Décision

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Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Michel) c. Ville de Terrebonne (Service de police)

2025 QCTDP 15

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

 

 :

700-53-000051-239

 

DATE :

5 mai 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JOHANNE GAGNON

AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURS :

 

Me Daniel Proulx, avocat à la retraite

Me Gabriel Babineau

______________________________________________________________________

 

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, agissant dans l’intérêt public et en faveur de TED MICHEL

Partie demanderesse

c.

VILLE DE TERREBONNE (service de police),

FÉLIX FREIRE

et

CHRISTOPHER LE BRASSEUR

Parties défenderesses

et

TED MICHEL

Partie victime et plaignante

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

APERÇU

  1.           La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) agit dans l’intérêt public et en faveur de monsieur Ted Michel.
  2.           Ce dernier, un homme noir, a été intercepté par deux policiers du Service de police de la Ville de Terrebonne (SPVT), les agents Félix Freire et Christopher Le Brasseur (collectivement les Policiers), le 8 décembre 2020, alors qu’il était au volant du véhicule de sa conjointe.
  3.           La CDPDJ avance qu’à cette occasion, monsieur Michel a subi un traitement différencié en raison de la couleur de sa peau, de sa race et de son sexe, en ce que :
  1.          il a été intercepté et a fait l’objet de demandes d’identification insistantes et injustifiées de la part des Policiers ;
  2.          les Policiers ont fait des vérifications injustifiées à son sujet auprès de son employeur et du Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ) ;
  3.           les Policiers lui ont remis quatre (4) constats d’infraction totalisant 1002 $ ; et
  4.          les Policiers ne lui ont fourni aucune explication quant aux motifs de son interception et des demandes d’identification dont il a fait l’objet.
  1.           La CDPDJ plaide qu’en agissant comme ils l’ont fait, les Policiers ont compromis le droit de monsieur Michel à l’égalité dans le respect ou la reconnaissance des droits prévus aux articles 1, 4, 5, 10, 12 et 24 de la Charte des droits et libertés de la personne[1]. La CDPDJ demande que les Policiers soient condamnés, solidairement avec la Ville de Terrebonne (Ville), en tant que commettante, à payer à monsieur Michel la somme de 12 000 $ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral. Elle réclame également à chacun des Policiers, pour et au nom de monsieur Michel, la somme de 3 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.
  2.           Au surplus, la CDPDJ demande, dans l’intérêt public, que diverses ordonnances soient émises afin de cesser toute pratique de profilage au sein du SPVT.
  3.           En défense, la Ville et les Policiers soutiennent que l’interception du 8 décembre 2020 était permise par les dispositions de l’article 636 du Code de la sécurité routière[2] et justifiée par le fait que monsieur Michel ne correspondait pas à la description du propriétaire du véhicule qu’il conduisait ce soir-là. Ils nient que la race et/ou la couleur de monsieur Michel ait eu quelque incidence que ce soit sur la tournure des événements.
  4.           En somme, les Policiers plaident avoir simplement accompli leur travail, et ce, sans aucune discrimination à l’égard de monsieur Michel.
  5.           Afin de trancher ce litige, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
  1.          Monsieur Michel a-t-il été victime de discrimination par profilage racial lors de l’intervention policière du 8 décembre 2020 ?
  2.          Le cas échéant, les réparations monétaires réclamées sont-elles justifiées et les ordonnances recherchées dans l’intérêt public sont-elles appropriées dans les circonstances ?
  1.           Le Tribunal conclut que le recours de la CDPDJ doit être accueilli en partie. Voici pourquoi.

CONTEXTE

  1.       Pour les fins de son analyse, le Tribunal retient les faits suivants.
  2.       Monsieur Michel travaille comme chauffeur auprès de la Société des transports de Montréal (STM) depuis plus de quinze ans.
  3.       Vers 18 h 30 le 8 décembre 2020, alors qu’il est en vacances, monsieur Michel circule sur la Montée des Pionniers à Terrebonne, en direction sud-ouest, au volant d’une voiture de marque Lexus, année 2007, propriété de sa conjointe, madame Darlène Joinville. Il est seul dans le véhicule.
  4.       Arrivé à l’intersection de la Montée des Pionniers et de la rue Pierre-Laporte, il s’arrête au feu de circulation et attend, dans la voie de gauche, que le feu change au vert. Il y a quelques voitures devant lui.
  5.       Au même moment, les Policiers circulent à bord de leur véhicule de patrouille dans le même secteur. Arrêtés sur la rue Pierre-Laporte, à l’intersection de la Montée des Pionniers, ils attendent que le feu de circulation change au vert pour tourner à gauche sur la Montée des Pionniers, en direction nord-est. L’agent Le Brasseur est au volant alors que l’agent Freire prend place du côté passager.
  6.       Les Policiers sont à faire ce qu’ils appellent une opération CSR c’est-à-dire qu’ils vérifient le port de la ceinture de sécurité et l’usage illicite du téléphone cellulaire au volant. Pour accomplir cette tâche, ils roulent lentement et observent les conducteurs qui sont immobilisés aux feux de circulation, dans la voie opposée. Ils éclairent l’intérieur de l’habitacle avec une lampe de poche afin de vérifier le comportement des conducteurs. Selon l’agent Freire, l’opération ne prend qu’une à deux secondes par véhicule.
  7.       Les Policiers effectuent le virage sur la Montée des Pionniers et, lorsqu’ils croisent la file de véhicules dans laquelle monsieur Michel se trouve, ils avancent plus tranquillement. Ils s’arrêtent à chaque véhicule pour que l’agent Le Brasseur en illumine l’habitacle avec une lampe de poche.
  8.       Lorsque les Policiers arrivent à la hauteur de monsieur Michel, ce dernier a un contact visuel avec chacun des agents. Bien que monsieur Michel porte sa ceinture de sécurité et n’ait pas de téléphone cellulaire, les Policiers prennent en note son numéro de plaque d’immatriculation et font des vérifications au CRPQ. Ils apprennent que la voiture conduite par monsieur Michel n’a pas été rapportée comme volée, qu’elle appartient à Darlène Joinville et que cette dernière a un dossier commun avec un certain Ted Michel.
  9.       Dans l’intervalle, le feu de circulation devient vert et monsieur Michel continue sa route. Un peu plus loin, alors qu’il circule sur le Chemin Saint-Charles, quelques mètres avant la rue des Migrateurs, les Policiers viennent se placer derrière lui, gyrophares allumés. Ils lui signalent d’immobiliser son véhicule.
  10.       Monsieur Michel tourne à gauche sur la rue des Migrateurs et se range sur le côté de la route. Les Policiers stationnent leur véhicule derrière le sien. Ils sortent de leur voiture et s’approchent de celle de monsieur Michel, l’agent Le Brasseur du côté conducteur et l’agent Freire du côté passager.
  11.       Une conversation s’ensuit entre l’agent Le Brasseur et monsieur Michel. Pendant ce temps, l’agent Freire demeure du côté du passager et assure la sécurité de son collègue. À l’aide de sa lampe de poche, il regarde les mains du conducteur et inspecte visuellement l’intérieur du véhicule afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’arme ou d’autres objets dangereux. Il ne voit rien de suspect mais remarque une vignette de stationnement STM à l’avant du véhicule. Bien qu’il entende ce que l’agent Le Brasseur dit au conducteur, il n’entend pas les réponses de ce dernier puisque la vitre du côté passager est montée.
  1.       Dès que l’agent Le Brasseur aborde monsieur Michel et lui demande son permis de conduire, une preuve d’assurance et le certificat d’immatriculation, ce dernier est déjà en colère et peu réceptif. Estimant qu’il n’a rien à se reprocher, il exprime d’entrée de jeu à l’agent Le Brasseur qu’ils n’ont pas le droit de faire des interceptions aléatoires, que c’est du racisme et du profilage racial. Il refuse de s’identifier et de remettre les documents que l’agent Le Brasseur lui demande de fournir.
  2.       Un échange sans issue s’installe entre les deux hommes.
  3.       L’agent Le Brasseur dit alors à monsieur Michel qu’il va lui donner quelques minutes pour réfléchir et revenir. Les Policiers retournent au véhicule de patrouille.
  4.       Monsieur Michel en profite alors pour faire un appel vidéo avec un ami, Joseph Skenson Gilcin, à qui il explique la situation dans laquelle il se trouve. Il est encore en ligne avec ce dernier lorsque les Policiers reviennent le voir. Monsieur Gilcin s’adresse alors à l’agent Le Brasseur et lui dit qu’ils n’ont pas le droit d’arrêter monsieur Michel ainsi, sans lui donner d’explication.
  5.       L’agent Le Brasseur réitère sa demande de voir les papiers. Monsieur Gilcin demande quel est le motif de l’interception, ce à quoi l’agent Le Brasseur répond qu’il souhaite vérifier l’identité du conducteur.
  6.       Après quelques échanges entre l’agent Le Brasseur et monsieur Gilcin, le policier demande à monsieur Michel si un mandat a été émis contre lui. Ce dernier refuse de remettre les documents demandés et répond que oui, un mandat a été émis contre lui et les invite à l’arrêter, sur un ton sarcastique.
  7.       L’agent Le Brasseur informe alors monsieur Michel qu’à défaut d’obtempérer à la demande de documents, il devra être mis en état d’arrestation.
  8.       Pendant cet échange, l’agent Freire ouvre la portière du côté passager. Ayant constaté que l’agent Le Brasseur n’avait pas un bon contact avec monsieur Michel, il désire offrir à ce dernier l’opportunité de discuter avec quelqu’un d’autre que l’agent Le Brasseur. Cependant, monsieur Michel le pointe immédiatement de sorte que l’agent Freire referme aussitôt la porte.
  9.       Étant d’avis que monsieur Michel semble vouloir provoquer une scène, les Policiers reviennent à leur véhicule pour lui donner le temps de se calmer. Pressentant qu’ils devront procéder à l’arrestation de monsieur Michel, ils demandent du renfort pour s’assurer d’être en supériorité numérique si jamais la situation devait dégénérer.
  10.       Au bout de quelques minutes, les Policiers retournent vers monsieur Michel alors qu’un autre véhicule de patrouille arrive sur les lieux, en renfort. Dans l’intervalle, monsieur Michel a mis fin à l’appel avec monsieur Gilcin et, suivant les conseils de ce dernier, il remet alors les documents demandés.
  11.       De retour à leur propre véhicule, les Policiers constatent que les documents de monsieur Michel semblent valides. Ils font toutefois de nouvelles vérifications au CRPQ et apprennent que monsieur Michel a déposé une plainte de supposition de personne (vol d’identité). Ils entreprennent alors d’autres démarches pour confirmer l’identité de monsieur Michel. Ils vérifient les numéros de téléphone au dossier de ce dernier et en voient trois : domicile, travail et cellulaire. Ils appellent au numéro de l’employeur et parlent au superviseur de monsieur Michel qui leur donne le numéro de cellulaire de ce dernier.
  12.       Monsieur Michel reçoit immédiatement un appel de son superviseur. C’est ainsi que monsieur Michel apprend que les Policiers ont communiqué avec son employeur.
  13.       Au même moment, alors que les Policiers retournent vers le véhicule de monsieur Michel, ils appellent le numéro de cellulaire que leur a donné le superviseur de monsieur Michel.
  14.       Alors que monsieur Michel répond à l’appel, les Policiers arrivent à sa hauteur. L’agent Le Brasseur lui remet ses documents et lui explique qu’il l’a appelé pour vérifier son identité en raison de la plainte de vol d’identité qu’il a déposée. Monsieur Michel lui répond qu’il n’avait pas à appeler son employeur. Il demande d’avoir le nom des Policiers afin de déposer une plainte en déontologie. L’agent Le Brasseur lui donne les informations demandées et lui indique qu’il va revenir avec les constats d’infraction, après quoi monsieur Michel pourra quitter.
  15.       Quelques minutes plus tard, l’agent Le Brasseur revient et remet les constats à monsieur Michel, soit :
  1.          un constat de 171 $ pour avoir refusé de remettre le certificat d’immatriculation du véhicule ;
  2.          un constat de 171 $ pour avoir refusé de remettre l’attestation d’assurance ;
  3.           un constat de 171 $ pour avoir refusé de remettre le permis de conduire ;
  4.          un constat de 489 $ pour avoir entravé le travail d’un agent de la paix.
  1.       Un court échange s’ensuit, au cours duquel monsieur Michel manifeste son mécontentement face aux constats, insistant sur le fait qu’il a remis les documents aux Policiers. L’agent Le Brasseur lui explique que l’intervention a duré plus de 45 minutes alors qu’habituellement, 10 minutes suffisent. Monsieur Michel accuse à nouveau les Policiers de faire du profilage alors que l’agent Le Brasseur retourne au véhicule de patrouille.
  2.       Deux jours plus tard, monsieur Michel dépose une plainte à la CDPDJ.
  3.       Par divers jugements rendus le 6 octobre 2022, les constats sont annulés.
  4.       Le 2 février 2023, la CDPDJ rend la décision numéro CP-810.7 aux termes de laquelle elle conclut que, selon la preuve obtenue dans le cadre de son enquête, monsieur Michel a été victime d’un traitement différencié ou inhabituel en raison de la couleur de sa peau, de sa race et de son sexe. Le 13 avril 2023, elle fait signifier aux Policiers ainsi qu’à la Ville les mesures de redressement qu’elle propose en vertu de l’article 79 de la Charte.
  5.       La CDPDJ intente le recours devant le Tribunal en août 2023.

ANALYSE

  1. Les principes applicables
  1. La discrimination et le profilage racial
  1.       Dans l’arrêt Bombardier, la Cour suprême du Canada explique que le profilage racial est un concept qui a au départ été élaboré dans le cadre de certains recours pour abus de pouvoirs intentés contre des services policiers, mais qui, au fil du temps, a été étendu à d’autres contextes[3]. Elle en adopte la définition suivante, proposée par la CDPDJ :

Le profilage racial désigne toute action prise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs d’appartenance réels ou présumés, tels la race, la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différent.

Le profilage racial inclut aussi toute action de personnes en situation d’autorité qui appliquent une mesure de façon disproportionnée sur des segments de la population du fait, notamment, de leur appartenance raciale, ethnique ou nationale ou religieuse, réelle ou présumée.[4]

(Soulignements omis)

  1.       Quelques années plus tard, en 2019, la Cour Suprême précise ce qui suit au sujet du profilage racial exercé dans le contexte d’une intervention policière :

[76] […] la notion de profilage racial s’attache principalement à la motivation des agents de police. Le profilage racial se produit lorsque la race ou les stéréotypes raciaux concernant la criminalité ou la dangerosité sont dans une quelconque mesure utilisés, consciemment ou inconsciemment, dans la sélection des suspects ou le traitement des individus […].[5]

(Références omises)

  1.       En somme, le profilage racial ne constitue nulle autre chose qu’une forme de discrimination, et, à ce titre, est interdit par la Charte[6]. En effet, par le jeu de ses articles 10 et 49, la Charte interdit toute forme de discrimination et permet aux personnes qui en sont victimes d’obtenir réparation :

10.  Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

  1.       Par conséquent, pour conclure à l’existence de profilage racial, les trois éléments de la discrimination doivent être mis en preuve, à savoir : 1) une distinction de traitement, une exclusion ou une préférence ; 2) un lien entre cette distinction et une ou plusieurs caractéristiques personnelles mentionnées à l’article 10 de la Charte ; et 3) un effet préjudiciable consistant à brimer le droit à l’égalité dans la reconnaissance ou l’exercice d’un droit ou d’une liberté garanti par la Charte[7].
  2.       Ainsi, toute allégation de profilage racial doit être analysée selon la méthode en deux volets élaborée par la Cour suprême du Canada en matière de discrimination[8].
  3.       Le premier volet de cette méthode vise à déterminer si la partie demanderesse a établi, par une preuve prépondérante, l’existence des trois éléments constitutifs de la discrimination[9]. Dans l’affirmative, le Tribunal conclura que la discrimination a été prouvée prima facie et passera au second volet de l’analyse, lequel consiste pour sa part à déterminer si la partie défenderesse a réussi à réfuter les allégations de discrimination ou à les justifier[10], et ce, pour chacune des étapes de l’intervention dont il est question :

[199] Par ailleurs, comme il est possible de conclure à l’existence de profilage racial lorsque des motifs légitimes au départ sont écartés aux étapes subséquentes d’une intervention, la partie défenderesse doit établir sa défense à chacune des étapes de celle-ci afin de repousser efficacement les allégations qui lui sont reprochées. Elle devra ainsi démontrer qu’à aucun moment des considérations discriminatoires n’ont entaché son intervention, ni entraîné un traitement différencié du plaignant en raison de sa couleur ou de son origine ethnique.[11]

(Références omises)

  1.       Abordons plus en profondeur chacun des volets de l’analyse.
  1.          Premier volet
  1.       En ce qui concerne ce volet, la partie demanderesse doit faire la preuve de l’existence des trois éléments constitutifs de la discrimination.
  1.             Une distinction, exclusion ou préférence
  1.       En matière de profilage racial, il s’agit d’établir que la victime a subi un traitement inhabituel ou différent des pratiques habituelles. Le droit à l’égalité étant un droit comparatif, l’analyse consiste à comparer le traitement auquel la victime a été soumise avec celui qui est généralement appliqué à d’autres personnes dans des circonstances analogues[12]. En d’autres termes, la preuve montre-t-elle un écart de conduite de la part des policiers dans des circonstances semblables ? Ces derniers auraient-ils agi de façon différente si la victime n’avait pas été membre d’un groupe protégé par la Charte ou perçue comme tel ?[13]
  1. Un lien entre la décision ou l’intervention contestée et une ou plusieurs caractéristiques personnelles mentionnées à l’article 10 de la Charte
  1.       Il s’agit ici de démontrer que le traitement accordé à la victime a un lien avec l’un des motifs de discrimination prohibé par la Charte.
  2.       Précisons que ce lien se distingue du lien de causalité exigé en matière de responsabilité civile. Alors que ce dernier réfère à la conséquence logique, directe et immédiate entre un comportement et sa conséquence[14], en matière de discrimination, il suffira que l’une des caractéristiques prévues à la Charte ait constitué un facteur dans le traitement accordé à la victime.
  3.       En matière de profilage racial, l’existence d’un lien direct est requise puisque « le profilage racial s’attache principalement à la motivation des agents de police »[15]. En d’autres termes, la preuve doit établir que la personne en autorité a posé le geste qu’on lui reproche en raison, entre autres, de l’une des caractéristiques personnelles énumérées à l’article 10 de la Charte[16]. Autrement dit, la partie demanderesse doit démontrer que le motif de discrimination, par exemple la race ou la couleur, a joué un certain rôle ou a été un facteur contributif, parmi d’autres, dans la décision de traiter une personne plus mal que les autres[17].
  4.       Comme l’affirme le Tribunal dans l’affaire Nyembwe, « [l]orsque la race ou les stéréotypes raciaux influencent le choix et le traitement d’un suspect, ces biais contaminent les soupçons à l’origine de l’interpellation et invalident le choix du suspect. Accepter qu’il en soit autrement équivaudrait à cautionner le profilage racial »[18].
  5.       Étant donné que les actes discriminatoires sont le plus souvent inconscients et multifactoriels, la preuve de l’intention de discriminer ou d’un état d’esprit raciste n’est pas requise pour démontrer l’existence d’une pratique de profilage racial[19]. Il est suffisant, mais essentiel, de démontrer que la race ou la couleur a joué un rôle quelconque dans la décision ou l’action policière.
  6.       Cette preuve est absolument critique et souvent difficile à faire puisque les policiers peuvent ne pas être conscients de leurs préjugés à l’égard des personnes racisées et du fait qu’ils sont parfois influencés par les caractéristiques personnelles des sujets qu’ils interpellent[20].

 

 

  1. Un effet préjudiciable consistant à brimer le droit à l’égalité dans la reconnaissance ou l’exercice d’un droit ou d’une liberté garanti par la Charte
  1.       Enfin, la partie demanderesse doit démontrer que le traitement différencié que lui a fait subir la personne en autorité, en lien avec une de ses caractéristiques personnelles, a eu pour effet de le pénaliser et d’ainsi compromettre son droit à l’égalité dans la reconnaissance ou l’exercice d’un droit ou d’une liberté qui lui sont garantis par la Charte[21].
  2.       En matière de profilage racial, les droits en cause sont souvent le droit à la sauvegarde de sa dignité (art. 4) ; le droit à des services publics sans discrimination (art. 12 et 15) ; le droit à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté (art. 1) ; le droit de ne pas être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite (art. 24) ; le droit de ne pas faire l’objet de saisies, perquisitions ou fouilles abusives (art. 24.1) ; le droit d’être traité avec humanité lorsqu’on est arrêté ou détenu par les forces de l’ordre (art. 25).
  3.       Toutefois, ce troisième élément de la discrimination n’exige pas que la partie demanderesse fasse la preuve d’une double violation de ses droits[22]. Par conséquent, il peut y avoir profilage racial et violation du droit à l’égalité garanti par l’article 10 dans les conditions ou modalités d’exercice d’un autre droit ou liberté garanti par la Charte sans que cet autre droit ou liberté soit nécessairement nié ou violé en tant que tel puisque « le centre de l’attention doit demeurer la norme anti-discrimination »[23].
  4.       Bien que la discrimination doive avoir lieu dans le domaine protégé des droits et libertés, seul le droit à l’égalité doit être compromis ou nié. Le second alinéa de l’article 10 précise en effet qu’« il y a discrimination lorsqu’une telle distinction […] a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit », à savoir le « droit à l’égalité dans la reconnaissance et l’exercice des droits et libertés » comme le confirme le titre du chapitre 1.1 de la Charte consacré au droit à l’égalité.
  5.       Cependant, si la pratique discriminatoire a eu pour effet supplémentaire de nier un autre droit garanti par la Charte, ce qui arrive fréquemment, il va sans dire que le troisième élément sera alors établi[24]. Il s’agira dans ce cas-là d’une atteinte discriminatoire à un droit ou à une liberté garanti par la Charte alors que, dans le premier cas, on constatera plutôt une atteinte au droit à l’égalité dans l’exercice d’un droit ou d’une liberté garanti par la Charte.
  1.       En l’espèce, le recours de la CDPDJ fait intervenir, en plus des articles 10 et 49 de la Charte précités, les droits et libertés prévus aux dispositions suivantes de celle-ci :

1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.

Il possède également la personnalité juridique.

4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

12. Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.

24. Nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite.

  1.          Second volet
  1.       À cette étape de l’analyse, le Tribunal doit s’attarder aux moyens de défense dont dispose la partie défenderesse, soit la réfutation des allégations de discrimination et la justification de l’action discriminatoire[25].
  2.       En ce qui concerne la réfutation, les policiers doivent démontrer qu’à chaque étape de l’intervention policière en cause, la victime n’a pas été traitée plus mal qu’un autre citoyen, que sa couleur ou sa race n’a joué aucun rôle dans leurs décisions et qu’il n’y a eu aucune compromission du droit à l’égalité de la victime dans la reconnaissance ou l’exercice d’un droit ou d’une liberté qui lui est garanti par la Charte[26].
  3.       En général, la partie défenderesse y parviendra en prouvant que l’intervention policière était fondée uniquement sur des motifs objectifs, raisonnables, crédibles et légaux comme la commission d’une infraction en cours sans que des préjugés ou stéréotypes associés à la race, la couleur ou un autre motif discriminatoire en vertu de l’article 10 de la Charte ait pu influer de quelque manière que ce soit sur l’intervention[27]. 
  4.       Il s’agit en somme de faire la distinction ici entre le profilage criminel non discriminatoire parce que découlant de preuves objectives d’un comportement délictueux du profilage racial fondé sur des préjugés et jugements stéréotypés[28].
  5.       Précisons qu’au stade de la réfutation, l’analyse fondée sur l’article 10 de la Charte ne porte pas sur le caractère adéquat ou raisonnable de l’intervention policière en elle-même, mais plutôt sur son caractère discriminatoire[29]. Par conséquent, il peut y avoir profilage racial à l’occasion d’une intervention par ailleurs légale[30].
  6.       Dans la mesure où la partie défenderesse échoue à réfuter les allégations de discrimination, la partie défenderesse peut alors passer à l’étape de la justification, c’est-à-dire tenter de justifier l’action jugée discriminatoire prima facie en invoquant les exemptions prévues par la Charte ou celles qui ont été développées par la jurisprudence[31].
  7.       Rappelons qu’à l’origine, la défense de justification a été développée en matière d’emploi[32] mais qu’elle a été étendue, avec les adaptations nécessaires, aux autres domaines visés par la Charte, et ce, en raison des caractéristiques générales du droit à l’égalité réelle[33].
  8.       Comme l’enseigne la Cour d’appel dans l’arrêt Radio Lounge Brossard[34], pour avoir gain de cause sur une défense de justification dans le contexte de l’accès aux lieux publics et aux services qui y sont disponibles, ce qui inclut incidemment les services de police municipaux[35], la partie défenderesse doit démontrer que :

-         sa décision est rationnellement liée à la poursuite d’objectifs légitimes ;

-         elle est raisonnablement nécessaire à l’atteinte de ses objectifs ; et[36]

-         elle intègre un accommodement ou, au contraire, qu’il lui est impossible de composer avec la partie demanderesse sans subir une contrainte excessive.

  1. La norme de preuve applicable
  1.       Comme pour les autres formes de discrimination, la norme de preuve applicable en matière de profilage racial est celle qui est utilisée en matière civile, soit la règle de la prépondérance des probabilités[37].
  2.       Selon cette règle, un fait sera considéré comme prouvé si le Tribunal est convaincu que son existence est plus probable que son inexistence. Il ne s’agit donc pas de démontrer qu’un fait est possible, mais plutôt de démontrer qu’il est probable[38]. Lorsque la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante et qu’il est impossible pour le juge de cerner la vérité, celui sur qui reposait le fardeau perdra[39].
  3.       Ainsi, en matière de profilage racial, la partie demanderesse doit établir, par une preuve prépondérante, chacun des trois éléments de la discrimination. Si elle réussit, la partie défenderesse pourra, par une preuve prépondérante, réfuter les allégations de discrimination, ou à défaut, justifier l’action discriminatoire.
  4.       La jurisprudence du Tribunal en matière de profilage racial est claire sur l’exercice d’appréciation auquel le Tribunal doit se livrer :

[196] […] L’appréciation de la preuve par le Tribunal doit lui permettre de conclure que l’explication la plus rationnelle ou vraisemblable de la conduite de la personne en autorité est liée à un ou plusieurs des motifs interdits de discrimination énoncés à l’article 10 de la Charte.[40]

(Références omises)

  1. La preuve circonstancielle et le contexte social
  1.       Pour avoir gain de cause, la partie demanderesse doit étayer son allégation de profilage racial par des éléments de preuve objectifs et factuels et ne peut s’en remettre uniquement à la perception de la victime[41].
  2.       Cela étant, rappelons que :

[295] […] [l’existence] de profilage racial sera rarement prouvée par des preuves directes. Sauf exception, il ne faut en effet pas compter que les policiers, même par inadvertance, admettent avoir été influencés par des stéréotypes raciaux dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires d’intercepter et d’arrêter quelqu’un. Par ailleurs, un policier peut subjectivement ignorer qu’il se livre à du profilage racial. Le phénomène sera donc essentiellement prouvé par des inférences tirées de preuves circonstancielles, indirectes et indicielles, et par présomptions de fait[42].

  1.       Il est par conséquent fondamental que les circonstances entourant l’intervention dont il est question soient prises en considération au moment de l’analyse. Tout en observant la règle de la prépondérance, les tribunaux doivent être sensibles aux éléments de nature circonstancielle permettant d’établir si la race ou la couleur a, d’une façon ou d’une autre, été un facteur contributif dans la décision de traiter une personne plus mal que les autres[43].
  2.       Par exemple, la conduite des policiers avant, pendant et après l’interception, les raisons invoquées pour justifier l’interception de la victime ou encore l’absence de cohérence entre ces raisons et les paroles et les gestes des policiers, sont autant d’éléments de preuve qui peuvent permettre au Tribunal d’évaluer si la race ou la couleur de la victime a joué un rôle dans le comportement reproché. Rappelons à ce sujet que les explications inconcevables ou divergentes pourront peser lourd dans l’analyse[44].
  3.       Le contexte social constitue un élément important de la preuve circonstancielle dont le Tribunal doit tenir compte. Il inclut le phénomène du profilage racial dans les forces policières et il est de connaissance d’office[45]. Bien qu’il soit insuffisant à lui seul pour prouver la commission d’un acte de profilage discriminatoire dans une situation donnée, le contexte social permet d’établir en quelque sorte la toile de fond dans laquelle s’inscrit l’intervention reprochée[46]. Il peut contribuer à expliquer certains aspects de la preuve et éclairer le Tribunal dans sa réflexion.
  1. La crédibilité des témoins
  1.       La crédibilité des témoins constitue un élément déterminant de l’analyse des faits qui font l’objet de versions contradictoires. Il convient de reprendre ici les propos du Tribunal au sujet de son rôle à cet égard :

[166] Afin d’évaluer la crédibilité des témoins, le Tribunal « doit analyser la fiabilité des témoignages par la vraisemblance de leurs propos et la concordance des faits ». Pour ce faire, il doit « tenir compte de tous les éléments intrinsèques et extrinsèques aux témoignages entendus et, le cas échéant, de leurs contradictions et leur compatibilité avec l’ensemble des circonstances et des probabilités révélées par la preuve ».

[167] Le Tribunal tient aussi à rappeler le principe bien établi selon lequel il peut retenir en totalité ou en partie le témoignage d’une personne ou ne pas la croire du tout.[47]

(Références omises)

  1.       Dans J.R. c. R.[48], la Cour d’appel du Québec explique que les notions de fiabilité et de crédibilité ne doivent pas être confondues :

[49] Comme le soutient l’appelant, les notions de fiabilité et de crédibilité sont distinctes. La fiabilité a trait à la valeur d’une déclaration faite par un témoin alors que la crédibilité se réfère à la personne. Mon collègue, le juge François Doyon, expose fort bien la différence qu’on doit faire entre ces concepts :

La crédibilité se réfère à la personne et à ses caractéristiques, par exemple son honnêteté, qui peuvent se manifester dans son comportement. L’on parlera donc de la crédibilité du témoin.

La fiabilité se réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin. L’on parlera de la fiabilité de son témoignage, autrement dit d’un témoignage digne de confiance.

Ainsi, il est bien connu que le témoin crédible peut honnêtement croire que sa version des faits est véridique, alors qu’il n’en est rien et ce, tout simplement parce qu’il se trompe ; la crédibilité du témoin ne rend donc pas nécessairement son récit fiable.

[50] Une personne crédible peut donc faire une déclaration non fiable.

  (Référence omise)

  1. Monsieur Michel a-t-il été victime de discrimination par profilage racial ?
  1.       Appliquant les principes énoncés ci-avant au cas à l’étude, le Tribunal est convaincu que monsieur Michel a été victime de discrimination par profilage racial, et ce, à chacune des étapes de l’intervention du 8 décembre 2020, à savoir :

-                 lorsque les Policiers l’identifient comme suspect ;

-                 lorsque les Policiers l’interceptent ;

-                 lorsque les Policiers effectuent des recherches sur lui, incluant auprès de son employeur ; et

-                 lorsque les Policiers lui remettent les constats.

  1.       Rappelons qu’il ne s’agit pas de déterminer si l’intervention des Policiers était raisonnable mais plutôt de décider si elle était discriminatoire au sens de l’article 10 de la Charte, en d’autres termes, si elle a compromis le droit à l’égalité de monsieur Michel.
  1. Les objections à la preuve
  1.       Avant toute chose, le Tribunal doit trancher deux objections fondées sur le ouï-dire soulevées par les Policiers et la Ville lors du témoignage de monsieur Michel.
  2.       Les Policiers et la Ville s’objectent premièrement à ce que monsieur Michel rapporte les paroles de deux superviseurs de la STM, tenus à deux occasions différentes, soit :

-         les propos du superviseur André Gendron lorsque ce dernier communique avec monsieur Michel après avoir reçu l’appel des Policiers ; et

-         les propos d’un autre superviseur à qui monsieur Michel s’adresse à son retour au travail afin de lui faire part des événements.

  1.       Ensuite, les Policiers et la Ville s’objectent à ce que monsieur Michel rapporte les propos et blagues que ses collègues ont tenus à son endroit après son retour au travail.
  2.       Rappelons tout d’abord que la prohibition du ouï-dire découle de la définition du témoignage prévue à l’article 2843 C.c.Q. :

2843. Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne relate les faits dont elle a eu personnellement connaissance ou par laquelle un expert donne son avis.

Il doit, pour faire preuve, être contenu dans une déposition faite à l’instance, sauf du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi.

  1.       Par ailleurs, l’article 123 de la Charte énonce :

123. Tout en étant tenu de respecter les principes généraux de justice, le Tribunal reçoit toute preuve utile et pertinente à une demande dont il est saisi et il peut accepter tout moyen de preuve.

Il n’est pas tenu de respecter les règles particulières de la preuve en matière civile, sauf dans la mesure indiquée par la présente partie.

  1.       Dans l’arrêt Bombardier[49], la Cour suprême du Canada indique que cette dernière disposition :

[67] […] a pour objet d’assouplir les règles d’admissibilité et d’administration de la preuve, mais non la norme de preuve habituellement exigée en matière civile. Dans les faits, cela veut dire que le Tribunal peut accepter tout moyen de preuve – écrit, présomption, témoignage, aveu ou présentation d’éléments matériels. Comme il n’est pas tenu de respecter les règles particulières de la preuve en matière civile, il pourrait, à titre d’exemple, accepter à certaines conditions une preuve par ouï-dire. […]

  1.       Rappelons par ailleurs que la prohibition du ouï-dire, lorsqu’elle s’applique, n’empêche pas d’introduire en preuve la déclaration d’un tiers pour d’autres fins que celle d’établir la véracité du contenu de la déclaration en question[50]. Ainsi, si les paroles d’un tiers sont rapportées pour faire la preuve de l’existence d’une déclaration, il ne s’agit pas de ouï-dire mais plutôt d’un fait dont l’admissibilité est régie par la règle de la pertinence[51]. Or, le Tribunal est d’avis que c’est le cas en l’espèce.
  1.       En effet, les propos dont il est question ici ne sont pas au cœur du litige et n’ont aucun impact sur la décision que le Tribunal doit rendre sur la question de savoir si monsieur Michel a fait l’objet de discrimination par profilage racial le soir du 8 décembre 2020. Tout au plus, il s’agit d’éléments de preuve qui sont pertinents pour comprendre l’impact que les événements du 8 décembre 2020 ont eu sur monsieur Michel.
  2.       Tout d’abord, il est clair pour le Tribunal que monsieur Michel veut établir la façon dont il a appris que les Policiers avaient communiqué avec son superviseur, à savoir par l’appel du superviseur André Gendron le soir des événements. Or, les Policiers reconnaissent que, dans leur quête de confirmer l’identité de monsieur Michel, ils ont effectivement communiqué avec monsieur Gendron ce soir-là. Par conséquent, ce témoignage ne fait qu’établir qu’une déclaration a été faite par monsieur Gendron lors de son appel à monsieur Michel, sur un fait qui est par ailleurs admis, à savoir l’appel qu’il a reçu des Policiers. Au surplus, les propos de monsieur Gendron ont été adressés directement à monsieur Michel et leur teneur exacte n’est pas déterminante dans l’analyse.
  3.       Ensuite, monsieur Michel veut faire la preuve de son mécontentement face au comportement de monsieur Gendron et des démarches qu’il a prises à ce sujet soit, qu’à son retour au travail, il a discuté de la situation avec son superviseur immédiat. En d’autres termes, ce témoignage vise bien plus à établir la démarche effectuée par monsieur Michel que la réponse qu’il a reçue lors de cette conversation. En somme, ce témoignage ne fait qu’établir qu’une déclaration a été faite par le superviseur, sans que le Tribunal ne tienne pour acquis la véracité de celle-ci.
  4.       Finalement, monsieur Michel veut faire la preuve des difficultés qu’il a vécues dans son milieu de travail, après son retour de vacances. Il s’agit de faits dont monsieur Michel a été un témoin direct, étant celui à qui les blagues ont été faites ou les propos tenus. Encore une fois, ce témoignage ne fait qu’établir que des déclarations ont été faites par ces tiers, sans que le Tribunal ne tienne pour acquis la véracité de celles-ci.
  5.       Le Tribunal précise qu’il n’a aucune raison de mettre en doute la crédibilité de monsieur Michel. Ce dernier témoigne avec assurance, de façon sincère et transparente. Aux yeux du Tribunal, des oublis mineurs ici et là, sur des faits secondaires, sont insuffisants pour que son témoignage soit écarté.
  6.       Par conséquent, le Tribunal conclut que le témoignage de monsieur Michel ne constitue pas une preuve par ouï-dire inadmissible de sorte que les deux objections sont rejetées.
  1. Discrimination à première vue
  1.       Le Tribunal estime que la CDPDJ a satisfait son fardeau d’établir, à première vue, que monsieur Michel a fait l’objet d’un traitement différencié de la part des Policiers en raison de sa couleur de peau, sa race et son sexe, et ce, à chacune des étapes de l’intervention du 8 décembre 2020. Voici pourquoi.
  2.       Tout d’abord, les événements du 8 décembre 2020 s’inscrivent dans un contexte où, au Canada et au Québec, le phénomène du profilage racial par les forces policières est indéniable et de connaissance judiciaire[52]. Dans l’affaire Nyembwe[53], le Tribunal s’exprime ainsi à ce sujet :

[176] Lorsqu’il est appelé à décider si des actions sont motivées par du profilage racial, le Tribunal doit prendre connaissance d’office et tenir compte du passé de discrimination dont ont souffert certains groupes défavorisés de la société canadienne, incluant le racisme et le racisme antinoir dont la prévalence est directement liée à l’histoire de l’esclavage et de l’assujettissement des personnes d’ascendance africaine au Canada.

[177] Sachant que les études sur le profilage racial sont rares, il est heureux que la preuve d’expert ne soit pas requise de façon systématique pour expliquer aux tribunaux comment le racisme se manifeste, ou comment les stéréotypes conscients et inconscients à l’égard des personnes racisées jouent un rôle dans les situations qui leur sont soumises. […].

[178] Le profilage racial est généralement l’expression d’un biais sociétal inconscient. Les études sociologiques fournissent des statistiques sur le taux des agressions dont sont victimes les personnes racisées. Elles font le constat que leur nombre est inexplicablement disproportionné par rapport aux groupes non racisés, et identifient les comportements qui ont un effet discriminatoire sur ces populations. […].

 (Références omises)

  1.       Dans l’affaire Luamba[54], la Cour supérieure du Québec fait d’entrée de jeu référence à la réalité des interceptions policières qui visent trop souvent les hommes de race noire :

[1] En règle générale, le seul fait qu’une personne se trouve au volant ne suffit pas à amener la police à l’intercepter sans un motif ou un soupçon quelconque et à exiger qu’elle s’identifie. Pourtant, la preuve nous apprend qu’il en va autrement auprès de certaines personnes, en particulier les hommes de race noire. Pour plusieurs d’entre eux, conduire un véhicule automobile suffit à entrainer cette forme d’interpellation. L’expression Driving while black traduit bien cette réalité. 

  1.       D’ailleurs, les Policiers reconnaissent l’existence du profilage racial. Ils en ont connaissance, ayant été sensibilisés à ce phénomène lors de leur formation à l’École nationale de police du Québec (ENPQ). La preuve révèle également que depuis les événements, le SPVT a mis en place, en juin 2021, un programme de formation intitulé droits devant, dont une section est consacrée aux diverses formes de profilage (racial, social et criminel) et aux impacts en découlant.
  1. Cela étant, en tenant compte des circonstances de cette affaire, incluant le contexte social, le Tribunal est d’avis qu’à première vue, les décisions prises par les Policiers à chacune des étapes de l’intervention du 8 décembre 2020 étaient liées à un biais à l’endroit des personnes noires.
  2. Voyons ce qu’il en est.
  1.          Identification de monsieur Michel comme suspect
  1. Lorsque les Policiers croisent monsieur Michel le 8 décembre 2020, ils circulent à contresens. Dès qu’ils sont à sa hauteur, ils le voient et l’identifient comme suspect, et ce, bien que monsieur Michel porte sa ceinture de sécurité et qu’il n’utilise pas de téléphone cellulaire. Les Policiers notent le numéro de plaque pour des fins de vérification. Objectivement, ils n’ont alors aucun motif de soupçonner monsieur Michel de quoi que ce soit. De plus, la preuve non contredite révèle qu’aucun des véhicules précédant celui de monsieur Michel n’a fait l’objet d’une vérification de plaque.
  1.          Interception
  1. Les Policiers décident de vérifier au CRPQ la plaque d’immatriculation du véhicule conduit par monsieur Michel. Cette démarche leur permet d’apprendre que le véhicule ne lui appartient pas. Or, bien que, selon les informations disponibles au CRPQ, ce véhicule ne soit pas déclaré volé, qu’il soit en bon état et que la propriétaire, Darlène Joinville, ait un dossier commun avec un homme, un certain Ted Michel, les Policiers décident de faire demi-tour et d’intercepter quand même le conducteur. Objectivement, les Policiers n’ont aucun motif lié à la sécurité routière de procéder ainsi.
  1.           Recherches effectuées
  1. Une fois que monsieur Michel remet son permis de conduire aux Policiers, bien que ce soit sa photo qui y apparaisse et malgré que l’agent Freire ait vu une vignette de la STM dans le véhicule de monsieur Michel, les Policiers décident de pousser quand même leurs vérifications au CRPQ. Ils appellent également l’employeur de monsieur Michel tel que noté au CRPQ. Objectivement, les Policiers n’ont aucun motif lié à la sécurité routière de procéder ainsi.  
  1.          Remise des constats
  1. Malgré que monsieur Michel ait remis les documents demandés et que toutes les vérifications effectuées n’aient révélé aucune anormalité ou irrégularité, les Policiers lui remettent néanmoins quatre constats, incluant celui pour entrave à leur travail. Objectivement, les Policiers n’ont aucun motif de procéder ainsi, si ce n’est pour justifier leur intervention, a posteriori, comme c’est souvent le cas lorsqu’il y a profilage racial.
  1.          Conclusion
  1. Le Tribunal conclut donc qu’à première vue, les Policiers ont assujetti monsieur Michel à un traitement différencié à chacune des étapes de l’intervention, et ce, en raison de la couleur de sa peau, de sa race et de son sexe.
  1. Réfutation et justification
  1. Les Policiers plaident que le fait que monsieur Michel soit un homme noir n’a eu aucune incidence sur le déroulement des événements survenus le 8 décembre 2020. Ils affirment que leur intervention était fondée sur des motifs conformes aux enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ladouceur[55], soit dans le but de vérifier la validité du permis de conduire du conducteur ainsi que les preuves d’assurance et d’immatriculation du véhicule comme le leur permet l’article 636 CSR :

636. Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu’il exerce en vertu du présent code, des ententes conclues en vertu de l’article 519.65 et de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds (chapitre P-30.3), exiger que le conducteur d’un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.

  1. En ce qui concerne l’arrêt Ladouceur, rappelons que dans l’affaire DeBellefeuille[56], le Tribunal précise que cette décision et l’article 636 CSR ne peuvent être invoqués pour justifier une interception motivée par des préjugés négatifs à l’endroit de personnes racisées. Le passage suivant est assez éloquent à ce sujet :

[194]   Cet arrêt Ladouceur portait sur la validité constitutionnelle des vérifications de routine autorisées par le Code de la sécurité routière de l’Ontario au regard des articles 7, 8 et 9 de la Charte canadienne des droits et libertés. 

[195]   La Cour suprême y statue que la vérification de l’identité des conducteurs de véhicules automobiles faite au hasard entraîne une détention arbitraire, au sens de l’article 9, mais qu’elle se justifie par la nécessité d’assurer la sécurité sur les routes. 

[196]   Cependant, force est de constater que la Cour ne s’est pas penchée dans cet arrêt sur la validité constitutionnelle des interventions policières fondées sur la race ou la couleur d’un conducteur. Elle a d’ailleurs précisé ceci : « Les policiers ne peuvent interpeller des personnes que pour des motifs fondés sur la loi, en l’espèce des motifs relatifs à la conduite d’une automobile […] ainsi que de l’état mécanique du véhicule ». Il paraît évident, en effet, qu’une intervention policière faite sur la base de soupçons plus ou moins vérifiables est une chose bien différente d’une intervention fondée sur la race ou un autre motif illicite de discrimination.

[197]   Le Tribunal ne voit pas comment on peut invoquer l’arrêt Ladouceur au soutien de l’argument qu’un policier peut intercepter ou arrêter un conducteur d’un véhicule automobile en raison de sa race, c’est-à-dire sur la base de simples soupçons induits par des préjugés négatifs à l’endroit de personnes racisées. La Charte étant une loi quasi constitutionnelle qui prévaut sur le Code de la sécurité routière du Québec, il va de soi que les interventions discrétionnaires des policiers qu’autorise ce Code auprès des conducteurs de véhicules automobiles doivent être exemptes de considérations discriminatoires comme des préjugés ou des stéréotypes à l’égard des personnes racisées.

 (Nos soulignements)

(Référence omise)

  1. En d’autres termes, une interception peut être conforme aux dispositions de l’article 636 CSR, mais violer les dispositions de la Charte, une loi quasi constitutionnelle prévalant sur le Code de la sécurité routière. C’est ce que la CDPDJ plaide en l’espèce.
  2. Mentionnons que dans l’affaire Luamba[57], la Cour supérieure, dont le jugement a été confirmé par la Cour d’appel, indique ce qui suit au sujet de l’article 636 CSR :

[632]   En fait, le pouvoir discrétionnaire de priver momentanément un citoyen de sa liberté dans ce cadre est le plus arbitraire et le moins filtré qui soit. Ramené à sa plus simple expression, il ne repose que sur l’intuition puisqu’il n’exige ni motif réel, ni soupçon. Il est le produit d’un processus mental insondable. Il peut s’exercer sans laisser de trace comme on l’a vu. Il ne connait aucun encadrement précis si ce n’est de rappeler aux policiers que le profilage racial est interdit. Même le nouveau chapitre du Guide de pratiques policières (section 2.1.7, Interpellation policière) ne s’y attaque pas spécifiquement. Il est de fait illusoire d’identifier ce qui déclenche chez les policiers l’intuition qui mènera à une interception routière plutôt qu’à une autre. Le profilage racial s’exerce ainsi de façon insidieuse, sans que le policier ne soit pour autant mû par des valeurs racistes. Pour les victimes, la preuve de cette disposition d’esprit est quasi-insurmontable si ce n’est en ayant recours à une liste d’indicateurs de profilage racial et à une preuve circonstancielle quand c’est possible.

 (Mises en relief et référence omises)

  1. À la lumière de ce qui précède, la seule question qui est soulevée ici consiste à déterminer si l’interception du 8 décembre 2020 était fondée uniquement sur des motifs objectifs, raisonnables, crédibles et légaux ou si le fait que le conducteur est un homme noir a joué un rôle dans le déroulement des événements et les décisions prises par les Policiers à cette occasion.
  2. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal estime que les Policiers ne satisfont pas leur fardeau de preuve à cet égard.

(a)              Identification de monsieur Michel comme suspect

  1. La preuve non contredite révèle que dès que les deux véhicules se croisent, des regards sont échangés entre monsieur Michel et les Policiers.
  2. Lors de son témoignage, monsieur Michel explique être surpris lorsqu’il voit les Policiers s’arrêter à chacun des véhicules situés devant lui et en éclairer l’habitacle. Il ne comprend pas ce qu’ils font, étant peu habitué à voir une intervention de ce genre. Il explique qu’il regarde alors les Policiers, curieux. Il affirme avoir échangé un regard avec l’agent Le Brasseur en premier, et ensuite, avec l’agent Freire. Selon lui, l’agent Le Brasseur le regarde comme s’il a commis une infraction alors que l’agent Freire s’avance sur son siège pour se tourner vers lui. Monsieur Michel dit avoir su instantanément qu’il serait intercepté en raison du regard « très fort » que les Policiers lui ont lancé.
  3. Du côté des Policiers, les deux agents avancent que c’est le regard de monsieur Michel qui les amène à le considérer comme suspect et à enquêter la plaque d’immatriculation du véhicule qu’il conduit. Dans leur rapport d’infraction, à la section intitulée « Ce que j’ai vu », ils indiquent que monsieur Michel les regarde dans les yeux. À la section intitulée « Ce que j’ai fait », ils indiquent qu’ils vérifient la plaque.
  4. Alors que l’agent Freire admet constater dès le premier regard que monsieur Michel est noir, l’agent Le Brasseur affirme ne pas l’avoir remarqué.
  5. L’agent Freire affirme que ce qui attire son attention ce soir-là c’est le fait que, contrairement aux autres conducteurs croisés précédemment, monsieur Michel les regarde. Il décrit le regard de ce dernier comme étant soutenu, incrédule. Selon lui, il est difficile de se prononcer sur les émotions se dégageant d’un regard de sorte qu’il ne peut dire si monsieur Michel est nerveux ou surpris. Il affirme cependant que monsieur Michel ne semble pas content de les voir.
  6. L’agent Le Brasseur n’a quant à lui aucune difficulté à identifier des émotions dans le regard de monsieur Michel, qu’il ne croise pourtant que pendant une à deux secondes. Il utilise plusieurs qualificatifs pour le décrire : nerveux, angoissé, stressé, déstabilisé. Monsieur Michel a les yeux plissés et regarde légèrement vers le bas, ce qui le rend suspect, à tel point que l’agent Le Brasseur affirme s’être dit : « Crime, il est donc bien nerveux » et avoir émis plusieurs hypothèses : « il y a peut-être une tension entre lui et la police, il n’a peut-être pas de permis de conduire, il a peut-être peur de la police, il est peut-être recherché par la police ».
  7. Un peu plus tard dans son témoignage, l’agent Le Brasseur ajoute cependant que de toute façon, peu importe le regard de monsieur Michel, il aurait enquêté la plaque, parce que l’opération était facile vu l’absence de voiture derrière celle de monsieur Michel.
  8. Le Tribunal remarque que l’agent Le Brasseur est le seul à inclure la vérification de la plaque dans la description d’une opération CSR. Contrairement à l’agent Freire qui circonscrit une telle opération à la vérification de la ceinture de sécurité et du téléphone cellulaire au volant, l’agent Le Brasseur ajoute un élément : la vérification de la plaque, quand c’est possible.
  9. Il explique en effet que cette manœuvre est délicate lorsque le véhicule observé circule dans le sens inverse au véhicule de patrouille. Elle ne peut se faire que s’ils circulent lentement, car elle oblige l’agent qui est au volant à sortir la tête du véhicule et à la tourner pour regarder la plaque du véhicule qu’il croise, et ce, tout en conduisant et en tenant une lampe de poche lorsqu’il fait noir. L’agent Le Brasseur raconte que dans le cas de monsieur Michel, c’était effectivement possible de vérifier la plaque parce que le véhicule de monsieur Michel était le dernier de la file.
  10. Le Tribunal considère que le témoignage de l’agent Le Brasseur n’est pas fiable. Le Tribunal ne le croit pas lorsqu’il indique ne pas avoir remarqué la couleur de peau de monsieur Michel. De plus, sa description du regard de monsieur Michel est tellement exagérée qu’elle rend la version du policier invraisemblable. Il se perd en conjectures, à tel point que le Tribunal est convaincu que l’agent Le Brasseur ne se serait pas questionné autant si monsieur Michel avait été blanc. Ses explications paraissent avoir été élaborées après coup, afin de bonifier le comportement des Policiers.
  11. Le Tribunal est d’avis que la version des Policiers sur l’identification de monsieur Michel comme suspect ne tient pas la route. Il est invraisemblable de croire que le seul fait que monsieur Michel regarde les Policiers ait conduit ceux-ci à enquêter la plaque d’immatriculation. À la question de savoir si les Policiers auraient agi différemment si monsieur Michel n’avait pas eu la peau noire, le Tribunal répond par l’affirmative. Le Tribunal doute que n’eût été de la couleur de peau de monsieur Michel, l’agent Le Brasseur se serait livré à la manœuvre délicate de se « tordre le cou » pour regarder par-dessus son épaule gauche tout en conduisant le véhicule de patrouille et en tenant une lampe de poche dans le seul but de relever le numéro de plaque d’un véhicule en règle.
  12. Le Tribunal conclut que l’explication la plus rationnelle de l’identification de monsieur Michel comme suspect est liée aux préjugés, conscients ou non, des Policiers à l’endroit des hommes noirs conduisant un véhicule.
  13. Aux yeux du Tribunal, cette première étape de l’intervention du 8 décembre 2020 a donné le ton à celles qui ont suivi. Les Policiers ne convainquent pas le Tribunal que les décisions qu’ils ont prises par la suite, et jusqu’à la fin de l’intervention, étaient fondées uniquement sur des motifs objectifs, raisonnables, crédibles et légaux. En d’autres termes, le Tribunal estime que le fait que le conducteur soit un homme noir a nourri les soupçons des Policiers à son égard et a joué, inconsciemment ou non, un rôle dans leurs décisions subséquentes d’intercepter monsieur Michel, de faire plusieurs vérifications sur lui et de lui remettre les constats.

(b)              Interception

  1. Lorsqu’ils vérifient la plaque d’immatriculation, les Policiers constatent que, de toute évidence, le véhicule n’appartient pas au conducteur mais que la propriétaire, Darlène Joinville, a un dossier commun avec un certain Ted Michel. Bien qu’ils admettent qu’une telle situation soit fréquente, ils justifient leur décision d’intercepter monsieur Michel par le fait qu’ils doivent pousser leurs vérifications pour s’assurer qu’il s’agit bien de Ted Michel au volant du véhicule, que son dossier est en règle et qu’il n’est pas recherché par la police.
  2. Le Tribunal considère que cette explication est invraisemblable. Les informations dont les Policiers disposent alors révèlent que le véhicule n’est pas rapporté comme volé. Aucune infraction n’a été commise. De plus, le véhicule conduit par monsieur Michel est en bon état et n’est pas lié à une personne connue de la police ou recherchée par celle-ci. Où est la nécessité de l’intercepter ?
  3. Dans les faits, la preuve ne révèle aucune raison objective liée à la sécurité routière d’intercepter monsieur Michel. Aux yeux du Tribunal, il est invraisemblable de croire que seul le fait que ce dernier ne soit pas propriétaire du véhicule qu’il conduisait ce soir-là ait motivé les Policiers à l’intercepter.
  4. Lors de leurs témoignages respectifs, ces derniers insistent sur le fait qu’on leur impose d’être proactifs dans leur rôle de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique. Ils doivent prévenir et réprimer le crime et à cette fin, ils doivent consacrer toute leur énergie à détecter activement la perpétration d’infractions, et ce, sans qu’ils aient à être appelés pour intervenir.
  5. Le Tribunal est d’avis qu’il est plus probable que la couleur de peau de monsieur Michel ait joué un rôle important dans les soupçons entretenus par les Policiers. L’explication la plus rationnelle est que la combinaison de la couleur de la peau de monsieur Michel et du fait que ce dernier n’était pas propriétaire du véhicule qu’il conduisait a motivé les Policiers à procéder à l’interception. En d’autres termes, les préjugés, conscients ou non, entretenus par les Policiers à l’égard d’une personne racisée au volant d’une voiture qui ne lui appartient pas les ont certainement influencés dans leur décision d’intercepter monsieur Michel.
  6. Le Tribunal est convaincu que si monsieur Michel avait été blanc, les Policiers auraient continué leur chemin sans lui porter quelque attention que ce soit.
  1.           Recherches effectuées
  1. La preuve révèle qu’une fois en possession des documents demandés, et malgré la validité apparente de ceux-ci, les Policiers procèdent à faire des vérifications additionnelles sur monsieur Michel, dont un appel à son employeur, la STM. Ils expliquent que ces démarches étaient nécessaires en raison du comportement de monsieur Michel.
  2. Plus particulièrement, les Policiers racontent que dès la première interaction avec monsieur Michel, avant que ce dernier leur remette les documents, ils ne comprennent pas pourquoi il refuse de collaborer. Les Policiers expliquent qu’au surplus, monsieur Michel répond affirmativement, à plusieurs reprises, à la question à savoir si un mandat a été émis contre lui.
  3. Les Policiers expliquent que lorsqu’ils vérifient les documents de monsieur Michel, ils constatent l’existence d’une plainte de vol d’identité et remarquent que monsieur Michel ne fait pas l’objet d’un mandat d’arrestation contrairement à ce que ce dernier leur a dit. Ils affirment que ces faits les amènent à douter de l’identité de la personne qu’ils viennent d’intercepter. Ils décident de pousser plus loin leur enquête en appelant la STM. Ils affirment qu’ils devaient s’assurer hors de tout doute raisonnable d’avoir la bonne personne.
  4. Le Tribunal ne retient pas les explications des Policiers.
  5. Les Policiers devaient savoir que tout citoyen a le droit de manifester son désaccord lorsqu’il estime être l’objet d’une interception qu’il croit discriminatoire, en autant qu’il ne pose pas de gestes menaçants. Rappelons à ce sujet les propos suivants du Tribunal dans l’affaire Nyembwe[58] :

[476] Un citoyen qui croit sincèrement et raisonnablement être l’objet d’un traitement injuste de la part de la police n’est pas obligé de se comporter docilement pour laisser les choses suivre leur cours. Il a le droit de manifester vigoureusement auprès de la personne en autorité qu’il la croit dans l’erreur, ou qu’il croit qu’elle agit en vertu d’un motif interdit par la Charte, comme sa couleur ou son origine ethnique, tant que ses propos ne sont pas accompagnés de gestes menaçants.

[477] M. Nyembwe a été victime de discrimination, ayant été interpellé non pas parce qu’il correspondait à la description, ce qui n’était pas le cas, mais parce qu’il a la peau noire et se trouvait dans un rayon à distance raisonnable de marche du lieu du crime. L’intervention a été plus intensive et s’est prolongée parce qu’il est noir et que tout ce qu’il a pu faire pour la faire cesser a conforté les policiers qu’il était impliqué dans le crime pour lequel ils enquêtaient, ou un autre, et ce, encore le jour de l’instruction, alors qu’il est admis que M. Nyembwe n’a pas commis de crime.

(Référence omise)

  1. Ici, il n’existait aucun motif objectif justifiant l’interception de monsieur Michel. La preuve non contredite révèle que, par conséquent, dès son premier échange avec l’agent Le Brasseur, monsieur Michel est fâché de la situation et accuse les Policiers de se livrer à du profilage racial. Il ne pose toutefois aucun geste de nature menaçante. L’agent Le Brasseur reconnaît d’ailleurs que, lors des interactions, monsieur Michel fait sans cesse référence au racisme et au profilage racial.
  2. Selon monsieur Michel, l’agent Le Brasseur a un ton autoritaire lorsqu’il s’adresse à lui pour la première fois. Il demande de façon répétée, comme une litanie, permis de conduire, immatriculation et preuve d’assurance. Il ne cherche même pas à comprendre monsieur Michel. L’agent Freire relate d’ailleurs que la première conversation entre son collègue et monsieur Michel ne se déroule pas bien du tout, à tel point qu’il cherche à intervenir, lors du second échange, pour offrir un autre interlocuteur à monsieur Michel.
  3. Monsieur Michel raconte également que la seconde fois où l’agent Le Brasseur lui parle pour lui demander à nouveau ses documents, il a un ton sarcastique. Monsieur Michel décide alors d’adopter le même ton. La preuve non contredite révèle qu’il répond alors systématiquement par l’affirmative lorsque l’agent Le Brasseur lui demande, à plusieurs reprises, si un mandat a été émis contre lui. Il a le sentiment que les Policiers cherchent des « bibittes », qu’ils le « niaisent », veulent le piéger ou le provoquer. Encore une fois, il ne pose aucun geste menaçant.
  4. Comment, dans un tel contexte, les Policiers peuvent-ils prétendre ne pas comprendre, à ce moment-là, le comportement de monsieur Michel et son refus de collaborer ?
  5. Monsieur Michel remet finalement les trois documents demandés. Non seulement ceux-ci semblent valides, mais la photo apparaissant sur le permis de conduire concorde avec la personne que les Policiers ont devant eux. De plus, le nom apparaissant sur le permis de conduire correspond à celui avec lequel Darlène Joinville, propriétaire du véhicule intercepté, a un dossier commun.
  6. Comment, dans un tel contexte, les Policiers peuvent-ils ressentir le besoin de pousser leurs vérifications alors que dans les faits, il n’y a aucune raison objective de procéder à des vérifications additionnelles pour confirmer, hors de tout doute raisonnable, l’identité de monsieur Michel ?
  7. Lorsque les Policiers vérifient le permis de conduire de monsieur Michel et qu’ils apprennent l’existence d’une plainte pour vol d’identité, ils se questionnent immédiatement à savoir si la personne qu’ils ont devant eux est le véritable Ted Michel, et ce, alors que le permis semble valide et que la photo concorde avec l’individu intercepté. En d’autres termes, ils soupçonnent immédiatement un homme de couleur noir d’être l’auteur d’un vol d’identité, et, potentiellement d’un vol de voiture. Le Tribunal est convaincu que placés dans les mêmes circonstances mais face à un homme blanc comme conducteur, les Policiers n’auraient pas entretenu les mêmes doutes.
  8. Mais il y a plus.
  9. Pourquoi les Policiers choisissent-ils d’appeler la STM alors qu’ils ont un autre numéro, celui de monsieur Michel, au dossier ? Les Policiers reconnaissent tous les deux les conséquences de cet appel pour monsieur Michel. Aux yeux du Tribunal, les explications fournies par l’agent Le Brasseur à ce sujet ne tiennent pas la route. Selon lui, il était plus facile d’appeler l’employeur en premier. Par la suite, il ajoute qu’il n’était pas certain que le numéro de monsieur Michel apparaissant au dossier était le bon. Sa version n’est pas crédible. L’agent Freire, quant à lui, concède qu’il aurait été tout aussi efficace et fiable d’appeler tout d’abord le numéro au dossier, soit celui de monsieur Michel.
  10. Au surplus, pourquoi appeler la STM pour confirmer l’identité de monsieur Michel alors qu’une vignette de la STM a été repérée dans le véhicule conduit par ce dernier ? Questionné à ce sujet, l’agent Le Brasseur affirme que la vignette aurait pu être celle de quelqu’un d’autre. Cette réponse est bien peu convaincante.
  11. Finalement, pourquoi les Policiers ne demandent-ils pas tout simplement à monsieur Michel de fournir une autre pièce d’identité pour confirmer son identité ? Questionné à ce sujet, l’agent Le Brasseur répond qu’il n’était alors plus certain de l’identité de la personne devant lui, réponse qui est incompréhensible et dépourvue de toute logique.
  12. Les Policiers ont failli dans leur fardeau de démontrer qu’ils avaient un motif valable et raisonnable de douter de l’identité de monsieur Michel à cette étape de l’intervention. Leur version implique qu’une personne aurait non seulement volé l’identité de monsieur Michel, mais aurait également volé le véhicule de la conjointe de ce dernier. Le Tribunal la considère invraisemblable.
  13. En somme, les Policiers ne convainquent pas le Tribunal que la couleur de la peau de monsieur Michel est complètement étrangère aux vérifications additionnelles qu’ils ont effectuées. Le Tribunal estime qu’il est plus probable et vraisemblable que le fait que monsieur Michel soit noir ait contribué à semer le doute dans l’esprit des Policiers quant à sa véritable identité. Le Tribunal est convaincu que n’eût été du fait que le conducteur était un homme de couleur noir, les Policiers n’auraient pas poussé leurs vérifications comme ils l’ont fait.

(d)              Remise des constats

  1. Les Policiers relatent avoir bien réfléchi avant d’émettre les constats. Ils expliquent qu’en plus de refuser de leur remettre les documents demandés, monsieur Michel leur a fait perdre du temps en refusant de collaborer et en les menant sur une fausse piste en leur faisant croire qu’il faisait l’objet d’un mandat. Ils affirment que n’eût été du comportement de monsieur Michel, l’intervention n’aurait pris que quelques minutes alors qu’en l’espèce, elle a duré une quarantaine de minutes.
  2. Encore une fois, le Tribunal ne retient pas leurs explications.
  3. Tout d’abord, monsieur Michel a bel et bien remis les documents demandés.
  4. Ensuite, la version des Policiers quant à la durée totale de l’intervention est contredite par la preuve testimoniale et documentaire.
  5. En effet, lors de son témoignage, Kathy Gosselin de la Sûreté du Québec confirme que les recherches suivantes ont notamment été faites au CRPQ lors des événements du 8 décembre 2020 :
  1.          une première demande de vérification de plaque est effectuée à 18 :31 :53 ;
  2.          une demande de vérification de permis est effectuée à 18 :50 :19.
  1. Par ailleurs, les annotations aux constats révèlent que le premier est émis à 19 :05 alors que le dernier est émis à 19 :09.
  2. Il résulte de ce qui précède qu’il s’écoule moins de 38 minutes entre le moment où les Policiers notent le numéro de la plaque d’immatriculation et celui de la remise du dernier constat. De plus, il s’écoule moins de vingt minutes entre le moment où les Policiers notent le numéro de la plaque d’immatriculation et celui où monsieur Michel remet ses papiers.
  3. Prenant en considération le temps pour parcourir la distance entre l’endroit où les véhicules se sont croisés et le lieu où monsieur Michel a immobilisé sa voiture ainsi que le temps pour les Policiers de sortir du véhicule de patrouille et se rendre à celui de monsieur Michel, le Tribunal ne peut conclure que ce dernier s’est obstiné très longtemps avant de remettre ses papiers et qu’il ait fait perdre beaucoup de temps aux Policiers.
  4. Les Policiers ne convainquent pas le Tribunal qu’ils avaient un motif valable et raisonnable de remettre les constats à monsieur Michel. Le Tribunal est convaincu que n’eût été de la couleur de la peau de monsieur Michel, les Policiers n’auraient pas agi comme ils l’ont fait et que la remise des constats ne servait à nulle autre fin qu’à justifier a posteriori leur comportement et à le camoufler.
  1. Conclusion
  1. Le Tribunal conclut que tout au long de l’intervention du 8 décembre 2020, monsieur Michel a fait l’objet d’un traitement différencié en raison de la couleur de sa peau, de sa race et de son sexe. Les Policiers ne sont pas parvenus à réfuter la preuve prima facie de discrimination présentée par la CDPDJ ni à justifier leurs actions discriminatoires, la preuve ayant démontré que celles-ci s’avéraient manifestement non nécessaires dans les circonstances et ne poursuivaient aucun objectif de sécurité publique.
  2. Dans une affaire récente[59], la Cour supérieure rejette un recours en dommages-intérêts intenté contre certains policiers et leur employeur, la Ville de Montréal, fondé sur des allégations de profilage racial survenu au cours d’une intervention policière. Elle conclut ainsi :

[75] Lorsque l’intervention policière et ses modalités sont dictées par le comportement dérogatoire d’un administré plutôt que ses caractéristiques personnelles, les policiers ne recourent pas au profilage racial. Ils mettent en œuvre la mission dont ils sont investis, qui inclut « la paix, l’ordre et la sécurité publique » dans le respect des droits et libertés. […]

(Référence omise)

  1. En l’espèce, le Tribunal juge que les Policiers se sont plutôt servis de la mission dont ils sont investis pour justifier, a posteriori, une intervention arbitraire fondée sur des soupçons découlant de préjugés négatifs à l’égard d’une personne racisée. Ce faisant, les Policiers ont compromis le droit de monsieur Michel à l’égalité dans la reconnaissance et l’exercice des droits suivants : le droit à la sauvegarde de sa dignité[60], le droit à la liberté de sa personne[61] puisqu’une interception routière discrétionnaire constitue une détention arbitraire[62], ainsi que le droit de recevoir des services publics sans discrimination[63], le tout en violation de la Charte, une loi quasi constitutionnelle prévalant sur le Code de la sécurité routière.

II.              Les réparations monétaires réclamées sont-elles justifiées et les ordonnances recherchées dans l’intérêt public sont-elles appropriées dans les circonstances ?

A.           Les réclamations monétaires

  1. Lorsqu’il y a violation d’un droit reconnu par la Charte, des dommages-intérêts peuvent être octroyés pour compenser deux types de préjudice : le préjudice matériel et le préjudice moral. Des dommages-intérêts punitifs peuvent aussi être accordés lorsque l’atteinte est non seulement illicite, mais également intentionnelle[64].
  2. En l’espèce, la CDPDJ ne réclame que des dommages-intérêts pour le préjudice moral que monsieur Michel dit avoir subi ainsi que des dommages-intérêts punitifs. Voyons ce qu’il en est.

(a)         Les dommages-intérêts pour préjudice moral

  1. Rappelons que le préjudice moral « affecte l’être humain dans son for intérieur, dans les ramifications de sa nature intime et détruit la sérénité à laquelle il aspire, il s’attaque à sa dignité et laisse l’individu ébranlé, seul à combattre les effets d’un mal qu’il porte en lui plutôt que sur sa personne ou sur ses biens»[65].
  2. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt St-Ferdinand, rappelle que le préjudice moral « est constitué non seulement de la perception que la victime a de son état, mais aussi de cet état lui-même»[66]. Ainsi, l’indemnité accordée doit tenir compte à la fois de l’aspect subjectif du préjudice en ce qu’elle vise à indemniser la victime pour la souffrance vécue, et de son aspect objectif en ce qu’elle vise également à réparer le préjudice en raison même de son existence. 
  3. Comme le rappelle la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Calego International inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, « [m]esurer le dommage moral et l’indemnité conséquente constitue une tâche délicate forcément discrétionnaire »[67].
  4. En l’espèce, la CDPDJ réclame 12 000 $ sous ce chef.
  5. La preuve révèle que monsieur Michel a été grandement affecté par l’intervention du 8 décembre 2020. Le Tribunal est convaincu de l’existence du préjudice moral allégué par la CDPDJ. Voici pourquoi.
  6. Tout d’abord, monsieur Michel explique avoir vécu un profond sentiment d’injustice en rapport avec les événements du 8 décembre 2020. Il s’est senti « profilé » ce jour-là et en a été bouleversé. Il estime que les Policiers l’ont traité comme un enfant. Il relate avoir vécu des événements similaires lorsqu’il avait 16, 17 et 18 ans et considère anormal que de telles situations se reproduisent en 2025.
  7. Ensuite, monsieur Michel indique qu’après les événements, il n’avait plus le goût d’aller travailler. L’appel fait par l’agent Le Brasseur à son superviseur, monsieur Gendron, lors de l’intervention l’a beaucoup perturbé. Il se dit normalement discret au travail et explique qu’il ne discute pas de sa vie privée avec ses collègues. Or, son interception du 8 décembre 2020 est venue aux oreilles de ses collègues qui, lorsqu’il est retourné au travail, l’ont questionné à ce sujet. Il a dû expliquer les événements à plus d’une reprise et, à chaque fois, il ressent une blessure. Au surplus, à la suite des événements, ses collègues l’ont souvent appelé « Celui qui s’est fait arrêter », en blague. Il a fait l’objet d’autres blagues de mauvais goût dont il n’a pas mentionné la teneur lors de son témoignage.
  8. Enfin, monsieur Michel raconte qu’il garde des séquelles des événements. Il se dit hanté par ceux-ci. Lorsqu’il croise des policiers, il se sent toujours ciblé. Il se remet constamment en question. Il explique toujours ressentir la possibilité qu’un policier l’arrête. Il se dit inquiet que son jeune fils de huit ans subisse le même traitement dans le futur, lorsqu’il obtiendra son permis de conduire.
  9. Son ami, Joseph Skenson Gilcin, a été témoin des états d’âme de monsieur Michel. Depuis les événements, il a constaté un sentiment de honte chez monsieur Michel, en lien avec son travail. Il le décrit comme étant souvent préoccupé et a remarqué que monsieur Michel le contacte dès qu’il entend parler d’un autre cas de profilage dans les médias, ce qui semble le replonger dans ce qu’il a vécu le 8 décembre 2020. Monsieur Michel lui a également confié que ce genre d’intervention n’arrive jamais à ses amis blancs et qu’il a eu l’impression d’être traité comme un citoyen de deuxième classe.
  10. Pour déterminer le montant à octroyer en compensation pour un préjudice moral subi, le Tribunal peut considérer des jugements rendus dans des affaires semblables[68]. Or, selon la jurisprudence, les sommes suivantes ont été accordées à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral dans des cas de profilage fondé sur la race ou l’origine ethnique : 10 000 $ en 2020 dans la décision DeBellefeuille, 10 000 $ en 2023 dans la décision Nkamba no 1, 7500 $ en 2023 dans la décision Nkamba no 2 et 15 000 $ en 2024 dans la décision Woodley.
  11. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le montant de 12 000 $ réclamé en l’espèce est adéquat et conforme à la jurisprudence pour indemniser monsieur Michel pour le préjudice moral subi en rapport avec la discrimination par profilage racial dont il a été victime le 8 décembre 2020.
  12. Cela étant, rappelons que la Ville est responsable, à titre de commettante, de réparer le préjudice causé par les agissements de ses agents dans le cadre de l’exécution de leurs fonctions[69].
  13. De plus, précisons que l’obligation de réparer le préjudice causé par plus d’une personne est solidaire en matière extracontractuelle[70].
  14. En l’espèce, la preuve révèle que l’agent Le Brasseur a joué un rôle prédominant dans l’intervention effectuée auprès de monsieur Michel le soir du 8 décembre 2020. C’est lui qui relève le numéro de plaque d’immatriculation du véhicule de monsieur Michel. Il est également le principal interlocuteur tout au long de l’intervention et c’est aussi lui qui téléphone au superviseur. Cela étant, le Tribunal estime que l’agent Freire doit tout de même être tenu solidairement responsable pour le préjudice subi par monsieur Michel en raison de sa tolérance face aux agissements de son collègue et vu sa participation aux démarches effectuées[71]. La preuve révèle d’ailleurs qu’en aucun temps l’agent Freire n’est intervenu pour faire cesser le comportement discriminatoire alors que rien ne l’empêchait de le faire.
  15. Par conséquent, les Policiers et la Ville sont condamnés solidairement au paiement de la somme de 12 000 $ octroyée à la CDPDJ, pour et au bénéfice de monsieur Michel.

(b)         Les dommages-intérêts punitifs

  1. Sous ce chef, la CDPDJ réclame 3000 $ à chacun des Policiers.
  2. Rappelons que les objectifs des dommages-intérêts punitifs sont de trois ordres : punir, dissuader et dénoncer des conduites socialement répréhensibles[72]. Ils sont complètement autonomes et ne dépendent aucunement de l’octroi de dommages-intérêts compensatoires[73].
  3. Les critères permettant d’octroyer des dommages-intérêts punitifs sont prévus à l’article 1621 C.c.Q :

1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.

  1. Pour que de tels dommages-intérêts soient octroyés en vertu des dispositions de l’article 49 de la Charte, comme en l’espèce, il doit y avoir atteinte illicite et intentionnelle à un droit ou à une liberté reconnu par celle-ci.
  2. En l’espèce, le Tribunal a déjà conclu, dans le cadre de la première question en litige, à une atteinte illicite au droit à l’égalité de monsieur Michel. Reste à déterminer si cette atteinte est intentionnelle au sens de l’article 49 de la Charte.
  3. Rappelons à cet égard qu’une atteinte sera qualifiée d’intentionnelle lorsque l’on peut dénoter dans l’état d’esprit de l’auteur de l’atteinte, « [la] volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive, ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou du moins extrêmement probables, engendrées par sa conduite »[74].
  4. L’analyse du caractère intentionnel d’une atteinte illicite comporte deux volets : le premier, dit subjectif, consiste à déterminer si l’auteur de la violation souhaitait les conséquences de son geste ; le second, dit objectif, fait intervenir le critère de la personne raisonnable, à savoir si une telle personne, placée dans la même situation que l’auteur, aurait pu prévoir les conséquences subies par la victime[75].
  5. Ici, sur le premier volet de l’analyse, la preuve ne révèle aucun désir ni volonté des Policiers de causer les conséquences subies par monsieur Michel.
  6. Cependant, sur le volet objectif de l’analyse, le Tribunal estime qu’une personne raisonnable placée dans la même situation que les Policiers aurait pu prévoir les conséquences de l’interception sur monsieur Michel. Tenant compte du contexte social dans lequel s’inscrit l’intervention du 8 décembre 2020, à savoir un contexte marqué par l’existence de profilage systémique au sein des forces policières partout au pays[76], et considérant la réaction immédiate et spontanée de monsieur Michel dès ses premiers échanges avec les Policiers, le Tribunal estime qu’une personne raisonnable placée dans la même situation que ceux-ci aurait dû savoir que leur comportement tout au long de l’intervention était susceptible de causer un préjudice à monsieur Michel.
  7. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’atteinte au droit à l’égalité de monsieur Michel était intentionnelle au sens de l’article 49 de la Charte, donnant ainsi ouverture à l’octroi de dommages-intérêts punitifs en sa faveur.
  8. Vu le degré de participation de chacun des Policiers tel qu’expliqué à la section précédente, le Tribunal conclut que ces derniers doivent être condamnés au paiement des sommes suivantes, à titre de dommages-intérêts punitifs :
  1.          2000 $ en ce qui concerne l’agent Le Brasseur ; et
  2.          1000 $ en ce qui concerne l’agent Freire.
  1. Aux yeux du Tribunal, ces montants respectent les montants généralement octroyés par le Tribunal dans ce domaine[77] tout en étant suffisants pour assurer les fonctions préventive, dissuasive et punitive des dommages-intérêts punitifs.

B.           Les mesures d’intérêt public

  1. Se fondant sur les dispositions de l’article 80 de la Charte, la CDPDJ demande qu’il soit ordonné à la Ville :

D’ADOPTER et DE METTRE EN ŒUVRE une politique visant spécifiquement à lutter contre le profilage et d’en assurer la diffusion au sein des policiers, superviseurs et dirigeants actuellement à l’emploi de son Service de police, ainsi qu’aux employés à y être embauchés, le tout, dans un délai d’un (1) an de la Décision ou de façon concomitante à l’embauche, le cas échéant, et de transmettre copie de la politique à la Commission dans le même délai, ladite politique incluant minimalement les éléments suivants :

a) Une revue des principaux termes en jeu en matière de profilage et de discrimination (racisme, racisme systémique, profilage racial, discrimination, préjugés, stéréotypes, biais cognitifs, implicites ou inconscients) afin d’en assurer une compréhension commune ;

b) Le fait que le racisme systémique ou une situation de discrimination ou de profilage peuvent exister sans intention raciste ou discriminatoire ;

c) La mention de l’existence du phénomène du profilage racial dans les interventions policières et la possibilité de préjugés conscients ou inconscients lors de telles interventions ;

d) Les principaux préjugés liés aux différents groupes racisés, dont notamment, les personnes noires, et la façon dont les biais cognitifs implicites ou biais inconscients peuvent engendrer de la discrimination ou du profilage ;

e) Les principaux indices de traitement différencié ou inhabituel caractéristiques du profilage racial dans le cadre des interventions policières ;

f) L’identification des mesures les plus efficaces permettant de contrer le profilage racial dans les interventions policières ;

g) Les conséquences du phénomène du profilage racial sur les personnes et les groupes racisés ;

DE DONNER une formation assurée par un expert en profilage et assortie d’un processus formel d’évaluation des acquis pour les policiers actuellement à son emploi ainsi que les policiers à être embauchés, incluant les superviseurs et dirigeants, le tout, dans un délai d’un (1) an de la Décision ou dans les trois (3) mois de l’embauche, le cas échéant, de façon récurrente, à savoir minimalement tous les cinq (5) ans, laquelle inclut minimalement les éléments suivants :

a) Une revue des principaux termes en jeu en matière de profilage et de discrimination (racisme, racisme systémique, profilage racial, discrimination, préjugés, stéréotypes, biais cognitifs, implicites ou inconscients) afin d’en assurer une compréhension commune ;

b) Le fait que le racisme systémique ou une situation de discrimination ou de profilage peuvent exister sans intention raciste ou discriminatoire ;

c) La mention de l’existence du phénomène du profilage racial dans les interventions policières et la possibilité de préjugés conscients ou inconscients lors de telles interventions ;

d) Les principaux préjugés liés aux différents groupes racisés, dont notamment les personnes noires, et la façon dont les biais cognitifs implicites ou biais inconscients peuvent engendrer de la discrimination ou du profilage ;

e) Les principaux indices de traitement différencié ou inhabituel caractéristiques du profilage racial dans le cadre des interventions policières ;

f) L’identification des mesures les plus efficaces permettant de contrer le profilage racial dans les interventions policières ;

g) Les conséquences du phénomène du profilage racial sur les personnes et les groupes racisés.

DE RECUEILLIR et PUBLIER systématiquement les données anonymisées concernant l’appartenance raciale perçue et/ou présumée des individus faisant l’objet d’une interception policière de tout type, afin de déceler et de mesurer les manifestations de profilage ou de discrimination systémique, le tout, dans le respect de l’ensemble des droits et libertés garantis par la Charte dont le droit au respect de la vie privée, et ce, via une base de données indépendante et à vocation exclusivement administrative, et ce, dans un délai d’un (1) an du jugement à être rendu.

  1. Le Tribunal doit déterminer s’il s’agit de mesures appropriées au sens de l’article 80 de la Charte :

80. Lorsque les parties refusent la négociation d’un règlement ou l’arbitrage du différend, ou lorsque la proposition de la Commission n’a pas été, à sa satisfaction, mise en œuvre dans le délai imparti, la Commission peut s’adresser à un tribunal en vue d’obtenir, compte tenu de l’intérêt public, toute mesure appropriée contre la personne en défaut ou pour réclamer, en faveur de la victime, toute mesure de redressement qu’elle juge alors adéquate.

  1. Comme le précise la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bombardier[78] :

[103] […] cette disposition prévoit que les ordonnances que le Tribunal peut prononcer ne sont pas limitées à la réparation du préjudice subi par le demandeur, mais peuvent également inclure des mesures nécessaires dans l’intérêt public. L’exercice de ce pouvoir doit toutefois se rapporter au litige soumis au Tribunal, être appuyé par la preuve pertinente et être approprié compte tenu de l’ensemble des circonstances.

 

 

  1.          L’adoption et la mise en œuvre d’une politique sur le profilage racial
  1. La preuve révèle qu’en 2021, la Ville s’est dotée d’une politique avant-gardiste en matière de prévention de la discrimination et du profilage racial et social (Politique de la Ville). L’Axe 2 de cette dernière est consacré spécifiquement à la problématique du profilage discriminatoire par les agents de police[79].
  2. La Politique de la Ville est par ailleurs complétée par une Ligne directrice[80] prise par le ministre de la Sécurité publique (MSP) le 30 novembre 2023 en vertu de la Loi sur la Police[81] dans le but de « prévenir toute forme de profilage racial et social lors des interpellations policières, y compris les interceptions routières effectuées en vertu de l’article 636 CSR, afin de maintenir un haut niveau de confiance de la population envers les policiers et les corps de police »[82].
  3. La Ligne directrice du MSP précise à son article 6 que lorsqu’il intercepte un automobiliste « l’intention du policier doit s’inscrire exclusivement dans un objectif lié à la sécurité routière » et que ce dernier « ne peut donc faire des vérifications sans motif réel lié à cet objectif ou pour satisfaire sa curiosité ». À son article 7, la Ligne directrice « interdit à tout policier d’effectuer des interpellations policières, y compris des interceptions routières en vertu de l’article 636 CSR de manière arbitraire ou fondées sur des motifs de discrimination ou des motifs obliques ».
  4. Cela étant, la Politique de la Ville ne s’applique qu’aux interpellations policières auprès des citoyens. Par conséquent, la Ligne directrice du MSP, applicable à tous les corps de police du Québec[83], comble un vide important et assure les automobilistes québécois que la discrétion des policiers lors de leurs interceptions ne peut se fonder sur des motifs discriminatoires comme, notamment, l’âge, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la religion, l’origine ethnique, la couleur de la peau ou l’appartenance raciale du conducteur.
  5. Dans ces circonstances, vu la Politique de la Ville et la Ligne directrice du MSP, le Tribunal conclut que la demande de la CDPDJ pour l’adoption et la mise en œuvre d’une politique pour lutter contre le profilage racial est superflue et, par conséquent, ne constitue pas une mesure appropriée au sens de l’article 80 de la Charte.
  1.          La formation du corps policier
  1. Lors de son témoignage, David Provencher, capitaine aux normes professionnelles du SPVT, explique que la Politique de la Ville fait l’objet d’une formation spécifique d’une journée dispensée à tous les policiers et policières (la Formation). Le Tribunal note qu’en raison de ses fonctions de capitaine, monsieur Provencher est également membre du comité sur le profilage racial mis en place par le SPVT. Son témoignage est clair, crédible, fiable et convaincant.
  2. Appelé à témoigner au sujet de la Formation, le capitaine Provencher explique qu’une demi-journée est consacrée au profilage racial et social. Il relate que la Formation est constamment actualisée et qu’elle contient deux capsules réalisées en juin 2023 dont l’objectif annoncé est de « contrer le racisme ainsi que le profilage racial et social »[84]. La production de deux autres capsules, pour un total de quatre capsules, serait en outre prévue à brève échéance sur des thèmes complémentaires[85].
  3. Les deux premières capsules élaborées par l’ENPQ en partenariat avec la CDPDJ, le MSP et le Commissaire à la déontologie policière, ont été déposées en preuve. Le Tribunal estime qu’elles transmettent des informations utiles et exactes aux policiers en matière de discrimination et de profilage racial et social. 
  4. Le problème que constate le Tribunal est ailleurs. Il se trouve dans le faible nombre d’heures de formation consacrées à la problématique du profilage racial et social, dans le caractère sommaire et très théorique de la Formation sur cette question et dans l’absence de récurrence de celle-ci au cours du parcours des policiers. À vrai dire, il s’agit plus de séances de sensibilisation aux biais inconscients menant au profilage racial qu’à une véritable formation destinée à provoquer un changement de comportement chez les policiers, le but affiché des deux premières capsules étant « simplement d’ouvrir la discussion entre nous et d’entreprendre des démarches de réflexion personnelles et de groupe »[86].
  5. De fait, interrogés sur ce qu’ils avaient retenu de leur formation sur ces types de profilage, les Policiers ont manifestement très peu de choses à dire. Alors que l’agent Freire affirme candidement ne pas se souvenir du contenu de cette formation, l’agent Le Brasseur indique que la présentation reçue était plutôt théorique et qu’il avait pour sa part retenu qu’il lui fallait être conscient des réalités différentes des personnes auprès de qui il doit intervenir comme policier. Ils admettent n’avoir reçu aucune formation spécifique au sein du SPVT sur la façon adéquate d’exercer leur pouvoir discrétionnaire lors d’interceptions routières en vertu de l’article 636 CSR au regard de l’interdiction d’éviter le profilage racial.
  6. Du reste, le Tribunal constate que ni les interpellations, ni les interceptions routières discrétionnaires effectuées en vertu de l’article 636 CSR ne sont abordées dans les deux premières capsules de la section de la Formation consacrée au profilage racial et dispensée aux agents du SPVT en 2023 et que le contenu annoncé des capsules 3 et 4 ne traite pas non plus des interceptions routières.
  7. Étant donné que le profilage racial par les corps policiers se produit lors des interpellations et des interceptions routières discrétionnaires, le Tribunal est d’avis que l’enseignement dispensé aux membres du SPVT doit aller au-delà de simples informations sur les éléments théoriques de base entourant les notions de profilage, de discrimination et de biais cognitifs. Il doit absolument aborder de manière concrète et pratique la façon appropriée d’agir pour un agent de police dans le contexte d’une interpellation et d’une interception d’un automobiliste racisé.
  8. On pense, entre autres, à la problématique du conducteur qui, convaincu d’avoir été intercepté parce qu’il est noir, réagit mal et proteste de façon énergique. La jurisprudence abonde de ce genre de situations où les agents de police sont tenus responsables de profilage aggravé, pour ainsi dire, en réagissant par des questions intrusives et non pertinentes, par des mesures injustifiées comme la détention, les menaces, l’emploi de la force ou la pose de menottes, par la demande de renforts en l’absence de danger réel ou encore par la remise de constats d’infraction qui n’ont rien à voir avec la raison pour laquelle ils ont intercepté le conducteur en question[87].
  9. S’agissant de modifier les comportements empreints de préjugés inconscients et d’opérer un nécessaire changement de culture[88] chez les membres des corps de police, une véritable formation pratique sur la façon dont ces derniers doivent se comporter lors d’interceptions jugées discriminatoires par les conducteurs racisés doit être prévue pour attaquer le cœur de la problématique du profilage racial. Une telle formation est réclamée avec raison aux alinéas c) à f) de la demande d’ordonnances d’intérêt public présentée par la CDPDJ.
  10. De plus, pour constituer une véritable formation, le nombre d’heures d’enseignement consacré à l’élimination du profilage racial et social au SPVT doit impérativement être augmenté. Une durée d’une demi-journée apparaît nettement insuffisante pour espérer éradiquer des pratiques policières discriminatoires persistantes de profilage racial et social qui ont fait l’objet de nombreux rapports d’enquête[89] au point d’être aujourd’hui considérées comme étant de connaissance d’office par la Cour suprême[90]. 
  11. Le Tribunal est également d’avis que la section de la Formation consacrée au profilage racial et social devrait être mise à jour et répétée régulièrement en plus d’être suivie d’une évaluation formelle pour en assurer le sérieux auprès des policiers et policières.
  12. Par conséquent, le Tribunal conclut que la demande de la CDPDJ visant la formation des policiers et policières du SPVT constitue une mesure appropriée au sens de l’article 80 de la Charte.
  1.              La collecte et la publication de données anonymisées
  1.  Selon la CDPDJ, il importe de recueillir systématiquement des données anonymisées concernant l’appartenance raciale perçue ou présumée des individus faisant l’objet d’une interception policière et de tenir des statistiques afin de mesurer les manifestations de profilage ou de discrimination systémique et, du coup, le taux d’efficacité des formations au sein des forces policières. Ces données et ces statistiques devraient, selon la CDPDJ, être rendues publiques dans une base de données indépendante à vocation exclusivement administrative, et ce, dans un délai d’un an du présent jugement.
  2. La Ligne directrice[91] du MSP applicable à l’ensemble des corps policiers du Québec aborde la question de la collecte de données par les policiers et policières. Celle-ci est désormais obligatoire et doit relever le genre et l’origine ethnique présumés des personnes interpellées ou interceptées sur la route[92]. Le Tribunal s’étonne de ce que la Ligne directrice n’exige pas que la couleur ou l’appartenance raciale perçue ou présumée des personnes qui font l’objet d’une intervention policière soit notée par l’agent de police. Si la race est une fiction idéologique[93] ayant servi historiquement à justifier l’esclavage et la discrimination comme, du reste, l’une des capsules de formation de l’ENPQ le rappelle avec raison, elle n’en demeure pas moins un motif de discrimination mentionné expressément à l’article 10 de la Charte et un référent essentiel pour mesurer l’ampleur du profilage racial qui a cours dans certaines pratiques policières, en l’occurrence les interpellations et les interceptions routières. 
  3. L’origine ethnique a-t-elle été retenue afin de viser l’appartenance raciale sans avoir à recourir au motif de race ? Le Tribunal n’a pas reçu d’éclairage de la part de la Ville à cet égard. Force est toutefois de constater qu’à l’instar du droit international, notamment la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale[94] et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme[95], la jurisprudence canadienne[96] et celle du Tribunal assimilent les motifs de race et d’origine ethnique afin de combattre de manière efficace la discrimination et le profilage racial même si, strictement parlant, ces deux motifs représentent des réalités différentes[97].
  1. Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de l’Ontario reconnaît d’ailleurs l’importance de collecter des données statistiques sur l’appartenance raciale :

[97] I also question an assumption underlying the majority’s inference: that the collection of race-based data is more likely than not nefarious. That is not always the case. Indeed, reliable reports that have examined the collection of race-based data in the police context have concluded that it is not only permissible, but indeed desirable to collect such data. In the Report of the Independent Police Oversight Review (Queen’s Printer for Ontario, 2017), at p. 245, Justice Tulloch (as he then was) concluded that “[a]cademics and policy makers are now nearly unanimous in their support for the collection of demographic data”. Similarly, a recent independent review of the TPS’ race-based data collection policies explains that “race-based data collection can provide measurable evidence to address inequities, racism, and discriminatory practices”: Dr. Lorne Foster and Dr. Les Jacobs, Independent Expert Assessment Report : Toronto Police Service Race-Based Data Collection Strategy Phase I (2022), at p. 3. See also: Ontario Human Rights Commission, From Impact to Action: Final Report into Anti-Black Racism by the Toronto Police Service (2023). Clearly, the proper collection of race-based data by police can serve salutary, non-discriminatory goals.[98]

(Nos soulignements )

  1. En l’espèce, la Ligne directrice du MSP prévoit, au bénéfice de l’ensemble des corps de police, « des cadres de collecte de données uniformes qui précisent la nature des données à collecter par ces derniers ainsi que la forme et les modalités de cette collecte au regard de l’interpellation policière et de l’interception routière effectuées en vertu de l’article 636 du CSR »[99].
  2. Tout directeur d’un corps de police doit rendre disponible le cadre de collecte de données et mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ces données soient recueillies selon la forme et les modalités établies par le ministre[100].
  3. Ces cadres uniformes de collecte de données sont obligatoires depuis le 1er avril 2024 en ce qui concerne les interpellations policières, mais depuis le 1er janvier 2025 seulement pour ce qui est des interceptions routières effectuées en vertu de l’article 636 CSR[101].
  4. Sur la question distincte de la publication des données anonymisées concernant l’appartenance raciale perçue ou présumée des automobilistes interceptés, le capitaine Provencher affirme que cela n’est pas possible pour les motifs suivants : d’une part, ces données n’appartiennent pas au SPVT mais au CRPQ ; d’autre part, il serait contraire à la « Loi sur l’accès à l’information»[102] de les rendre publiques.
  5. En ce qui concerne le dernier motif soulevé par le capitaine Provencher, il est important de rappeler que la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels n’interdit que la publication de renseignements personnels nominatifs et précise, à son article 54, que : « Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent, directement ou indirectement, de l’identifier ».
  6.  Comme la CDPDJ ne réclame pas la divulgation de renseignements qui permettent d’identifier une personne physique en particulier, mais au contraire des données générales et anonymisées sur le nombre d’automobilistes interceptés sur la route en fonction d’une certaine caractéristique, à savoir leur appartenance raciale, par rapport à l’ensemble des automobilistes interceptés, le Tribunal estime que cet argument doit être rejeté.
  7. Quant à l’argument selon lequel ces données ne peuvent être divulguées par la défenderesse parce qu’elles n’appartiennent pas au SPVT mais au CRPQ, le Tribunal est d’avis qu’il doit également être rejeté. Voici pourquoi.
  8. Le CRPQ est, en vertu de la Loi sur la police[103], un service opéré par la Sûreté du Québec et mis à la disposition de tous les corps de police du Québec. Tous les renseignements recueillis par les policiers en vertu de la Ligne directrice du MSP sont donc obligatoirement compilés dans les fichiers du CRPQ.
  9. Dans l’arrêt R. c. Bykovets[104], une majorité de juges de la Cour suprême du Canada prend connaissance d’office du fait que des renseignements recueillis à l’aide d’un support technologique « peuvent être assemblés de manière à révéler des détails profondément privés »[105].
  10. Par analogie, il est raisonnable de penser que les avancées technologiques notoires que nous connaissons aujourd’hui rendent forcément possible l’extraction de données de façon anonymisée en fonction de critères comme le genre, l’origine ethnique ou l’appartenance raciale puisqu’ils doivent être notés par les policiers lors de leurs interventions auprès des citoyens.
  11. Étant un service mis à la disposition de tous les corps de police du Québec, le CRPQ n’a donc aucune raison qui pourrait le justifier de refuser au SPVT la communication des renseignements qui lui sont nécessaires pour donner suite au présent jugement puisque la publication de données anonymisées ne porte atteinte d’aucune façon au droit à la vie privée comme le rappelle le Tribunal dans l’affaire DeBellefeuille[106].
  12. Étant donné l’importance manifeste de disposer de données statistiques sur l’origine ethnique ou l’appartenance raciale perçue des automobilistes interceptés en vertu de l’article 636 CSR afin de pouvoir prendre la mesure du profilage racial et de pouvoir combattre ce phénomène discriminatoire insidieux de façon efficace, le Tribunal estime que la demande de la CDPDJ de rendre publiques ces données est fondée et légitime et qu’elle constitue une mesure appropriée au sens de l’article 80 de la Charte.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1. ACCUEILLE en partie la demande introductive d’instance ;

 

  1. CONDAMNE les parties défenderesses, solidairement, à verser à Ted Michel la somme de 12 000 $ à titre de compensation pour préjudice moral, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 13 avril 2023 ;
  2. CONDAMNE Christopher Le Brasseur à verser à Ted Michel la somme de 2000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du présent jugement ;
  3. CONDAMNE Félix Freire à verser à Ted Michel la somme de 1000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du présent jugement ;
  1. ORDONNE à Ville de Terrebonne (Service de Police) de donner une formation assurée par un expert en profilage et RECOMMANDE que celle-ci soit assortie d’un processus formel d’évaluation des acquis pour les policiers actuellement à son emploi ainsi que les policiers à être embauchés, incluant les superviseurs et dirigeants, le tout, dans un délai d’un an du présent jugement ou dans les trois mois de l’embauche, le cas échéant, de façon récurrente, à savoir minimalement tous les cinq ans, laquelle inclut minimalement les éléments suivants :

a) Une revue des principaux termes en jeu en matière de profilage et de discrimination (racisme, racisme systémique, profilage racial, discrimination, préjugés, stéréotypes, biais cognitifs, implicites ou inconscients) afin d’en assurer une compréhension commune ;

b) Le fait que le racisme systémique ou une situation de discrimination ou de profilage peuvent exister sans intention raciste ou discriminatoire ;

c) La mention de l’existence du phénomène du profilage racial dans les interventions policières et la possibilité de préjugés conscients ou inconscients lors de telles interventions ;

d) Les principaux préjugés liés aux différents groupes racisés, dont notamment les personnes noires, et la façon dont les biais cognitifs implicites ou biais inconscients peuvent engendrer de la discrimination ou du profilage ;

e) Les principaux indices de traitement différencié ou inhabituel caractéristiques du profilage racial dans le cadre des interventions policières ;

f) L’identification des mesures les plus efficaces permettant de contrer le profilage racial dans les interventions policières ;

g) Les conséquences du phénomène du profilage racial sur les personnes et les groupes racisés.  

  1. RECOMMANDE d’augmenter la durée de cette formation d’un nombre d’heures suffisant, après consultation auprès des experts qui la donneront, pour inclure un volet pratique sur la façon non discriminatoire d’aborder les personnes racisées lors des interceptions routières et de réagir à celles qui protestent parce qu’elles s’estiment victimes de profilage racial ;
  2. ORDONNE à la Ville de Terrebonne (Service de Police) de recueillir et publier systématiquement les données anonymisées concernant l’appartenance raciale perçue ou présumée des individus faisant l’objet d’une interception policière de tout type, afin de déceler et de mesurer les manifestations de profilage ou de discrimination systémique, le tout, dans le respect de l’ensemble des droits et libertés garantis par la Charte dont le droit au respect de la vie privée au moyen d’une base de données indépendante et à vocation exclusivement administrative, et ce, dans un délai d’un an du présent jugement.
  1. CONDAMNE les parties défenderesses, solidairement, au paiement des frais de justice.

 

 

 

 

_________________________________

JOHANNE GAGNON

Juge au Tribunal des droits de la personne

 

Me Geneviève Griffin

Me Maya Charette-Côté

BITZADAKIS CLÉMENT-MAJOR FOURNIER

Pour la partie demanderesse

 

Me Pierre-François McNicholls

Me Béatrice Labrie

BÉLANGER, SAUVÉ SENCRL

Pour les parties défenderesses

 

Dates d’audience :

23, 24, 25, 26 et 27 septembre 2024

 


[1]  RLRQ, c. C-12 (Charte).

[2]  RLRQ c. C-24.2 (CSR).

[3]  Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, par. 33 (Bombardier).

[4]  Id. ; R. c. Le, 2019 CSC 34, par. 77 (Le).

[5]  Le, id., par. 76.

[6]  Bombardier, préc., note 3, par. 33-34 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Rezko) c. Ville de Montréal (SVPM), 2012 QCTDP 5 (demande pour permission d’appeler refusée, 2012 QCCA 1501) (Rezko) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Dagobert et autres) c. Bertrand, 2013 QCTDP 6, inf. en partie sur un autre point par 2014 QCCA 2199 (demande pour autorisation d’appeler refusée, CSC, 28-05-2015, 36275) (Dagobert) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Mensah) c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal), 2018 QCTDP 5 (demande pour permission d’appeler refusée, 2018 QCCA 1030) (Mensah) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Miller) c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), 2019 QCTDP 31 (Miller) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (DeBellefeuille) c. Ville de Longueuil, 2020 QCTDP 21 (DeBellefeuille) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Nyembwe) c. Ville de Gatineau, 2021 QCTDP 1 (demande pour permission d’appeler refusée, 2021 QCCA 339) (Nyembwe) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Bazelais) c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal) (SPVM), 2022 QCTDP 6 (Bazelais) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Nkamba) c. Ville de Gatineau, 2023 QCTDP 14 (demande pour permission d’appeler accueillie, 2023 QCCA 870) (Nkamba n2) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Janvier et Estimable) c. Ville de Gatineau, 2023 QCTDP 20 (Janvier) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Woodley) c. Ville de Laval (Service de police de la Ville de Laval), 2024 QCTDP 6 (demande pour permission d’appeler accueillie, 2024 QCCA 1141) (Woodley).

[7]  Bombardier, préc., note 3, par. 35 ; Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, par. 63 (Mouvement laïque québécois) ; Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43, par. 36 (Ward).

[8]  Bombardier, id., par. 34-37 ; Nkamba n2, préc., note 6, par. 18-30.

[9]  Bombardier, id., par. 35 ; Mouvement laïque québécois, préc., note 7, par. 63 ; Ward, préc., note 7, par. 36.

[10]  Bombardier, id., par. 3 et 34-37, 64 ; Woodley, préc., note 6, par. 44-48 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Levasseur) c. Ville de Montréal (SPVM), 2025 QCTDP 2, par. 307 (Levasseur).

[11]  Rezko, préc., note 6.

[12]  Procureur général du Québec c. Luamba, 2024 QCCA 1387, par. 158 (demande pour autorisation d’appeler, CSC, 20-12-2024, 41605) (Luamba CA) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Toussaint) c. Procureur général du Québec (Ministère de la Sécurité publique), 2023 QCTDP 21, par. 312 (Toussaint).

[13]  Bombardier, préc., note 3, par. 42 ; Chartrand c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012 QCCA 1501 ; Rezko, préc., note 6, par. 181-183 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Sam) c. 9377-1905 Québec Inc., 2022 QCTDP 3, par. 35 (Sam) ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 141 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 307 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Essalama) c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal) (SPVM), 2022 QCTDP 23, par. 95-99 et 117-118 (Essalama) ; Nkamba n2, préc., note 6, par. 20 ; Woodley, préc., note 6, par. 35.

[14]  Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, 9e éd., vol. 1, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2021, p. 1241 et 1242 (par. 1-683) ; Bombardier, id., par. 50.

[15]  Le, préc., note 4, par. 76.

[16]  DeBellefeuille, préc., note 6, par. 121-125 ; Janvier, préc., note 6, par. 34 ; Daniel PROULX et Frédérick J. DOUCET, « Droit à l’égalité », dans Jurisclasseur Québec, coll. « Droit constitutionnel », fasc. 9, Montréal, LexisNexis Canada, 2024, par. 91-95.

[17]  Bombardier, préc., note 3, par. 48-52 ; DeBellefeuille, id., par. 131 et 145-146 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 161, 186, 314-315 ; Essalama, préc., note 13, par. 70-71 ; Sam, préc., note 13, par. 38 ; Nkamba, n2, préc., note 6, par. 23 ; Woodley, préc., note 6, par. 39.

[18]  Nyembwe, id., par. 303 ; Janvier, préc., note 6, par. 136.

[19]  Bombardier, préc., note 3, par 40-41 ; Pierre-Louis c. Ville de Québec, 2014 QCCA 1554, par. 64 (demande pour autorisation d’appeler refusée, CSC, 16-07-2015, 36055) (Pierre-Louis) ; Luamba c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 3866, par. 45, conf. en partie par 2024 QCCA 1387 (Luamba CS) ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 121 et 147 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 287 ; Nkamba n2, préc., note 6, par. 25.

[20]  Pierre-Louis, id., par. 59 ; Luamba CA, préc., note 12, par. 67 et 70 ; Rezko, préc., note 6, par. 184 ; Miller, préc., note 6, par. 195-196 ; Nkamba n2, id., par. 24.

[21]   Bombardier, préc., note 3, par. 53-54 ; Ward, préc., note 7, par. 35.

[22]  Bombardier, id., par. 54 ; Ward, id., par. 138-139 (j. Kasirer, diss.) ; Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la personne, 1994 CanLII 5706 (QC CA), par. 62 ; El Harrad c. Azizi, 2019 QCTDP 27, par. 43 ; Baril c. Gestion Lisette & Pierre inc. (Boutique Click), 2021 QCTDP 30, par. 55 ; Toussaint, préc., note 12, par. 247. Voir aussi David ROBITAILLE, « Non-indépendance et autonomie de la norme d’égalité québécoise : des concepts “fondateurs” qui méritent d’être mieux connus », (2004-2005) 35 RDUS 103 ; D. PROULX et F. DOUCET, préc., note 16, par. 122.

[23]  Toussaint, id., par. 247-248. Voir aussi : Miller, préc., note 6, par. 232 et 323 ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 127-128 ; Woodley, préc., note 6, par. 42-43.

[24]  DeBellefeuille, préc., note 6, par. 150-152.

[25]  Bombardier, préc., note 3, par. 35-37 et 64 ; Bazelais, préc., note 6, par. 205-206 ; Nkamba n2 ; préc., note 6, par. 28-29 ; Woodley, préc., note 6, par. 44 ; Levasseur, préc., note 10, par. 307.

[26]  Rezko, préc., note 6, par. 199 ; Nkamba n2, id., par. 30 ; Woodley, id., par. 45.

[27]  Rezko, id., par. 193 ; Dagobert, préc., note 6, par. 151 ; Mensah, préc., note 6, par. 81 ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 154 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 291 ; Nkamba n2, id., par. 99.

[28]  Rezko, id., par. 161 ; Bazelais, préc., note 6, par. 302 ; Michèle TURENNE, « Le profilage racial : une atteinte au droit à l’égalité : mise en contexte, fondements, perspectives pour un recours » dans SFCBQ, vol. 309, Développements récents en profilage racial, Cowansville, Édition Yvon Blais, 2009, p. 41, à la p. 47.

[29]  Rezko, id., par. 180 ; Miller, préc., note 6, par. 185 ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 143 ; Woodley, préc. note 6, par. 46-47.

[30]  Luamba CA, préc., note 12, par. 68 ; R. c. Dorfeuille, 2020 QCCS 1499, par. 46 (Dorfeuille) ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 146 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 305 ; Commission des droits et libertés de la personne (Ducas) c. Ville de Montréal (SPVM), 2022 QCTDP 23, par. 102 (Ducas) ; Nkamba n2, préc., note 6, par. 24.

[31]  Bombardier, préc., note 3, par. 34-37 et 64 : « Dans un second temps, le défendeur peut […] justifier sa décision ou sa conduite en invoquant les exemptions prévues par la loi sur les droits de la personne applicable ou celles développées par la jurisprudence » (par. 37).

[32]  Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 RCS 3, par. 54 (Meiorin) ; Québec (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) c. Caron, 2018 CSC 3, par. 25-29 ; Gaz métropolitain inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 1201, par. 39-42 ; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, par. 50 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Poulin) c. Manufacture Frameco ltée, 2021 QCTDP 21, par. 61 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Samson-Thibault) c. Ville de Québec, 2023 QCTDP 2, par. 57-61.

[33]  Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), 2015 QCCA 577, par. 43 et suiv. ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Khouas et un autre) c. Centre à la petite enfance Gros Bec, 2008 QCTDP 14, par. 112 et suiv. ; El Harrad, préc., note 22, par. 46 et suiv. ; Essalama, préc., note 13, par. 147-153.

[34]  Radio Lounge Brossard, id.

[35]   Miller, préc., note 6, par. 211-229 ; Essalama, préc., note 13, par. 145 ; Woodley, préc., note 6, par. 139-142.

[36]  Essalama, id., par. 175 et 181-183 ; Levasseur, préc., note 10, par. 315 et suiv.

[37]  Bombardier, préc., note 3, par. 56-69 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Bencheqroun) c. Société de transport de Montréal, 2020 QCCA 602, par. 23 ; art. 2803 et 2804 C.c.Q.

[38]  Bell Canada c. Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurances générales, 2015 QCCQ 3730, par. 61-64.

[39]  Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (X) c. Commission scolaire de Montréal, 2017 QCCA 286, par. 18 (demander pour autorisation d’appeler refusée, CSC, 17-08-2017, 37538) ; Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, par. 146.

[40]  Miller, préc., note 6, par. 196. Voir également : DeBellefeuille, préc., note 6, par. 155.

[41]  DeBellefeuille., id., par. 156.

[42]  Nwembwe, préc., note 6, par. 295 et 310. Voir aussi : Bombardier, préc., note 3, par. 84 ; Pierre-Louis, préc., note 19, par. 64 ; Dorfeuille, préc., note 30, par. 55-56 ; Miller, préc., note 6, par. 196 ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 147-148 ; Nkamba n2, préc., note 6, par. 31.

[43]  R. c. Ipelee, 2012 CSC 13, par. 59-60 ; Dorfeuille, id., par. 55 ; DeBellefeuille, id., par. 148 ; Bazelais, préc., note 6, par. 176 ; Essalama, préc., note 13, par. 81.

[44]  Rezko, préc., note 6, par. 185 ; Miller, préc., note 6, par. 196 ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 156 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 312 ; Ville de Montréal c. Baptiste, 2019 QCCM 131, par. 33 ; Ville de Montréal c. Charles, 2020 QCCM 70, par. 30 et 32.

[45]   Le, préc., note 4, par. 97 : « […] nous sommes maintenant arrivés à un point où les travaux de recherche montrent l’existence d’un nombre disproportionné d’interventions policières auprès des collectivités racialisées et à faible revenu ». Voir aussi Luamba CS, préc., note 19, par. 386 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 176-178.

[46]  Mensah, préc., note 6, par. 94 ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 161 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 187 ; Nkamba n2, préc., note 6, par. 31.

[47]  DeBellefeuille, id., par. 166 et 167.

[48]  2006 QCCA 719. Voir également : Gashirabake c. Ville de Montréal (SPVM), 2025 QCTDP 10, par. 24 et suiv.

[49]  Bombardier, préc., note 3.

[50]  Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, n. 1280, p 515 ; Jean-Claude ROYER et Catherine PICHÉ, La preuve civile, 6e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2020, n.720, p. 550-551.

[51]  L. DUCHARME, id., p. 528.

[52]  R. c. Le, préc., note 4, par. 97.

[53]  Nyembwe, préc., note 6. Voir aussi : Toussaint, préc., note 12, par. 231-237.

[54]  Luamba CS, préc., note 19.

[55]  R. c. Ladouceur, [1990] 1 RCS 1257.

[56]   DeBellefeuille, préc., note 6.

[57]  Luamba CS, préc., note 19. Luamba CS, préc., note 19. La Cour d’appel dans l’arrêt Procureur général du Québec c. Luamba, 2025 QCCA 373 :

[49] ORDONNE la suspension de l’exécution de l’arrêt rendu par cette Cour le 23 octobre 2024 dans le présent dossier, jusqu’à ce que la Cour suprême ait rendu un jugement mettant fin à l’instance, le tout sous réserve des ordonnances que pourrait rendre la Cour suprême ou l’un de ses juges, uniquement :

(1) dans les cas où, lors de l’exercice du droit d’interpellation aux fins de dépistage prévu au paragraphe 320.27(2) du Code criminel, un agent de la paix exige que le conducteur d’un véhicule routier immobilise son véhicule; et

(2) lors de l’exercice du droit d’interpellation en matière de transport routier des personnes et des biens par un contrôleur routier au sens des articles 519.67 et s. du Code de la sécurité routière;

 

[58]  Nyembwe, préc., note 6. Voir aussi : Woodley, préc., note 6, par. 69 et 117.

[59]  Nakisha Bernard c. Denis, 2024 QCCS 4420.

[60]  Art. 4 de la Charte ; Woodley, préc., note 6, par. 129-138. Voir aussi : Rezko, préc., note 6 ; Mensah, préc., note 6 ; DeBellefeuille, préc., note 6.

[61]  Art. 24 de la Charte.

[62]  R. c. Hufsky, [1988] 1 RCS 621 ; R. c. Ladouceur, préc., note 55 ; R. c. Wilson, [1990] 1 RCS 1291.

[63]  Il est en effet acquis que les services municipaux de police sont visés par l’art. 12 de la Charte : Miller, préc., note 6, par. 211-229 ; Essalama, préc., note 13, par. 144-146 ; Woodley, préc., note 6, par. 139-142 ; Levasseur, préc., note 10, par. 301.

[64]  Article 49 de la Charte.

[65]  Bou Malhab c. Métromédia C.M.R. Montréal inc., 2003 CanLII 47948 (QC CA), par. 63.

[66]  Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 RCS 211, par. 67 (St-Ferdinand).

[67]  Calego International inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 924, par. 59.

[68]  DeBellefeuille, préc., note 6, par. 225 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Nkamba) c. Ville de Gatineau, 2023 QCTDP 13, par. 291 (Nkamba no 1) ; Nkamba no 2, préc., note 6, par. 130 ; Woodley, préc., note 6, par. 155 ;

[69]  Art. 1463 du C.c.Q. ; Woodley, id., par. 153 ; Nkamba no 1, id., par. 292-293 ; Nkamba no 2, id., par. 131-132.

[70]  Art. 1526 du C.c.Q. ; Woodley, id., par. 152.

[71]  Mensah, préc., note 6, par. 284-286 ; Nkamba no 1, préc., note 68, par. 292.

[72]  Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.C.) c. Saint-Pierre, 2022 QCTDP 8, par. 92 (Saint-Pierre) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (J.R.) c. Moreau, 2022 QCTDP 17, par. 148.

[73]  de Montigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51, par. 45.

[74]  St-Ferdinand, préc., note 66, par. 121. Voir aussi : Saint-Pierre, préc., note 72, par. 88.

[75]  DeBellefeuille, préc., note 6, par. 248.

[76]  Le, préc., note 4, par. 97 ; R. c. Grant, 2009 CSC 32, par. 154 ; Nyembwe, préc., note 6, par. 176-178 ; Toussaint, préc., note 12, par. 231-237.

[77]  Dans l’affaire Woodley, préc., note 6, le Tribunal a condamné chacune des deux policières au paiement de 2000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs. Dans l’affaire DeBellefeuille, préc., note 6, le Tribunal a condamné un policier au paiement de 2000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs. Dans Nyembwe, préc., note 6, le Tribunal a condamné un policier au paiement de 2000 $ et l’autre au paiement d’un montant de 1000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs en fonction du degré de participation de chaque policier. Dans l’affaire Nkamba no 1, préc., note 68, le Tribunal a condamné un policier au paiement de 2000 $ et l’autre au paiement d’un montant de 1000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs en fonction du degré de participation de chaque policier.

 

[78]  Bombardier, préc., note 3.

[79]  Pièce D-7, Ville de Terrebonne, DROITS devant – Développer et consolider l’appartenance par la communication, l’ouverture et l’inclusion, 23 juin 2021.

[80]  Pièce D-10, Ministère de la Sécurité publique, Ligne directrice sur les interpellations policières, y compris les interceptions routières effectuées en vertu de l’article 636 du Code de la sécurité routière par un policier. Cette politique est, comme le précise son article 11, entrée en vigueur le 5 décembre 2023.

[81]  RLRQ, c. P-13.1.

[82]  Pièce D-10, préc., note 80, art. 2.

[83]  Id., art. 3.

[84]  Pièce D-12, École nationale de police du Québec, Capsules de formation pour contrer le racisme et le profilage racial et social, Fiche descriptive, Formation des répondants.

[85]  Initialement prévue pour 2024, la capsule 3 portera sur les interpellations policières, tandis que la capsule 4, disponible en 2025, sera consacrée aux réalités autochtones et au cadre légal : Pièce D-7, DROITS devant, préc., note 79, Axe 2 – Profilage et impacts.

[86]  Id.

[87]  Pour des exemples récents, voir les affaires Ducas, préc., note 30 ; Nkamba no 2, préc., note 6 ; Woodley, préc., note 6.

[88]  Pièce D-7, DROITS devant, préc., note 79, p. 17 : C’est l’ambition avoué de la Ville de Terrebonne : « Garantir un changement de culture « réel » et « durable » de nos employés à l’égard de notre communauté par la promotion d’un milieu ouvert, inclusif et exempt de toute forme de discrimination […] ». Voir au même effet : Luamba CS, préc., note 19, par. 390, 466 et suiv.

[89]  Ligue des Noirs du Québec c. Ville de Montréal, 2019 QCCS 3319, par. 14 et 58 ; DeBellefeuille, préc., note 6, par. 133 ; Luamba CS, préc., note 19, par. 564-574 ; M. TURENNE, préc., note 28.

[90]  Le, préc., note 4, par. 97.

[91]  Pièce D-10, préc., note 80.

[92]  Id., art. 8.

[93]  Dans l’affaire Nyembwe, préc., note 6, le Tribunal fait observer, à la note 113 du paragraphe 185 : « Les sciences n’ont pas démontré que le concept de « race » constitue une réalité objective ». Voir au même effet : Daniel DUCHARME et Paul EID, « La notion de race dans les sciences et l’imaginaire raciste : la rupture est-elle consommée ? », (2005) 24 L’observatoire de la génétique : « […] si la race biologique n’a aucune valeur explicative sur le plan sociologique, on ne peut en dire autant de la race « sociale », c’est-à-dire la race socialement construite. Plus encore, les préjugés et la discrimination fondés sur la race, ainsi que les inégalités qui en découlent, nous rappellent que la race, bien qu’étant originellement une fiction idéologique, n’en a pas moins des effets sociaux bien réels […].

[94]  Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 21 décembre 1995, 660 RTNU 195 (ratifié par le Canada le 14 octobre 1970 et par le Québec le 10 mai 1978), art. 1(1) : « Dans la présente Convention, l’expression “discrimination raciale” vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique […] ».

[95]  Timishev c. Russie (2005), CEDH, n° 55762/00 (13 décembre 2005), par. 55-56 : « L’origine ethnique et la race sont des notions liées, qui se recoupent. Si la notion de race trouve son origine dans l’idée d’une classification biologique des êtres humains en sous-espèces selon leurs particularités morphologiques (couleur de la peau, traits du visage), l’origine ethnique se fonde sur l’idée de groupes sociaux ayant en commun une nationalité, une appartenance tribale, une religion, une langue, des origines et un milieu culturels et traditionnels. […] La discrimination fondée sur l’origine ethnique réelle ou perçue constitue une forme de discrimination raciale […] ». Voir également : Sampani et autres c. Grèce (2008), CEDH, n° 32526/05 (5 juin 2008), par. 69.

[96]  David M. TANOVICH, The Colour of Justice: Policing Race in Canada, Toronto, Irwin Law, 2006, p. 13.

[98]  Khorsand v. Toronto Police Services Board, 2024 ONCA 597.

[99]  Pièce D-10, Ligne directrice, préc., note 80, art. 8.

[100]  Id., art. 9.

[101]  Id., art. 11.

[102] Le nom véritable de cette loi est plutôt la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ, c. A-2.1.

[103]  Alinéa 1 de l’article 52 de la Loi sur la police, préc., note 81 : « La Sûreté du Québec assure un service central de renseignements destiné à aider à la lutte contre le crime et met ce service à la disposition des autres corps de police ».

[104]  2024 CSC 6.

[105]  Id., par. 58.

[106]  DeBellefeuille, préc., note 6, par. 324.

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