Comité des citoyens inondés de Rosemont c. Ville de Montréal | 2023 QCCS 1065 | |||||
COUR SUPÉRIEURE | ||||||
(Action collective) | ||||||
CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | |||||
| ||||||
No : | 500-06-000480-091 | |||||
| ||||||
DATE : | Le 27 mars 2023 | |||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | janick perreault, J.C.S. | ||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
| ||||||
COMITÉ DES CITOYENS INONDÉS DE ROSEMONT | ||||||
Demanderesse | ||||||
et EUGÈNE ROBITAILLE Personne désignée c. | ||||||
VILLE DE MONTRÉAL | ||||||
Défenderesse | ||||||
et FONDS D’AIDE AUX ACTIONS COLLECTIVES Mise en cause | ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
JUGEMENT (Approbation d’une entente de règlement et approbation d’honoraires) | ||||||
______________________________________________________________________ | ||||||
| ||||||
APERÇU
[1] Dans le cadre d’une action collective autorisée, le Tribunal est saisi d’une demande conjointe pour l’approbation d’une entente de règlement hors Cour. L’entente est intervenue entre la personne désignée et la Ville de Montréal.
[2] Le Tribunal est également saisi d’une demande en approbation de la convention d’honoraires des avocats de la Demanderesse.
[3] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal approuve l’entente de même que les honoraires.
CONTEXTE
[4] L’entente de règlement s’inscrit dans le cadre d’une demande d’autorisation d’exercer une action collective déposée le 10 août 2009 qui met en cause des inondations et des refoulements d’égouts.
[5] Le 22 février 2011, l’Honorable Manon Savard, alors juge à la Cour supérieure, autorise la Demanderesse à intenter cette action collective contre la Ville de Montréal et décrit le groupe visé comme suit :
Toute personne physique et morale (comptant moins de cinquante employés dans les douze mois précédant le présent recours), propriétaire, locataire ou sous-locataire de biens immobiliers situés à Montréal dans le quadrilatère formé par les rues De Bordeaux, 1re Avenue, Saint-Zotique et Bélanger, qui a subi des dommages matériels et/ou troubles et inconvénients en raison des inondations des 11 et/ou 26 juillet 2009 par refoulement d’égout et/ou infiltrations d’eau de surface.
[6] Le 7 novembre 2011, la Demanderesse dépose une demande introductive d’instance, laquelle est modifiée la dernière fois le 20 février 2019.
[7] Le 26 avril 2012, la Cour modifie la description du groupe pour y ajouter d’autres inondations ou refoulements d’égout survenus en 2011 :
Toute personne physique et morale (comptant moins de cinquante employés dans les douze mois précédent le présent recours), propriétaires, locataires ou sous-locataires de biens immobiliers situés dans le quadrilatère formé par les rues De Bordeaux, 1ere avenue, Saint-Zotique et Bélanger, qui a subi des infiltrations d’eau de surface ou des refoulements d’égout les 11 ou 26 juillet 2009 ou les 18 juillet 2011 ou 21 août 2011.
[8] La Ville conteste l’action et dépose une défense, laquelle est modifiée la dernière fois le 17 mai 2019.
[9] Le 27 avril 2021, l’Honorable feu Eva Petras fixe le procès sur l’action collective pour les mois de novembre 2022 à janvier 2023.
[10] Après un litige les opposant pendant plus d’une décennie et afin d’éviter un long et couteux procès, les parties négocient de bonne foi afin de consigner les concessions mutuelles dans une entente de principe. Étalée sur plusieurs mois, la négociation se déroule par une collaboration étroite entre les parties pour la préparation notamment du protocole de distribution. En octobre 2022, les Parties conviennent d’une entente de principe.
[11] En novembre et décembre 2022, les Parties signent une Entente de règlement (« Entente » ou pièce P-1), laquelle constitue une transaction mettant un terme à l’ensemble du dossier.
[12] Cette Entente est conditionnelle à son approbation par le Tribunal.
[13] Conjointement, les parties soumettent pour approbation l’Entente, le Protocole (Pièce P-2), l’Avis aux membres (Pièce P-3) et son plan de distribution (Pièce P-4).
[14] La transaction est-elle juste, raisonnable et équitable pour l’ensemble des membres du groupe et doit-elle être approuvée?
1.1 Principes applicables
[15] En vertu de l’article 590 du Code de procédure civile (« C.p.c. »), le Tribunal doit approuver une transaction. Bien que cette disposition n’énonce aucun critère précis, il est maintenant bien reconnu que le rôle du Tribunal, appelé à approuver une transaction, est de s’assurer qu’elle est juste, raisonnable, équitable et qu’elle s’inscrit dans l’intérêt non seulement du représentant, mais aussi des membres du groupe[1].
[16] Cette exigence découle du rôle de gardien et de protecteur des droits des membres réservés au Tribunal[2].
[17] Le texte de l’article 590 C.p.c. est silencieux quant aux critères à satisfaire, cependant, la jurisprudence québécoise a développé des critères devant guider le Tribunal, à savoir les suivants:
[18] Ces critères ne sont pas cumulatifs. Ils doivent être appréciés et pondérés dans leur ensemble. En fonction des principes directeurs de la procédure civile, les règlements doivent être favorisés. Ces règlements comportent des compromis de part et d’autre[4]; la perfection n’est pas recherchée[5].
[19] L'analyse de ces critères constitue un exercice délicat puisque l'habituel débat contradictoire fait place à l'unanimité des parties qui ont signé la transaction et qui ont tout intérêt à la voir approuvée par le Tribunal[6].
1.2 Analyse des critères
[20] Sans nécessairement vouloir cumuler et additionner ces critères, analysons-les afin de les pondérer selon les circonstances de la présente affaire.
[21] Selon les conclusions de la Demande introductive d’instance, la Demanderesse cherchait à faire reconnaître : (1) que le réseau d’égout de la Ville desservant le quadrilatère visé par l’action collective était inadéquat et en mauvais état d’entretien lors des quatre inondations visées; et (2) que la Ville avait commis une faute lourde dans la gestion de son réseau d’égout desservant le quadrilatère et qu’en conséquence, l’article 257 de l’Annexe C de la Charte de la Ville de Montréal était inopposable aux Membres du groupe.
[22] La première déclaration aurait nécessité un important débat technique quant à la responsabilité de la Ville. Ce premier débat, quoique complexe, avait des chances de succès.
[23] La deuxième question aurait, quant à elle, nécessité un important débat en droit sur les conséquences d’une faute lourde sur l’application de la règlementation de la Ville. L’issue de ce débat était plus incertain.
[24] Advenant que la seconde déclaration n’ait pas été accordée par le Tribunal, l’application de l’article 257 de la Charte de la Ville de Montréal et les conditions relatives à la preuve que ce dernier impose, aurait eu pour conséquence qu’un grand nombre de membres auraient pu être considérés comme étant non éligibles à une indemnisation. Pour les immeubles inondés par leurs installations de plomberie et construits après le 28 avril 1939, cet article impose une preuve de l’existence ainsi que du bon état de fonctionnement des soupapes de sûreté et installées selon les règles de l’art au moment de l’inondation. Une telle condition aurait pu être difficile à prouver par les Membres.
[25] De plus, la Ville souhaitait établir au stade du mérite que les immeubles construits avant le 28 avril 1939 demeurent soumis à l’article 257 de la Charte de la Ville de Montréal si des travaux avaient été effectués dans l’immeuble afin de modifier les installations de plomberie au sous-sol.
[26] Ainsi, l’Entente conclue entre les parties est favorable pour les membres puisqu’elle élimine ces variables, assurant l’éligibilité à une indemnité d’un plus grand nombre de Membres.
[27] L’Entente ne prévoit pas la nécessité pour le Membre de soumettre une preuve d’entretien de son système et du bon fonctionnement des clapets anti-refoulement. L’Entente prévoit également l’éligibilité des membres dont l’immeuble est construit préalablement au 28 avril 1939 sans nécessiter la preuve d’absence de travaux effectués au sous-sol.
[28] L’Entente offre ainsi une voie accélérée et simplifiée d’indemnisation qu’un recouvrement individuel, prononcé à la suite d’un jugement condamnant la Ville, n’aurait pas permis.
[29] Finalement, l’Entente prévoit aussi une contribution monétaire de la part de la Ville afin d’aider les Membres à mettre à niveau leurs installations de plomberie et à déminéraliser leurs terrains. Ce volet de l’Entente contribuera à renforcer la protection des propriétés des Membres et améliorera aussi en général la qualité de vie du quadrilatère.
[30] L’Entente a un impact bénéfique sur la durée du litige opposant les parties.
[31] Il s’agit d’une action où un long litige était à entrevoir et une preuve importante était requise. Avant la conclusion de l’Entente, les parties se dirigeaient vers un procès étalé sur trois mois, pour 30 jours de procès fixés. Le tout aurait nécessité ensuite un délibéré de la part du Tribunal, qui aurait pu donner lieu à un appel. Cette Entente permet une importante économie des ressources judicaires.
[32] La transaction comporte d’importants avantages .
[33] L’Entente prévoit, sans admission de responsabilité, que la Ville s’engage à indemniser les Membres dans le cadre d’une part, d’un recouvrement individuel pour les réclamations pour dommages moraux et matériels et d’autre part, d’un recouvrement collectif avec liquidation individuelle pour des contributions financières aux membres pour des travaux conformes au Règlement 11-010 sur la protection des bâtiments contre les refoulements d’égout ainsi que de déminéralisation[7].
[34] L’Entente prévoit également le paiement par la Ville des intérêts et de l’indemnité additionnelle pour les réclamations pour dommages moraux et matériels, le paiement des montants versés par le Fonds d’aide aux actions collectives (« FAAC ») à la demanderesse, ainsi que les frais de publication d’avis, d’administration et enfin d’expertises non couverts par le FAAC.
[35] L’Entente prévoit un protocole détaillé de réclamation qui comprend les modalités de la distribution des dommages et contributions visés par l’Entente (« Protocole » ou Pièce P-2).
[36] L’Entente prévoit une déclaration d’intention par la Ville relativement à la poursuite de mise en œuvre d’aménagements verts pour favoriser les mesures de gestion durable des eaux pluviales.
[37] En considération de ce règlement, la Demanderesse, la Personne désignée et les Membres donnent quittance complète et finale à la Ville de tout recours, de quelque nature qu’il soit, relié aux faits et allégations dont il est question dans l’action collective.
[38] L’Entente prévoit une compensation pour des dommages moraux et des dommages matériels de même que certains travaux réalisés par la Ville à l’égard de la plomberie et de la déminéralisation.
[39] L’Entente permet aux Membres du groupe d’obtenir une compensation équitable et raisonnable considérant que les conclusions autorisées par la Cour, à la suite de la modification de 2012, réclamaient 4000 $ à titre de dommages moraux. L’Entente prévoit les montants forfaitaires suivants à titre de dommages moraux :
- 3000 $ par propriétaire et par copropriétaire par Événement si les parties de l’immeuble inondées étaient habitables;
- 1500 $ par propriétaire et par copropriétaire par Événement si le sous-sol inondé est non-habitable;
- 1500 $ par locataire des lieux endommagés, lié par bail, par Événement;
- 1000 $ pour toute personne occupant les lieux endommagés sur preuve d’occupation, par Événement.
[40] Ainsi, les dommages moraux obtenus au bénéfice des Membres sont raisonnables et aucune preuve n’est requise pour les étayer.
[41] En ce qui concerne les dommages matériels, l’Entente prévoit un montant forfaitaire de 1000$ par adresse inondée à l’un des deux Évènements de 2009 ou un montant de 1500$ par adresse inondée au deux Évènements de 2009.
[42] Les Membres touchés par les Évènements de 2011 pourront également réclamer les mêmes montants selon les mêmes modalités pour ces inondations.
[43] Les réclamants désirant se prévaloir des montants forfaitaires pour des dommages matériels n’auront pas besoin de fournir de preuve pour les étayer. Cependant, il demeure permis aux Membres qui souhaiteraient réclamer des montants plus importants que les montants forfaitaires prévus pour les dommages matériels de le faire, à condition qu’ils puissent démontrer les dommages subis suivant les règles de preuve déterminées dans le Protocole.
[44] Ainsi, l’Entente permet d’offrir aux Membres une option alternative à la réclamation de leurs dommages matériels qui ne nécessite pas la présentation d’une preuve exhaustive des montants réclamés tout en laissant la liberté à ceux qui souhaitent le faire.
[45] De plus, l’Entente prévoit un Protocole rapide et efficace compte tenu des circonstances du dossier et qui conserve simultanément les droits des deux parties contractantes et des Membres.
[46] Les parties ont convenu d’un Protocole régissant la liquidation des réclamations individuelles. Ce Protocole fait partie intégrante de l’Entente de règlement et régit sa mise en œuvre.
[47] Ce Protocole prévoit une liste non exhaustive de preuves considérées acceptables par les deux parties et qu’un membre pourra joindre à sa réclamation pour prouver son appartenance au Groupe. De plus, il prévoit un droit d’appel des décisions conflictuelles de l’Administrateur des réclamations quant aux dommages moraux et matériels et des méthodes de règlements à l’amiable, soit un processus de médiation et/ou d’adjudication, afin d’éviter, autant que possible, une saisie éventuelle des tribunaux.
[48] Finalement, l’Entente prévoit aussi une contribution monétaire de la part de la Ville aux travaux des membres pour leur protection contre les inondations ou favorisant le drainage des eaux, s’inscrivant dans l’amélioration durable du quadrilatère afin de permettre une meilleure résistance aux phénomènes météorologiques dans le futur en plus d’améliorer l’esthétique des lieux et réduire les îlots de chaleur.
[49] Outre les travaux déjà réalisés par la Ville à certaines de ses installations d’égout du quadrilatère et de mise en place d’aménagements favorisant la perméabilité des surfaces publiques dans le quadrilatère, l’Entente prévoit une déclaration de son intention de poursuivre ses actions.
[50] L’Entente prévoit également que la Ville mettra à la disposition des Membres une enveloppe de 100 000 $ à titre de contribution financière pour travaux (« Contribution ») pour l’installation de clapet(s) antiretour(s), de travaux de plomberie conformes à ce qui est requis par le Règlement 11-010 de la Ville de Montréal, à être distribuée selon la procédure prévue dans l’Entente et dans le Protocole. Dans l’éventualité où ce montant n’est pas entièrement distribué pour ces travaux, les sommes restantes seront mises à la disposition des Membres encore propriétaires désirant effectuer des Travaux de déminéralisation de leurs propriétés, à être distribués selon la procédure prévue dans l’Entente et dans le Protocole.
[51] La Contribution sera considérée faire l’objet d’un recouvrement collectif sujet à une liquidation individuelle. Ainsi, tout reliquat de la Contribution sera traité conformément à l’article 1 (1⁰) du Règlement sur le pourcentage prélevé par le Fonds d’aide aux actions collectives.
[52] En résumé, l’Entente est dans l’intérêt des membres considérant les montants prévus, les résultats non monétaires de l’action collective, les risques inhérents au litige, les difficultés de preuve, les délais importants déjà encourus, les délais à venir jusqu’au jugement final et le fait que les indemnités seront distribuées aux Membres sans avoir à attendre encore plusieurs années.
[53] Les avocates des Parties détiennent ensemble une grande expérience dans le domaine des actions collectives; ayant géré plusieurs actions collectives avec des résultats positifs.
[54] En se basant sur cette expérience, les avocats de la Demanderesse lui ont conseillé, de même qu’à la Personne désignée, d’accepter l’Entente. Les avocats considèrent que les montants prévus à l’Entente et les conditions d’éligibilité à l’indemnisation sont avantageux, justes et raisonnables et se conforment à l’intérêt général des Membres.
[55] De plus, les montants négociés pour les dommages moraux sont similaires à ceux ordonnés par la Cour supérieure dans un jugement favorable récemment obtenu par l’avocate de la Demanderesse dans le cadre d’un dossier d’inondations[8].
[56] Conformément à l’article 590 C.p.c., l’Entente ne peut être approuvée à moins qu’un avis n’ait été donné aux membres.
[57] Ceci a donné lieu à une demande conjointe en approbation d’un avis aux membres et de son plan de diffusion et pour obtenir une date pour la présentation de diverses demandes. Le 20 décembre 2022, le Tribunal a rendu jugement.
[58] L’avis informant les membres de la tenue de l’audience d’approbation de l’Entente et de sa teneur a été diffusé selon le plan de diffusion approuvé par la Cour.
[59] Les avocats ont mis en œuvre le plan de diffusion approuvé. Notamment, 2025 copies de l’avis d’audience d’approbation ont été distribuées dans le quadrilatère les 21 et 22 décembre 2022 avec une copie déposée à chaque adresse. L’Entente, ainsi que les documents pertinents, ont été diffusés sur le site des avocats de la Demanderesse. L’avis a aussi été transmis par courriel aux adresses électroniques des Membres dont les avocats connaissaient les coordonnées.
[60] À la suite de la diffusion de l’avis aux membres, plus de 20 personnes ont déjà communiqué avec les avocats du groupe pour obtenir de l’information ou demander à être ajoutés sur la liste des Membres connus. Aucun Membre n’a manifesté son intention de faire des représentations devant le Tribunal lors de l’audience du 23 janvier 2023 et aucun avis de contestation n’a été reçu par les avocats.
[61] Le représentant confirme son accord en signant l’entente. Aucune objection n’a été reçue ni formulée lors de l’audience.
[62] Le FAAC est d’accord avec les modalités du règlement ainsi qu’avec le haut taux de succès à joindre les Membres lors de la transmission des courriels.
1.3 Conclusion
[63] Tous les critères pondérés militent en faveur de l’approbation de l’Entente. Le Tribunal conclut que la transaction est juste, raisonnable et équitable pour l’ensemble des Membres du groupe et doit être approuvée.
1.4 La nomination de l’Administrateur
[64] En approuvant l’Entente et le Protocole, les parties demandent aussi de nommer l’administrateur (« Administrateur ») qui sera chargé du processus de réclamation.
[65] Conformément aux termes du Protocole, les parties proposent d’un commun accord Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc., supportée par l’équipe du groupe de Redressement et d’insolvabilité de Raymond Chabot Grant Thornton.
[66] Le Tribunal accepte la proposition commune L’expérience d’un administrateur proposé est pertinente dans l’analyse de sa nomination[9]. Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. est reconnu dans le milieu des actions collectives comme étant un administrateur d’expérience dont les services sont fréquemment retenus dans le cadre d’actions collectives touchant divers domaines.
[67] Le Protocole prévoit en détail les responsabilités de l’Administrateur. De plus, des directives précises lui ont été fournies pour le traitement des réclamations qu’il recevra.
[68] Tel que prévu à l’Entente, tous les frais liés à la distribution des indemnités, ce qui comprend les honoraires de l’Administrateur, seront assumés par la Ville. Ainsi, aucuns frais d’administration ne seront à la charge des Membres.
[69] Le Tribunal nommera l’Administrateur suggéré par les parties.
[70] Le Tribunal prend acte du fait que l’avis aux membres sera maintenant traduit par l’Administrateur.
1.5 Avis d’approbation de l’Entente
[71] Conformément aux dispositions contenues à l’article 591 C.p.c., lorsqu’un jugement mettant fin à une action collective passe en force de chose jugée, le Tribunal ordonne la publication d’un avis aux Membres et sa notification aux Membres connus.
[72] Dans l’éventualité d’une approbation de l’Entente et du Protocole, les parties ont soumis au Tribunal un projet d’avis (Pièce P-3) informant les membres de cette approbation et un plan de diffusion de ce dernier, (Pièce P-4). Ce dernier prévoit la diffusion suivante :
[73] Ce plan de diffusion est suffisant pour aviser les Membres du début de la période de réclamation puisqu’il couvre tant une diffusion directe qu’indirecte. Il est conforme aux critères élaborés par la jurisprudence.
[74] Les avocats de la demanderesse présentent une demande en approbation de la convention d’honoraires et mandat professionnel datée du 25 juin 2020[10] (« Convention »).
2.1 Principes applicables
[75] En vertu de l’article 593 C.p.c., il appartient au Tribunal d’approuver les honoraires et les débours auxquels les avocats du demandeur ont droit. Cette disposition impose au Tribunal de veiller à ce que les honoraires des avocats du groupe soient dans l’intérêt des membres du groupe, raisonnables, justifiés par les circonstances et proportionnels aux services rendus[11].
[76] La convention d’honoraires signée par le représentant lie les membres du groupe[12], même si ceux-ci n’y ont pas consenti.
[77] L’entente entre le représentant et son avocat bénéficie d’une présomption de validité[13]. Dans ce contexte, les conventions d’honoraires ne sont écartées que si leur application n’est pas juste et raisonnable pour les membres dans les circonstances de la transaction examinée[14].
[78] La Convention ne lie pas le Tribunal à qui revient le rôle de déterminer les honoraires des avocats du représentant[15]. Il appartient au Tribunal d’exercer son rôle de surveillance et d’agir comme gardien des intérêts des membres absents[16].
[79] Ainsi, le Tribunal ne doit pas hésiter à réviser ces honoraires en fonction de leur valeur réelle, à les arbitrer et à les réduire s’ils sont inutiles, exagérés ou hors de proportion au regard de ce que le groupe retire du recours[17].
[80] Le Code de procédure civile n’indique ni critères ni facteurs d’évaluation du caractère juste et raisonnable de ces honoraires, mais le Code des professions[18], la Loi sur le Barreau[19] et la réglementation adoptée sous ces législations le font[20].
[81] L’avocat demande et accepte des honoraires et des débours justes et raisonnables[21]. Dans l’évaluation du caractère juste et proportionnel des honoraires, la jurisprudence[22] confirme que le Tribunal peut s’inspirer des critères énoncés à l’article 102 du Code de déontologie des avocats[23], lequel article précise que les honoraires sont justes et raisonnables s’ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus. La disposition énumère une liste de facteurs que l’avocat doit tenir compte pour la fixation de ses honoraires, à savoir:
- l’expérience;
- le temps et l’effort requis et consacrés à l’affaire;
- la difficulté de l’affaire;
- l’importance de l’affaire pour le client;
- la responsabilité assumée;
- la prestation de services professionnels inhabituels ou exigeant une compétence particulière ou une célérité exceptionnelle;
- le résultat obtenu;
- les honoraires prévus par la loi ou les règlements; et
- les débours, honoraires, commissions, ristournes, frais ou autres avantages qui sont ou seront payés par un tiers relativement au mandat que lui a confié le client.
[82] Les principes généraux et les méthodes d’évaluation pertinentes à l’analyse du caractère juste et raisonnable des honoraires résultent de la prise en compte de ces facteurs[24].
2.2 Discussion
[83] La Convention prévoit que la rémunération des Avocats est entièrement conditionnelle au succès de l’action collective. Elle garantit donc à la Demanderesse et aux Membres du groupe qu’aucune demande en paiement d’honoraires extrajudiciaires et de débours ne leur sera présentée en cas d’insuccès de l’action collective, le risque à cet égard étant totalement assumé par les Avocats, avec l’aide du FAAC.
[84] Au paragraphe 2 a) de la Convention, il est prévu que ces honoraires extrajudiciaires sont en sus des débours encourus.
[85] Les clauses 2.1 à 2.5 de la Convention prévoient les modalités de calcul des honoraires extrajudiciaires des Avocats.
[86] La clause 2.4 prévoit que les Avocats auront droit, en paiement de leurs honoraires extrajudiciaires, à un pourcentage de 25% des avantages perçus au bénéfice des Membres sur la première tranche de 2 500 000 $ et de 20% sur le reste, plus les taxes applicables.
[87] La clause 2.5 prévoit un pourcentage additionnel de 5% sur chaque tranche à la suite d’un appel de plein droit ou autorisé peu importe l’étape du dossier, plus les taxes applicables. Ici, ce pourcentage additionnel s’applique compte tenu du jugement en appel, obtenu par les Avocats dans le dossier 500-09-028682-193 daté du 28 mai 2020.
[88] Ainsi, conformément à la clause 2.5, les Avocats sont en droit de réclamer un pourcentage total de 30% sur la première tranche de 2 500 000 $ et de 25% sur le reste, plus les taxes applicables. Cependant, les Avocats renoncent à l’application de la clause 2.5 et demandent d’approuver leurs honoraires à la hauteur de 25%, plus taxes sur la totalité des montants perçus au bénéfice des Membres.
[89] L’Entente prévoit, notamment, un recouvrement individuel dans lequel un montant forfaitaire se chiffrant entre 1000 $ et 3000 $ est accordé par Membre par inondation à titre de dommages moraux.
[90] Elle prévoit aussi, à titre de dommages matériels, le versement d’un montant forfaitaire de 1 000 $ pour une inondation et 1 500 $ pour deux inondations survenues pour l’une ou l’autre des deux années où les inondations ont eu lieu. Malgré cette option d’obtenir un montant forfaitaire pour les dommages matériels, il demeure permis aux Membres qui souhaiteront réclamer des montants plus importants de le faire.
[91] De plus, l’Entente prévoit un recouvrement collectif avec liquidation individuelle pour le versement d’un montant de 100 000 $ par la Ville aux Membres éligibles qui manifestent leur volonté d’effectuer des travaux de mise à niveau de leur système de plomberie ou de déminéralisation des surfaces de leur terrain.
[92] Les Avocats demandent d’obtenir à titre d’honoraires extrajudiciaires un montant représentant 25%, plus taxes des sommes à être versées par la Défenderesse à chaque Membre.
[93] Il est impossible de chiffrer présentement ce que représentent ces honoraires puisque l’Entente prévoit un recouvrement individuel et que le nombre et le total des réclamations à venir sont inconnus. La seule information disponible actuellement est que le quadrilatère est composé d’environ 800 immeubles et qu’environ 200 Membres se sont manifestés auprès des Avocats indiquant qu’ils auraient été inondés à au moins l’une des quatre inondations visées par la présente action collective.
[94] Selon la jurisprudence, il demeure possible de demander l’approbation de la Convention, malgré l’impossibilité de déterminer le montant exact des honoraires reliés[25]. La nature même du recouvrement individuel rend l’estimation des honoraires impossible. Ceci n’empêche cependant pas le Tribunal d’approuver une convention en appliquant les critères jurisprudentiels afin d’évaluer si les pourcentages réclamés sont justes et raisonnables.
[95] Le pourcentage de 25% représenterait un montant inférieur à ce que chacun des Membres aurait dû payer comme honoraires dans le cadre d’une représentation individuelle dans des procédures en dommages-intérêts contre la Ville, sans compter que cette personne aurait eu à assumer le coût d’experts et aurait pris le risque d’être condamnée aux dépens en cas d’insuccès.
[96] De leur côté, les Avocats n’auraient pas accepté d’assumer les risques financiers de l’action collective sans la perspective des avantages financiers que représente la Convention d’honoraires convenue avec la Demanderesse.
[97] Il est reconnu que les actions collectives sujettes à un recouvrement individuel comportent un risque additionnel pour les avocats du groupe qui sont à la merci d’un taux de réclamation non évaluable au moment de la signature de l’entente de règlement et de la convention d’honoraires, contrairement au mécanisme de recouvrement collectif dans lequel c’est la partie défenderesse qui assume ce risque additionnel[26].
[98] Les conventions d’honoraires à pourcentage sont d’usage courant, voire la norme, en matière d’action collective au Québec. Les conventions d’honoraires à pourcentages seraient même indispensables pour inciter les cabinets d’avocats à entamer des actions collectives[27].
[99] De telles ententes favorisent l’accès à la justice puisque les membres accepteraient rarement de payer les centaines de milliers de dollars d’honoraires, de débours et de frais d’expertises requis pour mener de telles actions à terme. Sans mandat à pourcentage, bien des actions collectives ne verraient jamais le jour. La norme raisonnable se situe entre 20 % et 25 %, même si certains jugements ont octroyé des pourcentages plus élevés[28] (ou plus bas)[29].
[100] Le fait qu’un pourcentage se trouve à l’intérieur de cette fourchette n’est pas déterminant. Par exemple, lorsque le montant du règlement ou du jugement est très élevé ou lorsque le règlement survient rapidement, un pourcentage élevé peut mener à un résultat déraisonnable. À l’inverse, si le montant du règlement est faible, par exemple lorsque le nombre de membres est moins important que prévu, un pourcentage élevé pourrait être justifié pour éviter de sous-compenser les avocats du groupe[30].
[101] Analysons les facteurs identifiés au Code de déontologie des avocats selon les circonstances du dossier.
[102] Le dossier est mené depuis le début des procédures par les Avocats et le personnel de la firme Sylvestre, Painchaud et Associés. Cette firme, une pionnière en matière d’actions collectives, a acquis en ce domaine une expertise reconnue.
[103] Me Marie-Anaïs Sauvé est l’avocate responsable du dossier depuis ses débuts en 2009. Admise au Barreau en 2004, elle pratique dans le domaine des actions collectives depuis 2005 ; elle cumule donc 18 années d’expérience dans ce domaine de droit. Elle a été conférencière à plusieurs reprises pour le Colloque national sur les actions collectives.
[104] Les Avocats ont investi, en assumant tous les risques, du temps et des efforts considérables.
[105] La demande d’autorisation est déposée le 10 août 2009. Ainsi, sur une période de plus de 13 ans, ce dossier a donné lieu à de nombreuses procédures comme en atteste le plumitif. Parallèlement, du temps et des efforts ont été consacrés au fil des ans à la recherche d’une entente à l’amiable. Lors de l’audition sur l’approbation de la Convention, plus de 4 000 heures ont été consacrées à ce dossier par des avocats, stagiaires et techniciens de la firme Sylvestre, Painchaud et associés.
[106] S’ajouteront les heures nécessaires pour les étapes de l’approbation de la Convention, ainsi que celles requises pour mener le dossier au jugement de clôture, par l’exécution du Protocole. Puisque le processus de recouvrement principal prévu pour ce dossier est individuel et compte tenu de la participation nécessaire des Avocats dans le processus de réclamation, de nombreuses heures additionnelles sont encore à prévoir. Les avocats estiment que 800 heures additionnelles (pour deux avocats) seront nécessaires pour mener le dossier jusqu’à un jugement de clôture.
[107] Au cours des années, plus d’une vingtaine d’avocats, de stagiaires et de techniciens juridiques de la firme ont consacré des heures de travail pour cette action collective.
[108] À titre comparatif, aux taux horaires prévus à l’article 5 de la Convention, les honoraires des Avocats se chiffreraient à un total de 1 355 192 $[31]. Ceux-ci ont été assumés par la firme pendant les 13 ans.
[109] À ce jour, seule la contribution du FAAC de 84 650 $ a été perçue par les Avocats à titre d’honoraires. Cette contribution du FAAC représente un taux horaire d’environ 21$ pour l’ensemble des heures travaillées au dossier jusqu’à maintenant.
[110] Pour pouvoir toucher des honoraires de 1 355 192 $ avec une Convention à 25%, il faudrait un total de réclamations par les Membres de plus de 5 400 000 $. Ceci semble improbable, car pour atteindre ce total de réclamation, il faudrait que chacun des 200 Membres connus reçoive en moyenne 27 000 $. Or, selon une computation approximative à partir des données actuellement en possession des Avocats, ce n’est qu’une minorité de Membres qui a subi quatre inondations, la plupart en ayant subi qu’une ou deux.
[111] De plus, l’ensemble des coûts liés au personnel de soutien, notamment les adjointes juridiques, commis-comptables, réceptionniste, ainsi qu’aux frais généraux de bureaux doivent être imputés sur ces honoraires.
[112] Ainsi, le Tribunal estime approprié d’approuver les honoraires demandés, soit 25% plus taxes de toutes les sommes obtenues aux bénéfices des Membres.
[113] L’Entente prévoit le remboursement par la Ville au FAAC des sommes reçues à titre d’honoraires, soit 84 650 $.
[114] Le 29 novembre 2022, le FAAC accordait une somme supplémentaire de 45 000 $ à titre d’honoraires sur présentation et approbation d’un compte d’honoraires détaillé[32]. En date du 20 janvier 2023, les Avocats transmettaient au FAAC un compte d’honoraires détaillé pour en obtenir le versement.
[115] Advenant le paiement de ce dernier compte d’honoraires, l’aide financière accordée par le FAAC, à titre d’honoraires, totaliserait la somme de 129 650 $, ce qui équivaudrait à un taux horaire d’environ 27 $ pour l’ensemble des heures nécessaires pour mettre un terme définitif à l’action collective par un jugement de clôture.
[116] En contrepartie de ces honoraires, les Avocats renoncent au 5% additionnel initialement prévu par la Convention ainsi qu’aux débours non couverts par l’Entente. Ces débours s’élèvent à une somme de 21 691 $[33].
[117] Le montant ainsi obtenu, en sus du prélèvement de 25%, s’élève donc à 107 959 $, une fois comptabilisée la renonciation aux débours. Cette renonciation aux débours permettra également une distribution plus expéditive des montants à être versés aux Membres qui, autrement, n’auraient été payés qu’à la fin du processus de distribution, lequel s’étalera sur une période d’environ deux ans. Retenir les indemnisations pendant une période de deux ans serait à l’encontre des intérêts des Membres.
[118] Le dossier comportait d’importantes difficultés. D’abord, plusieurs expertises ont été nécessaires, lesquelles portaient sur différents aspects du dossier. En premier lieu, une fastidieuse expertise hydrologique et hydraulique du réseau d’égout afin de démontrer la responsabilité de la Ville ainsi qu’une importante analyse pluviométrique afin de démontrer le caractère ordinaire des quatre événements. Deuxièmement, une contre-expertise concernant l’étanchéité et l’efficacité des clapets antiretours servait à éclairer le Tribunal sur le moyen de défense principal de la Ville relativement à sa responsabilité. Troisièmement, une contre-expertise concernait les installations de plomberie et les modifications apportées au fil des ans dans l’immeuble de la personne désignée afin de déterminer la responsabilité de la Ville relativement à la conformité et l’entretien de son système d’évacuation des eaux.
[119] La complexité du réseau d'égout montréalais et les spécificités distinctes des propriétés du quadrilatère rendaient le travail des experts et des Avocats d’autant plus complexes. Au total, six rapports d’expertises ont été réalisés. Ces six rapports auraient nécessité le témoignage d’un total de neuf témoins experts (sept témoins experts en demande et deux en défense).
[120] De plus, les Avocats, agissant en action collective à la différence de l’exécution d’un mandat individuel, doivent répondre à plusieurs personnes qui sont Membres et dont les situations individuelles diffèrent entre elles, ce qui accroît les difficultés inhérentes à ce type de procédure.
[121] Finalement, plusieurs questions à être tranchées par le Tribunal à l’issue d’un procès étaient complexes, dont notamment : la nécessité ou non de prouver l’existence ainsi que le bon état de fonctionnement des clapets antiretours selon les règles de l’art au moment de l’inondation dans un contexte de négligence grossière alléguée par la Ville; et la nécessité de contester la prétention de la Ville à savoir qu’un membre ayant un immeuble construit avant 1939, mais qui aurait subi des modifications à sa plomberie subséquemment, jouissait tout de même de l’exception prévue à l’art 257 de l’Annexe C de la Charte de la Ville de Montréal.
[122] Cette action collective et les jugements auxquels elle a donné lieu sont importants d’abord et avant tout pour les Membres qui vivent ou ont vécu dans le quadrilatère concerné.
[123] Le Groupe vise potentiellement 800 immeubles et environ 200 Membres ont déclaré avoir été inondés à au moins une des dates visées.
[124] Les Membres étaient préoccupés non seulement par les dommages causés par les inondations qui ont eu lieu, mais aussi par le caractère répétitif de ces évènements, la perte de valeur de leur propriété, la perte de la protection contre les inondations à leur assurance et la nécessité de vivre dans la crainte de futures inondations à chaque averse.
[125] Les Membres n’auraient pas pu avoir accès à la justice sans l’action collective.
[126] La complexité des questions d’un point de vue scientifique (la qualité de l’infrastructure d’évacuation des eaux, la qualification des évènements météorologiques, l’efficacité des clapets antiretour, etc.) et les coûts associés aux expertises requises pour obtenir un portrait de la situation rendaient les procédures individuelles illusoires face à une municipalité de la taille de la Ville de Montréal.
[127] De plus, les défis juridiques en jeu quant aux clapets auraient découragé les Membres d’entamer ce recours risqué sur une base individuelle.
[128] Également, toute personne qui désire poursuivre la Ville doit généralement envoyer un avis dans les 15 jours de l’incident. Cette obligation est très restrictive, surtout dans un contexte où les personnes inondées gèrent l’urgence de la situation dans les jours suivants de tels sinistres. Or, selon l’article 582 C.p.c., l’avis d'un membre vaut pour tous les autres, de sorte que plusieurs personnes n’ayant pas envoyé de tel avis dans les 15 jours peuvent malgré tout bénéficier de l’issue de l’action collective. De nombreuses personnes pourront être indemnisées, alors qu’elle n’aurait pas pu l’être sans le recours.
[129] En vertu de la Convention, la Demanderesse et les Membres n’encouraient aucun risque financier en cas d’insuccès du recours.
[130] Tout au long des 13 années qu’aura duré l’action collective, le représentant et les Membres n’ont assumé aucuns débours ni honoraires.
[131] Sans les risques financiers assumés par les Avocats, les Membres n’auraient pas eu accès à la justice ni obtenu d’indemnisation. À l’exception des honoraires et débours reçus du FAAC, les risques financiers ont été assumés par les Avocats. La durée du litige et l’ampleur du travail effectué attestent de l’importance du risque assumé.
[132] Les Avocats ont pris à leur charge la rémunération des avocats et avocates qui ont travaillé au dossier ainsi que la rémunération des employés para-juridiques et tous les frais de bureau liés à l’action collective sans assurance de gain de cause au fond et, ainsi, de paiement éventuel.
[133] En raison de l'ampleur du dossier et des complexes questions soulevées, l’action collective devait être pilotée par des Avocats détenant une expérience en action collective afin de faire face à tous les aléas d’un tel dossier, dont un débat en Cour d’appel concernant un principe applicables aux dossiers impliquant une distribution par réclamations individuelles.
[134] Initialement, l’action collective comprenait les objectifs suivants selon la demande d’autorisation modifiée :
1. Le paiement à chacun des Membres d’une somme pour compenser les troubles et inconvénients notamment, inquiétudes, stress, perte de jouissance de la vie, crainte et insécurité;
2. L’obtention d’une compensation pour les Membres pour les dommages matériels à être évaluée sur une base individuelle;
3. Forcer la Défenderesse à poser les gestes nécessaires pour s’assurer de la satisfaction de son infrastructure aux besoins du quartier afin de prévenir toute répétition future des inondations et ainsi, instaurer un changement de pratique tel que prévu par les objectifs principaux de l’action collective.
[135] Les résultats obtenus au cours du déroulement de l’action collective, incluant le récent règlement, ont permis d’atteindre ces objectifs.
[136] Premièrement, la Ville a effectué des travaux sur son système d’évacuation des eaux pluviales et usagées. Elle a également entamé des travaux de déminéralisation des surfaces publiques du quadrilatère dans un effort d’améliorer leur perméabilité afin de permettre une réduction des eaux dans les égouts et de réduire ainsi le risque de futures inondations. Ces travaux ont permis d’éviter d’autres incidents d’inondation et n’auraient pas eu lieu, du moins avec la même célérité, sans l’action collective intentée par les Avocats. Depuis ces travaux, aucune inondation d’envergure n’a été enregistrée dans le quadrilatère, alors que quatre événements avaient eu lieu en deux ans avec des pluies ordinaires. De plus, la Ville s’engage à poursuivre cet effort.
[137] Deuxièmement, l’Entente prévoit le versement de dommages moraux raisonnables, soit, notamment, 3000 $ par propriétaire et par copropriétaire d’un immeuble dont l’espace inondé était habitable par évènement. En ce qui concerne les locataires, les dommages moraux qu’ils pourront toucher en vertu de l’Entente constituent également une compensation financière raisonnable. Tout occupant sera également indemnisé, alors que la description du groupe ne les visait pas initialement.
[138] Troisièmement, l’Entente prévoit le versement d’un montant forfaitaire raisonnable à titre de dommages matériels pour tout Membre souhaitant s’en prévaloir tout en gardant la possibilité pour ceux qui préfèrent présenter une preuve de dommages additionnels.
[139] Finalement, l’Entente négociée élimine la nécessité de prouver le bon état de fonctionnement de clapets installés selon les règles de l’art au moment de l’inondation; ou de prouver l’absence de travaux effectués dans les immeubles construits avant 1939 modifiant les installations de plomberie au sous-sol, augmentant ainsi le nombre de Membres admissibles à une indemnisation.
[140] Pour toutes ces raisons, la Convention signée entre les Avocats et la personne désignée est juste, raisonnable et en proportion du travail et des risques financiers assumés par les Avocats.
2.3 Fonds d’aide aux actions collectives
[141] Créé par une loi provinciale, le FAAC a pour objet d’assurer le financement des actions collectives et de diffuser les informations relatives à l’exercice de ces actions[34].
[142] Le FAAC s’autofinance par le biais de pourcentages qu’il perçoit sur les reliquats provenant de certaines ententes ou jugements dans les dossiers d’action collective. Les conditions de perception de ces pourcentages sont établies en vertu de la Loi sur le fonds d’aide aux actions collectives et du Règlement sur le pourcentage prélevé par le Fonds d’aide aux actions collectives[35].
[143] L’article 42 de de la Loi sur le fonds d’aide aux actions collectives énonce :
42. S’il y a recouvrement collectif des réclamations, le Fonds prélève un pourcentage fixé par règlement du gouvernement sur le reliquat établi en vertu des articles 596 et 597 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01); dans les autres cas, le Fonds prélève sur chaque réclamation liquidée un pourcentage fixé par règlement du gouvernement.
[144] L’article 1 du Règlement sur le pourcentage prélevé par le Fonds d’aide aux actions collectives énumère les pourcentages applicables en fonctions du type de recouvrement.
[145] Par ailleurs, le Code de procédure civile distingue deux sortes de recouvrement. Il est soit individuel ou collectif. Dans le premier cas, il n’y a pas de reliquat et le FAAC ne perçoit rien. Dans le second, il y a souvent un reliquat soit l’écart entre le montant total de la réclamation liquidée par entente approuvée ou jugement et ce qui est versé aux membres ayant valablement réclamé.
[146] En l’espèce, la totalité de l’aide financière accordée par le FAAC s’élève à 583 941,09 $, dont 129 650 $ en honoraires extrajudiciaires, 431 114,79 $ en frais d’expert et 23 176,30 $ en débours.
[147] Le FAAC a accordé à la Demanderesse une aide financière qui fut indispensable à l’exercice des présentes procédures, notamment pour couvrir certains débours, dont ceux reliés aux expertises. À elles seules, les expertises ont coûté 431 114,79 $.
[148] En vertu d’une Entente relative à l’attribution de l’aide financière signée entre les Avocats et le FAAC, les Avocats se sont engagés à rembourser, en cas de succès, toute l’aide reçue du FAAC. L’Entente prévoit justement le remboursement de tous les montants dus au FAAC par la Ville. La Ville de Montreal s'est engagée a rembourser ce montant aux avocats du groupe. Sur réception de ce montant, les avocats du groupe devront le remettre au FAAC, en remboursement de l'aide qui leur a été versée[36].
[149] L’Administrateur versera au FAAC toutes sommes lui revenant et découlant de l’application du paragraphe 37 de l’Entente, de l’article 1 (1⁰) du Règlement sur le pourcentage prélevé par le Fonds d’aide aux actions collectives et de l’article 596 C.p.c, le cas échéant, dans les meilleurs délais à la suite du jugement[37].
2.4 Conclusion
[150] Les honoraires des avocats sont justifiés par les circonstances et proportionnels aux services rendus.
[151] Le Tribunal accueille les demandes en approbation de l’Entente de règlement, du plan de distribution et du Protocole de réclamation, de l’avis aux membres et de la Convention d’honoraires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[152] ACCUEILLE la demande en approbation d’une entente de règlement;
[153] APPROUVE le Règlement (Pièce P-1) et son Protocole (Pièce P-2);
[154] DÉCRIT le groupe lié par l’Entente comme suit :
Toute personne physique et morale (comptant moins de cinquante employés dans les douze mois précédent le présent recours), propriétaires, locataires ou sous-locataires de biens immobiliers situés dans le quadrilatère formé par les rues De Bordeaux, 1ere avenue, Saint-Zotique et Bélanger, qui a subi des infiltrations d’eau de surface ou des refoulements d’égout les 11 ou 26 juillet 2009 ou les 18 juillet 2011 ou 21 août 2011.
[155] DÉCLARE que chaque membre du groupe est lié par le Règlement (Pièce P-1);
[156] ORDONNE le recouvrement individuel des réclamations des membres pour dommages moraux et matériels selon les termes du Règlement et Protocole (Pièces P-1 et P-2);
[157] ORDONNE le recouvrement collectif avec liquidations individuelles des Contributions pour travaux selon les termes du Règlement et du Protocole (Pièces P-1 et P-2);
[158] DÉCLARE que le Règlement (Pièce P-1) est juste, raisonnable et dans l’intérêt des membres du groupe;
[159] DÉCLARE que le Règlement dans son intégralité fait partie intégrante du jugement d’approbation;
[160] DÉCLARE que le Règlement est une transaction au sens des articles 2631 et suivant du Code civil du Québec; et ORDONNE aux parties de se conformer au Règlement;
[161] APPROUVE l’avis aux Membres (Pièce P-3) et son plan de diffusion (Pièce P-4);
[162] NOMME Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc. à titre d’Administrateur des réclamations;
[163] DÉCLARE juste et raisonnable la Convention d’honoraires et APPROUVE cette Convention;
[164] DÉCLARE que les Avocats ont droit à des honoraires équivalents à 25%, plus taxes applicables, des sommes à être versées aux Membres suivant l’Entente et son Protocole;
[165] AUTORISE l’Administrateur à retenir un pourcentage de 25%, plus les taxes applicables, de tous les avantages à être versés aux Membres, à titre d’honoraires extrajudiciaires;
[166] AUTORISE l’Administrateur à verser les sommes retenues aux Avocats conformément à l’Entente et son Protocole;
[167] PREND ACTE de l'engagement de la Ville de Montreal de payer aux avocats du groupe un montant de 583 941,09 $, représentant la totalité de l'aide financière versée par le Fonds d'aide aux actions collectives; et ORDONNE de s’y conformer;
[168] PREND ACTE de l’engagement des Avocats de rembourser au FAAC l’aide reçue mentionnée à la conclusion précédente; et leur ORDONNE de s’y conformer;
[169] APPROUVE les honoraires de 129 650 $ de la somme reçue par les Avocats, en sus des honoraires de 25% des sommes à être versées aux Membres suivant l'Entente et son Protocole ;
[170] PREND ACTE de la renonciation des Avocats à réclamer des débours de 21 691 $ ;
[171] ORDONNE aux avocats des parties de se conformer à leurs engagements respectifs;
[172] LE TOUT, sans frais.
| ||
| __________________________________JANICK PERREAULT, j.c.s. | |
| ||
Me Marie-Anaïs Sauvé Me Kayrouz Abou-Malhab Sylvestre Painchaud et Associés, s.e.n.c.r.l. Avocats de la demanderesse et de la personne désignée | ||
Me Chantal Bruyère Me Philippe El Ouardi Gagnier Guay Biron Avocats de la défenderesse | ||
| ||
Me Nathalie Guilbert Avocate du Fonds d’aide aux actions collectives | ||
| ||
Date d’audience : | 23 janvier 2023 | |
[1] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 84;
Daunais c. Honda Canada inc., 2022 QCCS 2485, par. 19; Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique c. Groupe Volkswagen du Canada inc., 2022 QCCS 2186, par. 42; Allen c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2018 QCCS 5313, par. 55; Jacques c. 189346 Canada inc. (Pétroles Therrien inc.), 2017 QCCS 4020, par. 8; et Bouchard c. Abitibi‑Consolidated, 2004 CanLII 26353 (QC CS), par. 16.
[2] Abihsira c. Johnston, 2019 QCCA 657, par. 41; et Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 83 et 84.
[3] Option Consommateurs c. Meubles Léon ltée, 2022 QCCS 193, par. 33; Itzkovitz c. Air Canada, 2022 QCCS 4686, par. 11; Martin-Bale c. Lowe's Companies Canada, 2022 QCCS 1951; par. 13. Schneider (Succession de Schneider) c. Centre d'hébergement et de soins de longue durée Herron inc., 2021 QCCS 1808, par. 28; Y. c. Servites de Marie de Québec, 2021 QCCS 2712, par. 44; F. c. Frères du Sacré-Coeur, 2021 QCCS 3621; et Pellemans c. Lacroix, 2011 QCCS 1345, par. 20.
[4] Itzkovitz c. Air Canada, 2022 QCCS 4686, par. 12.
[5] Martin-Bale c. Lowe's Companies Canada, 2022 QCCS 1951, par. 14.
[6] Option Consommateurs c. Meubles Léon ltée, 2022 QCCS 193, par. 34.
[7] Travaux pour débétonniser/retirer l’asphalte/dalles des terrains privés pour en végétaliser l’espace ou installer des dalles/ pavés écologiques/alvéolés.
[8] Voir l’affaire : Comité inondations Sunny Bank c. Procureure générale du Québec, 2022 QCCS 2512.
[9] Beauchamp c. Procureure générale du Québec, 2019 QCCS 2421, par. 66; et Krantz c. Procureur générale du Québec, 2017 QCCS 5115, par. 48.
[10] Pièce AC-1 : Convention d’honoraires et mandat professionnel, 25 juin 2020.
[11] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 60.
[12] Therrien c. Sony Interactive Entertainment, 2021 QCCS 2823, par. 26; et Pellemans c. Lacroix, 2011 QCCS 1345, par. 48.
[13] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 66.
[14] Regroupement des citoyens du quartier Saint-Georges inc. c. Alcoa Canada ltée, 2022 QCCS 2071, par. 101.
[15] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 61; et Loi sur le fonds d’aide aux actions collectives, RLRQ c F-3.2.0.1.1, art. 32.
[16] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 67.
[17] Therrien c. Sony Interactive Entertainment, 2021 QCCS 2823, par. 27; et Apple Canada Inc. c. St-Germain, 2010 QCCA 1376, par. 36.
[18] Code des professions, RLRQ, c. C-26.
[19] Loi sur le Barreau, RLRQ c. B-1.
[20] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 64.
[21] Code de déontologie des avocats, art. 101.
[22] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 65.
[23] Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1.
[24] Option Consommateurs c. Banque Amex du Canada, 2018 QCCA 305, par. 66.
[25] Beauchamp c. Procureure générale du Québec, 2019 QCCS 2421, par. 83 à 87.
[26] David Stolow et Robert Kugler, « L’étape du recouvrement en matière de recours collectif : les enjeux et les objectifs sociaux », dans Service de la qualité de la profession, Barreau du Québec, vol. 410, Colloque national sur l’action collective : Développements récents au Québec, au Canada et aux États-Unis, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2016, p. 317
[27] Voir à titre d’exemple, Schneider (Succession de Schneider) c. Centre d’hébergement et de soins de longue durée Herron, 2021 QCCS 1808, par. 57 à 59.
[28] Voir par exemple : Bouchard c. Audi Canada inc., 2021 QCCS 10, par. 38 et 43 (33 %, mais en fonction d’un multiplicateur de 0,9); et Girard c. Vidéotron, 2019 QCCS 2412, par. 33 (30 %) (demande pour permission d'appeler rejetée, 2019 QCCA 1531).
[29] Voir par exemple : Abihsira c. Stubhub inc., 2020 QCCS 2593, par. 76 (15 %); et Allen c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2018 QCCS 5313, par. 210 (18,2 %).
[30] Therrien c. Sony Interactive Entertainment, 2021 QCCS 2823, par. 35.
[31] Pièce AC-5 : Feuille de calcul des honoraires.
[32] Pièce AC-6 : Extrait de Procès-verbal d’une assemblée du conseil d’administration.
[33] Pièce AC-7 : Feuille de calcul des débours.
[34] Loi sur le fonds d’aide aux actions collectives, RLRQ, c. F-3.2.0.1.1, art. 7.
[35] Règlement sur le pourcentage prélevé par le Fonds d’aide aux actions collectives, c. F-3.2.0.1.1, r. 2.
[36] Entente de règlement, par. 52 à 55.
[37] Protocole régissant la liquidation des réclamations individuelles, par 6.4.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.