Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Construction CJRB inc. c. Ville de Gatineau

2023 QCCS 417

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

GATINEAU

 

 

 

 :

550-17-010927-190 

 

 

 

DATE :

13 février 2023  

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CAROLE THERRIEN, J.C.S. (jt 1581)

______________________________________________________________________

 

 

CONSTRUCTION CJRB INC.

Demanderesse

c.

 

VILLE DE GATINEAU

Défenderesse / Demanderesse en garantie

 

Et -

 

 

WSP CANADA INC.

Défenderesse en garantie

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Sur demande introductive précisée ré-amendée[1]

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]                Construction CJRB réclame un peu plus de 382 000$ à la Ville de Gatineau pour des coûts supplémentaires encourus dans le cadre de l’exécution d’un contrat à forfait obtenu à la suite d’un appel d’offres pour la réfection d’infrastructures municipales (égouts et aqueducs).

[2]                Elle allègue essentiellement que le roc à être excavé était d'une qualité et d'une dureté supérieure aux paramètres énoncés dans les documents d'appel d'offres; ce qui aurait ralenti considérablement l'exécution des travaux d'excavation et entrainé une perte de productivité : soit le ralentissement du travail de l'équipe lors de la pose des conduites et l'utilisation imprévue d'équipements beaucoup plus onéreux.

[3]                La ville nie toute responsabilité.

[4]                Elle oppose d'abord que les documents d'appel d'offres sont exempts d'erreurs et d'informations erronées. Ensuite, que CJRB n'a pas soumis, comme le prévoit le devis normalisé, de demande de prolongation du délai d'exécution en temps utile.  

[5]                Enfin, elle appelle en garantie la firme de génie WSP qui a préparé les documents d’appel d’offres, surveillé l’exécution des travaux et décidé de la demande de modification des conditions d'exécution. Sa responsabilité découlerait du fait que la réclamation est fondée sur des conditions de sol évaluées et décrites par WSP dans son étude géotechnique réalisée dans le cadre de son mandat de préparation de l'appel d'offres.

[6]                WSP oppose que le rapport géotechnique ne contient aucune erreur et qu'il revenait à GJRB de l'analyser correctement pour prévoir des équipements appropriés et des effectifs suffisamment qualifiés, en nombre adéquat et en poste au moment opportun pour rencontrer les exigences et les délais prévus au contrat.

[7]                Elle ajoute que le contrat prévoit spécifiquement que les recommandations formulées dans le rapport géotechnique ne servent qu'à guider l'ingénieur-concepteur. Il y est énoncé clairement que l'entrepreneur devra compter sur ses propres interprétations des résultats factuels des sondages pour déterminer les conditions géotechniques et géologiques d'exécution des travaux.

[8]                Finalement, comme la Ville, WSP soulève le non-respect du devis puisque la demande n'est pas conforme à l'article 4.1 du cahier des clauses administratives du Devis.

[9]                Le Tribunal rejette la demande introductive et par conséquent, déclare sans objet l’acte d’intervention forcée. Essentiellement, le Tribunal décide que la preuve ne permet pas de conclure que le rapport géotechnique contenait des erreurs quant à la nature des sols à excaver, ni que les conditions de sous-sol retrouvées sur le site étaient sensiblement différentes que celles décrites à l’étude géotechnique.  Ainsi, la Ville n’a pas contrevenu à son obligation de renseignement et la demande de compensation pour modification des conditions de réalisation prévues au contrat (4.1), n’était pas recevable.

l’analyse[2]

1.     LA CONTRAVENTION DE LA VILLE À SON OBLIGATION DE RENSEIGNEMENT

[10]           CJRB soumet avoir été induite en erreur par les informations contenues au rapport géotechnique rédigé par WSP pour le compte de la Ville. Elle avance que le roc à excaver était de meilleure qualité qu’indiqué à l’étude, ce qui constitue un changement imprévisible aux conditions d’exécution du contrat qui lui a occasionné des coûts supplémentaires. Elle fait donc valoir que la Ville a failli à son obligation de renseignement et qu’en conséquence, elle doit compenser le préjudice qui découle de cette contravention à ses obligations.

[11]           WSP et la Ville plaident que le rapport géotechnique ne contenait pas d’erreur quant à la nature des sols à excaver et qu’elle n’a pas à indemniser CJRB pour les coûts supplémentaires alors qu’elle devait assumer les risques inhérents au contrat.

1.1. Le droit

[12]           La demanderesse réfère essentiellement aux principes établis par la Cour d’appel en 1999 dans l’affaire Janin construction[3], des règles que la Cour a récemment réitérées. Bien que la nature de l’ouvrage concerné par cette affaire diffère des présents travaux, tout comme ici, la Ville avait confié à une firme d’ingénierie le soin de préparer l’appel d’offres.

[13]           Les principes applicables se résument donc comme suit :

[93] Fondée sur l’obligation générale de bonne foi, l’obligation d’information (ou obligation de renseignement) vise à pallier les inégalités informationnelles. Dans l’arrêt Bail, la Cour suprême, sous la plume du juge Gonthier, précise que l’étendue de cette obligation s’apprécie en fonction des éléments suivants :

  la connaissance, réelle ou présumée, de l’information par la partie débitrice de l’obligation de renseignement;

 la nature déterminante de l’information en question;

 l’impossibilité du créancier de l’obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur.

[94] Les éléments principaux de l’obligation de renseignement se retrouvent aussi dans les contrats d’entreprise (portant notamment sur de grands chantiers de construction). Cependant, dans le cadre d’un contrat d’entreprise, « chacune des deux parties est soumise à une obligation de renseignement envers l'autre à certains égards ». La teneur de l'obligation de renseignement variera alors selon la répartition des risques, l'expertise relative des parties et la formation continue du contrat.

[95] Généralement, l’entrepreneur est appelé à supporter les risques découlant des difficultés d’exécution du contrat qu’il aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat. Comme l’explique le professeur Deslauriers, en matière de contrat à forfait :

[…] l’entrepreneur devrait vérifier soigneusement le travail à faire, sa complexité, son étendue et les conditions dans lesquelles il devra l’accomplir, sans toutefois être tenu de contre-vérifier le travail déjà accompli par d’autres professionnels. Ce sont ces vérifications qui lui permettront de décider de présenter une soumission et d’en fixer adéquatement le prix. L’entrepreneur ne pourra par la suite invoquer les difficultés du travail pour se soustraire à ses obligations ou demander une augmentation de prix. Il doit supporter les conséquences d’une augmentation de prix qui résulterait d’une mauvaise décision […].

[Renvois omis par la Cour d’appel]

[96] Toutefois, le donneur d’ouvrage ne doit pas, par action ou par inaction, contribuer à fausser l’évaluation que fait l’entrepreneur de ses risques.

[97] Dans un contexte d’appel d’offres, le donneur d’ouvrage a l’obligation de décrire les travaux proposés avec « suffisamment de soin et de précision pour que les soumissionnaires sachent ce que l’on attend d’eux ». La responsabilité première de décrire les travaux appartient effectivement au donneur d’ouvrage, car les données fournies par lui influent directement sur l’évaluation faite par les soumissionnaires de leur prix. Ainsi, le donneur d’ouvrage ne peut cacher aux soumissionnaires « les faits déterminants qui pourraient affecter directement, d’une part [leur] volonté de contracter ou, d’autre part, les conditions auxquelles il[s] voudr[ont] contracter, la nature des travaux qu’il[s] s’engager[ont] à exécuter ou leur mode d’exécution ».

[98] Par ailleurs, en matière de grands projets de construction, le donneur d’ouvrage possède généralement une expertise non négligeable dans son domaine d’activités, qu’il utilise notamment dans la préparation des plans et devis. Cette expertise accroît son obligation de renseignement :

L'expertise relative du maître de l'ouvrage par rapport à l'entrepreneur accroît l'obligation de renseignement du maître de l'ouvrage, surtout lorsqu'il transmet à l'entrepreneur des renseignements qui relèvent de son expertise, et que ceux-ci s'avèrent erronés.  Même si l'entrepreneur doit vérifier les informations qui lui sont fournies par le maître de l'ouvrage, il ne doit pas nécessairement refaire en détail le travail accompli par les experts du maître de l'ouvrage.

[99] De plus, l’expertise du donneur d’ouvrage englobe celle des professionnels externes (ingénieurs, architectes, etc.) dont il retient les services. Dans un tel cas, son obligation de renseignement peut même « aller jusqu’à le contraindre à se procurer lui-même des renseignements manquants jugés utiles ». Aussi, lorsque le donneur d’ouvrage est une municipalité qui s’adjoint les services d’experts, comme en l’espèce, « elle a l’obligation de fournir à l’entrepreneur non seulement les informations qu’elle possède effectivement, mais aussi toute information qu’elle devrait détenir ». S’il est démontré que l’expertise du donneur d’ouvrage ou celle de ses professionnels (même externes) surpasse celle de l’entrepreneur, « le devoir de vérification des renseignements techniques qui incombe normalement à ce dernier pourrait […] être complètement écarté ».

[100] L’obligation de renseignement est également modulée en fonction du caractère évolutif des contrats d’entreprise, notamment en matière de grands projets de construction. Dans l’arrêt Bail, la Cour suprême souligne que l’obligation de renseignement peut — selon les circonstances — être continue et conserver les caractéristiques de l’obligation précontractuelle de renseignement. Comme le notent les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina :

[…] si l’on retient ce concept, à chaque modification survient un nouveau contrat, techniquement, si bien que l’obligation d’information devant être exécutée à ce moment précis est extracontractuelle plutôt que contractuelle; ainsi les responsabilités contractuelle et extracontractuelle s’entremêlent. Il paraît plus simple, sans doute, de considérer l’obligation de renseignement comme une obligation continue, susceptible de s’appliquer à tout moment en cours d’exécution du contrat selon les circonstances, et de la sanctionner par la responsabilité contractuelle.

[101] Cela dit, dans l’arrêt Bail, la Cour suprême précise qu’il ne faut pas « donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires », l’obligation de se renseigner étant le corollaire — et la limite — de l’obligation de renseignement. Tel que l’expliquent les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina :

Le droit ne vient pas au secours de ceux qui dorment […]. Dans l’obligation d’information, le droit entend protéger le contractant contre une inégalité situationnelle, mais non contre sa propre sottise ou négligence. En effet, une partie doit pouvoir présumer légitimement que son cocontractant dispose de l’information générale pertinente ou qu’il fera les efforts nécessaires pour se la procurer. [4]

[Renvois omis par la Cour d’appel]

[102] L’obligation de renseignement ne saurait donc « être étendue tous azimuts de manière à encourager des comportements laxistes ou à prendre en otage son cocontractant ».

[14]           Ajoutons que l’interprétation du contrat découlant d’un appel de soumissions doit respecter les règles applicables au contrat d’adhésion.

1.2. Le contexte

[15]           L’appel d’offres concerne un projet de réfection des services municipaux pour les rues Metcalf et Symms à Gatineau, comprenant notamment le remplacement de conduites d’eau potable, dégouts sanitaires et pluviales ainsi que la pose de nouvelles conduites et leur raccordement au réseau existant.

[16]           Les documents d’appel d’offres comprennent une étude géotechnique préparée par WSP aux fins de déterminer la nature des sols et du roc pouvant être rencontrés lors de l’excavation nécessaire à l’exécution des travaux.

[17]           Les éléments suivants sont consignés à l’étude :

1.2  OBJECTIFS

Cette étude a comme objectif de :

      Déterminer la propriété des sols et du socle rocheux, ainsi que la profondeur de nappe d’eau souterraine sous-jacente aux routes existantes;

      Émettre des recommandations pertinentes sur :

  • l’excavation et le soutènement requis;
  • l’installation des différentes conduites ;
  • la capacité portante des sols ;
  • la structure de chaussée.

1.3 LIMITATIONS ET UTILISATION DU RAPPORT

Le présent rapport a été préparé pour la ville de Gatineau dans le cadre du contrat C14–018. Ce rapport ne peut être utilisé dans un autre contexte sans l’approbation écrite de W SP et de la ville de Gatineau.

D’autres limitations de ce rapport sont présentées à l’annexe A.

(…)

ANNEXE A[5]

Utilisation du rapport

(…)

Les recommandations données dans ce rapport ne servent qu’à guider l’ingénieur concepteur. Les entrepreneurs soumissionnaires ou exécutant les travaux devront compter sur leurs propres interprétations des résultats factuels des sondages pour déterminer de quelle manière les conditions géotechniques, Hydro géologiques et géologiques peuvent effectuer affecter leurs travaux.

(…)

Conditions des sols et du roc

Les descriptions des sols et du roc inscrites dans ce rapport proviennent de méthodes de classification d’identification communément acceptée et utilisée en pratique géotechnique. La classification identification des sols et du roc nécessite jugement d’un ingénieur de WSP, qui ne garantit pas que les descriptions soient exactes.

Cependant, WSP applique descriptions convenant à la nomenclature communément utilisée en pratique géotechnique.

Les conditions des sols et du roc décrites dans ce rapport sont celles observées au moment de l’étude. À moins d’indication contraire, ses conditions représentent les fondements qui ont amené à établir les recommandations du rapport. Les conditions des sols et du roc peuvent cependant être sensiblement modifiées par les travaux de construction (circulation d’équipements, excavation, ponçage de pieux, dynamite sage, etc.) sur le site ou sur les sites voisins. Une excavation peut exposer les sols à des changements de propriété provoquée par l’humidité, le séchage ou le gel. Sauf indication contraire, les sols et le roc doivent être protégés contre les faits dommageables de ces changements ou du remaniement pendant la construction.

Rapport de forage interprétation des conditions observées

Les dépôts meubles et le massif rocheux sont de nature et de propriété variable sur une plus ou moins grande superficie et aussi en profondeur. Les rapports de forage ne fournissent que des conditions approximatives et ponctuelles de ces formations géologiques à l’emplacement des forages et des sondages. Les contacts entre les différentes couches indiquées sur les rapports peuvent être difficiles à distinguer. En effet, la nature des sols peut changer progressivement avec la profondeur, de sorte que le contact entre deux couches peut être imprécis et correspondre plutôt zone de transition. La précision de la stratigraphique rencontrées dépend de la méthode de forage, de la fréquence et de la méthode d’échantillonnage puis de l’homogénéité des sols rencontrés. L’espacement entre les forages, la fréquence d’échantillonnage et le type de forage dépendent des considérations budgétaires et des délais d’exécution, tous deux établis avant le début des travaux.

Les conditions géotechniques, Hydro géologiques et géologiques entre les emplacements de forage font l’objet d’une interprétation par interrelation, elles dépendent du jugement de l’ingénieur géotechnicien. En réalité, la stratigraphie peut varier sensiblement, de sorte que l’interprétation des précautions par le lecteur du rapport.

(…)

Changement des conditions observées

Lorsque les conditions géotechniques, Hydro géologiques ou géologiques rencontrées sur les sites diffèrent de celles indiquées au rapport, soit quant à la nature hétérogène des sols et du roc ou encore, parce que des changements sont survenus à la suite de travaux de construction (ou pour toute autre raison), le client doit, comme conditions d’utilisation du rapport, prévenir WSP du changement des conditions et fournir à WSP l’opportunité de réviser les recommandations émises dans ce rapport. Reconnaître un changement des conditions de sol et du roc requiert une certaine expérience ; il est donc recommandé qu’un ingénieur géotechnicien expérimenté soit dépêché sur le site pour prendre position sur les changements des conditions rencontrées.

[18]           Pour les tronçons en cause, l’étude géotechnique énonce notamment ce qui suit quant au socle rocheux :

Rue Metcalfe

Le socle rocheux a été carotté au droit des forages F – 01 et F – 03, alors que le refus à l’enfoncement sur le toit de celui-ci a été enregistré au droit des forages F – 02 et F – 04.

Le socle rocheux est composé d’un schiste verdâtre très fracturé et en rondelles. La qualité du roc est très mauvaise qualité avec des indices RQD mesurés de 0 % et 13 % (F – 03 et F – 01 respectivement).

RÉSISTANCE À LA COMPRESSION UNIAXIALE APPROXIMATIVE (MPA) : 71 diamétrale et 141 axiale

Rue Symms

Le socle reçu a été rencontré sous le remblai et a été carotté au droit des de forage.

Le socle rocheux est composé d’un schiste verdâtre très fracturé et en rondelles. La qualité du roc est très mauvaise avec des indices RQD mesurés de 0 % et 21 % (F – 05 et F – 06 respectivement).

RÉSISTANCE À LA COMPRESSION UNIAXIALE APPROXIMATIVE (MPA) : 79 diamétrale et 121 axiale[6]

[19]           Sur la base de ces données, CJRB conclut que le roc peut être fracturé et extrait par une dent défonceuse, communément appelée un ripper. Un choix qui s’avère stratégique puisque plus économique qu’un brise roche (marteau) hydraulique. Elle soumissionne donc en fonction de ce choix de méthode. Elle ajuste ses coûts de main-d’œuvre, sa capacité de livrer dans le délai et les coûts de machinerie en conséquence. Elle obtient le contrat.

[20]           Le chantier débute le 1er juin 2015, et rapidement les employés de CJRB se heurtent à un socle rocheux qui ne cède pas sous la pression de la dent défonceuse. Ainsi, CJRB se voit contrainte d’utiliser un brise-roche (marteau) hydraulique. Ce changement de méthode entraine des coûts additionnels pour l’utilisation de l’équipement lui-même, la perte de productivité et divers frais découlant de la prolongation du chantier.

1.3. L’application à la présente situation

[21]           Le Tribunal conclut que l’information quant à la nature du sol est déterminante pour établir la méthode d’exécution du contrat et que l’utilisation du marteau au lieu du ripper influence le coût de réalisation de l’ouvrage. Notamment, l’ingénieur de la Ville, M. Cloutier, témoigne précisément que le site était composé de roc dur et que l’utilisation du marteau pour briser du roc : c’est lent. 

[22]           CJRB plaide qu’elle a été mal informée et induite en erreur par les mentions que le sol était composé de roc très fracturé, en rondelles et de mauvaise qualité. C’est cette information qui l’a conduite à baser son évaluation des coûts selon l’usage d’une dent défonceuse et non d’un marteau hydraulique.  Alors que le roc retrouvé sur place était plus dur que prévu rendant inefficace la méthode de fracturation prévue.

[23]           La Ville soumet que son obligation consiste à transmettre les données techniques adéquates concernant les caractéristiques du sol et qu’en conséquence, CJRB ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver que les données transmises étaient erronées ou que les conditions du sol rencontrées sur le site étaient significativement différentes de celles décrites à l’étude géotechniques.

[24]           WSP plaide que l’information n’est pas erronée et que c’est sa mauvaise appréciation par CJRB qui l’a conduite à faire un mauvais choix de méthode au moment d’évaluer ses coûts d’exécution pour soumissionner. Une situation qui ne découle pas d’une contravention à son obligation de renseignement.

  • L’absence de preuve que l’étude contenant des données inexactes ou incomplètes

[25]           Ainsi, le Tribunal doit décider si l’étude géotechnique contenait des données inexactes ou incomplètes.

[26]           La preuve n’établit pas que les données de RQD retrouvées dans les carottes analysées étaient erronées. Non plus que le RQD (Roc Quality Designation) du matériel présent sur le site était plus ou moins élevé que les valeurs énoncées au rapport.

[27]           On comprend aisément les différences entre l’excavation de sable ou de tout autre type de sol meuble - par opposition aux enjeux que pose le roc. Toutefois, les nuances quant aux paramètres justifiant l’usage d’une méthode de fracturation, d’excavation et d’évacuation d’un socle rocheux selon les divers types de roc, relèvent d’une expertise bien spécifique.

[28]           Bien qu’en certaines circonstances, l’expertise puisse découler de l’expérience, ici, les connaissances techniques spécifiques à la géotechnie sont déterminantes. Certes, l’observation visuelle d’un site d’excavation peut donner certaines indications aux experts pour soutenir leurs hypothèses et conclusions. Toutefois, ici les témoignages soumis, autres que ceux des experts, ne peuvent soutenir les prétentions de CJRB sur la caractérisation du socle rocheux à excaver.

[29]           Par ailleurs, la preuve démontre que le choix de la méthode et des paramètres financiers de la soumission découle essentiellement de la prise en compte des valeurs RQD énoncées à l’étude.

  • Le témoignage de l’ingénieur de CJRB (M. Bernard)

[30]           La preuve de CJRB repose à cet égard sur le témoignage de Monsieur Bernard, ingénieur civil depuis 2011 et à l’emploi de CJRB. Il a analysé les données du rapport et décidé, de concert avec M. Blanchet (administrateur de la Société), du choix de la méthode d’excavation et des conditions de la soumission en cause.

[31]           Le Tribunal retient de son témoignage les éléments suivants :

      La caractérisation précise du roc à excaver s’obtient par test de laboratoire et non par simple observation visuelle. 

      Il convient que les valeurs de résistance à la compression (MPA) établies au rapport sont caractéristiques d’un roc de type R4, soit un roc très dur.

      Pour déterminer la méthode d’excavation, il apprécie cette donnée parallèlement aux valeurs de RQD (Roc Quality Designation). Cette mesure représente le pourcentage de pièces non fracturées présentent dans une carotte de forage. Ainsi, un RQD de 100% représente une carotte non fracturée de part en part. Plus le RQD est bas, plus la carotte contient un nombre élevé de fragments.

      Selon lui, même si le roc est dur selon le test de résistance à la compression (MPA), l’ensemble peut ne pas être fixé solidement. Il compare ainsi le socle rocheux décrit à un amas de gravier composé de petites particules individuellement très dures, mais dans un ensemble non fixé.  

      Considérant des RQD bas (0 à 13% et 0 à 21%), il conclut que le matériel à extraire est composé de petites particules très solides, mais mal soudées entre elles. Ça se tient plus ou moins, dit-il.  Il décide d’opter pour le ripper pour détacher, looser, créer de l’espace dans le matériel, qui serait ensuite pelleté avec le godet.

  • Le témoignage de l’auteur du rapport, ingénieur de WSP (M. Féghali)

[32]           L’auteur de l’étude, M. Feghali, est ingénieur en géotechnie depuis 2010 à l’emploi de WSP. Le contenu est révisé par une collègue, détenant une maîtrise en génie.

[33]           Le Tribunal retient de son témoignage que :

      Le site est composé d’un roc continu.

      Il s’agit de schiste. Soit un type de roc résultant de dépôts sédimentaires horizontaux. Lorsque foré, l’échantillon extrait se présente nécessairement en rondelles, ce qui ne constitue pas un indice de friabilité spécifique. Une donnée par ailleurs confirmée par les observations visuelles sur le chantier.

      Les notions de roc dur et de roc fracturé sont indépendantes. La première réfère à l’indice de résistance à la compression et la seconde au RQD.

      Il convient que le RQD se situe au bas de l’échelle, donc que le roc est de mauvaise qualité. Mais, l’indice de résistance à la compression est élevé, soit de grade 4 sur une échelle de 0 à 6.  Selon lui, ce dernier paramètre est déterminant pour indiquer la conduite à suivre pour excaver le socle rocheux.

  • Les divergences entre les deux ingénieurs

[34]           D’abord, le Tribunal n’accorde pas de valeur significative au fait que l’un et l’autre soient à l’emploi des parties, dans la mesure où il s’agit d’une réalité pour chacun d’eux.

[35]           Bien qu’ils soient tous deux ingénieurs, la question centrale ici réside dans l’interprétation de données propres à l’expertise spécifique de M. Feghali, la géotechnique. Cette discipline concerne l’étude des propriétés des terrains et des roches en fonction des projets de construction d’ouvrages d’art[7]. Sur les questions spécifiques relevant de cette science, M. Feghali n’est pas contredit par une preuve d’égale valeur. Nous référons ici essentiellement aux éléments liés aux caractéristiques propres au roc.

  • L’absence de preuve d’une faute quant à l’obligation de renseignement

[36]           La preuve démontre qu’il n’était pas possible de réaliser la tâche selon les méthodes choisies dans le délai imparti avec les effectifs et la machinerie choisis par CJRB. Un choix qui lui incombe.

[37]           Le Tribunal conclut que :

      Pour décider de la méthode d’exécution, la prise en compte des données de gradation du roc selon sa résistance était déterminante, tout comme le RQD.

      CJRB n’a pas fait la preuve que les données contenues à l’étude sont erronées ni que ces mêmes paramètres, quant au matériel présent sur le site, étaient plus ou moins élevés que les valeurs énoncées au rapport.

      CJRB n’a donc pas établi que les conditions de sol retrouvées sur le site étaient différentes que ce qui était énoncé à l’étude.

      Les dommages réclamés découlent du choix de méthode fait par CJRB et ce choix découle de l’interprétation des données de l’étude par M. Bernard, pour CJRB.

[38]           CJRB a choisi d’interpréter ces données en fonction de sa propre expertise, qui s’est avérée incomplète ou erronée. Rappelons qu’aucune question, demande de précision ou d’avis technique n’a été soumis à la Ville ou WSP avant le dépôt de la soumission. Dans ce contexte, on ne peut conclure que la Ville a induit les soumissionnaires en erreur ou qu’elle n’a pas communiqué certaines informations déterminantes.

[39]           La preuve d’une faute de sa part pour avoir mal ou pas rempli son obligation de renseignement n’a pas été faite.

[40]           Dans certaines circonstances, la municipalité peut devoir fournir à l’entrepreneur non seulement les informations qu’elle possède effectivement, mais aussi toute information qu’elle devrait détenir. [8] Mais, ici, la preuve ne permet pas d’identifier de telles informations qui seraient manquantes et utiles.

[41]           Le problème découle de l’interprétation des informations par CJRB, qui lui fait conclure qu’elle pouvait utiliser le ripper au lieu du marteau. Rétrospectivement, cette décision s’est avérée inappropriée. Elle ne découle toutefois pas d’une mauvaise information contenue au rapport géotechnique ou du fait que les conditions d’exécution rencontrées sur le chantier étaient significativement différentes, elle découle d’une mauvaise interprétation par CJRB des données transmises dans le rapport en sa possession avant de décider de soumissionner.

2.     LA DEMANDE POUR MODIFICATION DES CONDITIONS DE RÉALISATION SELON 4.1 DU CONTRAT

[42]           CJRB allègue ensuite qu’elle doit être indemnisée suivant les termes du contrat qui prévoit sa modification des conditions de réalisation.

[43]           Rappelons que la règle générale est énoncée au Code civil :

2109. Lorsque le contrat est à forfait, le client doit payer le prix convenu et il ne peut prétendre à une diminution du prix en faisant valoir que l’ouvrage ou le service a exigé moins de travail ou a coûté moins cher qu’il n’avait été prévu.

Pareillement, l’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut prétendre à une augmentation du prix pour un motif contraire.

Le prix forfaitaire reste le même, bien que des modifications aient été apportées aux conditions d’exécution initialement prévues, à moins que les parties n’en aient convenu autrement.

[44]           Ici le contrat prévoit une dérogation à cette règle générale soit que :

4.1 Si les conditions physiques, incluant les conditions du sous-sol diffèrent sensiblement de celles qui sont indiquées aux études dont il est fait référence au marché, ou à défaut de telles études, des conditions habituelles et généralement considérées comme inhérentes aux travaux visés par ledit marché, la partie au marché désirant obtenir une modification à la hausse ou à la baisse du prix ou un prolongement du délai d’exécution des travaux, doit aviser par écrit, dans les cinq jours de cette découverte, le chargé de projet. Une telle demande de modification est alors régie par l’article 10.10. [9]

(…)

15 (…)

(3) Toute réclamation que l’Entrepreneur aurait à l’encontre de la Ville, eu égard au présent marché, doit avoir été soumise au chargé de projet au plus tard au moment de produire le mémoire prévu à l’article 13.6 du présent cahier aux fins d’émission de décompte définitif. Après l’émission du décompte définitif, l’Entrepreneur est forclos de faire toute autre réclamation relative au présent marché.[10] 

[45]           L’annexe A prévoit aussi que :

Changement des conditions observées

Lorsque les conditions géotechniques, Hydro géologiques ou géologiques rencontrées sur les sites diffèrent de celles indiquées au rapport, soit quant à la nature hétérogène des sols et du roc ou encore, parce que des changements sont survenus à la suite de travaux de construction (ou pour toute autre raison), le client doit, comme conditions d’utilisation du rapport, prévenir WSP du changement des conditions et fournir à WSP l’opportunité de réviser les recommandations émises dans ce rapport. Reconnaître un changement des conditions de sol et du roc requiert une certaine expérience ; il est donc recommandé qu’un ingénieur-géotechnicien expérimenté soit dépêché sur le site pour prendre position sur les changements des conditions rencontrées.

2.1. L’absence de preuve de changement des conditions du sous-sol

[46]           Pour donner ouverture à la révision des conditions du contrat, CJRB doit donc établir que les conditions du sous-sol diffèrent sensiblement de celles indiquées à l’étude géotechnique. Or, cette preuve n’est pas faite.

[47]           CJRB avance que le roc était plus dur qu’anticipé, donc plus coûteux à excaver en raison de son choix de méthode.

[48]           Or, cette différence doit s’établir entre les données de l’étude géotechnique et les conditions de sol avérées. Comme exposé plus haut, la dureté du roc et le fait qu’il ne puisse être excavé au ripper en respectant les conditions du contrat ne sont pas ici des points de comparaison prévus au contrat.

[49]           La cadence retardée par rapport à l’échéancier résulte de l’inefficacité du choix de méthode, mais non de la différence sensible entre la nature et les caractéristiques du roc retrouvé sur le site et celles décrites dans l’étude.

[50]           L’étude établit des paramètres objectifs (le RQD et la résistance à la compression) auxquels on devra opposer des données minimalement comparables. Rappelons que M. Bernard, de CJRB, admet que l’appréciation visuelle du socle rocheux exposé en cours de projet - ne permet pas de le caractériser pour en déterminer les paramètres de RQD et de résistance à la compression. Or, ce sont ces propriétés qui constituent les éléments permettant d’établir les paramètres du choix de méthode d’exécution du contrat et, le cas échéant, leur différence avec les données de l’étude géotechnique.

[51]           Pour qualifier la différence observée, le cas échéant, des données objectives doivent aussi être soumises, ce qui n’est pas le cas ici.

[52]           En conclusion, le roc s’est avéré plus dur et difficile à extraire que ce qu’avait anticipé l’entrepreneur, mais la preuve ne démontre pas que les conditions du sous-sol différaient sensiblement de celles indiquées à l’étude géotechnique.

2.2. L’absence d’avis écrit dans les cinq jours de la découverte des conditions de sol sensiblement différentes

         L’exigence de forme  

[53]           La première condition d’ouverture à la demande de modification n’étant pas remplie, la question soulevée par l’absence d’avis écrit soumis dans le délai prévu est sans impact sur le sort du litige. Toutefois, le Tribunal estime utile de se prononcer sur la question.

[54]           Ainsi, le contrat prévoit que l’entrepreneur qui constate que les conditions du sous-sol diffèrent sensiblement de celles qui sont indiquées aux études (…) doit aviser par écrit, dans les cinq jours de cette découverte, le chargé de projet.

[55]           Ici, un tel avis n’a pas été transmis par CJRB avant février 2016.

[56]           Elle allègue que cet élément ne peut lui être fatal, puisque les surveillants de chantier ont constaté eux-mêmes que la cadence était ralentie par la dureté du roc (roc plus haut et plus dur) comme en témoignent les notes de réunion de chantier auxquels WSP participe – en tant que surveillant de chantier. L’avis n’est donc pas requis dans ce contexte.

[57]           Conclure autrement lui imposerait un formalisme trop rigoureux, ce que prohibe le Code civil à l’article:

1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci.

[58]           Un raisonnement déjà appliqué par la jurisprudence dans l’affaire Janin[11].

[59]           Dans cette affaire, en présence d’une clause comparable à celle soumise ici, les procès-verbaux de chantier démontrent que l’entrepreneur avait dénoncé les conditions de sol imprévues et son intention de demander le remboursement des frais encourus. Le maître de l’ouvrage n’avait alors pas contesté les délais supplémentaires dans le déroulement du chantier et laissé exécuter les travaux supplémentaires. La Cour a donc conclu que les formalités sur ce point étaient essentiellement suivies. Il était alors question de quantité de sols à extraire qui dépassaient de 70% les quantités prévues.

[60]           Le Tribunal distingue les faits de cette affaire à la présente situation. 

[61]           D’abord, dans Janin, la divergence portait sur la quantité de sols à extraire qui dépassait de 70% de ce qui était prévu. Le Tribunal y voit une donnée objective, claire et mesurable en temps réel sur le chantier. Ensuite, l’entrepreneur avait manifesté, lors des réunions de chantier, son intention non équivoque de faire une demande de dépassement sur cet aspect. Enfin, il n’était pas alors question de choix de la méthode d’extraction, mais de quantité de sols à évacuer du chantier.

[62]           Ici, ce que révèlent les comptes rendus de chantier est essentiellement que la cadence est plus lente que prévu par l’entrepreneur et qu’il trouve que le roc est plus dur et plus haut que ce qu’il anticipait. Or, il s’agit de données subjectives qui découlent de son interprétation de données de l’étude et non de mesures objectives et vérifiables de manière contemporaine sur le chantier.

[63]           Ensuite, bien que l’entrepreneur évoque un retard sur son échéancier, il ne manifeste pas oralement, durant l’exécution des travaux, son intention de demander des dépassements de coûts en raison de conditions de sol différentes – contrairement à la situation prévalant dans l’affaire Janin.

[64]           Pour conclure que l’absence d’avis écrit n’était pas fatale, la Cour d’appel dans Janin, constate que les retards prévisibles ont été dénoncés et l’intention de réclamer les coûts additionnels clairement indiquée[12], en temps opportun, soit lors des réunions de chantier. Ici, cet élément fait défaut. Rien n’indique que, dans le délai prescrit ou du moins dans un espace temporel comparable, CJRB avait l’intention de réclamer des coûts supplémentaires précisément en raison de différences entre les données de l’étude et la nature et les caractéristiques du socle rocheux retrouvées sur le site.

[65]           Dans le présent contexte, il ne s’agit pas d’opposition entre deux formes d’avis (orale ou écrite), mais, du fait que le but recherché par l’avis ne puisse être assuré. Ce but étant de permettre au donneur d’ouvrage, en temps opportun, de vérifier la divergence alléguée entre les conditions décrites au rapport et celles rencontrées sur le site et, le cas échéant, d’évaluer leur impact sur les coûts d’exécution du contrat. Toutes ces considérations devant tenir compte du fait que la nature des sols en cause ne peut être déterminée par une simple constatation visuelle, cela, de l’aveu de tous.

[66]           Ainsi, le rejet n’est pas justifié parce que CJRB n’a pas communiqué son intention par écrit en temps opportun, mais parce qu’elle ne l’a pas fait dans un délai permettant la vérification des données qu’elle prétend être sensiblement différentes de celles du rapport.

         La renonciation de la Ville à l’avis

[67]           CJRB plaide que la Ville a renoncé à l’avis prévu à 4.1 du devis.

[68]           Bien qu’elle puisse être implicite, la renonciation doit être non équivoque. La preuve doit donc établir clairement l’intention de la Ville de renoncer à l’avis, quelle que soit sa forme.

[69]           Ici, cette preuve n’est pas faite.

[70]           Le Tribunal ne peut ignorer la position de WSP, responsable des réclamations pour la Ville, exposée dans une lettre en mars 2016, soit quelques semaines[13] après la réception de la demande de CJRB :

« Il est vrai que lors de la réunion No 4, vous confirmiez à la Ville que le niveau de roc plus haut et plus dur avait un impact sur la production journalière. Par contre, malgré cette observation, aucune demande officielle de frais additionnels n'a été soumise à l'intérieur des délais prescrits, le tout en respect avec les spécifications de l'article 4.1 du Cahier des Clauses administratives du Devis normalisé de la ville de Gatineau []

En avisant par écrit la Ville que les conditions de roc étaient manifestement différentes de celles indiquées aux études géotechniques, cette dernière aurait pu demander une révision des recommandations dépêchant un ingénieur géotechnicien sur le site afin que ce dernier prenne position sur les changements des conditions rencontrées, le tout tel qu'indiqué à l'annexe A de l'étude géotechnique, section Changement des conditions observées. »[14]

3.     LES DOMMAGES

[71]           Le Tribunal a déjà conclu à l’absence de preuve de faute, plus spécifiquement à l’absence de preuve prépondérante d’erreur dans le rapport géotechnique quant aux caractéristiques du sol et de changement dans les conditions du sous-sol à excaver.

[72]           Dans ce contexte, il est difficile de se prononcer sur le lien entre les travaux supplémentaires réclamés et les conditions différentes retrouvées dans le sous-sol.

[73]           Le cas échéant, au-delà des sommes réclamées, CJRB devait faire la preuve que : (1) ses décisions d’origine, quant aux choix de méthodes (équipement et main-d’œuvre), étaient appropriées aux conditions de sol énoncées au rapport; (2) les différences rencontrées sur le site justifiaient les changements de méthodes opérées.

[74]           Or, la preuve ne permet pas de se prononcer sur ces questions.

4.     L’ACTE D’INTERVENTION FORCÉE  

[75]           Vu le rejet de la demande principale, le Tribunal estime sans objet l’acte d’intervention forcée. Toutefois, la demanderesse devra supporter les frais justice encourus par la présence de WSP dans l’instance. 

5.     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[76]           REJETTE la demande introductive d’instance précisée ré-amendée le 7 avril 2022 ET EN CONSÉQUENCE, DÉCLARE SANS OBJET l’acte d’intervention forcée;

[77]           CONDAMNE la demanderesse aux frais de justice, tant à l’encontre de la défenderesse que de la défenderesse en garantie.

 

 

 

 

 

__________________________________CAROLE THERRIEN, j.c.s.

 

ME JEAN ST-PIERRE

Procureur de la Demanderesse

 

ME BENJAMIN BEAUCHAMP

ME MIREILLE GAUTHIER

Procureur de la Défenderesse / demanderesse en garantie

 

ME PIERRE VOSOCKIS

Procureur de la Défenderesse en garantie

 

 

Dates d’audience :

4 AU 8 AVRIL 2022

 

 


[1] Du 7 avril 2022

[2] À moins d’indication contraire, tous les soulignements sont effectués par la soussignée;

[3] Régie d’assainissement des eaux du bassin de la Prairie c. Janin construction 1983 Ltée, 1999 RJQ 929, CanLII 13754;

[4] Ville de Québec c. Constructions BSL Inc. 2022 QCCA 1682;

[5] Étude géotechnique, janvier 2015, page 151, pièce p-4 ;

[6] Étude géotechnique, janvier 2015, pièce p-4, pages 116 à 118;

[7] Larousse, version Web;

[8] Ville de Québec c. Constructions BSL Inc. 2022 QCCA 1682;

[9] Pièce P-12, page 572, Art. 4.1 Devis normalisé de la Ville de Gatineau;

[10] Idem, article 15;

[11] Régie de l’assainissement des eaux du bassin de La Prairie c. Janin construction (1983) Ltée, 1999 RJQ 929, page 52;

[12] Idem;

[13] 16 février 2016;

[14] Pièce P-6 10 mars 2016;

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.