Décision

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Gabarit EDJ

R. c. S.V.

2021 QCCQ 7297

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

« Chambre criminelle et pénale. »

N° :

500-01-172715-184

 

 

Date : 18 août 2021

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

 

L’HONORABLE

 

PIERRE E. LABELLE, j.c.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

                              Poursuivante

 

c.

 

S... V...

                 Délinquant

 

 

DÉTERMINATION DE LA PEINE

 

Le Tribunal interdit de publier toutes informations pouvant identifier la victime au dossier[1]. Le Tribunal interdit aussi la publication d’informations pouvant identifier le témoin appeler par la défense[2]. Le Tribunal interdit la publication de toutes informations pouvant identifier le témoin appeler par la poursuite[3], ainsi que le contenu de son témoignage[4].

SURVOL

[1]       S... V..., le délinquant, a plaidé coupable à quatre chefs d’accusation en septembre 2020, à l’ouverture de son procès (contact et incitation à des contacts avec une personne de moins de 16 ans, d’avoir possédé et d’avoir accédé à de la pédopornographie). Il a été déclaré coupable de deux chefs accusations supplémentaires, à la suite du procès, le 12 février 2021 (traite d’une personne mineure et d’avoir distribué de la pédopornographie). Suite au verdict, la représentante de la poursuite a demandé que le délinquant soit évalué afin de déterminer s’il pouvait être déclaré délinquant dangereux ou à contrôler, cette requête fut accordée le 25 février 2021.

[2]       Les observations sur la peine devaient avoir lieu au début du mois de juin, mais le rapport d’évaluation n’a pu être remis à l’intérieur du délai imparti de 60 jours. Puisque le délinquant avait refusé de se soumettre à l’évaluation, celle-ci a été complétée principalement avec les informations provenant du dossier. Les observations sur la peine ont finalement eu lieu le 7 juillet dernier. À cette date, la poursuite n’a pas déposé de requête en vertu de l’article 753 C.cr., mais elle a été signifiée depuis. Elle sera débattue à une date ultérieure.

[3]       La poursuite recherche l’imposition d’une peine globale de 18 ans de détention.

[4]       De son côté, le délinquant indique que dans les faits, sa peine, par la détention préventive, est purgée. Alternativement, il demande l’imposition des peines minimales prévues pour chacune des infractions.

LES FAITS

[5]       Pour la trame factuelle, le Tribunal renvoie le lecteur au jugement déposé le 12 février 2021[5]. Pour les fins de décider de la peine à être imposée, la trame factuelle qui y est décrite fait partie intégrante du présent jugement.

LA PREUVE

            Par le délinquant

[6]       Un membre de la famille de M. V... a rendu témoignage[6]. Le témoin explique comment ce dernier a pu l’aider pendant une période difficile de son adolescence. En effet, le délinquant a hébergé le témoin pendant une période de deux ans jusqu’à ce que sa vie soit remise sur les rails. Aujourd’hui, ce témoin est clairement reconnaissant.

[7]       Le témoin décrit plusieurs qualités du délinquant : franchise, stabilité, capacité d’organisation, pensée rationnelle, discipliné, disponibilité, activités centrées sur la famille, travailleur humanitaire.

[8]       Le témoin considère la victime comme faisant partie intégrante de sa famille et s’est proposé pour en prendre soin suite à l’arrestation de mai 2018.

[9]       Le témoin indique qu’à tous moments, la victime allait bien et semblait s’épanouir alors qu’elle vivait avec le délinquant.

[10]        Le témoin indique que la conduite du délinquant est déplorable, mais du même souffle il ajoute qu’il a toujours été là pour lui et espère qu’il regrette les gestes qu’il a commis. Il avance que le délinquant et les membres de sa fratrie ont tous été victimes d’agressions intrafamiliales alors qu’ils étaient enfants. Cette situation pourrait expliquer une partie du passage à l’acte et il demande que j’en tienne compte dans l’élaboration de la peine.

Par la poursuite

                         La représentante de la Direction de la protection de la jeunesse[7]

[11]        Le témoin est agente de relation humaine à la DPJ. Elle agit à titre d’intervenante à long terme auprès de la victime depuis 2018, alors qu’elle a été prise en charge par l’organisme. Elle est responsable de l’ensemble des démarches qui doivent être prises au nom, pour le développement ou pour le bien-être de l’enfant. À ce titre elle est au courant du développement et des propos de l’enfant, et ce depuis le début[8]. Le document qu’elle a utilisé pendant son témoignage a été déposé sous la pièce S-1[9].

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[13]        xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx     xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

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[16]        xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

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[19]        xxxx xx xxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxx xxxx x xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

[20]        xxxx xxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

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La déclaration au nom de la collectivité

[22]        En vertu du paragraphe 722.2 (2) C.cr., la poursuite désire déposer en preuve un document provenant du Centre canadien de la protection de l’enfance (CCPE). Ce document est admissible en preuve[10], puisqu’il est compatible avec la législation, qu’il vise à expliquer les conséquences des violences sexuelles et de la pédopornographie chez les victimes. Il sert également un autre but légitime, celui de renseigner les acteurs du système judiciaire, incluant le soussigné, sur cette dure et difficile réalité[11].  

[23]        Je n’ai pas l’intention de reprendre des passages du rapport, qui dans son ensemble a un effet coup de poing. Ce que je retiens de ce document, qui doit être lu en entier, (incluant les annexes), est la démonstration des profondes cicatrices et les conséquences dévastatrices que laissent les agresseurs d’enfants, que ce soient par la violence sexuelle ou par la production, la distribution et la consommation de pédopornographie.

LES PRINCIPES

[24]        Toute décision quant à la détermination d’une peine juste et appropriée doit nécessairement tenir compte des principes et objectifs énumérés aux articles 718 à 718.3 C.cr. Lorsque les infractions constituent un mauvais traitement à l’égard d’un enfant, le Tribunal doit accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion[12]. La prise de conscience et la réhabilitation doivent aussi faire partie de l’équation. La peine doit correspondre à la responsabilité du délinquant, à sa situation et elle doit, dans la mesure du possible, s’apparenter aux peines prononcées en semblable matière.

[25]        L’ensemble des facteurs aggravants et atténuants doit aussi être soupesé, cette évaluation déterminera plus précisément à quel endroit se situe cette peine à l’intérieur de la fourchette qui elle sera établie plus avant. Les fourchettes demeurent des guides pour les juges et il est possible, lorsque les circonstances le justifient, d’imposer une peine se situant à l’extérieur de cette dernière, que ce soit vers le haut ou vers le bas.

[26]        L’un des principes de détermination de la peine, est la rétribution, qui ne doit pas être confondue avec la vengeance. Comme le mentionne notre Cour suprême :

« À mon avis, le châtiment fait partie intégrante des principes existants de détermination de la peine applicable en droit canadien, du fait de l'obligation fondamentale que la peine infligée soit «juste et appropriée» eu égard aux circonstances.  De fait, je crois fermement que le châtiment constitue un principe unificateur important de notre droit pénal en ce qu'il établit un lien conceptuel essentiel entre l'imputation de la responsabilité criminelle et l'application de sanctions pénales [13] ».

[27]        Et plus loin :

«La vengeance, si je comprends bien, est un acte préjudiciable et non mesuré qu'un individu inflige à une autre personne, fréquemment sous le coup de l'émotion et de la colère, à titre de représailles pour un préjudice qu'il a lui-même subi aux mains de cette personne. En contexte criminel, par contraste, le châtiment se traduit par la détermination objective, raisonnée et mesurée d'une peine appropriée, reflétant adéquatement la culpabilité morale du délinquant, compte tenu des risques pris intentionnellement par le contrevenant, du préjudice qu'il a causé en conséquence et du caractère normatif de sa conduite. De plus, contrairement à la vengeance, le châtiment intègre un principe de modération; en effet, le châtiment exige l'application d'une peine juste et appropriée, rien de plus. Comme R. Cross l'a fait remarquer dans The English Sentencing System (2e éd. 1975), à la p. 121: [TRADUCTION] «Les rétributivistes insistent sur le fait que la peine ne doit pas être disproportionnée avec le dû du contrevenant[14]

[28]        Et finalement :

« La pertinence du châtiment et de la réprobation en tant qu'objectifs de la détermination de la peine fait bien ressortir que notre système de justice pénale n'est pas simplement un vaste régime de sanctions négatives visant à empêcher les conduites objectivement préjudiciables en haussant le coût que doit supporter le contrevenant qui commet une infraction énumérée. Notre droit criminel est également un système de valeurs. La peine qui exprime la réprobation de la société est uniquement le moyen par lequel ces valeurs sont communiquées. En résumé, en plus d'attacher des conséquences négatives aux comportements indésirables, les peines infligées par les tribunaux devraient également être infligées d'une manière propre à enseigner de manière positive la gamme fondamentale des valeurs communes que partagent l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes et qui sont exprimées par le Code criminel.[15]»

[29]        Le principe de globalité de la peine, quant à lui, doit aussi être examiné, afin que l’ensemble des peines, si le Tribunal décide d’imposer des peines à être purgées de façon consécutive, ne soit pas excessif en dépassant la responsabilité criminelle du délinquant.

[30]        Tout ce qui précède doit être appliqué avec la nouvelle réalité juridique qui existe depuis le dépôt de l’arrêt Friesen[16].

[31]        Au final, un exercice qui tient compte de l’ensemble des principes, objectifs et facteurs, ainsi que de leurs importances relatives devrait amener le Tribunal à imposer une peine juste, proportionnée et personnalisée.

PROPOSITIONS DES PARTIES

            Par le délinquant

[32]        M. V... a fait part de ses arguments à travers un document volumineux[17]. Bien que la majorité des paragraphes demande de revoir l’ensemble du procès, l’admissibilité de la preuve, la crédibilité des témoins, il y a aussi de sévères récriminations envers les policiers, ses anciens avocats, les procureurs de la poursuite et particulièrement le soussigné.

[33]        Ceci étant, certains paragraphes contiennent ses arguments. Ils portent sur le calcul de la détention préventive[18] (incluant les conditions difficiles de détention), les facteurs atténuants[19], les facteurs aggravants[20], la juste interprétation de l’arrêt Friesen[21] (incluant une nécessaire distinction qui doit être faite entre les différents types d’agressions[22]), de la proportionnalité des peines[23], des peines qui devraient lui être imposées[24] et sa réhabilitation[25]. Afin de faciliter la compréhension, les différents arguments seront exposés succinctement.

Les facteurs atténuants et aggravants

[34]        Le délinquant mentionne les conditions de détention très difficiles depuis son incarcération en 2018, puisqu’il vit dans un milieu où il estime que sa sécurité est en danger notamment dû aux accusations auxquelles il faisait face et dont il est maintenant déclaré coupable.

[35]        Il déplore les conditions de détention également au niveau de la préparation de son procès. Il est dépourvu, dit-il, de plusieurs moyens à ce niveau et puisqu’il a choisi de ne pas être représenté par un avocat, il n’est pas guidé au plan juridique. Cela représente, pour lui, un désavantage certain. Il s’agit de la décision du délinquant et elle demeure son choix.

[36]        Il estime également qu’il n’est pas responsable des délais dans le présent dossier. Ce faisant, il est clair pour lui que toute cette affaire aurait dû prendre fin il y a longtemps, ce qui signifie que la peine serait maintenant purgée.

[37]        Il argue que toutes les accusations auraient dû être prises par voie sommaire, puisqu’il n’a pas d’antécédents judiciaires. Il y aurait là un abus de pouvoir, par la poursuite, de l’avoir poursuivie par acte criminel. Bien que ce point ait été décidé lors du procès, je tiens à rappeler qu’il est de la prérogative de la poursuite de décider de la voie procédurale à suivre. De plus, en ce qui a trait à l’accusation de traite d’une personne mineure, cette dernière ne peut être prise que par acte d’accusation, la procédure sommaire est exclue[26].

La juste interprétation de l’arrêt Friesen

[38]        Selon lui, le lien de confiance entre un ‘abuseur[27]’ et une victime ne peut être retenu à titre de facteur aggravant. En effet, il y a une différence entre un abuseur et un violeur. Je crois utile de rapporter les mots utilisés par M. V... :

« Contrairement à ce que les Cours veulent prétendument dénoncer, un viol est violent et implique automatiquement un plus gros traumatisme pour les victimes. Alors que des contacts sexuels commis dans le cadre d’une relation entre un abuseur et sa victime seront moins violents qu’un viol, qu’une agression gratuite et aléatoire commise par un inconnu dans une ruelle, parce que la victime a justement une relation avec son abuseur. Cela implique implicitement une certaine convention sociale moins traumatisante sans pour autant décharger la responsabilité de l’abuseur. Le viol et l’abus n’ont pas la même dynamique et les Cours de justice doivent réussir à mieux identifier ces situations, à utiliser les bons mots au bon moment et les nommer de plus en plus clairement pour s’en servir adéquatement au sein du système judiciaire et pour faire certaines distinctions [28]».

[39]        Toujours sur le même sujet, il mentionne ce qui suit :

« Il faut aussi établir le type de relation pour comprendre la dynamique et la responsabilité de l’abuseur. La relation avec la victime ou non nous démontre bien son degré d’instrumentation sexuelle. S’il y a extorsion, exploitation, manipulation, domination, complicité abus d’autorité participation implicite, explicite, etc. il y aura une dynamique qui marquera différemment la victime. Si un abuseur a une relation avec sa victime, il aura une attitude sous-jacente immanquablement moins violente qu’un abuseur inconnu qui doit utiliser de violence sur sa victime pour la soumettre. La relation de confiance vient donc ‘sécuriser’ voir diminuer la violence physique et cela s’établit justement sur le fait qu’il y a une RELATION. Sans cette relation, la victime serait irrémédiablement plus violentée et traumatisée. Les conséquences à long terme sont plus grandes et fortes sur les victimes de viols sauvages que sur les victimes qui sont en relation avec leur abuseur.[29] »

[40]        Cette affirmation est contraire à ce que la Cour suprême nous mentionne[30].

Le calcul de la détention préventive

[41]        Il demande à ce que la détention préventive, qui au moment des représentations, se chiffrait à 37 mois, soit majorée au double. Il justifie cette demande par les effets de la pandémie et par la longueur du délai entre le moment de son incarcération et la fin du procès, arguant qu’il n’est responsable d’aucun délai.

La peine à être imposée

[42]        Bien que son argumentaire ne soit pas des plus limpides sur ce point, je retiens du document que le délinquant cherche à se voir imposer les peines minimales pour chacune des accusations.

[43]        De plus, il demande que les peines de contacts et incitation à des contacts soient purgées de façon concurrente.

[44]        Il indique que selon lui, sa peine est déjà purgée.

La réhabilitation

[45]        Considérant que sa peine est, dans les faits, purgée, il estime être en mesure de contribuer de façon positive à la société, il a encore le pouvoir et l’énergie de faire des bonnes choses dans l’avenir.

[46]        Cela inclut de s’investir auprès de la victime afin de corriger les torts qu’il lui a causés et aussi, de lui offrir un avenir meilleur.

La proportionnalité des peines

[47]        Il fait référence à des décisions antérieures, notamment celle intervenue dans l’affaire Cloutier[31]. Nous savons tous que l’arrêt Friesen a fait table rase des références jurisprudentielles antérieures pour les crimes de nature sexuelle envers les enfants. Cette référence n’est donc plus d’actualité.

[48]        Il réfère également à une décision de ma collègue Gilbert, j.c.Q., où elle indique que la recherche de l’exemplarité est limitée par les principes d’individualisation et de la proportionnalité des peines[32]. Sur ce point, je dirai, tel que je l’ai mentionné plus haut, que le résultat de l’exercice auquel je me livre est de déterminer une peine qui est juste, proportionnée et personnalisée, l’exemplarité ne fait pas partie de l’équation.

Par la poursuite

[49]        Il est nécessaire de séparer les chefs d’accusation selon leur nature. Ainsi les accusations de contacts  et d’avoir incité à des contacts devraient être étudiés conjointement. Il en va ainsi des accusations visant la pédopornographie et finalement l’accusation de traite d’une personne mineure.

[50]        Concernant les agressions subies par la victime, considérant les torts immenses causés à cette dernière, que les agressions d’enfants sont objectivement plus graves que celles subies par les adultes et la nouvelle voie tracée par la Cour suprême, des peines de douze ans seraient appropriées.

[51]        Concernant la pédopornographie, tout d’abord il y a un très grand nombre de fichiers, la nature excessivement explicite de ceux-ci, qui mettent en scène, selon l’échantillonnage auquel j’ai été confronté, uniquement que de très jeunes enfants, agressés par des adultes et soumis à des actes sexuels innommables qui ne sont pas simulés[33].

[52]        Ensuite, il y a la distribution de ce matériel, qui est objectivement plus grave que la possession. Aussi, les principes de détermination de la peine mis à niveau dans Friesen s’appliquent tout autant à la pédopornographie. Ainsi, pour les trois accusations dans cette catégorie, des peines de 18 à 36 mois sont proposées.

[53]        Finalement, la traite d’une personne mineure. Ici également, les nouveaux principes de détermination de la peine s’appliquent. Il n’existe pas, à la connaissance de la poursuite de décisions en droit canadien avec une base factuelle semblable à la nôtre. S’inspirant d’une décision de la Cour supérieure de l’Ontario[34], une peine de sept ans est suggérée.

[54]        La proposition de la poursuite amène donc une peine totale de 22 ans, qu’elle demande de ramener à un total de 18 ans afin de respecter le principe de globalité de la peine eu égard à la responsabilité morale du délinquant.

LES FACTEURS

Les facteurs atténuants

[55]        Je retiens les plaidoyers de culpabilité pour quatre des six chefs d’accusation au début de l’audition de la preuve le 28 septembre 2020. Cela dit, la valeur des plaidoyers est bien mince, considérant que la victime a néanmoins été obligée de témoigner au sujet des agressions qu’elle avait subies (nature, nombre, fréquence et administration d’alcool, etc.) puisque le délinquant a reconnu, de façon mitigée, les gestes posés. De plus, les plaidoyers sont intervenus au dernier moment et non pas à la première opportunité tel qu’il le mentionne. Je suis saisi de cette affaire depuis décembre 2019, les opportunités d’enregistrer un ou des plaidoyers ont été nombreuses, si tel était son désir véritable. Considérant le tout, les plaidoyers ont bien peu de poids, sinon qu’ils constituent un facteur presque neutre.

[56]        Le délinquant est sans antécédents judiciaires.

[57]        Trois autres points méritent une discussion.

[58]        Tout d’abord, il a été fait état, lors du procès et aussi pendant les représentations sur la peine, du bon caractère du délinquant, tant par lui-même que les membres de sa famille. Plusieurs qualités ont été soulignées : bon père de famille, présence constante, implication dans la vie scolaire, discipline, bonne éducation, transmission de valeurs pro-sociales, travaillant, etc. Cela est très certainement véridique. Cependant, cela ne peut venir nier la culpabilité de ce dernier. Tel que mentionné dans R. v. Shrivastava [35]:

Mr. Shrivastava’s references speak emphatically of his caring and moral nature. However, character traits displayed in public are of questionable relevance to offences committed in secrecy. In particular, since sexual offences are “usually perpetrated in private, out of sight and knowledge of friends and associates”, evidence of community reputation has “little probative value”: Manson at 132. Sexual offences “are committed by people from all walks of life, out of the public eye, clandestinely and secretly, often to the surprise of people who thought they knew the perpetrator best”: R v Hepburn, 2013 ABQB 520 at para 37; see also: R v M(CF), 2006 NWTSC 59 at paras 138-139.’

[59]        La reconnaissance de culpabilité du délinquant aux infractions de contact et d’incitation à contact, ainsi qu’à la possession de matériel pédopornographique est une démonstration plus qu’éloquente du principe mis de l’avant dans cette décision.

[60]        L’état de santé du délinquant[36] ne peut être retenu à titre de facteur atténuant, à moins de circonstances exceptionnelles. À titre d’exemple, une personne atteinte d’un cancer incurable avec un pronostic de mort imminente a vu sa peine réduite[37], un traitement similaire a été octroyé à une personne atteinte du sida, avec le même pronostic[38], de même qu’à une personne âgée qui devait recevoir des traitements médicaux constants.[39]

[61]        Cependant, comme l’indique notre Cour d’appel :

« Ce n’est donc pas parce que l’état de santé de l’accusé est douteux ou même précaire et le fait que l’emprisonnement puisse constituer un fardeau additionnel que le sursis doit ou peut être prononcé.[40]»

[62]        L’état de santé du délinquant ne l’a pas empêché de soumettre la victime à de terribles agressions, cette condition ne peut venir influencer à la baisse la peine qui doit lui être infligée.

[63]        Le témoin qu’a fait entendre le délinquant a affirmé que ce dernier et sa fratrie avaient tous été agressés sexuellement lorsqu’ils étaient plus jeunes. Outre ce témoin, personne n’a fait état de cette situation. Le témoin suggère que cela pouvait possiblement expliquer le passage à l’acte. Je n’ai rien en preuve, outre cette affirmation de seconde-main, qui pourrait faire un lien entre cette situation et le passage à l’acte. Cela ne peut être considéré, dans les circonstances, comme un facteur pouvant influencer la peine à être imposée[41].

Les facteurs aggravants

                         Concernant les accusations relatives à la pédopornographie

[64]        On retrouve un peu plus de 8 000 fichiers, ainsi que la description de l’échantillonnage du matériel faite plus haut. L’utilisation d’un logiciel de partage qui permet au délinquant d’obtenir et de partager des fichiers de pédopornographie : ce logiciel fait tout le travail. La présence de ce matériel dans une maison où il y avait une jeune enfant. L’utilisation de ce matériel par le délinquant afin de ‘groomer[42]’ la victime.

[65]        Les conséquences à long terme pour les victimes que l’on retrouve dans la déclaration au nom d’une collectivité[43]. Il y a des conséquences émotionnelles[44], des conséquences physiques[45], des conséquences financières[46] et un sentiment d’insécurité[47].

Concernant la traite d’une personne mineure

[66]        La planification afin de faire venir la victime, incluant les envois d’argent à la mère de cette dernière afin, j’en suis convaincu, de faciliter la transaction. De plus, la totale dépendance de cette dernière envers le délinquant une fois au pays, ce qui a facilité la mainmise de ce dernier.

[67]        La documentation saisie[48] démontre clairement les intentions du délinquant envers la victime alors qu’il planifiait sa venue au pays. En ciblant la victime, le délinquant a utilisé son statut socio-économique afin d’appâter sa mère en lui faisant miroiter une vie meilleure pour sa fille en la sortant d’un milieu de vie fortement défavorisé. Il s’agissait du scénario souhaité par ce dernier, scénario qui s’est réalisé. Également, il y a la période de temps où le délinquant a maintenu son contrôle complet sur la victime.

[68]        En déracinant la victime de son milieu et de sa famille, il l’a rendue orpheline, en plus de toutes les autres conséquences que cette dernière a vécues et continuera de vivre.  

Concernant les infractions de nature sexuelles.

[69]        La victime est de sexe féminin, ce qui constitue un facteur aggravant, voici comment notre Cour suprême articule cet argument :

« La violence sexuelle a également un effet disproportionné sur les filles et les jeunes femmes. À l’instar de l’agression sexuelle commise sur un adulte, la violence sexuelle contre un enfant est un crime fortement lié au genre (Goldfinch, par. 37). Les [TRADUCTION] « inégalités croisées attribuables au fait d’être une jeune personne de sexe féminin » font donc en sorte que les filles et jeunes femmes sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle (« The “Statutory Rape” Myth », p. 292). En 2012, 81 % des enfants et jeunes victimes d’infractions d’ordre sexuel déclarées par la police étaient de sexe féminin et 97 % des personnes inculpées de ces infractions étaient de sexe masculin (Les infractions sexuelles commises contre les enfants et les jeunes déclarées par la police au Canada, 2012, p. 12 et 16). En conséquence, la violence sexuelle faite aux enfants perpétue le désavantage et sape l’égalité entre les sexes parce que les filles et jeunes femmes ont à supporter de manière disproportionnée les coûts élevés de la violence sexuelle sur les plans physique, émotionnel, psychologique et économique (voir R. c. Osolin, [1993] 4 R.C.S. 595, p. 669; Goldfinch, par. 37). Les filles et jeunes femmes sont donc [TRADUCTION] « encore punies en raison de leur sexe » car elles sont de façon disproportionnée victimes de violence sexuelle (voir l’honorable C. L’Heureux-Dubé, « Foreword: Still Punished for Being Female », dans E. A. Sheehy, dir., Sexual Assault in Canada: Law, Legal Practice and Women’s Activism (2012), 1, p. 2). [49]»

[70]        La période de temps[50], la fréquence et la nature des gestes posés, incluants : pénétrations digitales et péniennes / vaginales; pénétrations anales, cunnilingus, fellations, relation sexuelle à trois, utilisations d’objets sexuels sur la victime et par la victime sur le délinquant, incluant la sodomie. Ce sont des gestes d’une très grande violence[51], qui implique un degré d’atteinte physique équivalent[52] et il est difficile d’imaginer des gestes plus intrusifs[53]. D’aucune façon, il ne peut être soutenu, comme le fait le délinquant, que la victime consentait aux agressions et qu’il respectait les limites de cette dernière[54].

[71]        Notre Cour suprême indique :

« [88] L’emploi intentionnel d’une force de nature sexuelle à l’endroit d’un enfant est hautement blâmable sur le plan moral parce que le délinquant sait ou devrait savoir que cet acte peut faire beaucoup de mal à l’enfant. Pour évaluer le degré de  responsabilité du délinquant, le tribunal doit tenir compte du préjudice que le délinquant avait l’intention de causer ou de son insouciance ou de son aveuglement volontaire quant à ce préjudice (Arcand, par. 58; voir aussi M. (C.A.), par. 80; Morrisey, par. 48). En ce qui concerne les infractions d’ordre sexuel contre des enfants, nous partageons l’avis du juge Iacobucci selon lequel, sauf peut-être dans de rares cas, le délinquant est habituellement plus ou moins conscient des préjudices physiques, psychologiques et émotionnels considérables que ses actes peuvent causer à l’enfant (Scalera, par. 120 et 123-124)

« [89] Toutes les formes de violence sexuelle, y compris la violence sexuelle faite aux adultes, sont moralement blâmables précisément parce qu’elles comportent l’exploitation illicite par le délinquant de la victime — le délinquant traite la victime comme un objet et fait fi de sa dignité humaine (voir R. c. Mabior, 2012 CSC 47, [2012] 2 R.C.S. 584, par. 45 et 48). Comme l’a expliqué la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt L. (D.O.), « la question des agressions sexuelles contre les enfants est étroitement liée à celle des agressions sexuelles contre les femmes dans leur ensemble », justement parce que ces deux formes d’infractions d’ordre sexuel impliquent l’objectification sexuelle de la victime (p. 441). Au moment de la détermination de la peine, les tribunaux doivent accorder le poids qu’il convient aux attitudes sous-jacentes du délinquant, car celles-ci sont très pertinentes pour évaluer sa culpabilité morale et en ce qui a trait à l’objectif de dénonciation (Benedet, p. 310; Hajar, par. 67).

« [90] Le fait que la victime est un enfant a pour effet d’accroître le degré de responsabilité du délinquant. Bref, l’exploitation sexuelle et l’objectification des enfants sont hautement blâmables sur le plan moral car les enfants sont si vulnérables  Comme la juge L’Heureux-Dubé l’a reconnu dans l’arrêt R. c. L.F.W., 2000 CSC 6, [2000] 1 R.C.S. 132, « [q]uant à la culpabilité morale, l’exploitation d’un enfant vulnérable par un adulte pour sa gratification sexuelle ne peut être considérée autrement que comme un crime témoignant des pires intentions. Les délinquants reconnaissent la vulnérabilité particulière des enfants et l’exploitent intentionnellement pour assouvir leurs propres désirs égoïstes. Soulignons que la culpabilité morale du délinquant augmente quand il prend délibérément pour cible des enfants particulièrement vulnérables, y compris des enfants qui appartiennent à des groupes victimes de discrimination ou de marginalisation dans la société.[55] » (Citations omises)

[72]        Je note également le visionnement de pédopornographie, la consommation d’alcool initiée par le délinquant, de même que l’absence de moyens de protection contre la transmission d’ITS (infections transmises sexuellement) et de moyens de contraception.

[73]        Finalement, l’abus et le bris du lien de confiance[56] ainsi que l’âge[57] de la victime, sont des facteurs aggravants qui sont inclus au Code criminel[58].

[74]        Malgré les plaidoyers de culpabilité et les déclarations du délinquant à l’effet qu’il regrettait ses gestes, il minimise autant ce qu’il a fait, que les conséquences de ceux-ci chez la victime. Il pousse l’audace en disant que puisqu’il avait une relation de confiance vis-à-vis cette dernière, les gestes et les conséquences sont beaucoup moins graves. Cela témoigne d’une incapacité d’introspection, d’une incapacité d’empathie, si ce n’est pas une distorsion cognitive.

[75]        Quant à la volonté du délinquant de vouloir intégrer de nouveau la vie de la victime : je ne peux m’expliquer cette fixation qui habite le délinquant, outre, encore une fois, une incapacité d’introspection, une incapacité d’empathie, une volonté de reprendre le contrôle sur cette dernière et une possible distorsion cognitive. Cela augmente le risque de récidive, puisqu’il ne semble y avoir aucune reconnaissance des torts qu’il a causés à la victime. Il se campe toujours derrière sa croyance que tant la DPJ que la poursuite sont responsables de l’état actuel de cette dernière.

[76]        Le délinquant a usé de manipulation envers la victime en la menaçant de la retourner en Afrique, et pire encore, lorsque sa mère lui explique, à la demande de ce dernier, qu’elle doit se soumettre, au moins jusqu’au moment où elle viendra les rejoindre.

[77]        Ici, nous avons la preuve de cette immense violence dans les gestes posés et nous avons, malheureusement, une panoplie de conséquences devant nous que nous retrouvons tant dans le témoignage de la représentante de la DPJ, dans la déclaration au nom d’une collectivité[59], que dans le témoignage de la victime lors du procès.

[78]        Tel que l’indique la Cour suprême, toujours dans Friesen :

«Les tribunaux peuvent être en mesure de conclure à l’existence d’un préjudice réel sur la foi de nombreuses circonstances factuelles qui peuvent causer un préjudice additionnel et constituer des facteurs aggravants de la violence sexuelle à l’égard des enfants, par exemple un abus de confiance, la manipulation psychologique, les multiples épisodes de violence sexuelle et le jeune âge de l’enfant.[60] »

[79]         Les circonstances énumérées par la Cour se retrouvent toutes ici.

[80]        Le risque de récidive doit être évalué, malgré les limites des outils disponibles. Tel que je viens de le mentionner, il y a des facteurs qui me permettent de conclure qu’il y a un risque de récidive. Particulièrement, tant par son attirance pour les enfants que par sa négation de certains faits[61].

[81]        Inutile de dire que les arguments du délinquant au sujet des conséquences différentes pour un enfant abusé et une victime d’un viol ne tiennent pas la route.

[82]        Bien qu’il ne soit pas possible de prédire l’avenir, il y a déjà des éléments qui démontrent la présence de préjudices réels présents dans la vie de la victime, préjudices qui ont le potentiel de s’amplifier avec le temps, particulièrement, lorsqu’elle prendra conscience de l’ampleur du cauchemar qu’elle a vécu[62].

[83]        Force est de constater qu’elle commence sa vie avec un très lourd fardeau, fardeau qui a été placé sur ses épaules uniquement par les gestes posés par le délinquant.

[84]        Encore une fois, je ne veux pas être alarmiste ou particulièrement pessimiste, mais l’avenir de cette jeune femme apparaît lourdement hypothéqué, je lui souhaite du courage, de la résilience et qu’elle puisse avoir la chance de croiser des gens bienveillants sur son chemin.

ANALYSE DE LA RESPONSABILITÉ CRIMINELLE DU DÉLINQUANT

[85]        En 1998, notre Cour d’appel a émis une série de critères à afin de déterminer le niveau de responsabilité des délinquants[63]. Des enseignements de la Cour et des faits, je tire les conclusions suivantes.

[86]        Il s’agit d’accusations objectivement graves, chacune comporte une peine minimale d’une année sauf pour la traite d’une personne mineure, qui est de cinq ans. Les peines maximales sont de quatorze ans, sauf pour deux infractions reliées à la pédopornographie qui elles sont de dix ans.

[87]        La gravité subjective est égale aux faits retenus, à leurs conséquences et aux facteurs aggravants qui ont été explicités précédemment. Depuis Friesen, nous nous trouvons dans un nouveau cadre d’analyse en ce qui a trait à la détermination du préjudice causé par les infractions de nature sexuelle commises à l’encontre d’enfants, ainsi que des peines à imposer.

[88]        Les infractions ont eu lieu entre octobre 2015 et mai 2018. Selon la preuve retenue, les gestes étaient posés de façon régulière, quelques fois par semaine, sauf pour une période de cinq mois où la victime se trouvait en Afrique. Aussi, pendant que le délinquant subissait des traitements, il y a eu une baisse de la fréquence des agressions.

[89]        Le délinquant a abusé du lien de confiance et d’autorité qui le liaient à la victime. Il était marié à sa mère, était son tuteur et aussi, la seule personne responsable d’elle au pays. Il contrôlait entièrement la vie de la victime.

[90]        Le passage à l’acte n’a pas été précipité par des facteurs externes, mais plutôt par la volonté de s’approprier la victime pour assouvir ses pulsions. De plus, la preuve tend à soutenir la présence de possibles distorsions lorsque le délinquant parle du consentement de la victime, et que les gestes étaient posés dans le respect des limites de cette dernière. Il ne semble pas comprendre le caractère hautement répréhensible de s’attaquer à une enfant de cette façon. De plus, tant par la présence de pédopornographie que par certaines pratiques sexuelles, il semble exhiber des tendances déviantes. C’est son arrestation qui a mis fin à l’agir délictuel.

[91]        Il a indiqué à plusieurs reprises qu’il voulait enregistrer des plaidoyers de culpabilité le plus rapidement possible, ce qui n’a manifestement pas été le cas. Trouvant refuge derrière l’éternelle responsabilité des autres acteurs dans cette affaire, il a été à la remorque du processus et ce n’est qu’à l’ultime limite qu’il a enregistré des plaidoyers en reconnaissant les faits du bout des lèvres. Considérant qu’il est détenu depuis son arrestation en mai 2018, il n’a pas fait preuve de célérité. Il a exprimé, par la suite, regrets et remords qui n’avaient pas de résonance de sincérité, considérant sa minimisation des faits, son intention de refaire surface dans la vie de la victime et aussi, parce que les conséquences de cette affaire, ont toujours trait à sa personne.

[92]        Cette intention avouée de revenir dans la vie de la victime une fois sa peine purgée démontre une certaine distorsion cognitive et surtout, une incompréhension des torts et des séquelles qu’il a causés.

[93]        Les délits envers la victime ont eu et auront des graves répercussions dans sa vie. Notons qu’elle a été déracinée de son milieu de vie, qu’elle a vécu un sentiment de trahison vis-à-vis sa mère, qu’elle est sans nouvelle de cette dernière. Dans les faits, elle est maintenant orpheline et elle vit avec les conséquences des agressions qu’elle a subies.

[94]        L’ensemble des faits démontre sans aucun doute, la totale et complète responsabilité du délinquant dans cette affaire.

ANALYSE

[95]        Pour les trois catégories d’infractions, les principes de dénonciation et de dissuasion doivent primer sur les autres, particulièrement la possible réhabilitation et les autres modes de sanctions[64]. Il n’existe qu’une seule sanction adéquate, soit une peine d’emprisonnement significative. Il est impossible de penser, comme le fait le délinquant, que la peine est dans les faits purgée[65].

[96]        La responsabilité du délinquant est totale, pour l’ensemble des infractions.

[97]        Afin de compléter correctement le présent exercice, je dois déterminer la peine juste pour chacune des infractions, par la suite décider la façon dont les peines seront purgées et enfin, vérifier si le total des peines dépasse la responsabilité criminelle du délinquant[66].

Les infractions relatives à la pornographie juvénile.

[98]        Le délinquant a accumulé[67] et conservé une très importante collection de pornographie juvénile. Il en distribuait et il montrait des images et vidéos à la victime afin de ‘normaliser’ les gestes qu’il posait sur elle. Je n’ai pas besoin de revenir sur la description du matériel.

[99]        Les tribunaux doivent se montrer plus sévères que dans le passé, puisque le préjudice causé est profond et perdure dans le temps. En effet, les images sont permanentes, elles existent toujours dans un coin de la toile ou elles sont enregistrées sur un quelconque appareil d’un pédophile. L’abus est permanent et les victimes en sont pleinement conscientes[68].

[100]     Donc, les peines doivent maintenant être plus sévères[69] et récemment les tribunaux les ont effectivement augmentées[70]. Les facteurs aggravants sont plus importants et amènent la peine à être imposée vers le haut eu égard aux nouvelles fourchettes. Ainsi il apparaît opportun d’imposer une peine d’incarcération de 20 mois pour avoir accédé à de la pédopornographie.

[101]     En ce qui a trait à la possession du matériel de pédopornographie une peine de 30 mois de détention est justifiée. Pour la distribution de ce matériel, la peine est de 36 mois de détention.

La traite d’une personne mineure

[102]     J’ai procédé à une analyse de la genèse de cette infraction lors du jugement sur la culpabilité[71]. Il s’agit de protéger les enfants, où qu’ils se trouvent dans le monde, de leur éventuelle marchandisation et éviter qu’ils deviennent victimes d’actes criminels, impliquant la pédopornographie ou la prostitution juvénile.

[103]     Il existe un vide jurisprudentiel, au pays, quant à des peines pour cette infraction, commise dans des circonstances similaires[72]. Ceci étant, je dois évaluer l’intention du législateur quant à la peine à imposer, particulièrement en regard de la peine minimale de cinq ans.

[104]     À l’instar des infractions concernant la pédopornographie, les enseignements contenus à l’arrêt Friesen s’appliquent ici[73].

[105]     À cette peine minimale de cinq ans, il faut ajouter le poids relatif des nombreux facteurs aggravants énumérés plus tôt[74]. Ils sont sévères et lourds de conséquences pour la victime. Malgré le caractère cauchemardesque de cette histoire, l’on peut malheureusement imaginer des scénarios comportant plus de facteurs aggravants que ceux qui nous occupent. Ainsi, j’estime qu’une période supplémentaire de trois ans doit s’ajouter à la peine minimale. Donc, pour l’accusation de traite d’une personne mineure, le délinquant purgera une peine de 8 ans de détention.

Les infractions de natures sexuelles

[106]     Ici également, les peines récentes qui ont été imposées en la matière démontrent qu’un virage est amorcé depuis le dépôt de la décision dans Friesen[75].

[107]      Ainsi, dans R. v. J.K.D.,[76] la Cour a imposé une peine de 10 ans pour une personne qui a commis des abus sexuels sur un enfant, ainsi que des infractions concernant du matériel de pédopornographie, notamment de la production. La période infractionnelle était de 29 jours. Il doit être mentionné que les facteurs atténuants sont plus importants qu’en espèce.

[108]     Dans R. v. O.,[77] une enfant de 9 ans a été abusée pendant une période de 5 ans par son père, les infractions étant de contacts, d’incitation à des contacts et d’inceste. À l’instar de notre dossier, la victime avait consommé une substance à l’initiative de l’accusé afin de faciliter la commission des infractions. De plus, des images de nature sexuelle ont été prises de l’enfant. Cette dernière était dans les faits, vulnérable. Une peine de 14 ans a été imposée.

[109]     Dans R. v. J.L., [78] un père a eu des relations sexuelles complètes avec sa fille pendant quelques années alors qu’elle était âgée de moins de 14 ans. Elle est devenue enceinte et a dû subir un avortement. Il y a eu plaidoyer de culpabilité. Une peine de 9 ans a été imposée.

[110]     Dans R. c. A. L., [79] un père abuse de sa fille pendant une période de 10 ans. Ce sont des relations complètes, incluant la sodomie, à une fréquence élevée. L’accusé plaide coupable rapidement et exprime des regrets et remords retenus par le tribunal. Une peine de 12 ans est imposée.

[111]     Évidemment, un tel exercice de comparaison possède des limites, mais demeure utile pour constater à quel endroit les peines se retrouvent entre les peines minimales et maximales et comment concrètement les enseignements de la Cour suprême s’articulent maintenant dans la détermination de celles-ci

[112]     En accordant le poids relatif à chacun des éléments, les facteurs atténuants et aggravants, je conclus que des peines de 10 ans doivent être imposées sur les chefs d’accusations de contacts et d’avoir incité des contacts avec une personne de moins de 16 ans.

Les peines consécutives et concurrentes.

[113]     Je dois maintenant décider comment les différentes peines seront purgées. Voici ce que le législateur prévoit quant aux peines cumulatives :

« 718.3 (4)  Le tribunal envisage d’ordonner:

a) que la période d’emprisonnement qu’il inflige à l’accusé soit purgée consécutivement à toute autre peine d’emprisonnement à laquelle celui-ci est assujetti;

b) que les périodes d’emprisonnement qu’il inflige à l’accusé au même moment pour diverses infractions soient purgées consécutivement, notamment lorsque:

o    (i) les infractions ne découlent pas des mêmes faits,

o    (ii) ….

o    (iii)…. »

« 718.3 (7) Le tribunal qui inflige, au même moment, des peines d’emprisonnement pour diverses infractions sexuelles commises contre un enfant, ordonne:

a) que la peine d’emprisonnement qu’il inflige pour une infraction prévue à l’article 163.1 soit purgée consécutivement à celle qu’il inflige pour une infraction sexuelle prévue à un autre article de la présente loi commise contre un enfant;

            b)…

[114]     Ainsi, des infractions qui découlent des mêmes faits devraient être purgées de façon concurrente et de façon consécutive si tel n’est pas le cas.

[115]     Je dois tenir compte de l’intention du législateur qui demande que les peines en matière de pédopornographie soient purgées nécessairement de façon consécutive à toute autre infraction de nature sexuelle commise à l’encontre d’un enfant[80].

[116]     Ici, il ressort de la preuve que les infractions au sujet de la pédopornographie découlent des mêmes faits, ainsi, les peines pourront être purgées de façon concurrente entre elles.

[117]     Il en va de même pour les infractions de contacts et d’incitation à des contacts visant la victime. Cependant, les peines pour ces deux catégories d’infractions doivent être purgées de façon consécutive.

[118]     Demeure la traite d’une personne mineure. Le but de cette accusation est de dénoncer les gestes posés afin de se procurer une personne d’âge mineur, dans le but de l’exploiter, tel que défini à l’article 279.04 C.cr. La législation a pour but de protéger, de façon concertée, les femmes et les enfants, entre autres de la traite, la prostitution et de la pédopornographie.

[119]     Le contrôle exercé par le délinquant sur la victime lui a permis de commettre les agressions. Si dans les faits et dans le temps, les deux infractions peuvent se chevaucher, il n’en demeure pas moins qu’elles sont distinctes, tant dans leurs définitions, leurs portées, leurs éléments constitutifs, et les buts qu’elles cherchent à dénoncer. Si la traite d’une personne mineure peut ouvrir la porte à des agressions, comme ce fut le cas ici, il est impossible de prétendre que les deux infractions découlent des mêmes faits.

[120]     La peine pour cette infraction sera donc purgée de façon consécutive aux autres peines.

[121]     Ceci signifie que la peine totale est de 21 années de détention.

La globalité de la peine

[122]     Une peine de 21 ans de détention apparaît supérieure à la responsabilité criminelle du délinquant, malgré la gravité subjective de la conduite, considérant, entre autre l’absence d’antécédents judiciaires chez ce dernier. Tel que mentionné par la poursuite, une peine globale de 18 ans est une sanction appropriée, considérant l’ensemble des circonstances, je suis d’accord.

[123]     Afin d’arriver à cette peine, il y a deux possibilités. Soit la diminution de l’une ou plusieurs peines, ou que les peines en matière de pédopornographie soient purgées de façon concurrente aux autres peines, ce qui viendrait heurter de plein fouet l’alinéa 718.3 (7) a) C.cr[81].

[124]     Je suis convaincu que la première option enverrait le mauvais message, en diminuant la sanction à être imposée. Les peines qui ont été déterminées reflètent les principes fondamentaux sous-jacents d’une juste dénonciation de la conduite du délinquant.

[125]     Est-ce que l’alinéa 718.3 (7) a) C.cr. est mandatoire? La Cour d’appel de l’Ontario[82] indique que cette disposition doit nécessairement être lue de concert avec l’alinéa 718.2 (c) C.cr qui indique que le tribunal doit éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction de peines consécutives. Ce faisant, un juge ne commet pas d’erreur si, dans l’évaluation de la totalité de la peine, il conclut à l’inapplicabilité de la disposition prévue à l’alinéa 718.3 (7) a) C.cr.

[126]     Même si je ne suis pas lié par la Cour d’appel de l’Ontario, le raisonnement exprimé par celle-ci m’interpelle et j’entends le suivre.

Le calcul de la détention préventive

[127]     Le délinquant est détenu de façon continue depuis son arrestation le 30 mai 2018. Cela donne, en date d’aujourd’hui, une période de 3 ans, 2 mois et 19 jours. Ce délai est arrondi à 3 ans et 3 mois. Lorsque considéré au ratio de 1 : 1.5[83], la période est de 4 ans, 10 mois et 2 semaines. Cette période est également arrondie à 4 ans et 11 mois, ou 59 mois.

[128]     Dans ses représentations écrites, le délinquant indique qu’il y a eu des périodes particulièrement difficiles pendant son incarcération, principalement dues à la pandémie, où il a été confiné à sa cellule 23 heures par jour, pendant plusieurs journées consécutives, soit une période de 22 jours en février 2021.

[129]     Il demande que la totalité de la période de détention préventive depuis mars 2020 (soit le début de la pandémie) soit créditée en double, considérant, entre autre l’absence de programmes, d’activités, qu’il n’y avait plus de visites, et que l’accès aux communications téléphoniques étaient limitées, voire impossible[84].

[130]     Le Code criminel est clair, le ratio pour la détention préventive peut atteindre un maximum de 1 : 1.5 jour, ratio qui lui est déjà attribué. Il n’y a pas de raison pour modifier le calcul de la détention préventive déjà établi, c’est-à-dire 4 ans et 11 mois. Sur cette question je suis d’avis de suivre le raisonnement de l’honorable juge Longpré, j.c.s, dans l’arrêt Singh[85].

CONCLUSIONS

[131]     Pour l’ensemble des motifs exposés ci-haut, le tribunal impose les peines suivantes :

Quant à l’accusation de contacts sexuels, chef 4, 10 ans de détention;

Quant à l’accusation d’incitation à des contacts sexuels, chef 5, 10 ans de détention, cette peine sera purgée de façon concurrente à toute autre peine prononcée au présent dossier;

Quant à l’accusation de traite d’une personne mineure, chef 6, 8 ans de détention, cette peine est consécutive à la peine prononcée au chef 4;

Quant à l’accusation de distribution de pornographie juvénile, chef 2, 3 ans de détention, cette peine est concurrente à toute autre peine prononcée au présent dossier;

Quant à l’accusation d’accès à de la pornographie juvénile, chef 3, 20 mois de détention, cette peine est concurrente à toute autre peine prononcée au présent dossier;

Quant à l’accusation de possession de pornographie juvénile, chef 1, 2 ans de détention, cette peine est concurrente à toute autre peine prononcée au présent dossier;

Au total 216 mois de détention desquels je retranche la période de détention préventive de 59 mois. À compter d’aujourd’hui, le délinquant purgera donc une peine de 157 mois, soit un peu plus de 13 ans de détention.

ORDONNANCES

[132]     En vertu de l’article 743.21 C.Cr., j’interdis à S... V... de communiquer, directement ou indirectement avec la victime dans le présent dossier pendant la totalité de sa période de sa détention.

[133]     En vertu de l’article 109 C.cr., j’interdis à S... V... de posséder des armes à feu - autres que des armes à feu prohibées ou des armes à autorisation restreinte - arbalètes, munitions et substance explosives pour une période de 10 ans à compter de sa libération et à perpétuité pour les armes à feu prohibées, armes à feu à autorisation restreinte, armes prohibées, dispositifs prohibés et munitions prohibées. Cette ordonnance est mandatoire pour l’ensemble des chefs d’accusation.

[134]     En vertu de l’article 161 C.cr., puisque S... V... a été déclaré coupable d’infractions en vertu des articles 151, 152, 163.1 et 279.011 du Code criminel, j’interdis à ce dernier :

a)      de se trouver dans un parc public ou une zone publique où l’on peut se baigner s’il y a des personnes âgées de moins de seize ans ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y en ait, une garderie, un terrain d’école, un terrain de jeu ou un centre communautaire;

a.1)    de se trouver à moins de deux kilomètresde toute maison d’habitation où réside habituellement la victime identifiée au présent dossier et de tout autre lieu où elle pourrait se trouver;

b)     de chercher, d’accepter ou de garder un emploi — rémunéré ou non — ou un travail bénévole qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de seize ans;

c)       d’avoir des contacts — notamment communiquer par quelque moyen que ce soit — avec une personne âgée de moins de seize ans, à moins de le faire sous la supervision d’une personne que le tribunal estime convenir en l’occurrence;

·        Les interdictions prévues aux alinéas a, a.1, b et c sont à perpétuité.

d)     De plus, considérant les circonstances de la commission des infractions, incluant la sévérité et la durée des infractions ainsi que l’impact sur la victime, les risques de récidives et finalement le fait que le délinquant ne comprend pas le sérieux de ses gestes et n’accepte pas sa responsabilité, j’interdis à S... V..., pour une période de 25 ans d’utiliser Internet ou tout autre réseau numérique :

                                                                                                   i.      À des fins récréatives;

                                                                                                ii.      Afin d’accéder à des réseaux sociaux, médias sociaux ou forums de discussions; et

                                                                                              iii.      Afin d’accéder à tout contenu qui contrevient aux lois en vigueur[86].

[135]     En vertu de l’article 487.051 C.cr., j’ordonne à S... V... de se soumettre aux prélèvements d’autant d’échantillons corporels que nécessaire afin de constituer une analyse génétique. Les prélèvements devront être faits dans les 7 jours de la présente ordonnance.

 

 

[136]     Finalement, j’ordonne, en vertu des paragraphes 490.012(1) et 490.013(2.1) C.cr., à S... V..., puisque déclaré coupable des infractions prévues aux articles 151, 152, 163.1 et 279.011 C.cr.[87], de se conformer à la Loi sur l’enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels, et ce à perpétuité. Entre autres obligations, vous devez respecter les articles 4.1, 4.3, 5, 6 et 7.1 de la Loi.

 

 

__________________________________

Pierre E. Labelle, j.c.Q

 

Me Amélie Rivard

Au nom de la poursuivante,

Sa Majesté la Reine

 

S... V...

Accusé non-représenté.

 

 

Dates d’audience : 7 juillet et 18 août 2021

 

 

 

 



[1]       Art. 486.4 C.cr.

[2]       Idem.

[3]       Idem.

[4]       Art. 486.1 C.cr.

[5]       R. c. S. V., 2021 QCCQ 2516.

[6]       Le tribunal interdit la publication d’informations pouvant identifier le témoin appeler par la défense en

vertu de l’art. 486.4 C.cr.

[7]       Le Tribunal interdit la publication d’informations pouvant identifier le témoin appeler par la poursuite en vertu de l’art. 486.4 C.cr et le contenu du témoignage ne peut être publié, en vertu de l’article 486.1 C.cr.

[8]       Son témoignage est admissible en vertu de l’article 3 de la Charte canadienne des victimes.

[9]       La pièce est sous scellé.

[10]      722.2 (1) Pour déterminer la peine à infliger ou pour décider si le délinquant devrait être absous en vertu de

l’article 730, le tribunal prend en considération la déclaration, préparée en conformité avec le présent article et déposée auprès du tribunal par un particulier au nom d’une collectivité, décrivant les dommages ou les pertes qui ont été causés à la collectivité par suite de la perpétration de l’infraction ainsi que les répercussions que l’infraction a eues sur elle.

R. v. D.S., 2019 MBPC 9, par. 11 et 12.

R. v. J.A., 2019 MBQB 112, par. 24 à 28.

R. v. Jonat, 2019 ONCS 1633, par. 47 à 55.

R. v. Kim, O.J. no 5267 (ONCJ), par. 29 à 31.

[11]      R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 62 à 64.

[12]      Art. 718.01 C.cr.

[13]      R. c. M. (C.A), supra, par. 79.

[14]      Idem, par. 80.

[15]      Idem, par. 81.

[16]      R. v. Friesen, précitée note 11.

[17]      Pièce S-3.

[18]      Idem, par. 6 à 12; 80.

[19]      Idem, par. 62, 63, 65, 66, 68.

[20]     Idem, par. 67, 70, 76.

[21]      Idem, par. 49, 50, 51, 52, 53, 54.

[22]     Idem, par. 28, 77.

[23]     Idem, par. 61, 64.

[24]     Idem, par. 16, 17, 23, 66, 69.

[25]     Idem, par. 20, 79.

[26]     Art. 279.011 C.cr.

[27]     Il s’agit du terme utilisé par le délinquant.

[28]     Pièce S-3, par. 51.

[29]     Idem, par. 53.

[30]     R. c. Friesen, précitée, note 11, par. 119, 120 et 128.

[31]      R. c. Cloutier, [2004] J.Q. No. 13601.

[32]     R. c. Landry, 2021 QCCQ 1846, par. 15, voir la note de bas de page 11; permission d’en appeler accueilli, Procureur général du Québec c. Landry, 2021 QCCA 744.

[33]     Pièce P-15, cette pièce est, évidemment, sous scellée.

[34]     R. v. Domotor, [2012] O.J. No. 3630.

[35]     R. v. Shrivastava, 2019 ABQB 663, par. 77; R. c. Friesen, précitée, par. 67.

[36]     Pendant la période infractionnelle, il avait été diagnostiqué d’un cancer incurable et d’une mort imminente. Après quelques traitements, il a mis fin à ceux-ci. La maladie est maintenant en dormance.

[37]     Savard c. La Reine, [2000] R.J.Q. 2262 (CAQ).

[38]     Grégory c. La Reine, [1995] 66 Q.A.C. 260.

[39]     U.D. c. La Reine, J.E., 2003-2142 (CAQ).

[40]     R. c. D.B., 2008 QCCA 798, par. 27.

[41]      R. c. Friesen, précitée, par. 64.

[42]     Il s’agit, ici, de normaliser les gestes de nature sexuels aux yeux de la victime, de préparer le passage à l’acte.

[43]     Pièce S-2.

[44]     Idem, pages 6 à 14.

[45]     Idem, pages 14 et 15.

[46]     Idem, page 16.

[47]     Idem, pages 17 et 18.

[48]     Le document ‘word.lorene’

[49]     R. c. Friesen, précitée, par. 68.

[50]     Idem, par. 131 à 133.

[51]      Idem, par. 107.

[52]     Idem, par. 137 à 147.

[53]     Idem, par. 131 à 133

[54]     Idem, par. 148 à 154.

[55]     Idem, précitée, par. 88 à 90.

[56]     Idem, par. 66 et 125 à 130.

[57]     Idem, par. 134 à 136.

[58]     Art. 718.01 (R. v. Friesen, précitée, par. 101 à 105), al. 718.2 (ii.1) et 718.2(a)iii) C.cr.

[59]     Pièce S-2.

[60]     R. c. Friesen, précitée, par. 86.

[61]      R. v. Gibson, 2021 ONCA 530, par. 184 ‘However, where, as here, an offender denies not only the offences, but also an underlying sexual preference for children, there are serious obstacles for treatment. And pharmacological intervention requires an offender’s consent, which is usually not, and in this case not, forthcoming. The same denials pose an additional risk factor.’ (mon soulignement)

[62]     R. c. Friesen, précitée, par. 85.

[63]     R. c. L. (J.J.), 1998 CanLII 12722 (CAQ).

[64]     R. c. Régnier, 2018 QCCA 306, par. 67 à 70, art. 718.01 C.cr.

[65]     R. c. S.V., 2021 QCCA 1179, par. 10.

[66]     R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334, par. 55.

[67]     Il y avait, au moment de la perquisition le 30 mai 2018, 376 fichiers en voie de chargement dans l’ordinateur du délinquant par le biais du programme d’échange de « pair à pair », pièce P-8.5.

[68]     Document provenant du Centre canadien de la protection de l’enfance (CCPE), pièce S-2.

[69]     R. c. Friesen, précitée, par.44, note de bas de page 2.

[70]     R. c. Régnier, précitée; R. c. Daudelin, 2021 QCCA 784, par. 62 et 63, peines de 12 mois pour la possession de 227 fichiers graphiques et 51 fichiers animés de pédopornographie, une peine de 15 mois pour la distribution de 2 fichiers. R. c. Morissette, 2021 QCCA 668, une peine de 20 mois pour l’accès, la possession et la distribution de matériel pédopornographique, pendant une période de 6 ans.

[71]      R. c. S.V., précitée, par. 58 à 68.

[72]     J’ai tenté de répertorier de possibles condamnations intervenues dans des juridictions de Common Law, exercice qui s’est avéré négatif. Cependant, les États-Unis et le Royaume-Uni possède de la législation similaire à l’art. 279.011, aux États-Unis on retrouve le Trafficking Victims Protection Act of 2000 (18 U.S.C. s. 1591). L’infraction apparaît comme étant la combinaison de l’infraction de traite et de proxénétisme. Il n’y a pas de notion d’exploitation comme ici. On indique plutôt que la victime […] will be caused to engage in a commercial sex act[…]. (18 U.S.C. S. 1591, (A) (2). Cette notion de “commercial sex act” est définie de la façon suivante : […] means any sex act, on account of which anything of value is given to or received by any person”. (18 U.S.C. s. 1591(3). Considérant mes conclusions quant à l’envoi d’argent par le délinquant à la mère de la victime, afin de faciliter l’exploitation de cette dernière, cette infraction peut être considérée comme étant similaire à celle qui nous occupe. La peine minimale pour cette infraction est d’un minimum de 15 ans de détention lorsque la victime est âgée de moins de 14 ans. United States Sentencing Commission, Guidelines Manual (https://www.ussc.gov/sites/default/files/pdf/guidelines-manual/2018/GLMFull.pdf).

        De plus, au Royaume-Uni, l’art. 2 de la Modern Slavery Act 2015 (UK Public General Acts, 2015 c. 30) prévoit une infraction similaire à la nôtre qui est passible d’une peine d’emprisonnement à vie, sans pour autant prévoir une peine minimale. À l’instar du droit américain, il y a ici aussi des ‘guidelines’ en matière de peine (Sentencing Council, Trafficking people for sexual exploitation, https://www.sentencingcouncil.org.uk/offences/magistrates-court/item/trafficking/) et une infraction subjectivement similaire à la nôtre demanderait un point de départ à 8 ans.

[73]     R. c. Friesen, précitée, par. 44, note de bas de page 3.

[74]     R. c. Domotor, précitée, par. 37 « It is easy to get bothered and angered by many of the facts and circumstances surrounding the offences committed by these people, but I remind myself that many of those circumstances are what goes into the very acts defined as ingredients of the crime, but over and above the actions that make out the offence of trafficking in persons there are other aggravating factors here over and above the essentials.”; R. v. A.E., 2018 ONSC 471. Il s’agit d’une condamnation pour traite de personnes dans un contexte de proxénétisme. Je retiens l’affirmation suivante: “Identifying a sentencing range for human trafficking offences is not easy. The offence may be committed in a wide variety of circumstances. Sentences naturally tend to reflect the individualized, context-driven nature of the exercise”.

[75]     R. c. Friesen, précitée, par. 108 à 114, par. 114 ‘[…]Ce message est le suivant : des peines d’emprisonnement se situant dans la portion centrale des peines inférieures à 10 ans infligées pour des infractions d’ordre sexuel à l’égard d’enfants sont normales, et des peines se situant dans la portion supérieure des peines de moins de 10 ans, ainsi que des peines de 10 ans et plus, ne devraient être ni inusitées ni réservées aux circonstances rares et exceptionnelles. Ajoutons que de lourdes peines peuvent être infligées lorsqu’il n’y a qu’un seul épisode de violence sexuelle ou une seule victime, comme en l’espèce de même que dans Woodward et L.M. En outre, comme l’a reconnu notre Cour dans L.M., les peines maximales ne devraient pas être réservées au « scénario abstrait du pire crime commis dans les pires circonstances » (par. 22). Une peine maximale devrait plutôt être infligée chaque fois que les circonstances le justifient (par. 20).’

[76]     R. v. J.K.D., 2020 BCPC 211, par. 58 et 59, 61 et 81.

[77]     R. v. O., 2020 ABQB 497, par. 47 à 50.

[78]     R. v. J.L., 2020 ONCJ 456, par. 47 et 48.

[79]     R. c. A.L., 2020QCCQ 3309, par. 49 et 54.

[80]     L’acte d’accusation contient les chefs d’accusation suivants : possession de pornographie juvénile, (163.1 (4) a); distribution de pornographie juvénile (163.1(3); accéder à de la pornographie juvénile (163,1 (4.1)a); d’avoir touché une enfant de moins de 16 ans, à des fins d’ordre sexuel (151 a); d’avoir incité une enfant de moins de 16 ans à des contacts de nature sexuels (152 a) et finalement de traite d’une personne de moins de 16 ans (279.011 (1) b).

[81]      Notre Cour d’appel a déclaré l’alinéa 718.3 (7) b) inconstitutionnel, R. c. Vera Gamacho, 2021 QCCA 683, par. 24 à 30, mais n’a pas statué sur l’alinéa qui nous concerne.

[82]     R. c. S.C., 2019 ONCA 199, par 17 à 21. Permission d’en appeler à la Cour suprême rejetée, Her Majesty the Queen v. S.C., 2019 CanLII 94466 (SCC); R. c. Friesen, précitée note 11, par. 157. À contrario, R. c. Clark, 2021 NLCA 8, par. 69 à 72.

[83]     Paragraphe 719 (3.1) C.cr.

[84]     Pièce S-3, par. 6 à 12.

[85]     R. c. Singh, 2021 QCCS 830, par. 84 à 96.

[86]     R. c. Rodrigue, 2021 QCCA 456, par. 23 à 37.

[87]     Alinéa 490.011 (1) a) C. cr. ‘infractions désignées’.

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