Municipalité de Lacolle c. Béliveau | 2025 QCCA 397 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
SIÈGE DE
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N° : | |||||
(755-17-003167-205) | |||||
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DATE : | 4 avril 2025 | ||||
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MUNICIPALITÉ DE LACOLLE | |||||
APPELANTE – demanderesse | |||||
c. | |||||
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ROLAND-LUC BÉLIVEAU | |||||
INTIMÉ – défendeur | |||||
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| YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A. | |
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| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. | |
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| CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. | |
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Me Sébastien Dorion | ||
DUNTON, RAINVILLE | ||
Pour l’appelante | ||
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Me Simon Rainville | ||
LAPOINTE ROSENSTEIN MARCHAND MELANÇON | ||
Pour l’intimé | ||
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Date d’audience : | 18 décembre 2024 | |
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MOTIFS DU JUGE SANSFAÇON |
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711.19.2. La personne pour laquelle la municipalité est tenue de faire des dépenses, en vertu de l’article 711.19.1, doit, sur demande de la municipalité, lui rembourser la totalité de ces dépenses ou la partie de celles-ci qui est indiquée dans la demande, dans l’un ou l’autre des cas suivants :
1° l’acte ou l’omission de la personne, dont l’allégation a fondé la procédure, est une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l’exercice des fonctions de la personne;
2° le tribunal a été saisi de la procédure par la municipalité ou par un tiers à la demande de cette dernière;
3° la personne, défenderesse ou accusée dans la procédure de nature pénale ou criminelle, a été déclarée coupable et n’avait aucun motif raisonnable de croire que sa conduite était conforme à la loi.
En outre, si la municipalité fait les dépenses visées au premier alinéa en remboursant les frais de la défense ou de la représentation que la personne assume elle-même ou par le procureur de son choix, l’obligation de la municipalité cesse, à l’égard de la totalité des frais non encore remboursés ou de la partie de ceux-ci que la municipalité indique, à compter du jour où il est établi, par une admission de la personne ou par un jugement passé en force de chose jugée, qu’est justifiée la demande de remboursement prévue au premier alinéa ou la cessation de remboursement prévue au présent alinéa.
Les premier et deuxième alinéas s’appliquent si la municipalité est justifiée d’exiger le remboursement prévu au premier alinéa et, le cas échéant, de cesser en vertu du deuxième d’effectuer des rembour-sements. Ils ne s’appliquent pas dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa de l’article 711.19.1.
711.19.3. Aux fins de déterminer si la justification prévue au troisième alinéa de l’article 711.19.2 existe, il faut prendre en considération et pondérer l’un par l’autre les objectifs suivants :
1° la personne visée à l’article 711.19.1 doit être raisonnablement protégée contre les pertes financières qui peuvent découler des situations dans lesquelles la place l’exercice de ses fonctions;
2° les deniers de la municipalité ne doivent pas servir à protéger une telle personne contre les pertes financières qui résultent d’une inconduite sans commune mesure avec les erreurs auxquelles on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice des fonctions d’une telle personne.
Dans l’application du premier alinéa, on peut tenir compte de la bonne ou mauvaise foi de la personne, de sa diligence ou négligence quant à l’apprentissage des règles et des pratiques pertinentes à l’exercice de ses fonctions, de l’existence ou de l’absence de faute antérieure de sa part liée à l’exercice de ses fonctions, de la simplicité ou de la complexité de la situation au cours de laquelle elle a commis une faute, de la bonne ou mauvaise qualité des avis qu’elle a reçus et de tout autre facteur pertinent. | 711.19.2. The person for whom the municipality is required to incur expenses under article 711.19.1 shall, at the request of the municipality, reimburse all the expenses or the portion of such expenses indicated in the request in any of the following cases:
(1) the person's alleged act or omission having given rise to the proceedings is a gross or intentional fault or a fault separable from the performance of his duties;
(2) the proceedings are brought before the court by the municipality or by a third person at the request of the municipality;
(3) the person, defendant or accused in the penal or criminal proceedings, has been convicted and had no reasonable grounds to believe that he acted within the law.
In addition, where the municipality incurs the expenses referred to in the first paragraph in reimbursing the expenses relating to the person's defence or representation assumed by the person himself or by an attorney of his choice, the municipality's obligation shall cease, in respect of all expenses not reimbursed or the portion of such expenses which the municipality may indicate, from the day on which it is established, by the person's own admission or by a judgment that has become res judicata, that the request for reimbursement provided for in the first paragraph or the cessation of reimbursement provided for in this paragraph is justified.
The first and second paragraphs apply where the municipality is justified in requiring the reimbursement provided for in the first paragraph or, as the case may be, in ceasing to make reimbursements pursuant to the second paragraph. They do not apply in the case provided for in subparagraph 3 of the first paragraph of article 711.19.1.
711.19.3. For the purpose of determining whether the justification provided for in the third paragraph of article 711.19.2 exists, the following objectives shall be considered and weighed one against the other:
(1) the person referred to in article 711.19.1 must be reasonably protected against any financial loss which may result from the performance of his duties;
(2) the monies of the municipality must not be used to protect such a person against financial losses resulting from misconduct which cannot possibly be compared with the errors that may reasonably be expected to be committed by a person performing similar duties.
For the purposes of the first paragraph, the good or bad faith of the person may be taken into account as well as his diligence or negligence in learning the rules and practices relevant to the performance of his duties, the existence or absence of any previous fault related to the performance of his duties, the simplicity or complexity of the circumstances in which he committed a fault, the good or poor quality of the advice given to him and any other relevant factor.
[Soulignements ajoutés] |
- L’intimé a acheté des bottes de pluie pour deux employés municipaux au coût de 206,56 $. Ces derniers ne les avaient pas demandées et ne les ont jamais portées. Elles n’ont pas été utilisées par l’intimé non plus. Il n’avait pas le pouvoir de faire cette dépense;
- Il a dépensé 8,73 $ au McDonald’s en allant acheter des tondeuses à gazon pour la municipalité, alors que cette tâche n’entrait pas dans ses attributions;
- Il a dépensé 5,75 $ au Burger King en allant acheter des outils et des matériaux pour le compte de la municipalité, alors que cette tâche n’entrait pas dans ses attributions;
- Il a dépensé 8,96 $ au McDonald’s en se rendant chez Costco pour acheter du mobilier de bureau pour la municipalité, alors que cette tâche n’entrait pas dans ses attributions;
- Il a dépensé 33,05 $ dans un restaurant, 6,31 $ au McDonald’s, 42,57 $ au Scores et 6,02 $ au McDonald’s à l’occasion de déplacements liés à l’achat d’un camion pour la municipalité, à la prise de possession d’une plateforme pour la municipalité ainsi qu’à l’achat de bouchées pour une soirée organisée par la municipalité, alors que ces tâches n’entraient pas dans ses attributions.
Utilisation des ressources de la municipalité
4. Il est interdit à toute personne d’utiliser ou de permettre l’utilisation des ressources, des biens ou des services de la municipalité ou des organismes municipaux à des fins personnelles ou à des fins autres que les activités liées à l’exercice de ses fonctions.
[Soulignements ajoutés]
[71] De toute manière, en ce qui concerne ces huit autres manquements, même si on devait considérer que cette première condition était satisfaite, la seconde condition, celle relative à la justification du remboursement ne le serait pas à mon avis. En effet, nous ne sommes pas ici dans une situation qui résulte « d’une inconduite sans commune mesure avec les erreurs auxquelles on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice des fonctions d’une telle personne »47 et pour laquelle la Municipalité ne devrait pas avoir à assumer les frais de défense de la personne visée. Au contraire, j’estime que nous sommes précisément dans le type d’erreur à laquelle on peut raisonnablement s’attendre dans l’exercice des fonctions du maire d’une municipalité. En effet, la question de savoir dans quels cas précis un maire peut demander le remboursement de dépenses occasionnées dans le cadre ou à l’occasion de ses fonctions n’est pas simple, car il faut concilier diverses dispositions législatives qui ne sont pas nécessairement rédigées dans un style clair et limpide, tel qu’il appert des dispositions législatives mentionnées à la décision de la CMQ.
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47 Art. 711.19.3 CM, je souligne.
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| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. |
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[1] Municipalité de Lacolle c. Béliveau, 2023 QCCS 3260 [jugement entrepris].
[2] Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1, art. 711.19.1.
[3] Règlement instaurant un code d’éthique et de déontologie révisé des élus municipaux, Conseil de la municipalité de Lacolle, règlement no 2014-0142, adopté le 11 mars 2014, Annexe A.
[4] Jugement entrepris, par. 12.
[5] (Re) Demande d’enquête en éthique et déontologie concernant l’élu Roland-Luc Béliveau, 2018 CanLII 34541 (QC CMNQ), par. 21.
[6] Idem.
[7] Béliveau c. Commission municipale du Québec (Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale), 2022 QCCS 3931.
[8] Manquements 3, 6, 9, 10, 15, 17, 19 et 21, ce qui fait un total de 9 manquements retenus, si on tient compte de celui portant sur la participation aux délibérations traité dans la décision du 19 septembre 2017, sur les 159 reproches initiaux.
[9] (Re) Demande d’enquête en éthique et déontologie concernant l’élu Roland-Luc Béliveau, supra, note 5, par. 78, 83, 89 et 114.
[10] L’avocat de l’intimé a concédé lors des plaidoiries en première instance que son client devrait rembourser les honoraires ayant été payés en relation avec les observations sur la sanction pour le reproche relatif au conflit d’intérêts et le pourvoi en contrôle judiciaire qui s’y rattachait, ainsi qu’une proportion correspondant au 9/159 des honoraires restants, soit 4 125 $, pour un total de 17 744 $.
[11] Ali c. Compagnie d’assurances Guardian du Canada, J.E. 99-1153, 1999 CanLII 13177 (C.A.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 8 juin 2000, no 27458; Val-Bélair (Ville de) c. Jean, J.E. 2003-111, 2002 CanLII 41287 (C.A.), par. 50-52, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 août 2003, no 29582.
[12] Ville de Saint-Constant c. Succession de Pépin, 2020 QCCA 1292, par. 63.
[13] Berniquez St-Jean c. Boisbriand (Ville de), 2013 QCCA 2197, par. 27 et s.
[14] Jugement entrepris, par. 86.
[15] Id., par. 85.
[16] RLRQ, c. C-12, art. 8 et 24.1.
[17] Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11, art. 8.
[18] Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406.
[19] Id., p. 424.
AVIS :
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