honoraires de ses membres, sont assumés à parts égales par les parties.

Ces frais sont déterminés par règlement du gouvernement. Le ministre peut mettre en place un programme d’aide financière destiné aux parties.

35.  Un membre du conseil de règlement des différends ne peut être poursuivi en justice en raison d’actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de ses fonctions.

36.  Sauf sur une question de compétence, aucun pourvoi en contrôle judiciaire prévu au Code de procédure civile ne peut être exercé, ni aucune injonction accordée contre un membre du conseil agissant en sa qualité officielle.

CHAPITRE III

DISPOSITIONS APPLICABLES À D’AUTRES SALARIÉS

SECTION I

APPLICATION

37.  Le présent chapitre s’applique au règlement des différends entre une association accréditée au sens du Code du travail représentant des salariés autres que des pompiers ou des policiers et un employeur du secteur municipal.

SECTION II

MÉDIATION

38.  En l’absence d’une convention collective intervenue entre les parties le 150e jour suivant l’acquisition du droit de grève ou de lock-out, l’employeur en donne avis au ministre responsable de l’application du Code du travail, avec copie à l’association accréditée.

Les parties peuvent conjointement informer le ministre responsable de l’application du Code du travail qu’elles prolongent la période prévue au premier alinéa jusqu’au 180e jour.

L’employeur peut différer l’envoi de cet avis si une entente de principe fait l’objet d’un examen par les salariés. Le cas échéant, il transmet l’avis dans les sept jours du rejet de l’entente.

À défaut par l’employeur de transmettre l’avis dans le délai prescrit, l’association accréditée peut y pourvoir.

39.  Sur réception de l’avis prévu à l’article 38, le ministre responsable de l’application du Code du travail nomme un médiateur pour aider les parties à régler leur différend. Le ministre peut agir de son propre chef s’il n’a reçu aucun avis le quinzième jour suivant celui de l’expiration de l’un ou l’autre des délais prévus à cet article, selon celui qui est applicable.

Malgré le premier alinéa, en tout temps, le ministre nomme un médiateur sur demande conjointe des parties.

Les articles 6 à 8 concernant la médiation s’appliquent, avec les adaptations nécessaires.

Le rapport du médiateur prévu à l’article 7 est remis à l’arbitre nommé suivant les dispositions de l’article 44.

SECTION III

MANDATAIRE SPÉCIAL

40. Si des circonstances exceptionnelles le justifient, une partie peut, après le dépôt du rapport du médiateur en application de la section II, demander au ministre par un écrit en exprimant les motifs la nomination d’un mandataire spécial en vue de favoriser le règlement du différend.

41.  Le ministre nomme un mandataire spécial s’il estime, après consultation du ministre responsable de l’application du Code du travail, que tous les moyens en vue de régler le différend ont été épuisés et que, à la lumière des circonstances exceptionnelles exposées par la partie qui en fait la demande, la subsistance du différend risque sérieusement de compromettre la prestation de services publics.

42.  Le mandataire spécial doit jouir, en plus d’une expérience reconnue en relations du travail, d’une expérience dans le domaine municipal ou économique.

L’acte de nomination du mandataire spécial précise la durée de son mandat ainsi que toute autre condition d’exercice qui lui est applicable.

Le mandat du mandataire spécial peut être, à sa demande, prolongé par le ministre pour une période maximale de 30 jours.

43.  À la fin de son mandat ou dès qu’il estime qu’il est peu probable que les parties puissent en venir à une entente, le mandataire spécial remet un rapport de son activité aux parties et au ministre.

Les parties sont tenues de fournir au mandataire spécial toutes les informations pertinentes à l’exécution de son mandat.

Ce rapport contient les recommandations que le mandataire spécial juge appropriées pour permettre un règlement du différend. Ces recommandations doivent tenir compte des critères prévus à l’article 17 dans un souci d’équité à l’égard des parties. Malgré l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), nul n’a droit d’accès à ce rapport.

SECTION IV

ARBITRAGE

44.  Après une médiation infructueuse tenue conformément aux dispositions de la section II, les parties peuvent demander conjointement que leur différend soit soumis à un arbitre unique.

La demande de nomination d’un mandataire spécial en vertu de la section III suspend toutefois le droit à l’arbitrage, jusqu’à la décision du ministre ou du gouvernement de ne pas y faire droit ou jusqu’au rapport formulé en application de l’article 43.

45.  Sur réception d’une demande conforme à l’article 44, le ministre nomme un arbitre et en avise les parties.

46.  L’arbitre est choisi parmi les personnes reconnues aptes à être nommées arbitres par décision du gouvernement.

Ces personnes doivent faire l’objet d’une recommandation d’un comité de sélection, formé et agissant selon les conditions que le gouvernement détermine.

Pour être reconnues aptes et le demeurer, ces personnes doivent satisfaire aux conditions suivantes :

 être membre du Barreau du Québec et posséder une expérience reconnue en relations du travail ou dans le domaine municipal;

 ne pas être ou avoir été, au cours de l’année précédant la reconnaissance, employé, dirigeant ou autrement représentant d’un employeur du secteur municipal, d’une association représentant des salariés de ce secteur ou d’un regroupement de ces employeurs ou associations;

 s’engager par écrit à ne pas agir comme arbitre dans un grief relativement à l’interprétation ou à l’application d’une décision rendue conformément au présent chapitre.

La reconnaissance, par le gouvernement, des personnes aptes à être nommées arbitres est valide pour une période de cinq ans.

47.  Les articles 13 à 25 et 27 à 36 s’appliquent à l’arbitrage tenu en vertu de la présente section, avec les adaptations nécessaires.

CHAPITRE IV

AUTRES DISPOSITIONS

48.  Les articles 54 à 57 ainsi que les sections I et I.1 du chapitre IV du Code du travail ne s’appliquent pas à un différend visé par la présente loi.

Les autres dispositions de ce code s’appliquent dans le secteur municipal, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la présente loi.

49.  Une demande d’arbitrage formulée en application du chapitre III met fin à toute grève ou à tout lock-out en cours.

50.  Malgré l’article 65 du Code du travail, une convention collective liant une association accréditée et un employeur du secteur municipal, y compris une première convention, doit être d’une durée déterminée d’au moins cinq ans.

CHAPITRE V

DISPOSITIONS MODIFICATIVES, TRANSITOIRES ET FINALES

SECTION I

DISPOSITIONS MODIFICATIVES

CODE DU TRAVAIL

51.  La section II du chapitre IV du Code du travail (chapitre C-27), comprenant les articles 94 à 99.11, est abrogée.

LOI SUR L’ORGANISATION TERRITORIALE MUNICIPALE

52.  L’article 176.22 de la Loi sur l’organisation territoriale municipale (chapitre O-9) est modifié par le remplacement des deuxième, troisième et quatrième alinéas par le suivant :

« Le règlement d’un tel différend est régi par les articles 4 à 15 et 18 à 33 de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal (2016, chapitre 24), ainsi que par le quatrième alinéa de l’article 176.19 et par les articles 176.20 à 176.21 de la présente loi. Toutefois, malgré l’article 4 de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, l’avis doit être donné conjointement par les parties dans le délai qu’elles déterminent. Cependant, ce délai ne peut excéder le double du délai prévu au premier alinéa de cet article. »

RÈGLEMENT SUR LA RÉMUNÉRATION DES ARBITRES

53.  L’article 19 du Règlement sur la rémunération des arbitres (chapitre C27, r. 6) est modifié par le remplacement, dans le troisième alinéa, de « des articles 93.3 et 97 » par « de l’article 93.3 ».

SECTION II

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

54.  Pour les conventions collectives expirées avant le 1er janvier 2014 pour lesquelles aucune nouvelle convention collective n’a été conclue par les parties avant le 2 novembre 2016, l’avis prévu à l’article 4 ou à l’article 38 doit être donné par l’employeur le soixantequinzième jour suivant le 2 novembre 2016.

Pour les conventions collectives expirées en 2014 pour lesquelles aucune nouvelle convention collective n’a été conclue par les parties avant le 2 novembre 2016, l’avis prévu à l’article 4 ou à l’article 38 doit être donné par l’employeur le cent cinquième jour suivant le 2 novembre 2016.

Pour les conventions collectives expirées en 2015 pour lesquelles aucune nouvelle convention collective n’a été conclue par les parties avant le 2 novembre 2016, l’avis prévu à l’article 4 ou à l’article 38 doit être donné par l’employeur le cent trentecinquième jour suivant le 2 novembre 2016.

Pour les conventions collectives expirées entre le 1er janvier 2016 et le quatre-vingt-dixième jour précédant le 2 novembre 2016 pour lesquelles aucune nouvelle convention collective n’a été conclue par les parties avant le 2 novembre 2016, l’avis prévu à l’article 4 ou à l’article 38 doit être donné par l’employeur le cent cinquantième jour suivant le 2 novembre 2016.

Les parties peuvent conjointement envoyer l’avis prévu aux articles 4 et 38 avant l’expiration des délais prévus aux alinéas précédents.

Le début de la phase des négociations prévu à l’article 4 est réputé être le 2 novembre 2016 dans les deux situations suivantes :

 le renouvellement d’une convention collective qui expire dans les 90 jours précédant ou suivant cette date;

 la négociation d’une première convention collective impliquant une association qui a été accréditée moins de 90 jours avant cette date.

Les deuxième et troisième alinéas de larticle 4 et les troisième et quatrième alinéas de larticle 38 s’appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires.

Le ministre peut agir de son propre chef s’il n’a reçu aucun avis le quinzième jour suivant celui de l’expiration du délai prévu aux quatre premiers alinéas.

55.  Tout arbitrage dont l’instruction en vertu des dispositions du Code du travail (chapitre C-27) a débuté le 10 juin 2016 continue d’être régi par les dispositions de ce code, telles qu’elles se lisent à cette date.

L’arbitre qui, à cette date, n’a pas commencé l’instruction du différend dont il était saisi en est dessaisi; tout acte fait après cette date est réputé nul et sans effet.

L’instruction comprend la phase de l’enquête consacrée à l’administration de la preuve, suivie de celle des débats où les parties font leur plaidoirie.

L’article 54 s’applique aux différends visés au deuxième alinéa, sauf s’il y a eu médiation ou conciliation conformément aux dispositions du Code du travail, auquel cas l’employeur en avise le ministre au plus tard le 2 décembre 2016. Les règles suivantes s’appliquent alors :

 le ministre défère le différend visé à l’article 3 à un conseil de règlement des différends, à moins que, dans le même délai, les deux parties ne l’aient avisé qu’elles désirent se soumettre à la médiation prévue à la section II du chapitre II;

 le ministre défère le différend visé à l’article 37 à un arbitre, à moins que, dans le même délai, les deux parties ne l’aient avisé qu’elles désirent se soumettre à la médiation prévue à la section II du chapitre III ou encore qu’une partie n’ait demandé la nomination d’un mandataire spécial conformément aux dispositions de la section III de ce chapitre.

À défaut par l’employeur de transmettre l’avis prévu au quatrième alinéa dans le délai prescrit, l’association accréditée peut y pourvoir. Le ministre peut agir de son propre chef s’il n’a reçu aucun avis le quinzième jour suivant celui de l’expiration du délai prévu au quatrième alinéa.

56.  Les conciliateurs qui, le 2 novembre 2016, ont été désignés conformément aux articles 54 et 55 du Code du travail afin d’aider les parties à effectuer une entente continuent d’agir jusqu’à ce que les délais prévus à l’article 54 de la présente loi soient écoulés.

57.  Le Règlement sur la rémunération des arbitres (chapitre C-27, r. 6) s’applique, avec les adaptations nécessaires, à la rémunération des membres d’un conseil de règlement des différends ou des arbitres visés par la présente loi, jusqu’à l’entrée en vigueur d’un règlement pris en application de l’article 34 de cette loi.

Entre autres adaptations, ce règlement s’applique comme s’il s’agissait d’un arbitrage déféré en vertu de l’article 75 du Code du travail. Dans le cas d’un conseil de règlement des différends, chaque membre a droit à des honoraires comme s’il était l’arbitre unique au dossier. Toutefois, le total des heures consenti pour la rédaction de la décision, conformément au deuxième alinéa de l’article 4 de ce règlement, doit être réparti parmi les trois membres, selon leurs indications.

 

58.  Le ministre qui est responsable des affaires municipales est responsable de l’application de la présente loi.

59.  La présente loi entre en vigueur le 2 novembre 2016.

CHAPTER I

OBJECT OF THE ACT AND GUIDING PRINCIPLES

1.  The purpose of this Act is to ensure, in determining the conditions of employment of employees in the municipal sector, that account is taken of the collective expectations of those employees and of the requirements of an effective and efficient management of financial resources intended for the provision of public services.

To that end, the determination of conditions of employment in that sector must at all times be guided by the following principles:

(1)  as a democratic institution, a municipality is accountable to its ratepayers for the use of proceeds from the taxes and tariffs it collects to provide the public services incumbent on it or on another municipal employer whose expenses it assumes in whole or in part, each municipal employer having as its primary mission the provision of quality services to the residents of every territory served;

 

 

(2)  the attraction and retention of qualified personnel require conditions of employment that are fair and reasonable in light of the qualifications required, the work performed and the nature of the services rendered;

(3)  equity among personnel members requires that appropriate relationships be maintained as regards the conditions pertaining to the various categories or classes of employment, in particular, with respect to the wages, wage increases and benefits that may be granted; and

(4)  it is the employer’s responsibility to hire qualified personnel and manage its workforce so as to satisfy its operational needs.

These principles must be interpreted so as not to limit the right of the parties to negotiate a collective agreement or the right to refer any matter relating to the conditions of employment of employees to a dispute settlement board or an arbitrator for arbitration.

2.  In this Act,“municipal sector” means

(1)  any municipality, except the Kativik Regional Government, the northern and Cree villages and the Naskapi village;

(2)  any metropolitan community;

(3)  any intermunicipal board;

(4)  any public transit authority;

(5)  any body declared by law to be the mandatary or agent of the municipality, any body whose board of directors is composed in the majority of members of the council of a municipality and whose budget is adopted by the council, and any body whose board of directors is composed in the majority of elected municipal officers;

(6)  the Société 1unicipal d’habitation Champlain and any other body established under section 59 of Schedule C to the Charter of Ville de Québec (chapter C-11.5); or

(7)  the Société d’habitation et de développement de Montréal and any other body constituted under section 218 of Schedule C to the Charter of Ville de Montréal (chapter C11.4).

CHAPTER II

PROVISIONS APPLICABLE TO POLICE OFFICERS AND FIREFIGHTERS

DIVISION I

APPLICATION

3.  This chapter applies to the settlement of disputes between an association of employees certified within the meaning of the Labour Code (chapter C-27) to represent police officers or firefighters and a municipality or an intermunicipal board.

DIVISION II

MEDIATION

4.  If no collective agreement has been reached by the parties within the first 240 days of the stage of negotiation between the parties, the employer must notify the minister responsible for the administration of the Labour Code and send a copy of the notice to the certified association. Despite section 53 of the Labour Code, the stage of negotiation begins 90 days before the day of expiry of the current agreement or, in the case of the negotiation of an agreement by a newly certified association, on the day of the certification.

The employer may defer sending the notice if an agreement in principle is being examined by the employees. If the agreement is rejected, the employer must send the notice within seven days of the rejection.

If the employer fails to send the notice within the prescribed time, the certified association may do so itself.

5.  On receiving the notice provided for in section 4, the minister responsible for the administration of the Labour Code must appoint a mediator to help the parties settle their dispute. The Minister may act on the Minister’s own initiative if no notice has been received on the 15th day after the day of expiry of either of the time limits provided for in that section, as applicable.

Despite the first paragraph, at all times, the Minister must appoint a mediator on the joint application of the parties.

6.  The mediator has 60 days following the mediator’s appointment to bring the parties to an agreement. The minister responsible for the administration of the Labour Code may, only once and at the joint request of the parties or at the request of the mediator, extend the period of mediation by not more than 60 days.

The parties are required to attend all meetings to which the mediator convenes them.

7.  If there is no agreement at the expiry of the period of mediation, the mediator must give the parties a report specifying the matters on which there has been agreement and the matters which are still in dispute.

8.  At the same time, the mediator must give a copy of the report with comments to the Minister and to the minister responsible for the administration of the Labour Code.

DIVISION III

DISPUTE SETTLEMENT BOARD

9.  On receiving a mediator’s report, the Minister must refer the dispute to a dispute settlement board and notify the parties.

10.  The dispute settlement board consists of three members appointed by the Government, on the recommendation of the Minister. The member who chairs the sittings must be an advocate.

11.  The members of the board are selected from among the persons recognized as qualified for appointment to the board, by decision of the Government. Together, the selected members must possess recognized experience in all the fields of competence referred to in the fourth paragraph.

For the purposes of the first paragraph, the Government must recognize at least six persons. Those persons must be recommended by a selection committee formed and acting in accordance with the conditions determined by the Government.

To be recognized as and remain qualified, those persons must

(1)  not be, nor have been in the year preceding the recognition, employees, officers or other representatives of an employer in the municipal sector, of an association representing employees in that sector or of a grouping of such employers or associations; and

 

(2)  undertake in writing not to act as arbitrator with respect to a grievance that relates to the interpretation or implementation of a decision rendered in accordance with this chapter.

The selection committee must, when identifying the persons it intends to recommend, give preference to those possessing recognized experience in labour relations, in the municipal field or in the field of economy.

The recognition by the Government of the persons qualified to be members of the board is valid for a period of five years.

12.  A member of the board cannot have any pecuniary interest in the dispute submitted to the board or have acted in the dispute as a business agent, attorney, adviser or representative of any of the parties.

13.  The Minister must send the mediator’s report to the board.

14.  Only matters not having been the subject of an agreement evidenced in the mediator’s report may be submitted for decision to the board.

The board has exclusive jurisdiction to determine such matters on the basis of the mediator’s report or, as the case may be, on the basis of the mediator’s own observation of the matters on which no agreement was reached during the mediation.

15.  The board is required to render its decision according to equity and good conscience.

 

16.  The board must render its decision on the basis of the evidence collected at the inquiry.

17.  Subject to section 16, the board must, in rendering its decision, take into account

(1)  the financial and fiscal situation of the municipality concerned or of the municipalities which are party to the agreement creating the intermunicipal board concerned and the impact of the decision on that municipality or those municipalities and their ratepayers;

(2)  the conditions of employment applicable to the employees concerned;

(3)  the conditions of employment applicable to the other employees of the municipality concerned or of the municipalities which are party to the agreement creating the intermunicipal board concerned;

(4)  the policy on remuneration and the latest increases granted by the Government to employees in the public and parapublic sectors;

(5)  the conditions of employment applicable in similar municipalities and intermunicipal boards;

(6)  requirements relating to the sound management of public finances;

(7)  prevailing local economic conditions; and

(8)  prevailing and anticipated wage and economic conditions in Québec.

The board may also take into account any other evidence referred to in section 16.

18.  The board must hear the dispute with diligence and according to the procedure and the method of proof it considers appropriate.

19.  Sittings of the board are public, but the board of its own motion or upon application by either party may order private sittings.

20.  The board has all the powers of a judge of the Superior Court for the conduct of its sittings; but it cannot order imprisonment.

21.  Upon application by the parties or on the initiative of the board, witnesses are summoned by means of a written order signed by the chair of the board. The chair may administer the oath.

22.  A person duly summoned to appear under section 21 who refuses to attend or to testify may be compelled to do so as if the person had been summoned according to the Code of Civil Procedure (chapter C25.01).

23.  A person summoned to testify under section 21 is entitled to the same indemnity as witnesses before the Superior Court and to the reimbursement of travelling and living expenses.

Such amount is payable by the party who proposed the summons, but a person who receives a salary during such a period is entitled only to the reimbursement of travelling and living expenses.

If a person is duly summoned on the initiative of the board, the amount is payable in equal shares by the parties.

24.  The board may communicate or otherwise notify any order, document or proceeding issued by it or the parties involved.

25.  The decisions of the board are made by a majority of its members. The decisions must give reasons, be in writing and be signed by the members who endorsed them. A member may express dissent in a written document separate from the decision.

26.  Where, being unable to act, a member of the board is unable to continue with the hearing of a dispute, the two remaining members, provided one of them is an advocate, may validly continue with the hearing of the dispute and render a unanimous decision.

Where the board continues with the hearing of a dispute in accordance with the first paragraph and opinions are divided for the purpose of rendering the decision, the Government must appoint, after being notified by the board, a third member. That member may, for the purpose of rendering the decision and with the consent of the parties, rely on the evidence already filed.

Where the board cannot continue with the hearing of a dispute in accordance with the first paragraph, the advocate member who was chairing it must be replaced. The advocate member who is appointed as a replacement may also, with the consent of the parties, rely on the evidence already filed at the time of that member’s appointment.

27.  At any time before rendering its final decision, the board may render any interim decision it deems fair and useful.

28.  The board must render its decision within six months of its establishment.

If the Minister considers that the circumstances and the interest of the parties so warrant, the Minister may grant the board an extension. The Minister may, on the same conditions, grant an additional extension.

29.  The board must record in its decision the stipulations relating to the matters that were the subject of an agreement evidenced in the mediator’s report.

The parties may, at any time, come to an agreement on a matter that is the subject of the dispute and the corresponding stipulations must also be recorded in the decision by the board, which may not amend them except for the purpose of making such adaptations as are necessary to make the stipulations consistent with a clause of the decision.

30.  The decision is binding on the parties for a specified period of five years from the expiry of the collective agreement or, in the case of a first collective agreement, from the date of certification. The parties may, however, agree to amend the content, in whole or in part.

31.  The board must forward the original of the decision to the minister responsible for the administration of the Labour Code and send, at the same time, a copy to the Minister and to each party.

32.  The board may at any time correct a decision containing an error in writing or calculation or any other clerical error.

33.  The decision has the effect of a collective agreement signed by the parties in accordance with the Labour Code.

It may be executed under the authority of a court of competent jurisdiction at the suit of a party who is not obliged to implead the person for whose benefit the party is acting.

34.  The costs of the board, including the fees of its members, are borne equally by the parties.

Those costs are determined by government regulation. The Minister may set up a financial assistance program intended for the parties.

35.  A member of the board cannot be prosecuted for acts performed in good faith in the exercise of the functions of office.

36.  Except on a question of jurisdiction, no application for judicial review under the Code of Civil Procedure may be presented nor any injunction granted against members of the board acting in their official capacity.

CHAPTER III

PROVISIONS APPLICABLE TO OTHER EMPLOYEES

DIVISION I

APPLICATION

37.  This chapter applies to the settlement of disputes between a certified association, within the meaning of the Labour Code, representing employees other than police officers or firefighters, and a municipal sector employer.

DIVISION II

MEDIATION

38.  If no collective agreement has been reached by the parties on the 150th day after the day the right to strike or to a lock-out is acquired, the employer must notify the minister responsible for the administration of the Labour Code and send a copy of the notice to the certified association.

The parties may jointly inform the minister responsible for the administration of the Labour Code that they are extending the period provided for in the first paragraph to the 180th day.

The employer may defer sending the notice if an agreement in principle is being examined by the employees. If the agreement is rejected, the employer must send the notice within seven days of the rejection.

If the employer fails to send the notice within the prescribed time, the certified association may do so itself.

39.  On receiving the notice provided for in section 38, the minister responsible for the administration of the Labour Code must appoint a mediator to help the parties settle their dispute. The Minister may act on the Minister’s own initiative if no notice has been received on the 15th day after the day of expiry of either of the time limits provided for in that section, as applicable.

Despite the first paragraph, at all times, the Minister must appoint a mediator on the joint application of the parties.

Sections 6 to 8 concerning mediation apply, with the necessary modifications.

The mediator’s report provided for in section 7 must be given to the arbitrator appointed under section 44.

DIVISION III

SPECIAL MANDATARY

40.  If exceptional circumstances so warrant, a party may, after submission of the mediator’s report under Division II, apply to the Minister, in writing and giving reasons, for the appointment of a special mandatary to foster settlement of the dispute.

 

41.  The Minister must appoint a special mandatary if the Minister is of the opinion, after consultation with the minister responsible for the administration of the Labour Code, that all means of settling the dispute have been exhausted and that, in light of the exceptional circumstances described by the applying party, the continuation of the dispute may seriously jeopardize the provision of public services.

42.  The special mandatary must possess, in addition to recognized experience in labour relations, experience in the municipal field or in the field of economy.

The instrument of appointment of the special mandatary specifies the term of the special mandatary and any other condition to which the special mandatary is subject.

The term of the special mandatary may, at the special mandatary’s request, be extended by the Minister for a maximum period of 30 days.

43.  At the end of the special mandatary’s term or as soon as the special mandatary considers that it is unlikely that the parties may come to an agreement, the special mandatary must submit an activity report to the parties and the Minister.

The parties are required to provide the special mandatary with all the relevant information needed to perform the special mandatary’s mandate.

The report contains the recommendations the special mandatary considers appropriate for the settlement of the dispute. Such recommendations must take into account the criteria provided for in section 17 for the sake of fairness to the parties. Despite section 9 of the Act respecting Access to documents held by public bodies and the Protection of personal information (chapter A-2.1), no person has a right of access to the report.

DIVISION IV

ARBITRATION

44.  After an unsuccessful mediation conducted in accordance with Division II, the parties may jointly apply to have their dispute submitted to a single arbitrator.

However, an application for the appointment of a special mandatary under Division III suspends the right to arbitration until the Minister or the Government decides not to grant the application or until the report provided for in section 43 has been submitted.

45.  On receiving an application in conformity with section 44, the Minister must appoint an arbitrator and notify the parties.

46.  The arbitrator is selected from among the persons recognized as qualified for appointment as arbitrators by decision of the Government.

Those persons must be recommended by a selection committee formed and acting in accordance with the conditions determined by the Government.

To be recognized as and remain qualified, those persons must

(1)  be members of the Barreau du Québec and have recognized experience in labour relations or in the municipal field;

(2)  not be, nor have been in the year preceding the recognition, employees, officers or other representatives of an employer in the municipal sector, of an association representing employees of that sector or of a grouping of such employers or associations; and

 

(3)  undertake in writing not to act as arbitrator with respect to a grievance that relates to the interpretation or implementation of a decision rendered in accordance with this chapter.

The recognition by the Government of the persons qualified for appointment as arbitrators is valid for a period of five years.

47.  Sections 13 to 25 and 27 to 36 apply to arbitration conducted under this division, with the necessary modifications.

CHAPTER IV

OTHER PROVISIONS

48.  Sections 54 to 57 and Divisions I and I.1 of Chapter IV of the Labour Code do not apply to a dispute to which this Act applies.

The other provisions of that Code apply in the municipal sector, to the extent that they are not inconsistent with this Act.

49.  An application for arbitration made under Chapter III terminates any strike or lock-out in progress.

 

50.  Despite section 65 of the Labour Code, a collective agreement binding a certified association and a municipal sector employer, including a first collective agreement, must have a specified period of a least five years.

CHAPTER V

AMENDING, TRANSITIONAL AND FINAL PROVISIONS

DIVISION I

AMENDING PROVISIONS

LABOUR CODE

51.  Division II of Chapter IV of the Labour Code (chapter C27), comprising sections 94 to 99.11, is repealed.

ACT RESPECTING MUNICIPAL TERRITORIAL ORGANIZATION

52.  Section 176.22 of the Act respecting municipal territorial organization (chapter O-9) is amended by replacing the second, third and fourth paragraphs by the following paragraph:

The settlement of such a dispute is governed by sections 4 to 15 and 18 to 33 of the Act respecting the process of negotiation of collective agreements and the settlement of disputes in the municipal sector (2016, chapter 24), and by the fourth paragraph of section 176.19 and sections 176.20 et 176.21 of this Act. However, despite section 4 of the Act respecting the process of negotiation of collective agreements and the settlement of disputes in the municipal sector, the notice must be given jointly by the parties within the time they determine, which time may not exceed twice the time provided for in the first paragraph of that section.”

 

REGULATION RESPECTING THE REMUNERATION OF ARBITRATORS

53.  Section 19 of the Regulation respecting the remuneration of arbitrators (chapter C-27, r. 6) is amended by replacing “sections 93.3 and 97” in the third paragraph by “section 93.3”.

DIVISION II

TRANSITIONAL AND FINAL PROVISIONS

54.  For collective agreements expired before 1 January 2014 for which no new collective agreements have been reached by the parties before 2 November 2016, the notice provided for in section 4 or 38 must be given by the employer on the 75th day after 2 November 2016.

 

For collective agreements expired in 2014 for which no new collective agreements have been reached by the parties before 2 November 2016, the notice provided for in section 4 or 38 must be given by the employer on the 105th day after 2 November 2016.

For collective agreements expired in 2015 for which no new collective agreements have been reached by the parties before 2 November 2016, the notice provided for in section 4 or 38 must be given by the employer on the 135th day after 2 November 2016.

For collective agreements expired between 1 January 2016 and the 90th day before 2 November 2016 for which no new collective agreements have been reached by the parties before 2 November 2016, the notice provided for in section 4 or 38 must be given by the employer on the 150th day after 2 November 2016.

 

The parties may jointly send the notice provided for in sections 4 and 38 before the expiry of the time limits provided for in the preceding paragraphs.

The stage of negotiation provided for in section 4 is deemed to begin on 2 November 2016 when

(1)  a collective agreement expiring within 90 days before or after that date is being renewed; or

(2)  a first collective agreement involving an association that has been certified less than 90 days before that date is being negotiated.

The second and third paragraphs of section 4 and the third and fourth paragraphs of section 38 apply with the necessary modifications.

The Minister may act on the Minister’s own initiative if no notice has been received on the 15th day after the day of expiry of a time limit provided for in the first four paragraphs.

55.  Any arbitration hearing conducted under the Labour Code (chapter C-27) that has begun on 10 June 2016 continues to be governed by that Code, as it read on that date.

An arbitrator who, on that date, has not begun to hear a dispute pending before the arbitrator is removed from the dispute; any act done after that date is deemed to be null and void.

The hearing includes the evidence stage, followed by oral argument, in which parties make their addresses to the arbitrator.

Section 54 applies to disputes referred to in the second paragraph, unless there has been mediation or conciliation in accordance with the Labour Code, in which case the employer must notify the Minister on or before 2 December 2016. The following rules then apply:

(1)  the Minister must refer the dispute to which section 3 applies to a dispute settlement board, unless, within the same time, both parties notified the Minister that they wish to submit their dispute to the mediation provided for in Division II of Chapter II; and

(2)  the Minister must refer the dispute to which section 37 applies to an arbitrator, unless, within the same time, both parties notified the Minister that they wish to submit their dispute to the mediation provided for in Division II of Chapter III or unless a party applied for the appointment of a special mandatary in accordance with Division III of that chapter.

If the employer fails to send the notice provided for in the fourth paragraph within the prescribed time, the certified association may do so itself. The Minister may act on the Minister’s own initiative if no notice has been received on the 15th day after the day of expiry of the time limit provided for in the fourth paragraph.

56.  The conciliation officers who, on 2 November 2016, have been designated in accordance with sections 54 and 55 of the Labour Code to assist the parties in reaching an agreement continue to act until the time limits provided for in section 54 of this Act have expired.

57.  The Regulation respecting the remuneration of arbitrators (chapter C-27, r. 6) applies, with the necessary modifications, to the remuneration of the members of a dispute settlement board or of the arbitrators governed by this Act, until the coming into force of a regulation made under section 34.

Among such modifications, that regulation applies as if the arbitration were that of a dispute referred to arbitration under section 75 of the Labour Code. In the case of a dispute settlement board, each member of the board is entitled to the fees the member would receive if the member were the sole arbitrator involved. However, the total number of hours allowed for the drafting of the decision, in accordance with the second paragraph of section 4 of the Regulation, must be allocated among the three members of the board, as they specify.

58.  The minister who is responsible for municipal affairs is responsible for the administration of this Act.

59.  This Act comes into force on 2 November 2016.

 

 


[1] Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, RLRQ, c. R-8.3; L.Q. 2016, c. 24 [Loi 24].

[2]  Fédération des policiers et policières municipaux du Québec c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4105 [Jugement entrepris].

[3] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.), 1982, c. 11 [Charte canadienne].

[4] La Confédération des syndicats nationaux (CSN), également intervenante en première instance, n’a pas déposé de mémoire en appel.

[5] Pièce P-5, Rapport du Comité Larouche : Le groupe de travail sur l’Arbitrage des différends chez les policiers et les pompiers, décembre 1980; Pièce P-6, Rapport de la Commission Parizeau : La Commission d’étude sur les municipalités, 1985; Pièce P-7, Rapport de la Commission Beaudry : La Commission consultative sur le travail et la révision du Code du travail, 1985; Pièce P-8, Rapport du Comité Lemieux : Comité d’étude sur l’arbitrage des différends chez les policiers et les pompiers municipaux du Québec, 27 mai 1991; Pièce P-9, Rapport du Comité Gabrièle : Comité interministériel sur l’arbitrage des différends chez les policiers et les pompiers municipaux, 30 juin 1992; Pièce P-10, Rapport du Comité Boivin : Groupe de travail sur l’arbitrage de différend chez les policiers et pompiers municipaux, 12 décembre 1995.

[6] Pièce P-10, supra, note 5, p. 53.

[7] Code du travail, ancien art. 99.5 :

99.5 Pour rendre sa sentence, l’arbitre peut tenir compte, entre autres, des conditions de travail applicables aux autres salariés de la corporation municipale concernée ou des corporations municipales parties à l’entente constituant la régie intermunicipale concernée ainsi que des conditions de travail qui prévalent dans des corporations municipales ou des régies intermunicipales semblables ou dans des circonstances similaires.

99.5 In rendering his award, the arbitrator may take into account, among other things, the conditions of employment of the other employees of the municipal corporation concerned or of the municipal corporations which are party to the agreement creating the intermunicipal board concerned, as well as the conditions of employment prevailing in similar municipal corporations or intermunicipal boards or in similar circumstances.

 

[8] Pièce P-10, supra, note 5, p. 55, 58 et 63.

[9] Id., p. 58.

[10] Loi modifiant le Code du travail, L.Q. 1996, c. 30.

[11]  Id., art. 6.

[12] Pièce P-11, Rapport du ministère du Travail : Rapport sur l’application de la section II du chapitre IV du Code du travail – Arbitrage des différends chez les policiers et les pompiers municipaux, juin 1999, p. 27, 28 et 30.

[13] Pièce P-12, Procès-verbaux des 4 mai 2012, 29 juin 2012, 28 septembre 2012, 10 décembre 2012, 14 février 2013, 3 mai 2013 et 19 septembre 2013, du Comité Thérien-Morency sur l’arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers, en liasse. Voir le procès-verbal de la rencontre du 4 mai 2012, p. 2.

[14] Pièce P-12, supra, note 13. Les procès-verbaux des rencontres tenues le 10 décembre 2012, 14 février 2013 et le 3 mai 2013 décrivent les options A (durée maximale de 36 + 9 mois [période de médiation et d’arbitrage en vue du renouvellement de la convention collective]) et B (durée maximale de 36 mois) – l’option B étant celle retenue.

[15] Pièce P-12, supra, note 13. Voir le procès-verbal de la conférence téléphonique du 19 septembre 2013, p. 2.

[16] Pièce P-2, Accord de partenariat avec les municipalités, 29 septembre 2015.

[17] Id., p. 3 de la pièce non paginée.

[18]  Projet de loi no 110, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, 41e lég. (Qc), 1re sess., 2016.

[19] Pièce P-3, Communiqué intitulé « nouveau cadre des relations du travail pour le milieu municipal », 10 juin 2016, p. 1.

[20] Id., p. 2.

[21] Pièce D-1, Québec, « Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 110, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal », dans le Journal des débats de la Commission de l’aménagement du territoire, vol. 44, nos 81, 82 et 83, 16-18 août 2016. Voir les débats du 18 août 2016, p. 10 (M. Coiteux).

[22] Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal, RLRQ, c. S-2.1.1; L.Q. 2014, c. 15.

[23] Loi obligeant le port de l’uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions et sur l’exclusivité de fonction des policiers occupant un poste d’encadrement, L.Q. 2017, c. 20, modifiant la Loi sur la police, RLRQ, c. P-13.1.

[24] Argumentation des Associations au soutien de l’appel principal, paragr. 7, citant l’arrêt Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675, 2016 QCCA 163, paragr. 59, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 août 2016, no 36914.

[25] Afin d’alléger le texte, seules les dispositions les plus importantes sont reproduites dans le corps des présents motifs. Le texte intégral de la Loi 24 est reproduit en annexe.

[26]  Loi 24, art. 6.

[27] Id., art. 58.

[28]  Id., art. 7-9.

[29]  Id., art. 10.

[30] Id., art. 15-16.

[31]  Id., art. 17 al. 1(7o).

[32] Id., art. 30.

[33] Id., art. 34.

[34] Id., art. 38-39.

[35]  Id., art. 44.

[36] Selon l’article 65 du Code du travail, une convention collective doit être d’une durée déterminée d’au moins un an et, dans le cas d’une première convention collective, d’au plus trois ans.

[37] Selon l’article 152.1 du Code du travail, c’est le ministre du Travail qui est responsable de l’application de ce code.

[38]  Code du travail, ancien art. 94.

[39]  Loi 24, art. 5 et 39.

[40]  Code du travail, art. 65.

41 Loi 24, art. 50.

[42]  Code du travail, ancien art. 99.8.

[43]  Loi 24, art. 30.

[44]  Code du travail, ancien art. 99.5.

[45]  Loi 24, art. 17. Les nouveaux critères sont ceux énoncés à l’art. 17 al. 1(1o), (2o), (4o), (6o) et (7o).

[46]  Règlement sur la rémunération des arbitres, RLRQ, c. C-27, r. 6, art. 2, 10, 11 et 19 al. 3, tel qu’en vigueur avant la modification apportée par la Loi 24, art. 53.

[47]  Loi 24, art. 34; Règlement sur la rémunération des membres d’un conseil de règlement des différends et des arbitres de différends dans le secteur municipal, RLRQ, c. R-8.3, r. 2, art. 2. À noter que les taux horaires des membres d’un CRD sont maintenant de 268 $ pour les membres et de 296 $ pour le président.

[48]  Code du travail, ancien art. 98-99.

[49]  Loi 24, art. 10-11; Procédure menant à la reconnaissance des personnes aptes à agir en matière de règlement des différends dans le secteur municipal, RLRQ, c. R-8.3, r. 1, art. 3-4.

[50]  Code du travail, art. 152.1.

[51]  Loi 24, art. 58.

[52] Jugement entrepris, paragr. 20-35. Plus précisément, le juge rejette un argument de l’UMQ portant sur le caractère théorique de la demande, accueille des objections à la preuve et formule des commentaires sur la valeur de précédent de l’arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539.

[53] Jugement entrepris, paragr. 49. Ces questions ne font plus l’objet de débat en appel.

[54] Id., paragr. 56.

[55] Id., paragr. 80.

[56] Id., paragr. 81.

[57] Id., paragr. 83.

[58] Id., paragr. 84.

[59] Id., paragr. 88-89.

[60] Id., paragr. 91.

[61] Ibid.

[62] Id., paragr. 92.

[63] Id., paragr. 95.

[64] Id., paragr. 97.

[65] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

[66]  Jugement entrepris, paragr. 110.

[67] Id., paragr. 114.

[68] Id., paragr. 120.

[69] Id., paragr. 123 [Transcription textuelle].

[70] Id., paragr. 124.

[71]  Id., paragr. 131.

[72] Id., paragr. 145.

[73] Id., paragr. 147 et 149, citant Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, p. 696.

[74]  Jugement entrepris, paragr. 154-155.

[75]  Id., paragr. 157 et 162.

[76] Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4, [2015] 1 R.C.S. 245 [Saskatchewan Federation of Labour].

[77] Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407, paragr. 26; Alliance des professionnels et des professionnelles de la Ville de Québec c.  Procureur général du Québec, 2023 QCCA 626, paragr. 68-69, demandes d’autorisation d’appel et d’appel incident à la Cour suprême rejetées, 11 avril 2024, nos 40830 et 40833 [Alliance des professionnels]; Merck Canada inc. c. Procureur général du Canada, 2022 QCCA 240, paragr. 132; Procureur général du Québec c. Association canadienne des télécommunications sans fil, 2021 QCCA 730, paragr. 62, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 mars 2022, no 39774.

[78] Ibid.

[79] Alliance des professionnels, supra, note 77, paragr. 69, citant Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, paragr. 50-53 et 55-56.

[80] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12. Dans les pages qui suivent, je ferai seulement référence à la Charte canadienne puisque les tests applicables en vertu des deux textes sont les mêmes. Voir à cet égard : Société des casinos du Québec inc. c. Association des cadres de la Société des casinos du Québec, 2024 CSC 13, paragr. 4 (note 1) [Société des casinos]; Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l’État québécois, 2021 QCCA 559, paragr. 60, demandes d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetées, 14 octobre 2021, no 39695 [LANEQ].

[81]  Charte canadienne, supra, note 3, art. 1.

[82]  Société des casinos, supra, note 80, paragr. 33.

[83] Alliance des professionnels, supra, note 77, paragr. 78-100.

[84] Id., paragr. 78, citant Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3, paragr. 30-46 [Association de la police montée]. Sur l’évolution de la jurisprudence constitutionnelle et le revirement opéré par l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 76, voir les motifs du juge Morissette dans l’arrêt LANEQ, supra, note 80, paragr. 62-77.

[85] Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391, paragr. 2, 19 et 87-89 [Health Services].

[86] Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 76, paragr. 24-25, 61, 75 et 93-94.

[87] Health Services, supra, note 85, paragr. 89.

[88]  Id., paragr. 91. Dans le récent arrêt Société des casinos, supra, note 80, paragr. 36, la Cour suprême réitère que le seuil requis pour prouver une violation de l’alinéa 2d) est l’entrave substantielle.

[89]  Id., paragr. 93.

[90] Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 76, paragr. 24.

[91] Ibid.

[92] Voir par exemple : Code du travail, art. 107; Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, art. 88.1.

[93]  Alliance des professionnels, supra, note 77, paragr. 91.

[94] Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 76, paragr. 24 et 78.

[95]  Id., paragr. 46, 51 et 61.

[96]  Jugement entrepris, paragr. 74 [Renvois omis].

[97] Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313 [Renvoi albertain].

[98] LANEQ, supra, note 80, paragr. 68-69.

[99]  Alliance des professionnels, supra, note 77, paragr. 97.

[100] Supra, paragr. [71].

[101] Renvoi albertain, supra, note 97, p. 371. Voir également Sakatchewan Federation of Labour, supra, note 76, paragr. 78.

[102] Renvoi albertain, supra, note 97, p. 387.

[103] Association de la police montée, supra, note 84, paragr. 139; Health Services, supra, note 85, paragr. 137-139; R. c. Oakes, supra, note 65.

[104] Dans le Renvoi albertain, le juge en chef Dickson convient que la garantie des services essentiels est « un objectif législatif d’une importance suffisante pour les fins de l’article premier de la Charte », que « [l]e caractère essentiel des agents de police et des pompiers est […] manifeste et évident en soi » et qu’« [i]l y a un lien rationnel entre l’interdiction de la grève dans ces services et l’objectif législatif de garantie des services essentiels ». Voir : Renvoi albertain, supra, note 97, p. 374, 376 et 380.

[105] Renvoi albertain, supra, note 97, p. 380-381.

[106] Id., p. 380.

[107] Association de la police montée, supra, note 84, paragr. 47; LANEQ, supra, note 80, paragr. 12.

[108] Code du travail, S.R.Q. 1964, c. 141, art. 65 al. 1 et 66 al. 1.

[109] Lors de l’adoption du Code du travail, le président était choisi à partir d’une liste de 25 noms dressée annuellement par le ministre après consultation du Conseil supérieur du travail : Code du travail, supra, note 108, art. 66 al. 2. Le 2 août 1969, cet organisme a été remplacé par le Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre. Voir à cet égard : Loi modifiant le Code du travail, L.Q. 1969, c. 47, art. 34.

[110] Sur les modifications apportées au Code du travail en 1983, voir : Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives, L.Q. 1983, c. 22, art. 33-34.

[111] Code du travail, ancien art. 98. Cette liste était distincte de celle visée à l’art. 77 du Code du travail, laquelle est dressée après consultation du CCTM.

[112] Code du travail, ancien art. 99. Dans l’éventualité d’un nombre insuffisant de propositions conjointes, le ministre du Travail inscrivait des noms choisis parmi ceux figurant sur la liste visée à l’art. 77.

[113] Code du travail, ancien art. 99.2.

[114] Jugement entrepris, paragr. 120.

[115] Procédure menant à la reconnaissance des personnes aptes à agir en matière de règlement des différends dans le secteur municipal, supra, note 49, art. 4.

[116] Id., art. 8.

[117] Id., art. 18.

[118] Jugement entrepris, paragr. 91.

[119] Id., paragr. 92.

[120]  Id., paragr. 99-100.

[121] Argumentation du PGQ et du Ministre au soutien de l’appel incident, paragr. 174 [Renvoi omis].

[122] Association de la police montée, supra, note 84, paragr. 93 et 97.

[123] Id., paragr. 156. Voir également : Société des casinos, supra, note 80, paragr. 49.

[124] Association de la police montée, supra, note 84, paragr. 93.

[125]  Jugement entrepris, paragr. 95.

[126] Argumentation des Associations à l’encontre de l’appel incident, paragr. 23. On trouve cette idée également dans la jurisprudence arbitrale citée par le professeur Michel Coutu. Voir : Pièce P-19, Rapport d’expertise Professeur Michel Coutu Le régime syndical de la négociation collective et de l’arbitrage des différends dans le secteur municipal (policiers et pompiers) au Québec, 29 juillet 2019, p. 53.

[127] Voir à cet égard : Syndicats des travailleurs et travailleuses des postes c. Société canadienne des postes, 2012 CF 110, paragr. 35-36, où le juge Martineau de la Cour fédérale qualifie la convention collective de « loi suprême, la Constitution liant l’employeur, l’agent négociateur et les employés de l’unité de négociation visée ».

[128] Pièce P-19, supra, note 126, p. 15-22. Notons que le professeur Coutu renvoie à la Loi sur les services policiers, L.R.O. 1990, c. P-15, art. 124 et 131, abrogée le 1er avril 2024 et remplacée par la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers, L.O. 2019, c. 1, annexe 1, entrée en vigueur le même jour. Par ailleurs, les articles 147 et 229 de cette dernière loi ainsi que l’un de ses règlements habilitants (Règl de l’Ont 403/23, art. 2) reprennent pour l’essentiel le contenu des articles 124 et 131 abrogés.

[129]  Pièce P-41, Mise à jour du rapport d’expertise – Professeur Michel Coutu – Le régime syndical de la négociation collective et de l’arbitrage des différends dans le secteur municipal (policiers et pompiers) au Québec, août 2019 à janvier 2021, p. 2.

[130]  Pièce P-19, supra, note 126, p. 30.

[131] Renvoi albertain, supra, note 97, p. 380.

[132] LANEQ, supra, note 80, paragr. 69 [Renvoi omis].

[133] Argumentation des Associations à l’encontre de l’appel incident, paragr. 52 [Extrait dénominalisé].

[134] Ou en vertu de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la maind’œuvre dans l’industrie de la construction, RLRQ, c. R-20.

[135] Pièce P-24, Politique générale du CCTMO concernant la confection et la gestion de la liste des arbitres, 15 février 2017.

[136] Id., p. 7 [Caractères gras omis].

[137] Id., p. 7 et 20-24; Loi sur le ministère du Travail, RLRQ, c. M-32.2.

[138]  Procédure menant à la reconnaissance des personnes aptes à agir en matière de règlement des différends dans le secteur municipal, supra, note 49.

[139]  Loi 24, art. 11-12.

[140] L’article 11 alinéa 1 de la Loi 24 requiert une expérience cumulée, et non individualisée, en relations du travail ou dans le domaine municipal ou économique.

[141] Contrairement aux arbitres sur la liste visée à l’art. 77 du Code du travail. Voir à cet égard : Pièce P24, supra, note 135, p. 15-18.

[142] Pièce P-47, Documentation concernant le CRD de Mascouche, en liasse.

[143] Fraternité des policiers de Terrebonne inc. c. Truchon, 2022 QCCS 34, paragr. 48, désistement d’appel, 14 mars 2022.

[144] Argumentation du PGQ et du Ministre au soutien de leur appel incident, paragr. 235.

[145]  Pièce D-1, supra, note 21, 16 août 2016, p. 13 (M. Coiteux).

[146]  Pièce P-19, supra, note 126, p. 75-76, faisant référence à Bureau International du Travail, « Rapports du Comité de la liberté syndicale n° 367 », Cas no 2894, Plainte contre le gouvernement du Canada présentée par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), Genève, mars 2013, paragr. 341. Sur la pertinence et la force persuasive des décisions du CLS, voir les motifs du juge en chef Dickson dans le Renvoi albertain, supra, note 97, p. 348 et 354-355.

[147] Argumentation du PGQ et du Ministre au soutien de leur appel incident, paragr. 235.

[148] Pièce P-8, supra, note 5, p. 35.

[149] Id., p. 65-66.

[150] Pièce P-9, supra, note 5, p. 13. Cette recommandation est à l’origine de la liste dressée par le ministre du Travail spécifiquement aux fins de l’arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers : Code du travail, ancien art. 98. Quant à la deuxième partie de cette recommandation, le législateur y a donné suite en partie en limitant l’engagement de l’arbitre à ne pas agir dans un grief relativement à l’interprétation ou à l’application d’une sentence arbitrale qu’il a rendue : Code du travail, ancien art. 99.1.

[151] Pièce P-12, supra, note 13, compte-rendu de la rencontre du 14 février 2013.

[152] Id., compte-rendu de la rencontre du 3 mai 2013.

[153]  Jugement entrepris, paragr. 123.

[154] Supra, paragr. [18] et [19].

[155] Plus exactement, de ralentir son augmentation.

[156]  Argumentation des Associations au soutien de l’appel principal, paragr. 74.

[157]  Id., paragr. 84.

[158] Giuseppe Carabetta, Regulating Labour Disputes in the Police Services: Legal and Practical Perspectives from Ontario and British Columbia, Canada”, (2019) 35:4 International Comparative Journal of Labour Law and Industrial Relations 427.

[159] Loi de 2006 sur la négociation collective relative à la Police provinciale de l’Ontario, L.O. 2006, c. 35, annexe B, paragr. 6(10); Loi sur les services policiers, supra, note 128, paragr. 122(5), abrogée le 1er avril 2024 et remplacée par la Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers, supra, note 128, entrée en vigueur le même jour et dont le paragr. 227(13) reprend le contenu de l’article abrogé;  Fire and Police Services Collective Bargaining Act, R.S.B.C. 1996, c. 142, paragr. 4(6).

[160]  Loi de 2019 sur la sécurité communautaire et les services policiers, supra, note 128, paragr. 227(13).

[161] LANEQ, supra, note 80, paragr. 68-69.

[162]  Renvoi albertain, supra, note 97, p. 381-382.

[163]  Id., p. 382.

[164] Id., p. 383.

[165] Plainte contre le gouvernement du Canada présentée par l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA), Cas no 2983 (Comité de la liberté syndicale), 319e réunion du Conseil d’administration du BIT, Genève, octobre 2013, paragr. 287.

[166] Plainte contre le gouvernement du Canada concernant la province de l’Ontario présentée par l’International de l’Éducation, Cas no 2305 (Comité de la liberté syndicale), 291e réunion du Conseil d’administration du BIT, Genève, novembre 2004, paragr. 507.

[167] Pièce P-19, supra, note 126, p. 76 et le tableau figurant à la p. 79 [Italiques ajoutés]. À noter que, dans ce tableau, le professeur Coutu résume les principes et recommandations du CLS en mentionnant que « [l]es critères régissant l’arbitrage ne doivent pas être prédéterminés par l’État ». Or, selon le cas no 2983 cité plus haut, ce sont les résultats de l’arbitrage qui ne doivent pas être prédéterminés.

[168] Supra, paragr. [39].

[169] Code du travail, ancien art. 99.8.

[170] Jugement entrepris, paragr. 76.

[171] Il est possible que le juge se soit tout simplement trompé de termes, car au paragraphe [79], il rappelle que la durée maximale de trois ans a été abolie en 1994, si bien qu’« [i]l était dorénavant possible de négocier des conventions collectives dont la durée demeurait à l’entière discrétion des parties ». Le juge savait donc pertinemment que la durée de la convention collective n’était pas d’un minimum de trois ans avant l’avènement de la Loi 24.

[172] En réalité, la durée est d’au moins cinq ans : Loi 24, supra, note 1, art. 50.

[173] Pièce P-12, supra, note 13.

[174] Dans LANEQ, supra, note 80, note infrapaginale 43, le juge Morissette précise qu’il faut s’attarder à la « situation particulière » des parties et non tendre vers une parfaite égalité des forces : « “Dans leur situation particulière” en ce sens que traiter véritablement d’égal à égal est rarement la norme et que la situation de départ de chaque partie est fréquemment à l’avantage de l’une et au détriment de l’autre. ».

[175] Renvoi albertain, supra, note 97, p. 384.

[176] Jugement entrepris, paragr. 89.

[177] Les taux horaires sont aujourd’hui de 268 $ pour les membres et de 296 $ pour le président. Supra, note 47.

[178] Pièce D-3, Québec, « Étude détaillée du projet de loi no 110, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal », dans Journal des débats de la Commission de l’aménagement du territoire, vol. 44, nos 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93 et 94, 27 et 28 septembre 2016, 3, 4, 5, 6, 18, 19, 20 et 25 octobre 2016. Voir les débats du 18 octobre 2016, p. 4 (M. Coiteux).

[179] Jugement entrepris, paragr. 87.

[180] Ibid.

[181] Jugement entrepris, paragr. 88.

[182] Ibid.

[183] Pièce P-21, Mémoire de la Fraternité des policiers et policières de Montréal (FPPM) Commission parlementaire chargée d’examiner la Loi 24, 12 août 2016, p. 32.

[184] Pièce P-23, Mémoire du Syndicat des pompiers et pompières du Québec (SPQ) Commission parlementaire chargée d’examiner la Loi 24, août 2016, p. 33-36. Voir également : l’interrogatoire de Daniel Pépin, 3 février 2021, p. 152, ligne 16 à p. 153, ligne 6.

[185] Jugement entrepris, paragr. 86, citant l’art. 28 de la Loi 24 qui prévoit un délai de six mois pour instruire le dossier et rendre sentence.

[186] Environ 3 000 membres sont des pompiers et pompières à temps partiel; en 2015, leur salaire variait entre 8 000 $ et 18 000 $. Voir à cet égard l’interrogatoire de Daniel Pépin, 3 février 2021, p. 129, lignes 20-25 et p. 150, lignes 16-24.

[187] Voir le tableau des effectifs reproduit à la Pièce P-23, supra, note 184, annexe 2.

[188]  Interrogatoire de Daniel Pépin, 3 février 2021, p. 153, ligne 7 à p. 154, ligne 3.

[189] Argumentation des Associations au soutien de l’appel principal, paragr. 24.

[190] Et sauf dans les secteurs public et parapublic, art. 111.1 du Code du travail.

[191] Patrice Jalette, Mélanie Laroche et Gilles Trudeau (dir.), La convention collective au Québec, 4e éd., Montréal, Chenelière Éducation, 2024, p. 74.

[192]  Jugement entrepris, paragr. 76.

[193] Association de la police montée, supra, note 84, paragr. 72, renvoyant à Health Services, supra, note 85, paragr. 90.

[194]  Health Services, supra, note 85, paragr. 93.

[195] Id., paragr. 95.

[196]  P. Jalette, M. Laroche et G. Trudeau (dir.), supra, note 191, p. 73.

[197]  Ibid.

[198] Association de la police montée, supra, note 84, paragr. 67.

[199] Canada (Procureur général) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 675, supra, note 24, paragr. 31.

[200] Health Services, supra, note 85, paragr. 92.

[201] Sur les 340 conventions collectives répertoriées par le SCFP-Québec. Voir : Pièce I-5, Mémoire et statistique de règlement de convention collective dans le secteur municipal, Mémoire du SCFP-Québec déposé dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi 110 présenté à la Commission de l’aménagement du territoire, 18 août 2016, p. 16.

[202] Id.

[203] D’ailleurs, à l’instar du SCFP dans le mémoire qu’il a présenté à la Commission de l’aménagement du territoire en 2016, on peut se questionner sur l’utilité de la restriction si l’objectif de conclure des conventions collectives à long terme dans le secteur municipal est déjà atteint.

[204] Meredith c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 2, [2015] 1 R.C.S. 125.

[205]  Id., paragr. 29.

[206] Schachter c. Canada, supra, note 73. Selon l’arrêt Ontario (Procureur général) c. G, 2020 CSC 38, [2020] 3 R.C.S. 629, paragr. 82, la jurisprudence de la Cour suprême qui a suivi l’arrêt Schachter l’a toutefois « dépassé » en intégrant dans la méthode utilisée pour accorder des réparations un groupe de principes fondamentaux. La définition de la doctrine de la dissociation et le critère pour l’appliquer demeurent toutefois inchangés.

[207]  Schachter c. Canada, note 73, p. 696.

[208] Id., p. 697.

[209]  Ontario (Procureur général) c. G, supra, note 206, paragr. 116.

[210] Jugement entrepris, paragr. 156.

[211] Id., paragr. 157.

[212] Ibid.

[213] Id., note infrapaginale 116.

[214] Les Associations renvoient ici à l’arrêt Ontario (Procureur général) c. G, supra, note 206, paragr. 126.

[215] Voir, par analogie : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, 1999 CanLII 687, paragr. 116-117.

[216] Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, paragr. 50; Procureure générale du Canada c. Descheneaux, 2017 QCCA 1238, paragr. 34-35.

[217] R. c. Albashir, 2021 CSC 48, paragr. 46.

[218]  Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4, [2015] 1 R.C.S. 245, paragr. 25 [Saskatchewan Federation of Labour].

[219]  Code du travail, RLRQ, c. C-27, art. 105.

[220]  Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11, al. 2d) [Charte canadienne].

[221]  Jugement entrepris, paragr. 74.

[222]  Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l’État québécois, 2021 QCCA 559, paragr. 98, demandes d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetées, 14 octobre 2021, no 39695 [LANEQ].

[223]  Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 218.

[224]  Id., paragr. 75. Voir aussi le paragraphe 46.

[225]  Id., paragr. 78.

[226]  Id., paragr. 79.

[227]  Id., paragr. 81.

[228]  Id., paragr. 92 [Soulignement ajouté].

[229]  Voir également au même effet les motifs du juge Morissette rendus dans l’arrêt LANEQ, supra, note 222, paragr. 95-98.

[230]  Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391, paragr. 93 [Health Services].

[231]  Pièce P-3, Communiqué intitulé : Nouveau cadre des relations du travail pour le milieu municipal, 10 juin 2016; Pièce D-60.8, Rapport de l’Institut de la statistique du Québec, Rémunération des salariés, État et évolution comparés, 2015.

[232]  Le juge utilise le mot « explosion » des salaires au paragraphe [114] de son jugement.

[233]  Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, p. 380 (motifs dissidents du juge Dickson) [Renvoi Albertain].

[234]  Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 218, paragr. 25.

[235]  Charte canadienne, supra, note 220, art. 1.

[236]  Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3 [Association de la police montée].

[237]  R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

[238]  Association de la police montée, supra, note 236, paragr. 139.

[239]  Association de la police montée, supra, note 236, paragr. 139; Health Services, supra, note 230, paragr. 137-139; R. c. Oakes, supra, note 237, p. 138-139.

[240]  Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, [2011] 2 R.C.S. 3 [Fraser], paragr. 79-81.

[241]  Health Services, supra, note 230, paragr. 139.

[242]  Renvoi albertain, supra, note 233, p. 381.

[243]  Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 218, paragr. 96.

[244]  Jugement entrepris, paragr. 105-106.

[245]  Id., paragr. 107-108.

[246]  Association de la police montée, supra, note 236, paragr. 143; Health Services, supra, note 230, paragr. 148-149.

[247]  Association de la police montée, supra, note 236, paragr. 143.

[248]  Jugement entrepris, paragr. 114.

[249]  Association de la police montée, supra, note 236, paragr. 149.

[250]  Voir également le « Tableau récapitulatif des principales modifications apportées par la Loi 24 » confectionné par ma collègue qui apparaît au paragraphe [39] de ses motifs.

[251] Renvoi albertain, supra, note 233, p. 380.

[252]  Je rappelle que le juge a examiné le mécanisme de rechange sous l’angle de l’entrave substantielle à la liberté d’association et sous celui de la justification de l’article premier de la Charte canadienne.

[253]  Jugement entrepris, paragr. 91.

[254]  Ibid.

[255]  Jugement entrepris, paragr. 92.

[256]  Id., paragr. 119-121.

[257]  Id., paragr. 126.

[258]  Id., paragr. 131.

[259]  Motifs de la juge Gagné, paragr. [87]-[91].

[260]  Id., paragr. [91].

[261]  Id., paragr. [92].

[262]  Id., paragr. [95]-[96].

[263]  Id., paragr. [106]-[110].

[264]  Association de la police montée, supra, note 236, paragr. 93.

[265]  Dunmore c. Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94, [2001] 3 R.C.S. 1016, paragr. 24, repris dans Fraser, supra, note 240, paragr. 33.

[266]  Health Services, supra, note 230, paragr. 19-20.

[267]  Id., paragr. 91.

[268]  Fraser, supra, note 240, paragr. 33, 41-42 et 45-48.

[269]  Association de la police montée, supra, note 236, paragr. 93.

[270]  Id., paragr. 99.

[271]  Health Services, supra, note 230, paragr. 26.

[272]  Jugement entrepris, paragr. 154.

[273]  Ibid.

[274]  Pierre Noreau, France Houle, Martine Valois et Pierre Issalys, La justice administrative, entre indépendance et responsabilité. Jalons pour la création d’un régime commun des décideurs administratifs indépendants, Cowansville, Yvon Blais, 2014, p. 28.

[275]  Jugement entrepris, paragr. 126.

[276]  Id., paragr. 154.

[277]  Id., paragr. 98.

[278]  Procédure menant à la reconnaissance des personnes aptes à agir en matière de règlement des différends dans le secteur municipal, RLRQ, c. R-8.3, r. 1.

[279]  Décret 693-2017 concernant la reconnaissance des personnes aptes à être nommées membres d’un conseil de règlement des différends dans le secteur municipal, (2017) 149 G.O.Q. II, 3268.

[280]  Interrogatoire de François Lemay, 4 février 2021; Contre-interrogatoire de Daniel Pépin, 3 février 2021; Pièce P-47, Documentation concernant le CRD de Mascouche, en liasse.

[281]  Fraser, supra, note 240, paragr. 109.

[282]  Jugement entrepris, paragr. 98.

[283]  Saskatchewan Federation of Labour, supra, note 218, paragr. 25.

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