MISE EN GARDE : Une ordonnance limitant la publication a été prononcée en première instance en vertu de l’article 486.4 C.cr. afin d’interdire la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin.
- Le ministère public demande l’autorisation de se pourvoir contre un jugement de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Joliette (l’honorable Gilles Garneau), prononçant un sursis de peine assorti d’une probation de trois ans, incluant l’exécution de 100 heures de travaux communautaires, après que l’intimé eut été déclaré coupable d’agression sexuelle. La déclaration de culpabilité n’a pas été portée en appel.
- Pour les motifs de la juge Marcotte et ceux du juge Healy, LA COUR :
- ACCUEILLE la requête en autorisation d’appel de la peine;
- ACCUEILLE l’appel;
- ANNULE le sursis de peine et l’ordonnance de probation prononcés par le juge de première instance;
- SUBSTITUE une peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée de 24 mois moins un jour, aux conditions suivantes :
- Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;
- Répondre aux convocations du tribunal;
- Se présenter à l’agent de surveillance à compter de ce jour et par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de surveillance;
- Rester dans la province de Québec, sauf permission écrite d’en sortir du tribunal ou de l’agent de surveillance;
- Prévenir le tribunal ou l’agent de surveillance de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;
- S’abstenir de communiquer directement ou indirectement avec I. D.;
- S’abstenir de se trouver à tout endroit où peut demeurer I. D., et ce, quelle qu’en soit l’adresse;
- S’abstenir de se trouver au lieu de travail ou d’études d’I. D.;
- S’abstenir d’être en présence physique d’I. D.;
- S’abstenir de posséder, de porter à quelque titre que ce soit des armes offensives ou à usage restreint, ou des imitations d’armes, y compris des pistolets de départ et des pistolets à plomb, des armes à feu, des arbalètes, des armes prohibées, des armes à autorisation restreinte, des dispositifs prohibés, des munitions, des munitions prohibées ou des substances explosives, des couteaux, sauf dans un but légitime, et des armes blanches;
- Être présent à l’intérieur de sa résidence située au [...], Terrebonne (Québec) [...], en tout temps pour les 12 premiers mois de l’ordonnance d’incarcération dans la communauté, sous réserve des exceptions suivantes :
- Pour rencontrer son agent de surveillance à la suite d’un rendez-vous préétabli;
- Pour se présenter à la cour à titre de témoin ou de partie à un litige;
- Pour répondre à une convocation de la cour dans le présent dossier;
- Pour traitement médical pour lui-même ou pour un membre de sa famille immédiate;
- Pour l’achat de nourriture, de biens ou de services nécessaires pour lui-même ou pour un membre de sa famille immédiate pendant toute période jugée raisonnable par son agent de surveillance;
- Pour exécuter ses heures de service communautaire, suivant les modalités fixées par l’agent de surveillance;
- Pour occuper un travail légitime et rémunéré, tel qu’approuvé par écrit par l’agent de surveillance;
- Pour fins de rencontres avec toute personne (enfant, parents, thérapeutes, réunions AA ou NA, service communautaire, etc.) pourvu que l’agent de surveillance en aura approuvé d’avance et par écrit la nature, le lieu, le moment et la durée;
- Pour tout motif sérieux et/ou urgent suivant une autorisation écrite préalable de l’agent de surveillance;
- Être présent à l’intérieur de sa résidence entre 22 h et 7 h pour la période suivant la période d’assignation à résidence, et ce, jusqu’à l’échéance légale de la peine;
- Avoir sur lui, en tout temps, lorsqu’à l’extérieur de sa résidence, une copie de ses conditions;
- Se munir d’une ligne téléphonique fixe et en assurer le maintien, et répondre à tous les appels de son agent de surveillance;
- Répondre à tous les appels téléphoniques provenant de l’agent de surveillance durant les périodes de couvre-feu ou d’assignation à résidence et prendre les dispositions nécessaires pour être en mesure de le faire;
- Ne pas être abonné à un service de transfert d’appels;
- Faciliter l’accès à sa résidence par l’agent de surveillance;
- Aviser l’agent de surveillance dans les 12 heures de tout changement de numéro de téléphone;
- Effectuer 100 heures de service communautaire aux moments et aux lieux convenus avec l’agent de probation;
- Suivre toute directive écrite de l’agent de surveillance relative à l’application des conditions de l’ordonnance d’emprisonnement avec sursis;
- Suivre toute directive de l’agent de surveillance quant à un suivi concernant son mode relationnel avec les femmes et quant au consentement en matière sexuelle;
- S’abstenir de consommer de l’alcool ou d’en avoir en sa possession;
- S’abstenir de consommer des drogues (y compris le cannabis) ou d’en avoir en sa possession.
- ORDONNE à l’intimé de se conformer aux conditions d’une ordonnance de probation d’une durée de deux ans aux conditions suivantes :
- Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite ; répondre aux convocations du tribunal;
- Prévenir le tribunal ou l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;
- S’abstenir de communiquer directement ou indirectement avec I. D.;
- S’abstenir de se trouver à tout endroit où peut demeurer I. D., et ce, quelle qu’en soit l’adresse;
- S’abstenir de se trouver au lieu de travail ou d’études d’I. D.;
- S’abstenir d’être en présence physique d’I. D.;
- S’abstenir de posséder, de porter à quelque titre que ce soit des armes offensives ou à usage restreint, ou des imitations d’armes, y compris des pistolets de départ et des pistolets à plomb, des armes à feu, des arbalètes, des armes prohibées, des armes à autorisation restreinte, des dispositifs prohibés, des munitions, des munitions prohibées ou des substances explosives, des couteaux, sauf dans un but légitime, et des armes blanches;
- Avoir sur lui, en tout temps, lorsqu’à l’extérieur de sa résidence, une copie de ses conditions;
- Se présenter à un agent de probation dans les 48 heures du début de l’ordonnance de probation et, par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de probation et ce pour la première année de l’ordonnance de probation;
- Suivre les directives de l’agent de probation ou de tout autre intervenant désigné par lui concernant tout suivi relatif à son mode relationnel avec les femmes et sur le consentement en matière sexuelle.
- INTERDIT à l’intimé, en vertu des paragraphes 109(1) et 109(2) du Code criminel, d’avoir en sa possession des armes à feu, des arbalètes, des armes à autorisation restreinte, des munitions et des substances explosives pour une période de 10 ans débutant à la fin de la période d’emprisonnement dans la collectivité et, à perpétuité, d’avoir en sa possession des armes à feu prohibées, des armes à feu à autorisation restreinte, des armes prohibées, des dispositifs prohibés et des munitions prohibées.
- AUTORISE, aux fins de toute analyse génétique jugée nécessaire, le prélèvement d’échantillons de substances corporelles de l’intimé, conformément au paragraphe 487.051(1) du Code criminel;
- ORDONNE à l’intimé de se conformer à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pour une période de 20 ans, suivant le paragraphe 490.012(1) du Code criminel;
- ORDONNE à l’intimé de payer la suramende compensatoire dans le délai prévu par la loi;
- Bien qu’il soit également d’avis qu’il y a lieu d’annuler le sursis de peine et l’ordonnance de probation prononcés par le juge de première instance, le juge Bachand aurait infligé à l’intimé une peine d’incarcération de deux ans moins un jour plutôt qu’une peine d’emprisonnement avec sursis.
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| GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. |
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| PATRICK HEALY, J.C.A. |
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| FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A. |
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Me Jason Vocelle Lévesque |
DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES |
Pour le requérant |
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Me Clemente Monterosso |
CLEMENTE MONTEROSSO AVOCAT |
Pour l’intimé |
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Date d’audience : | 19 janvier 2024 |
- Le ministère public demande l’autorisation de se pourvoir contre un jugement de la Cour du Québec, district de Joliette (l’honorable Gilles Garneau)[1], prononçant un sursis de peine assorti d’une probation de trois ans, dont les conditions comprenaient l’obligation d’accomplir cent heures de service communautaire, après que l’intimé eut été déclaré coupable d’agression sexuelle sur sa conjointe de l’époque[2].
- Le ministère public plaide que cette peine est manifestement non indiquée, car déraisonnablement clémente compte tenu des circonstances mises en preuve lors du procès. Il est également d’avis que le juge de première instance a commis certaines erreurs de principe, notamment en accordant une importance indue au pardon de la victime. Il estime que la Cour devrait infirmer le jugement entrepris et substituer au sursis de peine prononcé en première instance une peine d’incarcération d’une durée de 18 à 24 mois.
- Contexte
- L’agression a lieu à la fin du mois de mars 2016. L’intimé exerce alors le métier d’artiste tatoueur dans un salon où travaille également la victime. Ils forment un couple depuis décembre 2015, mais ils ne cohabitent pas.
- Quelques semaines avant l’agression, la victime apprend qu’elle est enceinte de l’intimé. La grossesse n’est pas sans complications : en plus de ressentir une baisse de libido, la victime doit composer régulièrement avec des nausées, des maux de tête et beaucoup de fatigue. Au moment de l’incident, l’intimé est au courant de la grossesse de la victime et des inconvénients qui en découlent.
- L’agression survient à la résidence de la victime, après qu’elle a mis au lit sa fille, alors âgée d’un an et demi. L’intimé, qui est aux prises avec un problème de consommation d’alcool et de drogues, a bu du vin. La victime soupçonne qu’il a aussi consommé de la drogue compte tenu de son état, qu’elle qualifiera lors du procès d’euphorique.
- Alors que l’intimé et la victime se trouvent dans la chambre de cette dernière, allongés sur un matelas posé par terre, il lui fait des attouchements. Elle le repousse immédiatement, tout en lui indiquant qu’elle ne se sent pas bien et qu’elle ne souhaite pas avoir de rapports sexuels. L’intimé insiste : « [c]ome on, tu en as envie »[3]. La victime réalise alors qu’elle n’a d’autre choix que de laisser l’intimé avoir des rapports sexuels avec elle : « fais ce que tu as à faire », lui dit-elle en pleurant[4]. Durant l’agression, lors de laquelle il y a pénétration jusqu’à éjaculation, il arrive que l’intimé la retienne fermement avec ses mains alors qu’elle continue de pleurer. Immédiatement après, elle se rend à la salle de bain et elle constate qu’elle saigne au niveau du vagin.
- Peu de temps après l’agression, la victime met un terme à sa relation avec l’intimé. Elle décide aussi d’interrompre sa grossesse, et elle expliquera au procès avoir pris cette décision en raison de l’agression dont elle a été victime.
- À l’étape de la détermination de la peine, la victime fait état des séquelles que lui a causées l’agression. Celles-ci sont nombreuses et importantes : impacts psychologiques graves sur plusieurs sphères de sa vie; syndrome de stress post-traumatique majeur; troubles anxieux sévères; rechutes fréquentes de dépression; important manque de confiance envers elle-même et autrui; nombreux blocages au niveau sexuel; troubles de sommeil; crainte pour sa sécurité et celle de ses enfants; et idées suicidaires. Elle explique aussi avoir ressenti beaucoup de colère et de haine envers l’intimé, et même d’avoir souhaité qu’il souffre. Elle ajoute avoir toutefois réalisé subséquemment que ces sentiments lui sapaient son énergie et qu’il valait mieux qu’elle lâche prise en pardonnant à l’intimé, tout en espérant qu’il réussisse à se libérer de son mal de vivre.
- L’intimé, quant à lui, choisit de n’administrer aucune preuve.
- Le rapport présentenciel fait notamment état du problème de consommation d’alcool et de drogues de l’intimé. Il relève que ce dernier affirme avoir complètement arrêté de consommer, avoir participé — quoique seulement brièvement — au programme des Alcooliques Anonymes et avoir possiblement besoin d’une aide spécialisée. L’auteur indique par ailleurs que l’intimé accepte désormais le verdict de culpabilité, regrette son comportement lors de l’agression et reconnaît sa responsabilité, ce qu’il avait refusé de faire auparavant. Toutefois, malgré la collaboration, l’ouverture et la reconnaissance dont il fait preuve, l’intimé persiste à ne pas se considérer comme un agresseur, ce qui — selon l’auteur du rapport — continue de « teinter son propos »[5].
- Le rapport aborde également les problèmes relationnels récurrents de l’intimé avec ses partenaires amoureuses. Bien que l’auteur n’y voie aucune manifestation d’une quelconque déviance sur le plan sexuel, il estime néanmoins qu’il serait utile que l’intimé se soumette à une évaluation plus poussée sur le plan sexologique. Il ajoute que l’intimé s’est montré ouvert et motivé à avoir recours à des spécialistes afin de mieux cerner les enjeux personnels en cause et de tirer des apprentissages constructifs pour l’avenir. Finalement, l’auteur constate que l’intimé possède de bonnes dispositions pour la mise en place d’un programme de réhabilitation, tout en ajoutant qu’il aurait intérêt à participer à une évaluation spécialisée et à entamer un processus thérapeutique.
- Jugement entrepris
- Dans son bref jugement, rendu oralement, le juge débute en reprenant les grandes lignes du rapport présentenciel après l’avoir qualifié de « très favorable […] sur le plan de [la] consommation »[6]. Il résume ensuite la preuve relative aux séquelles subies par la victime et conclut que cette preuve est probante. Puis, il justifie ainsi sa décision de surseoir au prononcé de la peine[7] :
En prenant compte de tout ce que le Tribunal vient de mentionner, je ne pense pas qu’une sentence d’emprisonnement s’applique dans ce cas bien particulier. J’avais dit que c’est un cas bien particulier. Il est certain que chaque cas est un cas d’espèce mais dans ce cas-ci, je prends en considération tous les efforts qui ont été faits par l’accusé pour régler son problème de consommation et aussi qu’il est prêt à s’investir dans une thérapie difficile et je tiens compte aussi du pardon que madame la plaignante a fait envers lui. C’est un geste très courageux mais qui va sûrement l’aider dans sa réhabilitation.
[Soulignements ajoutés]
- Il enchaine immédiatement en précisant les modalités de la probation ainsi que les ordonnances accessoires[8] :
Par conséquent, le Tribunal considère qu’une sentence suspendue dans ce dossier servirait l’intérêt de la justice et c’est la raison pour laquelle je vais surseoir au prononcé de la sentence pour une période de trois (3) ans aux conditions ordinaires de garder la paix et de bonne conduite, d’aviser la Cour de tout changement d’adresse.
Interdiction lui est faite de communiquer directement ou indirectement avec la plaignante et tous les membres de sa famille. Interdiction de se trouver à moins de vingt (20) kilomètres de son domicile et/ou du lieu de travail.
Il devra se présenter aujourd’hui même à un officier de probation. Il devra se soumettre à toute thérapie qui sera proposée par l’agent de probation. Il devra effectuer également cent (100) heures de travaux communautaires dans un délai de douze (12) mois.
En vertu de l’article 109, interdiction de posséder des armes à feu, munitions et matières explosives. Il devra être inscrit au registre des agresseurs sexuels pour une période de [...] 20 ans.
- Le ministère public choisit de présenter sa requête en autorisation d’appel à une formation de la Cour, et ce, conformément à l’article 58 R.C.a.Q.m.c.
- Analyse
- La norme d’intervention en appel
- Il est bien établi qu’en matière de peine, « les cours d’appel ne peuvent intervenir à la légère »[9]. En raison des larges pouvoirs dont jouissent les juges de première instance dans la détermination de la peine, « [l]’intervention d’une cour d’appel n’est justifiée que si une peine est manifestement non indiquée ou si le juge a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la peine infligée »[10]. Cette norme d’intervention marquée au coin de la déférence s’explique notamment par le fait que, « si les tribunaux d’appel interviennent sans retenue pour modifier des peines perçues comme trop clémentes ou trop sévères, leurs interventions risquent d’éroder la crédibilité du système et l’autorité des tribunaux de première instance »[11].
- Une peine sera jugée manifestement non indiquée lorsqu’elle s’écarte de manière déraisonnable du principe fondamental, énoncé à l’article 718.1 C.cr., selon lequel toute peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant[12]. Il s’agit d’un seuil très élevé[13]. Lorsqu’elles examinent si ce seuil a été atteint, les cours d’appel doivent garder à l’esprit les principes d’individualisation et d’harmonisation des peines : « [l]a proportionnalité se détermine à la fois sur une base individuelle, c’est-à-dire à l’égard de l’accusé lui-même et de l’infraction qu’il a commise, ainsi que sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »[14].
- Quant aux erreurs de principe susceptibles de justifier l’intervention d’une cour d’appel, l’arrêt Friesen enseigne qu’elles peuvent prendre diverses formes[15] :
Parmi les erreurs de principe, mentionnons l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant. La manière dont le juge de première instance a soupesé ou mis en balance des facteurs peut constituer une erreur de principe seulement s’il a [traduction] « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre » (R. c. McKnight (1999), 1999 CanLII 3717 (ON CA), 135 C.C.C. (3d) 41 (C.A. Ont.), par. 35, cité dans Lacasse, par. 49). Ce ne sont pas toutes les erreurs de principe qui sont importantes : la cour d’appel ne peut intervenir que lorsqu’il ressort des motifs du juge de première instance que l’erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine (Lacasse, par. 44). Si une erreur de principe n’a eu aucun effet sur la peine, cela met un terme à l’analyse de cette erreur et l’intervention de la cour d’appel ne se justifie que si la peine n’est manifestement pas indiquée.
- La peine est manifestement non indiquée
- Je suis d’accord avec le ministère public : même assorti d’une probation de trois ans, dont les conditions comprennent l’obligation d’accomplir cent heures de service communautaire, un sursis de peine s’avère déraisonnable compte tenu de la gravité de l’agression à l’origine de la présente affaire et du degré de responsabilité de l’intimé.
- Comme le soulignait la Cour suprême en 2012, sous la plume de la juge McLachlin, alors juge en chef, « [l]’agression sexuelle est un fléau »[16]. De nos jours, les tribunaux sont particulièrement sensibles aux graves conséquences que la violence sexuelle engendre sur la santé physique et psychologique des victimes[17]. Ils sont également bien conscients que « [l]’agression sexuelle demeure un crime étroitement lié au genre », qui « touche de façon disproportionnée les femmes et les personnes de genres divers », surtout chez les membres racialisés de ces communautés[18].
- Ces constats justifient la priorité qui tend à être accordée aux objectifs de dénonciation et de dissuasion et fait en sorte que l’incarcération est généralement privilégiée en matière d’agression sexuelle[19]. Comme l’expliquent très bien les auteures Desrosiers et Beausoleil-Allard[20] :
L’affirmation des objectifs de dénonciation et de dissuasion s’étend également au traitement judiciaire des agressions sexuelles commises sur des adultes. La priorité ainsi accordée à ces objectifs favorise fortement l’incarcération des contrevenants. Selon la Cour suprême, la dénonciation est l’expression de la condamnation par la société du comportement délinquant; il s’agit d’une « déclaration collective, ayant valeur de symbole, que la conduite du contrevenant doit être punie parce qu’elle a porté atteinte au code des valeurs fondamentales de notre société ». Une peine dénonciatrice doit communiquer la répulsion sociale à l’égard du crime commis. Et selon le plus haut tribunal du pays, l’incarcération produit généralement un effet dénonciateur plus grand que les peines dites correctives, notamment que l’emprisonnement avec sursis (emprisonnement dans la communauté). Quant à la dissuasion, elle emporte également un alourdissement de la peine. Suivant cet objectif pénologique, la sentence doit dissuader le contrevenant de commettre d’autres crimes (dissuasion spécifique) et également toute autre personne d’agir comme lui (dissuasion générale). Ultimement, l’exemplarité de la peine contribuerait à réduire la criminalité.
L’emprisonnement ferme est donc la sanction privilégiée en matière d’agression sexuelle, qu’il s’agisse de victimes mineures (les crimes d’agressions sexuelles étant alors greffés de peines minimales d’emprisonnement) ou de victimes majeures. Évidemment, toute règle d’application générale comporte des exceptions et dans des circonstances appropriées, une peine plus clémente pourrait être envisagée.
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
- Cette tendance à privilégier l’incarcération se retrouve notamment dans la fourchette des peines applicable en matière d’agression sexuelle. La Cour a indiqué à plusieurs reprises que la fourchette définie par le juge Robert Sansfaçon dans l’affaire Cloutier[21] reflétait fidèlement la jurisprudence québécoise et continuait d’être d’actualité[22]. Par ailleurs, dans l’arrêt Bergeron, la Cour, sous la plume du juge Pelletier, a cité avec approbation la synthèse des auteurs Parent et Desrosiers reprenant la fourchette proposée dans l’affaire Cloutier[23] :
Je tire de l’ouvrage de Parent et Desrosiers l’extrait suivant lequel, à mon avis, brosse adéquatement le portrait général des peines qui sont fixées en matière de crimes à caractère sexuel commis sur des enfants :
520. i) Les sentences de 12 mois à 23 mois de détention ferme : Ces sentences sanctionnent des gestes sexuels de peu de gravité et/ou survenus en de rares occasions et/ou sur une courte période de temps, commis sur une seule victime. Les arrêts récents de la Cour d’appel du Québec indiquent clairement que des gestes de la nature d’attouchements, même lorsqu’ils sont perpétrés au cours d’un incident unique et isolé, peuvent mener, voire mènent généralement à l’emprisonnement ferme. Les sentences imposées ou confirmées en appel pour ce genre de délit peuvent aller jusqu’à 23 mois d’incarcération.
(…)
526. ii) Les sentences de 2 ans moins un jour à 6 ans, avec une concentration importante des 3 à 4 ans : Selon le juge Sansfaçon, la ligne médiane des peines pour crimes sexuels se situerait autour de 3 ans et demi. Ce [commentaire], certes judicieux, émane de la lecture des jugements soumis par les procureurs afin d’asseoir leur suggestion de peine respective. Les trames factuelles des affaires soumises tendaient donc naturellement à s’approcher des faits de l’affaire Cloutier : pas de casier judiciaire, abus de confiance, de pouvoir et d’autorité, mais absence de violence directe (autre que celle inhérente à la nature de l’infraction). Dans ce contexte, les jugements de la Cour d’appel confirment ce seuil.
528. iii) Les sentences de 7 à 13 ans : Le juge Sansfaçon note que « les sentences de 7 à 13 ans ont été imposées en raison de circonstances particulières de violence, au-delà des gestes sexuels et/ou de la présence d’antécédents judiciaires et évidemment en relation avec des infractions comportant une gravité objective [élevée] ». La revue jurisprudentielle postérieure à l’affaire Cloutier indique que ces peines sanctionnent des situations d’abus prolongé, qui débutent généralement lorsque la victime ou les victimes sont de jeunes enfants, et qui comportent des relations sexuelles complètes, soit dans un contexte d’intimidation et de violence, soit en incitant des enfants à avoir des relations sexuelles entre eux.
- Certes, il arrive parfois qu’une sanction moins contraignante que l’incarcération — tels l’emprisonnement avec sursis[24], le sursis de peine avec probation[25] ou même l’absolution conditionnelle[26] — s’avère être davantage proportionnée. Cela n’est que le reflet du fait que les fourchettes de peine ne sont pas des carcans, mais bien des « points de repère donnés par les cours d’appel pour faciliter l’amorce d’une réflexion afin de déterminer une peine juste et proportionnée »[27]. Les juges doivent toujours individualiser la peine en tenant compte de la gravité de l’infraction ainsi que de la situation personnelle du délinquant et sa culpabilité morale, et « [c]es facteurs et circonstances peuvent fort bien justifier un rajustement significatif à la baisse ou à la hausse de la peine »[28].
- Par ailleurs — et comme la Cour l’a souligné dans l’arrêt Lemieux, sous la plume du juge Doyon —, le fait que l’emprisonnement avec sursis est récemment redevenu disponible lorsque la peine d’emprisonnement indiquée est de moins de deux ans pourrait éventuellement changer la donne, tant au niveau de la fourchette applicable qu’à l’égard de la tendance jurisprudentielle favorisant l’incarcération dans un tel contexte[29]. Toutefois, à l’heure actuelle, les jugements publiés depuis Lemieux ordonnant un emprisonnement avec sursis plutôt que l’incarcération ne me paraissent pas justifier une remise en question de la fourchette ni de la tendance favorisant l’incarcération en matière d’agression sexuelle[30].
- Dans la présente affaire, la gravité de l’agression sexuelle commise par l’intimé ne fait aucun doute. Il a abusé de la confiance de la victime qui, en plus d’être sa conjointe au moment des événements, était dans une situation de vulnérabilité en raison des complications découlant de sa grossesse[31]. L’agression s’est déroulée chez la victime et l’intimé a fait fi du non-consentement qu’elle lui a exprimé à plusieurs reprises. Puis, lors de l’agression, il lui est arrivé de retenir fermement la victime, qui était en pleurs, et il lui a causé des saignements au niveau du vagin. Quant aux autres séquelles subies par la victime, elles sont très graves, tel que l’a retenu le juge de première instance, dont les constats sur ce point ne sont pas remis en cause en appel.
- Comme l’a rappelé la Cour dans l’affaire Mentor, sous la plume de notre collègue le juge Rancourt, les agressions sexuelles comportant un abus de confiance ou d’autorité, même lorsque commises par un délinquant sans antécédents judiciaires et sans violence extrinsèque, relèvent de la deuxième catégorie de la fourchette proposée dans l’affaire Cloutier, celle prévoyant des peines d’emprisonnement variant entre deux ans moins un jour à six ans[32]. À la lumière de ces enseignements, l’agression commise par l’intimé relève assurément de cette deuxième catégorie. Cela est d’autant plus vrai qu’elle n’était pas dénuée de toute violence extrinsèque, l’intimé ayant, à un moment donné durant la relation sexuelle, retenu fermement la victime.
- Qu’en est-il des facteurs et circonstances qui, selon le juge de première instance, justifient de s’écarter de la fourchette de manière significative, en rejetant l’incarcération au profit d’un sursis de peine? À ses yeux, il y en a trois : (i) les efforts faits par l’intimé pour résoudre son problème de consommation; (ii) la volonté manifestée par ce dernier de s’investir dans une thérapie visant à résoudre ses problèmes relationnels récurrents; et (iii) le pardon de la victime.
- À mon avis, ces éléments ne suffisent manifestement pas pour conclure qu’il y a lieu de surseoir au prononcé de la peine.
- S’agissant d’abord de la preuve relative aux efforts effectués par l’intimé pour résoudre ses problèmes de consommation, on ne peut raisonnablement y accorder un poids très important dans l’exercice de pondération des facteurs pertinents à la détermination d’une peine proportionnée. Comme je l’ai mentionné plus haut, le rapport présentenciel, bien que positif, ne fait que prendre acte des affirmations de l’intimé selon lesquelles il a complètement arrêté de consommer et participé — mais seulement brièvement — au programme des Alcooliques Anonymes, ainsi que du fait qu’il reconnaît avoir possiblement besoin d’une aide spécialisée. Aucune autre preuve n’a été administrée à ce sujet lors de l’audience sur la sentence.
- En ce qui a trait à la volonté manifestée par l’intimé de s’investir dans une thérapie visant à résoudre ses problèmes relationnels, je reconnais qu’il s’agit d’un élément positif. Cela étant, cet élément tend à démontrer, tout au plus, l’existence d’un certain potentiel de réhabilitation à ce chapitre. En mesurant le poids à y accorder, il importe de garder à l’esprit que la présente affaire se distingue des cas où, au moment du prononcé de la peine, le délinquant a entrepris une démarche thérapeutique, et elle se distingue encore plus des cas où le délinquant a complété avec succès une telle démarche.
- Quant au pardon de la victime, je suis d’accord avec le ministère public qu’on ne saurait y voir un facteur militant fortement en faveur d’un allégement de la peine à être infligée à l’intimé. D’abord, la prudence est de mise à l’égard de l’influence du pardon de la victime sur la détermination de la peine, surtout dans des affaires d’agressions commises dans un contexte conjugal[33]. Par ailleurs, dans la présente affaire, le pardon est survenu dans un contexte bien particulier. En effet, la victime n’a jamais exprimé le souhait que l’intimé ne soit pas incarcéré, sa démarche étant plutôt liée au processus de guérison qu’elle a choisi d’entreprendre : elle avait la conviction que pardonner à l’intimé lui permettrait d’apaiser les sentiments de colère et de haine qui l’envahissaient. Son pardon ne change rien au fait que l’agression qu’elle a subie lui a causé de très importantes séquelles. Il n’y a donc pas lieu d’y voir un facteur atténuant de manière significative la culpabilité morale de l’accusé.
- Bref, dans les circonstances de la présente affaire, un sursis de peine assorti d’une probation de trois ans, dont les conditions comprennent l’obligation d’accomplir cent heures de service communautaire, s’avère être une peine manifestement non indiquée. Il revient donc à la Cour de déterminer elle-même la peine à infliger à l’intimé.
- Il y a lieu d’infliger à l’intimé une peine d’incarcération d’une durée de deux ans moins un jour
- Je suis d’avis qu’il y a lieu d’infliger à l’intimé une peine d’emprisonnement d’une durée de deux ans moins un jour. J’estime au surplus qu’il n’y a pas lieu de lui permettre de purger cette peine dans la collectivité.
- S’agissant d’abord de la durée de la peine[34] — et comme je l’ai expliqué dans la section précédente —, l’agression commise par l’intimé relève assurément de la deuxième des catégories définies dans l’affaire Cloutier, celle prévoyant des peines d’emprisonnement variant entre deux ans moins un jour à six ans[35]. Bien que le ministère public soit du même avis, il reconnaît que l’infliction par la Cour d’une peine se situant plutôt à l’extrémité supérieure de la première catégorie pourrait être justifiée, d’où sa proposition d’une peine variant entre 18 et 24 mois.
- Je conviens que le rapport présentenciel est favorable à l’intimé à certains égards. Toutefois, pour les raisons indiquées plus haut, les éléments positifs qu’il contient me semblent être d’une importance somme toute assez relative[36]. Même lorsque combinés à l’absence d’antécédents judiciaires de l’intimé et au fait qu’il contribue à la société, ces éléments justifient tout au plus d’infliger une peine se situant à l’extrémité inférieure, et non en deçà, de la deuxième des catégories définies dans l’affaire Cloutier. Compte tenu de la gravité de l’agression commise par l’intimé et du degré de sa responsabilité — des facteurs qui tiennent notamment aux circonstances dans lesquelles l’infraction a été perpétrée et aux séquelles subies par la victime —, il ne s’agit pas d’un de ces cas où « s’écarter de la fourchette de peines […] s’avère nécessaire pour réaliser la proportionnalité »[37].
- Je suis donc d’avis que la durée de la peine d’emprisonnement infligée à l’intimé devrait être fixée à deux ans moins un jour.
- Puisque cette peine d’emprisonnement est de moins de deux ans, il y a lieu de considérer l’opportunité d’opter pour l’emprisonnement avec sursis plutôt que l’incarcération. À cet égard, il convient de commencer l’analyse en rappelant la teneur des alinéas 718.2d) et 742.1a) C.cr. :
718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants : […] d) l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; […] 742.1 Le tribunal peut ordonner à toute personne qui a été déclarée coupable d’une infraction de purger sa peine dans la collectivité afin que sa conduite puisse être surveillée — sous réserve des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3 —, si elle a été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans et si les conditions suivantes sont réunies : a) le tribunal est convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif essentiel et aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2; […] | 718.2 A court that imposes a sentence shall also take into consideration the following principles: […] (d) an offender should not be deprived of liberty, if less restrictive sanctions may be appropriate in the circumstances; […] 742.1 If a person is convicted of an offence and the court imposes a sentence of imprisonment of less than two years, the court may, for the purpose of supervising the offender’s behaviour in the community, order that the offender serve the sentence in the community, subject to the conditions imposed under section 742.3, if (a) the court is satisfied that the service of the sentence in the community would not endanger the safety of the community and would be consistent with the fundamental purpose and principles of sentencing set out in sections 718 to 718.2; […] [Soulignements ajoutés] |
- Il découle de ces dispositions que l’emprisonnement avec sursis doit désormais être considéré en matière d’agression sexuelle lorsque, comme en l’espèce, la peine qui s’avère indiquée est de moins de deux ans[38] et qu’il n’existe aucune raison de croire que cette mesure mettrait en danger la sécurité de la collectivité. Puis — et bien que cela allait de soi —, le législateur a précisé que le tribunal doit également s’assurer que permettre au délinquant de purger sa peine dans la collectivité serait conforme aux objectifs et principes énoncés aux articles 718 à 718.2 C.cr.[39]. En outre, il faut garder à l’esprit que « les peines d’emprisonnement avec sursis sont généralement une indication d’une moins “grande criminalité” que les peines d’incarcération »[40].
- Il convient de se référer à nouveau à l’arrêt Lemieux[41], dont les enseignements sont particulièrement pertinents quant à l’importance des objectifs de dénonciation et de dissuasion en matière d’agression sexuelle, ainsi qu’à la mesure dans laquelle ces objectifs peuvent être adéquatement servis par l’emprisonnement avec sursis.
- Dans cette affaire, le délinquant avait profité de la vulnérabilité de la victime — alors sous l’effet de l’ecstasy — pour lui faire des attouchements sur les seins, le ventre et la vulve, par-dessus ses vêtements. Il avait ensuite tenté d’insérer son pénis dans la bouche de la victime, avec qui il entretenait par ailleurs une relation de confiance étant donné qu’elle était la conjointe d’un de ses amis d’enfance. La victime n’ayant consenti à aucun de ces gestes, le délinquant avait été déclaré coupable. Il avait ensuite été condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois, mais comme l’article 742.1 C.cr. n’avait pas encore été modifié, le juge n’avait pas considéré l’opportunité d’autoriser le délinquant à purger sa peine dans la collectivité. La Cour a cependant dû se livrer à cet exercice, le pourvoi ayant été entendu après l’entrée en vigueur de la loi modifiant l’article 742.1 C.cr. [42].
- Dans ses motifs, le juge Doyon souligne d’abord qu’en raison des séquelles subies par la victime et du fait que l’appelant avait porté atteinte à son intégrité — physique, sexuelle et psychologique —, tout en exploitant sa vulnérabilité et en abusant de sa confiance, les objectifs de dénonciation et de dissuasion devaient prévaloir[43]. Il insiste ensuite sur l’impact de ces circonstances sur l’importance à accorder à l’objectif de dénonciation :
[96] La dénonciation n’est pas qu’un concept flou, aux pourtours incertains. Au contraire, la société en comprend très bien la signification puisqu’elle « est l’expression de la condamnation par la société du comportement du délinquant » : R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61, paragr. 102. Une telle réprobation « représente une déclaration collective, ayant valeur de symbole, que la conduite du contrevenant doit être punie parce qu'elle a porté atteinte au code des valeurs fondamentales de notre société qui sont constatées dans notre droit pénal substantiel » : R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, paragr. 81. Or, « le besoin de dénonciation est intimement lié à la gravité de l’infraction » : R. c. Hills, 2023 CSC 2, paragr. 139. Plus l’ensemble des circonstances de l’infraction est grave, plus la dénonciation s’impose et, dans le but de limiter la prolifération de telles infractions, l’objectif de dénonciation « témoigne du rôle de communication et d’éducation du droit » : Friesen, précité, paragr. 105.
[97] Il est donc nécessaire que la dénonciation soit exprimée lorsque les circonstances l’exigent, comme en l’espèce, en tenant compte de l’abus de confiance, de l’atteinte grave à l’intégrité physique, psychologique et émotionnelle de la victime, de même que de son état de grande vulnérabilité au moment de l’agression.
[98] Pour me répéter, je n’exclus pas, ce faisant, les autres facteurs pertinents. Je conclus tout simplement que les circonstances du présent dossier exigent de donner préséance à la dénonciation et à la dissuasion. C’est d’ailleurs ce [que] retient la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. Flores, 2020 ONCA 158 :
[16] […] At the very least, he took advantage of a vulnerable person whom he knew required help. This attracted denunciation and deterrence as the paramount sentencing objectives. […]
[99] Les autrices Desrosiers et Beausoleil-Allard expriment un avis qui va encore plus loin dans L’agression sexuelle en droit canadien, précité :
L’affirmation des objectifs de dénonciation et de dissuasion s’étend également au traitement judiciaire des agressions sexuelles commises sur des adultes. La priorité ainsi accordée à ces objectifs favorise fortement l’incarcération des contrevenants.
[100] N’oublions pas que la proportionnalité, principe cardinal en matière de détermination de la peine, « garantit que la peine reflète la gravité de l’infraction et crée ainsi un lien étroit avec l’objectif de dénonciation » : R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433.
- Le juge Doyon rappelle ensuite les enseignements de l’arrêt Proulx[44], où, sous la plume du juge en chef Lamer, la Cour suprême indiquait notamment que l’incarcération avait habituellement des effets dénonciateur et dissuasif plus importants que l’emprisonnement avec sursis[45]. Puis, il constate qu’en raison des circonstances de l’espèce, ce type d’emprisonnement ne permettrait pas de servir adéquatement les objectifs de dénonciation et de dissuasion, et il le fait en s’appuyant sur l’extrait suivant de l’arrêt Proulx[46] :
Lorsque des objectifs tels que la dénonciation et la dissuasion sont particulièrement pressants, l’incarcération sera généralement la sanction préférable, et ce en dépit du fait que l’emprisonnement avec sursis pourrait permettre la réalisation d’objectifs correctifs.
[Soulignements ajoutés]
- J’ouvre une parenthèse pour souligner que la Cour suprême a tenu ces propos après avoir insisté sur le fait qu’une peine d’emprisonnement avec sursis ne constituait pas une peine clémente, en plus d’ajouter qu’elle était susceptible d’avoir des effets dénonciateur et dissuasif appréciables — notamment en raison des stigmates associés à un sursis d’emprisonnement assorti d’une détention à domicile —, et même d’être parfois aussi sévère que l’incarcération[47]. La Cour suprême était donc bien consciente de la sévérité potentielle de l’emprisonnement avec sursis, mais elle a néanmoins tenu à indiquer on ne peut plus clairement que l’incarcération était généralement préférable lorsque les objectifs de dénonciation et de dissuasion étaient particulièrement pressants.
- Je referme la parenthèse et reviens à Lemieux. Après avoir rappelé les enseignements de l’arrêt Proulx, le juge Doyon prend soin de rappeler l’importance de l’individualisation en matière de détermination de la peine, ainsi que le fait que les objectifs de dénonciation et de dissuasion ne doivent pas être systématiquement priorisés dans les affaires d’agression sexuelle[48] :
Il y aura évidemment des cas plus lourds que celui-ci, mais cela ne réduit pas la nécessité d’insister sur la nécessité de prioriser les objectifs de dénonciation et de dissuasion en raison du poids des circonstances aggravantes en comparaison avec celui des circonstances atténuantes. Toutefois, il ne faut évidemment pas conclure que ce sera toujours le cas dans les dossiers d’agression sexuelle. Chacun des cas doit être traité conformément à la règle de droit et en accord avec ses circonstances propres puisque « [l]es objectifs de dénonciation et de dissuasion ne sont pas mieux servis par l’infliction de peines excessives » : R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, paragr. 94. C’est la raison pour laquelle l’exercice de pondération est si important et mérite déférence.
- À la lumière de ces observations, deux questions se posent dans la présente affaire.
- La première est de savoir si les objectifs de dénonciation et de dissuasion sont « particulièrement pressants », pour reprendre les termes employés par le juge en chef Lamer dans Proulx. À mon avis, la réponse ne fait aucun doute. La gravité de l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, la force employée par l’intimé durant l’agression, l’abus de confiance qu’il a commis, la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvait la victime et les importantes séquelles qu’elle a subies l’emportent largement sur les facteurs atténuants qui, en plus de ne pas être particulièrement nombreux, ne justifient pas de relativiser ou d’atténuer l’importance des objectifs de dénonciation et de dissuasion.
- Puisqu’il ressort par ailleurs des arrêts Proulx et Lemieux que l’incarcération est généralement la sanction préférable lorsque les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent d’être priorisés, se pose ensuite la question de savoir si, en l’espèce, il existe des circonstances militant suffisamment en faveur de l’emprisonnement avec sursis. À mon avis, ce n’est pas le cas. J’estime au contraire que, compte tenu de la gravité de l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, des séquelles qu’elle a subies, du contexte conjugal dans lequel l’agression a été commise et du consensus social relatif au caractère inacceptable de toute forme de violence familiale[49], l’incarcération s’impose tout autant que dans l’affaire Lemieux.
- Conclusion
- Pour ces motifs, je propose d’accueillir la requête en autorisation d’appel, d’accueillir l’appel, de substituer à la peine infligée en première instance une peine d’incarcération de deux ans moins un jour et de maintenir les ordonnances obligatoires prononcées en première instance.
- Je partage l’opinion du juge Bachand selon laquelle le présent appel doit être accueilli. Comme lui, je suis d’avis que la peine est inappropriée, car elle ne tient pas adéquatement compte des objectifs de dénonciation et de dissuasion. La Cour doit ordonner une peine indiquée. Je conviens qu’en l’espèce, une peine indiquée suppose une condamnation à une privation importante de liberté. Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation que l’incarcération dans un établissement carcéral est la seule option susceptible de constituer une peine appropriée.
- Une peine appropriée doit non seulement être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant, mais encore répondre aux divers objectifs fixés par le Code et la jurisprudence. En l’absence d’une durée imposée par une loi ou une autre directive contraignante, la détermination de la peine indiquée repose sur l’exercice par le juge de la peine de son jugement, exercice qui doit être conforme aux principes reconnus et honorer la confiance du public en la magistrature.
- Il n’existe aucune formule toute faite pour la fixation d’une peine indiquée. Une large marge d’appréciation du juge de la peine est inhérente à l’exercice par celui-ci de son jugement. Il découle du principe d’individualisation des peines que le cas de chaque délinquant et de chaque infraction est un cas d’espèce. Une certaine disparité dans les peines est par conséquent non seulement inévitable, mais souhaitable. Les affaires n’étant pas toutes identiques, l’issue indiquée dans l’une ne sera pas nécessairement appropriée dans une autre. C’est par là que pêche l’uniformité. L’établissement de peines minimales obligatoires repose sur l’idée qu’une peine appropriée et proportionnelle peut être déterminée sans égard aux faits. À des degrés moindres, le même défaut entache le recours à des points de départ ou échelles prédéterminés qui privilégient la régularité en fonction de la catégorie d’infractions par rapport aux faits propres à l’espèce. L’exercice du jugement existe entre les deux extrêmes inacceptables que sont une disparité excessive et une uniformité intransigeante.
- L’affaire dont nous sommes saisis concerne une agression sexuelle entre partenaires intimes. Elle implique, par définition, de la violence, un mauvais traitement et un abus de confiance. Dans ce type d’affaires, la dénonciation et la dissuasion sont des objectifs primordiaux traduisant la gravité objective et subjective de telles infractions.
- Le principe de la proportionnalité dans un régime d’individualisation de la peine exige la prise en compte de considérations variables et relatives. Ni la gravité des infractions ni le degré de responsabilité du délinquant ne sont uniformes. Si ces considérations étaient inflexibles au lieu d’être individualisées, les peines seraient statiques; si la thèse contraire devait l’emporter, il y aurait un risque qu’en traitant de la même manière des affaires différentes, on aboutisse à des peines inappropriées. La gravité des infractions varie, même lorsque le degré de responsabilité du délinquant est élevé.
- En l’espèce, le juge de la peine admet avec franchise avoir changé d’opinion quant à ce qui constituerait une peine proportionnelle et indiquée entre la déclaration de culpabilité de l’accusé et le prononcé de la peine. Il explique avoir initialement estimé qu’une peine d’emprisonnement était indiquée, mais avoir ultimement opté pour une suspension de la peine pendant trois ans, assortie de diverses ordonnances accessoires relatives à la probation.
- Dans ses motifs, le juge souligne le rapport présentenciel favorable présenté à la cour, mais insiste surtout sur deux facteurs en particulier qui l’ont fait changer d’avis. Premièrement, et il semble s’agir du facteur le plus important, l’intimé a non seulement exprimé des remords sincères relativement à sa conduite, mais il a également apporté la preuve qu’après l’infraction, il s’était engagé sur le chemin de la réhabilitation et poursuivrait probablement sur ce chemin. L’intimé a cessé de consommer de l’alcool et d’autres stupéfiants. Il s’est dit disposé à suivre d’autres traitements.
- Outre ces considérations, la déclaration de la victime, dans laquelle la victime concluait en pardonnant à l’intimé sa conduite et en lui souhaitait un avenir meilleur, a été un facteur pertinent.
- En somme, le juge a conclu que la perspective d’une réhabilitation véritable et complète rendait moins appropriée une peine se limitant aux objectifs de dénonciation et de dissuasion.
- Les considérations du juge et cette conclusion générale sont, à mon avis, irréprochables.
- Les principes ordinaires de détermination de la peine commandent une déférence de la part des cours de révision envers les conclusions du juge de la peine, à moins que la peine ne soit manifestement pas indiquée ou qu’elle soit entachée d’une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination finale. Cet appel à la réserve s’applique à l’évaluation des considérations juridiques à prendre en compte, mais il vaut avec plus de force encore pour les conclusions de fait du juge de la peine.
- Il en va différemment de la transposition de la conclusion générale du juge en l’énoncé concret d’une peine. Les facteurs rédempteurs présents dans l’espèce n’évincent pas l’impératif que les sentences prononcées pour ce type d’infractions accordent une grande importance aux objectifs de dénonciation et de dissuasion. C’est pourquoi une peine proportionnelle comportera généralement une privation importante de liberté; toutefois, celle-ci ne prendra pas nécessairement la forme d’une incarcération dans un établissement carcéral. Même lorsque l’accent doit être mis sur la dénonciation et la dissuasion, le principe de modération dicte qu’un délinquant ne devrait pas être coupé de la société sauf lorsque nécessaire. Les principes et objectifs de la détermination de la peine interagissent pour mener au prononcé d’une peine proportionnelle et appropriée.
- Je suis d’avis que le juge a commis une erreur de principe en prononçant une peine suspendue, qui ne reflétait pas adéquatement les objectifs de dénonciation et de dissuasion. Les conclusions de fait qu’il a tiré en l’espèce justifiaient amplement ses considérations sur l’espoir et la réhabilitation, mais il existe d’autres options permettant d’atteindre le résultat recherché sans recourir à une suspension de la peine. Le défaut d’appliquer le principe de modération en envisageant ces options dans des circonstances qui s’y prêtaient est une erreur justifiant l’infirmation de la décision[50].
- Un emprisonnement avec sursis est une privation de liberté, susceptible de répondre adéquatement aux objectifs de dénonciation et de dissuasion à l’égard d’une peine par ailleurs proportionnelle. Il ne permet aucune remise de peine et peut être assorti de limites hautement restrictives pour une période de deux ans moins un jour. Il peut constituer une peine sévère et est souvent plus sévère qu’une peine d’emprisonnement dans un établissement carcéral. Dans les circonstances de l’espèce, un emprisonnement avec sursis préserverait l’espoir d’une réhabilitation tout en respectant le principe de modération[51]. C’est là l’un des objectifs qui a motivé sa création. Le dossier ne fait apparaître aucune raison de soustraire l’intimé à la société. Il ne présente aucun danger apparent pour la société; plus que préservé, l’espoir qu’il soit réhabilité doit être cultivé.
- Pour conclure, j’exprime mon accord avec les motifs de la juge Marcotte et avec le dispositif qu’elle propose.
- Bien que je sois d’avis, comme mon collègue Bachand, que la demande en autorisation d’appel de la peine ainsi que l’appel lui-même doivent être accueillis, puisque le juge de première instance a prononcé une peine manifestement non indiquée en ordonnant un sursis de peine assorti d’une probation de trois ans et de travaux communautaires, je ne partage pas son analyse ni sa conclusion concernant l’ordonnance d’emprisonnement qu’il propose.
- Tout comme mon collègue Healy, j’estime qu’il y a plutôt lieu de considérer l’emprisonnement avec sursis, en fonction des conclusions de fait retenues par le juge de première instance à l’égard desquelles la Cour doit faire preuve de déférence, comme le rappelait la Cour suprême dans l’arrêt Nahanee[52] :
[61] Si une erreur de principe a eu une incidence sur la peine, la cour d’appel peut déterminer à nouveau la peine de l’appelant sans être tenue de faire montre de déférence envers la décision du juge de la peine, sauf pour ce qui est des conclusions de fait tirées par ce dernier (Friesen, par. 28)[..]
- Je note, comme mon collègue Healy, que le juge de première instance, qui avait initialement envisagé une peine d’emprisonnement, a plutôt choisi d’imposer un sursis en raison du contenu favorable du rapport présentenciel (« Rapport »), dont il a d’ailleurs repris de larges extraits dans son jugement, ainsi que du pardon offert par la victime.
- Le juge ne minimise pas la gravité de l’agression et des conséquences de celle-ci sur la victime. Cela étant, il relate les extraits du Rapport reproduits dans son jugement, lesquels qualifient l’agression de geste isolé, de même que ceux qui confirment que, bien que reconnaissant avoir développé des problèmes de consommation depuis l’adolescence, l’intimé a complètement cessé de consommer dès qu’il a été interpelé par la police en octobre 2019. Par ailleurs, il note que l’intimé s’est que brièvement référé au regroupement des Alcooliques Anonymes, mais que ce regroupement ravivait son goût de consommer, ce qui était propre à nuire à sa réhabilitation.
- Le juge reproduit également les extraits du Rapport qui traitent du regret et de la culpabilité éprouvés par l’intimé face à sa conduite et de ses conséquences sur la victime, du fait que l’intimé n’a pas tenté de justifier ses gestes par sa consommation et qu’il a fait preuve de collaboration dynamique et d’une attitude d’ouverture et de reconnaissance surprenante pour la préparation du Rapport. Il s’agissait là, d’ailleurs, d’un revirement par rapport à l’attitude affichée lors du procès, alors qu’il persistait à nier que la relation sexuelle avait eu lieu sans le consentement de la victime. Cette volte-face ne semble d’ailleurs pas étrangère à la décision du juge de ne plus envisager l’emprisonnement au moment de prononcer la peine.
- Le caractère favorable du Rapport et la déclaration de la victime amènent le juge à conclure[53] :
En prenant compte de tout ce que le Tribunal vient de mentionner, je ne pense pas qu’une sentence d’emprisonnement s’applique dans ce cas bien particulier. J’avais dit que c’est un cas bien particulier. Il est certain que chaque cas est un cas d’espèce mais dans ce cas-ci, je prends en considération tous les efforts qui ont été faits par l’accusé pour régler son problème de consommation et aussi qu’il est prêt à s’investir dans une thérapie difficile et je tiens compte aussi du pardon que madame la plaignante a fait envers lui. C’est un geste très courageux mais qui va sûrement l’aider dans sa réhabilitation.
- S’appuyant sur les enseignements de la Cour, sous la plume du juge Doyon dans Lemieux c. R.[54], afin de déterminer s’il y aurait lieu d’envisager un sursis plutôt qu’une peine d’emprisonnement, mon collègue Bachand insiste sur la gravité de l’agression, l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, la force employée pendant l’agression, l’abus de confiance et la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvait la victime du fait qu’elle était enceinte et semblait éprouver des complications. Il conclut que ces facteurs, de même que les importantes séquelles de la victime, donnent ouverture à « des objectifs de dénonciation et de dissuasion particulièrement pressants » justifiant de privilégier l’incarcération, aux termes de l’arrêt Proulx[55]. Selon son analyse, les facteurs atténuants ne suffisent pas pour conclure qu’il y a lieu de surseoir au prononcé de la peine, puisqu’ils n’ont que peu de poids par rapport aux facteurs aggravants.de sorte que l’incarcération s’impose tout autant que dans l’affaire Lemieux.
- Avec le plus grand égard, je ne partage pas cette analyse ni la conclusion qui en découle.
- Je crois d’abord nécessaire de remettre les faits de l’affaire en perspective, à la lumière de la preuve au dossier. En effet, lorsque questionnée sur la position dans laquelle elle se trouve lors de l’agression, la victime indique que l’intimé se couche derrière elle en cuillère, qu’il est euphorique, qu’il tente de la caresser pour l’inciter à avoir une relation sexuelle, qu’elle repousse ses mains en lui exprimant qu’elle ne se sent pas bien, qu’elle est fatiguée et qu’elle n’a pas envie de relation sexuelle. Devant son insistance, elle finit par capituler et le laisse faire en lui disant : « Fais ce que tu as à faire ». Pendant la pénétration vaginale, elle lui fait dos et elle pleure. Elle reconnaît toutefois que l’appelant n’en est pas conscient. Il le réalise une fois la relation terminée. Voyant qu’elle pleure, il lui demande si elle va bien.
- Outre la pénétration contre le gré de la victime, j’avoue ne pas dénoter dans la preuve la présence de « violence extrinsèque » évoquée par mon collègue.
- Quant aux saignements, la victime relate qu’elle constate qu’elle saigne lorsqu’elle s’essuie par la suite, en allant à la salle de bain, et qu’elle laisse volontairement un mouchoir taché de sang dans la toilette pour qu’il le voit et qu’il se sente coupable. Ceci semble avoir fonctionné, puisqu’après l’avoir vu, le lendemain, il l’interrogera sur les saignements pour savoir si elle va bien et il s’excusera par la suite de « l’avoir forcée ».
- L’ensemble de ces circonstances m’amènent à vouloir distinguer la gravité de l’infraction de celle qui était sous examen dans l’affaire Lemieux. À mon humble avis, les facteurs aggravants sont moindres en l’espèce et j’estime que je ne suis pas face à des objectifs de dénonciation et de dissuasion aussi pressants que dans cette affaire.
- Je constate par ailleurs qu’il s’agit d’un geste isolé, comme le mentionne le Rapport et le note le juge. De plus, au moment de la détermination de la peine, l’intimé a reconnu sa responsabilité et exprimé une volonté de s’amender.
- De plus, en dépit de la nature de la conduite de l’intimé, le Rapport ne conclut pas à la présence d’un indice significatif de l’existence d’une déviance sur le plan sexuel. Il signale plutôt que l’intimé éprouve des difficultés dans sa dynamique relationnelle avec les femmes et reconnaît sa mobilisation sincère pour consulter une aide spécialisée, afin de mieux cerner les enjeux personnels susceptibles de l’amener à résoudre ses problèmes.
- Je m’interroge donc sur le poids relatif qu’accorde mon collègue à la mobilisation thérapeutique de l’intimé au chapitre des facteurs atténuants, dans ce contexte, en retenant contre lui qu’il n’a fait qu’exprimer une intention d’entreprendre une démarche thérapeutique, sans l’avoir complétée avec succès.
- Mon collègue reproche aussi à l’intimé de n’avoir administré aucune preuve quant à ses efforts pour cesser de consommer lors de l’audience sur la peine. Toutefois, je crois utile de signaler qu’au procès, l’appelant affirmait avoir été sobre depuis son arrestation en octobre 2019. Le Rapport prend acte de ses affirmations selon lesquelles il aurait arrêté de consommer et il aurait participé, quoique brièvement, au programme des Alcooliques anonymes. Il signale toutefois également que sa fréquentation de ce programme l’incitait à consommer plutôt que d’avoir l’effet contraire recherché. J’estime que, dans les circonstances, il y a en l’espèce une perspective favorable de réhabilitation comme l’a conclu le juge de première instance.
- Par ailleurs, j’estime, tout comme le juge de première instance, qu’il y a lieu de considérer le pardon offert par la victime sans qu’il soit opportun d’en réduire le sens ou la portée.
- Le juge n’évoque pas la possibilité d’ordonner un emprisonnement dans la collectivité. D’ailleurs, durant les observations sur la peine, qui ont eu lieu le 3 novembre 2022, lors desquelles l’appelant réclamait une peine de 18 à 24 mois, la possibilité d’un emprisonnement avec sursis n’a jamais été soulevée. En fait, ce n’est que par la suite, soit le 17 novembre 2022, que le projet de loi élargissant l’emprisonnement dans la collectivité aux délinquants reconnus coupables d’agression sexuelle a été sanctionné[56]. Le jugement entrepris a été rendu le 24 novembre 2022, sans vraisemblablement tenir compte du changement législatif survenu la semaine précédente. Il y a tout lieu de croire que le juge aurait privilégié cette option s’il avait été conscient de la possibilité d’accorder un emprisonnement avec sursis, à la lumière des faits qu’il retient et, plus particulièrement, de sa conclusion selon laquelle l’emprisonnement n’était pas approprié dans les circonstances.
- J’estime, pour ma part, qu’en fonction des principes établis dans l’arrêt Proulx, tel que repris dans Lemieux, les effets dénonciateur et dissuasif ne commandent pas à tout prix l’emprisonnement, au vu d’une pondération des facteurs aggravants et des facteurs atténuants retenus à bon droit par le juge.
- Ces conclusions sont, par ailleurs, conformes au contenu du Rapport et à la déclaration de la victime. J’ajouterai que l’introspection ou la responsabilisation de l’intimé me semble aller de pair avec les autres éléments relevés par le juge pour favoriser sa réhabilitation. Je ne vois tout simplement pas en quoi, dans les circonstances particulières de cette affaire, la société gagnerait à incarcérer l’intimé plutôt que d’ordonner un sursis assorti de conditions sévères.
- À mon avis, l’emprisonnement avec sursis est susceptible de préserver l’espoir de réhabilitation de l’intimé et d’encourager sa réinsertion sociale, tout en imposant de sérieuses contraintes à sa liberté qui permettront de réaliser les objectifs correctifs de la peine. De telles contraintes auront, à mon avis, des effets dénonciateur et dissuasif suffisants.
- Ainsi, vu les circonstances particulières de l’affaire, et considérant l’ensemble des facteurs, dont les facteurs aggravants dont je propose une lecture plus nuancée que mon collègue, et puisque j’estime que l’intimé présente une perspective favorable de réhabilitation, telle que reflétée dans sa capacité d’introspection et sa responsabilisation depuis sa déclaration de culpabilité, je propose un emprisonnement avec sursis pour une durée de vingt-quatre mois moins un jour, assortie de conditions sévères. Selon moi, il s’agit d’une alternative à l’incarcération qui est souhaitable et susceptible de préserver l’espoir d’une réhabilitation, tout en respectant le principe de modération auquel fait référence mon collègue Healy en s’inspirant des propos du juge Cournoyer dans Bachou c. R. [57].
- Pour ces motifs et ceux du juge Healy, auxquels je souscris, je propose donc d’accueillir la requête en autorisation d’appel, d’accueillir l’appel et d’annuler le sursis de peine et l’ordonnance de probation prononcée par le juge de première instance puis, procédant à prononcer la peine appropriée, de condamner l’intimé à purger une période d’emprisonnement avec sursis de 24 mois moins un jour, aux conditions suivantes :
- Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;
- Répondre aux convocations du tribunal;
- Se présenter à l’agent de surveillance à compter de ce jour et par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de surveillance;
- Rester dans la province de Québec, sauf permission écrite d’en sortir du tribunal ou de l’agent de surveillance;
- Prévenir le tribunal ou l’agent de surveillance de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;
- S’abstenir de communiquer directement ou indirectement avec I. D.;
- S’abstenir de se trouver à tout endroit où peut demeurer I. D., et ce, quelle qu’en soit l’adresse;
- S’abstenir de se trouver au lieu de travail ou d’études d’I. D.;
- S’abstenir d’être en présence physique d’I. D.;
- S’abstenir de posséder, de porter à quelque titre que ce soit des armes offensives ou à usage restreint, ou des imitations d’armes, y compris des pistolets de départ et des pistolets à plomb, des armes à feu, des arbalètes, des armes prohibées, des armes à autorisation restreinte, des dispositifs prohibés, des munitions, des munitions prohibées ou des substances explosives, des couteaux, sauf dans un but légitime, et des armes blanches;
- Être présent à l’intérieur de sa résidence située au [...], Terrebonne (Québec) [...], en tout temps pour les 12 premiers mois de l’ordonnance d’incarcération dans la communauté, sous réserve des exceptions suivantes :
- Pour rencontrer son agent de surveillance à la suite d’un rendez-vous préétabli;
- Pour se présenter à la cour à titre de témoin ou de partie à un litige;
- Pour répondre à une convocation de la cour dans le présent dossier;
- Pour traitement médical pour lui-même ou pour un membre de sa famille immédiate;
- Pour l’achat de nourriture, de biens ou de services nécessaires pour lui-même ou pour un membre de sa famille immédiate pendant toute période jugée raisonnable par son agent de surveillance;
- Pour exécuter ses heures de service communautaire, suivant les modalités fixées par l’agent de surveillance;
- Pour occuper un travail légitime et rémunéré, tel qu’approuvé par écrit par l’agent de surveillance;
- Pour fins de rencontres avec toute personne (enfant, parents, thérapeutes, réunions AA ou NA, service communautaire, etc.) pourvu que l’agent de surveillance en aura approuvé d’avance et par écrit la nature, le lieu, le moment et la durée;
- Pour tout motif sérieux et/ou urgent suivant une autorisation écrite préalable de l’agent de surveillance;
- Être présent à l’intérieur de sa résidence entre 22 h et 7 h pour la période suivant la période d’assignation à résidence, et ce, jusqu’à l’échéance légale de la peine;
- Avoir sur lui, en tout temps, lorsqu’à l’extérieur de sa résidence, une copie de ses conditions;
- Se munir d’une ligne téléphonique fixe et en assurer le maintien, et répondre à tous les appels de son agent de surveillance;
- Répondre à tous les appels téléphoniques provenant de l’agent de surveillance durant les périodes de couvre-feu ou d’assignation à résidence et prendre les dispositions nécessaires pour être en mesure de le faire;
- Ne pas être abonné à un service de transfert d’appels;
- Faciliter l’accès à sa résidence par l’agent de surveillance;
- Aviser l’agent de surveillance dans les 12 heures de tout changement de numéro de téléphone;
- Effectuer 100 heures de service communautaire aux moments et aux lieux convenus avec l’agent de probation;
- Suivre toute directive écrite de l’agent de surveillance relative à l’application des conditions de l’ordonnance d’emprisonnement avec sursis;
- Suivre toute directive de l’agent de surveillance quant à un suivi concernant son mode relationnel avec les femmes et quant au consentement en matière sexuelle;
- S’abstenir de consommer de l’alcool ou d’en avoir en sa possession;
- S’abstenir de consommer des drogues (y compris le cannabis) ou d’en avoir en sa possession.
- Je propose également de prononcer une ordonnance de probation d’une durée de deux ans débutant à l’échéance de l’ordonnance d’emprisonnement et l’obligeant à se soumettre aux conditions suivantes :
- Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite ; répondre aux convocations du tribunal;
- Prévenir le tribunal ou l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;
- S’abstenir de communiquer directement ou indirectement avec I.D.;
- S’abstenir de se trouver à tout endroit où peut demeurer I. D., et ce, quelle qu’en soit l’adresse;
- S’abstenir de se trouver au lieu de travail ou d’études d’I. D.;
- S’abstenir d’être en présence physique d’I. D.;
- S’abstenir de posséder, de porter à quelque titre que ce soit des armes offensives ou à usage restreint, ou des imitations d’armes, y compris des pistolets de départ et des pistolets à plomb, des armes à feu, des arbalètes, des armes prohibées, des armes à autorisation restreinte, des dispositifs prohibés, des munitions, des munitions prohibées ou des substances explosives, des couteaux, sauf dans un but légitime, et des armes blanches;
- Avoir sur lui, en tout temps, lorsqu’à l’extérieur de sa résidence, une copie de ses conditions;
- Se présenter à un agent de probation dans les 48 heures du début de l’ordonnance de probation et, par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de probation et ce pour la première année de l’ordonnance de probation;
- Suivre les directives de l’agent de probation ou de tout autre intervenant désigné par lui concernant tout suivi relatif à son mode relationnel avec les femmes et sur le consentement en matière sexuelle.
- Je propose aussi d’interdire à l’intimé, en vertu de l’article 109(1) a) et 109(2) du Code criminel, pour une période de 10 ans débutant à la fin de la période d’emprisonnement dans la collectivité, d’avoir en sa possession des armes à feu, des arbalètes, des armes à autorisation restreinte, des munitions et des substances explosives et, à perpétuité, d’avoir en sa possession des armes à feu prohibées, des armes à feu à autorisation restreinte, des armes prohibées, des dispositifs prohibés et des munitions prohibées.
- Finalement, je propose d’ordonner à l’intimé de se soumettre à un prélèvement d’échantillon de substances génétiques nécessaires à l’analyse, suivant l’article 487.051 (1) du Code criminel, de même que d’ordonner à l’intimé de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels[58], pour une période de 20 ans, suivant l’article 490.012(1) du Code criminel, ainsi que de lui imposer le paiement de la suramende compensatoire dans le délai prévu par la loi.
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GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. |
[1] R. c. Aubie, C.Q. Joliette, n° 705-01-111780-203, 24 novembre 2022, Garneau, j.c.q. [jugement entrepris].
[2] R. c. Aubie, C.Q. Joliette, n° 705-01-111780-203, 16 mars 2022, Garneau, j.c.q. [jugement sur la culpabilité].
[3] Jugement sur la culpabilité, p. 4.
[4] Témoignage de la victime, E.R., p. 110; Jugement sur la culpabilité, p. 5.
[5] Rapport présentenciel, E.R., p. 79.
[6] Jugement entrepris, p. 3.
[9] R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 39. Voir aussi R. c. Suter, 2018 CSC 34, paragr. 23; R. c. Parranto, 2021 CSC 46, paragr. 29.
[10] R. c. Bertrand Marchand, 2023 CSC 26, paragr. 50; voir aussi R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 44.
[11] R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 12.
[15] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 26.
[16] R. c. D.A.I., 2012 CSC 5, paragr. 1.
[17] R. c. Goldfinch, 2019 CSC 38, paragr. 37; R. c. Friesen, 2020 CSC 9, paragr. 118.
[18] R. c. Kirkpatrick, 2022 CSC 33, paragr. 62. Voir également R. c. Barton, 2019 CSC 33, paragr. 1 : « [s]ans aucun doute, l’éradication des mythes, des stéréotypes et de la violence sexuelle contre les femmes est l’un des défis les plus urgents auxquels est confrontée notre société ».
[19] Voir par ex.: R. c. Gravel, 2018 QCCA 1114, paragr. 15; R. c. Houle, 2023 QCCA 99, paragr. 50.
[20] Julie Desrosiers et Geneviève Beausoleil-Allard, L’agression sexuelle en droit canadien, 2e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 272-273.
[21] R. c. Cloutier, [2005] R.J.Q. 287, 2004 CanLII 48297 (C.Q.).
[22] Voir par ex. : P.D. c. R., 2019 QCCA 646, paragr. 6; M.L. c. R., 2021 QCCA 1059, paragr. 6; J.L. c. R., 2021 QCCA 1509, paragr. 118; Migneault c. R., 2024 QCCA 55, paragr. 86; R. c. Tremblay, 2024 QCCA 543, paragr. 42.
[23] R. c. Bergeron, 2016 QCCA 339, paragr. 41, citant avec approbation Hughes Parent et Julie Desrosiers, Traité de droit criminel, t. 3 (« La peine »), Montréal, Thémis, 2012, p. 539-543. Ces propos sont repris dans la troisième édition de cet ouvrage traité, publiée en 2020 : p. 836-850.
[24] Voir par ex. Lajoie c. R., 2023 QCCA 1595, une affaire concernant un attentat à la pudeur commis en 1971 par un délinquant âgé de 76 ans au moment où l’arrêt a été rendu. La Cour a notamment souligné que le délinquant avait toujours été un actif pour la société et sa famille, qu’il n’avait pas d’antécédents judiciaires, qu’il avait une santé précaire, que le risque de récidive était quasiment nul et que « [l]es gestes posés sur la victime [n’étaient] pas les plus objectivement graves dans le prisme de tels gestes et n’[avaient] été réalisés qu’en une seule courte occasion » (paragr. 63). Voir également R. c. Tremblay, 2024 QCCA 543.
[25] Voir Julie Desrosiers et Geneviève Beausoleil-Allard, L’agression sexuelle en droit canadien, 2e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 289, discutant de la peine prononcée par le juge Serge Champoux dans R. c. Tremblay, 2011 QCCQ 15751.
[26] Voir par ex. R. c. Gravel, 2018 QCCA 1114.
[27] R. c. Parranto, 2021 CSC 46, paragr. 1.
[29] Lemieux c. R., 2023 QCCA 480, paragr. 106-109.
[30] Voir par ex. : R. c. Boudreau-Dénommé, 2023 QCCQ 2735; Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Niquay, 2023 QCCQ 4141; Descôtes c. R., 2023 QCCQ 5903; R. c. Guitoun, 2023 QCCQ 6618; R. c. A.T., 2023 QCCQ 7498; R. c. Massue, 2023 QCCQ 8584; R. c. Villeneuve, 2023 QCCQ 9981, confirmé par 2024 QCCA 765; R. c. T.N., 2023 QCCQ 10314; R. c. Donahue, 2023 QCCQ 13378; R. c. Snowball, 2024 QCCQ 594; R. c. Van Zyl, 2024 QCCQ 1977; R. c. Rioux, 2024 QCCQ 2203; R. c. Kamga Defo, 2024 QCCQ 2293. Voir également R. c. Tremblay, 2024 QCCA 543, concluant qu’une peine d’emprisonnement avec sursis de 23 mois infligée en première instance n’était pas manifestement non indiquée.
[31] Rappelons que le mauvais traitement à l’égard d’un partenaire intime et l’abus de confiance constituent des circonstances aggravantes aux termes de l’article 718.2a) C.cr.
[32] Mentor c. R., 2022 QCCA 1270, paragr. 47 et 105.
[33] Voir par ex. : H.K. c. R, 2015 QCCA 64, paragr. 31; R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334, paragr. 72.
[34] Comme l’a récemment rappelé avec justesse la Cour d’appel de l’Ontario R. v. Johnston, 2023 ONCA 808, paragr. 6, lorsque l’emprisonnement avec sursis s’avère être une option envisageable, les juges de la peine doivent déterminer, dans un premier temps, si une peine d’emprisonnement de moins de deux ans s’avère indiquée : « When considering the imposition of a conditional sentence, a court must first decide that the imposition of a sentence of imprisonment of less than two years is fit. If such a sentence is not fit, then a conditional sentence cannot be imposed: R. v. Fice, 2005 SCC 32, [2005] 1 S.C.R. 742, R. v. Basque, 2023 SCC 18 ». Voir aussi R. v. Maslehati, 2024 BCCA 207, paragr. 57.
[36] Supra, paragr. 40-41.
[37] R. c. Parranto, 2021 CSC 46, paragr. 40.
[38] Article 742.1a) C.cr.
[40] Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, paragr. 28.
[41] Lemieux c. R., 2023 QCCA 480.
[42] Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 2022, ch. 15, art. 14.
[43] Lemieux c. R., 2023 QCCA 480, paragr. 95.
[44] R. c. Proulx, 2000 CSC 5, paragr. 102 et 107.
[45] Lemieux c. R., 2023 QCCA 480, paragr. 101-102.
[46] Id., paragr. 104, citant R. c. Proulx, 2000 CSC 5, paragr. 127. Voir aussi R. c. R.A.R., 2000 CSC 8, paragr. 33. Cet aspect de l’arrêt Proulx a été récemment repris par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans l’arrêt R. v. Henry, 2024 BCCA 132, paragr. 31, dans lequel elle a également souligné au passage que « cases in which persons convicted of ‘serious’ sexual assaults have received [conditional sentence orders] are few and far between » (voir aussi R. v. Maslehati, 2024 BCCA 207, paragr. 105, 111 et 113). Il est également pertinent de souligner qu’en Ontario, l’emprisonnement avec sursis est encore moins susceptible d’être ordonné dans une affaire semblable à la présente, car l’on y considère que, « [a]bsent some highly mitigating factor, the forced penetration of another person will typically attract a sentence of at least three years in the penitentiary » (R. v. A.J.K., 2022 ONCA 487, paragr. 77; voir aussi : R. v. Sousa, 2023 ONCA 100, paragr. 27; R. v. R.S., 2023 ONCA 608, paragr. 22; R. v. S.W., 2024 ONCA 173, paragr. 32; R. v. J.D., 2024 ONCA 286, paragr. 20; R. v. C.P., 2024 ONCA 783, paragr. 38).
[47] R. c. Proulx, 2000 CSC 5, paragr. 44.
[48] Lemieux c. R., 2023 QCCA 480, paragr. 105.
[49] Voir notamment, en ce sens : R. v. Davidson, 2021 QCCA 545, paragr. 32.
[50] R. c. Proulx, 2000 CSC 5, paragr. 90.
[51] Voir Bachou c. R., 2022 QCCA 1145.
[52] R. c. Nahanee, 2022 CSC 37, paragr. 61.
[53] Jugement entrepris, p. 15.
[54] Lemieux c. R., 2023 QCCA 480, paragr. 96 [Lemieux].
[55] R. c. Proulx, 2000 CSC 5, paragr. 44.
[56] Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 2022, c 15.
[57] Voir Bachou c. R., 2022 QCCA 1145, paragr. 37-44.