Décision

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Polynice c. R.

2025 QCCA 907

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-10-007921-222, 500-10-008075-234

(505-01-170419-200)

 

DATE :

 15 juillet 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GUY GAGNON, J.C.A.

PETER KALICHMAN, J.C.A.

MYRIAM LACHANCE, J.C.A.

 

 

BERNARDIN POLYNICE

APPELANT – accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LE ROI

INTIMÉ – poursuivant

 

 

ARRÊT

 

 

MISE EN GARDE : Une ordonnance limitant la publication a été prononcée en vertu de l’article 486.4 C.cr. afin d’interdire la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin.

  1.                 L’appelant Bernardin Polynice[1] se pourvoit pour des motifs comportant seulement des questions de droit contre trois déclarations de culpabilité prononcées par une juge de la Cour du Québec (l’honorable Louise Leduc) relativement à des accusations d’obtention d’avantages matériels provenant de la prestation de services sexuels (paragr. 286.1(1) et al. 286.2(1)a) C.cr.), de proxénétisme (paragr. 286.3(1) C.cr.) et de traite des personnes (al. 279.01(1)b) C.cr.)[2]. La juge ordonne l’arrêt conditionnel des procédures sur sept autres chefs d’accusation qu’elle considère comme prouvés hors de tout doute raisonnable[3]. L’appelant est acquitté d’un onzième chef d’accusation.
  2.                 Il demande à la Cour de substituer un acquittement aux déclarations de culpabilité sur les chefs 1 à 3 et, subsidiairement, d’ordonner un nouveau procès, sans toutefois préciser les chefs visés par sa demande[4].
  3.                 L’appelant sollicite aussi la permission d’appeler d’une peine globale comprenant notamment 7 ans d’emprisonnement et une amende compensatoire de 34 785 $ payable dans les 24 mois de sa libération. À défaut de respecter ce délai, il devra purger une peine d’incarcération consécutive de 15 mois[5].

LES DÉCLARATIONS DE CULPABILITÉ

  1.                 Pour l’essentiel du moins, la position de l’appelant se résume à invoquer le caractère déraisonnable des trois déclarations de culpabilité. Sous le couvert d’une question de droit, son argumentaire est une invitation à peine voilée faite à la Cour de revoir l’ensemble de la preuve à charge retenue contre lui.
  2.                 Envisagé selon cette perspective, l’appel échoue à démontrer que les déclarations de culpabilité entreprises ne pouvaient pas raisonnablement être prononcées par la juge ou que les inférences et déterminations de celles-ci sont clairement contraires à la preuve ou incompatibles avec une preuve non contredite ou encore que son appréciation de la preuve découle d’un exercice déraisonnable[6].

***

  1.                 Bien qu’il n’en énumère que cinq dans son mémoire, l’appelant soutient que la juge commet sept erreurs d’appréciation. Les erreurs invoquées ont la particularité d’être toutes tirées de la section du jugement consacrée au résumé de la version de la plaignante, une étape qui précède en l’occurrence l’analyse de la preuve proprement dite.
  2.                 Par ailleurs, l’appelant ne montre pas en quoi la juge aurait rapporté de façon inexacte la version de la plaignante. Il est vrai que la juge réfère à une relation tumultueuse au sein du couple marquée par plusieurs ruptures alors que, selon la preuve, il n’y aurait eu qu’une seule véritable rupture entre mars et septembre 2020. Cette erreur isolée de la juge est toutefois bénigne et sans incidence sur les déclarations de culpabilité.
  3.                 Ensuite, l’appelant plaide que le témoignage de la plaignante n’est pas fiable. Il en veut pour preuve ses exagérations à propos du sang trouvé dans la chambre de l’hôtel Newstar. Il demande aussi à la Cour de conclure que la plaignante a menti concernant une vidéo relative à un événement survenu à Winnipeg.
  4.                 Les prétentions de l’appelant sur ces questions reposent sur une lecture partisane de la preuve. Tout d’abord, les photos de la chambre d’hôtel produites en preuve confirment sans ambiguïté les constatations de la juge à propos de la quantité de sang trouvée dans cette pièce[7]. Ensuite, une revue attentive de la transcription du témoignage de la plaignante permet de constater que celui-ci correspond parfaitement à la preuve vidéo[8].
  5.            En ce qui a trait aux faiblesses et contradictions dans le témoignage de la plaignante, y compris ses mensonges sur l’identité de l’auteur des sévices qu’elle a subis, la juge ne les a pas ignorées, bien au contraire[9].
  6.            À ce sujet, il convient de rappeler que l’appréciation de la crédibilité des témoins est l’apanage du juge du procès[10]. Une cour d’appel ne peut écarter les déterminations de ce dernier portant sur cette question « que s’il est établi que celle[s]-ci ne peu[ven]t pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve »[11]. Or, cette retenue s’applique même à l’égard d’un jugement rendu par un juge désigné pour poursuivre les procédures (paragr. 669.2(3) C.cr.) lorsque ses conclusions sont fondées sur la lecture de la transcription de la preuve faite avec l’accord des parties[12], comme c’est le cas en l’espèce[13]. Cette réserve s’impose à plus forte raison lorsque l’appelant n’est pas autorisé à soulever des questions de fait en appel (sous-al. 675(1)a)(ii) C.cr.)[14].
  7.            Selon la juge, les oublis, hésitations et incongruités dans le récit de la plaignante s’expliquent par sa vulnérabilité, son mode de vie de l’époque et les traumatismes subis. Elle estime que « [l]es apparentes contradictions n’assombrissent pas la crédibilité de [la plaignante] ni la fiabilité de son témoignage », car celles-ci « portent essentiellement sur des éléments secondaires et périphériques »[15]. De plus, plusieurs éléments extrinsèques et indépendants viennent appuyer sa version des faits[16].
  8.            L’appelant reproche aussi à la juge de lui avoir imputé un aveu extrajudiciaire avant de conclure qu’il devrait être déclaré coupable du chef 8 (al. 88(2)a) C.cr.)[17]. On notera que cette accusation a fait l’objet d’un arrêt conditionnel des procédures pour lequel l’appelant échappe à la possibilité d’une double condamnation. En l’espèce, la juge s’est vu présenter une preuve pertinente visée par la règle d’exclusion du ouï-dire relative aux aveux émanant d’une partie, mais dont la valeur probante l’emportait sur le préjudice causé à l’appelant[18].
  9.            Le témoignage de la plaignante, et notamment les détails qu’elle a donnés au soutien de l’accusation sur ce chef, permettait à la juge d’inférer raisonnablement que les paroles, la conduite et la réaction de l’appelant constituaient une reconnaissance implicite des éléments constitutifs de l’infraction reprochée[19]. Cette preuve ne comporte rien de conjectural et ne se prête pas à un préjudice par raisonnement. La juge n’a donc commis aucune erreur révisable en se prononçant sur la valeur probante de cet aveu et sur sa recevabilité.
  10.            L’appelant se plaint aussi de l’appréciation faite par la juge d’une déclaration extrajudiciaire de Mme Beaman, une citoyenne de Winnipeg, témoin d’actes de violence commis sur la plaignante par l’appelant. La déclaration de cette témoin a été reçue par un constable de la GRC et admise en preuve avec le consentement des parties pour valoir comme témoignage[20]. La défense a d’ailleurs renoncé à contre-interroger Mme Beaman.
  11.            Dans sa déclaration, qui constitue une preuve directe, cette dernière fait état de ses constatations concernant des gestes de violence commis par l’appelant à l’endroit de la plaignante. De plus, la même témoin a considéré que la plaignante était victime d’abus et de contrainte. Cette déclaration corrobore en tout point la version de la plaignante à propos de cet événement.
  12.            La juge n’a donc commis aucune erreur en écrivant :

[181] Le Tribunal considère que la version de la plaignante s’inscrit tout à fait avec les témoignages des policiers, des enquêteurs, de la réceptionniste du Newstar, incluant la version du témoin civil de Winnipeg. Incidemment, le fait que cette dernière ne rapporte pas avoir vu de coups donnés par l’homme observé ne change rien à ce constat. (A-t-elle vu une portion seulement de l’incident? Quel était son angle de vision?). Le Tribunal rappelle que la défense a renoncé à contre-interroger ce témoin. Ajoutons que rien dans la déclaration audio de Mme A.B. ne suscite d’inquiétude particulière quant à la fiabilité des informations rapportées par ce témoin indépendant.

[Soulignement ajouté]

  1.            Finalement, l’appelant plaide que les chefs d’accusation 1 à 3 n’ont pas été prouvés hors de tout doute raisonnable. Chose certaine, les arguments de l’appelant au soutien de ce moyen ne peuvent conduire à une nouvelle appréciation de la preuve en appel[21].
  2.            En ce qui a trait au chef 1 (al. 286.2(1)a) C.cr.), la conclusion de la juge est bien motivée[22] et elle est exempte de toute erreur de droit. Quant aux chefs 2 et 3 (paragr. 286.3(1) C.cr. et al. 279.01(1)b) C.cr.), il convient de citer l’arrêt récent de la Cour suprême rendu dans l’affaire R. c. T.J.F., lequel traite des éléments de nature à établir l’actus reus de ces infractions dont, entre autres, les situations démontrant l’exercice d’un contrôle, d’une direction ou d’une influence sur une victime :

[91]  La violence et les menaces de violence régulières d’un accusé envers une victime et, plus généralement, leur relation violente, peuvent équivaloir à l’exercice d’un contrôle, d’une direction ou d’une influence sur les mouvements de celleci au cours d’une période donnée, pourvu que cette violence fasse en sorte que les mouvements de la victime aient effectivement fait l’objet d’un contrôle, d’une direction ou d’une influence au cours de cette période. La violence est aussi pertinente et déterminante pour la définition de l’exploitation, étant donné que les critères de cette définition sont remplis lorsque l’accusé se livre à une conduite, notamment la violence et les menaces de violence régulières, qui amène la victime à fournir (ou offrir de fournir) son travail ou ses services, et dont il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle lui fasse croire qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité (ou celle d’une personne qu’elle connaît).

[…]

[94] Comme je l’ai expliqué plus tôt, le par. 279.01(1) vise à élargir l’interdiction qui existait jusqu’alors et à comprendre toutes les formes de traite des personnes, en mettant l’accent sur la protection des femmes et des enfants qui sont « de façon disproportionnée victimes de violence sexuelle » (Friesen, par. 68 et 70; voir aussi Barton, par. 198). Cette disposition interdit à quiconque de priver une autre personne de sa liberté de mouvement par l’exercice d’un contrôle, d’une influence ou d’une direction. La Couronne peut établir l’actus reus au moyen d’éléments de preuve de la violence et des menaces de violence régulières d’un accusé envers une victime et, plus généralement, d’une relation violente entre les deux, qui empêchent les mouvements de la victime parce qu’ils font l’objet d’un contrôle, d’une direction ou d’une influence.[23]

[Soulignements ajoutés]

  1.            La juge retient que l’appelant a pratiqué une forme de contrôle, de direction et d’influence sur les mouvements de la plaignante par le recours à la violence et aux menaces de violence. Voici comment elle parvient à cette conclusion :

[200] De la même façon, cette preuve démontre aussi plusieurs incidents où l’accusé a effectivement eu recours à une forme de contrôle et de direction (par ex. lorsqu’il l’a forcée à faire des retraits ou transferts bancaires à son profit après l’événement du NewStar à Montréal.).

[…]

[202] Le Tribunal conclut que l’ensemble de la preuve révèle tout au moins, que l’accusé a très certainement exercé une « influence » sur les mouvements de la plaignante et sur ses activités d’escorte pendant leur relation (en utilisant tour à tour, l’aide, l’encouragement, la manipulation psychologique et émotive, la déception et l’abus de confiance : R. v. Gallone, 2019 ONCA 663, aux paragraphes 42 à 52).

[…]

[205] Ce constat (exercice d’une influence en vue d’exploiter) repose notamment sur les éléments suivants révélés par la preuve :

       L’accusé sait que la plaignante offre ses services sexuels moyennant rétribution avant d’entamer une relation amoureuse avec elle;

       Au début, il se garde bien de dévoiler ses véritables intentions et ses objectifs;

       La relation s’entame par une phase de séduction (tout est rose selon la version de la plaignante);

       Peu après le début de leur relation, l’accusé encourage D. L. à se déplacer pour se prostituer en vue d’en tirer plus de revenus;

       Progressivement, il exerce une pression psychologique sur la plaignante, et la manipule afin que celle-ci accepte de lui confier la gestion de ses gains financiers;

       Comme elle résiste, l’accusé accentue ses moyens de pression pour éventuellement l’amener à capituler, ce qu’elle fait;

       En raison des agissements de l’accusé, la plaignante accepte de lui confier l’entièreté (le fameux 100 %) des revenus provenant de sa prostitution croyant à tort que l’accusé partage son projet d’économiser pour ouvrir un commerce de traiteur;

       De la même manière, l’accusé obtient l’accès au compte de banque de la plaignante et n’hésite pas à faire plusieurs transferts et retraits à son profit (il importe peu qu’une partie de l’argent détenu au compte puisse avoir appartenu à l’accusé, la preuve révélant qu’il a tiré un bénéfice matériel sachant que celui-ci provenait de la prostitution de madame);

       L’accusé participe activement à la marchandisation des services sexuels de la plaignante, notamment par la gestion des appels de clients, lui propose des prix, l’accompagne dans ses déplacements à l’extérieur du Québec;

       Il lui reproche un manque à gagner lorsque la plaignante préfère dormir plutôt que de recevoir d’autres clients;

       L’accusé a, à maintes reprises, eu recours à la manipulation émotionnelle et psychologique à l’endroit de celle-ci pour la maintenir dans le domaine de la prostitution pour mieux continuer son train de vie dépensier, par exemple, à Calgary lorsqu’elle désire rentrer à Montréal;

       Il n’hésite pas à asseoir son autorité et son ascendant en ayant recours aux menaces verbales et à la violence physique, notamment lorsqu’il est contrarié alors que la plaignante ose le confronter ou lui faire des reproches (sur le fait qu’il dépense trop; selon la plaignante les conflits récurrents portent beaucoup sur la gestion inadéquate de l’argent);

       Après les épisodes de violence, il s’excuse et tente de l’amadouer en lui faisant de fausses promesses d’aller en thérapie et de s’amender pour mieux la garder dans cette dynamique d’abus et d’exploitation.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Ces passages sont exempts de toute erreur de droit.
  2.            Ce qui précède suffit pour rejeter l’appel des déclarations de culpabilité.

LA DEMANDE D’AUTORISATION D’APPEL DE LA PEINE

  1.            L’appelant ne démontre pas que la peine globale de sept ans d’emprisonnement infligée en première instance est viciée par une erreur de principe ou encore qu’elle est manifestement non indiquée.
  2.            Incidemment, la preuve a révélé l’ampleur des violences exercées par l’appelant sur la victime, de même que l’humiliation et la terreur dont elle a été l’objet. Ses séquelles psychologiques ressortent de la preuve et, de toute façon, elles s’infèrent de la violence subie. Un an après les faits, la victime craint toujours pour sa sécurité[24].
  3.            De plus, la peine entreprise ne s’écarte pas de manière déraisonnable du principe de proportionnalité[25] tout comme elle ne « s’écarte [pas] de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires »[26].
  4.            Ces conclusions ne visent toutefois pas la condamnation à l’amende compensatoire qui « ne fait pas partie de la peine globale [prononcée] pour la commission d’une infraction désignée »[27].
  5.            Or, les passages du dispositif du jugement sur la peine portant sur l’amende compensatoire de 34 785 $ (paragr. 462.37(3) C.cr.) comportent certaines difficultés. La juge considère que tout l’argent déposé dans le compte bancaire de la victime entre le 2 juin et le 2 septembre 2020 constitue des produits de la criminalité provenant exclusivement de ses activités de prostitution.
  6.            Aux termes du paragraphe 462.37(1) C.cr., les produits de la criminalité doivent avoir été obtenus par la perpétration d’une infraction désignée dont le contrevenant a été déclaré coupable. Le juge du procès doit en être convaincu selon la prépondérance des probabilités.
  7.            Le poursuivant a avancé en première instance que, sans égard à l’existence d’un lien avec les infractions désignées dont l’appelant a été déclaré coupable, ces sommes étaient de toute façon des produits de la criminalité. L’appelant a alors rappelé, à raison d’ailleurs, que si tel était le cas, le poursuivant devait présenter une preuve hors de tout doute raisonnable que les biens confisqués étaient d’origine criminelle (paragr. 462.37(2) C.cr.).
  8.            Lors de son témoignage, la victime informe le tribunal que, le 19 juin 2020, une somme de 13 020 $ provenant d’un vol chez un client commis avec sa complicité a été déposée dans son compte[28]. À l’évidence, ce n’est pas l’intégralité de la somme de 34 785 $ qui provient des infractions dont l’appelant est déclaré coupable.
  9.            La juge commet donc une erreur révisable en concluant par prépondérance des probabilités que la somme de 13 020 $ constitue un produit de la criminalité obtenu par la perpétration des infractions de proxénétisme et de traite des personnes et en ordonnant que cette somme soit remise à la victime sous forme d’ordonnance de restitution. Cette dernière n’est pas innocente de toute complicité à l’égard de ce vol et, de toute façon, elle ne peut prétendre être la propriétaire légitime de cet argent (paragr. 462.41(3) C.cr.). Elle n’a donc pas le droit de bénéficier d’une ordonnance pour ce montant.
  10.            Cependant, puisque les 13 020 $ ont occupé une place importante dans les allégations révélées lors du procès et que la preuve démontre hors de tout doute raisonnable que cette somme est un produit de la criminalité, son paiement peut être ordonné au profit de Sa Majesté aux termes du paragraphe 462.37(2) C.cr.[29].
  11.            Quant au reliquat (34 785 $ − 13 020 $ = 21 765 $), la juge n’a pas commis d’erreur révisable en déterminant que cette somme provient des activités criminelles dont l’appelant a été déclaré coupable et en ordonnant qu’elle soit versée à la victime (art. 738 C.cr.)[30]. Les déterminations de la juge au soutien de l’établissement de cette valeur s’appuient raisonnablement sur la preuve[31] et, en conséquence, elles échappent au pouvoir de révision de la Cour.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

  1.            REJETTE l’appel des déclarations de culpabilité;
  2.            ACCUEILLE la demande d’autorisation d’appel de la peine infligée le 7 août 2023;
  3.            ACCUEILLE l’appel de la peine aux fins de remplacer les conclusions du jugement sur la peine concernant l’ordonnance de dédommagement et l’infliction d’une amende compensatoire par ce qui suit :

ORDONNE à Bernardin Polynice de payer avant le 19 août 2027[32] une amende compensatoire de 13 020 $ en faveur de Sa Majesté (paragr. 462.37(2) et (3) C.cr.);

ORDONNE, selon l’article 738 C.cr., que Bernardin Polynice verse à D… L.., par l’entremise du ministère de la Justice, la somme de 21 765 $;

ORDONNE à Bernardin Polynice, de façon concurrente à cette ordonnance de dédommagement, de payer avant le 19 août 2027 une amende compensatoire additionnelle (paragr. 462.37(1) et (3) C.cr.) au montant de 21 765 $;

ORDONNE, selon l’article 740 C.cr., que tout versement, partiel ou complet, soit imputé en priorité au paiement de la somme de 21 765 $;

ORDONNE que les sommes versées à D… L…, par l’intermédiaire du ministère de la Justice, réduisent d’autant le montant de cette amende;

CONDAMNE Bernardin Polynice, à défaut de paiement des deux amendes compensatoires, à purger pour chacune d’elles 12 mois d’emprisonnement, ces peines étant concurrentes entre elles, mais ORDONNE que ces peines soient consécutives à toute autre peine d’emprisonnement infligée ou que ce dernier serait alors en train de purger (al. 462.37(4)b) C.cr.);

  1.            AJOUTE au dispositif du jugement sur la peine les ordonnances suivantes :

En cas de paiement partiel des amendes compensatoires à l’expiration de leur terme, ORDONNE que la période d’emprisonnement à défaut de paiement soit réduite du nombre de jours ayant le même rapport avec la durée totale de la période d’emprisonnement qu’entre le paiement partiel de ces amendes et le total de leur montant initial (34 785 $), et ce, conformément au paragraphe 734.8(2) C.cr.;

ORDONNE que Bernardin Polynice se présente devant un juge de paix pour l’accomplissement des obligations prévues au paragraphe 734.2(1) C.cr. et, à cette fin, DEMANDE aux autorités de l’établissement de détention où Bernardin Polynice purge sa peine de faire le nécessaire pour faciliter la tenue de cette audience.

  1.            MAINTIENT toutes les autres conclusions du jugement sur la peine.

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

 

 

 

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

 

 

 

 

MYRIAM LACHANCE, J.C.A.

 

Me Justine Levasseur

Pour l’appelant

 

Me Frédérique Le Colletter

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

5 juin 2025

 


[1]  L’acte d’accusation est au nom de Bernadin Polynice alors que le jugement et l’avis d’appel réfèrent à Bernardin Polynice.

[2]  R. c. Polynice, 2022 QCCQ 13698 [Jugement sur la culpabilité].

[3]  Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S. 729.

[4]  L’appelant ne présente aucune demande à la Cour concernant les chefs 4 à 10.

[5]  R. c. Polynice, C.Q. Longueuil, no 505-01-170419-200, 7 août 2023, Leduc, j.c.q. [Jugement sur la peine]. Au jour du jugement sur la peine, il demeurait un reliquat à être purgé de 772 jours.

[6]  R. c. R.P., 2012 CSC 22.

[7]  Pièce P-6, Photos de la chambre d’hôtel.

[8]  Pièce P-3, Vidéo blessures Winnipeg. L’appelant plaide que la plaignante ment lorsqu’elle affirme qu’on voit l’accusé mettre ses bagages dans le véhicule alors qu’elle déclare plutôt « on me voit dans la vidéo en train de voir que monsieur est en train d’aller derrière [le véhicule] » [soulignement ajouté] : Interrogatoire de la plaignante, 6 juillet 2021.

[9]  Jugement sur la culpabilité, paragr. 176-178.

[10]  C.G. c. R., 2023 QCCA 214, paragr. 15.

[11]  R. c. R.P., supra, note 6, paragr. 10, citant R. c. Burke, [1996] 1 R.C.S. 474, paragr. 74; R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, paragr. 10.

[12]  Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, paragr. 55.

[13]  L’appelant admet que les notes sténographiques des témoignages ont été entièrement déposées pour valoir comme preuve testimoniale lors du nouveau procès, et ce, avec son consentement. Voir sur la question R. c. J.D., 2022 CSC 15, paragr. 35.

[14]  Dans le même sens, voir le paragraphe 38b) des Règles de la Cour d’appel du Québec en matière criminelle.

[15]  Jugement sur la culpabilité, paragr. 178.

[16]  Id., paragr. 180-183.

[17]  Id., paragr. 206-207 et deuxième conclusion du dispositif du jugement sur la culpabilité.

[18]  R. c. Schneider, 2022 CSC 34, paragr. 59. Voir aussi : Facchino c. R., 2025 QCCA 558, paragr. 37.

[19]  R. v. Robinson, 2014 ONCA 63.

[20]  Pièce P-17, Déclaration audiovisuelle d’Ashley Beaman.

[21]  Voir par analogie : Abran c. R., 2013 QCCA 1841, paragr. 5.

[22]  Jugement sur la culpabilité, paragr. 188-194.

[23]  R. c. T.J.F., 2024 CSC 38.

[24]  Contre-interrogatoire de la plaignante, 5 juillet 2021.

[25]  R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 53; article 718.1 C.cr.

[26]  R. c. L.M., 2008 CSC 31, paragr. 36, citant R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500, paragr. 92. Voir aussi : R. c. Chav, 2012 QCCA 354, paragr. 18.

[27]  R. c. Bédard, 2025 QCCA 647, paragr. 7 citant R. c. Vallières, 2022 CSC 10, paragr. 33.

[28]  Interrogatoire de la plaignante, 8 juillet 2021.

[29]  R. v. Hape, 201 O.A.C. 126, 2005 CanLII 26591 (C.A. Ont.) paragr. 40, appel rejeté par R. c. Hape, 2007 CSC 26.

[30]  Voir Charrière c. R., 2021 QCCA 1338, paragr. 265-267, qui applique de manière concurrente les ordonnances d’amende et de dédommagement.

[31]  Voir notamment pièce P-36, Relevé TD vérification supplémentaire du sergent.

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