Décision

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Gélinas-Faucher c. Procureur général du Québec

2025 QCCS 2846

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No :

500-17-121430-220

 

 

 

DATE :

Le 14 août 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CATHERINE PICHÉ, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

BRUNO GÉLINAS-FAUCHER

Demandeur

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

Défendeur

et

DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS DU QUÉBEC

Mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT sur pourvoi en contrôle judiciaire

(article 282 de la loi électorale du québec)

______________________________________________________________________

 

TABLE DES MATIÈRES

I. APERÇU...............................................................2

II. QUESTIONS EN LITIGE.................................................5

III. ANALYSE..............................................................5

A. La qualité pour agir dans l’intérêt public du demandeur........................5

1. Le droit applicable....................................................6

2. L’application du droit aux faits.........................................10

B. le droit de vote des électeurs québécois....................................19

1. Les principes constitutionnels du droit de vote...............................19

2. Le droit de vote en droit québécois.........................................23

3. La perte du droit de vote à l’étranger de l’électeur québécois qui a quitté temporairement le Québec et est absent depuis plus de deux ans              25

C. L’ATTEINTE AU DROIT DE VOTE PROTÉGÉ PAR L’ARTICLE 3 DE LA CHARTE CANADIENNE              30

1. Propos introductifs et positions des parties.................................30

2. L’atteinte au droit de vote de l’électeur québécois qui a quitté temporairement le Québec et est absent depuis plus de deux ans              34

D. L’ABSENCE DE justification EN VERTU DE L’ARTICLE PREMIER............38

1. Les positions des parties.................................................38

2. Le test de justification selon l’arrêt Oakes...................................38

3. L’objectif réel et urgent de préserver l’intégrité et l’égalité du système électoral québécois              41

4. Le lien rationnel.........................................................54

5. L’atteinte arbitraire et démesurée..........................................57

6. La mise en balance des effets bénéfiques et des effets préjudiciables..........64

CONCLUSION..............................................................67

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :.........................................69

 

I.                    APERÇU

  1.                 La limite temporelle de deux ans pour pouvoir voter par correspondance aux élections québécoises est-elle contraire au droit de vote garanti aux Chartes?
  2.                 Pour pouvoir exercer son droit de voter à l’étranger, un citoyen canadien domicilié au Québec et qui l’a quitté temporairement doit satisfaire à certaines conditions, dont celle de ne pas avoir été absent de la province depuis plus de deux ans. Cette limite temporelle découle de l’article 282 de la Loi électorale L.é. »)[1] québécoise, qui se lit comme suit :

« 282. Un électeur qui quitte temporairement le Québec et qui y est domicilié depuis 12 mois à la date de son départ peut exercer son droit de vote hors Québec pendant les deux ans qui suivent son départ. […]»

  1.                 Docteur en droit international de l’Université de Cambridge, le demandeur Bruno Gélinas-Faucher (« Gélinas-Faucher »)[2] est avocat et professeur adjoint en droit public, constitutionnel et linguistique à l’Université du Nouveau-Brunswick. Il soutient ne pas avoir pu voter à l’étranger lors de l’élection partielle de la circonscription de Jean-Talon du 2 décembre 2019 puisque même s’il était alors citoyen canadien et domicilié à son départ depuis plus de douze mois dans la circonscription électorale de Jean-Talon,
    à Québec, il avait quitté le Québec depuis plus de deux ans pour ses études de doctorat. Il aurait été ainsi privé de son droit de vote puisqu’il ne pouvait voter autrement, en personne, à cette élection.
  2.                 Par son Pourvoi en contrôle judiciaire remodifié, il recherche une déclaration du caractère invalide et inopérant de l’article 282 L.é., de même que la radiation de la limite de deux ans s’appliquant au vote à l’étranger, dans la mesure où celle-ci enfreint le droit de vote des électeurs ayant quitté la province temporairement et étant absents de la province depuis plus de deux ans pour leurs études. Selon lui, ces électeurs sont ainsi essentiellement privés de leur droit démocratique le plus fondamental, soit celui de voter, enchâssé à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés[3] et à l’article 22 de la Charte des droits et libertés de la personne[4].
  3.                 Le Procureur général du Québec (« PGQ ») soutient que l’article 282 L.é. ne constitue qu’un encadrement des modalités d’exercice du droit de vote et non une privation de celui-ci qui serait contraire aux dispositions des Chartes invoquées. Subsidiairement, il soutient qu’advenant que cette disposition soit considérée constituer une atteinte au droit de vote, celle-ci se justifie dans le cadre d’une société libre et démocratique dans un contexte d’élections provinciales.
  4.                 Le Directeur général des élections du Québec (le « DGÉ »), à titre de mis en cause, ne se prononce pas directement sur la question constitutionnelle, limitant ses représentations au cadre législatif applicable au droit de vote par correspondance (aussi appelé vote externe) et à certains éléments d’interprétation de l’article 282 L.é.
  5.                 Est-ce que l’empêchement d’exercer son droit de vote par correspondance après avoir quitté le Québec depuis deux ans est contraire aux Charles? Si atteinte il y a, celle-ci est-elle justifiée?
  6.                 Le demandeur possède un intérêt pour agir d’intérêt public, son engagement étant réel et visant à assurer une utilisation efficiente des ressources judiciaires limitées, dans un contexte où le débat proposé constitue la seule manière raisonnable et efficace de soumettre le litige à un tribunal. Celui-ci a démontré que la restriction temporelle de deux ans à l’exercice du droit de vote par correspondance de citoyens canadiens domiciliés au Québec mais ayant temporairement quitté la province de l’article 282 L.é. réduit l’importance de leur vote par rapport à celui des électeurs situés au Québec, et porte atteinte à leur capacité de participer pleinement au processus démocratique.
  7.                 Le PGQ n’a pas établi que la limitation temporelle constituerait une atteinte minimale en vue de la réalisation de l’objectif législatif réel et urgent de maintenir un rattachement suffisant avec le Québec pour assurer l’intégrité et l’égalité du système électoral québécois. Même si un lien rationnel existe entre la limite de deux ans et les objectifs visés par l’article 282 L.é., cette limite n’est ni raisonnablement nécessaire pour assurer un lien suffisant entre l’électeur et le Québec et préserver l’intégrité et l’équité du système électoral québécois, ni proportionnelle aux objectifs visés.
  8.            Il y a donc lieu d’accueillir en partie le Pourvoi en contrôle judiciaire remodifié, de déclarer inconstitutionnelle la limite temporelle de l’article 282 L.é. et l’article invalide et inopérant. Une suspension de cette déclaration d’invalidité est ordonnée pour une période de douze (12) mois.


II.                 QUESTIONS EN LITIGE

  1.            Les questions en litige sont les suivantes :
  1. Le demandeur a-t-il l’intérêt requis pour agir?
  2. La limite temporelle de deux ans de l’article 282 L.é. porte-t-elle atteinte au droit de vote prévu à l’article 3 de la Charte canadienne et/ou à l’article 22 de la Charte québécoise des électeurs ayant quitté temporairement le Québec et étant absents depuis plus de deux ans?
  3. Le cas échéant, l’atteinte à l’article 3 de la Charte canadienne et/ou à l’article 22 de la Charte québécoise est-elle justifiée au sens de l’article premier de la Charte canadienne et de l’article 9.1 de la Charte québécoise, respectivement?

III.               ANALYSE

A.    La qualité pour agir dans l’intérêt public du demandeur

  1.            Gélinas-Faucher a-t-il l'intérêt requis pour rechercher les conclusions mentionnées à son pourvoi dans l'intérêt public?
  2.            Le demandeur soutient que son pourvoi soulève une question justiciable sérieuse, soit celle de la constitutionnalité de l’article 282 de la L.é. et de la conformité de cette disposition au droit de vote des électeurs qui étudient à l’extérieur du Québec pendant plus de deux ans. Il fait valoir qu’ayant souffert d’une atteinte à son droit de vote en conséquence de l’article 282 de la L.é., il possède un intérêt véritable dans l’issue du pourvoi et possède la qualité pour agir dans l’intérêt privé et dans l’intérêt public.
  3.            Selon le PGQ, Gélinas-Faucher n’a souffert d’aucune atteinte personnelle à son droit de vote par les dispositions qu’il conteste constitutionnellement puisqu’il était inscrit à la liste électorale et avait le droit de voter lors de l’élection partielle dans Jean-Talon du 2 décembre 2019. Il n’aurait donc pas l’intérêt privé d’agir. De plus, puisque depuis 2023 le demandeur n’a plus de domicile au Québec, la loi contestée ne s’appliquerait plus à lui et ainsi, il n’aurait pas l’intérêt public d’agir en l’espèce.

1.     Le droit applicable

  1.            L'intérêt requis pour intenter un recours varie selon qu'il s'agit d'un recours en droit privé ou en droit public.
  2.            L’article 85 C.p.c. est libellé comme suit :

85. La personne qui forme une demande en justice doit y avoir un intérêt suffisant.

 

L’intérêt du demandeur qui entend soulever une question d’intérêt public s’apprécie en tenant compte de son intérêt véritable, de l’existence d’une question sérieuse qui puisse être valablement résolue par le tribunal et de l’absence d’un autre moyen efficace de saisir celui-ci de la question.

85. To bring a judicial application, a person must have a sufficient interest.

 

The interest of a plaintiff who intends to raise a public interest issue is assessed on the basis of whether the interest is genuine, whether the issue is a serious one that can be validly resolved by the court and whether there is no other effective way to bring the issue before the court.

  1.            Les conclusions du pourvoi remodifié du demandeur tiennent d'un recours en droit public.
  2.            Pour les motifs qui suivent, il y a lieu de conclure que le demandeur a qualité pour agir dans l’intérêt public. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question de sa qualité pour agir dans l’intérêt privé.
  3.            Pour ce qui est de la « qualité pour agir »[5] dans l’intérêt public[6], en cause ici, la Cour d’appel a établi qu’un citoyen, une association ou toute autre entité juridique, sauf le gouvernement, peut intenter un recours dans l’intérêt public sans démontrer un préjudice né, actuel, personnel et direct distinct du préjudice subi par la collectivité[7].
  4.            Dans l’arrêt Downtown Eastside, la Cour suprême précise les trois facteurs que les tribunaux doivent soupeser, dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire[8], pour déterminer la qualité pour agir dans l’intérêt public:

« […] les tribunaux soupèsent trois facteurs à la lumière de ces objectifs sousjacents et des circonstances particulières de chaque cas. Ils se demandent si l’affaire soulève une question justiciable sérieuse, si la partie qui a intenté la poursuite a un intérêt réel ou véritable dans son issue et, en tenant compte d’un grand nombre de facteurs, si la poursuite proposée constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour : Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1992 CanLII 116 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 236, p. 253. Les tribunaux exercent ce pouvoir discrétionnaire de reconnaître ou non la qualité pour agir de façon « libérale et souple » (p. 253).[9]»

[Nos soulignements]

  1.            Ainsi, les trois facteurs cumulatifs suivants doivent servir à déterminer si une personne possède l’intérêt pour agir dans l’intérêt public :

(1) une question justiciable sérieuse est-elle soulevée?

(2) le demandeur atil un intérêt réel ou véritable dans l’issue de cette question?

(3) compte tenu de toutes les circonstances, la poursuite proposée constituetelle une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux?[10]

  1.            Ces facteurs sont appliqués de manière souple et libérale[11], par le biais d’une « approche téléologique » qui préserve l’« équilibre ‘entre l’accès aux tribunaux et la nécessité d’économiser les ressources judiciaires’».[12]
  2.            Sur la question de l’intérêt véritable, la Cour suprême dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec des déficiences précise que :

« [51] Le deuxième facteur, à savoir si le demandeur a un intérêt véritable dans les questions, traduit aussi la préoccupation de conserver les ressources judiciaires limitées et la nécessité d’écarter les simples troublefête. Il s’agit de répondre à « la question de savoir si le demandeur a un intérêt réel dans les procédures ou est engagé quant aux questions qu’elles soulèvent » (Downtown Eastside, par. 43). Pour juger de l’existence d’un intérêt véritable, le tribunal peut faire référence, notamment, à la réputation du demandeur ainsi qu’à la question de savoir s’il a un intérêt constant dans l’action et un lien continu avec elle (voir, p. ex., Conseil canadien des Églises, p. 254) »[13].

[Nos soulignements]

  1.            Dans l’arrêt Downtown Eastside, la Cour suprême explique que chaque facteur doit être « soupes[é] à la lumière des objectifs qui soustendent les restrictions à la qualité pour agir et appliqu[é] d’une manière souple et libérale de façon à favoriser la mise en œuvre de ces objectifs sousjacents »[14]. Ces objectifs sont de trois ordres, soit:

(1) l’affectation efficace des ressources judiciaires limitées et la nécessité d’écarter les plaideurs « troublefêtes »,

(2) l’assurance que les tribunaux entendront les principaux intéressés faire valoir contradictoirement leurs points de vue, et

(3) la sauvegarde du rôle propre aux tribunaux dans le cadre de notre système démocratique de gouvernement[15].

  1.            Dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec des déficiences, la Cour suprême précise le cadre d’analyse en expliquant que les tribunaux doivent aussi examiner les objectifs qui justifient la reconnaissance de la qualité pour agir, qui sont de deux ordres:

« [30] […] (i) donner plein effet au principe de la légalité et (ii) assurer un accès aux tribunaux ou, plus largement, un accès à la justice (par. 20, 3943 et 49). Dans chaque cas, le but est d’établir un véritable équilibre entre les objectifs qui militent pour la reconnaissance de la qualité pour agir et ceux qui militent pour la restreindre (par. 23).

[31] L’arrêt Downtown Eastside demeure l’autorité en la matière. Les tribunaux devraient s’efforcer d’établir un équilibre entre tous les objectifs à la lumière des circonstances et dans l’« exercice judicieux du pouvoir judiciaire discrétionnaire » qui leur est conféré (par. 21). Par conséquent, ils ne devraient pas, en règle générale, accorder une « importance particulière » à l’un ou l’autre des objectifs, y compris au principe de la légalité et à l’accès à la justice. Ces principes sont importants — et ont d’ailleurs joué un rôle crucial dans l’élaboration de la notion de qualité pour agir dans l’intérêt public —, mais ce ne sont que deux considérations parmi de nombreuses autres qui guident l’analyse prescrite par l’arrêt Downtown Eastside. [16]»

  1.            Le principe de la légalité renvoie à deux idées : (i) que les actes de l’État doivent être conformes à la loi et (ii) qu’il doit exister des manières pratiques et efficaces de contester la légalité des actions de l’État[17]. Comme le reconnaît la Cour suprême, la qualité pour agir dans l’intérêt public permet de contester la légalité de l’action gouvernementale, en dépit d’obstacles sociaux, économiques ou psychologiques à l’accès qui pourraient empêcher les justiciables de faire valoir leurs droits[18]. C’est en procurant la qualité pour agir dans l’intérêt public qu’est assurée l’accessibilité aux tribunaux pour contester la légalité de l’action gouvernementale.
  2.            À titre d’illustration, dans l’arrêt Thorson, la Cour suprême a accordé à un plaideur la qualité pour contester une loi qui ne le touchait pas directement, estimant qu’une question constitutionnelle ne « devrait [pas] être mise à l’abri d’un examen judiciaire en niant qualité pour agir à quiconque tente d’attaquer la loi contestée »[19]. Dans l’arrêt McNeil, cette même cour a reconnu la qualité pour agir d’un rédacteur en chef d’un journal à contester les pouvoirs de censure conférés à un organisme administratif, puisqu’il n’y avait « pratiquement aucun autre moyen de soumettre la loi contestée à l’examen judiciaire »[20]. Dans l’arrêt Finlay, la Cour suprême a souligné « l’importance dans un État fédéral de pouvoir s’adresser aux tribunaux pour contester la constitutionnalité d’une loi »[21].
  3.            Enfin, dans l’arrêt Conseil canadien des Églises, cette même cour s’est fondée sur la légalité pour refuser de reconnaître la qualité pour agir du Conseil. Elle y souligne « le droit fondamental du public d’être gouverné conformément aux règles de droit » et reconnaît que la qualité pour agir dans l’intérêt public a « pour objet d’empêcher que la loi ou les actes publics soient à l’abri des contestations »[22].

2.     L’application du droit aux faits

  1.            Le 24 mars 2006, le demandeur atteint l’âge de la majorité et celui de voter aux élections du Québec.
  2.            En septembre 2008, il entreprend des études universitaires de premier cycle en sciences sociales et en droit à l’Université d’Ottawa. Durant cette première période universitaire de cinq ans, il réside à Gatineau (secteur Hull), dans la province de Québec. En septembre 2009, il déménage à Ottawa, où il demeure jusqu’à la fin de sa formation de premier cycle, en 2013.
  3.            Gélinas-Faucher conserve durant cette première période d’études un domicile chez ses parents, à Québec. Il est alors couvert par le Régime d’assurance maladie du Québec et bénéficie de l’Aide financière aux études du gouvernement du Québec[23]. De plus, il revient fréquemment au Québec pour visiter sa famille, ses amis et sa conjointe.
  4.            Le 1er août 2012, le gouvernement du Québec déclenche une élection générale dont le scrutin est fixé au 4 septembre 2012[24]. Le demandeur y vote dans la circonscription électorale de Jean-Talon.
  5.            De septembre 2013 à juillet 2014, il déménage en Angleterre pour des études de maîtrise en droit international à l’Université de Cambridge. Durant cette période, il maintient son domicile chez ses parents, à Québec.
  6.            Le 5 mars 2014, le gouvernement du Québec déclenche une élection générale dont le scrutin doit avoir lieu le 7 avril 2014[25]. Le demandeur y vote dans la circonscription de Jean-Talon, par correspondance depuis l’Angleterre.
  7.            De juillet 2014 à juin 2015, il réside à Ottawa pour effectuer un stage à titre d’auxiliaire juridique à la Cour suprême du Canada. Durant l’été qui suit, il s’installe sur la rue Bégin, à Gatineau, toujours avec sa conjointe.
  8.            En 2015-2016, il continue d’habiter à Gatineau, où il poursuit sa formation à l’École du Barreau du Québec.
  9.            En septembre 2016, Gélinas-Faucher déménage aux Pays-Bas afin d’y compléter un stage de dix mois comme auxiliaire juridique à la Cour internationale de Justice de La Haye.
  10.            À l’été 2017, il revient au Québec et est alors hébergé par ses parents et amis.
  11.            Le 23 septembre 2017, il quitte le Québec avec sa conjointe afin d’entreprendre un doctorat en droit international en Angleterre, à l’Université de Cambridge. Il réside alors dans un logement étudiant, mais conserve son adresse au domicile familial à Québec. Il est alors encore et toujours couvert par le Régime d’assurance maladie du Québec[26] et bénéficie de l’Aide financière aux études du gouvernement du Québec.[27]
  12.            Le 1er juin 2018, les parents du demandeur déménagent sur le boulevard Pie-XII, à Québec. Ce nouveau domicile familial, qui continue d’être celui du demandeur[28], fait toujours partie de la circonscription de Jean-Talon.
  13.            Le 23 août 2018, le gouvernement du Québec déclenche une élection générale dont le scrutin est prévu pour le 1er octobre 2018[29].
  14.            Entre le 26 août et le 16 septembre 2018, Gélinas-Faucher visite le Québec à des fins familiales, sociales et professionnelles. En effet, durant cette période, il donne le cours d’introduction au droit à l’Université de Montréal.
  15.            Le 12 septembre 2018, le demandeur s’inscrit au registre du vote hors Québec[30]. Il retourne en Angleterre quatre jours plus tard et votera à l’étranger lors de l’élection générale du 1er octobre 2018.
  16.            Le 28 octobre 2019, par suite de la démission du député de la circonscription de Jean-Talon, le gouvernement du Québec déclenche une élection partielle dans ce comté. Le scrutin est fixé au 2 décembre 2019[31].
  17.            Le demandeur allègue que le 26 novembre suivant, il communique par téléphone avec un représentant de bureau de circonscription du DGÉ pour clarifier son admissibilité au vote à l’étranger, précisant qu’il réside en Angleterre depuis septembre 2017. Le représentant l’aurait alors informé qu’il n’était plus admissible au vote à l’étranger puisqu’au jour du scrutin il avait quitté le Québec depuis plus de deux ans. Il lui aurait aussi indiqué de détruire son bulletin de vote à l’étranger. Le lendemain, le demandeur aurait retrouvé le bulletin dans son pigeonnier et l’aurait détruit. Il soutient avoir, par conséquent, été privé de son droit de vote à l’étranger.
  18.            Dans sa déclaration sous serment, monsieur Rémy Vaillancourt, responsable du vote hors Québec au DGÉ conteste ce dernier épisode, qu’il considère « invraisemblable »[32].
  19.            Gélinas-Faucher ne votera pas lors de l’élection partielle du 2 décembre 2019.
  20.            En août 2020, celui-ci déménage au Québec et s’installe à Brossard avec sa conjointe, qui est enceinte.
  21.            En janvier 2022, le demandeur commence à enseigner à l’Université de Moncton sur un poste contractuel sans permanence.
  22.            À l’hiver 2023, cette université lui offre un poste permanent de professeur adjoint, qu’il accepte. Il déménage alors à Moncton avec sa famille.
  23.            En juillet 2024, il est embauché comme professeur adjoint à l’Université du Nouveau-Brunswick, en tant que spécialiste de droit public, constitutionnel et linguistique.
  24.            Présent pour toute la durée de l’audience, Gélinas-Faucher témoigne être un citoyen impliqué ayant à cœur ses valeurs civiques et passionné d’affaires sociales.
  25.            Compte tenu des circonstances, le recours du demandeur constitue-t-il une manière « raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour », considérant l’appréciation souple et téléologique devant être faite des trois facteurs de Downtown Eastside[33], confirmée dans Conseil des Canadiens avec des déficiences[34]?
  26.            Le PGQ soumet que le demandeur n’a souffert d’aucune atteinte personnelle à son droit de vote par les dispositions qu’il conteste constitutionnellement puisque lors de l’élection partielle dans Jean-Talon du 2 décembre 2019, il était inscrit à la liste électorale et avait le droit de voter. Il semble alors référer à l’analyse de la qualité d’agir en droit privé.
  27.            Soulignons d’emblée que cette interprétation, voulant que le bref séjour du demandeur en sol québécois entre le 26 août et le 16 septembre 2018 reparte le compteur à « zéro » pour les fins du calcul de la période de 2 ans pour le vote à l’étranger, et lui permette de voter à distance, doit être écartée.
  28.            Dans un Document de réflexion intitulé « Amendements à la Loi électorale », émanant du DGÉ et daté du 12 décembre 1995, des commentaires sommaires sont présentés sur des sujets d’ordre général, des pistes de solutions, des propositions d’amendements et des suggestions techniques relativement à la législation en vigueur (« Document de réflexion du DGÉ de 1995 »)[35]. Ce document est produit par suite du référendum du 30 octobre 1995, et du souhait que des modifications soient adoptées à la législation électorale et référendaire québécoise. Le ministre responsable de la Réforme électorale entreprend alors une démarche en ce sens et demande alors au DGÉ de préparer un document de travail qui pourrait éclairer la réflexion de toutes les personnes impliquées dans les lois électorales.
  29.            Dans ce document, le DGÉ aborde le vote hors Québec, notant que l’application des dispositions le concernant a donné lieu à de nombreuses difficultés d’interprétation[36]. La première difficulté est celle relative à l’interprétation des termes « départ » et « quitte temporairement » de l’article 282 L.é., lequel, rappelons-le, se lit comme suit :

« 282. Un électeur qui quitte temporairement le Québec et qui y est domicilié depuis 12 mois à la date de son départ peut exercer son droit de vote hors Québec pendant les deux ans qui suivent son départ.[…] »

[Nos soulignements.]

  1.            Sur le sujet du vote hors Québec, le DGÉ explique, dans ce passage fort instructif, que :

« Les dispositions relatives au vote hors Québec ont pour unique objet de créer un mécanisme d’exercice du droit de vote pour les électeurs temporairement absents de leur domicile au Québec et non pas de modifier la qualité d’électeur en éliminant l’exigence du domicile.

Il découle de ce qui précède que l’électeur qui a perdu son domicile en quittant le Québec parce qu’il avait l’intention d’en établir un nouveau dans un autre lieu ne saurait être admissible au vote hors Québec, ayant perdu la qualité d’électeur.

La perte ou le maintien du domicile comportant une idée d’intention devient par ailleurs très difficile à vérifier, surtout sur la foi d’un simple formulaire d’inscription.

Le choix du vocabulaire utilisé de même que l’explication de certaines règles devant guider son interprétation deviennent plus souvent les seuls moyens d’assurer une meilleure compréhension et un plus grand respect de l’esprit de la loi.

On peut ainsi envisager que l’interprétation de la loi laisserait moins de place à la controverse si l’expression « s’absente temporairement du Québec » était utilisée en remplacement de « quitte temporairement le Québec ».

En outre, la computation du délai de deux ans ne devrait pas pouvoir recommencer à zéro chaque fois qu’une personne vient faire une « visite » au Québec pendant la durée de son absence.

On peut croire que ces deux précisions auraient pour effet de fermer la porte aux interprétations très larges qui ont pu être données à la notion de départ et qui ont eu pour effet, dans certains cas, de mettre de côté l’obligation de base du maintien du domicile au Québec. [37]»

  1.            Dans ce document d’interprétation, le DGÉ se positionne clairement sur l’argument invoqué par le PGQ, en le rejetant. Le délai de deux ans ne recommence pas à chaque visite au Québec. Il faut plus.
  2.            Ajoutons que la théorie invoquée par le PGQ de la « remise du compteur à zéro » n’est pas cohérente avec l’article 288.1 L.é. qui, depuis 2022, permet à titre exceptionnel d’obtenir, au Québec, le moment venu, une trousse pour voter de l’extérieur du Québec.
  3.            Ainsi, il est clair que Gélinas Faucher n’a pas vu la computation de son délai de deux ans « recommencer à zéro » par son simple passage au Québec du 26 août au
    16 septembre 2018 pour enseigner un cours et visiter famille et amis. Dans les faits, il ne peut donc effectivement pas voter à l’étranger à l’élection partielle du 2 décembre 2019.
  4.            De plus, le PGQ soulève que le demandeur ne possède pas la qualité d’agir parce qu’il soulève l’inconstitutionnalité d’une loi du Québec alors qu’il est désormais domicilié au Nouveau-Brunswick (depuis 2023) et n’est donc plus inscrit à la liste électorale du Québec. Il ne possèderait donc pas d’intérêt réel ou véritable pour agir.
  5.            La qualité pour agir à l’égard d’une question d’intérêt public doit être appréciée de manière souple et libérale[38]. Il s’agit de rechercher, comme l’a établi la Cour suprême du Canada, un équilibre entre, d’une part, le principe de la légalité et l’accès à la justice et, d’autre part, l’utilisation à bon escient des ressources judiciaires[39].
  6.            L’intérêt véritable des individus ou des organisations qui soulèvent un litige qui porte sur la Charte canadienne n’exige pas qu’ils soient directement touchés ou que leurs propres droits soient atteints[40].
  7.            Or, le demandeur témoigne que de 2008 à 2020, l’adresse de ses parents à Québec demeure son domicile et son point d’ancrage alors qu’il reste couvert par la Régie de l’assurance maladie du Québec, paye ses impôts au Québec, cotise au Régime de rentes du Québec et au Régime québécois d’assurance parentale, maintient son permis de conduire québécois ainsi que ses cartes de crédit et débit québécoises, et participe aux affaires sociales du Québec par le biais de témoignages en comités parlementaires et de textes d’opinion publiés dans plusieurs journaux québécois. Par son témoignage, il insiste sur son intérêt réel à intenter la présente action.
  8.            Au sens de Downtown Eastside, réitéré par la Cour suprême du Canada dans Conseil des Canadiens avec déficience, de la préoccupation de conserver les ressources judiciaires limitées et d’écarter « les simples trouble-fête », le pouvoir discrétionnaire du tribunal de reconnaître la qualité d’agir dans l’intérêt public milite en faveur de la reconnaissance de l’intérêt pour agir en droit public du demandeur.
  9.            D’abord, la question de la conformité de l’article 282 de la L.é. au droit de vote des étudiants hors du Québec pendant plus de deux ans est une question sérieuse pour l’intérêt public des Québécois(es), considérant en outre le nombre d’étudiants séjournant à l’étranger pendant plus de deux ans à s’être retrouvés dans cette situation[41], de même que l’essence des débats parlementaires sur la question, dont il sera fait état ci-après. De plus, la question est justiciable[42], en ce que les tribunaux peuvent en être saisis, et en ont été saisis dans le passé[43].
  10.            Ensuite, le demandeur possède un intérêt réel et véritable dans l’issue de la question principale en litige.
  11.            Avocat et professeur spécialisé dans les questions de droit public et de droit constitutionnel, de même que docteur en droit constitutionnel, il s’intéresse naturellement aux questions de Chartes et à la conformité de lois comme la L.é. aux instruments constitutionnels québécois et canadiens.
  12.            De même, il témoigne que le fait de ne pouvoir voter à distance en 2009 est « venu le chercher », « au plus profond de lui-même », cette préoccupation pour le droit de vote étant, pour lui, fondamentale et ancrée dans ses valeurs et son éducation. Il affirme, en ce sens, avoir continué, entre 2008 et 2020, à s’intéresser au débat public et aux affaires sociales, et y avoir participé continuellement, et ce, même à distance durant ses études à l’étranger. Il publie, durant cette période, des lettres d’opinion, en gardant, toujours, « l’œil ouvert » quant aux affaires sociales et politiques du Québec. De plus,
    il précise avoir témoigné en commission parlementaire et continué de maintenir des liens administratifs et sociaux avec le Québec. Il convient de souligner qu’il n’est pas rare que des doctorants se destinant à une carrière académique s’adonnent à de telles activités. Néanmoins, son témoignage confirme qu’il y participe par intérêt personnel, nul doute, et qu’il est engagé académiquement et personnellement quant à ces questions.
  13.            Cet intérêt fondamental pour les affaires sociales et politiques au Québec se poursuit depuis son changement de résidence au Nouveau-Brunswick afin d’y enseigner à l’Université. Il est vrai qu’il déménage là-bas pour pourvoir un poste permanent, et qu’il y est accompagné de sa jeune famille. Il ne coupe toutefois pas les ponts avec le Québec puisqu’il maintient son affiliation au Barreau du Québec, participe à l’un de ses comités, demeure membre de l’Association des avocats hors Québec, et siège au conseil d’administration de la Société québécoise de droit international.
  14.            Ainsi, le fait d’avoir déménagé pour les fins d’un poste de professeur adjoint n’affecte pas son « intérêt réel et constant [44]» quant au droit de vote externe des étudiants hors Québec, ou encore ses liens multiples, profonds et pérennes de rattachement avec le Québec.
  15.            Il est à noter d’ailleurs que le pourvoi dans l’arrêt Frank c. Canada[45], dont il sera abondamment fait état au présent jugement, avait été intenté par deux citoyens canadiens privés de leur droit de voter à une élection fédérale canadienne parce qu’ils vivaient à l’étranger depuis plus de cinq ans, et résidaient désormais aux États-Unis. Ces personnes maintenaient des liens forts avec le Canada et avaient exprimé, à l’audience, le souhait de revenir au Canada s’ils trouvaient un emploi approprié. Aucun questionnement relativement à leur intérêt pour agir n’avait toutefois été soulevé. Soulignons bien sûr qu’il faut distinguer cet exemple du cas présent puisque la simple exigence de citoyenneté pour être éligible à voter au fédéral est distincte de la double nécessité de citoyenneté et de résidence pour le vote québécois. Nous y reviendrons.
  16.            Enfin, il faut se demander si l’action envisagée constitue une utilisation efficiente des ressources judiciaires, si les questions sont justiciables dans un contexte accusatoire, et si le fait d’autoriser la poursuite de l’action envisagée favorise le respect du principe de la légalité[46].
  17.            Gélinas-Faucher possède la capacité, les ressources et l’expertise pour mener à bien le pourvoi, et sa situation offrait, du moins jusqu’en 2023, un contexte factuel adéquat pour évaluer la validité de l’article 282 de la L.é. Notons qu’il est représenté en l’instance, et que ses avocats ont accepté de le faire sur une base pro bono. Il n’existe aucun conflit entre ses intérêts et ceux d’autres demandeurs potentiels ou l’intérêt public dans la constitutionnalité des lois.
  18.            La présente cause en est une fondamentale pour l’intérêt de ceux qui ont quitté la province temporairement et sont absents depuis plus de deux ans, mais souhaitent continuer de voter à distance.
  19.            Par ailleurs, par sa participation au débat à titre de demandeur, Gélinas-Faucher exprime, au moins implicitement, qu’il détient l’intérêt d’agir[47]. Toutefois, celui-ci ne semble ni passif ni capricieux, et son recours paraît sérieux et fondé, et non celui d’un « trouble-fête » dont il faut s’inquiéter. Gélinas-Faucher agit car il est préoccupé par un sujet qui le touchait directement comme doctorant, ainsi que ses collègues étudiants, comme il en a témoigné. De plus, le sujet du droit de vote à l’étranger continue réellement de le préoccuper.
  20.            Enfin, il n’existe pas d’autres manières réalistes ou efficaces de soumettre la question aux tribunaux et qui offriraient un contexte plus favorable à ce qu’une décision soit rendue dans le cadre du système contradictoire. Pour ce qui est des étudiants hors Québec, leurs capacités, ressources et expertise sont limitées. D’autres individus non étudiants pourraient bien sûr être visés également et auraient pu intenter un recours mais ne l’ont pas fait. Comme professeur d’université et ancien doctorant à l’étranger, Gélinas-Faucher possède la compétence et l’expertise requises, est bien représenté par ses avocats, et son dossier a été entendu de manière efficace et efficiente. Ce facteur est rempli.
  21.            Ayant soupesé de manière cumulative chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Downtown Eastside, il y a lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de reconnaître au demandeur la qualité pour agir dans l’intérêt public. Le pourvoi soulève une question sérieuse à savoir si la limite temporelle prévue à l’article 282 L.é. est contraire aux Chartes, et le cas échéant, si cette atteinte est justifiée. En examinant sa réputation, son intérêt continuel pour l’enjeu du présent litige et son lien avec l’action, le demandeur possède un intérêt véritable dans l’affaire et son « engagement » est réel, de façon à assurer une utilisation efficiente des ressources judiciaires limitées[48]. Il n’existe pas non plus d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre le litige à un tribunal.

B.    le droit de vote des électeurs québécois

1.        Les principes constitutionnels du droit de vote

  1.            Le droit de vote revet une « importance privilégiée »[49] pour la démocratie canadienne[50] et québécoise, et pour la primauté du droit[51], étant garanti par les Chartes canadienne et québécoise, dont les articles 3 et 22 se lisent ainsi :

Charte canadienne :

3. Tout citoyen a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.

3. Every citizen of Canada has the right to vote in an election of members of the House of Commons or of a legislative assembly and to be qualified for membership therein.

Charte québécoise :

22. Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d’une élection et a droit d’y voter.

22. Every person legally capable and qualified has the right to be a candidate and to vote at an election.

  1.            La Charte québécoise garantit à l’article 22 le droit de vote aux élections québécoises à tout électeur habilité et qualifié en vertu de la L.é.
  2.            D’emblée, il faut toutefois exclure cet article de la Charte québécoise de la présente analyse d’inconstitutionnalité, compte tenu de sa formulation, qui conditionne le droit de vote aux critères prescrits par la loi, soit à « toute personne légalement habilitée et qualifiée », c’est-à-dire à tout électeur tel que défini à l’article 1 L.é. Ainsi la L.é. ne peut contrevenir à l’article 22 de la Charte québécoise.
  3.            Nécessairement, l’article 282 est valide en droit québécois et ne peut être invalidé que par sa contravention à l’article 3 de la Charte canadienne, comme discuté ci-après.
  4.            Pour ce qui est de l’article 3 de la Charte canadienne, la Cour suprême du Canada dans le Renvoi concernant la Saskatchewan[52] se prononce pour la première fois sur son objet, concluant qu’il n’exige pas l’égalité absolue du nombre d’électeurs (pouvoir électoral), mais plutôt la « représentation effective »[53]. L’article 3 garantit aussi le droit à une représentation effective[54]. Cette notion est ainsi expliquée par la Cour suprême dans le Renvoi : Circ. électorales provinciales (Sask.):

« […] l'objet du droit de vote garanti à l'art. 3 de la Charte n'est pas l'égalité du pouvoir électoral en soi, mais le droit à une "représentation effective". Notre démocratie est une démocratie représentative. Chaque citoyen a le droit d'être représenté au sein du gouvernement. La représentation suppose la possibilité pour les électeurs d'avoir voix aux délibérations du gouvernement aussi bien que leur droit d'attirer l'attention de leur député sur leurs griefs et leurs préoccupations […][55]»

[Nos soulignements]

  1.            Cet objet de l’article 3, tel que formulé, fut repris maintes fois par cette même haute Cour[56]. L’article 3 protège ainsi le droit des citoyens de « participer utilement au processus électoral »[57].
  2.            De plus, la Cour suprême dans l’arrêt Figueroa définit l’objectif démocratique de l’article 3 comme suit:

« Il ressort […] du texte même de l’art. 3 que l’élément central de cette disposition est le droit de tout citoyen de participer au processus électoral.  Il en découle que le droit de tout citoyen de participer à la vie politique du pays revêt une importance fondamentale dans une société libre et démocratique et que l’art. 3 doit être interprété d’une manière propre à faire en sorte que la teneur de ce droit de participation corresponde à l’importance de la participation individuelle à l’élection des députés dans un État libre et démocratique.

[…]

Il s’ensuit donc que la participation au processus électoral possède une valeur intrinsèque indépendamment de son effet sur le résultat concret des élections.  Certes, il est vrai que le processus électoral est le moyen utilisé pour élire les députés et former les gouvernements, mais il constitue également le principal moyen permettant au citoyen ordinaire de participer au débat public qui précède l’établissement de la politique sociale. Le droit de briguer les suffrages des électeurs offre à tout citoyen la possibilité de présenter certaines idées et opinions et d’offrir à l’électorat une option politique viable. Le droit de vote permet à tout citoyen de manifester son appui à l’égard des idées et opinions auxquelles souscrit un candidat donné.  Dans chacun des cas, les droits démocratiques consacrés à l’art. 3 font en sorte que tout citoyen a la possibilité d’exprimer une opinion sur l’élaboration de la politique sociale et le fonctionnement des institutions publiques en participant au processus électoral.[58]»

[Nos soulignements]

  1.            Tout citoyen doit donc avoir la « possibilité réelle » de prendre part au gouvernement du pays par le biais du processus électoral et du vote[59]. La Cour suprême a encore récemment reconnu que la participation civique est la « pierre angulaire d’une démocratie en santé »[60].
  2.            La Cour suprême a aussi précisé dans l’arrêt Haig que l’article 3 garantit le droit de vote aux élections fédérales et nationales québécoises, et non aux élections municipales ou aux référendums[61]. Le référendum n’est qu’un processus de consultation et un moyen de recueillir des opinions, lequel ne lie le gouvernement que si un texte législatif le prescrit[62].
  3.            L’article 52 de la Charte canadienne, par ailleurs, rend toute disposition législative incompatible avec le droit de vote invalide et inopérante.
  4.            Comme l’affirme la juge McLachlin dans le deuxième arrêt Sauvé (Sauvé 2002), sur la suppression du droit de vote des détenus, toute restriction au droit de vote exige « non pas une retenue judiciaire, mais un examen approfondi. Il s’agit ici non pas de substituer la préférence philosophique de la Cour à celle du législateur, mais de s’assurer que la justification de ce dernier est fondée sur la logique et le bon sens[63] ».
  5.            Ainsi, l’on retient que le droit de vote est fondamental et doit être interprété de manière large et libérale[64], de même que les dispositions législatives destinées à le mettre en œuvre[65]. L’importance fondamentale du droit de vote ressort également entre autres de son non-assujettissement à la disposition dérogatoire de l’article 33 de la Charte canadienne.
  6.            Le droit de vote est donc au cœur de la formation et des conditions d’exercice du pouvoir étatique. D’après les auteurs du Rapport final de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (la « Commission Lortie »),

« [l]e droit d'élire ceux et celles qui nous gouvernent a donc pour objet, du moins en partie, d'assurer la légitimité du régime politique, tout en garantissant la représentation des intérêts de l’électorat. Le droit d'élire des représentants et représentantes est donc un élément fondamental d'une société libre et démocratique. D'autres droits, par exemple, ceux d'expression ou d'association ne sont pas moins importants, mais dépendent de la souveraineté politique de l'électorat, dont l'expression la plus efficace est le droit de vote.[66] »

  1.            Droit démocratique, le droit de vote est donc accordé, d’abord et avant tout, aux personnes qui possèdent un lien de rattachement avec le pays et/ou avec la province par le biais de leur citoyenneté ou de leur domicile. Ce droit implique la mise en œuvre et le maintien de mécanismes qui permettent de l’exercer, même à distance. C’est ainsi que les citoyens canadiens ayant quitté temporairement le Québec et étant absents depuis plus de deux ans se voient accordés le droit restreint de voter à distance à certaines conditions.

2.        Le droit de vote en droit québécois

  1.            Avant d’aborder le droit québécois, soulignons d’abord que la Loi électorale du Canada[67] réglemente les élections fédérales au Canada en permettant à toute personne ayant le droit de voter de participer au scrutin et de préserver l’intégrité du processus démocratique[68]. Contrairement à l’article 3 de la Charte canadienne, elle établit des règles spécifiques relatives à la qualité d’électeur et aux droits de vote, en plus de mécanismes de scrutin particuliers.
  2.            Ainsi, l’article 3 de la L.é.C. prévoit que toute personne qui est citoyenne canadienne et a atteint l’âge de 18 ans, a la qualité d’électeur et que toute personne qui a qualité d’électeur a le droit de voter au bureau de scrutin établi dans la section de vote où elle réside habituellement (article 6 L.é.C.). Ainsi, tout « électeur » a le droit de voter à l’endroit au Canada où il réside habituellement. Comme l’indique la Cour suprême dans Frank, il s’agit de ce que l’on appelle « la condition de résidence »[69].
  3.            Cette condition de résidence est absente du droit québécois.
  4.            La qualité d’électeur est définie à l’article 1 L.é., qui se lit comme suit :

« 1. Possède la qualité d’électeur, toute personne qui:

1° a 18 ans accomplis;

2° est de citoyenneté canadienne;

3° est domiciliée au Québec depuis six mois;

4° n’est pas frappée d’une incapacité de voter résultant d’un jugement rendu en vertu de l’article 288 du Code civil;

5° n’est pas privée de ses droits électoraux en application de la présente loi, de la Loi sur la consultation populaire (chapitre C-64.1), de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (chapitre E-2.2) ou de la Loi sur les élections scolaires visant certains membres des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones (chapitre E-2.3).

Le domicile d’une personne est le même que celui établi en vertu du Code civil. »

[Nos soulignements.]

  1.            Notons que le législateur utilise le concept de « domicile » du C.c.Q. et non de « résidence » pour assujettir territorialement un électeur à sa circonscription[70].
  2.            Deux conditions sont requises pour exercer le droit de vote, en vertu de l’article 2 L.é., soit de posséder la qualité d’électeur le jour du scrutin et d’être inscrit à la liste électorale de la section de vote du domicile le quatorzième jour qui précède celui du scrutin.
  3.        La liste électorale permanente est constituée de renseignements contenus au fichier des électeurs et à celui des territoires[71]. Le fichier des électeurs comprend les noms et adresses du domicile, le sexe, la date de naissance de chaque électeur et, le cas échéant, les mentions relatives à l’exercice de son droit de vote hors du Québec[72]. Aucune information n’est incluse sur le statut professionnel ou social d’un électeur.
  4.        La mise à jour des renseignements inclus au fichier des électeurs s’effectue par le biais de deux mécanismes, soit par la transmission de renseignements par d’autres organismes publics, soit par l’électeur lui-même, qui a obligation de communiquer au DGÉ tout changement aux renseignements de la liste qui le concernent[73]. Ainsi, la Régie de l’assurance maladie du Québec transmet au DGÉ les changements relatifs au nom, adresse, à la date de naissance, et au sexe d’une personne inscrite sur la liste électorale permanente, ainsi que le cas échéant, la date de son décès et les codes de péremption de l’adresse de cette personne[74].
  5.        Le DGÉ délègue l’élection dans une circonscription à un directeur du scrutin[75]. Dès la prise d’un décret ordonnant la tenue d’une élection, il produit la liste électorale et la liste des électeurs admis à exercer leur droit de vote hors Québec[76]. Le directeur du scrutin transmet ensuite ces listes, en y incluant la liste des adresses où aucun électeur n’est inscrit, à chaque candidat[77].

3.        La perte du droit de vote à l’étranger de l’électeur québécois qui a quitté temporairement le Québec et est absent depuis plus de deux ans

  1.        Règle générale, l’électeur exerce son droit de vote en personne dans le bureau de chaque section de vote[78]. Or, il arrive qu’un électeur se déplace temporairement à l’extérieur du Québec, en outre pour un engagement professionnel ou des études à l’étranger.
  2.        Les lois électorales canadiennes  provinciales et fédérales  permettent alors à un tel électeur situé hors Québec d’exercer son droit de vote par correspondance depuis l’étranger.
  3.        Au Québec, l’article 262 L.é. énumère les cinq grandes modalités d’exercice du droit de vote, y inclus le vote par correspondance depuis l’étranger, prévu au deuxième paragraphe :

« 262. Le droit de vote s’exerce le jour du scrutin conformément à la section III. Il peut également s’exercer conformément aux sections II à II.3 de l’une des façons suivantes:

1° au bureau principal ou aux bureaux secondaires du directeur du scrutin;

par correspondance, dans le cas d’un électeur hors Québec, d’un électeur détenu ou d’un électeur détenu dans un lieu de détention provisoire ou placé sous garde dans un lieu de garde en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (L.C. 2002, c. 1);

3° par anticipation;

4° dans le local d’un centre de formation professionnelle ou d’un établissement d’enseignement postsecondaire qui répond aux critères fixés par directives du directeur général des élections.

Un électeur vote pour un candidat de la circonscription de son domicile. »

[Nos soulignements]

  1.        Le vote par correspondance est de deux types. Premièrement, le vote hors Québec, qui nous concerne, est régi par les articles 281 à 293 L.é. et par son Annexe IV, qui exigent de remplir une demande accompagnée notamment d’une déclaration d’intention de revenir au Québec, à laquelle nous reviendrons. Deuxièmement, le vote des électeurs détenus est prévu aux articles 294 à 299.1 L.é.[79]. Ajoutons qu’il est aussi possible de voter par anticipation (article 300) et dans les locaux des centres de formation professionnelle et des établissements d’enseignement postsecondaires (article 301.24).
  2.        Pour pouvoir voter à l’étranger, un électeur hors Québec doit satisfaire à certaines conditions. Précisément, l’article 282 L.é. exige qu’il soit domicilié au Québec depuis douze mois avant son départ et n’ait pas quitté temporairement la province depuis plus de deux ans.
  3.        L’article 281 prévoit qu’« (u)n électeur admissible à exercer son droit de vote hors Québec est réputé domicilié à l’adresse de son domicile au Québec. »
  4.        Rappelons que l’article 282 al. 1 L.é. se lit comme suit :

« 282. Un électeur qui quitte temporairement le Québec et qui y est domicilié depuis 12 mois à la date de son départ peut exercer son droit de vote hors Québec pendant les deux ans qui suivent son départ.

Toutefois, le délai de deux ans ne s’applique pas:

1° à l’électeur qui est affecté à l’extérieur du Québec à une fonction pour le compte du gouvernement du Québec ou du Canada;

2° à l’électeur qui est affecté à l’extérieur du Québec à une fonction pour le compte d’un organisme international dont le Québec ou le Canada est membre et auquel il verse une contribution;

3° au conjoint et aux personnes à charge de l’électeur visé aux paragraphes 1° et 2°, s’ils sont eux-mêmes électeurs. »

[Nos soulignements]

  1.        Le deuxième alinéa de l’article 282 fait exception au délai de deux ans pour trois catégories d’électeurs hors Québec ayant des liens professionnels avec le Québec de l’ordre d’un emploi auprès du gouvernement du Québec ou du Canada, ou encore d’un organisme international dont le Québec ou le Canada est membre et auquel il verse une contribution[80].
  2.        Au Québec, l’électeur qui désire voter par correspondance depuis l’étranger doit produire sous sa signature une demande au DGÉ, qui se charge de l’exercice du droit de vote externe. Cette demande doit inclure l’adresse de son domicile, la date de son départ et de son retour, de même qu’une adresse postale hors Québec à laquelle le bulletin de vote pourra lui être envoyé. L’article 283 L.é., qui en dispose, se lit ainsi:

« 283. L’électeur qui désire exercer son droit de vote hors Québec doit produire, sous sa signature, une demande contenant les renseignements suivants:

1° son nom, son sexe et sa date de naissance;

2° l’adresse de son domicile au Québec ou, le cas échéant, celle de son dernier domicile;

la date de son départ du Québec;

la date prévue de son retour au Québec;

son adresse postale à l’extérieur du Québec.

Toute demande doit être accompagnée d’une déclaration de l’électeur de son intention de revenir au Québec et d’une photocopie du ou des documents déterminés par règlement du directeur général des élections à l’appui des renseignements contenus dans la demande.

Dans le cas d’un électeur visé au deuxième alinéa de l’article 282, la demande doit être accompagnée d’une attestation de l’affectation à l’extérieur du Québec.

La demande visée au présent article peut être produite par un mode de transmission adapté à l’environnement technologique du directeur général des élections, déterminé par ce dernier. Cette demande doit contenir une déclaration de l’électeur attestant qu’il est bien l’électeur visé par la demande d’inscription au vote hors Québec. Cette déclaration remplace la signature prévue au premier alinéa. De plus, un des documents prévus au deuxième alinéa doit comporter la signature de l’électeur. »

[Nos soulignements]

  1.        L’auto-déclaration prévue à l’article 283 L.é. constitue la preuve de qualité d’électeur, se fondant sur la bonne foi et l’honnêteté du citoyen québécois[81].
  2.        L’article 284 L.é. prévoit que le DGÉ « intègre à la liste électorale permanente les renseignements nécessaires à l’exercice du droit de vote hors Québec de l’électeur qui y est admissible. » Cette information se traduit par la cote « HQ » inscrite au registre[82].
  3.        Le matériel nécessaire pour voter à l’étranger est envoyé à l’adresse de l’électeur hors Québec[83], de même que la liste des candidats de la circonscription[84]. L’article 288.1 L.é. permet aussi depuis quelques années, exceptionnellement, l’obtention au Québec sur demande d’une trousse pour voter à l’extérieur du Québec, le moment venu.
  4.        Par ailleurs, l’article 285 L.é. prévoit que l’électeur qui « revient » au Québec « doit » en aviser le DGÉ. Ce dernier raye alors de la liste électorale permanente « les renseignements nécessaires à l’exercice du droit de vote hors Québec de l’électeur qui l’a avisé de son retour au Québec ou qui est à l’extérieur du Québec depuis plus de deux ans, à l’exception, dans ce dernier cas, de l’électeur visé au deuxième alinéa de l’article 282.» (Article 286 L.é.).
  5.        Précisons, par comparaison, qu’au fédéral, la L.é.C. prévoit également un droit au vote par bulletin spécial aux québécois résidant à l’étranger, aux articles 220 et suivants, et ce, sans aucune restriction temporelle. En effet, l’ancienne restriction applicable au vote des citoyens vivant à l'étranger depuis plus de cinq ans a été contestée par deux Canadiens dans cette situation n’ayant pas été autorisés à voter lors de l'élection de 2011. La Cour suprême du Canada a invalidé la restriction dans l’arrêt Frank en 2019, affirmant qu'elle contrevenait à la Charte canadienne, sans justification aux termes de l'article 1. Dans l’intervalle, le Parlement a adopté, le 13 décembre 2018, le projet de loi C-76, faisant alors disparaître la restriction temporelle au vote des électeurs ayant vécu à l'étranger depuis plus de cinq ans.
  6.        Ainsi, un électeur fédéral situé à l’étranger doit remplir et présenter une demande d’être inscrit au Registre international des électeurs, une base de données d'électeurs canadiens vivant à l'extérieur du Canada qui ont demandé de voter par bulletin spécial. L’électeur est admissible au vote si son nom est inscrit au registre et sa demande d’inscription et de bulletin de vote spécial a été envoyée dans les six jours précédant le scrutin[85]. Lors du déclenchement d'une élection générale, d'une élection partielle ou d'un référendum, Élections Canada s’assure d’envoyer automatiquement une trousse de vote par bulletin spécial à toutes les personnes inscrites au registre et ayant le droit de vote.
  7.        Revenons au vote par correspondance hors Québec, qui requiert, au sens de l’article 1 L.é., que l’électeur remplisse, en somme, les conditions suivantes:
  • Être domicilié au Québec depuis 12 mois à la date de son départ (article 282 L.é.);
  • Être inscrit à la liste électorale permanente (article 2 L.é.);
  • Avoir transmis une demande écrite de type « auto-déclaration » au DGÉ, dans laquelle il déclare son intention de revenir au Québec, sa date de départ et de retour au Québec et une adresse qui permettra au DGÉ de lui transmettre le bulletin de vote (article 283 L.é.);
  • Avoir quitté « temporairement » le Québec pour une durée de moins de deux ans et maintenir son domicile au Québec (article 282 alinéa 1 L.é.);
  • Rencontrer les exceptions de l’article 282, al. 2 L.é. s’il a quitté le Québec depuis plus de deux ans;
  • Avoir avisé le DGÉ lorsqu’il revient de l’étranger (article 285 L.é.);
  1.        Après que deux ans se soient écoulés depuis son départ de la province, un électeur québécois ne peut plus voter par correspondance à l’étranger, en application de l’article 282 L.é. Pour exercer son droit de vote, il devra alors revenir au Québec et se présenter en personne au bureau de scrutin de son domicile.
  2.        C’est cette limite temporelle de deux ans de l’article 282 L.é. que le demandeur soumet être inconstitutionnelle dans la mesure où elle enfreint le droit de vote des électeurs qui sont à l’étranger depuis plus de deux ans.

C.    L’ATTEINTE AU DROIT DE VOTE PROTÉGÉ PAR L’ARTICLE 3 DE LA CHARTE CANADIENNE

1.     Propos introductifs et positions des parties

  1.        Lorsqu’un électeur québécois réside à l’extérieur du Québec, les articles 281 et suivants de la L.é. lui permettent, à certaines conditions, d’exercer son droit de vote par correspondance à l’étranger. Après deux ans d’absence, l’électeur devient inadmissible au vote par correspondance, privilège offert à ceux qui sont déplacés temporairement de la province[86]. Pour exercer son droit, il doit alors se rendre physiquement au Québec pour y voter en personne, à condition bien sûr de continuer d’être un « électeur » en vertu de la L.é.
  2.        Pour bon nombre d’étudiants, comme le souligne à bon escient le demandeur, ce voyage peut être coûteux, long et ardu[87]. Selon lui, le fardeau alors imposé à l’électeur qui a quitté le Québec depuis plus de deux ans, entrave concrètement sa capacité de voter aux élections québécoises et le prive de toute possibilité réelle d’exercer son droit de vote. Ainsi, la limite de deux ans prévue à l’article 282 L.é. porterait atteinte à la fois à l’article 3 de la Charte canadienne et à l’article 22 de la Charte québécoise.
  3.        Le PGQ, pour sa part, soutient que la restriction de l’article 282 n’est qu’une modalité qui n’empêche pas le droit de vote des citoyens éligibles au vote situés hors Québec, ces derniers pouvant toujours voter en personne au bureau de scrutin ou encore par anticipation. De plus, les dispositions des Chartes ne prévoyant pas de modalités d’exercice au vote, il n’est alors pas approprié d’imposer au législateur québécois de donner accès à des modalités particulières aux Québécois hors province souhaitant voter à distance.
  4.        La Commission Lortie a reconnu qu’il faut imposer certaines restrictions au droit de vote pour que la société demeure libre et démocratique :

« Le droit de vote, a-t-on fait valoir, est une question de la plus haute importance politique. C'est ce qui fonde la légitimité des régimes démocratiques, puisque c'est le principal moyen par lequel les gouvernés avalisent les actions des gouvernants. Ce droit devrait donc être partagé aussi largement qu'il le faut pour assurer cette légitimité. Voilà pourquoi nous devons étudier chaque règle d'exclusion comme si elle touchait à l'essence même de ce que nous considérons comme une société libre et démocratique.

Par ailleurs, nous reconnaissons qu'il faut imposer certaines restrictions pour que notre société demeure libre et démocratique.[88] »

  1.        Deux décisions importantes ont statué de l’importance du droit de vote des citoyens canadiens absents du pays, en outre pour des études, et souhaitant exercer à distance leur droit de vote. Ces décisions ont toutes deux conclu à l’inconstitutionnalité de dispositions de lois électorales provinciale (de la Colombie-Britannique) et fédérale, au vu des garanties de l’article 3 de la Charte canadienne.
  2.        D’abord, dans Hoogbruin[89], la Cour d’appel de la Colombie-Britannique conclut que le fait que la loi électorale de cette province ne prévoit alors pas de procédure permettant à deux de ses étudiants de voter (« the provincial Election Act…failed to provide for an absentee ballot  »), considérant leur absence de la province en raison de leurs études, porte atteinte à l’article 3. Pour cette Cour, il ne suffit pas de consacrer dans une loi un droit de vote, encore faut-il en permettre l’exercice[90].
  3.        Notons que la loi fédérale et les neuf autres provinces ont subséquemment adopté des dispositions particulières en réponse aux lacunes procédurales de la loi électorale soulignées par la Cour dans cet arrêt[91].
  4.        Ensuite, dans l’arrêt Frank c. Canada (Procureur général)[92], la Cour suprême du Canada a analysé la constitutionnalité des articles 11d), 222 et de d’autres dispositions connexes de la Loi électorale du Canada privant ainsi les citoyens canadiens ayant résidé à l’étranger pendant cinq ans ou plus du droit de voter à une élection fédérale, tant qu’ils ne rentrent pas au Canada pour y résider.
  5.        À l’époque, l’habileté à voter au moyen d’un bulletin de vote spécial était prévue à l’article 11 de la Loi, qui accordait cette modalité de vote aux « électeurs qui sont absents du Canada depuis moins de cinq années consécutives et qui ont l’intention de revenir résider au Canada. »
  6.        Dans Frank, le juge de première instance donna raison aux requérants en concluant que les dispositions contestées ne pouvaient être sauvegardées par application de l’article premier de la Charte. Une déclaration immédiate d’invalidité fut prononcée. Les juges majoritaires de la Cour d’appel accueillirent l’appel du Procureur général du Canada et conclurent que même si ce dernier reconnaissait la violation de l’article 3 de la Charte[93], celle-ci était justifiée en vertu de l’article premier.
  7.        Au nom de la majorité, le juge en chef Wagner statua que le pourvoi mettait en cause « l’une des dernières restrictions au droit de voter aux élections fédérales », soit celle liée à la résidence, puisqu’un citoyen canadien résidant à l’étranger depuis plus de cinq années consécutives est privé du droit de vote[94]. Pour lui, la seule question en litige était celle de la justification à la restriction en vertu de l’article premier. Il conclut que cela n’était pas le cas et que « l’objectif vague et non fondé d’équité électorale que viserait le fait de nier les droits de vote de citoyens non-résidents simplement parce que ceux-ci ont dépassé le seuil arbitraire de cinq ans ne résiste pas à l’analyse.[95]» Il expliqua que la notion de résidence est un mécanisme d’organisation pour l’exercice du droit de vote, considérant que la Charte « rattache les droits de vote à la citoyenneté, et seulement à la citoyenneté. L’article 3 ne compte aucune mention de la résidence. La citoyenneté est l’exigence déterminante du droit de vote, et le choix des rédacteurs de la Charte d’omettre la condition de résidence comme élément de ce droit démocratique fondamental est révélateur. [96]»
  8.        De plus, le juge Wagner souligna que dans une société mondialisée comme la nôtre, les Canadiens peuvent vivre à l’étranger tout en conservant des liens étroits avec le Canada[97]. Selon lui, « le droit de vote n’est plus rattaché à la propriété foncière et il n’est plus conféré exclusivement à certains membres choisis de la société »[98]. Il expliqua que la citoyenneté et non la résidence définit notre collectivité politique et sous-tend le droit de vote[99].
  9.        Pour les juges majoritaires, la restriction en question, soit la limite de cinq ans passés à l’étranger et l’exigence que l’électeur ait l’intention arrêtée de revenir au Canada, n’était pas justifiée en vertu de l’article premier parce qu’elle ne constituait pas une atteinte minimale au droit de vote[100]. En conséquence, les articles 222(1)b) et c), 223(1)f) et 226f) de la Loi furent déclarés inopérants. Les mots « les électeurs qui sont absents du Canada depuis moins de cinq années consécutives et qui ont l’intention de revenir résider au Canada » furent supprimés de l’article 11d) de la Loi et remplacés par les mots « les électeurs qui résident à l’extérieur du Canada »; et le mot « temporairement » fut supprimé de l’article 220, du paragraphe 222(1) et de l’alinéa. 223(1)e) de la Loi.
  10.        Le juge Rowe, pour sa part, conclut que la notion de résidence doit être prise en compte dans l’analyse des restrictions apportées au droit de vote[101].
  11.        Les juges dissidents, enfin, conclurent que le maintien d’un lien actuel entre les électeurs et leurs collectivités est un objectif urgent et réel qui s’attaque à deux préoccupations importantes:

« Premièrement, le fait de maintenir le lien entre les électeurs et leurs collectivités au moyen d’une restriction au droit de vote des non-résidents à long terme assure un rapport de mutualité entre l’exercice de ce droit et le fait d’être assujetti aux lois canadiennes. Deuxièmement, faire en sorte que les électeurs conservent un lien actuel avec leurs collectivités au moyen de restrictions au droit de vote des non-résidents à long terme protège l’intégrité du système électoral canadien, qui est fondé sur la représentation géographique. »[102]

  1.        Soulignant l’objectif réel et urgent du gouvernement, ils conclurent à la validité constitutionnelle des dispositions législatives contestées.
  2.        Diverses distinctions peuvent être faites entre ces décisions et le litige qui nous occupe. Il s’agit ici de statuer d’une disposition d’une loi québécoise qui restreint le droit de vote à l’étranger de ceux qui quittent temporairement le Québec et sont absents pour plus de deux ans, et qui en l’occurrence et dans les circonstances, n’ont pas la possibilité de se déplacer pour exercer leur droit de vote en personne au Québec. Or, la L.é. québécoise requiert un lien de rattachement de douze mois de domicile au Québec et d’au plus deux ans d’absence pour pouvoir exercer un droit de vote par correspondance depuis l’étranger, en plus d’être citoyen canadien, de n’avoir quitté que « temporairement » la province et de ne pas être privé de ses droits électoraux.
  3.        Plusieurs des enseignements de la Cour suprême dans Frank sont néanmoins applicables au présent dossier, dont ceux concernant la nature et l’étendue du droit de vote garanti aux Chartes, ainsi que les règles d’interprétation législative qui doivent guider la détermination de la justification de la mesure attentatoire.
  4.        La restriction temporelle contestée entre-t-elle en conflit avec le droit de participer utilement au processus démocratique? Est-elle incompatible avec l’article 3 de la Charte canadienne?

2.     L’atteinte au droit de vote de l’électeur québécois qui a quitté temporairement le Québec et est absent depuis plus de deux ans

  1.        Le fardeau de démontrer une atteinte à un droit fondamental protégé par les Chartes appartient à la personne qui allègue avoir subi une telle atteinte[103]. Il s’agit donc ici du demandeur Gélinas-Faucher, qui doit démontrer, sur la balance des probabilités, que l’article 282 de la L.é. contrevient aux dispositions des Chartes invoquées.
  2.        Le demandeur a rempli ce fardeau, pour les raisons qui suivent.
  3.        Une loi ne pourra être invalidée qu’au regard de faits précis qui démontrent la coexistence impossible entre la disposition législative contestée et l’une ou l’autre disposition de l’une des deux Chartes. Comme l’énonce la Cour suprême dans l’arrêt Chaoulli :

« 35 Il est clair qu’une contestation fondée sur une charte, qu’il s’agisse de la Charte canadienne ou de la Charte québécoise, doit reposer sur un fondement factuel concret […] La question n’est pas de déterminer si les appelants peuvent invoquer une atteinte qui leur est propre. Les questions soulevées touchent à l’intérêt public, et le test établi dans l’arrêt Ministre de la Justice du Canada c. Borowski, 1981 CanLII 34 (CSC), [1981] 2 R.C.S. 575, s’applique. La question doit être sérieuse, les demandeurs doivent être touchés directement ou avoir un intérêt véritable en tant que citoyens et il ne doit pas exister d’autres moyens efficaces à leur disposition. [104]»

[Nos soulignements]

  1.        En l’espèce, le pourvoi du demandeur fait état de sa situation propre comme électeur québécois domicilié au Québec, mais devenu inadmissible au vote à l’étranger pour cause de départ du Québec depuis plus de deux ans. Le fait que les étudiants éligibles à voter au Québec, mais étant absents depuis plus de deux ans ne puissent généralement pas, pour des raisons économiques ou personnelles, se déplacer physiquement pour venir voter en personne au Québec est allégué. Cet empêchement constituerait un empêchement réel à voter et donc une privation du droit de vote, contraire aux Chartes canadienne et québécoise.
  2.        Tel qu’il appert de la preuve soumise par le demandeur constituée de ses preuves de revenus de 2018 et 2019 et de ses relevés d’aide financière[105], étudier à l’étranger est coûteux, et en l’absence de revenus réguliers et/ou suffisants, un certain nombre d’étudiants pourront avoir recours à des sources de financement externe pour payer leurs études. Ceux-ci font partie d’un groupe de citoyens éduqués qui continuent  on peut le présumer  de s’informer sur une base régulière des enjeux sociaux et politiques du Québec et pourront souhaiter préserver leurs droits de vote pour la période de leurs études.
  3.        Or, il sera parfois difficile toutefois de libérer temps et argent pour revenir au Québec pour voter en personne aux élections québécoises. C’est bien le cas du demandeur, qui complétait, il y a quelques années, un doctorat au Royaume-Uni, des études d’une durée de plus de deux ans.
  4.        Ainsi, comme il en a été fait état dans la sous-section A sur l’intérêt pour agir, la situation du demandeur montre une préoccupation réelle pour les Québécois déplacés temporairement d’exercer leur droit de vote après deux ans d’absence.
  5.        La situation du demandeur, toutefois, se distingue de celles des demandeurs dans les arrêts Hoogsbruin et Frank en ce qu’il ne s’agit pas d’une privation du droit de vote à l’étranger, comme dans le premier cas, ou encore d’une limitation au droit de vote fondée sur la notion de « résidence » (par opposition à celle de « domicile »), comme dans le deuxième.
  6.        Il en reste que toute disposition législative qui « entrave concrètement » la capacité d’un citoyen de participer aux élections le prive d’une possibilité réelle de voter et porte atteinte au droit de vote[106].
  7.        Comme l’explique la Cour suprême dans Figueroa, l’atteinte au processus électoral démocratique s’apprécie en fonction d’un affaiblissement dit « déraisonnable » compte tenu du contexte et de l’effet de la contrainte sur la participation :

« 118. La notion de participation utile au processus démocratique, tout comme celle de représentation effective, comporte un certain nombre d’aspects.  La participation en tant que membre d’une collectivité ou d’un groupe (un parti politique par exemple) peut être aussi utile — parfois même davantage peutêtre — que la participation en tant qu’individu, et l’accroissement des possibilités de participation du premier type se fait presque inévitablement au détriment des valeurs liées à la participation purement individuelle.  On cherche, dans la conception du système électoral, à établir un équilibre approprié entre les nombreuses vertus que peuvent posséder les régimes démocratiques. De tels choix reposent sur des jugements de valeur politiques, décisions qui sont la prérogative du législateur, dans la mesure où elles n’ont pas pour effet de nier la possibilité de participer utilement au processus démocratique.

119. Afin de déterminer s’il y a eu atteinte, il ne faut pas s’attacher au seul fait que la capacité d’une personne donnée de participer au processus électoral a subi des effets préjudiciables.  Nous devons apprécier la gravité de ces effets et nous assurer qu’ils reposent sur un motif valable  c’estàdire lié à des exigences d’ordre pragmatique, au renforcement d’autres aspects de la participation politique ou à l’établissement en général d’une représentation plus effective.  La question n’est pas de savoir si la capacité de participation du citoyen visé a été affaiblie de quelque manière que ce soit, mais de savoir si l’affaiblissement est déraisonnable.  Un affaiblissement déraisonnable survient lorsque la mesure contestée, considérée dans son contexte et compte tenu de son effet sur tous les aspects de la participation, restreint à tel point la possibilité de ce citoyen de choisir librement ou de participer à une bataille équitable dans le processus politique qu’il ne conserve plus vraiment la possibilité de participer utilement au processus démocratique. [107]»

[Nos soulignements]

  1.        Or, le droit de vote, interprété largement et conformément à son objet, s’étend aux conditions dans lesquelles il est exercé[108]. La condition d’exercice au droit de vote des électeurs situés à l’étranger en vertu de l’article 282 L.é. fait en sorte d’entraver la participation de ceux et celles qui ne peuvent revenir voter en personne au Québec.
  2.        Ainsi, la limite temporelle au droit de vote à l’étranger de l’article 282 L.é. restreint l’exercice du droit de vote pour les électeurs visés, même si à la base, la restriction est davantage procédurale que substantielle. Imposer une limite de deux ans d’absence à la possibilité de voter par correspondance à l’étranger entraîne un effet préjudiciable déraisonnable sur la capacité des Québécois visés  soit ceux déplacés à l’étranger pour plus de deux ans  de participer au processus électoral québécois[109].
  1.        Il est vrai que ceux-ci peuvent toujours revenir au Québec pour voter en personne. Or, même si aucune preuve concrète des défis liés aux déplacements hors Québec ou outre-mer n’a été présentée hormis une facture pour billet d’avion du demandeur[110], on peut penser que ce déplacement pourra être difficile ou impossible pour plusieurs, étudiants ou autres expatriés de toute sorte. Au-delà de la question du coût élevé du déplacement, il pourra y avoir empêchement personnel ou professionnel. Il en reste que les électeurs visés à l’article 282 sont désavantagés par la limite temporelle dans l’exercice de leur droit de vote.
  2.        Notons d’ailleurs que le fait que l’atteinte des Québécois déplacés hors Québec ne soit que temporaire, selon la formulation même de l’article (« temporairement »), pour la durée de leur absence ultérieure à deux ans, et qu’ils puissent recouvrer leur droit de vote à leur retour dans la province, n’affecte pas la gravité de l’atteinte[111].
  3.        En somme, les mesures restreignant le droit de vote par correspondance à l’étranger des Québécois ayant quitté temporairement le Québec et tant absents depuis plus de deux ans de l’article 282 L.é. réduisent l’importance de leur vote par rapport à celui des électeurs situés au Québec, et portent atteinte à la capacité des premiers de participer pleinement au processus démocratique. Leur participation en tant que membre d’une collectivité s’en trouve ainsi affectée.
  4.        Le droit de vote à l’article 3 de la Charte canadienne ne comportant aucune limite interne, il s’agit maintenant de déterminer si l’atteinte à l’article 3 est justifiée selon le critère de l’article premier.

D.    L’ABSENCE DE justification EN VERTU DE L’ARTICLE PREMIER

1.     Les positions des parties

  1.        Le demandeur soumet que l’article 282 L.é., tel que rédigé, impose une exigence déraisonnable de revenir au Québec pour exercer son droit de vote après deux ans d’absence, une limitation qui brime indument le droit fondamental de vote des étudiants québécois. Il soutient que les critères de rattachement existants que sont 1) le domicile au Québec depuis douze mois, 2) l’inscription au vote à l’étranger et 3) la déclaration solennelle de l’intention de revenir au Québec, sont suffisants pour constituer un lien suffisant au Québec. Pour lui, l’atteinte au droit de vote n’est pas justifiée.
  2.        Le PGQ, pour sa part, fait valoir que la limite temporelle de l’article 282 est nécessaire pour assurer l’intégrité, l’équité et la transparence de notre système électoral, les liens de rattachement actuels n’étant pas suffisants.
  3.        Le DGÉ, comme mis en cause, ne se prononce pas sur l’argument constitutionnel. Toutefois, il interprète les dispositions encadrant le droit de vote à l’étranger dans la L.é., soutenant que le demandeur tente erronément d’ajouter le concept de « non-résidence » à l’article 282 L.é. alors qu’il ne s’y retrouve pas, la notion de résidence secondaire ou externe au Québec n’étant pas pertinente à l’analyse du statut d’électeur. De plus, il insiste qu’il peut y avoir interruption de l’écoulement du délai de deux ans de l’article 282 L.é. dès qu’un électeur revient de l’extérieur du Québec à l’intérieur de ce délai, en y maintenant son domicile, et le déclare au DGÉ en vertu de l’article 285 L.é.
  4.        Le fardeau de démontrer cette justification selon la prépondérance des probabilités repose sur la partie qui demande le maintien de la restriction[112], soit le PGQ.

2.     Le test de justification selon l’arrêt Oakes

  1.        L’arrêt Oakes énonce les deux critères fondamentaux permettant de déterminer si une violation de la Charte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
  2.        Le premier volet de l’analyse consiste à formuler l’objectif législatif de la mesure attentatoire et à déterminer si celui-ci est suffisamment important pour justifier en principe une restriction des droits et libertés garantis par la Constitution. Cette analyse s’effectue sans tenir compte de la portée de l’atteinte, du moyen retenu ou des effets de la mesure[113]. Précisément, pour que l’objectif soit qualifié de suffisamment important, il faut qu’il se rapporte à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique[114]. Ce volet est peu exigeant et est généralement rempli.
  3.        Une fois ce volet satisfait, à la seconde étape, la partie qui invoque l'article premier de la Charte doit alors démontrer que les moyens choisis sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer.
  4.        L’analyse de la proportionnalité comprend trois éléments[115]: premièrement, le critère du lien rationnel requiert que les mesures adoptées soient soigneusement conçues pour atteindre l'objectif en question, sans être arbitraires ou inéquitables. Deuxièmement, une fois le lien rationnel établi, le moyen choisi doit être de nature à porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté en question. Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre les effets bénéfiques et préjudiciables des mesures restreignant un droit ou une liberté garantis par la Charte et l'objectif reconnu comme suffisamment important.
  5.        Le critère du lien rationnel, précisément, « consiste à déterminer si, pour le législateur, la disposition représente un moyen rationnel d’atteindre son objectif »[116]. C’est donc l’existence d’un lien rationnel qui compte ici, « et non une parfaite correspondance »[117]. Il faudra exercer « une certaine déférence » envers le législateur face aux moyens choisis afin de faire progresser un intérêt pressant de l’État[118], notamment en matière électorale[119], le tout afin d’établir « qu’il est raisonnable de supposer que la restriction peut contribuer à la réalisation de l’objectif, et non qu’elle y contribuera effectivement »[120].
  6.        Or, le critère du lien rationnel est peu exigeant, ne requérant pas la preuve d’une correspondance parfaite entre la mesure attentatoire et l’objectif de la loi[121].
  7.        Le critère de l’atteinte minimale, étape fondamentale dans l’analyse effectuée au regard de l’article premier de la Charte, consiste à déterminer s’il existe des moyens moins attentatoires d’atteindre l’objectif législatif « de façon réelle et substantielle »[122] et si « la restriction du droit est raisonnablement adaptée à l’objectif »[123]. Comme l’a remarqué la Cour d’appel, « ce critère est déterminant dans une proportion significative  voire dans la majorité  des litiges en matière de Charte où une règle de droit est invalidée »[124].
  8.        Enfin, la mise en balance des effets bénéfiques et préjudiciables  le critère de proportionnalité  consiste à « soupeser l’atteinte portée aux droits du demandeur au regard des avantages pour la société de la mesure contestée, en se demandant si “les avantages découlant de la limitation [aux droits du demandeur] sont proportionnels aux effets préjudiciables”»[125]. Cette analyse est normative et contextuelle, et soupèse les intérêts de la société et ceux de particuliers et de groupes[126].
  9.        Enfin, la portée d’une restriction à un droit protégé par les Chartes, de même que sa justification, doivent être examinées de manière approfondie[127] et définies en fonction du contexte législatif dans lequel s’inscrit la disposition contestée[128]. Soulignons aussi que les tribunaux ne doivent ni s’immiscer dans des choix politiques, ni se substituer au législateur[129]
  10.        Plus une atteinte se rapproche du cœur de la valeur que l’on cherche à protéger par la garantie constitutionnelle, plus la justification sous l’article premier doit être stricte[130]. Puisque le droit de vote fait partie de ces droits au cœur de notre démocratie[131], de telle sorte que le choix du législateur d’imposer une limite temporelle de deux ans doit être examiné attentivement.
  11.        Cette grille s’applique à l’analyse d’une atteinte aux droits électoraux.

3.     L’objectif réel et urgent de préserver l’intégrité et l’égalité du système électoral québécois

  1.        Le demandeur admet, comme la Cour suprême l’a d’ailleurs aussi reconnu[132], que l’objectif de la L.é. de préserver l’intégrité et l’égalité du système électoral québécois est réel et urgent. Toutefois, il soutient que la limite de deux ans de l’article 282 L.é. n’est pas proportionnelle à ce double objectif.
  2.        Selon le défendeur, la balise de deux ans a été choisie pour assurer le lien de rattachement en l’absence d’une citoyenneté provinciale qui autrement l’établirait. Qu’en est-il?
  3.        Il est nécessaire de préciser l’objectif poursuivi par la mesure attentatoire visée, soit la limite temporelle de deux ans pour l’exercice du vote par correspondance.
  4.        L’exercice de justification de la mesure attentatoire de l’article 282 L.é. doit s’effectuer de manière contextuelle[133], comme la Cour suprême l’a reconnu dans l’arrêt Frank. En effet, la Cour suprême y distingue la situation électorale fédérale de celle des provinces et territoires qui n’utilisent pas la notion de citoyenneté provinciale. En droit électoral fédéral, la citoyenneté est déterminante parce qu’elle permet de maintenir un lien de rattachement suffisant avec le pays[134]. Comme le reconnaît le juge Rowe, « chaque province et territoire a établi, en matière de résidence, des exigences reflétant les préoccupations et circonstances qui lui sont propres. »[135] En conséquence, il faut s’assurer de bien ancrer l’analyse de l’article 282 L.é. dans le contexte provincial qui lui est propre[136].
  5.        Référer à l’historique législatif de l’article 282 pour l’interpréter apparaît ici approprié, considérant qu’il révèle manifestement le sens qu’il faut lui donner[137].
  6.        Le 24 avril 1989, le législateur adoptait un premier régime de vote par correspondance pour toute personne inscrite au registre des électeurs hors Québec, qui possède la qualité d’électeur et qui « est à l’extérieur du Québec depuis moins de dix ans »[138]. La qualité d’électeur était alors procurée à tout citoyen canadien qui a dix-huit ans accomplis, est domicilié au Québec depuis six mois, n’est pas en curatelle et n’est pas privé de ses droits électoraux. Qui plus est, l’article 1 de la Loi prévoyait qu’ « est réputée domiciliée au Québec toute personne inscrite au registre des électeurs hors du Québec. »
  7.        À cette époque, déjà, le législateur québécois considérait important le retour au Québec de l’électeur pour maintenir des liens de rattachement, tel qu’il appert des débats parlementaires et des propos du député Gendron:

« Ils pourront se prévaloir de ce droit de vote pendant une période de dix ans en s’inscrivant au registre des électeurs hors Québec et en manifestant, chaque année, selon un formulaire prévu à cette fin, leur intention de revenir au Québec. (…) Il n’est pas question de donner un droit de vote à des gens (…) qui veulent rien savoir du Québec et qui n’ont plus de liens avec le Québec. Ce n’est pas ça, la réalité de la Loi électorale. Ce sont des gens hors Québec temporairement qui auront des mécanismes leur permettant de réaffirmer, chaque année, leur intention ferme de regagner rapidement le Québec. »

  1.        Jusqu’en 1992, un citoyen canadien domicilié au Québec depuis six mois pouvait voter par correspondance jusqu’à dix ans après avoir quitté la province.
  2.        Le 23 juin 1992, la Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire[139] est adoptée, et la limite temporelle pour le vote par correspondance est alors baissée à deux ans d’absence de la province (i.e., « est à l’extérieur du Québec depuis moins de deux ans »). La définition d’électeur est aussi modifiée pour viser tout citoyen canadien de 18 ans accomplis qui « est domicilié au Québec depuis six mois ou, dans le cas d’un électeur hors Québec, depuis 12 mois » [notre soulignement], qui n’est pas en curatelle et n’est pas privé de ses droits électoraux.
  3.        Le 16 juin 1995, la Loi sur l’établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d’autres dispositions législatives est adoptée[140], la formulation du droit de vote par correspondance pour les Québécois hors province étant désormais changée, au nouvel article 293, pour rendre « admissible à exercer ce droit de vote hors du Québec pendant les deux ans qui suivent son départ, l’électeur qui quitte temporairement le Québec et qui remplit les conditions prévues à la présente sous-section. » 
  4.        La définition d’électeur demeure alors inchangée, si ce n’est l’ajout important voulant que :

«(…)

Le domicile d’une personne est le même que celui établi en vertu du Code civil du Québec (…) 

Est réputée domiciliée au Québec toute personne admissible à exercer son droit de vote hors du Québec ».

  1.        Avec l’entrée en vigueur, le 14 juin 2006, de la Loi modifiant la Loi électorale pour favoriser l’exercice du droit de vote[141], l’article 282 est adopté avec l’actuelle formulation voulant qu’« [u]n électeur qui quitte temporairement le Québec et qui y est domicilié depuis 12 mois à la date de son départ peut exercer son droit de vote hors Québec pendant les deux ans qui suivent son départ. (…) ». L’article 281, quant à lui, maintient la présomption absolue à l’effet qu’un électeur admissible à exercer son droit de vote hors Québec « est réputé domicilié à l’adresse de son domicile au Québec ».
  2.        La définition d’électeur est alors également modifiée, à l’article 1, pour procurer qualité d’électeur à tout citoyen canadien qui a 18 ans accomplis, est domicilié au Québec depuis six mois (suppression de « ou, dans le cas d’un électeur hors du Québec, depuis 12 mois », laquelle exigence de 12 mois est alors déplacée effectivement à l’article 282), n’est pas en curatelle et n’est pas privé de ses droits électoraux.
  3.        Fait important, le législateur québécois module les conditions d’exercice, certes, mais aussi l’étendue du droit de vote des électeurs hors Québec, au fil des ans. Alors qu’au départ, en 1989, tout citoyen canadien domicilié au Québec depuis six mois pouvait voter par correspondance s’il avait quitté la province depuis moins de dix ans, en 1992 une restriction double était instaurée, voulant que seul le citoyen canadien domicilié au Québec depuis douze mois et ayant quitté « temporairement » la province depuis moins de deux ans puisse voter par correspondance depuis l’étranger.
  4.        Le demandeur ne conteste pas la restriction de douze mois visant le domicile; celle-ci ne sera donc pas directement abordée au présent jugement.
  5.        Néanmoins, il faut souligner l’importance du changement législatif opéré en 1992, et l’impact de ce dernier sur le droit de vote des Québécois hors province. Un nombre certainement moins élevé d’électeurs hors province aura pu pouvoir voter par correspondance aux élections québécoises par l’effet de ce changement législatif. Aucune preuve n’a toutefois été présentée en l’instance d’une atteinte à l’intégrité ou à l’équité du système électoral entre 1989 et 1992, alors que l’ancienne limite temporelle de dix ans était en vigueur.
  6.        Les débats parlementaires de 1992 relativement au Projet de loi no 36, visant à modifier la L.é. afin de fixer à deux ans le délai d’absence du Québec, sont également pertinents pour illustrer la préoccupation du législateur quant au lien de rattachement des électeurs hors Québec pour les fins du droit de vote. Ces débats illustrent le contexte législatif particulier d’une époque où l’on cherchait à harmoniser les lois électorales et référendaires.
  7.        Dans ce contexte, le député Marc-Yvan Côté expliquait :

« […] Ce projet de loi modifie la Loi électorale afin de fixer à deux ans le délai d'absence du Québec pendant lequel un électeur conserve le droit de vote lors d'une élection. Ces électeurs ont acquis ce droit lors des amendements apportés à la Loi électorale en 1989. […] Je précise que cette disposition s'appliquera également lors de la tenue d'un référendum, dans la mesure où cette auguste Assemblée donnait son aval et adoptait ce projet de loi tel que proposé à l'Assemblée. (p.2/18, p. 250)

[…]

Tout comme dans le cadre d’une élection générale, les résidents hors Québec depuis une période n’excédant pas deux ans et possédant la qualité d’électeur pourront voter lors de la tenue d’un référendum. […] en 1989 nous avons décidé, comme parlementaires et de manière unanime, de faire en sorte que les résidents québécois, les gens du Québec qui habitent l’étranger et qui demeurent citoyens canadiens, qui ont la qualité d’électeur et qui sont à l’extérieur du Québec depuis moins de 10 ans puissent avoir le droit de vote. Ils ont donc, à l’élection de 1989, eu l’opportunité de voter et d’élire des députés et même de former le gouvernement […]

Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est faire en sorte qu'on puisse, dans le cas d'un référendum, de la même manière, permettre à ces gens qui ont pu se choisir un député, un gouvernement, aussi de voter lors d'un référendum et de répondre à une question qui sera primordiale pour l'avenir du Québec et aussi du Canada. (p.3/18, p. 251).

Il y avait un problème, M. le Président, et, j'en conviens, lorsqu'on disait qu'on allait harmoniser la loi référendaire à la Loi électorale, on risquait de se retrouver avec des gens qui avaient quitté le Québec depuis moins de 10 ans, donc depuis 8 ans, depuis 9 ans, n'ayant à peu près plus aucun intérêt au niveau du Québec, qui veuillent s'inscrire sur la liste pour venir influencer le vote au niveau du Québec. Il n'y a pas de statistiques très claires quant au nombre de personnes qui auraient pu se prévaloir...

Les meilleures indications, et encore faut-il être très prudent, évoquaient plus ou moins 400 000 personnes qui ont quitté le Québec et qui sont dans le reste du Canada ou à l'étranger depuis 10a ns et moins.

Si 400 000 personnes votaient demain dans un référendum québécois où il y a plus ou moins 4 000 000 d'électeurs, ça signifierait plus ou moins 10 % du vote, et je ne suis pas pleinement convaincu que ces gens-là pourraient décemment répondre à une question qui les rende éligibles au registre des électeurs, à savoir: Est-ce que vous avez l'intention de revenir au Québec? Et la seule réponse «oui» vous permettrait de vous enregistrer et, par le fait même, de voter.

M. le Président, ce que nous avons décidé, c'est qu'en le ramenant à 2 ans nous maintenons un principe important d'individus qui, pour toutes sortes de raisons, vont servir notre pays à l'étranger sur des bases militaires. Quelqu'un qui décide demain matin d'aller faire un doctorat en France, en Allemagne, aux États-Unis, dans le reste du Canada et qui quitte avec une intention manifeste de revenir au Québec et de participer à la vie très active du Québec, celui-là, donc moins de 2 ans, on lui donne le droit de vote. Si on regarde les proportions, c'est plus ou moins 70 000, 80 000 personnes qui pourraient potentiellement se déclarer intéressées et être sur le registre et, éventuellement, avoir droit de vote. Il y a donc à ce moment-ci une harmonisation de la loi référendaire à la loi électorale dans des conditions qui sont acceptables et normales pour notre société ».[142]

[Nos soulignements]

  1.        Le député Guy Chevrette, quant à lui, mettait alors l’emphase sur la nécessité qu’un référendum sur l’avenir constitutionnel du Québec soit décidé par des Québécois qui veulent continuer de vivre au Québec et influencer la vie au Québec:

« Quant à la partie traitant du droit de vote des gens de l’extérieur, je comprends que le gouvernement a de beaucoup diminué le délai, de 10 à 2 ans. Je ne peux pas affirmer, sans passer pour quelqu’un de non crédible, que ce n’est pas une amélioration, c’est une amélioration certaine. […]

Quelqu’un qui a quitté le pays, qui a quitté son coin de pays, qui veut se prévaloir d’un droit de voter ou d’influencer…[…]

Un référendum sur l’avenir constitutionnel du Québec, ça se décide par des québécois. Que l’on soit d’accord ou pas d’accord entre nous, ça se décide par quelqu’un qui veut vivre au Québec, qui veut continuer de vivre au Québec et qui veut influencer la vie du Québec, mais pas par quelqu’un qui a choisi un autre pays parce qu’il ne voulait plus du Québec. Ça, je pense qu’on s’entend là-dessus. C’est pour ça que, dans ce sens-là, je trouve que c’est une amélioration (la limite temporelle de 2 ans), mais il faudrait peut-être baliser ce délai-là […] [143]»

  1.        Quant au député Jean Leclerc, enfin, il insistait sur le fait que la nouvelle balise de deux ans est conforme à « la logique fondamentale de notre système électoral, qui fait en sorte que seuls les gens vraiment intéressés à revenir au Québec et intéressés à ce qui se passe politiquement au Québec auront dorénavant le droit de vote.[144]»
  2.        Une semaine plus tard, à l’occasion de discussions parlementaires sur le même Projet de loi no. 36, Chevrette insistait sur la nécessité d’harmoniser les lois référendaires et électorales québécoises, y inclus les conditions au vote externe dans les cas de référendum et d’élections ordinaires[145]. Il fondait son raisonnement sur l’importance fondamentale du vote référendaire, par rapport au vote ordinaire, ainsi que la spécificité du Québec à cet égard. Il précisait également qu’il était nécessaire que les électeurs hors Québec soient domiciliés au Québec depuis un an plutôt que six mois (avant leur déplacement) à titre de lien de rattachement au Québec, et ce, précisément dans le cas de décisions aussi importantes que le vote référendaire[146].
  3.        Au cours de ce même débat, le député Côté évoquait les coûts impliqués dans la gestion des votes externes compilés à l’époque de la limite temporelle de dix ans :

«M. Côté : […] Ce que le projet de loi propose, c'est de ramener ça à deux ans. Est-ce que je dois comprendre de votre amendement que, vous, vous parlez d'un an? […]

M. Chevrette: Je laisse deux ans, mais, pour être éligible, même si ça fait deux ans qu'il a quitté le Québec, il faudra qu'il fasse la preuve qu'il a été domicilié au Québec pendant un an. C'est ça, la nuance. C'est parce que la qualité d'électeur, je vais vous le dire, là, c'est... Attendez un peu. On va vous trouver l'article. La qualité d'électeur, c'est l'article 1. C'est 1. Attendez un peu, j'ai la loi ici. À l'article 1 de la Loi électorale, là, on dit: « Possède la qualité d'électeur, toute personne qui: 1° a 18 ans accomplis; 2° est de citoyenneté canadienne; 3° est domiciliée au Québec depuis six mois». Avant, c'était un an. On a baissé à six mois, mais il n'y avait pas, à l'époque, de vote hors Québec pour le référendum. On se comprend bien?

[…]

M. Côté (Charlesbourg): On se rappelle que c'est en 1989 que c'a été ramené de un an à six mois.

M. Chevrette: Oui, mais il n'y avait pas de vote hors Québec pour un référendum.

M. Côté (Charlesbourg): Non, il y avait...

M. Chevrette: Étant donné qu'on veut harmoniser les lois...

M. Côté (Charlesbourg): II y en avait cependant pour l'élection.

M. Chevrette: Oui. 

[…]

M. Chevrette: Non, mais on est dans une situation particulière au Québec. D'abord, on est une minorité en Amérique du Nord; on a une consultation populaire qui nous est propre, puis qui est à l'avant-garde de toutes les législations, et, pour voter sur un référendum, avoir le droit de se prononcer, par exemple, sur l'avenir constitutionnel d'un peuple, il faut que tu sois demeuré là au moins un an. Si tu es de passage six mois, je vous avoue très honnêtement... Ça peut être de passage, ça, là. Ça peut être un mandat d'une compagnie, point, juste un stage. Il y en a, des stages de six mois. […]

[…]

M. Chevrette: Je pense qu'on l'analyse non pas en termes d'harmonisation avec les provinces ou les législatures canadiennes, on l'harmonise en fonction des deux lois du Québec qui font appel à l'électorat. À mon point de vue, compte tenu du fait... Je ne suis pas certain qu'en 1989 il y aurait eu consensus - je le dis comme je le pense - sur les six mois si ça avait été une loi d'harmonisation entre les deux lois.

Cette fois-ci, on harmonise la Loi sur la consultation populaire avec la loi sur les élections. Je pense que, à ce moment-là, la condition minimale pour accéder à tous les pouvoirs, y compris non seulement d'une élection, mais d'un référendum qui, lui, n'a pas le même impact en termes de poids... Le poids d'un vote, par exemple, d'une personne du comté de Westmount sur un référendum peut avoir un poids beaucoup plus fort, sur le plan politique, qu'une élection qui est une division par circonscriptions électorales. Ce n'est pas du tout la même affaire. C'est oui ou c'est non dans un référendum. L'impact, c'est de donner un pouvoir, à mon point de vue, assez important, compte tenu du fait qu'on veut harmoniser. Moi, je pense que un an, minimum, de passage dans le Québec, et tu recouvres à la fois les droits de te prononcer sur l'avenir d'un peuple et sur une élection, c'est un minimum respectable.

[…] moi, personnellement, j'y tiens. Je trouve que un an pour être un citoyen avec droit de se prononcer sur l'avenir d'un peuple ou sur toute raison très importante, ce n'est pas comme dans une élection. Je pense que ce délai-là n'est pas prohibitif, au contraire, il est tout à fait acceptable, raisonnable. Ça se défend avec beaucoup de conviction.

[…]

M. Côté (Charlesbourg): ...ni à quelques autres qui sont passés avec quelques votes. D'après moi, ça a davantage d'importance dans une élection pour l'élection d'un député, en termes de conséquences, que sur un référendum qui est noyé dans un lot où à ce moment-là vous n'élisez pas un individu, mais vous répondez à une question, où tout le monde répond à la même question. Même s'il y avait eu, en 1980, 1043 votes de plus pour le oui ou pour le non, les gens seraient restés sous l'impression que c'était plus ou moins 60-40.

Ce que j'ai compris dans la démarche, ce qui inquiétait, et c'est pour ça que j'ai moi-même proposé la modification au niveau du Conseil, c'est qu'à 10 ans on pouvait jouer dans un bassin que les gens imaginaient à 400 000 personnes peut-être et peut-être davantage et qu'il y avait plus ou moins... On parlait de 40 000 ou 50 000 personnes par année. En le redescendant à deux ans, on était dans des choses qui sont plus acceptables. Il est vrai que quelqu'un qui va faire un doctorat à l'extérieur du Québec, règle générale, ça va lui prendre plus que deux ans; qu'il maintienne donc ses liens au niveau du Québec c'est un peu ça, le jugement du Manitoba, qui nous a inspirés dans le changement qu'on a fait, la décision du Conseil par rapport au mémoire que je vous avais expédié à l'époque. Ramener à deux ans, ça me paraissait raisonnable. Évidemment, là, on exige [d’être] demeuré au Québec pendant au moins un an. Ça évite les navetteurs, mais ça va leur éviter de voter aussi aux élections. Moi, il y a un principe de base qui est le suivant: Elections, même principe que sur le plan de l'élection...

M. Chevrette: Mais vous me dites que le vote a autant de poids pour une élection, et, dans certaines élections, on se donnait justement un exemple, je n'en disconviens pas. Sauf que, plus profond que ça, c'est peut-être qu'on n'aurait peut-être pas la même réaction si ce n'était pas de la conjoncture politique qui parle - et je suis assez franc pour vous le dire - de l'avenir d'un peuple. Un navetteur à six mois qui se prononce sur l'avenir d'un peuple, je ne suis pas sûr que c'est un citoyen qui a épousé bien fort les idéologies du coin de pays qui a à se prononcer. À mon point de vue, ça aussi, ça se défend sur le plan philosophique, sur le plan idéologique. Moi, harmonisé à un an, ça me va, puis, si vous le faites vôtre en discussion, ce sera arrêté quant à moi.

[…][147]»

[Nos soulignements]

  1.        Ainsi, il appert de ces extraits de débats parlementaires que l’intention du législateur lorsque la L.é. a été amendée pour réduire la limite temporelle pour exercer le vote par correspondance de dix à deux ans était d’harmoniser les lois électorales et référendaires, et surtout, de s’assurer encore et toujours de la présence d’un lien de rattachement suffisant entre les électeurs et la province.
  2.        Quant au Document de réflexion du DGÉ de 1995, cité préalablement[148], celui-ci y affirme que « [l]es dispositions relatives au vote hors Québec ont pour unique objet de créer un mécanisme d’exercice du droit de vote pour les électeurs temporairement absents de leur domicile au Québec et non de modifier la qualité d’électeur en éliminant l’exigence du domicile. »[149]
  3.        Au Québec, l’exigence du domicile sert effectivement à acquérir la qualité d’électeur et « est fondamentale pour garantir l’intégrité du processus électoral et s’assurer que les électeurs sont suffisamment informés et concernés par les orientations et actions politiques de leurs représentants[150]. »
  4.        Comme le reconnaît le DGÉ, « le sentiment d’appartenance des électeurs donne toute sa légitimité au système de représentation démocratique. »[151] Ainsi, pour atteindre cet objectif, la L.é a recours à deux moyens que sont la référence à la notion de domicile plutôt qu’à celle de résidence, de même que la détermination d’une durée minimale pour le domicile à des fins de qualité d’électeur à l’article 1, soit six mois.[152] La déclaration d’intention de revenir au Québec, doublée de l’adjectif « temporairement » associé au déplacement hors Québec font en sorte d’ajouter, à notre sens, au rattachement à la province souhaité. Nous y reviendrons.
  5.        Le domicile est une notion complexe, souvent confondue avec la résidence, comprenant un élément matériel et concret, soit le fait des comportements et gestes qui composent la résidence, ainsi qu’un élément immatériel et subjectif, soit l’intention de faire d’un lieu son principal établissement pour une période indéfinie[153].
  6.        L’article 1, 2e alinéa L.é. prévoit que le domicile d’une personne « est le même que celui établi en vertu du Code civil ». Le Code civil le définit à l’article 77 comme le lieu du « principal établissement » d’une personne quant à l’exercice de ses droits civils. De plus, la Cour d’appel a établi que le domicile était une question de droit dont la réponse permet d’identifier « la localisation ou le rattachement juridique d'une personne à un endroit aux fins de l'application de certaines règles de droit »[154]. En outre, une personne qui est domiciliée à un endroit particulier peut résider à un autre endroit en raison de son emploi ou de ses études, comme ce fut le cas pour Gélinas-Faucher.
  7.        Cela étant précisé, il est impératif d’insister sur le fait que la notion de résidence ou de non-résidence n’est pas pertinente pour les fins des présentes, considérant que le législateur utilise plutôt, à la L.é., les concepts de « départ » et de « retour » à l’extérieur du Québec dans le délai de deux ans comme critère de rattachement.
  8.        D’ailleurs, le DGÉ reconnaît dans son Document de réflexion de 1995 que si la notion de domicile est bien comprise et appliquée, elle contribue à atteindre l’objectif de la L.é., « à savoir de n’accorder de droit de vote qu’aux personnes qui ont choisi de faire du Québec le port d’attache vers lequel convergent leur sentiment d’appartenance et leurs liens matériels. »[155] À cet égard, remarquons que la Loi électorale de 1979 comportait une définition du domicile, de même que des exemples d’application[156]. En outre, on y incluait une présomption à l’effet que l’étudiant conservait son domicile chez ses parents pendant la durée de ses études[157]. Cette présomption a depuis disparu de la Loi.
  9.        Comme l’affirme le DGÉ dans son Document de réflexion de 1995, le but des dispositions relatives au vote hors Québec n’est pas d’éliminer l’exigence de domicile, mais plutôt de permettre aux Québécois déplacés pour une période temporaire à des fins professionnelles, académiques ou autres, sans avoir l’intention de perdre leur domicile au Québec, de participer au processus électoral de leur port d’attache.
  1.        Deux experts ont déposé des rapports et été appelés à témoigner à l’audience sur la question du vote des Québécois à l’étranger et de sa compatibilité avec le droit de vote enchâssé aux Chartes. Leurs témoignages sont crédibles et apportent un éclairage utile quant à la détermination des objectifs visés par l’article 282 L.é. 
  2.        L’expert Guy Lachapelle, professeur au Département de science politique de l’Université Concordia a été mandaté par le PGQ et a produit un rapport d’expert daté du 31 mars 2023 intitulé « Démocratie et élections : le vote des citoyens-électeurs hors Québec » [« Rapport Lachapelle »[158]]. Le demandeur a ensuite mandaté l’expert Louis Massicotte, professeur retraité en science politique de l’Université Laval, qui a produit un rapport daté du 28 juillet 2023 intitulé « Le droit de vote externe aux niveaux national et infranational  Commentaires sur le ‘rapport préliminaire du rapport d’expertise’ de Guy Lachapelle » [« Rapport Massicotte »[159]].
  3.        Les experts ont également été appelés à concilier leurs opinions, une fois leur témoignage complété et l’enquête close. Ces derniers ont produit un document intitulé « Points qui ont fait consensus  GL  M  4 juin 2025 ».[160]
  4.        L’expert Massicotte explique dans son rapport le développement historique du droit de vote par correspondance. D’abord, il souligne que le droit de vote au Canada était considéré initialement comme un « privilège » fondé sur la propriété foncière. Éventuellement, vers le milieu du 19e siècle, l’exigence de résidence remplaça celle de propriété. C’est alors que le vote externe fut concédé à certaines catégories spécifiques d’électeurs. Précisément, en 1915, on permet aux soldats canadiens absents de leur domicile de voter. Plus tard, en 1948, les militaires reçoivent pour la première fois au Canada le droit de voter aux élections fédérales.
  5.        Plusieurs comités parlementaires durant les années 1980 recommandent ensuite que le droit de vote soit étendu à l’ensemble des Canadiens résidant à l’étranger. En 1993, la L.é.C. est modifiée pour accorder le vote par correspondance aux citoyens à l’étranger, avec une limite temporelle de cinq ans d’absence du pays[161]. Comme mentionné ci-haut, la restriction est éliminée par le Parlement en 2018[162] et la Cour suprême confirme l’année suivante son caractère inconstitutionnel dans l’arrêt Frank.
  6.        Soulignons, par ailleurs, que les lois électorales des autres provinces et territoires du Canada permettent aux étudiants de voter à l’étranger pour toute la durée de leurs études, par le biais d’exemptions aux règles générales[163].
  7.        L’expert Massicotte affirme que la réduction en 1992 à deux ans d’absence, intégrée par le biais du Projet de loi 36[164], constitue un véritable « recul » en matière de droit de vote externe. Selon lui, la limite temporelle de l’article 282 dépendrait des volontés politiques et des époques, ayant en outre été réduite à deux ans au Québec en réponse au comportement des Québécois hors Québec en période référendaire.
  8.        L’expert Lachapelle, quant à lui, définit le lien de rattachement comme étant la capacité d’un individu de connaître et de vivre les enjeux locaux, principal critère permettant d’identifier le sens civique des électeurs dans leur vie quotidienne. Il précise que le lien est moins prononcé pour ceux qui vivent à l’extérieur du système électoral, dont l’identité nationale peut différer, et qu’ainsi, il est nécessaire de s’assurer que leur droit de vote soit favorisé et encadré.
  9.        Il explique que la L.é. a toujours mis de l’avant certains principes généraux qui lui sont sous-jacents « et qui se répercutent à l’article 282 », soit :
  1. L’intégrité du système électoral  impliquant de s’assurer que les citoyens aient un lien de rattachement avec le Québec et que les élections reflètent la volonté des Québécois;
  2. L’égalité, l’équité et la transparence du processus électoral;
  3. La primauté de l’électeur et la reconnaissance de la participation citoyenne  qui signifie que tout électeur, même s’il est absent du Québec pour une période temporaire, jouit des mêmes droits et privilèges que tous les électeurs vivant au Québec.[165]
  1.        Ces objectifs, qui se résument à la préservation de l’intégrité et de l’égalité du système électoral québécois, ont déjà été reconnus à plus d’une reprise par la Cour suprême et la Cour d’appel comme étant urgents et réels en matière électorale[166]. Il est donc approprié de les retenir comme objectifs réels et urgents de la mesure attentatoire de l’article 282 L.é.
  2.        Soulignons qu’à titre de « pierre angulaire de la légitimité et de la crédibilité du gouvernement et des institutions politiques dans une société démocratique »[167], la L.é. vise, effectivement, selon l’auteur Pierre Vallée, à :

« assurer la primauté du droit de vote, replacer l’électeur au centre du processus électoral, favoriser l’équité et l’égalité des chances entre les protagonistes de la scène électorale, assainir les finances publiques et garantir l’indépendance de l’administration du système électoral, le tout afin de renforcer la confiance des électeurs et la crédibilité de ce système. »[168]

  1.        La prochaine section aborde le lien rationnel entre la mesure attentatoire de l’article 282 L.é. et l’objectif réel et urgent poursuivi de préserver l’intégrité et l’égalité du système électoral québécois.

4.     Le lien rationnel

  1.        Pour avoir un lien rationnel avec l’objectif établi, la mesure attentatoire ne doit être ni arbitraire, ni inéquitable, ni fondée sur des considérations irrationnelles[169]. L’État doit démontrer qu’il est « raisonnable de supposer que la restriction peut contribuer à la réalisation de l’objectif, et non qu’elle y contribuera effectivement »[170].
  2.        Le demandeur soutient que le défendeur échoue à démontrer l’existence d’un lien rationnel entre l’objectif double de préserver l’intégrité et l’équité électorale en assurant un lien suffisant entre les électeurs et le Québec, et la limite de deux ans de l’article 282 L.é. Selon lui, la limite temporelle n’offre aucune mesure du lien de rattachement entre un électeur résidant temporairement à l’étranger et le Québec, considérant, en outre, que celui-ci doit toujours être domicilié au Québec pour être électeur en vertu de l’article 1 L.é. De plus, il est d’avis que l’article 282 crée une situation d’iniquité, notamment économique, entre certains électeurs. Enfin, il allègue que la balise de deux ans n’est ni objective ni fiable.
  3.        Pour le PGQ, il est manifeste que le fait d’imposer une limite de temps après laquelle il n’est plus possible de voter par correspondance peut contribuer logiquement à l’objectif d’assurer un lien de rattachement suffisant entre les personnes situées à l’étranger qui désirent se prévaloir de cette modalité d’exercice du vote et le Québec. Il précise que la mesure attentatoire doit être contextualisée et que la limite temporelle est requise pour bien mesurer l’intérêt de l’électeur pour la province du Québec, alors qu’au fédéral, « la citoyenneté canadienne fait elle-même preuve du lien requis ».[171]
  4.        Un lien rationnel existe entre les mesures adoptées à l’article 282 et l’objectif réel et urgent identifié et établi ci-haut.
  5.        La citoyenneté est « l’exigence déterminante du droit de vote »[172], tout en n’étant pas la seule, pour voter au Québec. La qualité d’électeur et le droit de vote aux élections du Québec sont déterminés par l’article 1 L.é., qui prévoit le critère fondamental du « domicile ». L’article restreint le droit de vote aux Québécois qui sont matériellement et intellectuellement rattachés au Québec, et ce, peu importe l’endroit où ils sont ou résident.
  6.        Il existe donc, comme le reconnaît le demandeur, un lien rationnel entre le critère de domicile qui, à l’article 1(3) L.é., sert à déterminer si une personne a le droit de vote, et d’autre part, l’objectif réel et urgent d’assurer un lien de rattachement suffisant entre les électeurs et la province[173].
  7.        Mais qu’en est-il d’un tel lien entre la limite de deux ans pour le vote externe et cet objectif double?
  8.        L’article 282 L.é. prévoit les conditions au vote par correspondance à l’étranger, qui est indépendant du droit de voter en personne découlant de l’article 1 L.é. Les électeurs ayant quitté temporairement le Québec et étant absents depuis plus de deux ans conservent leur qualité d’électeur et leur droit de vote, en personne, par anticipation, ou encore le jour du scrutin, mais ils ne peuvent plus voter par correspondance à l’étranger.
  9.        Ainsi, il est vrai que le lien de rattachement suffisant avec le Québec, assurant intégrité et équité électorale, est assuré par le maintien de la qualité d’électeur par le biais du prérequis de domicile au Québec.
  10.        Toutefois, comme le soutient à juste titre le PGQ, le législateur québécois a considéré que le simple fait de démontrer l’existence d’une adresse domiciliaire au Québec ne pouvait, au-delà d’un certain nombre d’années passées hors Québec (en l’occurrence, deux), suffire pour assurer le lien de rattachement requis et continuer de bénéficier de la modalité d’exercice du droit de vote par correspondance. Ainsi, il a ajouté la limite temporelle, et précisé que l’électeur devait avoir quitté « temporairement » le Québec pour que la disposition s’applique.
  11.        Le PGQ a rempli son fardeau de démontrer un lien rationnel entre la limite temporelle de deux ans (et ses exceptions prévues au deuxième alinéa), et l’objectif de rattachement avec la province, qui assure l’intégrité et l’équité des processus électoraux.
  12.        En effet, au-delà des nécessités d’être domicilié au Québec depuis douze mois avant son départ, d’être déplacé « temporairement » de la province, et de produire une déclaration d’intention de revenir au Québec, exigences qui servent à s’assurer que l’électeur soit suffisamment rattaché au Québec par son domicile avant de s’absenter « temporairement » de la province et qu’il ait l’intention d’y revenir dans un avenir rapproché, le délai de deux ans peut servir à s’assurer du maintien de contacts et de liens avec la communauté québécoise. Ce dernier aspect concerne donc la nécessaire portée de l’engagement subjectif des électeurs à l’égard de la province, de même que la mesure dans laquelle ils sont touchés par les lois québécoises[174].
  13.        La limite temporelle de l’article 282 contribue également à remplir l’objectif de transparence du processus électoral, qui implique que les électeurs soient informés des enjeux électoraux du Québec et s’inscrivent au registre des électeurs afin de pouvoir voter par correspondance et recevoir la trousse de l’électeur.
  14.        Il est vrai qu’avec la globalisation et l’essor des technologies, les médias sociaux et les plateformes et applications Web permettent d’informer les Québécois des enjeux politiques où qu’ils soient dans le monde. Toutefois, plus le temps avance, et moins l’électeur à l’étranger peut être informé, renseigné ou intéressé par les nouvelles électorales locales du Québec. Ainsi, encore là, le délai de deux ans peut contribuer à assurer une meilleure transparence du processus électoral.
  15.        À ce stade, rappelons que le PGQ n’a pas à démontrer que la restriction temporelle contribuera effectivement aux objectifs visés, mais seulement qu’il est raisonnable de supposer que la restriction peut contribuer à la réalisation de l’objectif. C’est bien le cas ici.
  16.        Le lien rationnel est donc établi entre la mesure attentatoire de l’article 282 et l’objectif réel et urgent visé. La prochaine section aborde la deuxième étape du test de Oakes et établit l’atteinte arbitraire et démesurée.

5.     L’atteinte arbitraire et démesurée

  1.        Le second volet est celui de l’atteinte minimale. Ce critère est satisfait si le PGQ démontre que la restriction à l’article 282 est raisonnablement bien adaptée à l’objectif urgent et réel invoqué pour la justifier.
  2.        Rappelons brièvement que dans le contexte d’une contestation constitutionnelle du droit de vote fédéral à l’étranger, la Cour suprême dans Frank a appliqué une norme stricte de justification, voulant que la mesure soit « soigneusement adaptée » pour s’assurer que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire[175].
  3.        Selon le demandeur, la limite de deux ans est arbitraire et démesurée.
  4.        Le PGQ est plutôt d’avis que la mesure retenue par le législateur, lorsque située dans son contexte, satisfait au critère de l’atteinte minimale. L’électeur absent depuis plus de deux ans et répondant aux exigences de l’article 1 de la L.é. pourra quand même exercer son droit de vote en personne lors des journées où il est possible de le faire.
  5.        Il soutient aussi que la limite de deux ans est raisonnable puisque la procédure d’inscription au droit de vote à l’étranger permet à l’électeur à l’extérieur du Québec d’interrompre, à chaque retour au Québec, la période de deux ans, en précisant au DGÉ sa nouvelle date de départ et de retour pour ainsi maintenir son statut d’électeur sur la liste électorale. Cette interprétation est également appuyée par le DGÉ. Or, comme cela a été discuté ci-haut, elle doit être écartée, n’étant pas conforme à l’intention originale du DGÉ telle qu’énoncée dans son Document de réflexion de 1995.
  6.        La restriction en cause au droit de vote externe n’est pas une atteinte minimale. Elle n’est pas « soigneusement adaptée[176]» pour que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif double identifié ci-haut de préserver l’intégrité et l’équité du système électoral.
  7.        D’abord et avant tout, le PGQ n’a pas établi les raisons pour lesquelles la limitation temporelle de deux ans a été choisie, et pourquoi un électeur perd après deux ans son lien de rattachement suffisant avec le Québec, de telle sorte que ce choix ne peut être considéré qu’arbitraire.
  8.        Dans une perspective étudiante, le choix de deux ans ne correspond pas à la durée typique des programmes d’études à l’étranger, lesquels pourront se prolonger dans le cas notamment d’études supérieures de premier ou deuxième cycle[177]. D’ailleurs, les débats parlementaires montrent l’intention du législateur de permettre aux électeurs qui étudient à l’étranger de voter par correspondance[178].
  9.        La limite temporelle de deux ans paraît donc désincarnée de la réalité étudiante, de personnes qui quittent temporairement le Québec pour leurs études, dans un but précis de vivre une expérience internationale de courte durée à l’étranger, sans jamais perdre leur attachement, leurs liens profonds et leur intérêt pour le Québec. Ces étudiants, dans la plupart des cas, auront l’intention de revenir au Québec et y reviendront[179]. Ils ne pourront non plus prolonger leurs études pour une durée plus longue que celle prévue par les règlements institutionnels. Ils recevront fréquemment de l’aide financière du gouvernement québécois, pour la durée de leurs études, et pourront continuer d’être couverts par le Régime d’assurance-maladie du Québec[180].
  10.        Pour ceux-ci, il y a nécessairement une fin des études en vue et un retour au domicile à courte échéance, à moins, bien sûr, de décider de prolonger l’absence pour des raisons personnelles, académiques, professionnelles ou autres. Surtout, ces étudiants maintiendront, en règle générale, un lien d’attachement au Québec pour la durée de leurs études, qui souvent sera supérieure à deux ans.
  11.        Soulignons que dans les autres provinces et territoires du Canada, il est souvent permis aux étudiants de voter par correspondance pour la durée de leurs études à l’étranger[181].
  12.        Ensuite, le choix législatif d’une limite de deux ans n’est pas cohérent non plus avec le fait qu’au Québec, des élections générales provinciales, municipales et scolaires se tiennent habituellement tous les quatre ans, avec des élections partielles intercalées entre celles-ci[182]. Par voie de comparaison, au niveau fédéral, l’ancienne limite de cinq ans correspondait au délai maximal qui pouvait s’écouler entre deux élections fédérales[183].
  13.        Par ailleurs, la limite temporelle s’applique à des personnes auxquelles elle n’est pas censée s’appliquer en vue de la réalisation de l’objectif d’équité électorale. Il est vrai que le législateur a voulu empêcher les personnes qui n’ont pas un rattachement suffisant au Québec de voter, comme cela appert des débats parlementaires discutés ci-haut.
  14.        Or, tout électeur québécois – étudiant ou expatrié de toute sorte – qui a quitté la province sur une base temporaire depuis plus de deux ans, mais qui souhaite néanmoins continuer à participer à la détermination du prochain gouvernement, maintient de facto des liens forts avec la province et avec le pays, se tient informé des enjeux gouvernementaux et politiques, et demeure intéressé à ceux-ci devrait alors pouvoir continuer de voter par correspondance, ayant un lien de rattachement profond et constant avec la province.
  15.        Comme le remarquait le juge Wagner dans l’arrêt Frank, le citoyen qui se donne la peine de voter par bulletin de vote spécial – ou par extension, par correspondance – alors qu’il est à l’étranger « fait preuve d’un profond attachement envers (son pays ou sa province d’attache). Nous ne gagnons rien à priver de tels citoyens du droit de vote. D’ailleurs, notre démocratie est indubitablement renforcée par de telles manifestations d’engagement civique.[184]»
  16.        Fait intéressant, le demandeur a démontré le lien de rattachement profond des électeurs hors Québec avec la province en produisant les pièces P-22 et P-23, qui montrent le taux de participation plus élevé aux élections des électeurs déplacés à l’étranger par rapport à ceux résidant dans la province.
  17.        Pour les électeurs visés à l’article 282, la limite temporelle de deux ans n’est pas raisonnablement bien adaptée à l’objectif réel et urgent pour la justifier.
  18.        Il ressort des délibérations du Conseil exécutif entourant l’adoption de la version actuelle de l’article 282 L.é. que la limite temporelle a été adoptée par simple compromis politique, dans un contexte d’harmonisation des lois électorale et référendaire et de souci d’assurer un vote significatif de personnes liées culturellement au Québec, notamment sur la question référendaire[185]. En outre, M. Côté, député de Charlebourg, déclare alors ce qui suit:

« Ce que j'ai compris dans la démarche, ce qui inquiétait, et c'est pour ça que j'ai moi-même proposé la modification au niveau du Conseil, c'est qu'à 10 ans on pouvait jouer dans un bassin que les gens imaginaient à 400 000 personnes peut-être et peut-être davantage et qu'il y avait plus ou moins... On parlait de 40 000 ou 50 000 personnes par année. En le redescendant à deux ans, on était dans des choses qui sont plus acceptables. Il est vrai que quelqu'un qui va faire un doctorat à l'extérieur du Québec, règle générale, ça va lui prendre plus que deux ans; qu'il maintienne donc ses liens au niveau du Québec c'est un peu ça, le jugement du Manitoba, qui nous a inspirés dans le changement qu'on a fait, la décision du Conseil par rapport au mémoire que je vous avais expédié à l'époque. Ramener à deux ans, ça me paraissait raisonnable. Évidemment, là, on exige [d’être] demeuré au Québec pendant au moins un an. Ça évite les navetteurs, mais ça va leur éviter de voter aussi aux élections. Moi, il y a un principe de base qui est le suivant: Elections, même principe que sur le plan de l'élection... [186]»

[Nos soulignements]

  1.        De l’aveu même des législateurs, choisir une limite de temps est complexe. Comme l’indique l’expert Massicotte dans son rapport, « [c]es restrictions sont fondées sur la présomption que l’expatrié perd graduellement contact avec son pays d’origine, et qu’il est de moins en moins bien informé sur les enjeux débattus. De telles limites sont bien entendu arbitraires et vulnérables à la critique »[187].
  2.        Pourquoi donc être passé de dix à deux ans, alors que la loi fédérale prévoyait une limitation temporelle de cinq ans? Aucune explication n’est procurée non plus à cet égard.
  3.        Soulignons que l’expert Massicotte témoigne que dans une recherche effectuée en 2003 sur les lois électorales dans les pays démocratiques, 30 des 40 pays où les expatriés avaient le droit de voter aux élections nationales leur concédaient ce droit sans limites de temps, alors que dans les dix autres, ce droit était limité aux années suivant immédiatement leur départ du pays, pour une durée variant entre trois et vingt ans[188].
  4.        Par voie de comparaison, il est intéressant de noter que la Loi électorale ontarienne[189] prévoit à son article 15 (1.1) et (1.2) que « la personne qui a cessé de résider dans la circonscription électorale dans les deux ans précédant le jour du scrutin » a le droit de voter si a) elle a résidé en Ontario pendant 12 mois au moins immédiatement avant de cesser d’y résider, b) elle a l’intention de résider de nouveau en Ontario, c) sa dernière résidence en Ontario était dans la circonscription électorale, cette limite temporelle ne s’appliquant pas à la personne qui s’absente parce qu’elle fréquente un établissement d’enseignement. Ainsi, on remarque que contrairement à la loi québécoise, la loi ontarienne permet le vote par correspondance des étudiants et conditionne ce vote des autres électeurs à l’attachement double d’être résident ontarien pendant 12 mois avant de cesser d’y résider et d’avoir l’intention d’y résider de nouveau.
  5.        Par ailleurs, le législateur a exempté du délai de deux ans des électeurs listés au deuxième alinéa de l’article 282, affectés à l’étranger pour le compte du gouvernement ou d’un organisme international, de même que les conjoints et personnes à charge de ces électeurs. Si la raison de cette exemption était le caractère temporaire du déplacement, effectué dans un but précis et pour une durée prédéterminée, il aurait certainement été possible pour le législateur de s’assurer de tels prérequis au vote par correspondance sans restreindre temporellement l’absence de la province. Au surplus, les étudiants, qui ont aussi un but précis et une durée généralement maximale d’années d’étude à l’étranger, auraient dû faire partie de ces exclusions. Sans mettre en péril l’intégrité ou l’équité du système électoral, plusieurs alternatives raisonnables auraient permis au législateur de respecter le droit de vote des citoyens canadiens déplacés temporairement, mais absents pour plus de deux ans.
  6.        Sur la question du lien de rattachement, le demandeur soutient qu’il est déjà assuré par l’exigence du domicile. Si la notion de domicile est si fondamentale à la qualité d’électeur à des fins de rattachement au Québec, comment justifier la nécessité d’une limite temporelle maximale de deux ans d’absence du Québec alors qu’existent déjà un prérequis strict de domicile de douze mois au lieu de six pour voter hors Québec, une exigence d’être parti de la province « temporairement », ainsi qu’une obligation de déclarer son intention de revenir au Québec? La réponse s’impose d’elle-même. Soulignons, d’ailleurs, que le mot « temporairement », doublé de l’exigence de déclarer son intention de revenir au Québec, agit déjà d’emblée comme une garantie, à notre sens, de l’engagement de l’électeur déplacé hors Québec envers sa province d’attache.
  7.        Dans un Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale, daté de mars 1988 (« Document de réflexion du DGÉ de 1988 »), le Secrétariat à la réforme électorale se questionnait sur le vote des Québécois hors Québec. Il y rappelait que le Livre blanc fédéral sur la réforme de la Loi électorale de 1986 recommandait d’accorder le droit de vote à tout Canadien résidant à l’étranger qui a déjà habité au Canada et qui a indiqué son intention d’y revenir un jour, recommandation qui a aussi été faite dans le projet de loi C-79 de juin 1987[190].
  8.        Pour ce qui est de l’identification de la clientèle visée par le droit de vote hors Québec, le Secrétariat prenait acte d’inquiétudes quant au choix de la durée d’absence, reconnaissant d’emblée qu’un critère de durée d’absence du Québec pour conditionner l’admissibilité au vote à l’étranger serait nécessairement arbitraire:

« Doit-on, comme au fédéral, englober tout citoyen ayant déjà résidé au Québec et ayant manifesté son intention d’y revenir un jour? Doit-on envisager de fixer une durée maximale d’absence du Québec, par exemple cinq ans, au-delà de laquelle le droit de vote à l’étranger ne serait plus possible? Si l’on opte pour la solution du fédéral, certains allègueront que l’on accorde le droit de vote à des citoyens qui n’ont plus aucun lien avec le Québec et que le vague désir de venir y finir ses jours ne devrait pas suffire pour accorder un droit de décision dans la vie politique. Si par ailleurs on tente de fixer en termes de temps d’absence le critère d’admissibilité au vote à l’étranger, alors on est forcément confronté avec le caractère arbitraire et discriminatoire d’un tel critère. [191]»

  1.        Enfin, de manière générale, il est utile de remarquer que la tendance dominante à travers le monde, en matière de droit électoral, est de rendre les conditions de droit de vote externe plus généreuses et non de les réduire[192]. Comme l’exprime l’auteur Pierre Vallée dans son livre intitulé Droit électoral québécois  Repères et enjeux contemporains, publié récemment en 2023[193], la « tendance globale de l’évolution de la législation et de la jurisprudence (en matière de droit électoral) est à l’élargissement de ce droit et à la réduction des restrictions, la raison fondamentale étant qu’en accordant le droit de vote uniquement à certains citoyens la légitimité du système démocratique est affaiblie.[194]»
  2.        Pour l’expert Massicotte, l’adoption du régime de vote par correspondance s’est faite dans un contexte de mobilité internationale grandissante des électeurs où le vote externe jouit d’une popularité croissante[195]. Ainsi, la limitation temporelle réduite « cadre mal avec la situation qui prévaut dans les pays démocratiques et les tendances des trois dernières décennies »[196].
  3.        Le PGQ n’a donc pas réussi à établir en quoi le fait de limiter le droit de vote par correspondance aux électeurs se trouvant à l’étranger depuis deux ans ou moins constitue une atteinte minimale raisonnablement bien adaptée à la réalisation de l’objectif législatif. Cette limite n’est pas raisonnablement nécessaire pour assurer un lien de rattachement entre l’électeur et le Québec, et ainsi préserver l’intégrité et l’équité du système électoral québécois. En conséquence, elle restreint le droit de vote des électeurs visés.
  4.        La prochaine sous-section aborde le dernier volet de l’analyse de proportionnalité.

6.     La mise en balance des effets bénéfiques et des effets préjudiciables

  1.        Même s’il n’est pas nécessaire d’aborder ce troisième volet de l’analyse de proportionnalité, considérant notre précédente conclusion quant à l’atteinte qui n’est pas minimale, il est utile d’expliquer pourquoi les effets préjudiciables de l’article 282 L.é. ne sont pas, à notre avis, proportionnels à son objectif.
  2.        D’abord et avant tout, la limite de deux ans empêche des électeurs qui étudient, travaillent ou séjournent hors Québec d’exercer leur droit de vote, puisqu’ils ne peuvent raisonnablement penser pouvoir revenir en personne pour exercer ce droit démocratique fondamental.
  3.        Comme consacré par la Cour suprême dans l’arrêt Frank, priver certains citoyens du droit de vote porte atteinte au cœur de leurs droits fondamentaux[197]. Lorsqu’il y a atteinte à des droits politiques fondamentaux, « la preuve d’un préjudice additionnel n’est pas nécessaire »[198].
  4.        En l’espèce, il ne peut être question de justifier la limite de deux ans par le mérite ou l’idée d’un privilège requis pour pouvoir voter au Québec, ou encore par le caractère inéquitable du fait de permettre le vote de personnes absentes du Québec pour plus de deux ans, car cela reviendrait à poser un jugement de valeur. Ce type de justification a été écarté par la Cour suprême, en outre, dans l’arrêt Frank[199]. Aucune preuve n’a non plus été faite ici de quelque problème relatif au vote par correspondance d’étudiants ou d’autres expatriés situés à l’étranger.
  5.        Permettre à tous les expatriés – étudiants ou non – de voter par correspondance après deux ans d’absence du Québec, à condition que les autres conditions soient remplies, pourrait entraîner des coûts significatifs à l’État québécois, relativement à l’envoi et à la gestion des bulletins de vote par correspondance, comme il en a été fait état dans les débats parlementaires cités préalablement[200]. Toutefois, le Rapport annuel de gestion de 2018-19 préparé par le DGÉ et la Commission de la représentation électorale du Québec, en pièce P-21, montre que le nombre d’électeurs qui se prévalent du droit de vote par correspondance demeure limité, de l’ordre d’un peu plus de 2000 personnes sur un total de plus de six millions d’inscrits à la liste électorale. L’impact financier d’une telle mesure ne peut alors qu’être mineur.
  6.        Rappelons aussi que c’est le droit de vote qui permet aux électeurs de participer au débat public et à l’élaboration des politiques sociales, composante essentielle d’une société démocratique, comme l’a reconnu la Cour suprême dans l’arrêt Figueroa[201] :

[29] Il s’ensuit donc que la participation au processus électoral possède une valeur intrinsèque indépendamment de son effet sur le résultat concret des élections. Certes, il est vrai que le processus électoral est le moyen utilisé pour élire les députés et former les gouvernements, mais il constitue également le principal moyen permettant au citoyen ordinaire de participer au débat public qui précède l’établissement de la politique sociale. Le droit de briguer les suffrages des électeurs offre à tout citoyen la possibilité de présenter certaines idées et opinions et d’offrir à l’électorat une option politique viable. Le droit de vote permet à tout citoyen de manifester son appui à l’égard des idées et opinions auxquelles souscrit un candidat donné. Dans chacun des cas, les droits démocratiques consacrés à l’art. 3 font en sorte que tout citoyen a la possibilité d’exprimer une opinion sur l’élaboration de la politique sociale et le fonctionnement des institutions publiques en participant au processus électoral. […]

[Nos soulignements]

  1.        De même, la Cour suprême expliquait dans l’arrêt Working Families, que le droit de voter est le « principal moyen pour les citoyens de participer à leur gouvernance. Il confère leur légitimité aux lois édictées par les législateurs en tant que ‘mandataire des citoyens’ et il est fondamentalement lié à la participation des Canadiens et des Canadiennes à une politique d’autonomie gouvernementale (…).[202]»
  2.        Puisque le droit de vote de tout citoyen consacre le principe d’égalité politique des citoyens, le fait de ne pas l’accorder à certains diminue la capacité de l’État d’agir comme leur représentant légitime. En effet, comme l’énonce la Cour suprême dans l’arrêt Sauvé[203],

[34] Le droit de vote de tout citoyen […] sert d’assise à la légitimité de la démocratie canadienne et aux pouvoirs dont se réclame le législateur. Un gouvernement qui n’accorde le droit de vote qu’à un groupe de citoyens choisis est un gouvernement qui diminue sa capacité d’agir à titre de représentant légitime des citoyens exclus de ce groupe, contredit sa prétention à une démocratie représentative et érode son pouvoir de condamner et de punir les contrevenants.

[35] De façon plus générale, priver certains citoyens du droit de vote va à l’encontre de notre engagement constitutionnel envers la valeur et la dignité intrinsèques de chaque personne. Comme la Cour constitutionnelle de l’Afrique du Sud l’a affirmé dans August c. Electoral Commission, 1999 (3) SALR 1, par. 17, [traduction] « [l]e vote de chaque citoyen est un symbole de dignité et d’identité individuelle. Littéralement, il signifie que tout le monde est important. » Le fait que la disposition sur la privation du droit de vote s’applique à un groupe particulier de personnes devrait nous porter à nous inquiéter plutôt davantage que moins de la possibilité qu’elle viole les principes d’égalité des droits et d’appartenance consacrés dans la Charte et protégés par celleci. »

  1.        Ajoutons que selon l’auteur Pierre Vallée, le particularisme du droit électoral québécois est composé de trois éléments, que sont 1) la vision au Québec de la démocratie, du peuple et de la légitimité de sa part de souveraineté, 2) la place particulière donnée au référendum et 3) le fait que l’électeur est placé au cœur de la philosophie qui anime le droit électoral et qui en fait la légitimité[204].
  2.        Ce dernier élément saillant de la particularité québécoise, relatif à la place particulière de l’électeur en droit électoral québécois, mérite d’être souligné. Vallée l’explique comme suit :

« C’est l’intérêt premier de l’électeur qui conditionne l’équilibre des droits de chacun. Ce point de vue adopté par le législateur, et que les tribunaux ont accepté, suppose que la défense de l’électeur, figure anonyme, profite d’un « bien-fait collectif », pour le dire comme dans l’affaire Libman c. Québec (Procureur général), à ce que des règles communes fortes soient établies en matière électorale. Et cela, même si ces règles peuvent être vues comme portant a priori atteinte aux droits particuliers de certains acteurs politiques. (…)»

  1.        Le présent jugement est donc conforme à cette vision du droit électoral québécois, laquelle souhaite prioriser l’électeur, et a fortiori, son droit fondamental de participer par le droit de vote aux processus démocratiques du Québec.
  2.        En somme, la limite temporelle de l’article 282 L.é. ne porte pas atteinte à la qualité d’électeur des étudiants ou autres expatriés ayant quitté temporairement le Québec et étant absents depuis plus de deux ans, mais l’exigence d’y retourner afin d’exercer le droit de vote en personne après deux ans entrave significativement l’exercice du droit de vote d’individus qui n’ont vraisemblablement pas rompu leurs liens avec le Québec et demeurent activement intéressés à participer au processus électoral québécois.
  3.        Comme la Cour suprême l’a énoncé dans l’arrêt Frank, priver des citoyens domiciliés au Québec de la possibilité d’exercer leur droit de vote à l’étranger touche au cœur de leurs droits fondamentaux, en se faisant aussi « au détriment de leur dignité et de leur valeur intrinsèques » [205]. Priver des citoyens domiciliés au Québec du droit fondamental d’exercer leur droit de vote leur cause préjudice[206].
  4.        Pour ce qui est des effets bénéfiques de la mesure attentatoire, le seul bénéfice, hypothétique, d’assurer l’équité du processus en n’accordant le vote qu’aux individus rattachés temporellement au Québec, n’est pas suffisant pour contrer le préjudice causé.

CONCLUSION

  1.        Dans une société où les électeurs se déplacent désormais régulièrement et plus fréquemment à l’étranger, notamment pour le travail ou des études, les technologies, omniprésentes, permettent aux Québécois(es) de s’informer de leur province d’attache et de maintenir des liens à distance.
  2.        Le demandeur présente le cas classique et de plus en plus fréquent d’un citoyen canadien domicilié au Québec, ayant quitté la province depuis plus de deux ans, sur une base néanmoins « temporaire », préservant des liens profonds et un engagement citoyen avec la province et souhaitant continuer de voter aux élections provinciales malgré la distance. Ce dernier a été privé arbitrairement de la possibilité réelle d’exercer son droit de vote parce qu’il avait quitté la province depuis plus de deux ans.
  3.        Cela a été et continue d’être le cas pour de nombreux autres étudiants et expatriés de toute sorte souhaitant voter aux élections du Québec, mais étant inadmissibles au vote par correspondance en vertu de l’article 282 L.é., et donc incapables de voter.
  4.        Pour reprendre les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sauvé, « La nouvelle théorie politique du gouvernement qui permettrait aux représentants élus de priver du droit de vote une partie de la population n’a pas sa place dans une démocratie fondée sur des principes d’inclusion, d’égalité et de participation du citoyen. [207]»
  5.        Ces enseignements sont applicables au cas présent.
  6.        L’article 282 L.é. est ainsi déclaré inconstitutionnel, invalide et inopérant, car il porte atteinte au droit de vote des électeurs ayant quitté temporairement le Québec et étant absents depuis plus de deux ans. Cette atteinte est injustifiable en vertu de l’article premier.
  7.        Dans ses conclusions modifiées le premier jour du procès, le demandeur souhaite que l’article 286 L.é. soit également déclaré invalide et inopérant, sans toutefois motiver cette demande plus avant dans son Pourvoi. Cette demande est donc rejetée. Le législateur verra à réformer, le cas échéant, cet article en partie lié à l’article 282 parce qu’il traite des renseignements nécessaires à l’exercice du droit de vote hors Québec de l’électeur qui est de retour ou qui est à l’extérieur du Québec depuis plus de deux ans, et que le DGÉ doit alors rayer de la liste électorale.
  8.        Enfin, le PGQ demande que la déclaration d’invalidité des articles soit suspendue.  
  9.        Le pouvoir exceptionnel et rare de suspendre une déclaration d’invalidité pendant une certaine période est compris dans celui de déclarer une loi invalide[208]. La suspension peut être nécessaire pour protéger d’autres valeurs d’importance constitutionnelle, dans le cas où « tout bien considéré, les avantages qu’il y a à suspendre l’effet de cette déclaration l’emportent sur les inconvénients du maintien d’une loi inconstitutionnelle qui viole des droits garantis par la Charte.[209]»
  10.        Pour faire suspendre une déclaration d’invalidité, le PGQ devait démontrer qu’un intérêt public impérieux, soit un intérêt lié à un principe de réparation fondé sur la Constitution, justifie que l’on permette que la violation de la Constitution se perpétue, du moins de façon temporaire[210].
  11.        En l’espèce, il existe un intérêt public impérieux puisque la déclaration d’invalidité fait en sorte que dès le présent jugement, le droit de vote par correspondance des citoyens domiciliés au Québec disparaît. Cet impact est notable et fondamental, car il affecte directement le droit de vote des Québécois.
  12.        Le législateur devra, par l’effet du présent jugement, adopter un régime de vote par correspondance qui respecte le droit de vote des électeurs québécois. Celui-ci devra effectuer des choix complexes, et réfléchir bien sûr à ce que constitue un lien de rattachement suffisant au Québec pour voter par correspondance. Considérant l’intérêt public fondamental et impérieux que constitue le droit de vote, il y a lieu d’accorder la période de suspension pour une durée de douze mois.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.        ACCUEILLE en partie le présent Pourvoi en contrôle judiciaire remodifié;
  2.        DÉCLARE que les mots « pendant les deux ans qui suivent son départ » contenus à la fin du premier alinéa de l’article 282 de la Loi électorale, RLRQ, ch. E-3.3 contreviennent à l’article 3 de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11;
  3.        DÉCLARE que la violation de l’article 3 de la Charte canadienne n’est pas justifiée en vertu de l’article 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11;
  4.        DÉCLARE l’article 282 de la Loi électorale, RLRQ c E-3.3 invalide et inopérant aux termes de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11, et ce, dans la mesure de son incompatibilité avec l’article 3 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11;
  5.        SUSPEND la déclaration d’invalidité pour une période de douze (12) mois ;
  6.        ORDONNE que les Pièces P-1, P-2, P-5, P-6, P-7 et P-10 déposées au soutien de la présente demande soient gardées confidentielles et sous scellés; 
  7.        AVEC frais de justice, y compris les frais d’expertise.

 

 

 

 

__________________________________CATHERINE PICHÉ, j.c.s.

 

Me François Laurin-Pratte

flaurinpratte@osler.com

Me Julien Morissette

jmorissette@osler.com

Me Quentin Montpetit

qmontpetit@osler.com
Me Rachelle Saint-Laurent

rsaintlaurent@osler.com

Osler, Hoskin & Harcourt, S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats du demandeur

 

Me Francis Demers

francis.demers@justice.gouv.qc.ca

Me Simon Larose

simon.larose@justice.gouv.qc.ca

Bernard Roy (Justice Québec)

Avocats du défendeur

 

 

Me Henrick Lavoie

hlavoie@electionsquebec.qc.ca

Directeur général des élections du Québec

Avocat du mis en cause

 

 

Dates d’audience :

2, 3,4,5 et 6 juin 2025

 


[1]  RLRQ, c. e-3.3.

[2]  Il ne sera référé qu’aux noms de famille afin d’alléger le texte. Il s'agit d'une simple convention de style, dénuée de toute intention de discourtoisie.

[3]  Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11 (« Charte canadienne »).

[4]  Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12 (« Charte québécoise »).

[5]  R. c. Brunelle, 2024 CSC 3, paragr. 41-42.

[6]  Coroner en chef du Québec c. Duhamel, 2021 QCCA 796, paragr. 64, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 17 février 2022, no 39760.

[8]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 20. Voir aussi: Colombie-Britannique (Procureur général) c. Conseil des Canadiens avec déficiences, 2022 CSC 27 (CanLII), [2022] 1 RCS 794, paragr. 28 (« Conseil des Canadiens avec des déficiences »). Voir aussi : Marie PARÉ, La requête en jugement déclaratoire, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2001, pp. 1213, citée dans Henderson c. Québec (Procureur général), 2007 QCCA 1138 (CanLII), paragr. 59.

[9]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 37. Ces critères de Downtown Eastside sont réitérés dans Conseil des Canadiens avec des déficiences, id., paragr. 28. Voir aussi : Conseil canadien des Églises, supra note 7.

[10]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 37. Ces critères de Downtown Eastside sont réitérés dans Conseil des Canadiens avec des déficiences, supra note 8, paragr. 28. Voir aussi : Conseil canadien des Églises, supra note 7.

[11]  Id., paragr. 20.

[12]  Id., paragr. 23 et 20.

[13]  Conseil des Canadiens avec des déficiences, supra note 8, paragr. 51.

[14]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 20.

[15]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 1, citant Finlay, supra note 7, p. 631, repris dans Conseil des Canadiens avec des déficiences, supra note 8, paragr. 29.

[16]  Conseil des Canadiens avec des déficiences, id., paragr. 30-31.

[17]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 31, repris dans id., paragr. 33.

[18]  Conseil des Canadiens avec des déficiences, supra note 8, paragr. 36.

[19]  Thorson, supra note 7, p. 145.

[20]  McNeil, supra note 7, p. 271.

[21]  Finlay, supra note 7, p. 627.

[22]  Conseil canadien des Églises, supra note 7, p. 250 et 252.

[23]  Pièce P-2.

[24]  Pièce P-3.

[25]  Pièce P-4.

[26]  Pièce P-5.

[27]  Pièce P-6.

[28]  Pièce P-7.

[29]  Pièce P-8.

[30]  Pièce MC-24.

[31]  Pièce P-9.9.

[32]  Voir Déclaration sous serment de Rémy Vaillancourt datée du 20 mai 2025, paragr. 13 et 15 (« il est invraisemblable de prétendre que mon personnel l’a privé de voter par correspondance, puisque mon bureau ne s’occupait pas de la modalité d’exercice du vote par correspondance dans le cas d’un électeur hors Québec. »)

[33]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 2 et 52.

[34]  Conseil des Canadiens avec des déficiences, supra note 8, paragr. 28.

[35]  Québec (Province) – Directeur général des élections, Amendements à la Loi électorale : document de réflexion / [Le Directeur général des élections du Québec], 12 décembre 1995.

[36]  Id., p. 32.

[37]  Id., p. 32-33.

[38]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 2.

[39]  Conseil des Canadiens avec des déficiences, supra, note 8, paragr. 2, 30, 31, 42.

[40]  Id., paragr. 2, 37, 38.

[41]  Voir notamment Pièce P-10.1.

[42]  L. M. SOSSIN, Boundaries of Judicial Review : The Law of Justiciability in Canada (2ème éd. 2012), p. 610. Voir aussi: Gerard KENNEDY, et Lorne SOSSIN. « Justiciability, Access to Justice and the Development of Constitutional Law in Canada », (2017) 45 Fed. L. Rev. 707.

[43]  Voir notamment Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1 Frank »).

[44]  Conseil canadien des Églises, supra, note 7, paragr. 254.

[45]  Frank, supra note 43. Cet arrêt souligne notamment l’importance du droit de vote, en vertu de l’article 3 de la Charte canadienne.

[46]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 50.

[47]  Justice pour le Québec c. Procureur général du Canada, 2024 QCCS 2855, paragr. 44.

[48]  Downtown Eastside, supra note 7, paragr. 43.

[49]  Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68, paragr. 11 (« Sauvé, 2002 »), et Frank, supra note 43, paragr. 25, soulignant notamment que l’importance du droit de vote est notamment reflétée dans le fait que l’article 3 de la Charte canadienne n’est pas assujetti au mécanisme de dérogation prévu à son article 33.

[50]  Sauvé, id., paragr. 1 et 34; Frank, supra note 43, paragr. 25; Opitz c. Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55 Opitz »), paragr. 10.

[51]  Frank, id., paragr. 25, reprenant les enseignements des arrêts Sauvé, id., paragr. 1, et Opitz, id., paragr. 10. Voir aussi, sur la constitutionnalité de la suppression du droit de vote des détenus : Belczowski v. Canada, 1992 CanLII 8580 (FCA), [1992] 2 FC 440. Voir aussi : R. J. SHARPE et K. ROACH, The Charter of Rights and Freedoms (7e éd. 2021), p. 231.

[52]  1991 CanLII 61 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 158.

[53]  Id., p. 183.

[54]  Ontario (Procureur général) c. Working Families Coalition (Canada) inc., 2025 CSC 5 (CanLII), paragr. 112 (« Working families »), paragr. 194, citant, dans les motifs de dissidence: Renvoi : Circ. électorales provinciales (Sask.), 1991 CanLII 61 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 158Renvoi concernant la Saskatchewan »), p. 183 et 188; Haig c. Canada (Directeur général des élections), p. 1031 à 1034 (J. L’Heureux-Dubé, pour la majorité) (« Haig »), p. 1031; Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), 1996 CanLII 163 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 876, paragr. 2324; Thomson Newspapers Co., paragr. 82; Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37, [2003] 1 R.C.S. 912, paragr. 25 et 29 (« Figueroa »); Frank, supra note 43, paragr. 26-27; id., paragr. 7071.

[55]  1991 CanLII 61 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 158.

[56]  Voir notamment Working Families, supra note 54, paragr. 112; Frank, supra note 43, paragr. 154 et 159; Figueroa, supra note 54, paragr. 21; Haig, supra note 54; Harvey c. NouveauBrunswick (Procureur général), 1996 CanLII 163 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 876; Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), 1998 CanLII 829 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 877.

[57]  Haig, id., p. 1031; Figueroa, id., paragr. 2528; Harper c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 33, paragr. 26-27 (juge en chef McLachlin) et paragr. 92, 100-103 (juge Bastarache) (« Harper »), paragr. 70.

[58]  Figueroa, supra note 54, paragr. 26 et 29.

[59]  Frank supra note 43, paragr. 26; Figueroa, id., paragr. 2526 et 30.

[60]  Working Families, supra note 54, paragr. 112.

[61]  Haig, supra note 54, p. 1031 à 1034.

[62]  Id., p. 1032.

[63]  Sauvé 2002, supra note 49 paragr. 9.

[64]  Sauvé 2002, id., paragr. 11; Frank, supra note 43, paragr. 32.

[65]  Directeur général des élections du Québec c. Tassoni, 2024 QCCA 1187 (demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada rejetée : 2025 CanLII 38361), paragr. 47, citant ce qui suit : « Les tribunaux ont toujours reconnu l’importance fondamentale du vote ainsi que la nécessité d’interpréter d’une façon large les lois conférant ce droit » : Haig, supra note 54, p. 1049, motifs du juge Cory, repris sur ce point dans Opitz, supra note 50, paragr. 37.

[66]  Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, Rapport final, vol. I (Pour une démocratie électorale renouvelée), Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1992, 563 p., p. 27.

[67]  Loi électorale du Canada (L.C. 2000, ch. 9) (« L.é.C. »).

[68]  Frank, supra note 43, paragr. 11, citant Opitz, supra note 50, paragr. 35 et 38.

[69]  Frank, id., paragr. 12. La L.é.C. prévoit également à l’article 127 une procédure qui permet à certains citoyens non-résidents habilités de voter à partir de l’étranger au moyen d’un « bulletin de vote spécial ». Le pourvoi dans Frank portait justement sur la restriction des droits de vote de nonrésidents à l’ancien al. 11d) de la Loi, en vertu de laquelle « les électeurs qui sont absents du Canada depuis moins de cinq années consécutives et qui ont l’intention de revenir résider au Canada » pouvaient exercer leur droit de vote à l’étranger.

[70]  Voir Vaniderstein c. Québec (Procureur général), 2014 QCCS 4725, paragr. 78.

[71]  Articles 40.1 et 40.2 L.é.

[72]  Id..

[73]  Articles 40.4 et 40.5 L.é.

[74]  Article 40.7 L.é.

[75]  En vertu des articles 33 et 35 L.é.

[76]  Articles 145 et 146 L.é.

[77]  Id..

[78]  Article 302 L.é.

[79]  Articles. 281 et 294 L.é. Dans le premier cas, le vote est reporté au lien du domicile au Québec ou du dernier domicile, tandis que dans le deuxième, il est plutôt reporté au lieu du domicile à la date de l’incarcération.

[80]  Il faut retenir aussi l’existence de la Loi visant à favoriser l’exercice du droit de vote lors des prochaines élections générales du Québec, LQ 2022, c 24, qui depuis 2022, élargit l’accès au vote par la poste pour certains électeurs qui sont plus à risque de subir des complications liées à la COVID-19 et d’électeurs en situation d’isolement.

[81]  Les articles. 553.1, 567 et 568 L.é. prévoient des recours pénaux stricts pour toute fausse déclaration ou information.

[82]  Voir les demandes d’inscription au vote hors Québec des pièces MC-23 et MC-24 et l’extrait de la Liste électorale permanente, en pièce MC-22, p. 2, qui montre un changement de statut d’électeur du demandeur pour « HQ », soit « hors Québec ».

[83]  Article 287 L.é.

[84]  Article 288 L.é.

[85]  Article 221 L.é.C.

[86]  L’article 282 L.é.

[87]  Cette réalité a été reconnue par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Hoogbruin v. A.G.B.C., 1985 CanLII 335 (BC CA) (« Hoogbruin »), comme faisant en sorte que « students have no real choice between exercising or not exercising their right to vote. » (voir paragr. 12).

[88]  Commission Lortie, supra note 66, p. 26.

[89]  Hoogbruin, supra note 87. L’article 86(1) de la Elections Act, 1991, est entré en vigueur subséquemment, soir le 11 juin, 1992, et permet le vote non traditionnel par procuration dans la province : Mitchell v. Jackman, 2017 NLTD(G) 150, paragr. 52 (appel par Powers v. Mitchell, 2019 NLCA 16).

[90]  Hoogbruin, id., paragr. 5 (“In our opinion, although s. 2(1) of the Election Act of British Columbia states that these appellants have an entitlement to vote, by failing to provide a mechanism to implement that right, the statute has deprived them of the substance of that right and thus infringed their Charter right to vote.”)

[91]  Voir: Mitchell v. Jackman, 2017 NLTD(G) 150 (appel par Powers v. Mitchell, 2019 NLCA 16), paragr. 63.

[92]  Frank, supra note 43.

[93]  Id., paragr. 3.

[94]  Id., paragr. 3.

[95]  Id., paragr. 4.

[96]  Id., paragr. 23.

[97]  Frank, supra note 43, paragr. 34.

[98]  Id., paragr. 35.

[99]  Id..

[100]  Id., paragr. 83.

[101]  Id., paragr. 84 et ss.

[102]  Frank, supra note 43, paragr. 153 et 154.

[103]  R. c. Conway, [1989] 1 R.C.S. 1659, p. 1675; Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, paragr. 30.

[104]  Chaoulli, id.

[105]  Pièces P-10, P-1 et P-2, sous scellés.

[106]  Figueroa, supra note 54, paragr. 36.

[107]  Figueroa, supra note 54, paragr. 118-119.

[108]  Working Families, supra note 54, paragr. 2.

[109]  Figueroa, supra note 54, paragr. 115.

[110]  P-29.

[111]  Sauvé 2002, supra note 49, paragr. 56.

[112]  R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 R.C.S.103 (« Oakes »), paragr. 136-7 et 138-9. Voir au même effet : Frank, supra note 43, paragr. 38.

[113]  Frank, id., paragr. 38; R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, [2016] 1 R.C.S. 906, paragr. 61.

[114]  Id..

[115]  Id., citant Oakes, supra note 114, p. 138139; Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3, paragr. 139; K.R.J., paragr. 58

[116]  Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, paragr. 126.

[117]  R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38, paragr. 121.

[118]  Lavoie c. Canada, 2002 CSC 23, paragr. 59.

[119]  Voir R. c. Bryan, 2007 CSC 12, paragr. 9 et paragr. 58; Harper, supra note 57, paragr. 87; Libman c. Québec (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 569, paragr. 62 (« Libman »).

[120]  Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37 Hutterian »), paragr. 48. Voir aussi : Société RadioCanada c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 2, paragr. 70.

[121]  Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), 2000 CSC 69, paragr. 228.

[122]  Hutterian, supra note 119, paragr. 55. Voir aussi : R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, paragr. 70.

[123]  Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, paragr. 102.

[124]  Procureur général du Québec c. Luamba, 2024 QCCA 1387, paragr. 128.

[125]  R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38, paragr. 130, renvoyant à : R. c. K.R.J., 2016 CSC 31, paragr. 77, citant Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), 1998 CanLII 829 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 877, paragr. 125.

[126]  Frank, supra note 43, citant K.R.J., paragr. 58; Oakes, supra note 114, p. 139.

[127]  Frank, id., paragr. 44 (juge en chef Wagner) et paragr. 159 (juges dissidents Côté et Brown). Voir aussi : Maheux c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 235, paragr. 337.

[128]  Frank, id., paragr. 24 et 124. Voir notamment R. c. Bryan, 2007 CSC 12, paragr. 9-10; Harper, supra note 57, paragr. 75-76.

[129]  Hutterian, supra note 119, paragr. 35 et 196; Mckinney c. Université de Guelph, 1990 CanLII 60 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 229; M c. H, 1998 CanLII 829 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 877.

[130]  Sauvé, supra note 49, paragr. 8-9, 13 et 15.

[131]  Working Families, supra note 54, paragr. 64.

[132]  Frank supra note 43, paragr. 54-57; Libman, supra note 118, paragr. 41-42; Harper, supra note 57, paragr. 26-27 (juge en chef McLachlin) et paragr. 92, 100-103 (juge Bastarache); Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 7649 (FTQ) c. Directeur général des élections du Québec, 2011 QCCA 1043, paragr. 26-32.

[133]  Frank, supra note 43, paragr. 24 et 124; Harper, supra note 57, paragr. 75-76.

[134]  Frank, id., paragr. 61 (« le fait que les provinces et territoires canadiens imposent la résidence comme condition d’exercice du droit de vote n’a que peu de pertinence en ce qui concerne les droits de vote en droit électoral fédéral. Dans le contexte des élections provinciales et territoriales, la résidence peut servir à établir le lien nécessaire entre l’électeur et la province ou le territoire. Toutefois, dans le contexte des élections fédérales, la citoyenneté canadienne fait elle-même preuve du lien requis. »)

[135]  Frank, id., paragr. 91.

[136]  Frank, id., paragr. 61. La Cour suprême précise, d’ailleurs, que l’exigence de résidence de 6 mois de domicile pour les élections provinciales ne doit pas être considérée sous le même angle que les restrictions visant les citoyens résidant à l’étranger.

[137]  Merk c. Association internationale des travailleurs en ponts, en fer structural, ornemental et d'armature, section local 771, 2005 CSC 70, paragr. 28; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, paragr. 43.

[138]  Loi électorale, L.Q. 1989, c. 1, article 1, 5.

[139]  L.Q. 1992, articles 1 et 2.

[140]  L.Q. 1995, c. 23, articles 5, 8 et 24.

[141]  L.Q. 2006, c. 17, 2006, articles 1 et 15.

[142]  P-14 Journal des débats de l’Assemblée nationale, 34e législature, 2e session no 28, 2 juin 1992, Adoption de principe, p. 250-252.

[143]  Id., p. 254.

[144]  Id., p. 258.

[145]  P-14 Journal des débats de l’Assemblée nationale, 34e législature, 2e session, mercredi 10 juin 1992 - Vol. 32 N° 18 : https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/ci-34-2/journal-debats/CI-920610.html, p. CI-560-1.

[146]  Id., p. CI-562-3.

[147]  Journal des débats des institutions, 34e législature, 2e session (19 mars 1992 au 10 mars 1994); Le mercredi 10 juin 1992 - Vol. 32 N° 18.

[148]  Document de réflexion du DGÉ de 1995, supra note 35.

[149]  Id., p. 32.

[150]  Id., p. 1.

[151]  Id., p. 1.

[152]  Id..

[153]  Voir entre autres Thérien c. Pellerin, 1997 CanLII 10408 (Qc CA), p. 36; Vaillancourt c. Dion, 2010 QCCA 1499, paragr. 43-44; Droit de la famille  221354, 2022 QCCA 1064, paragr. 10.

[154]  Thérien c. Pellerin, id., p. 36. Voir aussi : Dominique GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 7e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2022.

[155]  Document de réflexion de 1995, supra note 35, p. 1.

[156]  Id., p. 2.

[157]  Id., p. 2.

[158]  Rapport Lachapelle, pièce PGQ-8.

[159]  Rapport Massicotte, pièce P-25.

[160]  Produit comme pièce E-1.

[161]  Voir entre autres: Andre BARNES et al., Legislative Summary of Bill C-76: An Act to amend the Canada Elections Act and other Acts and to make certain consequential amendments, Publication no. 42-1-C76-E, Library of Parliament, 19 January 2019.

[162]  Loi sur la modernisation des élections (L.C. 2018, ch. 31).

[163]  Voir Pièce P-18 : Tableau et extraits des dispositions pertinentes des lois électorales provinciales et territoriales, en liasse.

[164]  Projet de loi 36 (Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire), 1992, Ch. 38, en pièce D-13.

[165]  Rapport Lachapelle, p. 8 et 17. Voir, p. 8 : « D’abord, celui de l’intégrité du système électoral afin de s’assurer que les citoyens ont un lien de rattachement avec le Québec et que les résultats des élections représentent la volonté des citoyens ayant toujours un lien de rattachement avec le Québec. Deuxièmement, celui de la transparence en demandant aux électeurs de s’inscrire au registre des électeurs afin de pouvoir voter par correspondance et recevoir la trousse de l’électeur. Finalement, la primauté de l’électeur et la reconnaissance non seulement du droit de voter, mais également que tout électeur, même s’il est absent du Québec pour une période temporaire, jouit des mêmes droits et privilèges que tous les électeurs vivant au Québec. Ces objectifs font partie intégrante de l’article 282.»

[166]  Voir en outre Frank, supra note 43, paragr. 54-57; Libman, supra note 118, paragr. 41-42; Harper, supra note 57, paragr. 26-27 et paragr. 92, 100-103; Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 7649 (FTQ) c. Directeur général des élections du Québec, 2011 QCCA 1043, paragr. 26-32

[167]  Journal des débats -33e législature, 2e session (8 mars 1988  9 août 1989), Fascicule no. 79, 14 décembre 1988, pp. 4122-4135, commentaires de François Gendron.

[168]   Pierre VALLÉE, Droit électoral québécois – Repères et enjeux contemporains, 2023, Wilson & Lafleur. p. 69.

[169]  Frank, supra note 43, paragr. 59.

[170]  Hutterian, supra note 119, paragr. 48

[171]  Citant l’arrêt Frank, supra note 43, paragr. 61.

[172]  Id., paragr. 29.

[173]  Voir aussi : Frank supra note 43, paragr. 61.

[174]  Voir par analogie, Frank, supra note 43, paragr. 57.

[175]  Frank, id., paragr. 66.

[176]  Id., paragr. 66.

[177]  Voir Pièce P-15, Extrait du site web du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur : « La durée moyenne des études permet de mesurer le nombre d’années qu’il faut à un étudiant pour avoir son diplôme universitaire. Les étudiants mettent en moyenne 3 ou 4 ans pour obtenir leur baccalauréat, 1 ou 2 ans pour la maîtrise, et 3 à 5 ans pour le doctorat. »

[178]  Journal des débats de l’Assemblée nationale, 34e législature, 2e session, 19 mars 1992 – 10 mars 1994, n° 28, 2 juin 1992, p. 4; Journal des débats de l’Assemblée nationale, 37e législature, 2e session, 11 mai 2006, vol. 39, n°25, p.47-48.

[179]  Frank, supra note 43, paragr. 68 : « Bon nombre de citoyens non-résidents qui vivent à l’étranger pendant de nombreuses années maintiennent des liens profonds et durables avec ce pays, comme l’illustrent les appelants en l’espèce. Inversement, il se peut que des citoyens qui n’ont jamais quitté le Canada aient un moins grand attachement subjectif envers le Canada et soient moins au fait de questions locales ».

[180]  Règlement sur l’admissibilité et l’inscription des personnes auprès de la Régie de l’assurance maladie du Québec, RLRQ, c. A-29, r. 1, article 7(1).

[181]  P-18.

[182]  Voir : https://www.electionsquebec.qc.ca/voter/elections-en-cours-et-a-venir/.

[183]  Frank, supra note 43, paragr. 67.

[184]  Frank, id., paragr. 75.

[185]  P-24, Extrait du mémoire des délibérations du Conseil exécutif, séance du 12 mai 1992 à 15 h 30, sous la présidence du premier ministre Robert Bourassa, p. 5.

[186]  Journal des débats des institutions, 34e législature, 2e session (19 mars 1992 au 10 mars 1994); Le mercredi 10 juin 1992 - Vol. 32 N° 18.

[187]  Rapport Massicotte, pp. 14-15.

[188]  Id., p. 15.

[189]  Loi électorale, LRO 1990, c. E.6.

[190]  MINISTÈRE DU CONSEIL EXÉCUTIF, SECRÉTARIAT À LA RÉFORME ÉLECTORALE, Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale, mars 1988, p. 32.

[191]  Id., p. 34.

[192]  Rapport Massicotte, p. 18.

[193]  VALLÉE, supra note 167.

[194]  Id., p. 161.

[195]  Rapport Massicotte, p. 4.

[196]  Id., p. 4 et 15.

[197]  Frank, supra note 43, paragr. 82.

[198]  Id., citant Sauvé, supra note 49, paragr. 35.

[199]  Frank, supra note 43, paragr. 82.

[200]  Voir supra, note 146.

[201]  Figueroa, supra note 54, paragr. 29.

[202]  Working Families, supra note 54, paragr. 28.

[203]  Sauvé, supra note 49, paragr. 34-35 et 58-59.

[204]  VALLÉE, supra note 167, pp. 349 à 351.

[205]  Frank, supra note 43, paragr. 82.

[206]  Id..

[207]  Sauvé, supra note 49, paragr. 41.

[208]  Ontario (Procureur général) c. G, 2020 CSC 38, paragr. 83, 121 et 133.

[209]  Id., paragr. 117.

[210]  V.M. c. Directeur de l'État civil, 2025 QCCS 1304, paragr. 410, citant Ontario (Procureur général) c. G, id., paragr. 126, 133 et 139.

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