Municipalité de Lac-Beauport c. Communauté métropolitaine de Québec |
2018 QCCS 929 |
JB 4651 (Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE QUÉBEC |
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C.S. n° 200-17-024292-161 |
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DATE : 12 mars 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MICHEL BEAUPRÉ, j.c.s. (JB 4651) |
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MUNICIPALITÉ DE LAC-BEAUPORT |
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Et |
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MUNICIPALITÉ DES CANTONS UNIS DE STONEHAM-ET-TEWKESBURY |
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Demanderesses |
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c. |
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COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE QUÉBEC |
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Défenderesse |
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Et |
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LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC |
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Mise en cause |
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JUGEMENT (sur pourvoi en
contrôle judiciaire) |
1 - APERÇU
[1] Les questions environnementales sont toujours sensibles et peuvent être source de division.
[2] Cette affaire en est une illustration. Elle concerne l’adoption par la défenderesse Communauté métropolitaine de Québec (la « CMQ ») d’un règlement de contrôle intérimaire restreignant, voire interdisant, les projets de construction et de développement d’un grand nombre de justiciables résidant sur les territoires de certaines de ses 28 villes, municipalités régionales de comté et municipalités locales membres. Ces restrictions posent aussi un frein important aux pouvoirs de ces instances municipales membres, dont les demanderesses, aux fins du développement de leurs territoires et de leurs collectivités.
[3] Selon la CMQ, l’imposition de ces restrictions est justifiée par le bien-être et l’intérêt collectifs, et ce, à supposer même, à la rigueur, malgré l’existence d’une incertitude scientifique quant aux risques que comportent pour la qualité des sources d’eau en litige les projets de construction et activités de développement dans certaines parties de son territoire, particulièrement dans ce qu’il est convenu d’appeler la couronne nord. Selon la CMQ, malgré une telle incertitude, la précaution justifierait encore l’adoption du règlement et des restrictions et interdictions qu’il impose.
[4] Cela étant dit, avant de passer plus en détails à l’analyse des questions de fait et de droit que soulève cette affaire, un résumé de ses principaux tenants et aboutissants sera utile.
2 - RÉSUMÉ DU CONTEXTE, DU LITIGE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
2.1 Résumé du contexte et du litige
[5] Onze (11) prises d’eau potable sont situées sur le territoire de la CMQ, soit huit (8) prises d’eau de surface dans cinq (5) bassins versants différents et trois (3) prises d’eau au fleuve Saint-Laurent[1].
[6] Les prises d’eau qui nous intéressent plus spécifiquement, soit celle aménagée dans la rivière Saint-Charles et les deux installées dans la rivière Montmorency, alimentent environ 425 000 résidents de l’agglomération de Québec[2]. La population de la CMQ étant d’environ 790 000 habitants, un peu moins de la moitié, ou environ 45%, n’est donc pas desservie en eau potable par l’une ou l’autre des trois prises d’eau en litige.
[7] Le 15 mars 2016, au terme d’un processus initié et complété à vitesse grand « V », et alors qu’un règlement de contrôle intérimaire adopté antérieurement sur le même thème est toujours en vigueur, la CMQ adopte un nouveau règlement de contrôle intérimaire : le règlement no 2016-74 (le « RCI 2016-74 »)[3].
[8] L’objet de ce règlement est prévu à son article 1.1.1, soit : «… d’imposer des restrictions supplémentaires aux interventions humaines dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la rivière Saint-Charles et la rivière Montmorency notamment afin de protéger les sources d’eau potable et de ne pas compromettre la réflexion d’aménagement en cours dans le cadre de la révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté ».
[9] Le règlement définit le terme « intervention » de façon large à son annexe 4 comme « toute forme d’activités humaines se traduisant par une construction, un ouvrage ou des travaux », excluant les travaux d’entretien ou de réparation d’une construction existante[4].
[10] Les interdictions et restrictions à la construction que la CMQ a prévues dans ce règlement sont au cœur du présent litige.
[11] Le RCI 2016-74 crée d’abord 4 zones de vulnérabilité, et impose des interdictions et restrictions à la construction dans chacune. Plus le niveau de vulnérabilité de la zone, exprimé en chiffres de 1 à 4[5], est élevé, plus les restrictions sont importantes. La zone 4 correspond à une bande de terrain de 500 mètres en périphérie du lac Saint-Charles.
[12] Ces interdictions et restrictions résultent par ailleurs essentiellement de l’application de trois (3) normes contraignantes et cumulatives, que l’on peut résumer de la façon suivante:
- la mise en place de systèmes autonomes de traitements des eaux usées, ou installations septiques autonomes (« ISA »), n’est pas permise dans la zone 4; dans la zone 3 elle est permise à l’extérieur du paramètre d’urbanisation, ou à certaines conditions dans ce périmètre; dans les zones 1 et 2 elle est permise à l’extérieur d’une bande de protection de 120 mètres autour d’un lac et à certaines conditions;
- le degré de pente du lot à construire : des classes, degrés maximaux de pentes et façons de les calculer sont établis selon la zone de vulnérabilité dans laquelle le lot est situé; si le degré de pente d’un lot surpasse le maximum prescrit, la construction sur ce lot est interdite;
- le pourcentage minimal de couvert végétal à maintenir sur le lot à construire: ce pourcentage varie de 50% à 70%, d’une part en fonction de la zone de vulnérabilité dans laquelle le lot à construire est situé, et d’autre part en fonction de sa superficie; à même le pourcentage minimal total applicable pour l’ensemble du lot, le règlement prévoit des sous-pourcentages minimaux à préserver dans les cours avant et arrière de la construction envisagée, le respect de ces normes de couvert végétal devant être démontré par le requérant d’un permis de construction au moyen d’un plan préparé par « un professionnel compétent en la matière »;
[13] Selon la CMQ, l’application de ces prohibitions et restrictions à la construction permet le contrôle du ruissellement des eaux brutes[6], en surface ou sous-terraines, dans les bassins versants des rivières Saint-Charles et Montmorency. Par le fait même, et de façon plus pertinente au présent litige, la CMQ est d’avis que ces prohibitions et restrictions permettent d’éviter le transport de divers sédiments et nutriments vers les prises d’eau en litige, installées dans ces rivières, et ultimement de préserver la qualité de l’eau potable.
[14] Suite à l’adoption du RCI 2016-74 en mars 2016, et essentiellement en raison de la grogne populaire, des règlements modificateurs ont été adoptés par la CMQ afin d’en suspendre d’abord l’application pour une période de six (6) mois, puis d’en atténuer la sévérité.
[15] Durant cette période, la CMQ adopte aussi des règlements modifiant le règlement de contrôle intérimaire qu’elle avait adopté antérieurement (le « RCI 2010-41 »), lequel a aussi comme objet, quoiqu’avec moins de sévérité, de limiter certaines interventions humaines dans les bassins versants des prises d’eau en litige[7], et dont les dispositions non incompatibles avec le RCI 2016-74 demeurent en vigueur[8].
[16] Néanmoins, les restrictions qui demeurent ont eu et continuent d’avoir pour effet de compliquer significativement, voire de carrément empêcher, les projets de construction de particuliers, de jeunes familles ou de promoteurs sur des centaines de lots situés sur les territoires des demanderesses.
[17] Le litige en l’espèce consiste à déterminer si, comme le proposent les demanderesses, le RCI 2016-74 et certains de ses règlements modificateurs, ainsi que deux (2) règlements modificateurs du RCI 2010-41, sont, en tout ou en partie, nuls et/ou inopérants.
2.2 Résumé des prétentions des parties
2.2.1 Les prétentions des demanderesses
2.2.1.1 Concernant le caractère inopérant du RCI 2016-74, de ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84, et des règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81
[18] Ces règlements sont inopérants parce qu’ils n’ont pas été approuvés par le Ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (le « Ministre ») conformément à l’article 124, alinéa 4, de la Loi sur la qualité de l’environnement[9] (« LQE »).
[19] Cet alinéa prévoit que l’approbation ministérielle est nécessaire lorsqu’un règlement d’une « municipalité » vise le même « objet » qu’un règlement provincial adopté en vertu de la LQE.
[20] Or, ces règlements adoptés par la CMQ visent, en tout ou en partie, le même objet que le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection[10] (le « RPEP »), d’une part, et/ou que le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées[11] (le « RETEU »), d’autre part.
2.2.1.2 Concernant la nullité de ces mêmes règlements
[21] Les arguments des demanderesses concernant la nullité de ces règlements peuvent être résumés comme suit :
- Ils sont déraisonnables et donc nuls parce qu’ils excèdent grossièrement ce qui est nécessaire pour assurer l’atteinte de son objet, soit la protection des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans les rivières Saint-Charles et Montmorency;
- Ils sont déraisonnables et donc nuls parce qu’ils ont pour effet d’interdire de manière significative l’émission de permis pertinents par les demanderesses aux fins du développement des terrains lotis et à lotir situés sur leurs territoires respectifs;
- compte tenu de l’objet du RCI 2016-74 et du RCI 2010-41, les prohibitions et restrictions à la construction en litige, fondées sur les normes cumulatives et afférentes (i) aux degrés de pente maximal d’un lot, tel qu’établis, (ii) aux pourcentages minimaux de couverture végétale à préserver sur un lot, tel qu’établis, (iii) à la desserte dans les zones 1, 2 et 3 par une ISA conforme aux exigences du règlement, sont déraisonnables et donc nulles parce qu’elles ne sont pas fondées et justifiées sur le plan scientifique;
- le RCI 2016-74 et son règlement modificateur 2016-80 sont déraisonnables et donc nuls parce qu’ils sont utilisés par la CMQ de façon détournée, soit à des fins de contrôle discrétionnaire du développement sur le territoire des demanderesses;
2.2.1.3 Concernant les motifs additionnels de nullité des règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81
[22] Ces règlements sont aussi nuls parce qu’ils ont été adoptés postérieurement au 15 juin 2012, date d’entrée en vigueur du premier plan métropolitain d’aménagement et de développement de la CMQ, donc après la période d’adoption possible de tels règlements selon la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[12] (la « LAU»);
2.2.2 Les prétentions de la CMQ
[23] La CMQ conteste les arguments des demanderesses tous azimuts.
2.2.2.1 Concernant le caractère inopérant du RCI 2016-74, de ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84, et des règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81
[24] L’approbation du Ministre suivant l’article 124, alinéa 4, de la LQE n’était pas nécessaire puisque, d’une part, ces règlements ne constituent pas des règlements d’une « municipalité » au sens prévu à cet alinéa et que, d’autre part, à supposer même qu’ils constitueraient de tels règlements, ils ne visent pas le même « objet » que l’un ou l’autre du RPEP ou du RETEU.
2.2.2.2 Concernant la nullité de ces mêmes règlements
[25] Ces règlements ont été adoptés dans l’exercice des pouvoirs conférés par la loi à la CMQ et en conformité avec les délais découlant de la LAU pour ce faire.
[26] Ils sont présumés valides, sont raisonnables et le Tribunal doit en conséquence faire preuve de déférence et refuser d’en déclarer la nullité.
[27] La CMQ a adopté ces règlements afin de protéger des sources d’eau potable situées sur son territoire et la santé de sa population, et les prohibitions et restrictions à la construction qu’ils contiennent, basées sur les degrés de pente, les pourcentages minimaux de couvert végétal à préserver sur les lots et les systèmes d’évacuation des eaux usées autorisés, sont fondées sur des « connaissances objectives et des principes reconnus »[13].
[28] Même en présence d’une incertitude scientifique, ces prohibitions et restrictions seraient encore justifiées en l’espèce par le «principe de précaution » défini à la Loi sur le développement durable[14] (la « LDD »).
2.2.3 Les prétentions de la mise en cause Procureure générale du Québec
[29] La Procureure générale du Québec a informé le Tribunal avant l’instruction qu’elle n’entendait pas intervenir, ni faire de représentations.
[30] Cette trame de fond générale étant faite, voici maintenant plus en détails le contexte dans lequel les demanderesses présentent leur pourvoi, ainsi que les faits pertinents que le Tribunal retient de la preuve.
3 - LE CONTEXTE ET LES FAITS PERTINENTS
3.1 Le Lac Saint-Charles, certaines données concernant son état et certaines caractéristiques des trois prises d’eau en litige installées dans la rivière Saint-Charles et la rivière Montmorency
3.1.1 Le Lac Saint-Charles
[31] Le Lac Saint-Charles est situé à environ 20 km au nord du centre-ville de Québec[15]. Son bassin versant couvre une superficie totale de 169 km2 [16].
[32] Il constitue la principale réserve d’eau brute qui, une fois acheminée par la rivière Saint-Charles vers la prise d’eau installée dans cette dernière à 11 km en aval, est traitée à l’usine de traitement d’eaux (« UTE ») de la Ville de Québec afin d’alimenter la population de son agglomération en eau potable.
[33] Il est notoire et de connaissance judiciaire qu’au cours des dernières années l’état du Lac Saint-Charles a fait l’objet de débats publics et judiciaires[17], quoique dans ces derniers cas sur la base d’une preuve différente de celle en l’espèce et parfois non contestée, et que divers intervenants ont exprimé leurs points de vue à ce sujet, certains alarmistes, d’autres modérés, d’autres encore positifs.
[34] Mais là s’arrêtent les limites de la connaissance judiciaire.
[35] Les parties ont ainsi administré une preuve concernant l’état du lac, particulièrement la CMQ aux fins de justifier sa décision d’adopter le RCI 2016-74 et les prohibitions et restrictions à la construction applicables dans le bassin versant de la prise d’eau installée dans la rivière Saint-Charles[18].
[36] Premièrement, bien qu’un témoin ordinaire présenté par la CMQ, en l’occurrence monsieur François Morneau (« Morneau »), sur le témoignage duquel nous reviendrons plus amplement plus loin, ait mentionné l’existence de « centaines » de rapports ou d’études[19] sur l’état du lac et justifiant les interdictions et restrictions à la construction en litige, seuls sept documents pouvant s’y apparenter ont été produits par la CMQ, dont aucun à titre de rapport d’expert[20].
[37] Morneau n’a toutefois pas contesté que parmi ces documents, celui sur lequel repose essentiellement la décision de la CMQ d’élaborer et d’adopter le RCI 2016-74 est celui produit comme pièce D-1, daté du 17 juin 2014, préparé par l’Association pour la protection de l’environnement du Lac Saint-Charles et des Marais du Nord (APEL) et intitulé Diagnose du Lac Saint-Charles 2012. La CMQ a aussi invoqué, mais dans une moindre mesure, le document produit comme pièce D-2, préparé à sa demande par la firme de consultants Roche, daté du 5 juin 2014, et intitulé État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles - Plan d’action 2014 pour la mise en œuvre des recommandations, ainsi que le document Suivi du Lac Saint-Charles - Bilan des campagnes 2011 à 2013 préparé par l’APEL, daté de janvier 2015 et produit comme pièce D-3.
[38] Or, la preuve a permis d’établir ce qui suit concernant la teneur de ces documents.
[39] D’abord, Morneau a été membre actif de l’APEL et son président durant 15 ans. Suite à l’obtention de la Diagnose précitée D-1 préparée par l’APEL, la CMQ a requis d’un expert externe reconnu, en l’occurrence le professeur Richard Carignan, un rapport d’évaluation de la méthodologie suivie par l’APEL pour en arriver à ses constats. Ce n’est qu’après hésitations en contre-interrogatoire que Morneau a fini par admettre que le professeur Carignan est l’un des principaux immunologues du Québec. Les demanderesses ont produit le rapport du professeur Carignan, daté de mars 2014, comme pièce P-31. Ce rapport est d’une grande sévérité à l’endroit des travaux de l’APEL et de ses conclusions qui en découlent concernant l’état du Lac St-Charles. Carignan répond notamment à des questions spécifiques posées par la CMQ :
- que les méthodes analytiques utilisées par l’APEL au chapitre 3 de son rapport concernant la qualité de l’eau des affluents du Lac Saint-Charles «sont clairement inadéquates »[21];
- que les éléments d’analyse retenus par l’APEL sont insuffisants aux fins d’appuyer scientifiquement ses recommandations de mesures correctives à l’égard des activités polluantes[22]; et,
- que le rapport de l’APEL ne permet pas de supporter une augmentation des risques pour l’usine de traitement d’eau potable de la rivière Saint-Charles à l’égard de cyanobactéries[23].
[40] Ce rapport de Carignan aurait pu n’illustrer qu’une divergence d’opinions avec l’APEL si Morneau n’avait pas admis aussi que suite à ce rapport l’APEL a effectivement apporté des modifications à ses protocoles méthodologiques, dont certains avaient été utilisés non seulement aux fins de la Diagnose du Lac Saint-Charles D-1, qui constituait l’assise principale de la CMQ pour adopter son RCI 2016-74, mais aussi aux fins de ses campagnes d’analyses 2011 à 2013 ayant donné lieu à son document Suivi du Lac Saint-Charles D-3.
[41] Aucune étude effectuée par l’APEL concernant l’état du lac Saint-Charles, cette fois avec ses protocoles méthodologiques corrigés, la cas échéant, n’a été produite.
[42] Incidemment, le témoignage vacillant de Morneau concernant l’époque où il a eu connaissance du rapport Carignan, seulement au printemps 2017 comme il l’affirme en interrogatoire principal, ou « peut-être avant », comme il l’admet en contre-interrogatoire, n’a pas contribué à sa crédibilité.
[43] Quant au rapport D-2 de juin 2014 de la firme de consultants Roche, la preuve a établi que le document D-4 de novembre 2015, intitulé État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles, en est un résumé/suivi préparé conjointement par un représentant de Roche et par Morneau. L’une des recommandations contenues à ce document consistait à vérifier le résultat de l’application des mesures contenues au RCI 2010-41, le prédécesseur du RCI 2016-74, et des recommandations contenues au rapport D-2 et par la suite, « au besoin », évaluer et renforcer la réglementation en matière d’aménagement du territoire à l’échelle de la CMQ[24].
[44] Or, dans son rapport D-2 de juin 2014 concernant l’état de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la rivière Saint-Charles, Roche proposait un plan d’action étalé sur une période de cinq ans[25] avant la prise de mesures d’intervention plus robustes. De plus, le résumé/suivi D-4 de ce rapport, préparé par un représentant de Roche et par Morneau rappelons-le, mentionnait :
- que les signes de dégradation de la qualité de l’eau du bassin versant de la rivière Saint-Charles avaient été détectés en aval du Lac Saint-Charles;
- que néanmoins la qualité de l’eau brute prélevée à l’époque à la prise d’eau de la rivière Saint-Charles satisfaisait aux exigences de production d’eau potable en raison de la capacité naturelle de filtration de son bassin versant;
- que l’eau potable ensuite produite par l’usine de traitement d’eau de la Ville de Québec était « de grande qualité » [26].
3.1.2 La prise d’eau installée dans la rivière Saint-Charles
[45] La carte produite comme annexe I de la pièce P-10 permet de constater l’emplacement de cette prise d’eau dans la rivière.
[46] Cette prise d’eau fournit plus de 50% des quelques 100 milliards de litres d’eau potable traités annuellement par la Ville de Québec. Comme on l’a vu, elle est installée à 11 km en aval du Lac Saint-Charles lui-même.
[47] Le bassin versant de la prise d’eau de la rivière Saint-Charles est à 75% sous couvert forestier[27].
[48] Rappelons aussi que selon le résumé/suivi D-4 de novembre 2015, la qualité de l’eau brute prélevée à cette prise d’eau satisfaisait alors aux exigences de production d’eau potable et que l’eau potable ainsi produite à l’unité de traitement d’eau de la Ville de Québec «est de grande qualité »[28].
3.1.3 Les deux (2) prises d’eau installées dans la Rivière Montmorency
[49] La preuve concernant le bassin versant et les prises d’eau de la rivière Montmorency a été plutôt ténue comparativement à la preuve administrée concernant le Lac Saint-Charles et la prise d’eau installée dans la rivière Saint-Charles.
[50] La preuve prépondérante a néanmoins permis d’établir la grande qualité de l’eau de la rivière Montmorency.
[51] L’emplacement des deux prises d’eau de surface aménagées dans la rivière Montmorency est illustrée sur la carte produite à titre d’annexe 2 de la pièce P-10.
[52] L’eau brute prélevée à ces prises d’eau fournit 16% de l’eau potable alimentant la population de la Ville de Québec.
[53] Dans le document du 23 mars 2016 préparé par l’Organisme des bassins versants Charlevoix - Montmorency (l’ « OBV »), produit par la CMQ comme pièce D-17, cet organisme indépendant, responsable de l’élaboration et du suivi de la mise en œuvre du plan directeur de l’eau de la zone hydrique Charlevoix - Montmorency, confirme que l’eau des rivières situées sur ce territoire, incluant celle de la rivière Montmorency, est de bonne qualité et satisfait aux critères de qualité de l’eau de surface du Ministère[29]. Plus particulièrement, l’indice de qualité de l’eau de la rivière Montmorency, attribué en fonction de différents paramètres, est de 92, soit dans la fourchette supérieure du plus haut indice de qualité possible, lequel est établi entre 80 et 100[30].
[54] Ces données objectives, fournies par un organisme indépendant et produites par la CMQ sont corroborées par la seule preuve testimoniale probante administrée au sujet de la rivière Montmorency.
[55] La mairesse de la municipalité de Sainte-Brigitte-de-Laval, sur le territoire de laquelle s’écoule la rivière Montmorency, a témoigné à l’instruction. Madame Wanita Daniele a témoigné à la demande de la CMQ à titre de présidente de la Commission environnementale intérimaire mise sur pied par cette dernière dans le cadre des travaux d’élaboration du RCI 2016-74 en litige.
[56] Madame Daniele a confirmé que suivant un classement à partir des critères du Ministère, la rivière Montmorency a été classée comme la quatrième meilleure rivière au Québec en termes de qualité de l’eau. Ce témoignage n’a pas été contredit.
[57] Dans le premier rapport de la CEI du 15 mars 2016 qu’elle signait[31], madame Daniele écrivait que la santé du bassin versant de la Rivière Montmorency était « relativement bonne », mais que malgré tout des mesures visant sa protection devaient être appliquées de façon préventive.
[58] Le Tribunal retient comme prépondérant le témoignage rendu par madame Daniele lors de l’instruction. D’une part, un témoignage rendu à l’instruction devant le juge d’instance comporte davantage de valeur probante qu’une affirmation écrite du même témoin, ne serait-ce que parce que le Tribunal est en mesure d’apprécier sa crédibilité. D'autre part, le témoignage de madame Daniele à l’instruction quant à la grande qualité de l’eau de la rivière Montmorency est supporté par l’évaluation d’un organisme indépendant, en l’occurrence l’OBV des bassins versants Charlevoix - Montmorency. Enfin, le rapport du 15 mars 2016 de la CEI est antérieur au rapport de l’OBV et ne mentionne quant à lui aucune étude, analyse ou documentation indépendante permettant de remettre en cause la qualité de l’eau de la rivière Montmorency telle qu’établie par le Ministère et par l’OBV.
3.2 Les parties et certains faits connexes
3.2.1 La CMQ
[59] La CMQ a été instituée par la Loi sur la communauté métropolitaine de Québec[32] (« LCMQ »)
[60] Son territoire couvre environ 3 347 km2 en territoires municipalisés et près de 9 500 km2 lorsqu’on y ajoute les territoires non organisés. En fait, ce territoire est constitué de ceux des 28 villes, municipalités régionales de comté (« MRC ») ou municipalités locales qui la composent[33], dont les demanderesses Municipalité de Lac-Beauport (« Lac-Beauport ») et Municipalité des Cantons-Unis de Stoneham-et-Tewkesbury (« Stoneham »).
[61] Les affaires de la CMQ sont par ailleurs administrées par un conseil de 17 membres, dont le maire de la Ville de Québec, qui agit comme président et président de son comité exécutif[34], le maire de la Ville de Lévis et les préfets des MRC de La Côte-de-Beaupré, de La Jacques-Cartier et de L’Île d’Orléans[35].
[62] Le conseil de la CMQ peut instituer toute commission, dont il fixe le nombre et désigne les membres[36]. Une telle commission a pour fonction d’étudier toute question déterminée par le conseil ou le comité exécutif et de leur faire à ce sujet les recommandations qu’elle juge appropriées[37].
[63] Pour les fins d’élaboration du RCI 2016-74, la CMQ a institué la Commission d’environnement intérimaire (la « CEI »).
[64] Les compétences de la CMQ sont prévues aux articles 112 et suivants de la LCMQ, dont l’article 112.1 qui prévoit qu’elle possède les compétences prévues à la LAU[38] aux fins de l’adoption d’un plan métropolitain d’aménagement et de développement.
[65] Les pouvoirs de la CMQ sont quant à eux prévus aux articles 90 à 111.2 de la Loi.
3.2.2 Lac-Beauport
[66] Le territoire de Lac-Beauport est d’une superficie de 64,19 km2 et inclut, parmi d’autres plans et cours d’eau, le lac Beauport proprement dit et une partie de la rivière Jaune. Elle compte environ 7 577 habitants.
[67] Depuis 2011, Lac-Beauport a installé 72 stations de détection de problématiques de la qualité de l’eau des lacs et autres cours d’eau situés sur son territoire.
[68] Autre indice de son intérêt pour l’environnement, depuis 2015 l’usage de tout pesticide ou de toute matière fertilisante est interdit sur le territoire afin d’éviter la surcharge des eaux de ruissellement en azote et en phosphore. La municipalité a aussi réduit de façon considérable l’usage du calcium sur son réseau routier, pour favoriser la pierrette et le sable, sauf en cas de nécessité dictée par des conditions de température très froide.
[69] 1800 propriétés situées sur le territoire de Lac-Beauport sont desservies par une ISA et plus de 1000 sont desservies par le réseau d’égout sanitaire municipal.
3.2.3 Stoneham
[70] Le territoire de Stoneham est d’une superficie de 685,20 km2. Elle compte environ 7 904 habitants.
[71] Le « noyau villageois », c’est-à-dire la partie du territoire de Stoneham où l’on observe la plus forte concentration de population, est situé à 6 km en amont du Lac Saint-Charles. D’autres lots à potentiel de développement sont situées encore davantage au nord du « noyau villageois », jusqu’à plus de 10 km en amont du lac.
[72] La prise d’eau située dans la rivière Saint-Charles, qui alimente la population de la Ville de Québec en eau potable, est quant à elle située à 11 km en aval du Lac Saint-Charles.
[73] Enfin, environ 2000 habitations situées sur le territoire de Stoneham sont desservies par une ISA et plus de 1000 sont quant à elles desservies par le réseau d’égout sanitaire municipal.
[74] Le bassin versant de la rivière des Hurons, laquelle coule sur le territoire de Stoneham et est l’un des affluents du Lac saint-Charles, est à 80 % sous couvert forestier[39].
3.3 Le premier plan métropolitain d’aménagement et de développement de la CMQ et le RCI 2010-41, prédécesseur du RCI 2016-74
[75] Certains faits concernant l’adoption par la CMQ du RCI 2010-41, prédécesseur du RCI 2016-74, et de son premier plan métropolitain d’aménagement et de développement sont pertinents aux fins du litige.
[76] En effet, outre que l’exercice permet de cerner au passage la notion de « plan métropolitain d’aménagement et de développement (« PMAD »), il permet aussi d’établir les circonstances dans lesquelles la CMQ, environ deux ans et demi avant la fin de la période de validité de son premier PMAD, a décidé, de façon subite comme on le verra, d’initier les travaux d’élaboration d’un nouveau PMAD et, davantage en lien avec le présent litige, un nouveau règlement de contrôle intérimaire devant se superposer au RCI 2010-41, en l’occurrence le RCI 2016-74.
[77] La preuve concernant le RCI 2010-41 est d’autant plus pertinente qu’il demeure en effet en vigueur dans ses dispositions non incompatibles avec le RCI 2016-74[40], d’une part, et que par leur pourvoi en contrôle judiciaire en l’espèce les demanderesses attaquent à la fois la légalité et le caractère opérant de deux de ses règlements modificateurs, d’autre part.
3.3.1 La notion de PMAD et le premier PMAD de la CMQ
[78] La LAU prévoit depuis 2010 que la CMQ est tenue d’élaborer un PMAD et de le maintenir en vigueur en tout temps sur son territoire[41].
[79] Un PMAD est à une communauté métropolitaine ce qu’est un schéma d’aménagement et de développement à une ville ou une MRC. Le second est élaboré en fonction des orientations et principes contenus au premier.
[80] Parmi les orientations et objectifs que doit définir un PMAD figurent notamment la protection et la mise en valeur du milieu naturel et bâti[42], ainsi que l’identification de toute partie du territoire de la CMQ qui, chevauchant le territoire de plusieurs villes et MRC, est soumise à des contraintes majeures pour des raisons de sécurité publique, de santé publique ou de bien-être général[43].
[81] Suite à l’adoption d’un PMAD, la LAU impose à la CMQ l’obligation de se doter d’outils visant à assurer le suivi de sa mise en œuvre et à évaluer les progrès réalisés par l’atteinte des objectifs qui y sont exprimés, d’une part, et la réalisation des actions qui y sont proposées, d’autre part[44].
[82] Le premier PMAD de la CMQ a été adopté le 15 décembre 2011 et est entré en vigueur le 15 juin 2012[45].
[83] Le chapitre 12 de sa section 1, intitulé «Ressources naturelles » identifie notamment l’objectif d’innover dans la façon d’aménager le territoire afin d’assurer la pérennité de la ressource d’eau[46].
[84] Parmi les stratégies de préservation des ressources naturelles figure la protection des prises d’eau de surface municipales situées dans les 11 bassins versants que comprend le territoire de la CMQ et identifiées à la carte 15[47].
[85] La LAU impose par ailleurs à la CMQ l’obligation de réviser son PMAD périodiquement. La période de révision du PMAD débute selon la loi à la date du 5e anniversaire de son entrée en vigueur[48].
[86] En l’espèce, la période de révision par la CMQ de son premier PMAD débutait donc en principe le 15 juin 2017.
[87] La LAU prévoit toutefois que la CMQ peut débuter la révision de son PMAD avant la date du 5e anniversaire de son entrée en vigueur[49].
[88] Ceci dit, peu importe le moment où la CMQ décide de débuter la période de révision de son précédent PMAD, elle doit adopter un premier projet de PMAD révisé dans un délai de deux ans[50].
[89] En l’espèce, puisque, comme on le verra plus en détails plus loin, la CMQ a décidé le 17 décembre 2015 de commencer la période de révision de son premier PMAD, elle devait en vertu de la loi adopter un premier projet de PMAD révisé au plus tard le 17 décembre 2017. Lors de l’instruction Me Marie-Josée Couture, adjointe à la direction générale de la CMQ et secrétaire du conseil, a témoigné qu’elle doutait que la CMQ puisse être en mesure de déposer son premier projet de PMAD révisé à cette échéance.
[90] Me Couture a aussi témoigné qu’en décembre 2015, alors que la CMQ a décidé de débuter le processus de révision de son premier PMAD, deux ans et demi avant la fin de sa période quinquennale de validité, et d’élaborer un nouveau règlement de contrôle intérimaire, les villes de Québec et de Lévis n’avaient toujours pas adopté un schéma d’aménagement conforme au premier PMAD de la CMQ, entré en vigueur plus de deux ans auparavant en juin 2012.
[91] Québec et Lévis, les deux principales villes de la CMQ, n’avaient donc nécessairement pas pu rendre leur réglementation en matière d’urbanisme conforme à leur schéma et au PMAD alors en vigueur et, en conséquence, le suivi de la mise en œuvre du premier PMAD de la CMQ et l’évaluation des progrès réalisés par l’atteinte des objectifs qu’il fixait et la réalisation des actions qu’il proposait, le tout tel qu’exigé par la LAU[51], n’avait donc nécessairement pas pu être complétée.
[92] Ceci dit, pendant la période d’élaboration d’un PMAD, une communauté métropolitaine peut adopter des instruments de contrôle intérimaire, soit une résolution de contrôle intérimaire et un règlement de contrôle intérimaire[52].
3.3.2 La notion de « contrôle intérimaire » et l’adoption par la CMQ du RCI 2010-41
[93] Le
pouvoir de la CMQ d’adopter des mesures de contrôle intérimaire dans le cadre
du processus d’adoption ou de modification de son PMAD est prévu aux articles
[94] Le Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (« MAMOT ») décrit comme suit l’objectif et les effets d’une mesure de contrôle intérimaire:
« Pendant le temps de réflexion nécessaire à l’élaboration, à la modification ou à la révision des outils de planification, le contrôle intérimaire permet de s’assurer que les efforts de planification consentis ne seront pas rendus vains par la réalisation de projets qui compromettraient la portée des nouvelles orientations et règles d’aménagement et d’urbanisme en voie d’être définies.
Il s’agit d’un pouvoir exceptionnel qui permet au conseil de maintenir un gel sur l’aménagement et le développement de certaines parties ou de l’ensemble de son territoire pendant une période de temps limitée qui lui est nécessaire pour :
- préciser les grandes orientations d’aménagement relatives aux vocations principales du territoire, à son organisation et à sa structuration;
- fixer les moyens à prendre afin de concrétiser les choix effectués.
Le contrôle intérimaire permet donc d’agir immédiatement dans l’aménagement et le développement du territoire afin d’empêcher l’amplification de certains problèmes. Cette mesure donne également le temps de dégager des orientations en fonctions des connaissances nouvelles acquises et des consensus politiques dégagés. [53]»
(Le Tribunal souligne)
[95] Un règlement de contrôle intérimaire d’une communauté métropolitaine demeure par ailleurs en vigueur tant que ses instances municipales régionales membres n’ont pas toutes intégré les grandes orientations de son PMAD dans leur propre schéma d’aménagement, et que les instances municipales locales n’ont pas toutes intégré ces orientations dans leur réglementation de concordance en matière d’urbanisme[54].
[96] En l’espèce, le 5 juillet 2010 la CMQ adopte une résolution de contrôle intérimaire[55] dans le cadre du processus d’élaboration de son premier PMAD.
[97] Puis, le 7 septembre 2010 elle remplace cette résolution en adoptant le RCI 2010-41, intitulé : Règlement de contrôle intérimaire visant à limiter les interventions humaines dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la Rivière Saint-Charles et la Rivière Montmorency[56]. Le champ d’application de ce règlement est effectivement identifié comme les bassins versants des trois (3) prises d’eau en litige[57].
[98] Contrairement au RCI 2016-74, les restrictions aux interventions humaines imposées par le RCI 2010-41 ne sont pas modulées en fonction de zones de vulnérabilité.
[99] Deuxièmement, le RCI 2010-41 autorise « toute construction, tout ouvrage et tous travaux » à l’extérieur d’un secteur de forte pente, une « forte pente « étant définie essentiellement comme une pente d’un degré supérieur à 25%[58].
[100] Troisièmement, le pourcentage minimal de couverture végétale à conserver sur un terrain à être construit à l’extérieur d’un secteur de forte pente est de 60%[59].
[101] Quatrièmement, compte
tenu des conditions prescrites par le RCI 2010-41[60]
concernant les systèmes autonomes de traitement des eaux usées, et du RETEU
provincial, la CMQ a dûment requis l’approbation du Ministre en vertu du
quatrième alinéa de l’article
[102] Dans son avis d’approbation du 20 novembre 2010[61], le Ministre approuve le RCI 2010-41, «… à l’exception du paragraphe 6 du premier alinéa de l’article 4.1.1 … », lequel concerne les conditions de remplacement d’un système autonome de traitement des eaux usées étanche. Le Ministre précise de plus la mesure dans laquelle chacun des autres paragraphes de l’article 4.1.1 du RCI 2010-41 concernant les constructions desservies par un système autonome de traitement des eaux usées s’ajoute, complète ou peut avoir préséance sur certaines dispositions du règlement provincial.
3.4 La décision de la CMQ d’initier les travaux d’élaboration d’un nouveau PMAD et de nouvelles mesures de contrôle intérimaire : chronologie concernant l’adoption du RCI 2016-74, de ses règlements modificateurs et des deux (2) règlements modificateurs du RCI 2010-41 en litige
3.4.1 La période de l’hiver 2015 jusqu’à décembre 2015
[103] Quoique sa crédibilité ait été durement éprouvée sur d’autres aspects, la chronologie qui suit concernant diverses étapes qui ont mené à la décision du 17 décembre 2015 de la CMQ d’initier les travaux de révision de son premier PMAD et l’élaboration de nouvelles mesures de contrôle intérimaire découle du témoignage principal et du contre-interrogatoire de Morneau, le seul témoin de la CMQ ayant témoigné concernant les étapes franchies durant cette période.
[104] Morneau, présenté comme témoin ordinaire par la CMQ, mais qui s’est spontanément qualifié de « chercheur émérite » et dont le curriculum vitae n’a pas été produit, a travaillé au Ministère de la sécurité publique à compter d’une date que la preuve n’a pas précisée, jusqu’au mois de juillet 2015.
[105] Dans le cadre de son emploi au sein de ce ministère, Morneau affirme avoir été appelé à mettre sur pied à plus d’une reprise des équipes scientifiques multidisciplinaires en soutien à certains plans d’actions du gouvernement.
[106] Il ajoute que c’est au contact de ces professionnels et scientifiques qu’il a ainsi côtoyés qu’il a acquis son « expertise ». Bien qu’il n’ait pas été présenté comme tel par la CMQ, et qu’il n’ait donc pas été reconnu à ce titre par le Tribunal, Morneau se prête un domaine d’expertise qu’il qualifie comme celui de la «coordination d’équipes multidisciplinaires ».
[107] C’est dans le cadre de ses mandats au ministère de la sécurité publique qu’il a été appelé à croiser « les autorités » de la CMQ, pour reprendre son expression.
[108] Le témoignage principal de Morneau, ainsi que les correctifs et précisions qu’il y a apportés dans le cadre de ses contre-interrogatoires, ont permis d’établir ce qui suit concernant son implication et celle d’autres intervenants dans la présente affaire, de l’hiver 2015 jusqu’au mois de décembre 2015.
[109] Premièrement, alors qu’il établissait d’abord sa toute première rencontre avec le maire de Québec, aussi président de la CMQ, au mois d’août 2015, Morneau corrige le tir en contre-interrogatoire et admet avoir eu une rencontre préalable avec monsieur Labeaume et son chef de cabinet au courant de l’hiver 2015 afin de discuter du plan d’action qu’envisageait la Ville de Québec pour la protection de ses sources d’eau potable.
[110] Lors de cette rencontre, il n’est pas question de la nécessité pour la CMQ de procéder à la révision de son PMAD, ni du renforcement des mesures de contrôle intérimaire du RCI 2010-41 en vigueur, ni de la nécessité d’initier les travaux d’élaboration d’un nouveau règlement de contrôle intérimaire.
[111] Selon Morneau, au fil de ses échanges avec le maire et après qu’il lui ait donné son opinion sur le plan d’action de la Ville, ce dernier « fait pression » afin que le ministère de la santé publique consente à un prêt des services de Morneau.
[112] C’est ainsi qu’en juillet 2015 le ministère accepte de prêter les services de Morneau, à la demande du maire de Québec. En contre-interrogatoire, Morneau explique qu’il a dû intervenir personnellement à ce contrat compte tenu des «engagements personnels » qu’il y assumait aussi.
[113] À compter d’août 2015, les travaux de Morneau en viennent à concerner le territoire de la CMQ et à y identifier la prise d’eau installée sur la rivière Saint-Charles et les deux prises d’eau de la rivière Montmorency comme sujets d’intervention prioritaires. À elles trois, ces prises d’eau contribuent dans une très forte proportion à l’alimentation en eau potable de la Ville et de l’agglomération de Québec. Rappelons que le territoire de la CMQ comporte en tout onze (11) prises d’eau potable.
[114] Suite à une rencontre entre Morneau et le maire de Québec en août 2015, ce dernier conclut à la nécessité d’un plan d’action devant impliquer la CMQ et la participation de ses instances municipales membres. Selon Morneau, le maire entend informer les élus régionaux qu’il envisage annoncer un plan d’action élargi à l’ensemble du territoire de la CMQ, et que leur participation est souhaitée. Dans l’intervalle Morneau continue son travail.
[115] C’est dans ce contexte que le 22 novembre 2015 des élus et directeurs généraux des instances municipales de la CMQ participent à un forum d’information où le maire de Québec, agissant à titre de président de la CMQ, et Morneau présentent les grandes orientations du plan de protection des sources d’eau potable envisagé sur le territoire de la CMQ.
[116] La copie papier de la présentation PowerPoint alors effectuée par messieurs Labeaume et Morneau, dont copie a été produite lors de l’instruction comme pièce D-9, indique notamment aux participants:
- que l’approvisionnement et le traitement de l’eau brute aux fins de la transformer en eau potable constituent un enjeu financier majeur;
- que la densification résidentielle en milieu montagneux à un effet sur les mécanismes d’écoulement des eaux souterraines et leur filtration naturelle;
- que selon l’APEL le Lac Saint-Charles subit un phénomène de vieillissement accéléré;
- que le nouveau Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection provincial, en vigueur alors depuis environ six mois, exige la production d’études de vulnérabilité des sources d’eau potable desservant plus de 500 personnes au plus tard le 1er avril 2021;
- que les étapes du plan de protection des sources d’eau envisagé inclueraient la mobilisation de ressources, la création d’un comité de travail, l’évaluation des risques et enjeux pour les sources d’eau concernées, l’identification des mesures de gestion de risque appropriées, l’évaluation de l’impact anticipé de ces mesures de gestion sur le développement du territoire, la mise en œuvre de ces mesures et, finalement, leur évaluation et leur ajustement;
- que la révision et la bonification du RCI 2010-41 alors en vigueur pourraient constituer l’un des outils du plan de protection envisagé.
[117] Lors de cette présentation, la principale préoccupation exprimée est la détérioration des plans d’eau, particulièrement le lac Saint-Charles, cette détérioration étant associée par les présentateurs au développement dans la couronne Nord du territoire de la CMQ. Certains des participants voient dans la présentation une annonce d’une emprise de la CMQ sur le développement du territoire des municipalités.
[118] Selon Morneau, lors de cette présentation aux élus régionaux le 22 novembre 2015 il n’est pas question d’initier des travaux d’élaboration d’un nouveau PMAD ou d’un nouveau règlement de contrôle intérimaire.
[119] C’est plutôt un calendrier de travail de deux ans qui est présenté aux fins de l’élaboration d’un plan de protection des sources d’eau potable. Tel qu’il appert d’ailleurs de la 29e page de la version papier D-9 de la présentation Power Point, l’évaluation des risques et des enjeux techniques, environnementaux, juridiques et économiques du plan de protection envisagé, l’établissement des mesures d’atténuation nécessitées par le plan et leurs incidences environnementales, techniques, financières et légales, le développement proprement dit du plan de protection des sources d’eau potable sur le territoire de la CMQ, sa mise en œuvre, l’évaluation de son suivi et l’identification des ajustements requis ne devaient s’étendre ou n’être effectués que durant la deuxième année du calendrier de travail proposé.
[120] En somme, Morneau témoigne que lors de ce forum de présentation du 22 novembre 2015 « on en était alors vraiment au début » et que par ce forum « le maire » souhaitait « faire connaître sa volonté de procéder ».
[121] Or, malgré le plan, la structure organisationnelle et le calendrier de travail sur deux ans présentés aux élus régionaux, dès le 30 novembre suivant monsieur Labeaume convoque Morneau à l’Hôtel de Ville de Québec pour l’informer qu’il entend procéder de façon beaucoup plus rapide et lui demander de procéder à l’élaboration d’un nouveau règlement de contrôle intérimaire beaucoup plus restrictif que le 2010-41, et ce, « dans les meilleurs délais ».
[122] Questionné à l’instruction sur cette intention du président de la CMQ de procéder de façon beaucoup plus rapide que ce qui avait été annoncé, incluant l’élaboration d’une nouvelle réglementation de contrôle intérimaire, Morneau, visiblement embarrassé, répond: « bon … écoutez … vous comprendrez que c’est la prérogative du président de … de … euh … faire des choix stratégiques … alors … ».
[123] Toujours selon Morneau, dès le lendemain de sa rencontre du 30 novembre avec monsieur Labeaume ce dernier transmet une note aux représentants des instances municipales membres de la CMQ afin de les informer de la nouvelle orientation qu’il préconise et que lors du prochain conseil de la CMQ il recommandera l’élaboration et l’adoption d’un nouveau règlement de contrôle intérimaire.
[124] Puis, dans la semaine du 8 décembre 2015 monsieur Labeaume rencontre des maires de diverses instances municipales locales. Morneau témoigne que lors de ces rencontres tenues à l’Hôtel de Ville de Québec les maires rencontrés n’expriment aucune opposition à l’orientation préconisée par monsieur Labeaume.
[125] Incidemment, lors de son témoignage Morneau a aussi témoigné de la rencontre tenue entre monsieur Labeaume et les représentants de la demanderesse Lac Beauport, cette fois à la marina de la municipalité, à laquelle il assistait aussi. La partie du témoignage de Morneau sur une partie de cette rencontre est l’une de celles qui ont affecté sa crédibilité en général aux yeux du Tribunal. Ainsi, contre-interrogé sur le fait que le président de la CMQ a affirmé aux représentants de Lac Beauport qu’il allait «les détruire » si son conseil ne collaborait pas, après que l’un de ses représentants ait requis un délai pour réfléchir davantage à l’orientation proposée, Morneau nie dans un premier temps, pour préciser ensuite qu’en fait il ne se souvient pas, pour finalement ajouter d’un rire douteux que cette réunion était éminemment politique et que, quant à lui, il s’est «installé un filtre » afin de ne pas entendre ce qui ne le regardait pas. Puis, après la fin de son contre-interrogatoire à ce sujet et au retour de la suspension de l’audience qui l’a suivie, Morneau répond ultimement à une question posée par le procureur de la CMQ en réinterrogatoire que si monsieur Labeaume avait tenu ce genre de propos, il l’aurait « probablement » noté.
[126] Cet exercice de rattrapage opportuniste n’a pas convaincu le Tribunal. Les principes suivants formulés par monsieur le juge Beetz concernant l’appréciation de la crédibilité d’un témoin dans l’arrêt Stoneham and Tewkesbury c. Ouellet[62] peuvent être appliqués à cet extrait du témoignage de Morneau :
« Dans une affaire civile où la règle est celle de la prépondérance de la preuve et des probabilités, quand la partie témoigne et qu’elle n’est pas crue, il est possible pour le juge du procès de considérer ses affirmations comme des dénégations et ces dénégations comme des aveux, compte tenu des contradictions, des hésitations, du temps que le témoin met à répondre, de sa mine, des preuves circonstancielles et de l’ensemble de la preuve. Les réponses du témoin tendent alors à établir le contraire de ce que le témoin voudrait que le juge croie. » [63]
[127] Il ne s’agit pas ici de donner une importance déterminante sur le sort du litige à cet événement survenu à Lac Beauport. Il importe en effet d’éviter les prismes déformants puisqu’en bout de ligne c’est le conseil de la CMQ qui a adopté les règlements en litige. Le Tribunal retient plutôt cet autre extrait du témoignage de Morneau aux dépens de sa crédibilité.
3.4.2 La période de décembre 2015 jusqu’à l’adoption du RCI 2016-74 le 15 mars 2016
[128] Lors de sa séance ordinaire du 17 décembre 2015, le conseil de la CMQ adopte la résolution C-2015-93[64] intitulée Révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté métropolitaine de Québec. Par cette résolution, la CMQ décide de commencer la période de révision de son PMAD. Trois des «CONSIDÉRANT » de cette résolution se lisent comme suit :
« […]
CONSIDÉRANT que depuis l’entrée en vigueur du premier PMAD des travaux importants sont en cours notamment à l’égard de la protection des sources d’eau potable sur l’ensemble du territoire de la CMQ, sur la mise en valeur du Fleuve Saint-Laurent et de son littoral et le développement durable de son territoire;
CONSIDÉRANT que ces travaux requièrent la révision du PMAD;
[…]
CONSIDÉRANT que, conformément à la loi, dans les deux ans qui suivent le début de la période de révision du PMAD, la communauté métropolitaine doit adopter le premier projet de PMAD révisé;
[…] »
[129] Lors de la même séance, le conseil de la CMQ adopte aussi la résolution C-2015-94 intitulée Contrôle intérimaire pour la protection des sources d’eau potable dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la rivière Saint-Charles et dans la rivière Montmorency[65].
[130] Les «CONSIDÉRANT» de cette résolution davantage pertinents à notre propos sont les suivants :
« CONSIDÉRANT que de récentes études sur le bassin versant de la prise d’eau installée dans la rivière Saint-Charles démontrent que les mesures instaurées par le RCI 2010-41 et ses amendements se révèlent incomplets pour garantir la protection des sources d’eau potable;
[…]
CONSIDÉRANT qu’en vertu du principe de précaution, un temps d’arrêt s’impose pour procéder aux analyses nécessaires sans compromettre, pendant cette période, la qualité des sources d’eau potable;
CONSIDÉRANT que la CMQ a initié, par sa résolution C-2015-93, la révision de son actuel PMAD;
CONSIDÉRANT qu’il y a lieu d’utiliser cette opportunité pour adopter de nouvelles mesures de contrôle intérimaire pour mieux protéger les sources d’eau potable dans les bassins versants visés par le RCI no 2010-41 et ses amendements;
CONSIDÉRANT qu’en vertu de la loi, un tel contrôle intérimaire, pour être efficace, doit débuter par l’adoption d’une résolution de contrôle intérimaire, comme la présente, et être suivie, dans les 90 jours, de l’adoption d’un règlement de contrôle intérimaire devant être approuvé par le ministre responsable; »
(Le Tribunal souligne)
[131] À noter qu’aucun des « CONSIDÉRANT » de la résolution ne réfère à une quelconque étude démontrant que les mesures instaurées par le RCI 2010-41 et ses amendements se révèlent incomplets pour assurer la protection des sources d’eau potable dans le bassin versant des deux prises d’eau installées dans la rivière Montmorency.
[132] Enfin, par cette résolution C-2015-94 le conseil de la CMQ prévoit une interdiction de principe générale de toutes constructions, toutes activités et toutes interventions dans les bassins versants de la prise d’eau de la rivière Saint-Charles et des deux prises d’eau de la rivière Montmorency :
« ARTICLE 3 - INTERDICTIONS
Sous
réserve des interventions prévues au deuxième alinéa de l’article
ARTICLE 4 - LEVÉES DES INTERDICTIONS
Malgré l’article 3, les interventions suivantes sont autorisées sur délivrance d’un permis dûment émis :
1. Les travaux d’entretien ou de réparation d’une construction ou d’un aménagement existant légalement, implanté et maintenu;
2. Les travaux visant à assurer la sécurité publique ou la protection du public;
3. Les interventions prévues à l’Annexe 3; »
[133] Les interventions prévues à l’Annexe 3 de la résolution concernent la construction résidentielle unifamiliale sur un terrain loti avant la date d’entrée en vigueur de la résolution et adjacent à une rue existante, si l’une ou l’autre des conditions prévues à l’Annexe est respectée, soit le dépôt d’une demande de permis de travaux de déblai/remblai ou la conclusion d’un contrat de construction ou l’achat de matériaux de construction pour une valeur de plus de 25 000 $ pour un projet d’auto-construction ou la conclusion d’un contrat de solage pour un projet d’auto-construction avant la date d’entrée en vigueur de la résolution
[134] Toujours lors de sa séance ordinaire du 17 décembre 2015, le conseil de la CMQ adopte une troisième résolution, la résolution C-2015-95, afin de constituer une Commission d’environnement intérimaire[66]. Par cette résolution, le conseil désigne huit élus pour siéger sur cette commission et charge cette dernière :
« … de faire rapport sur les mandats suivants et de les réaliser dans les délais ici mentionnés :
- dans les premiers 90 jours de la constitution de la commission de participer à l’analyse des problématiques liées à la protection des sources d’eau potable dans les bassins versants des prises d’eau installées dans la rivière Saint-Charles et la rivière Montmorency;
- dans un délai d’un an de sa création, participer à l’analyse du développement dans les bassins versants des prises d’eau installées dans la Rivière Saint-Charles et dans la Rivière Montmorency, et de son impact sur la protection des sources d’eau potable dans ces bassins versants. »
[135] Madame Carole Beauregard, urbaniste à la CMQ et impliquée dans l’élaboration des mesures de contrôle intérimaire en litige, a témoigné lors de l’instruction qu’étant donné que la CEI était composée exclusivement d’élus, et non de techniciens, de professionnels ou de scientifiques qualifiés, la CMQ a aussi mis sur pied un comité technique composé non pas de professionnels spécialisés en traitement de l’eau, mais plutôt d’urbanistes, aux fins de discuter des normes à éventuellement mettre en place dans le nouveau règlement de contrôle intérimaire et de conseiller les élus de la CEI à ce sujet. Des experts venaient par ailleurs parfois expliquer aux membres du comité technique certaines notions relatives au ruissellement des eaux et aux aquifères.
[136] Madame Beauregard ajoute que mis à part la CEI et son comité technique, la structure mise en place aux fins de l’élaboration du nouveau règlement de contrôle intérimaire incluait Morneau, à titre de « coordonnateur de l’eau » tel qu’elle le qualifie. Elle agissait « en appui » à Morneau et faisait notamment le lien entre lui et les personnes attitrées à la rédaction règlementaire à la CMQ.
[137] Madame Beauregard, qui a une longue expérience professionnelle en matière de planification et de mise en place de mesures de contrôles intérimaires, ajoute que, comme Morneau et les membres du comité technique, elle aurait préféré bénéficier d’un délai de deux ans pour « y voir plus clair ». Ils n’ont pu bénéficier de ce délai étant donné « la volonté politique ». Un certain sentiment d’urgence d’adopter le nouveau règlement de contrôle intérimaire venait « des élus ». Selon madame Beauregard, le « coup d’envoi » de la « décision politique » de mettre en place une nouvelle règlementation intérimaire sévère est la Diagnose D-1 préparée par l’APEL. Enfin, madame Beauregard admet en contre-interrogatoire que les données recueillies par l’APEL aux fins de sa Diagnose D-1 l’ont été de 2011 jusqu’à l’été 2012 et qu’en conséquence seulement 10 mois s’étaient alors écoulées depuis l’entrée en vigueur du RCI 2010-41.
[138] Madame Wanita Daniele a témoigné quant à elle qu’aucun des élus membres de la CEI n’avait de connaissances techniques ou scientifiques concernant le contrôle des eaux de ruissellement dans des bassins versants et que tous dépendaient totalement à ce sujet des informations fournies par le comité technique.
[139] Selon madame Daniele, les informations et recommandations présentées à cet effet par Morneau aux membres de la CEI sous forme de tableaux, de cartes et de graphiques étaient « ardues à comprendre ».
[140] Entre la date de sa création le 17 décembre 2015 et l’adoption du nouveau règlement de contrôle intérimaire le 15 mars 2016, les membres de la CEI se sont rencontrés pour la première fois au début janvier 2016 pour un total de six reprises, ceux du comité technique à trois reprises et une version finale du nouveau règlement de contrôle intérimaire qui allait devenir le RCI 2016-74 fut complétée dès la fin du mois de février 2016, soit environ un mois et demi après les premières rencontres.
[141] Le 15 mars 2016, la CEI dépose son premier rapport au conseil de la CMQ. L’une de ses recommandations au conseil de la CMQ est d’adopter un règlement de contrôle intérimaire devant « s’inspirer des principes énoncés au présent rapport »[67].
[142] Le même 15 mars 2016, le conseil de la CMQ adopte la résolution C-2016-18 et le RCI 2016-74 et demande au MAMOT d’en approuver la conformité aux orientations gouvernementales, et ce, conformément aux exigences de la LAU[68].
[143] Certains des « CONSIDÉRANT» de cette résolution se lisent comme suit :
« CONSIDÉRANT que la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) a initié, par sa résolution C-2015-93, la révision de son Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) et qu’elle souhaite intégrer les aspects du développement durable, renforcir la résilience du territoire à l’égard des changements climatiques et miser sur la protection des ressources naturelles du milieu pour les générations actuelles et futures.
CONSIDÉRANT que la CMQ entend se doter d’un plan de protection des sources d’eau potable privilégiant la réduction au maximum des risques de contamination de la source jusqu’au robinet.
[…]
CONSIDÉRANT qu’il est important de moduler l’occupation du territoire particulièrement en amont des prises d’eau potable en fonction de la vulnérabilité des sols et de la capacité de support du milieu pour soutenir un développement durable notamment en matière d’approvisionnement et de qualité d’eau;
[…]
CONSIDÉRANT que pendant la période de révision du PMAD, la CMQ dispose du pouvoir d’adopter un règlement de contrôle intérimaire et qu’il est dans l’intention de la CMQ d’adopter un tel règlement;
CONSIDÉRANT qu’il y a lieu d’utiliser cette opportunité pour adopter de nouvelles mesures de contrôle intérimaire pour mieux protéger les sources d’eau potable dans les bassins versants visés par le règlement de contrôle intérimaire 2010-41 et ses amendements;
CONSIDÉRANT que la CMQ entend poursuivre sa réflexion, en collaboration avec les municipalités visées afin de contrôler et régir certaines interventions humaines après l’entrée en vigueur du présent règlement, lesquelles pourront amener le conseil à modifier ultérieurement ce règlement;
[…] »
(Le Tribunal souligne)
[144] Dès l’adoption du RCI 2016-74, la grogne populaire s’intensifie. Certains échanges robustes entre le président de la CMQ et des promoteurs immobiliers actifs dans la couronne nord de la CMQ et les menaces de poursuites font l’objet d’une couverture médiatique[69].
[145] Le 16 mars 2016, la CMQ transmet le RCI 2016-74 au MAMOT[70].
[146] Par sa lettre du 7 avril 2016, une directrice régionale du Ministère confirme au directeur général de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire du MAMOT que le règlement 2016-74 adopté par la CMQ respecte les orientations gouvernementales, y suggérant toutefois une modification de concordance.
[147] Par ailleurs, le Ministère ajoute ce qui suit :
« Nous constatons également que certaines dispositions de ce règlement semblent porter sur le même objet que certains règlements adoptés en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Rappelons que les règlements, adoptés en vertu de la LQE, prévalent sur tout règlement municipal portant sur le même objet, à moins que le règlement municipal ne soit approuvé par le ministre. »
(Le Tribunal souligne)
3.5 Les dispositions du RCI 2016-74
3.5.1 Le territoire d’application et les interventions prohibées
[148] Le RCI 2016-74[71] s’applique dans le bassin versant de la prise d’eau de surface installée dans la rivière Saint-Charles, d’une part, et dans le bassin versant des deux prises d’eau de surface installées dans la rivière Montmorency, d’autre part[72]. Ces bassins versants et la localisation des trois prises d’eau de surface concernées sont illustrés aux cartes jointes comme Annexe 1 et Annexe 2 du règlement.
[149] Par ailleurs, tel que déjà mentionné, une « intervention » est définie au règlement comme étant toute forme d’activités humaines se traduisant par une construction, un ouvrage ou des travaux, excluant les travaux d’entretien ou de réparation d’une construction existante[73].
3.5.2 Les zones de vulnérabilité
[150] Le territoire d’application du règlement est divisé en cinq zones de vulnérabilité, lesquelles sont identifiées à l’annexe 3 du règlement[74]:
- secteur 4 : très forte vulnérabilité;
- secteur 3 : forte vulnérabilité;
- secteur 2 S : vulnérabilité moyenne correspondant à d’anciennes sablières;
- secteur 2 : vulnérabilité moyenne;
- secteur 1 : faible vulnérabilité[75].
3.5.3 Conflit avec le RCI 2010-41
[151] Le RCI 2016-74 spécifie que ses dispositions prévalent sur toute disposition incompatible prévue au RCI 2010-41[76].
3.5.4 Restrictions à la construction applicables au secteur de vulnérabilité 4
[152] Le RCI 2016-74 ne prévoit qu’un seul secteur de vulnérabilité 4, qui correspond à un périmètre de protection de 500 mètres autour du lac Saint-Charles[77].
[153] Dans ce secteur, aucune autorisation ou permis en vue d’une construction principale ne peuvent être délivrés si toutes les conditions suivantes ne sont pas respectées :
- le terrain sur lequel doit être érigée la construction projetée doit être adjacent à l’une des rues publiques ou privées mentionnées à l’annexe 5 du règlement pour chacune des municipalités assujetties[78];
- le terrain doit être desservi par le réseau d’égout sanitaire ainsi que par le réseau d’aqueduc municipal[79];
- la pente du terrain, le cas échéant, doit être inférieure à 15 %, la méthode de calcul de la pente étant prévue à l’annexe 6 du règlement[80].
[154] En sus de ces conditions préalables à l’obtention d’un permis de construire, le RCI 2016-74 prévoit l’obligation de conserver sur le terrain une surface herbacée, arbustive et arborescente minimale équivalant à 70 % de la superficie du terrain, et ce, par le maintien des espèces existantes ou par la plantation en quantité nécessaire afin d’atteindre ce pourcentage[81].
3.5.5 Restrictions à la construction applicables au secteur de vulnérabilité 3
[155] Dans ce secteur, aucune autorisation ou permis en vue d’une construction principale ne peut être délivré si toutes les conditions suivantes ne sont pas respectées :
- le terrain sur lequel doit être érigée la construction projetée doit être adjacent à l’une des rues publiques ou privées mentionnées à l’annexe 5 du règlement pour chacune des municipalités assujetties[82] :
- le terrain doit être desservi par le réseau d’égout sanitaire ainsi que par le réseau d’aqueduc municipal[83];
- la pente du terrain, le cas échéant, doit être inférieure à 15 %, la méthode de calcul de la pente étant prévue à l’annexe 6 du règlement[84].
[156] En sus de ces conditions préalables à l’obtention d’une autorisation d’un permis de construire, le RCI 2016-74 prévoit l’obligation de conserver sur le terrain une surface herbacée, arbustive et arborescente minimale équivalant à 70 % de la superficie du terrain, et ce, par le maintien des espèces existantes ou par la plantation en quantité nécessaire afin d’atteindre ce pourcentage[85].
3.5.6 Restrictions à la construction applicables aux secteurs 2 S et 2
[157] Comme pour toute construction projetée dans les secteurs de vulnérabilité 4 et 3, tout terrain situé dans les secteurs de vulnérabilité 2 S et 2 sur lequel une construction est envisagée doit être adjacent à une rue publique ou privée identifiée à l’annexe 5 du règlement[86], doit être desservi par le réseau d’égout sanitaire et d’aqueduc municipal[87] et comporter une pente de moins de 15 %[88].
[158] Toutefois, plutôt que le 70 % prévu dans le cas des secteurs de vulnérabilité 4 et 3, un terrain situé dans le secteur de vulnérabilité 2 doit conserver une surface herbacée, arbustive et arborescente minimale équivalente à 60 % de sa superficie totale[89].
3.5.7 Restrictions à la construction applicables au secteur de vulnérabilité 1
[159] Comme pour tout terrain à construire situé dans les secteurs de vulnérabilité 4, 3, 2 S ou 2, un terrain à construire situé dans un secteur de vulnérabilité 1 et sur lequel une construction est envisagée doit être adjacent à une rue publique ou à une rue privée identifiée à l’annexe 5 du règlement[90]. Ce terrain doit être desservi par les réseaux d’égout sanitaire et d’aqueduc[91], et la construction envisagée ne peut être implantée si la pente du terrain est de 15 % et plus[92].
[160] Comparativement aux superficies minimales de 70 % et 60 % prévues dans les secteurs de vulnérabilité 4, 3, 2 S et 2, la superficie minimale d’espèces herbacées, arbustives et arborescentes à conserver sur un terrain à construire situé dans un secteur de vulnérabilité 1 est de 50 %[93].
3.5.8 Dispositions relatives aux droits acquis
[161] Le chapitre 8 du RCI 2016-74 contient les dispositions relatives à la possibilité d’extension ou d’augmentation des usages dérogatoires protégés par droits acquis, sous réserve du maintien des obligations relatives à la couverture végétale minimale à conserver prescrite dans chacun des secteurs de vulnérabilité.
3.6 Les suites de l’adoption du RCI 2016-74 : ses règlements modificateurs en litige et les règlements modificateurs du RCI 2010-41 en litige
3.6.1 Le règlement modificateur du RCI 2010-41 no 2016-75
[162] Le 15 mars 2016, le jour où elle adopte le RCI 2010-41, la CMQ adopte aussi le règlement 2016-75[94] modifiant le RCI 2010-41, tel que modifié précédemment par d’autres règlements modificateurs[95].
[163] Le règlement modificateur 2016-75 augmente le montant des amendes prévues au RCI 2010-41, en les calquant sur celles du RCI 2016-74 adopté le même jour, et modifie quelques dispositions, notamment pour supprimer la possibilité de diriger dans certains cas des eaux de ruissellement vers des citernes d’eaux de pluie et ajouter la possibilité de les rediriger vers des « ouvrages d’infiltration ».
3.6.2 La résolution C-2016-43 et le règlement 2016-76 du 21 avril 2016 modifiant le RCI 2016-74
[164] Le 21 avril 2016, le conseil de la CMQ adopte la résolution C-2016-43[96], laquelle a essentiellement pour effet d’abroger la résolution de contrôle intérimaire C-2015-94 adoptée le 17 décembre 2015[97] « pour la protection des sources d’eau potable dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la rivière Saint-Charles et la rivière Montmorency ». Deuxièmement, il adopte le règlement 2016-76[98].
[165] Par ce règlement, la CMQ suspend l’application des chapitres 4, 5, 6 et 7 du RCI 2016-74 pour une durée de 6 mois, soit jusqu’au 20 octobre 2016. Sont ainsi suspendues les restrictions à la construction applicables aux zones de vulnérabilité 1 à 3. Les restrictions applicables au secteur de vulnérabilité 4 demeurent applicables, à l’exception toutefois des constructions ou ouvrages accessoires[99].
[166] Compte tenu de l’abrogation de cette résolution de contrôle intérimaire initiale et de la suspension de l’application du règlement de contrôle intérimaire 2016-74, les mesures intérimaires qui demeurent applicables dans les bassins versants des trois (3) prises d’eau en litige sont celles prévues par le RCI 2016-74 dans la zone 4 en périphérie du lac Saint-Charles et, quant aux zones 1 à 3, celles prévues au RCI 2010-41.
3.6.3 Le règlement modificateur 2016-78 du 15 septembre 2016 modifiant le RCI 2016-74
[167] Essentiellement, par ce règlement[100] la CMQ :
- supprime pour toutes les zones de vulnérabilité l’exigence que le terrain où est envisagée une construction principale soit desservi par un réseau d’aqueduc[101];
- revoit les exigences en matière d’ISA en ajoutant ce qui suit pour les terrains des secteurs de vulnérabilité 1 et 2 :
« L’article 6.2.1. [de même que l’article 7.2.1] est modifié par la suppression dans la première ligne du paragraphe 2 du premier alinéa des mots « et d’aqueduc » et par l’addition à la fin de celui-ci de :
ou par un système autonome de traitement des eaux usées conforme aux dispositions du Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (R.R.Q., c. Q-2, r.22) »[102];
Dans le cas où le réseau d’égout sanitaire n’est pas établi sur la rue en bordure de laquelle une construction principale est projetée où le règlement décrétant son installation n’est pas en vigueur, le projet d’épuration des eaux usées de la construction à être érigé sur le terrain est conforme à la Loi sur la qualité de l’environnement et aux règlements édictés sous son empire, aux règlements municipaux ou de contrôle intérimaire portant sur le même objet.
Toutefois, le terrain localisé à l’intérieur d’une bande de protection de 120 mètres autour d’un lac, identifié à l’Annexe 1 jointe au présent règlement, sur lequel doit être érigée chaque construction principale projetée, doit être desservi par un réseau d’égout sanitaire ou par un réseau collectif planté à l’extérieur de la bande de protection. Cette bande de protection correspond à une bande de terre qui borde le lac et qui s’étend vers l’intérieur des terrains à partir de la ligne des hautes eaux. »
(Le texte entre crochets, les soulignements et les caractères gras sont du Tribunal)
- modifie les exigences de pourcentages de couvert végétal pour les secteurs de vulnérabilité 1 et 2, notamment en différenciant les terrains à l’intérieur du périmètre d’urbanisation de ceux à l’extérieur de ce périmètre[103].
3.6.4 Le règlement modificateur 2016-80 du 20 décembre 2016
[168] Le 20 décembre 2016, la CMQ adopte le règlement 2016-80[104], lequel modifie le RCI 2016-74 afin :
- de revoir les restrictions applicables à la construction sur un terrain situé dans le secteur de vulnérabilité 3 en permettant sa desserte par un système autonome de traitement des eaux usées aux conditions suivantes :
« Si le terrain est situé à l’intérieur du périmètre d’urbanisation, il doit être desservi par un réseau d’égout sanitaire ou par un réseau collectif ou, le cas échéant, un règlement décrétant leur installation était en vigueur ou une autorisation a été obtenue pour leur installation en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. Un terrain peut être desservi par un système autonome de traitement des eaux usées, pour une construction principale projetée, exceptionnellement s’il a fait l’objet d’une opération cadastrale enregistrée au registre foncier du Québec en date du 20 octobre 2016 et conforme à la réglementation en vigueur.
Si le terrain est situé à l’extérieur du périmètre d’urbanisation, il doit être desservi par un réseau d’égout sanitaire ou par un réseau collectif ou, le cas échéant, par une autorisation obtenue pour son installation en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, ou par un système autonome de traitement des eaux usées.»[105]
(Le Tribunal souligne)
- de revoir les exigences en matière d’installations septiques en ajoutant la possibilité pour un terrain du secteur de vulnérabilité 2 S d’être desservi:
« (…) par un système autonome de traitement des eaux usées conforme aux dispositions du Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (R.R.Q., c. Q-2, r.22) »[106];
- d’introduire des modifications aux définitions prévues à l’Annexe 4 du RCI 2016-74 afin d’introduire celle de « classes de pente » (classes de pente 1 (entre 0% et moins de 15%), de pente 2 (entre 15% et moins de 25%) et de pente 3 (pentes de 25% et plus)[107];
- de déterminer les conditions de construction sur un lot situé dans la zone de vulnérabilité 3 et comportant une classe de pente 1 ou 2, concernant plus spécifiquement les types de systèmes autonomes de traitement des eaux usées pouvant le desservir:
« En plus des conditions énoncées à l’article 4.2.1, une autorisation pour une construction principale peut être délivrée dans les classes de pente 1 et 2.
[…]
Pour un terrain desservi par un système de traitement des eaux usées, il doit :
- avoir une superficie minimum de 30 000 mètres carrés;
- avoir un frontage sur rue minimum de 100 mètres;
- avoir un ou des plateaux naturels dont la pente est au moins de 10% et dont la superficie permet l’implantation des constructions, principales et accessoires, et d’un système autonome de traitement des eaux usées.»[108]
(Le Tribunal souligne)
- de modifier pour le secteur de vulnérabilité 3 les exigences nécessaires en matière de couvert végétal, et ce, en introduisant des distinctions selon la superficie des terrains et en imposant une limite de superficie pouvant être déboisée[109];
- de supprimer les restrictions à la construction sur terrain en secteur de vulnérabilité 2 S basées sur la pente et le couvert végétal[110];
- d’ajouter une annexe 7 aux fins de prévoir le moyen par lequel un arpenteur-géomètre peut identifier les classes de pente à l’aide de la technologie LIDAR (Laser Detection and Ranging).
3.6.5 Le règlement 2016-81 du 20 décembre 2016 modifiant le RCI 2010-41
[169] Le 20 décembre 2016, la CMQ adopte le règlement modificateur 2016-81[111], lequel modifie le RCI 2010-41 en y ajoutant l’annexe 7.1 aux fins de prévoir le moyen par lequel un arpenteur-géomètre peut identifier les classes de pente à l’aide de la technologie LIDAR.
[170] Le libellé de cette annexe est incidemment le même que l’annexe 7 ajoutée au RCI 2016-74 par le règlement modificateur précité 2016-80 du 20 décembre 2016.
3.6.6 Le règlement 2017-84 du 20 avril 2017
[171] Le 20 avril 2017, la CMQ adopte son règlement 2017-84[112], lequel modifie le RCI 2016-74 afin, principalement, de modifier les exigences applicables en matière de couvert végétal dans les cours avant ou arrière de terrains à construire situés dans les zones de vulnérabilité 1, 2 et 3[113].
3.7 L’impact du RCI 2016-74, de ses règlements modificateurs et des règlements modificateurs du RCI 2010-41 sur les territoires des demanderesses
[172] Les demanderesses invoquent le caractère déraisonnable et la nullité du RCI 2016-74, de ses règlements modificateurs en litige et des règlements 2016-75 et 2016-81 modifiant le RCI 2010-41, notamment parce qu’ils ont pour effet de leur interdire de manière significative l’émission de permis de construction aux fins du développement des terrains lotis et à lotir situés sur leurs territoires respectifs.
[173] Voici l’essentiel de ce que la preuve a révélé à ce sujet.
3.7.1 L’impact à Lac-Beauport
[174] Monsieur Yves Gendron, directeur des services d’urbanisme et du développement durable de Lac-Beauport, a déposé au dossier une déclaration solennelle détaillée datée du 8 septembre 2016, dont il a actualisé certaines données lors de son témoignage à l’instruction, cartes P-46, page 2 de 4 et P-46a à l’appui. La transcription de l’enregistrement de son interrogatoire préalable du 15 décembre 2016 a aussi été produite.
[175] Suite à l’envoi d’une lettre du 17 mars 2016[114] par le directeur général par intérim de la CMQ, deux représentants de la CMQ, dont Morneau, sont venus rencontrer ceux de Lac Beauport aux bureaux de la municipalité. La rencontre avait notamment pour but de leur expliquer la teneur du RCI 2016-74 adopté quelques jours plus tôt et, tel qu’annoncé dans la lettre précitée du 17 mars, la démarche et les critères permettant d’envisager la levée de certaines interdictions prévues au règlement. Or, lors de cette rencontre les représentants de la CMQ ont informé ceux de Lac Beauport que les critères pouvant permettre aux représentants municipaux d’évaluer un dossier en vue d’obtenir des levées d’interdiction de construire n’avaient pas été établis[115].
[176] Le nombre moyen de demandes de permis déposées annuellement pour des constructions unifamiliales auprès de la municipalité est d’environ 45.
[177] En date de l’instruction, Lac-Beauport compte 264 terrains vacants lotis[116].
[178] Notamment parce qu’une partie non négligeable de son territoire est en terrain montagneux de zone 3, les critères de pente maximale imposés par le RCI 2016-74 empêchent la délivrance de permis pour plusieurs projets de construction domiciliaire.
[179] Ainsi, des 264 terrains vacants et lotis 107 sont non constructibles uniquement en raison des critères de pente applicables et plusieurs projets de développements sont bloqués.
[180] Monsieur Gendron admet néanmoins que la non-constructibilité de certains des 107 lots situés dans le secteur de vulnérabilité 3 pourrait résulter des exigences de la réglementation municipale relatives à la superficie minimale des terrains à construire, qui est plus grande que celle prévue par la réglementation intérimaire.
[181] Tant qu’une demande de permis de construction n’est pas déposée par les propriétaires de lots, qui s’abstiennent vraisemblablement d’engager les coûts associés à la démarche vu le RCI 2016-74, les analyses de validation du caractère constructible ou non, selon la réglementation municipale et/ou le RCI 2016-74, ne sont pas effectuées.
3.7.2 L’impact à Stoneham
[182] Monsieur Louis Desrosiers, directeur des services de l’urbanisme et de l’environnement à Stoneham depuis 2010 a témoigné à l’instruction, carte P-48 à l’appui, en sus de sa déclaration solennelle détaillée du 8 septembre 2016. La transcription de l’enregistrement de son interrogatoire préalable du 21 décembre 2016 a aussi été produite.
[183] La moyenne annuelle du nombre de demandes de permis au cours des années antérieures à 2015 était de 105.
[184] Au 10 décembre 2015, soit sept jours avant l’adoption de la résolution de contrôle intérimaire C-2015-94, Stoneham comptait 514 terrains lotis et non construits pour lesquels aucune demande de permis de construction n’avait encore été déposée à la municipalité.
[185] De ces 514 terrains, 466 sont devenus non constructibles à compter de l’entrée en vigueur du RCI 2016-74 le 15 mars 2016.
[186] Suite aux modifications apportées par le règlement 2016-78, particulièrement l’abandon de la nécessité d’être relié à un réseau d’aqueduc et la possibilité d’installer une fosse septique dans certains cas, le nombre de 514 lots non constructibles est passé à 231.
[187] En date de l’instruction, sur 334 lots vacants, 146 demeuraient non constructibles, dont 81 de façon certaine, le sort des 65 autres étant à l’étude au cas par cas en lien avec les critères de pente.
[188] L’obligation des propriétaires concernés et/ou de la municipalité de procéder à cette analyse terrain par terrain découle du fait que le RCI 2016-74 établit les degrés maximaux de pente autorisés dans chaque zone de vulnérabilité à partir de relevés effectués à haut vol par avion, au moyen de l’outil d’analyse topographique « LIDAR ». Les relevés effectués au moyen de cet outil ne permettent pas d’établir le degré de pente spécifique d’un lot en particulier, mais plutôt une topographie plus générale, par secteur géographique. En conséquence, et par exemple dans la zone de vulnérabilité 3, c’est l’analyse de terrains sur une base individuelle qui peut permettre de conclure qu’ils présentent des degrés de pente inférieurs au maximum prescrit par le RCI 2016-74 et qu’ils sont donc constructibles. Cette analyse au cas par cas doit être effectuée par le propriétaire requérant un permis de construction, avec l’aide d’un arpenteur-géomètre, ou par la municipalité.
[189] Stoneham a par ailleurs dû effectuer une révision de son rôle d’évaluation foncière à l’été 2017 compte tenu de l’impact du RCI 2016-74 sur la valeur des lots non constructibles.
[190] La perte moyenne de valeur de ces lots est de 90%.
3.8 Le témoignage des experts
[191] Les parties ont chacune fait entendre un expert concernant l’argument de nullité proposé par les demanderesses que les trois (3) prohibitions et restrictions à la construction que la règlementation intérimaire impose ne sont pas fondées sur le plan scientifique.
[192] Chacun de ces experts, dont les domaines de spécialisation sont différents à certains égards, possède une feuille de route d’une qualité indiscutable. En l’absence de contestation, le Tribunal les a reconnus comme experts dans les domaines suivants :
- monsieur Pierre Bertrand, l’expert présenté par les demanderesses, à titre d’expert en éco-ingénierie et qualité des eaux de surface, excluant l’analyse chimique des prélèvements d’eau, mais incluant leur interprétation et l’identification des mesures correctrices à apporter;
- monsieur Pierre Rousseau, l’expert présenté par la défenderesse, à titre d’expert en gestion intégrée de l’eau par bassins versants.
3.8.1 L’expert Bertrand
3.8.1.1 Ses qualifications et son mandat
[193] Monsieur Bertrand est titulaire d’un baccalauréat en géographie physique de l’Université Laval, d’une certification en études des littoraux de l’Université de Paris VII, d’une maîtrise en écologie, pédologie et géomorphologie de l’Université Laval. Il a effectué des études doctorales en sciences pures et appliquées dans le domaine de l’eau à l’Institut national de la recherche scientifique du Québec, ainsi qu’au Netherlands Institute for Sea Research des Pays-Bas.
[194] Il a dirigé, présidé ou participé à différents projets ou travaux liés directement ou indirectement à la qualité de l’eau, notamment à titre de commissaire du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement du Québec.
[195] Monsieur Bertrand a notamment été récipiendaire du grand prix du génie conseil québécois dans la catégorie environnement pour la mise au point de méthodes et de techniques de gestion des eaux de ruissellement.
[196] Il a aussi participé à l’élaboration de plans directeurs de gestion durable des eaux potables au Québec et à l’étranger et est l’auteur de plusieurs articles, notamment concernant la gestion des eaux pluviales afin de limiter les processus de vieillissement des lacs et rivières.
[197] Le mandat que les demanderesses ont confié à l’expert Bertrand consistait « … à vérifier s’il existe des données scientifiques ou techniques qui justifient l’adoption de l’une ou l’autre … » des trois restrictions à la construction en litige, « … et cela même à titre temporaire »[117].
[198] Monsieur Bertrand connaissait incidemment le dossier du RCI 2016-74 avant d’être mandaté par les demanderesses aux fins spécifique du présent litige. Il avait en effet été engagé par Stoneham pour participer à certaines rencontres du comité technique de la CEI. Il avait aussi agi à titre de consultant pour un promoteur de Stoneham concernant l’impact possible d’ISA domestiques sur la contamination des eaux du Lac St-Charles. Enfin, il est cosignataire avec le maire de Stoneham à l’époque d’un mémorandum déposé par la municipalité auprès du MAMOT en mai 2016 afin de contester la méthodologie suivie aux fins de l’élaboration du RCI 2016-74 et requérir sa révision sur la base de données appropriées[118].
3.8.1.2 Le rapport, la méthodologie et l’opinion de l’expert Bertrand
[199] L’expert Bertrand a témoigné sur la base de son rapport de 29 pages du 24 novembre 2016, intitulé Opinion sur le fondement scientifique de quelques restrictions incluses dans le RCI 2016-74 (CMQ). Il a aussi produit sous forme de lettre datée du 30 mars 2017 ses Commentaires concernant l’analyse de monsieur Rousseau portant sur le rapport de Pierre Bertrand en lien avec le Règlement de contrôle intérimaire 2016-74.
[200] Monsieur Bertrand a pris connaissance du RCI 2016-74 ainsi que de ses règlements modificateurs adoptés subséquemment.
[201] Il a vérifié l’existence de données scientifiques permettant de supporter la pertinence des trois (3) restrictions en litige. Ses vérifications ont été effectuées, d’une part, à partir de son expertise théorique et pratique acquise en la matière et, d’autre part, au moyen d’une revue de la littérature scientifique ou technique publiée sur ces sujets. Son rapport contient d’ailleurs 53 références aux sources documentaires et à la littérature qu’il a consultées.
[202] Selon l’expert Bertrand, l’imposition des trois prohibitions et restrictions à la construction en litige n’est pas supportée dans les circonstances par les données scientifiques et la littérature spécialisée. Son rapport conclut comme suit pour l’essentiel :
« Le travail que nous avons réalisé ne nous permet pas d’affirmer que l’une ou l’autre des restrictions repose sur des faits rigoureux, documentés et reconnus scientifiquement ou professionnellement. »[119]
[203] Les constats et conclusions de l’expert Bertrand tel qu’ils ressortent de son rapport, de ses Commentaires et de son témoignage à l’instruction peuvent être résumés comme suit.
[204] Premièrement, et à la base, alors que la décision politique d’élaborer le RCI 2016-74 découle des conclusions de l’APEL contenues à sa Diagnose D-1 concernant l’état du Lac Saint-Charles, de graves lacunes ont été démontrées par la littérature dans la stratégie d’échantillonnage de l’APEL et dans les conclusions et recommandations qui en ont été tirées[120].
[205] Deuxièmement, malgré ses demandes à plus d’un des professionnels impliqués par la CMQ dans les travaux d’élaboration du RCI 2016-74, aucun n’a été en mesure de le référer à de la littérature spécialisée ou de lui indiquer les fondements scientifiques ou techniques appuyant la pertinence de l’une ou l’autre des trois restrictions en litige pour les fins visées par le RCI 2016-74. Ses demandes dans le même sens lors de réunions du comité technique de la CEI, formulées en présence de Morneau, sont aussi demeurées sans réponse. Ce témoignage de Bertrand concernant ses demandes et leur résultat n’a incidemment été contredit par aucun des témoins de la CMQ.
[206] Troisièmement, non seulement la littérature qu’a consultée de lui-même l’expert Bertrand lui a permis de conclure que les pentes en milieu naturel pouvant dans certaines circonstances justifier l’adoption de mesures de contrôle de l’érosion sont de 25 % et plus, voire 30 % et plus, comme c’était d’ailleurs le cas pour le RCI 2010-41[121], mais surtout que le facteur d’inclinaison d’une pente située dans un bassin versant ne permet pas à lui seul de conclure à un risque d’atteinte à la qualité de l’eau qui en provient et qui est prélevée ailleurs aux fins de son traitement puis de l’alimentation en eau potable. Le facteur de pente doit en effet nécessairement être analysé avec d’autres facteurs connexes comme, par exemple, les caractéristiques géomorphologiques et le type de substrat des pentes concernées[122].
[207] De façon imagée, l’expert illustre que les sédiments transportées par des eaux de ruissellement en provenance de secteurs pentus se retrouveront davantage dans les plans d’eau au bas du bassin versant si la pente qu’elles empruntent est faite de bois, plutôt que d’un substrat géomorphologique poreux et absorbant. Au-delà du degré de la pente, le degré de filtration naturelle de son sol revêt donc une importance fondamentale.
[208] Autre facteur déterminant à considérer conjointement avec le degré d’inclinaison d’une pente et son substrat : le facteur distance. Selon l’expert Bertrand, on ne peut prendre isolément le degré d’une pente sur laquelle peuvent ruisseler des eaux qui entraînent des nutriments, sans prendre en compte la distance entre cette source de contamination appréhendée et la prise d’eau à protéger, compte tenu notamment des mécanismes de filtration et de traitement naturels de l’eau qu’on peut retrouver entre les deux. Il s’agit d’ailleurs là d’un paramètre essentiel dont tiennent compte la plupart des systèmes de protection des sources d’alimentation en eau potable[123]. Dans la version finale D-2 de juin 2014 de leur rapport transmis à la CMQ concernant l’état du bassin versant de la prise d’eau de la rivière Saint-Charles, les consultants Roche soulignaient d’ailleurs la pertinence de ce facteur de distance à la page 4:
« Peu importe le positionnement des sources de contaminants dans le bassin versant alimentant la prise d’eau, certains constats importants permettent d’orienter le choix des zones d’intervention. Bien que ce constat puisse apparaître évident à première vue, pour qu’un contaminant soit transporté par le réseau hydrique et atteigne la prise d’eau en concentration suffisante pour représenter une contrainte au traitement de l’eau, il faut que sa source soit située à proximité de la prise d’eau et qu’il existe un lien hydraulique permanent ou temporaire entre la source et le réseau hydrique. »
(Le Tribunal souligne)
[209] Quatrièmement, l’expert Bertrand est d’avis que les pourcentages de recouvrement végétal imposés par le RCI 2016-74 ne reposent eux non plus dans les circonstances sur aucun fondement technique ou scientifique reconnu[124].
[210] Non seulement le pourcentage de couverture végétale n’est pas un facteur usuellement utilisé aux fins d’évaluation des risques de contamination de sources d’eaux brutes, mais le pourcentage davantage déterminant d’imperméabilisation du sol proprement dit, soit le facteur couramment utilisé aux fins d’élaboration de modèles de protection des eaux en milieux urbain et périurbain, n’a pas été considéré par la CMQ. Plus le sol est imperméabilisé, moins les eaux de surface peuvent s’y infiltrer et y être diffusées, et plus elles peuvent migrer vers les sources d’eau à protéger. Cela est confirmé par le constat de la firme de consultants Roche que les signes de dégradation de l’eau observés dans le bassin versant de la rivière Saint -Charles, l’ont été en aval du Lac Saint-Charles, plus précisément dans le secteur urbain et semi-urbain de la prise d’eau proprement dite, sur le territoire de la Ville de Québec.
[211] En l’espèce, et au surplus, à peine 4 % de la surface du bassin versant de la rivière des Hurons, laquelle est à 82 % la principale source hydrologique du lac Saint-Charles, est imperméabilisée. Sa couverture non imperméabilisée atteint en effet au moins 96 %, soit un pourcentage élevé et similaire à celui d’un bassin versant naturel[125].
[212] Cinquièmement, l’expert Bertrand ne peut identifier aucun fondement scientifique ou technique aux importantes restrictions au développement domiciliaire contenues au RCI 2016-74 liées aux ISA, fondées sur le risque que poseraient ces installations sur la qualité de l’eau brute prélevée aux prises d’eau en litige[126].
[213] Dans son rapport et lors de son témoignage à l’instruction, l’expert Bertrand précise ce qui suit à ce sujet:
- une ISA est composée d’une fosse septique, soit le réservoir destiné à recevoir les eaux usées et/ou ménagères et où un premier traitement est effectué, qu’on appelle « traitement primaire », et d’un élément épurateur situé en aval de la fosse et qui effectue un traitement secondaire et secondaire avancé avant que les eaux ne se retrouvent dans le sol naturel, où un phénomène de filtration naturelle par percolation est aussi effectué[127];
- les sources possibles de contamination en provenance d’une ISA sont d’origine bactérienne (coliformes fécaux), ou découlent de concentrations trop élevées en nitrate ou en phosphore des eaux usées rejetées dans l’environnement, une fois franchies les étapes de filtration et d’épuration matérielles et naturelles de l’installation;
- or, aucune problématique de contamination bactérienne par coliformes fécaux du Lac Saint-Charles n’a été établie; quant à la concentration en nitrite, elle ne soulève aucune difficulté en l’espèce et celle en phosphore, à 10 microgrammes, est inférieure au seuil maximal de 20 microgrammes établi par la réglementation provinciale;
- même la version modifiée du RCI 2016-74 qui ne prohibe les ISA que dans la bande riveraine de 500 mètres du Lac Saint-Charles, ou de 120 mètres de lacs dans les zones 1 et 2, n’est pas fondée scientifiquement, ne serait-ce que parce que la prohibition n’est pas modulée en fonction de la distance entre, d’une part, le lieu de l’ISA dans le bassin versant et, d’autre part, les prises d’eau à protéger, ce qui constitue un facteur fondamental, mais totalement absent dans le RCI 2016-74;
[214] Sixièmement, malgré ses recherches l’expert Bertrand n’a pas été en mesure de trouver un règlement ou document de protection de sources d’eau potable contenant des dispositions équivalentes aux prohibitions et restrictions en litige.
[215] Septièmement, Bertrand est en désaccord avec la justification des restrictions en litige sur la base du principe de « précaution » connu en matières environnementales et défini à la Loi sur le développement durable[128]. L’application de ce principe pour justifier une mesure de protection environnementale nécessite en effet un minimum de données scientifiques avérées quant au risque de dommage « grave ou irréversible »[129] appréhendé si la mesure n’est pas adoptée. On ne bénéficie pas en l’espèce de ce minimum de données scientifiques avérées permettant de craindre un tel risque de dommage « grave ou irréversible » à la qualité de l’eau en provenance des bassins versants des rivières Saint-Charles et Montmorency et prélevée aux prises d’eau en litige.
[216] Huitièmement, à titre de témoin de fait cette fois, l’expert Bertrand confirme que Morneau avait recommandé aux élus qu’un délai de deux ans était nécessaire afin de documenter davantage l’état des eaux aux prises d’eau installées dans les rivières Saint-Charles et Montmorency avant d’élaborer un projet de règlement de contrôle intérimaire approprié.
[217] Enfin, le Tribunal conclut que l’inexactitude de l’une des 53 références contenues au rapport de l’expert Bertrand, révélée lors du témoignage de l’expert Rousseau, n’est pas de nature à affecter la valeur probante de son opinion, qui découle plus globalement de son rapport fouillé, de ses Commentaires écrits du 30 mars 2017 et du témoignage utile, informé et équilibré qu’il a rendu à l’instruction.
3.8.2 L’expert Rousseau
3.8.2.1 Ses qualifications et son mandat
[218] Au risque de résumer de façon insatisfaisante les qualifications de monsieur Rousseau, énoncées au curriculum vitae de 86 pages joint à son rapport de 5 pages du 20 mars 2017, en voici un aperçu.
[219] Il détient un baccalauréat en génie rural de l’Université Laval, une maîtrise en génie des ressources hydriques de l’Université de Guelph ainsi qu’un doctorat en génie rural et biologique de l’Université Cornell. Monsieur Rousseau a aussi effectué un stage postdoctoral à l’Institut national de recherches scientifiques, où ses travaux ont porté sur la gestion des bassins versants.
[220] Ses centres d’intérêt, d’expertise et de recherche touchent plus particulièrement la gestion intégrée de l’eau et la protection des sources d’eau potable.
[221] Dans le cadre de ses travaux, l’expert Rousseau a participé au développement et à la validation d’un système de modélisation intégré des bassins versants à l’aide d’un système informatisé, lequel permet de suivre le développement du phosphore dans un cours d’eau donné, et par le fait même son degré de contamination, notamment. Monsieur Rousseau connaît les bassins versants qui nous occupent pour en avoir déjà modélisé une partie.
[222] Il est aussi éditeur de revues scientifiques et participe à des comités de révision de pairs (« peer review »), notamment pour le Water Resources Research, le Journal of Hydrology, le Canadian Water Resources Journal et le Journal of Environmental Quality.
[223] Cela étant dit quant à ses qualifications académiques et professionnelles indéniables, dans son rapport l’expert Rousseau décrit comme suit le mandat que lui a confié la CMQ :
« La Communauté métropolitaine de Québec a retenu mes services pour émettre mon opinion relativement au rapport préparé par M. Pierre Bertrand, consultant, et intitulé « Opinion sur le fondement scientifique de quelques restrictions incluses dans le RCI-2016-74 (CMQ) » et pour en commenter de façon plus particulière certains passages. »
3.8.2.2 Le rapport, la méthodologie et l’opinion de l’expert Rousseau
[224] Monsieur Rousseau a témoigné sur la base de son rapport précité du 20 mars 2017.
[225] Son contre-interrogatoire a par ailleurs permis d’établir certaines facettes de l’exécution de son mandat qui laissent perplexe.
[226] Premièrement, il n’avait toujours pas lu le RCI 2016-74 et ses règlements de modification en litige au moment de son témoignage lors de l’instruction.
[227] Deuxièmement, la préparation et la rédaction de son rapport ont nécessité au total de 10 à 12 heures, incluant une rencontre avec certains représentants de la CMQ.
[228] Troisièmement, monsieur Rousseau a effectué son mandat pro bono et s’en explique candidement par le fait qu’en offrant ainsi gratuitement ses services à la CMQ il pouvait davantage espérer obtenir d’autres mandats.
[229] Quatrièmement, monsieur Rousseau confirme aussi en contre-interrogatoire que pour les fins de son analyse du rapport de l’expert Bertrand il n’a reçu de ses mandants qu’une copie du rapport de ce dernier. On ne lui a remis aucune des 53 références citées par l’expert, mais seulement les pièces D-1 à D-12 invoquées par la CMQ au soutien de sa défense.
[230] Cela étant dit, ni dans son rapport, ni lors de son témoignage à l’instruction l’expert Rousseau a élaboré sur la méthodologie qu’il a utilisée pour les fins de préparation de son rapport, ce qui incidemment peut en toutes probabilités s’expliquer par l’objectif de ce dernier, soit essentiellement critiquer celui de l’expert Bertrand.
[231] Le rapport de l’expert Rousseau ne réfère qu’à un seul document source, en l’occurrence un guide gouvernemental sur lequel nous reviendrons plus loin.
[232] L’expert Rousseau justifie l’adoption du RCI 2016-74 par la CMQ par le «principe de précaution », lequel peut être appliqué, ajoute-t-il, « … lorsqu’il y a un risque perceptible de contamination d’une source quelconque »[130](Le Tribunal souligne). Comme on l’a vu, et comme on le reverra plus en détails plus loin, la définition du principe de précaution que propose l’expert Rousseau est différente de celle contenue à la LDD[131] qu’invoque la CMQ, et plus favorable à cette dernière.
[233] L’expert Rousseau défend aussi dans son rapport les trois restrictions en litige par le fait que, parmi d’autres, elles représentent les éléments d’une méthode multicritères couramment utilisée en ces matières et « … qui a vraisemblablement été utilisée pour dériver le RCI »[132].
[234] Or, d’une part, ce type de méthode est décrit comme suit dans un document dont il est l’auteur et qu’il a utilisé aux fins d’une présentation à un colloque sur la protection de l’eau potable: « Classification des risques à partir d’une analyse multicritères basée sur une échelle de risque et un poids attribué à chacun des éléments considérés[133]» et la preuve n’a pas établi que la CMQ a suivi une telle méthode aux fins de conclure à la pertinence des restrictions en litige. D’ailleurs, et d’autre part, en contre-interrogatoire Rousseau concède n’avoir aucune idée des travaux et/ou études menés par la CMQ dans le cadre de l’élaboration de son règlement de contrôle intérimaire, et admet finalement ne pas être certain que cette dernière a élaboré le RCI 2016-74 sur la base de la méthode multicritères dont il souligne pourtant l‘importance dans son rapport.
[235] Si par ailleurs il apporte des bémols ou des précisions à certaines affirmations de l’expert Bertrand, l’expert Rousseau confirme les éléments suivants de l’opinion de son collègue :
- le degré d’une pente ne peut à lui seul permettre de conclure à l’augmentation du ruissellement d’eaux de surface potentiellement contaminées vers la source d’eau à protéger, sans prendre en compte la distance entre la zone pentue et la source d’eau à protéger (bien que Rousseau précise que la «connectivité hydrologique », soit le produit de la distance entre la source de contamination et la source à protéger, d’une part, et la vitesse à laquelle les particules sources de contamination potentielle migrent vers cette dernière, d’autre part, est davantage importante que la seule distance, comme pour d’autres éléments de son rapport et de son opinion on reste dans les formules, les équations et généralités théoriques);
- le pourcentage d’imperméabilisation d’un sol est plus pertinent aux fins d’élaboration de mesures de contrôle de contamination des eaux en milieu urbain et périurbain que le facteur de couverture végétale proprement dit;
- l’identification des ISA comme sources potentielles de contamination dépend notamment de l’endroit où elles sont situées dans un bassin versant par rapport à la source à protéger.
[236] L’expert Rousseau conclut son rapport de la façon suivante :
« Selon mes connaissances sur les méthodes de caractérisation de la vulnérabilité des sources d’eau potable et ma compréhension de l’état de l’art sur le sujet, je considère que les restrictions relatives aux terrains présentant des pentes supérieures à 15 %, les exigences relatives à la couverture végétale et l’obligation de se raccorder au système public d’aqueduc et d’égout représentent les éléments de la méthode multicritères qui a vraisemblablement été utilisée pour dériver le RCI. Cette approche est conséquente à celle recommandée dans le document intitulé De la source au robinet : Guide d’application de l’approche à barrières multiples pour une eau potable saine produit conjointement par le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable et par le Groupe de travail sur la qualité de l’eau du CCME (PN 1335, www.ccme.ca). »
(Le Tribunal souligne)
[237] Le Tribunal a pris connaissance de ce guide auquel réfère l’expert Rousseau au soutien de l’approche multicritères « … qui a vraisemblablement été utilisé pour dériver le RCI ».
[238] Ce guide réfère à une approche à barrières multiples exhaustive dont la preuve n’a pas établi l’application en l’espèce, d’une part, et aucun extrait de ce guide ne réfère à, ne supporte ou mentionne l’un ou l’autre des trois types de restrictions en litige à titre de méthode de contrôle pertinente des risques de contamination d’une source d’eau potable, d’autre part.
[239] L’expert Rousseau ajoute par ailleurs ce qui suit dans son rapport :
« … Dans le cadre du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, depuis le 1er avril 2015, la responsabilité de l’analyse de vulnérabilité des sources d’eau potable, donnée aux municipalités québécoises desservant plus de 500 personnes, exige que ces dernières produisent d’ici le 1er avril 2021, des études de vulnérabilité des sources d’eau potable. Ainsi, selon ma compréhension, le RCI représente l’aboutissement d’une première étude de vulnérabilité. »
(Le soulignement dans le texte est de l’expert Rousseau)
[240] Or, la preuve n’a pas établi que la CMQ ou l’une ou l’autre de ses municipalités ou instances municipales membres considérait le RCI comme l’aboutissement de la première étude de vulnérabilité préparée aux fins du respect du RPEP, ni qu’une première étude de vulnérabilité distincte aurait même été complétée préalablement à l’adoption du RCI.
[241] D’ailleurs, et au surplus, Morneau a admis lors de son contre-interrogatoire qu’à sa connaissance l’étude de vulnérabilité prescrite par le RPEP n’a pas été réalisée.
3.9 Commentaires sur certains autres extraits des témoignages de Carole Beauregard et de François Morneau pour la CMQ
[242] Madame Beauregard, urbaniste à la CMQ et qui a été partie aux travaux d’élaboration du RCI 2016-74 « en appui » à Morneau, a admis à l’instruction qu’elle ne savait pas comment, ni qui au juste, en était arrivé à identifier les pourcentages de couverture végétale minimaux prescrits par le RCI 2016-74, ni comment ces pourcentages ont pu être établis selon telle ou telle zone de vulnérabilité.
[243] Autre élément du témoignage de madame Beauregard qui laisse perplexe, alors qu’elle confirme elle aussi que la Diagnose D-1 du Lac St-Charles préparée par l’APEL constituait la base de la décision de la CMQ de mettre en place rapidement une nouvelle règlementation intérimaire, elle ignorait que la CMQ avait demandé une évaluation de cette diagnose au professeur Carignan et que ce dernier avait critiqué ses conclusions vu les manquements dans les méthodes d’analyse suivies. Malgré son implication auprès du comité technique, personne n’a porté le rapport Carignan à sa connaissance et elle n’en avait jamais entendu parler au moment de l’instruction.
[244] Quant aux pourcentages de pentes, madame Beauregard, avec une franchise dont il faut encore lui reconnaître le mérite, réitère qu’elle ne peut expliquer d’où ils proviennent et que peut-être Morneau pourra répondre à cette question.
[245] Or, monsieur Morneau n’a pu apporter de réponse probante à cette question. En effet, selon lui, qui n’a pas témoigné comme expert rappelons-le, ces restrictions s’appuient sur « de la littérature » et des « pratiques existantes », mais aucune telle littérature n’a été produite par la CMQ et aucune preuve de ces « pratiques existantes » digne de ce nom n’a été administrée, par exemple, comme on l’a vu dans d’autres affaires, par la production de règlements d’autres instances municipales comparables à celui en litige[134].
[246] Quant à ses débuts d’explications basées sur la minceur des sols, son impact sur leur capacité de rétention d’eau et, par extension, sur les pourcentages de couverture végétale prévus au RCI 2016-74, l’objection légitime des procureurs des demanderesses au motif qu’il s’agit d’un témoignage relevant d’un expert ayant préalablement déposé un rapport, dûment présenté à titre d’expert et reconnu comme tel par le Tribunal, elle n’a pas eu à être tranchée. Comme sur d’autres volets semblables du témoignage de Morneau, le procureur de la CMQ a en effet invité le Tribunal à ne retenir de ce témoignage que sa composante factuelle : Morneau a eu cette information de scientifiques, sans que le Tribunal attache de valeur probante à son contenu, qui relève de l’expertise. On ne sait toutefois toujours pas d’où vient cette information de nature technique, qui l’a fournie à Morneau, le cas échéant, ni quelles sont les qualifications de ces personnes…etc. et le Tribunal n’accorde effectivement dans les circonstances aucune force probante aux brefs témoignages d’opinion de Morneau.
4 - LES QUESTIONS EN LITIGE
A) CONCERNANT LES ARGUMENTS DE NULLITÉ DES DEMANDERESSES
4.1 Quelle est la norme de contrôle applicable?
4.2 Le RCI 2016-74, ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84 et les règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81 sont-ils déraisonnables et donc nuls en ce qu’ils excèdent grossièrement ce qui est nécessaire pour assurer l’atteinte de leur objet?
4.3 Le RCI 2016-74, ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84 et les règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81 sont-ils déraisonnables et donc nuls en ce qu’ils ont pour effet d’interdire de manière significative l’émission de permis pertinents pour le développement des terrains lotis et à lotir situés sur les territoires des demanderesses?
4.4 Le RCI 2016-74, ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84 et les règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81 sont-ils déraisonnables et donc nuls en ce que les interdictions et restrictions à la construction qu’ils imposent dans l’ensemble des bassins versants en litige, fondées sur les critères (i) de degré de pente d’un lot, (ii) de pourcentage minimal de couverture végétale à préserver sur un lot, (iii) de desserte par une ISA conforme aux exigences du règlement, ne sont pas fondées sur le plan scientifique?
4.5 Le RCI 2016-74 et son règlement modificateur no 2016-80 doivent-ils être déclarés nuls parce qu’ils sont utilisés par la CMQ à des fins détournées de contrôle discrétionnaire du développement sur le territoire des demanderesses?
4.6 La CMQ peut-elle justifier l’adoption du RCI 2016-74, de ses règlements modificateurs et des règlements modificateurs du RCI 2010-41 en litige par le principe de « précaution » tel que défini à la Loi sur le développement durable?
4.7 Les règlements 2016-75 et 2016-81, modifiant le RCI 2010-41, doivent-ils être déclarés nuls parce qu’adoptés après le 15 juin 2012, date d’entrée en vigueur du premier plan métropolitain d’aménagement et de développement de la CMQ, et quelle est la norme de contrôle applicable?
B) CONCERNANT L’ARGUMENT DU CARACTÈRE INOPÉRANT
4.8 Étant admis que la CMQ n’a ni requis, ni obtenu l’approbation
du Ministre suivant l’article
5 - ANALYSE ET DISCUSSION
A) CONCERNANT LES ARGUMENTS DE NULLITÉ DES DEMANDERESSES
5.1 Quelle est la norme de contrôle applicable?
[247] Les mesures réglementaires ou administratives jugées opportunes par les autorités compétentes en matières environnementales demeurent assujetties à la loi, ce que la disposition préliminaire de la LQE prévoit d’ailleurs expressément à son premier alinéa[135].
[248] Ceci dit, la Cour suprême confirmait récemment dans Green c. Société du Barreau du Manitoba[136] que le cadre d’analyse relatif à la norme de contrôle judiciaire énoncée dans l’arrêt Dunsmuir[137] est applicable au contrôle de l’exercice de l’autorité publique.
[249] Comme l’a souligné la Cour suprême dans Dunsmuir, la détermination de la norme de contrôle applicable à l’exercice d’un pouvoir particulier peut découler du type de question en litige, et ressortir de la jurisprudence sur le sujet[138].
[250] Sur la base de ces principes, le Tribunal conclut que le contrôle judiciaire du pouvoir règlementaire exercé en l’espèce par la CMQ est assujetti à la norme de la décision raisonnable en ce qui concerne les arguments de nullité que soulèvent les questions en litige précitées 4.2 à 4.6.
[251] D’une part, en présence de questions touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, la norme de la décision raisonnable s’applique habituellement d’emblée[139].
[252] D’autre part, dans l’arrêt Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District)[140], la question essentielle que soulevait le pourvoi devant la Cour suprême était « … de savoir dans quelles circonstances les cours de justice peuvent réviser les règlements municipaux … »[141] et la Cour suprême y a confirmé que l’exercice des pouvoirs règlementaires municipaux est assujetti à la norme de contrôle de la raisonnabilité.
[253] Il est opportun de citer de large extraits de l’opinion de madame la juge en chef McLachlin à ce sujet:
«A. Contrôle judiciaire des règlements municipaux
[…]
[12] Les décisions et les règlements d’une municipalité, à l’instar de tout acte administratif, peuvent être révisés de deux façons. D’abord, les exigences en matière d’équité procédurale et le régime législatif qui régit la municipalité peuvent l’obliger à respecter certaines exigences de nature procédurale, notamment en matière d’avis ou de vote, et sa décision ou son règlement peut être jugé invalide si elle néglige de suivre ces procédures. Mais en plus de pouvoir être annulés au motif que ces exigences légales minimales n’ont pas été respectées, il se peut que les actes d’une municipalité le soient parce qu’ils outrepassent ce que le régime législatif permettait de faire. Cette révision sur le fond est fondée sur la présomption fondamentale, découlant de la primauté du droit, selon laquelle le législateur ne peut avoir voulu que le pouvoir qu’il a délégué soit exercé de façon déraisonnable, ou, dans certains cas, incorrecte.
[13] (…) Dans le cas où la norme applicable est plutôt celle de la décision raisonnable, il exige que la décision soit raisonnable en considérant les processus suivis et si le résultat s’inscrit dans un éventail raisonnable d’issues possibles, compte tenu du régime législatif et des facteurs contextuels pertinents quant à l’exercice du pouvoir (…).
[…]
[15] Contrairement au Parlement et aux législatures provinciales, qui jouissent d’un pouvoir législatif inhérent, les organismes de réglementation ne peuvent exercer que les pouvoirs législatifs qui leur ont été délégués. Leur pouvoir discrétionnaire n’est pas sans limites. (…)
[…]
[18] (…) Dunsmuir reconnaît que le caractère raisonnable de la décision s’apprécie dans le contexte du type particulier de processus décisionnel en cause et de l’ensemble des facteurs pertinents. Il s’agit essentiellement d’une analyse contextuelle (…).
[19] Il ressort de la jurisprudence que la révision des règlements municipaux doit refléter le large pouvoir discrétionnaire que les législateurs provinciaux ont traditionnellement conféré aux municipalités en matière de législation déléguée. Les conseillers municipaux qui adoptent des règlements accomplissent une tâche qui a des répercussions sur l’ensemble de leur collectivité et qui est de nature législative plutôt qu’adjudicative. Les règlements municipaux ne sont pas des décisions quasi judiciaires. Ils font plutôt intervenir toute une gamme de considérations non juridiques, notamment sur les plans social, économique et politique. (…) Dans ce contexte, la norme de la décision raisonnable signifie que les tribunaux doivent respecter le devoir qui incombe aux représentants élus de servir leurs concitoyens, qui les ont élus et devant qui ils sont ultimement responsables.
[20] Les causes déjà jugées appuient le point de vue du juge de première instance selon lequel les tribunaux ont traditionnellement refusé d’invalider des règlements municipaux à moins qu’ils n’aient été jugés [TRADUCTION] « aberrants » ou « choquants », ou si « aucun organisme raisonnable » n’aurait pu les adopter (...).
[…]
[24] (…) Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable tenant compte de ces facteurs. Le fait qu’il faille faire preuve d’une grande retenue envers les conseils municipaux ne signifie pas qu’ils ont carte blanche.
[…]
[32] En résumé, il faut déterminer en définitive si le règlement contesté s’inscrit dans un éventail raisonnable d’issues possibles en suivant l’approche que les tribunaux ont adoptée au fil des ans en matière de révision des règlements adoptés par des conseils municipaux. Les conseils municipaux ne sont pas tenus, dans le cadre du processus d’adoption de règlements, de s’en remettre aux seules considérations objectives ayant une incidence directe sur l’affaire; ils peuvent aussi prendre en compte des enjeux plus généraux d’ordre social, économique et politique. Pour apprécier le caractère raisonnable d’un règlement, il convient donc d’examiner le processus qui a mené à son adoption ainsi que sa teneur. »
(Les caractères gras et les soulignements sont du Tribunal ; références omises)
[254] La jurisprudence de la Cour d’appel postérieure à l’arrêt Catalyst a par ailleurs confirmé que la norme de la décision raisonnable est une norme souple dont l’application varie selon le contexte et s’y adapte. Selon la Cour, le caractère raisonnable de l’exercice du pouvoir d’une administration publique, en l’occurrence le pouvoir de la CMQ de règlementer sur les sujets en litige, s’apprécie dans le contexte particulier du processus décisionnel en cause et de l’ensemble des facteurs pertinents[142].
[255] Il convient maintenant d’appliquer cette norme aux fins de l’analyse des arguments de nullité des demanderesses formulés aux questions en litige 4.2 à 4.6.
[256] À cette fin, le Tribunal analysera d’abord ensemble les questions en litige 4.2, 4.3 et 4.5. Ces arguments de nullité soulevés par les demanderesses constituent à plus d’un égard des variations sur le même thème et peuvent être analysés ensemble. De plus, pour emprunter à une distinction que formulait madame la juge Bich dans l’arrêt Courses automobiles Mont-Tremblant c. Iredale[143], ces questions soulèvent la compétence ou le « vires « de la CMQ, alors que les questions 4.4 et 4.6 impliquent un débat portant plutôt sur la manière ou sur les moyens utilisés par la CMQ pour exercer cette compétence, soit l’exercice consistant en l’établissement des critères normatifs à la base trois (3) prohibitions et restrictions à la construction en litige.
5.2 Le RCI 2016-74, ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84 et les règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81 sont-ils déraisonnables et donc nuls en ce qu’ils excèdent grossièrement ce qui est nécessaire pour assurer l’atteinte de leur objet?
5.3 Le RCI 2016-74, ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84 et les règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81 sont-ils déraisonnables et donc nuls en ce qu’ils ont pour effet d’interdire de manière significative l’émission de permis pertinents pour le développement des terrains lotis et à lotir situés sur les territoires des demanderesses?
5.5 Le RCI 2016-74 et son règlement modificateur no 2016-80 doivent-ils être déclarés nuls parce qu’ils sont utilisés par la CMQ à des fins détournées de contrôle discrétionnaire du développement sur le territoire des demanderesses?
[257] Selon la jurisprudence, la protection de l’environnement naturel du territoire municipal ne peut constituer un but illégitime pour l’instance municipale concernée[144]. En soi, la protection de l’environnement est désormais une question d’ordre public et les lois en cette matière doivent être interprétées de façon large et généreuse. En cas de doute il y a lieu de favoriser une interprétation favorisant le plein épanouissement du droit à la qualité de l’environnement et à sa sauvegarde[145].
[258] Dans l’arrêt 9034-9922 Québec inc. c. Sutton (Ville de)[146] la Cour d’appel écrivait ce qui suit :
« [51] L’octroi de responsabilités aux collectivités locales en matière de protection environnementale et de développement durable et l’utilisation à cette fin des techniques propres au droit de l’aménagement remonte aux années 80 et a débuté avec la protection des rives, du littoral et des zones inondables. Ce que le juge Baudouin écrivait à ce sujet en 1993 dans l’arrêt Abitibi (M.R.C.) c. Ibitiba ltée, en parlant des exigences d’un règlement de contrôle intérimaire en matière de protection des cours d’eau, s’applique avec tout autant de pertinence aux dispositions contenues dans un règlement de zonage en matière de contrôle de l’exploitation de la forêt privée :
La protection de l’environnement et l’adhésion à des politiques nationales est, à la fin de ce siècle, plus qu’une simple question d’initiatives privées, aussi louables soient-elles. C’est désormais une question d’ordre public. Par voie de conséquence, il est normal qu’en la matière, le législateur, protecteur de l’ensemble de la collectivité présente et future, limite, parfois même sévèrement, l’absolutisme de la propriété individuelle. Le droit de propriété est désormais de plus en plus soumis aux impératifs collectifs. C’est là une tendance inéluctable puisque, au Québec comme dans bien d’autres pays, la protection de l’environnement et la préservation de la nature ont trop longtemps été abandonnées à l’égoïsme individuel.
[…] »
[259] Comme l’a souligné la jurisprudence, le pouvoir des instances municipales de gérer leur territoire ne doit pas être dilué au motif qu’un propriétaire foncier ou un promoteur travaille sur un projet de construction depuis plusieurs années[147] :
« Ceux qui cherchent le profit, par ailleurs légitime, dans les projets de développement domiciliaire sont exposés aux aléas de la politique municipale. »[148].
[260] Dans Sibeca[149], la Cour d’appel, sous la plume de la juge Mailhot, écrit :
« [66] (…) Ce n’est pas non plus parce qu’une loi ou un règlement de zonage tend à stériliser une partie du droit de propriété ou de son exercice même de façon draconienne qu’il en devient abusif et inopposable (…).
[67] Or, de nos jours, le droit de propriété est soumis aux impératifs collectifs. Les tribunaux acceptent qu’un règlement d’urbanisme puisse, au nom de l’intérêt collectif, affecter défavorablement la valeur d’un immeuble. Mais, toutefois, le règlement ne doit pas être tellement sévère qu’il constitue une forme déguisée d’expropriation.
[68] Tel n’est pas le cas en l’espèce. La jurisprudence considère
que le règlement qui reprend l’une des dispositions de l’article
[69] Même si ce type d’action est permis, il se peut qu’un règlement soit tout de même discriminatoire. On ne peut cependant qualifier nécessairement de discriminatoire le règlement qui ne vise qu’un seul terrain (…). Ce qui importe, c’est l’uniformisation des standards et conditions pour la totalité du secteur affecté par ledit règlement. »
(Le Tribunal souligne; références omises)
[261] En l’espèce, les demanderesses proposent en quelque sorte que l’objectif visé par la règlementation de contrôle intérimaire en litige n’était pas d’opérer légitimement un gel des activités de construction sur le territoire de la CMQ afin de ne pas compromettre les réflexions amorcées concernant le nouveau PMAD, mais plutôt, de façon détournée et illégale, de contrôler le développement sur leur territoire.
[262] Mais cette façon de voir les choses ne résiste toutefois pas à une analyse des compétences que le législateur a confiées à la CMQ en matière de contrôle intérimaire, et des conséquences potentielles de l’exercice de ces compétences sur le développement des instances municipales membres.
[263] D’abord, l’article
[264] En raison de ces habilitations et effets reconnus par la loi habilitante de la CMQ, qui donnent ouverture selon la doctrine à ce qu’une réglementation intérimaire constitue « une mini réglementation … qui se superpose et s’ajoute à la réglementation déjà en place sur le territoire de la municipalité locale assujettie … »[150], le Tribunal ne peut conclure que la réglementation de contrôle intérimaire en litige est déraisonnable parce qu’elle a pour effet d’interdire l’émission de permis pertinent par les demanderesses sur leur territoire, parce qu’elle constituerait de façon détournée l’exercice d’un contrôle discrétionnaire du développement sur ces territoires, ou encore qu’elle excède grossièrement ce qui est nécessaire pour assurer l’atteinte de son objet.
[265] Il faut plutôt conclure que les effets importants de cette réglementation intérimaire sur les pouvoirs des demanderesses en matière d’urbanisme et de développement sur leurs territoires découlent de la loi et sont reconnus par le législateur.
[266] La jurisprudence appuie cette conclusion.
[267] Ainsi, dans l’arrêt Saint-Michel-Archange (Municipalité de) c. 2419-6388 Québec inc.[151] la Cour d’appel soulignait qu’un règlement de contrôle intérimaire peut validement imposer des exigences supplémentaires aux normes de zonage des municipales locales membres et même prohiber un type d’usage de façon générale, si nécessaire afin d’assurer que les objectifs d’un schéma d’aménagement, dans notre cas du PMAD de la CMQ, ne soient pas compromis avant sa prise d’effet.
[268] Puis, comme le soulignait madame la juge Mainville dans l’affaire Yale Properties Ltd c. Ville de Beaconsfield[152], contrairement au délai de 90 jours prévu dans le cas d’une résolution la LAU ne prévoit pas de délai précis pour la durée d’un règlement de contrôle intérimaire, ni d’obligation à ce que l’objectif visé se concrétise à la fin du processus[153]. Incidemment, dans cette affaire la preuve avait permis d’établir l’existence de règlements de contrôle intérimaire en vigueur pendant plusieurs années, certains pour une période de plus de 10 ans[154].
[269] Pour ces motifs, le Tribunal répond négativement aux questions 4.2, 4.3 et 4.5 précitées.
[270] Cela étant dit, passons maintenant à l’argument de nullité soulevé par les demanderesses sous la question en litige 4.4, dont l’analyse nécessite la considération de certaines questions qui, contrairement à ce qui était le cas pour les trois questions précitées, relève moins de la compétence ou du « vires » in se de la CMQ et de considérations sociales, politiques ou économiques, et davantage des moyens normatifs d’ordre scientifique et technique utilisés par la CMQ pour exercer sa compétence.
5.5 Le RCI 2016-74, ses règlements modificateurs nos 2016-76, 2016-78, 2016-80 et 2017-84 et les règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81 sont-ils déraisonnables et donc nuls en ce que les interdictions et restrictions à la construction qu’ils imposent dans l’ensemble des bassins versants en litige, fondées sur les critères (i) de degré de pente d’un lot, tel qu’établis (ii) de pourcentage minimal de couverture végétale à préserver sur un lot, tels qu’établis (iii) de desserte par une ISA conforme aux exigences règlementaires, ne sont pas fondées sur le plan scientifique?
[271] La réponse à cette question est largement tributaire de l’appréciation par le Tribunal de la force probante des opinions des experts Bertrand et Rousseau.
[272] Il est donc opportun de rappeler certains principes relatifs à l’appréciation des témoignages d’experts.
5.5.1 Certains principes applicables
[273] Dans l’arrêt WDLI v. Abbott and Haliburton[155], la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de revenir sur l’importance du rôle d’un témoin expert. Dans son opinion pour une formation unanime de la Cour, le juge Cromwell souligne que le témoin expert a l’obligation particulière d’apporter au Tribunal une aide juste, objective et impartiale[156]. L’expert doit aussi présenter des garanties adéquates d’indépendance par rapport à son client[157].
[274] Le juge Cromwell exprime par ailleurs certaines mises en garde concernant le rôle du juge des faits dans l’appréciation du témoignage des experts. Ces mises en garde émises dans un contexte de procès devant juge et jury demeurent pertinentes dans le cadre d’un procès civil devant juge seul:
« [1] Le témoignage d’experts peut constituer la pièce maîtresse dans la recherche de la vérité tout comme il peut présenter des dangers particuliers.
[…]
[17] (…) Il y a notamment le risque que le juge des faits s’en remette inconsidérément à l’opinion de l’expert au lieu de l’évaluer avec circonspection. Comme le souligne le juge Sopinka dans l’arrêt Mohan :
La preuve d’expert risque d’être utilisée à mauvais escient et de fausser le processus de recherche des faits. Exprimée en des termes scientifiques que le jury ne comprend pas bien et présentée par un témoin aux qualifications impressionnantes, cette preuve est susceptible d’être considérée par le jury comme étant pratiquement infaillible et comme ayant plus de poids qu’elle ne le mérite. (…)
[18] Il s’agit de préserver le procès devant juge et jury, et non pas d’y substituer le procès instruit par des experts. (…) Le juge des faits doit faire appel à son « jugement éclairé » plutôt que simplement trancher la question sur le fondement d’un « acte de confiance » à l’égard de l’opinion de l’expert. (…) La jurisprudence aborde un certain nombre d’autres problèmes connexes : (…); le risque qu’un « concours d’experts » ne distraie le juge des faits au lieu de l’aider.
[…] »
(Le Tribunal souligne)
[275] Enfin, le seul fait qu’un expert ait déjà soutenu une opinion préalablement dans le même dossier, qu’il ait déjà agi dans une affaire connexe ou, à la rigueur, qu’il soit un employé d’une partie ou entretienne des relations d’affaires avec elle[158], ne le rend pas inhabile à titre d’expert et ne le rend pas de ce seul fait partial. Toutefois, la valeur probante de son opinion peut en être affectée. En effet, malgré la qualification d’un témoin comme expert, une règle demeure : la force probante de son témoignage, comme celle d’un témoin ordinaire, est laissée à l’appréciation du Tribunal[159].
[276] À cette fin, le Tribunal peut tenir compte de plusieurs facteurs, selon le cas. Ainsi, l’omission d’un expert de prendre connaissance d’un document important, comme par exemple d’un règlement municipal en litige[160], ou de s’assurer d’avoir un dossier complet pour les fins de son mandat, plutôt que de se satisfaire des documents remis par son mandant, ou encore son intérêt pécuniaire, peuvent affecter la force probante de son témoignage[161]. Il en va de même de l’ampleur et du sérieux des démarches et recherches effectuées aux fins de son mandat[162]. Enfin, la valeur probante du témoignage d’un expert basé sur des généralités ou considérations théoriques, plutôt que sur la preuve administrée et les documents et faits prouvés, peut être fortement atténuée[163].
5.5.2 Application des principes
[277] Comme le soulignait monsieur le juge Gonthier dans son opinion pour une formation unanime de la Cour suprême dans l’arrêt St-Jean c. Mercier[164], le juge d’instance doit analyser la question dont il est saisi et en arriver à une conclusion juridique fondée non seulement sur la preuve d’experts, mais à l’aune de l’ensemble de la preuve ordinaire et de la balance des probabilités[165].
[278] En l’espèce, avant de passer à l’évaluation de la preuve d’experts concernant l’existence ou non de fondements scientifiques ou techniques aux trois (3) types de restrictions en litige, rappelons qu’elle s’inscrit sur une toile de fond factuelle plus générale, dont la preuve a permis d’établir, ou d’inférer, notamment :
- que l’eau de la rivière Montmorency est de bonne qualité, qu’elle satisfait aux critères de qualité de l’eau de surface du Ministère, que l’indice de sa qualité est de 92, soit dans la fourchette supérieure du plus haut indice de qualité possible suivant les critères du Ministère, et que selon ces critères la rivière se classe au 4e rang des meilleures rivières au Québec en termes de qualité de son eau;
- que la volonté politique d’initier les travaux d’élaboration du RCI 2016-74, alors que le RCI 2010-41 était toujours en vigueur, découle essentiellement des constats de l’APEL concernant l’état du Lac Saint-Charles et contenus à la Diagnose D-1;
- que le rapport Carignan P-31 de mars 2014, commandé par la CMQ elle-même afin de valider les constats de l’APEL, a sévèrement critiqué les procédés méthodologiques suivis par cette dernière aux fins d’en arriver à ses constats, ainsi que certains de ces derniers;
- que suite à ce rapport d’évaluation, l’APEL a effectivement modifié les protocoles méthodologiques qu’elle avait utilisés aux fins non seulement de sa diagnose D-1, mais aussi de son suivi de l’état du Lac Saint-Charles D-3 suite à ses campagnes d’échantillonnage 2011 à 2013;
- que dans leur rapport D-2 de juin 2014 les consultants de la firme Roche avaient recommandé à la CMQ un plan d’action quinquennal visant le redressement ou le maintien de la qualité de l’eau du bassin versant de la prise d’eau installée dans la rivière Saint-Charles, au terme duquel plan, et «au besoin », les dispositions du RCI 2010-41 pourraient être réévaluées et renforcées[166];
- qu’étant donné notamment que les villes de Québec et Lévis n’avaient toujours pas lors de l’instruction adapté leurs schémas d’aménagement au premier PMAD de la CMQ, la réglementation d’urbanisme concordante n’avait pu être encore adoptée et, en conséquence, les effets du RCI 2010-41 n’avaient pu encore être adéquatement évalués;
- que lors de la présentation aux élus régionaux du plan de protection des sources d’eau potable D-9, le maire de Québec et président de la CMQ et Morneau avaient annoncé un calendrier de travail de deux ans;
- que lors de ce forum tenu le 22 novembre 2015, il n’était aucunement question de l’élaboration d’une nouvelle réglementation de contrôle intérimaire;
- que c’est le ou vers le 30 novembre 2015 que le président de la CMQ a décidé d’informer les élus régionaux de son projet d’initier la réflexion d’un nouveau PMAD et d’élaborer rapidement une nouvelle réglementation de contrôle intérimaire;
- que les travaux en vue de l’adoption du RCI 2016-74 en mars 2016 ont en conséquence été menés rapidement compte tenu des attentes pressantes des élus, alors que Morneau et Beauregard, ainsi que les membres du comité technique de la CEI, auraient voulu bénéficier d’un délai de deux ans afin de monitorer adéquatement les résultats du RCI 2010-41, « y voir clair » et de pouvoir établir un plan d’action, incluant un nouveau règlement de contrôle intérimaire, préparé sur la base d’éléments vérifiés, et de façon non précipitée;
- que Morneau a d’ailleurs justifié son omission de considérer l’impact du rapport Carignan, pourtant commandé par la CMQ elle-même pour valider les constats de l’APEL, par le fait qu’étant donné la « volonté politique » il était alors « embarqué dans un train à grande vitesse » pour produire un règlement de contrôle intérimaire très rapidement;
- que le RCI 2016-74 a été élaboré en à peine un mois et demi, suivant un nombre restreint de rencontres du comité technique aviseur de la CEI et de cette dernière, dont les membres, exclusivement des élus, considéraient les informations techniques transmises par Morneau « ardues à comprendre »;
[279] En sus de cette preuve ordinaire, qui permet de conclure que les prohibitions et restrictions de construire en litige ont été élaborées dans un contexte de précipitation et à vitesse grand « V », le Tribunal n’a aucune hésitation à accorder une valeur probante dominante à l’opinion exprimée par l’expert Bertrand : ces prohibitions et restrictions à la construction ne sont pas fondées sur des principes scientifiques ou techniques valables compte tenu de l’objet recherché.
[280] Premièrement, le témoignage de fait et non contredit de l’expert Bertrand concernant le résultat de ses demandes formulées en vain au comité scientifique de la CEI et à Morneau afin d’obtenir la littérature scientifique supportant la pertinence en l’espèce des restrictions à la construction fondées sur les degrés de pentes, les pourcentages minimaux de couverture végétale à maintenir sur un lot et les prohibition ou conditions d’installation de systèmes autonomes de traitement des eaux usées revêt en soi un poids non-négligeable. Rappelons au surplus que madame Beauregard a admis en contre-interrogatoire ne pas savoir d’où ou de qui provenaient au juste les degrés de pentes et pourcentages minimaux de couverture végétale intégrés au RCI 2016-74.
[281] Deuxièmement, à l’opposé de la valeur probante que le Tribunal reconnaît à l’opinion de l’expert Bertrand, le rapport et le témoignage de l’expert Rousseau dénotent une préoccupation de défendre le RCI 2016-74 et les restrictions en litige, et ce, même au prix de suppositions non vérifiées. La partialité n’est pas loin.
[282] Ainsi, l’expert Rousseau a erronément pris pour acquis, sans prendre la peine de le vérifier au préalable, que le RCI 2016-74 découlait « vraisemblablement » de l’utilisation par la CMQ de l’analyse multicritères qu’il présentait dans son rapport, d’une part, et qu’il constituait l’aboutissement d’une première étude de vulnérabilité au sens du RPEP, d’autre part. Il n’est pas nécessaire de revenir en sus sur les autres points déjà mentionnés qui, considérés globalement, affectent défavorablement aux yeux du Tribunal la qualité de la méthodologie et de l’exécution de son mandat par l’expert Rousseau.
[283] La norme de la décision raisonnable est contextuelle. Selon la Cour suprême, le caractère raisonnable de l’acte règlementaire d’une instance municipale s’apprécie « dans le contexte du type particulier de processus décisionnel et cause et de l’ensemble des facteurs pertinents. Il s’agit essentiellement d’une analyse contextuelle.[167]» En l’espèce, la CMQ a adopté un règlement imposant des interdictions et restrictions importantes à la construction impliquant, tel que révélé par la preuve d’experts, la considération de facteurs scientifiques et techniques. Ces facteurs débordent du champ des facteurs non juridiques d’ordre social, politique ou économique sur lesquels la jurisprudence leur reconnaît un vaste pouvoir discrétionnaire[168], au nom des principes de proximité et de subsidiarité. Lorsque des élus municipaux ou supra-municipaux adoptent des règlements imposant aux justiciables des restrictions importantes sur la base de données techniques ou scientifiques pointues, la déférence due à l’exercice de leur discrétion est moindre si ces données et postulats sont erronés, ou pire, comme dans notre cas, n’ont pas été prouvées, voire sont inexistantes. Dans un tel cas, il convient de conclure qu’aucun autre conseil ayant connaissance de ces lacunes n’aurait adopté les dispositions concernées, et que ces dernière sont de ce fait déraisonnables.
[284] La jurisprudence permet de constater que la justification de normes objectives établies par un règlement municipal doit reposer sur des données d’ordre scientifique ou technique probantes.
[285] Par exemple, dans l’affaire Courses automobiles Mont-Tremblant inc. c. Iredale[169] le demandeur en première instance, intimé en appel, contestait la raisonnabilité du règlement de la Ville de Mont-Tremblant vu l’autorisation qui en découlait pour les entreprises défenderesses d’exploiter leur circuit de courses automobiles à proximité d’un secteur résidentiel.
[286] Le juge de première instance a accueilli l’un des arguments du demandeur et déclaré en conséquence nuls certains extraits du règlement de la ville concernant le bruit, après avoir conclu à l’absence de normes objectives de limites de bruit imposées aux propriétaires du circuit lors de certaines courses automobiles.
[287] La Cour d’appel, sous la plume de madame la juge Bich, a infirmé ce jugement.
[288] D’abord, comme en l’espèce, la juge Bich souligne que le débat ne soulève pas la question de l’habilitation de l’autorité municipale à agir comme elle l’a fait, au sens «compétence » ou « vires » du terme, puisque cette dernière a compétence en matière de nuisance, mais plutôt « … la manière dont la ville a exercé sa compétence et sur le contrôle judiciaire de ses choix réglementaire »[170].
[289] Ensuite, tant la lecture du jugement de première instance que celle de l’arrêt de la Cour d’appel permettent de constater qu’une preuve d’expert avait été administrée en première instance au soutien des normes de bruit en litige, ainsi qu’en regard de la norme limite appropriée dans les circonstances[171].
[290] Madame la juge Bich conclut donc que le premier juge avait eu tort de se substituer au conseil de la ville et, ni plus ni moins, de faire valoir ses propres préférences en matière de bruit, alors que la preuve d’expert dont il disposait permettait de confirmer que les normes objectives de bruit imposées par la Ville étaient raisonnables selon la preuve, notamment parce qu’elles découlaient d’une norme non pas tirée de nulle part, mais fixée par le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs[172] :
[70] Car les règlements contestés, il faut insister sur ce point, comportent bel et bien des limites. Celles-ci combinent des méthodes éprouvées en matière de réglementation du bruit, jumelant le contrôle des activités elles-mêmes à celui de la durée des saisons, des horaires et de l'intensité sonore.
[…]
[73] La preuve révèle que ce choix n'a rien d'arbitraire ou de capricieux et qu'il résulte d'un examen approfondi de l'ensemble de la situation et des facteurs pertinents, après consultation d'experts et consultation des citoyens, la Ville ayant en outre, après l'adoption du règlement (2006)-53-2, en 2006, resserré encore ses exigences en 2009, avec l'adoption du règlement (2009)-53-3.
[…] »
(Le Tribunal souligne)
[291] En l’espèce, il n’appartiendrait pas au Tribunal de se substituer à la CMQ pour établir des normes différentes de celles qu’elle a retenues ou les annuler si une preuve d’experts avait été administrée concernant les fondements scientifiques ou techniques au soutien des prohibitions et restrictions à la construction en litige dans le contexte du but recherché par le RCI 2016-74.
[292] Mais ici, conformément au fardeau qui était le sien, la preuve d’expert administrée par les demanderesses a permis d’établir de façon prépondérante que les normes objectives de prohibition et de restrictions à la construction que la CMQ a établies ne reposent pas sur des fondements scientifiques valables. Au surplus, la CMQ n’a pas elle-même administré de preuve d’expert probante au soutien de la pertinence de ces normes.
[293] On ne peut donc parler en l’espèce, comme c’était le cas dans l’affaire White c. Chateauguay (Ville)[173] d’une controverse scientifique entre des experts présentant des opinions crédibles et contradictoires[174], étayées l’une et l’autre par une « abondante littérature scientifique »[175]. Dans un tel cas la situation serait bien différente.
[294] En fait, la situation en l’espèce se compare à certains égards à celle qu’a eu à analyser la Cour d’appel dans l’affaire Ville de Laval c. Bernard Prince[176].
[295] Dans cette affaire, la Ville de Laval avait adopté le Règlement sur le bruit communautaire, lequel prohibait tout bruit perçu à l’extérieur dépassant la norme de 55 décibels entre 7 h et 22 h. Le défendeur, accusé d’avoir contrevenu à ce règlement, a contesté la légalité de la norme de 55 décibels ainsi fixée par la municipalité, et ce, au motif que le bruit ambiant dans le secteur où il opérait était de 64,9dB, soit un niveau excédant d’emblée la norme fixée par la ville.
[296] Au soutien de sa défense et de son argument d’illégalité de la norme, le défendeur avait administré une preuve d’expert. La ville quant à elle n’avait pas contredit cette preuve d’expertise au moyen d’une contre-expertise, mais s’était plutôt limitée à contester les calculs de son ambiant de l’expert.
[297] La Cour supérieure a infirmé le jugement de la Cour municipale qui avait rejeté les arguments de Prince et prononcé sa culpabilité.
[298] La Cour d’appel a confirmé le jugement de la Cour supérieure.
[299] Dans ses motifs concourants, monsieur le juge Chamberland note d’emblée le pouvoir de la ville de réglementer sur le sujet en litige, et ce, en s’appuyant sur la Loi sur les cités et villes[177]. Le juge Chamberland souligne aussi que le règlement municipal bénéficie d’une présomption de validité et qu’il appartenait à Prince d’en établir l’invalidité[178].
[300] Le juge Chamberland conclut néanmoins que bien que la norme réglementaire établie par la ville était « raisonnable dans l’absolu »[179], elle était dans les faits déraisonnable compte tenu de la preuve d’expert « à sens unique»[180], laquelle avait établi que cette norme de 55 décibels ne pouvait constituer une prohibition valide.
[301] Dans ses motifs concourants, auxquels souscrit le juge Fish, le juge Beauregard mentionne lui aussi que la norme de 55 décibels adoptée par la ville dans son règlement n’est pas abusive « dans l’absolu », mais n’en confirme pas moins lui aussi le jugement de la Cour supérieure, pour des motifs différents de ceux du juge Chamberland.
[302] Dans notre affaire, la preuve d’expert prépondérante et à sens unique administrée par les demanderesses, conjuguée à l’absence de preuve d’expert probante administrée par la CMQ, ne peut être ignorée et est fatale à la raisonnabilité et légalité des prohibitions et restrictions à la construction en litige contenues au RCI 2016-74.
[303] Les règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-81 ne prévoient toutefois pas de prohibitions ou restrictions de ce type et ne seront donc pas annulés au motif d’absence de fondements scientifiques.
[304] Il importe toutefois d’analyser la possibilité pour la CMQ de justifier les prohibitions et restrictions à la construction contenues au RCI 2016-74 en invoquant le « principe de précaution ».
5.6 La CMQ peut-elle justifier l’adoption des restrictions en litige par le principe de « précaution » défini à la Loi sur le développement durable?
5.6.1 Certains principes et commentaires préliminaires
[305] Avant son incorporation dans le droit québécois, la jurisprudence et la doctrine avaient analysé la notion de « principe de précaution » en matière environnementale, telle qu’appliquée au niveau international et dans certaines juridictions de droit interne[181].
[306] Dans l’arrêt 114957 Canada Ltée (Spraytech, société d’arrosage) c. Hudson (Ville)[182], madame la juge L’Heureux-Dubé reprenait la définition suivante du « principe de précaution » du droit international, contenue au paragraphe 7 de la Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable (1990) :
« (…) lorsque des dommages graves ou irréversibles risquent d’être infligés, l’absence d’une totale certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour ajourner l’adoption de mesures destinées à prévenir la détérioration de l’environnement. »[183]
[307] Dans son article intitulé La précaution en cas d’incertitude scientifique : une des interprétations possible de l’article 20 in fine de la Loi sur la qualité de l’environnement?[184], l’auteure Trudeau soulignait l’importance que soit élucidées l’expression « incertitude scientifique » et les façons de prouver l’existence d’une telle situation d’incertitude scientifique devant un Tribunal afin de justifier l’application du principe de précaution[185], Trudeau précisant toutefois que le recours au principe de précaution doit reposer sur une preuve scientifique[186].
[308] La doctrine confirme par ailleurs l’importante distinction à préserver entre la détermination du niveau de gravité et d’irréversibilité d’un risque, soit un exercice qui relève de l’analyse objective des probabilités, et le caractère acceptable ou non de ce risque, lequel relève plutôt d’un jugement et de la pondération de valeurs sociales. L’existence du caractère grave et irréversible du risque n’est donc pas laissée à l’arbitraire décisionnel de celui qui invoque le principe de précaution. Ce n’est qu’une fois démontré, par une preuve appropriée, que le degré de probabilité de ce risque grave et irréversible peut ensuite être suivi de la décision de l’autorité réglementaire habilitée de l’accepter ou non et, dans ce dernier cas, de mesures appropriées afin de l’enrayer[187]. Les auteurs suggèrent, à bon droit, que la démarche d’identification de la probabilité d’un risque dommageable en matière environnementale relève de la preuve scientifique:
« Risk Assessment is the use of a base of scientific research to define the probability of some harm coming to an individual or a population as a result of exposure to a substance or situation. »[188]
(Le Tribunal souligne)
[309] Ceci dit, le législateur a incorporé le « principe de précaution » dans le droit québécois par l’adoption de la Loi sur le développement durable[189] le 19 avril 2006. Le paragraphe 6 j) de cette loi prévoit en effet ce qui suit :
« 6 Afin de mieux intégrer la recherche d’un développement durable dans ses sphères d’intervention, l’Administration prend en compte dans le cadre de ses différentes actions l’ensemble des principes suivants :
[…]
j) « Précaution » : Lorsqu’il y a un risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique complète ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir une dégradation de l’environnement; »
(Les soulignements et les caractères gras sont du Tribunal)
[310] Ainsi, à supposer qu’un « risque de dommages graves ou irréversibles » pour l’environnement soit établi au moyen d’une preuve scientifique digne de ce nom, l’administration publique n’a pas carte blanche pour adopter toutes mesures qu’elle peut souhaiter. Suivant la définition du « principe de précaution » à la LDD et qu’invoque la CMQ, la preuve doit en effet démontrer que les mesures identifiées par l’autorité règlementaire sont « effectives » afin de contenir le risque de dommages graves ou irréversibles préalablement établi.
[311] Le fardeau de prouver ces prérequis à l’application du principe de précaution incombe en toute logique à celui qui l’invoque, en l’occurrence la CMQ. C’est ce que suggère aussi la doctrine[190].
[312] La CMQ ne peut donc invoquer, telle une panacée, le « principe de précaution » pour obtenir carte blanche à sa seule invocation et établir les prohibitions et restrictions à la construction qu’elle peut souhaiter sans une preuve suffisante, non seulement de nature scientifique au soutien de l’existence d’un risque grave et irréversible à la qualité de l’eau prélevée aux prises d’eau installées dans les rivières Saint-Charles et Montmorency, et ultimement à l’eau potable qui en est tirée après traitement, mais aussi quant au caractère effectif de ces mesures pour contenir un tel risque. Le principe de précaution n’est pas un dogme et les conjectures sont à proscrire.
[313] Dans son opinion
pour une formation unanime de la Cour d’appel dans l’arrêt précité Courses
automobiles Mont-Tremblant inc. c. Iredale[191],
la juge Bich tempérait d’ailleurs comme suit l’application du principe de
précaution. Son commentaire aux fins de l’analyse de l’article
« [101] J'estime également que, même si l'article
(Le Tribunal souligne)
[314] En l’espèce il faut aussi se questionner si le principe de précaution prévu à la LDD peut être invoqué par la CMQ. En effet, cette dernière ne fait pas partie de l’«Administration » telle que définie à la Loi. L’« Administration » est en effet définie comme suit à l’article 3:
« …, le gouvernement, le Conseil exécutif, le Conseil du trésor, les ministères, de même que les organismes du gouvernement visés par la Loi sur le vérificateur général (…) est assimilée à un organisme, une personne nommée ou désignée par le gouvernement ou par un ministre, avec le personnel qu’elle dirige, dans le cadre des fonctions qui lui sont attribuées par la loi, le gouvernement ou les ministres. »
[315] On pourrait donc à première vue comprendre que le législateur québécois n’a permis qu’à l’Administration, telle que définie législativement, d’invoquer le principe de précaution aux fins de l’imposition de « mesures effectives » face à l’existence d’un risque de dommages graves ou irréversibles à l’environnement. En principe, l’identification de telles mesures ne saurait en effet résulter en un éclatement ou une balkanisation, au gré d’instances décentralisées habilitées à intervenir en matière environnementale, sous peine, en présence du même type de risque, d’un morcellement de mesures variées, peu cohérentes les unes par rapport aux autres, voire contradictoires.
[316] Toutefois, dans l’affaire Wallot c. Québec (Ville de)[192] la Cour d’appel semble avoir confirmé la possibilité qu’une instance municipale locale puisse recourir au principe de précaution.
[317] Il y a donc lieu de prendre pour acquis que la CMQ peut invoquer ce principe pour tenter de justifier les prohibitions et restrictions en litige, en gardant toutefois à l’esprit que dans l’affaire Wallot non seulement une preuve d’expert permettait de soutenir l’application du principe de précaution, mais, au surplus, que cette preuve d’expert n’était pas contestée[193].
5.6.2 Application des principes
[318] Le Tribunal conclut que la CMQ ne peut validement invoquer le principe de précaution en l’espèce, faute de preuve à son soutien, particulièrement en ce qui concerne le caractère effectif des prohibitions et restrictions en litige, à supposer qu’elle aurait prouvé au préalable un risque « grave et irréversible » à la qualité de l’eau prélevée aux prises d’eau en litige, ce qui n’est pas le cas non plus.
[319] D’une part, comme on l’a vu le rapport et le témoignage de l’expert Rousseau présenté par la CMQ souffrent de lacunes de valeur probante déterminantes quant à la pertinence de ces mesures, et ce, pour les motifs déjà mentionnés.
[320] D’autre part, seul Morneau, témoin ordinaire, a fait allusion à des échanges qu’il aurait eus avec des experts et à l’existence d’une littérature scientifique supportant les degrés de pente et pourcentages de couverture végétale prévus par le RCI 2016-74, ainsi que ses dispositions relatives aux normes concernant les ISA.
[321] Or, si tant est qu’une telle littérature scientifique existe, et qu’elle était en possession du comité technique ou de la commission environnementale intérimaire, le cas échéant, aucune n’a été produite et le témoignage de l’expert des demandeurs à l’effet qu’il en a requis copie en vain n’a pas été contredit. De plus, si tant est que des experts ont effectivement représenté à Morneau que ces mesures étaient appropriées dans les circonstances, il est à se demander pourquoi la CMQ n’a pas requis un rapport à ce sujet de la part des experts concernés, dont l’identité et les qualifications pertinentes, le cas échéant, n’ont incidemment pas été prouvées, afin qu’ils témoignent à l’instruction.
[322] Par ailleurs, ce témoignage de Morneau qu’il aurait eu des discussions avec des scientifiques qui supportaient les restrictions en litige tranche étrangement avec une autre partie de son témoignage, corroboré celle-là par madame Beauregard, que les professionnels auraient préféré bénéficier d’un délai de deux ans pour évaluer la situation et recommander les mesures alors jugées appropriées.
[323] En conséquence, ce n’est pas comme tel l’objectif ultime de protection de la qualité de l’eau prélevée aux prises d’eaux en litige poursuivi par la CMQ qui pose problème, mais plutôt la preuve d’expert prépondérante administrée par les demanderesses et l’absence de preuve probante administrée par la CMQ que les prohibitions et restrictions à la construction en litige, imposées dans l’ensemble des bassins versants de ces prises d’eau, constituent des « mesures effectives», justifiées dans les circonstances par un risque de dommage « grave et irréversible » à la qualité de ces eaux.
[324] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la CMQ n’a pas relevé le fardeau qui était le sien de prouver les prérequis prévus à la loi aux fins d’invoquer le principe de précaution.
5.7 Les règlements 2016-75 et 2016-81, modifiant le RCI 2010-41, doivent-ils être déclarés nuls parce qu’adoptés après le 15 juin 2012, date d’entrée en vigueur du premier plan métropolitain d’aménagement et de développement de la CMQ, et quelle est la norme de contrôle applicable?
[325] Les demanderesses proposent que la CMQ ne pouvait adopter les règlements 2016-75 et 2016-81 modifiant le RCI 2010-41 après l’adoption de son premier PMAD. Selon elles, le processus d’adoption du PMAD étant complété avec son entrée en vigueur le 15 juin 2012, la CMQ ne pouvait poursuivre ensuite le contrôle intérimaire établi par le RCI 2010-41 en y apportant des modifications.
5.7.1 La norme de contrôle applicable
[326] La norme de contrôle applicable à cette question est celle de la décision correcte.
[327] Elle implique en effet l’analyse de la compétence même de la CMQ d’adopter les deux (2) règlements modificateurs concernés ou, autrement dit, de l’existence ou non de cette compétence dans sa loi habilitante, ce qu’il convient maintenant de vérifier
5.7.2 Certains principes applicables
[328] De par sa nature, un PMAD constitue un document de planification qui énonce des intentions et orientations qui ne lient pas directement les citoyens[194]. C’est en effet la réglementation de contrôle intérimaire qui revêt force contraignante pour ces derniers, et ce, jusqu’à ce que l’exercice de concordance règlementaire de l’instance municipale dont ils relèvent soit complété.
[329] En effet, après l’adoption d’un PMAD par une communauté métropolitaine, les municipalités locales doivent adopter les règlements de concordance nécessaires afin de conférer une force contraignante aux orientations, objectifs et priorités identifiés dans le PMAD, eux-mêmes incorporés préalablement dans les schémas d’aménagement des villes et MRC membres de la communauté métropolitaine.
[330] C’est ce que la doctrine a qualifié respectivement de « conformité régionale » et de « conformité métropolitaine »[195].
[331] Ceci dit, un règlement de contrôle intérimaire adopté aux fins de l’élaboration d’un PMAD cesse d’avoir effet sur le territoire d’une instance municipale locale membre de la communauté métropolitaine concernée le jour de l’entrée en vigueur du dernier règlement de concordance de cette instance municipale[196].
[332] Un règlement de contrôle intérimaire d’une communauté métropolitaine ne cesse donc définitivement d’avoir effet sur son territoire que lorsque la dernière instance municipale locale a adopté son dernier règlement de concordance.
[333] Comme le soulignent les auteurs, « … Il est donc possible que le régime de contrôle intérimaire prenne fin sur le territoire d’une municipalité locale tout en continuant d’être en vigueur sur le territoire d’une ou de plusieurs autres municipalités qui y étaient également assujetties »[197].
5.7.3 Application des principes
[334] Le RCI 2010-41 a été adopté par la CMQ le 7 septembre 2010 et est entré en vigueur le 8 novembre 2010[198].
[335] La CMQ a ensuite adopté son premier PMAD[199] le 15 décembre 2011, lequel est entré en vigueur le 15 juin 2012[200].
[336] Selon le témoignage non contredit de Me Marie-Josée Couture, secrétaire de la CMQ, en date de l’instruction les processus d’adoption d’un schéma d’aménagement conforme au premier PMAD de la CMQ n’avaient toujours pas été complétés par la Ville de Québec et par la Ville de Lévis; la MRC de Jacques-Cartier était la seule instance supra régionale de la CMQ à avoir adapté son schéma d’aménagement au premier PMAD de la CMQ, mais les demanderesses n’avaient elles-mêmes pas encore complété la concordance de leur réglementation d’urbanisme avec ce schéma d’aménagement.
[337] C’est dans ce contexte où le RCI 2010-41 demeurait toujours en vigueur qu’en vue de le modifier la CMQ a adopté le règlement 2016-75 le 15 mars 2016, lequel est entré en vigueur le 13 mai 2016[201], puis le règlement no 2016-81 le 20 décembre 2016[202].
[338] Ces deux règlements modifiant le RCI 2010-41 ne contenaient incidemment que des modifications minimes et sans lien direct avec l’une ou l’autre des trois restrictions à la construction en litige.
[339] Enfin, comme on l’a vu, la CMQ a initié le processus de révision de son premier PMAD le 17 décembre 2015 et adopté en parallèle le RCI 2016-74 le 15 mars 2016.
[340] Il n’est pas dénué de pertinence de rappeler que le RCI 2016-74 prévoit ce qui suit à son article 1.1.6 :
« 1.1.6 Conflit avec le RCI 2010-41 de la CMQ
Lorsqu’une disposition prescrite au présent règlement est en conflit avec une disposition du Règlement de contrôle intérimaire no 2010-41 de la CMQ visant à limiter les interventions humaines dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la Rivière Saint-Charles et la Rivière Montmorency, la disposition prescrite au présent règlement prévaut. »
[341] Deux principaux constats découlent de ce qui précède.
[342] Premièrement, la population de la CMQ se retrouve certes dans une situation particulière. Contrairement à la situation plus usuelle décrite par la doctrine où un règlement de contrôle intérimaire régional et un autre, local celui-là, peuvent légalement coexister[203], en l’espèce ce sont les dispositions de deux règlements de contrôle intérimaire différents adoptés par la même instance, en l’occurrence la CMQ, qui coexistent. Or, d’une part, l’analyse des dispositions pertinentes de la loi permet de conclure que, si cette situation peut paraître incongrue, elle n’en est pas pour autant illégale. D’autre part, il n’y a pas à proprement parler de superposition de mêmes dispositions, mais plutôt une situation où les dispositions du règlement antérieur inconciliables avec l’une ou l’autre du règlement postérieur doivent leur céder le pas. Rien d’illégal là non plus.
[343] Deuxièmement, le RCI 2010-41 demeurant de ce fait valide et en vigueur sur le territoire de la CMQ, rien n’empêchait cette dernière d’y apporter des modifications malgré l’entrée en vigueur de son premier PMAD le 15 juin 2012.
[344] L’argument de nullité des demanderesses suppose que le RCI 2010-41 a cessé d’avoir effet sur le territoire de la CMQ du fait de l’entrée en vigueur du premier PMAD.
[345] Or, compte tenu des principes applicables et des dispositions pertinentes de la LAU ce n’est pas le cas, et la proposition des demanderesses que les règlements modificateurs 2016-75 et 2016-81 sont nuls parce qu’ils auraient été adoptés après l’échéance prévue à la loi doit en conséquence être rejetée.
B) CONCERNANT L’ARGUMENT DU CARACTÈRE INOPÉRANT DU RCI 2016-74, DE SES RÈGLEMENTS MODIFICATEURS EN LITIGE ET DES RÈGLEMENTS MODIFICATEURS DU RCI 2010-41 nos 2016-75 ET 2016-81
5.8 Étant admis que la CMQ n’a ni requis, ni obtenu l’approbation
du Ministre suivant l’article
5.8.1 La loi et certains principes jurisprudentiels
[346] Les troisième et
quatrième alinéas de l’article
« 124. (…)
Un règlement adopté par le gouvernement en vertu de la présente loi entre en vigueur lors de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à une date ultérieure indiquée dans le règlement ou sur décret du gouvernement.
Ces règlements, de
même que les normes fixées en application du deuxième alinéa de l’article 31.5,
prévalent sur tout règlement municipal portant sur le même objet, à moins
que le règlement municipal ne soit approuvé par le ministre auquel cas ce
dernier prévaut dans la mesure que détermine le ministre. Avis de cette
approbation est publié sans délai à la Gazette officielle du Québec. Le
présent alinéa s’applique malgré l’article
[…] »
(Le Tribunal souligne)
[347] D’emblée,
il convient de noter que la possibilité prévue au 4e alinéa
de l’article
[348] Par ailleurs, si l’expression « règlement municipal » n’est pas définie à la LQE, une «municipalité » y est décrite comme suit: « Toute municipalité, la Communauté métropolitaine de Montréal, la Communauté métropolitaine de Québec ainsi qu’une régie intermunicipale;[205] ».
[349] Suivant le
principe que les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par rapport aux
autres, l’expression « règlement municipal » à l’article
[350] Cela étant dit,
la Cour d’appel du Québec a analysé l’article
- tant que le législateur provincial n’a pas adopté de règlement sur un sujet autorisé par la LQE, un règlement municipal portant sur le même objet conserve son effet et est opérant[207];
-
un règlement municipal est inopérant au terme de l’article
- dès lors que le gouvernement provincial a décidé d’intervenir relativement à cet objet, cette intervention rend le règlement municipal inopérant, « indépendamment de toute question de compatibilité entre les deux règlements »[209];
- cette conséquence est justifiée par le principe sous-jacent que le gouvernement provincial peut, par l’exercice de son propre pouvoir réglementaire, viser l’unification à l’échelle provinciale « …de l’ensemble des normes municipales variées, dispersées et peut-être même contradictoires»[210] ;
-
l’article
- pour savoir si une norme municipale porte sur « le même objet » que le règlement provincial, « …il faut se demander s’il touche la même chose, autrement dit analyser ce que les constitutionnalistes appellent le pith and substance »[212];
- un même règlement municipal peut poursuivre plus d’un objet et, dans un tel cas, ses dispositions peuvent être analysées individuellement afin de déterminer si l’une ou l’autre vise le même objet qu’un règlement provincial, auquel cas elle(s) est (sont) inopérante(s) en vertu de l’article 124[213].
[351] La jurisprudence postérieure à l’arrêt Saint-Michel-Archange a précisé qu’il importe peu que l’autorité règlementaire municipale considère que le règlement adopté par le législateur à l’échelle provinciale ne permette pas de répondre à ses préoccupations davantage locales. Si les deux règlements portent sur le même objet, le règlement municipal est inopérant puisque cet objet est de ce fait soustrait à son autorité[214].
[352] De plus, la
détermination de l’objet d’un règlement provincial aux fins de l’application de
l’article
[353] Ainsi, dans l’affaire Gestion Raymond Denis inc. c. Val-Bélair (Ville de)[215] le juge de première instance avait rejeté les conclusions recherchées par la société demanderesse afin de faire déclarer inopérant un règlement de la Ville de Val-Bélair établissant certaines heures d’opération applicables aux carrières et sablières sur son territoire. La société demanderesse invoquait que ce règlement, qui avait pour effet de prolonger les heures d’opération au-delà de celles prévues au règlement provincial sur les carrières et sablières, visait le même objet que ce dernier. Le premier juge s’est plutôt dit d’avis qu’il y avait simplement complémentarité entre les deux règlements.
[354] La Cour d’appel a infirmé ce jugement et confirmé l’à-propos d’une lecture du règlement provincial afin d’y déceler les normes « implicites » qu’il peut contenir:
« L’alinéa de l’art. 124 que j’ai cité à la p. 3 ne dispose pas que tout règlement municipal qui est incompatible avec le règlement du gouvernement est inopérant. Il mentionne précisément que tout règlement municipal qui porte sur le même objet que le règlement du gouvernement n’a aucun effet. (…).
[…]
En tout état de cause, en restreignant la période de la journée durant laquelle l’exploitant d’une carrière peut faire du dynamitage, le gouvernement a implicitement permis que toute autre opération que le dynamitage puisse être faite en dehors des heures défendues pour le dynamitage. »[216]
[…]
On peut donc conclure que le règlement de Val-Bélair non seulement a le même objet que le règlement du gouvernement, mais qu’il est incompatible avec celui-ci.
Val-Bélair n’est pas sans recours : elle peut toujours, en application du 5e alinéa de l’article 124, tenter de faire approuver son règlement par le ministre. »[217]
(Le Tribunal souligne)
[355] En somme, la décision du gouvernement provincial de réglementer sur un un sujet, même de façon générale, emporte la primauté de ce règlement sur tout règlement municipal portant sur le même objet, tant dans sa teneur explicite qu’implicite. C’est ce qui ressort aussi de l’extrait suivant de l’opinion de madame la juge Bich pour une formation unanime de la Cour d’appel dans l’arrêt Courses automobiles Mont-Tremblant inc. c. Iredale[218], quoique dans le contexte d’un règlement municipal sur le bruit :
« [92] Il va sans dire qu'aucun règlement municipal
ne peut permettre que l'émission d'un contaminant dépasse le seuil fixé par
règlement du gouvernement ou ne peut permettre le rejet dans l'environnement
d'un contaminant dont l'émission est prohibée par un tel règlement. Il y aurait
là, au sens de l'article 3 L.c.m., une incompatibilité flagrante. Du
reste, si cela n'était pas suffisant, la Loi sur la qualité de
l'environnement prévoit en son article
(Les soulignements et les caractères gras sont du Tribunal)
[356] Dans l’affaire Municipalité de Sainte-Pétronille c. Stanley Welch (Ferme biologique Le Temps de cerises enr.)[219] monsieur le juge Robert Pidgeon, j.c.s., résumait comme suit la pertinence de l’objectif d’uniformisation normative recherché par le législateur provincial par l’article 124, alinéa 4, de la LQE :
«
En résumé, devant la coïncidence de réglementations de gouvernements de paliers
différents, ayant pour objet la protection de la qualité de l’environnement, le
législateur a cru bon, à juste titre croyons-nous, d’obliger les gouvernements
municipaux à requérir du Ministre de l’environnement l’approbation de leurs
dispositions réglementaires afin d’éviter des contradictions. Cette façon de
faire permet à l’autorité délégante de vérifier si l’interaction des règlements
ayant en totalité ou partiellement le même objet a pour effet de créer des
législations conflictuelles où le citoyen ne s’y retrouverait pas. C’est dans
le but de préserver l’uniformité réglementaire que fut adopté l’article
(Le Tribunal souligne)
[357] Enfin, monsieur le juge Benoît Moulin, j.c.s., cernait ainsi l’analyse à effectuer afin de déterminer l’objet d’un règlement municipal, son « pith and substance »:
« [41] Dans tous les cas, il y a lieu de s’interroger sur l’objet du règlement contesté, sur sa finalité ou, comme l’exprime la Cour suprême dans Global Securities v. B.C. (Sec. Comm.) sur son objet dominant, son caractère véritable, son idée maîtresse.
[42] Dans cet arrêt, la Cour suprême devait déterminer si une loi, par son caractère véritable, relevait des pouvoirs constitutionnels d’une province. Le juge lacobucci, pour la Cour, écrit :
(…)
1. Le caractère véritable de l’al. 141(1)b)
22. Comme l’a souligné le professeur Hogg (réf. omise), le caractère véritable d’une loi est [traduction] «mieux décrit comme étant la caractéristique dominante ou la plus importante de cette loi». La cour doit «décider quelle est la caractéristique la plus importante de la loi et [. . .] qualifier celle-ci en fonction de cette caractéristique: cette caractéristique dominante constitue le “caractère véritable” ou la “matière” de la loi; l’autre caractéristique est simplement accessoire et n’est pas pertinente sur le plan constitutionnel » (réf. omise). De même, le juge Sopinka a dit que le caractère véritable d’une loi était « son idée maîtresse »:(réf. omises)
(…)
[43] La même démarche s’applique à la question de savoir si les dispositions d’un règlement relèvent d’une autorité déléguée comme une municipalité. »
(Le Tribunal souligne)
5.8.2 L’objet des deux règlements provinciaux, du RCI 2016-74 et des règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-80
5.8.2.1 L’objet du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (le « RPEP »)
[358] Le gouvernement provincial a adopté le RPEP[221] en vertu des dispositions habilitantes de la LQE.
[359] L’objet du RPEP est libellé comme suit à son article 1 :
« 1.
Le présent règlement vise à prévoir les modalités relatives à
l’autorisation de prélèvements d’eau prévue à l’article
Il
s’applique à tout prélèvement d’eau visé par l’article
(Le Tribunal souligne)
[360] L’article 31.74, inclus à la section V sous la rubrique « Protection et gestion des ressources d’eau », se lit comme suit :
« 31.74. Dans la présente section, «prélèvement d’eau» s’entend de toute action de prendre de l’eau de surface ou de l’eau souterraine par quelque moyen que ce soit. Sauf pour l’application des articles 31.85 et 31.86 ainsi que des sous-sections 2 et 3, cette définition exclut les prélèvements d’eau effectués au moyen de l’un ou l’autre des ouvrages suivants:
1° un ouvrage destiné à retenir l’eau;
2° un ouvrage destiné à dériver l’eau pour fins de production d’énergie hydroélectrique;
3° tout autre ouvrage destiné à produire de l’énergie hydroélectrique. »
[361] Le chapitre VI du RPEP concerne la protection accordée aux prélèvements d’eau effectués à des fins de consommation humaine. Le champ d’application et l’objet de ce chapitre sont décrits comme suit à l’article 50:
« 50 Le présent chapitre s’applique uniquement aux prélèvements d’eau effectués à des fins de consommation humaine ou de transformation alimentaire. Il vise à délimiter, au besoin, des aires de protection immédiates, intermédiaires ou éloignées pour des prélèvements d’eau souterraines ou de surface, afin notamment d’évaluer la vulnérabilité des eaux exploitées par les prélèvements et d’encadrer l’exécution de certaines activités pouvant affecter la qualité de ces eaux.
(Le Tribunal souligne)
[362] La section III du chapitre VI porte plus spécifiquement sur les eaux de surface. Elle établit des indicateurs permettant d’évaluer la vulnérabilité des eaux de surface aux fins de prélèvement, notamment leur vulnérabilité aux micros-organismes, aux matières fertilisantes, aux substances inorganiques et aux substances organiques[222].
[363] Le RPEP établit par ailleurs des aires de protection des prélèvements d’eaux de surface destinées à alimenter en eau potable le système d’aqueduc d’une municipalité alimentant plus de 500 personnes et au moins une résidence. Il prévoit ainsi les aires de protection suivantes :
- immédiates: soit 500m en amont et 30m en aval d’un site de prélèvement situé dans tout autre cours d’eau qu’un lac ou le Fleuve Saint-Laurent[223];
- intermédiaires : soit 10km en amont et 50m en aval d’un site de prélèvement s’il est situé dans tout autre cours d’eau qu’un lac ou le Fleuve Saint-Laurent[224];
- éloignées : soit les limites correspondant au territoire du bassin versant du site de prélèvement, incluant, le cas échéant, les limites de l’aire de protection intermédiaire d’un site de prélèvement situé en aval[225].
[364] Le RPEP interdit ou encadre différentes activités selon l’aire de protection dans laquelle elles sont exercées. Par exemple, dans une aire de protection immédiate le deuxième alinéa de l’article 71 prévoit que toute autre activité que celles prévues au premier alinéa doit « … être effectuée de manière à minimiser les risques d’érosion des sols, notamment par le rétablissement et le maintien de la couverture végétale présente … »[226].
[365] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’objet ou le « pith and substance » du RPEP est de façon générale la protection des sources d’eau potable, particulièrement à des fins de consommation humaine. Les dispositions du chapitre V du règlement relatives aux sites de forage n’enlèvent rien à l’objet général du règlement et n’en sont qu’un démembrement, afin d’encadrer un type d’activité ou d’interventions potentiellement préjudiciables à la qualité des sources d’eau potable destinées à la consommation humaine.
5.8.2.2 L’objet du Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (« RETEU »)
[366] Une précision préliminaire s’impose.
[367] La détermination de l’objet du RETEU[227] ne saurait ultimement entraîner le caractère inopérant des dispositions du RCI 2010-74 ou du RCI 2010-41 dans leur ensemble.
[368] L’exercice vise plutôt à déterminer si les dispositions de ces règlements concernant les systèmes autonomes de traitement des eaux usées peuvent être déclarées inopérantes parce que leur objet est le même que celui du RETEU.
[369] Ce règlement a été adopté par le provincial en vertu de plusieurs dispositions de la LQE, incluant les articles 86 et 87. Cet article 86 et le paragraphe c) de l’article 87 se lisent comme suit :
«86. Sans restreindre les pouvoirs du ministre à cet égard, il est du devoir des municipalités d’exécuter et de faire exécuter tout règlement du gouvernement adopté en vertu de la présente loi qui édicte que tel règlement ou certains articles de ce règlement sont appliqués par toutes les municipalités, par une certaine catégorie de municipalités ou par une ou plusieurs municipalités, sauf si un règlement municipal portant sur les matières visées dans les règlements susmentionnés a été approuvé conformément à l’article 124. Aucun permis de construction, de réparation ou d’agrandissement ne peut être délivré par une municipalité si le projet de construction, de réparation ou d’agrandissement n’est pas en tous points conforme à tels règlements.
87. Le gouvernement peut adopter des règlements:
[…]
c) pour réglementer, à l’égard de l’ensemble ou de toute partie du territoire du Québec, la construction, l’utilisation des matériaux, la localisation, la relocalisation et l’entretien des installations septiques et des lieux d’aisance individuels et communs, des égouts privés, drains et puisards et autres installations destinées à recevoir ou éliminer les eaux usées, pour interdire la construction de certaines catégories de bâtiments si la superficie ou d’autres caractéristiques du terrain ne permettent pas de respecter les normes établies ou si le bâtiment n’est pas desservi par certaines catégories de systèmes d’évacuation et de traitement des eaux usées et pour prohiber les équipements non conformes;
[…] »
(Le Tribunal souligne)
[370] Cela étant dit, le champ d’application du RETEU est formulé comme suit à son article 2 :
« 2.
Champ d’application : Le présent règlement s’applique au
traitement et à l’évaluation des eaux usées, des eaux ménagères et des eaux de
cabinet d’aisances des bâtiments et du lieu suivants s’ils ne sont pas
raccordés à un système d’égout autorisé par le Ministre en vertu de la Loi, ou
si le système de traitement étanche de ces bâtiments ou de ce lieu est raccordé
à un ouvrage municipal d’assainissement des eaux usées visé par l’article
a) une résidence isolée
b) un bâtiment autre que celui mentionné au paragraphe a) qui rejette exclusivement des eaux usées, des eaux ménagères ou des eaux de cabinet d’aisances dont le débit total quotidien est d’au plus 3 240 litres;
[…]
Il s’applique plus particulièrement aux dispositifs d’évacuation, de réception ou de traitement des eaux usées, des eaux ménagères et des eaux de cabinet d’aisances des bâtiments ou du lieu visés par le premier alinéa, en vue de son installation, lors de son installation, dans le cadre de son exploitation, de sa désaffectation (…).
Toutefois, les normes relatives à l’installation d’un dispositif desservant un bâtiment ou un lieu visé par le premier alinéa déjà construit ou aménagé ne s’appliquent pas lorsque les eaux usées, les eaux ménagères et les eaux de cabinet d’aisances ne constituent pas une source de nuisances, une source de contamination des eaux de puits ou de sources, servant à l’alimentation ou une source de contamination des eaux superficielles, sauf dans les cas visés au deuxième alinéa de l’article 4. »
(Les caractères gras et les soulignements sont du Tribunal)
[371] L’article 1 du RETEU définit par ailleurs certains termes :
« 1. Définitions : Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
[…]
g) « eaux usées » : Les eaux provenant d’un cabinet d’aisances, combinées aux eaux ménagères;
h) « élément épurateur » : Un ouvrage destiné à répartir l’effluent d’un système de traitement primaire ou secondaire en vue d’en compléter l’épuration par infiltration dans le terrain récepteur;
[…]
n) « fosse de rétention » : Un réservoir étanche destiné à emmagasiner les eaux d’une toilette à faible débit, d’une toilette chimique ou les eaux ménagères avant leur vidange;
o) « fosse septique » : Un système de traitement primaire constitué d’un réservoir destiné à recevoir les eaux usées ou les eaux ménagères;
[…]
u) « résidence isolée » : Une habitation unifamiliale ou multifamiliale comprenant six chambres à coucher ou moins; »
[…]
x) « terrain récepteur »: la partie du terrain naturel destinée à recevoir un dispositif d’évacuation, de réception ou de traitement des eaux usées, des eaux ménagères ou des eaux de cabinet d’aisances; »
[372] Le RETEU établit donc les normes pertinentes à l’analyse d’une demande d’émission d’un permis relatif à la construction, la rénovation, la modification, la reconstruction, le déplacement ou l’agrandissement d’une installation d’évacuation, de réception ou de traitement des eaux usées desservant un bâtiment ou un lieu visés par l’article 2, dont une « résidence isolée ».
[373] La démonstration du respect des normes imposées par le RETEU est par ailleurs assujettie à la fourniture, avec la demande de permis formulée à l’instance municipale concernée, d’une étude de caractérisation du site ou du terrain naturel en cause. Cette étude doit traiter de la topographie du site, de la pente du terrain, du niveau de perméabilité de son sol récepteur, et comporter un plan démontrant la localisation prévue des parties du dispositif d’évacuation, de réception ou de traitement des eaux usées[228].
[374] Le RETEU prévoit de plus à sa section III.1 certaines normes de localisation des systèmes de traitement d’eaux usées, notamment les distances minimales à respecter entre un système de traitement, ou toute partie d’un tel système, selon qu’il est étanche ou non, et un lac ou cours d’eau[229].
[375] En somme, l’objet du RETEU est l’encadrement général de l’évacuation et du traitement des eaux usées au moyen de normes visant la conception, l’implantation (topographie et pente du terrain récepteur), l’emplacement et l’entretien des systèmes d’évacuation et de traitement des eaux usées, notamment celles en provenance d’habitations unifamiliales ou multifamiliales comprenant six chambres à coucher ou moins.
5.8.2.3 L’objet du RCI 2016-74
[376] Le Tribunal souligne ici d’emblée que les objections soulevées par les procureurs des demanderesses aux questions posées par les procureurs de la CMQ à certains de leurs témoins concernant l’objet du RCI 2016-74 sont maintenues.
[377] D’une part, le conseil de la CMQ a formulé l’objet du RCI 2016-74 à son article 1.1.1 et un représentant de la CMQ, ne faisant au surplus pas partie de son conseil, ne saurait être admis à tenter de le reformuler. D’autre part, compte tenu de la question en litige la détermination de l’objet du RCI 2016-74, ou de certaines de ses dispositions, relève du Tribunal. En tentant d’interpréter ou de déterminer l’objet du règlement en litige, les témoins ordinaires s’immiscent dans la tâche du juge du fond et leur témoignage à ce sujet, d’opinion au surplus, et les questions posées à cette fin par les procureurs de la CMQ sont illégales. Même un témoin expert n’est pas admis à témoigner sur l’interprétation à donner à un règlement municipal[230].
[378] Rappelons d’abord l’objet du RCI 2016-74 tel qu’expressément énoncé à son article 1.1.1 :
« 1.1.1 Objet
Le présent règlement a pour but d’imposer des restrictions supplémentaires aux interventions humaines dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la Rivière Saint-Charles et la Rivière Montmorency notamment afin de protéger les sources d’eau potable et de ne pas compromettre la réflexion d’aménagement en cours dans le cadre de la révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté. »
(Le Tribunal souligne)
[379] Rappelons aussi que la définition de ce qu’est une « intervention » est formulée comme suit à l’annexe 4 du règlement :
« Toute forme d’activités humaines se traduisant par une construction, un ouvrage ou des travaux. »
[380] Compte tenu de sa facture générale, trois commentaires s’imposent concernant la formulation de l’objet du RCI 2016-74 à son article 1.1.1.
[381] D’abord, l’objet déclaré du règlement « … afin de ne pas compromettre la réflexion d’aménagement en cours dans le cadre de la révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté » est d’une utilité discutable et frise à certains égards le pléonasme ou la redondance sur le plan légal. En effet, compte tenu du libellé de la loi c’est le propre de tout règlement de contrôle intérimaire d’être adopté par une instance municipale afin d’éviter que ne soit compromise la réalisation, la modification ou la révision de l’outil principal de développement de son territoire, qu’il s’agisse du schéma d’aménagement d’une ville ou d’une MRC ou, comme en l’espèce, du PMAD d’une communauté métropolitaine. Les auteurs le reconnaissent d’ailleurs d’emblée[231]. L’identification de cet objet nous écarte donc de l’examen central à effectuer afin d’identifier l’idée maîtresse du RCI 2016-74.
[382] Deuxièmement, en retranchant cet objet superflu et en le considérant globalement, le Tribunal est d’avis que l’objet véritable du RCI 2016-74 est plus adéquatement défini à son article 1.1.1 si on intervertit son libellé de la façon suivante :
Le présent règlement a pour but de protéger les sources d’eau potable dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la Rivière Saint-Charles et la Rivière Montmorency en y imposant des restrictions supplémentaires aux interventions humaines.
[383] Troisièmement, l’usage du terme « notamment » dans le libellé de l’objet du RCI 2016-74 soulève davantage de questionnements concernant son objet qu’il ne nous aide à le cerner. D’une part, il dénote une intention de la CMQ de conférer une large portée à son règlement de contrôle intérimaire, quoiqu’indéfinie. D’autre part, on chercherait à dégager une autre véritable idée maîtresse que celle de protection des sources d’eau potable dans les bassins versants en litige ou aux trois (3) prises d’eau en litige qu’on ne pourrait y arriver. L’imposition des restrictions à la construction en litige est plutôt le moyen identifié pour tenter d’y arriver. En fait, on aurait voulu, par l’emploi des mots, se distancer de l’objet du RPEP, ou tenté de diluer celui du RCI 2016-74 à la même fin, qu’on aurait pu le faire par l’usage de ce mot « notamment » à cet endroit dans le libellé de l’article 1.1.1.
[384] Cela étant dit, le Tribunal conclut de la lecture globale du RCI 2016-74 dans sa version en vigueur au jour de l’instruction, telle qu’elle apparaît à la codification administrative P-39, que son objet est essentiellement de protéger les sources d’eau potable sur son territoire, plus précisément dans les bassins versants des prises d’eau installées dans les rivières Saint-Charles et Montmorency. À cette fin, le RCI 2016-74 impose notamment des interdictions, conditions et modalités relatives à l’installation des systèmes autonomes de traitement des eaux usées dans cette partie de son territoire.
5.8.2.4 L’objet des règlements modificateurs du RCI 2010-41 nos 2016-75 et 2016-80
[385] L’objet déclaré du RCI 2010-41 à son article 1.1.1 est le suivant:
« 1.1.1 Objet
Le présent règlement a pour but de limiter et, à cette fin, de prohiber ou de régir les interventions humaines dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la Rivière Saint-Charles et la Rivière Montmorency. »
[386] Lorsque la CMQ a adopté ce règlement, le RPEP n’était pas en vigueur. Il n’est en effet entré en vigueur que près de quatre ans plus tard, soit le 14 août 2014.
[387] Comme on l’a vu, les règlements nos 2016-75 et 2016-81 n’ont apporté que des modifications restreintes, en quantité et en teneur, au RCI 2010-41.
[388] Notamment parce qu’ils ont été adoptés, dans le cas du RCI 2016-75, le même jour que le RCI 2016-74 même et, dans le cas du RCI 2016-81, le même jour que le règlement modificateur du RCI 2016-74 no 2016-80, le tout dans un exercice de cohésion inter-règlementaire, le Tribunal conclut que l’objet des règlements 2016-75 et 2016-81 est aussi la protection des sources d’eau potable sur le territoire de la CMQ, plus précisément dans les bassins versants des prises d’eau installées dans les rivières Saint-Charles et Montmorency.
5.8.3 Application des principes
5.8.3.1 L’objet du RCI 2016-74 et de ses règlements modificateurs en litige vs l’objet du RPEP
[389] Le Tribunal conclut que le RCI 2016-74 et ses règlements modificateurs en litige visent le même objet, mais sur un territoire plus restreint, que celui du RPEP, soit la protection des sources d’eau potable à des fins de consommation humaine.
[390] Bien qu’à certains égards les moyens utilisés sont différents, deux observations s’imposent.
[391] D’abord, pour
les fins d’application de l’article
[392] Le Tribunal déclarera donc inopérant le RCI 2016-74 aux conclusions du présent jugement.
5.8.3.2 L’objet du RCI 2016-74 et de ses règlements modificateurs en litige vs l’objet du RETEU
[393] Il n’est pas dénué
de pertinence de rappeler d’emblée que la CMQ avait dûment requis l’approbation
ministérielle suivant l’article
[394] Dans son avis d’approbation publié à la Gazette officielle du 20 novembre 2010[232] le Ministre confirmait son approbation du RCI 2010-41, à l’exception toutefois de certaines de ses dispositions, dont l’article 4.1.1 inclus précisément à la section relative aux constructions desservies par un système de traitement des eaux usées.
[395] La CMQ a encore
requis l’approbation du Ministre suivant l’article
[396] L’avis
d’approbation ministériel de ce règlement[234]
permet lui aussi de constater qu’un règlement de la CMQ qui vise simplement à
compléter une disposition du RETEU est assujetti au mécanisme d’approbation
préalable du Ministre prévu à l’article
[397] La CMQ n’a
toutefois pas requis l’approbation du Ministre suivant l’article
[398] Or, bien qu’elle ait été transmise à un représentant du MAMOT, la lettre du 7 avril 2016 de la directrice régionale de l’analyse et de l’expertise de la Capitale Nationale et Chaudière-Appalaches du Ministère permet de confirmer les interrogations qu’avait le Ministre à l’égard de certaines dispositions du RCI 2016-74, compte tenu de la règlementation provinciale en matière environnementale, non précisée par ailleurs:
« Objet : Avis du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) relativement au règlement 2016-74 adopté par la Communauté métropolitaine de Québec
Monsieur,
Conformément à la demande de monsieur [X], de votre direction, en date du 21 mars 2016, nous avons pris connaissance du Règlement cité en objet. Ce règlement vise à imposer des restrictions supplémentaires aux interventions humaines dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec installées dans la Rivière Saint-Charles et la Rivière Montmorency.
Ce règlement respecte les orientations gouvernementales relevant du MDDELCC. (…) Nous constatons également que certaines dispositions de ce règlement semblent porter sur le même objet que certains règlements adoptés en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Rappelons que les règlements, adoptés en vertu de la LQE, prévalent sur tout règlement municipal portant sur le même objet, à moins que le règlement municipal ne soit approuvé par le Ministre. »[235]
(Les soulignements et les caractères gras sont du Tribunal)
[399] Questionné lors
de l’instruction sur les raisons pour lesquelles la CMQ n’a pas requis
l’approbation ministérielle suivant l’article
[400] La décision de la
CMQ de requérir l’approbation ministérielle suivant l’article
[401] L’interprétation
qu’a faite la CMQ du RCI 2010-41, et de son règlement 2013-67, l’ayant amenée à
conclure que l’approbation ministérielle était requise suivant l’article
[402] Comme le réitérait récemment la Cour d’appel dans l’affaire Bouchard c. Ville de Magog[236], en matière d’interprétation d’un règlement municipal le juge d’instance est bien fondé de considérer l’interprétation que fait l’instance municipale concernée de son propre règlement. Bien que cette interprétation ne le lie pas, il peut en tenir compte et ce, en raison de la nécessité d’assurer la stabilité en matière d’interprétation de la réglementation municipale[237].
[403] À titre d’illustration
des identités d’objet entre le RCI 2016-74 et le RETEU, de l’incertitude qu’ils
peuvent créer pour les justiciables et de la nécessité en conséquence d’obtenir
l’approbation du Ministre suivant l’article
[404] Compte tenu des principes applicables et de la preuve administrée, le Tribunal conclut que les dispositions du RCI 2016-74 concernant les ISA et leurs conditions d’installation visent de façon au moins implicite le même objet que le RETEU.
[405] Le Tribunal les déclarera donc inopérantes aux conclusions du présent jugement.
5.8.3.3 L’objet des règlements modificateurs du RCI 2016-41 nos 2016-75 et 2016-81 vs l’objet du RPEP et du RETEU
[406] Comme l’a
souligné la Cour d’appel dans Saint-Michel-Archange (Municipalité de) c.
2419-6388 Québec inc.[240],
un règlement municipal est inopérant au terme de l’article
[407] En l’espèce,
bien que le RPEP n’était pas en vigueur lorsque la CMQ a adopté le RCI 2010-41,
et qu’elle n’avait donc évidemment pas à requérir à ce moment l’approbation
ministérielle suivant l’article
[408] Compte tenu des conclusions précitées du Tribunal concernant l’objet du RCI 2010-41 et de ces deux (2) règlements,[242] ces derniers seront déclarés inopérants aux conclusions du présent jugement vu leur identité d’objet avec le RPEP.
[409] Leurs brèves dispositions n’ayant par ailleurs rien à voir avec les systèmes de traitement des eaux usées, l’objet du RETEU ne pose pas obstacle à ce qu’elles soient opérantes.
[410] Sous réserve des conclusions du Tribunal sur les arguments de nullité et pour conclure cette section sur les arguments des demanderesses concernant le caractère inopérant des règlements en litige, et pour paraphraser le juge Beauregard dans Gestion Raymond Denis c. Val-Bélair (Ville de)[243], la CMQ n’est pas sans recours : elle conserve la possibilité, en application de l’article 124, de tenter de les faire approuver par le Ministre.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[411] ACCUEILLE PARTIELLEMENT le pourvoi en contrôle judiciaire;
[412] DÉCLARE NUL
le segment suivant de l’article
« 1.1.3 Territoire d’application
Le présent règlement s’applique dans le bassin versant de la prise d’eau installée dans la Rivière Saint-Charles identifié sur la carte jointe à la présente comme Annexe 1 et à celui des prises d’eau installées dans la Rivière Montmorency, identifié sur la carte jointe à la présente comme Annexe 2. »
[413] DÉCLARE NULS, quant à leur application dans le bassin versant de la prise d’eau installée dans la Rivière Saint-Charles, les articles suivants du Règlement no 2016-74 de la défenderesse Communauté métropolitaine de Québec[244] :
-
Articles 2.2.1, 2e alinéa, par. 5., 6., 3.2.2, 3.5.1, 4.2.2
dans ses segments référant aux pentes des plateaux naturels, les segments de la
section 4.3.B concernant « les classes de pentes », « l’ensemble des surfaces
naturelles existantes à conserver », les segments de la section 4.3.C relatifs
aux pentes des plateaux naturels, l’article 4.5.1, l’article 6.2.2, l’article
6.3.3, 2e alinéa, pars. 4. et 5., l’article 6.5.1, l’article 7.2.2,
l’article 7.3.2, l’article 7.3.3, 2e alinéa, pars. 4. et 5.,
l’article 7.5.1, le segment « sous réserve des sections
[414] DÉCLARE INOPÉRANTS les articles suivants du Règlement no 2016-74 de la défenderesse Communauté métropolitaine de Québec[245] :
- au motif qu’ils visent le même objet que le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection: tous les articles du Règlement 2016-74;
- au motif qu’ils visent le même objet que le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées : les articles 2.1.2, alinéa 1 concernant son segment « … et, le cas échéant, le système autonome de traitement des eaux usées … », alinéa 2 concernant son segment « … et, le cas échéant, le système autonome de traitement des eaux usées … », l’article 4.2.1, premier alinéa, par. 2, concernant son segment : « un terrain peut être desservi par un système autonome de traitement des eaux usées, pour une construction principale projetée, exceptionnellement s’il a fait l’objet d’une opération cadastrale enregistrée au Registre foncier du Québec en date du 20 octobre 2016 ou s’il a fait l’objet d’une rénovation cadastrale et conforme à la réglementation en vigueur », l’article 4.2.2, concernant tous ses segments débutant par « pour un terrain desservi par un système autonome de traitement des eaux usées, il doit : … », l’article 6.2.1, premier alinéa, par. 2, alinéas 2 et 3, l’article 7.2.1, par. 2, alinéa 2, concernant son segment « … ou de contrôle intérimaire portant sur le même objet » dans la mesure où il vise le RCI 2016-74, l’article 7.2.1, alinéa 1, par. 2, alinéa 3.
[415] DÉCLARE inopérants les règlements 2016-75 et 2016-81 de la défenderesse Communauté métropolitaine de Québec compte tenu de leur identité d’objet avec le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection.
[416] AVEC LES FRAIS DE JUSTICE en faveur des demanderesses.
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__________________________________ MICHEL BEAUPRÉ, j.c.s. |
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Me Pierre Duquette Me Mélissa Devost Norton Rose Fulbright Canada Casier 92 |
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Pour la Municipalité de Lac-Beauport |
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Me Jacques Larochelle Jacques Larochelle Avocat Casier 139 |
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Pour la Municipalité des Cantons Unis de Stoneham-et-Tewkesbury |
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Me Nicolas Gagné Gravel Bernier Vaillancourt Casier 95 |
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Pour la Communauté métropolitaine de Québec |
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Me Patricia Blair Lavoie Rousseau (Justice-Québec) Casier 134 |
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Pour la Procureure générale du Québec |
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Dates d’audience : |
18, 19, 20, 21 et 25 septembre 2017, réouverture des débats sur une question de droit le 6 décembre 2017 et réception des représentations écrites supplémentaires des parties le 19 janvier 2018 |
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[1] Rapport D-10 du 15 mars 2016 de la Commission d’environnement intérimaire de la CMQ, p. 1.
[2] Id., p. 5-6; l’agglomération de Québec comprend la Ville de Québec et les villes non fusionnées de l’Ancienne-Lorette et de Saint-Augustin-de-Desmaures, elles aussi membres de la CMQ.
[3] Copie de ce règlement a été produite comme pièce P-10.
[4] Id., art. 2.1.1
[5] La zone 2 comprend une sous-zone 2S.
[6] L’«eau brute » désigne l’eau provenant du milieu naturel, de surface ou sous-terraine, qui n’a subi aucun traitement et qui alimente, via une prise d’eau, une usine de production d’eau potable (voir Plan de protection des sources d’eau potable sur le territoire métropolitain de Québec daté du 22 novembre 2015, pièce D-9, 5e et 6e pages).
[7] Copie de ce règlement RCI 2010-41 a été produite comme pièce P-3, art. 1.1.1 quant à son objet.
[8] RCI 2016-74 P-10, art. 1.1.6.
[9] RLRQ, c. Q-2.
[10] RLRQ, c. Q-2, r. 35.2.
[11] RLRQ, c. Q-2, r. 22.
[12] RLRQ, c. A-19.1.
[13] Allégation contenue à la défense orale modifiée de la CMQ du 7 septembre 2017.
[14] RLRQ, c. D-8.1.1; le principe de « précaution » est énoncé comme suit au paragraphe 6 j) de la LDD : « lorsqu’il y a un risque de dommage grave ou irréversible, l’absence de certitude scientifique complète ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir une dégradation de l’environnement ».
[15] Association pour la protection de l’environnement du Lac Saint-Charles et des Marais du Nord (APEL), Diagnose du Lac Saint-Charles 2012, dont copie a été produite comme pièce D-1, p. 12.
[16] Id., p. 14.
[17]
Notamment dans l’affaire Wallot c. Québec (Ville)
[18] RCI 2016-74 P-10, art. 1.1.3
[19] Suite à une objection des procureurs des demanderesses à ce témoignage de Morneau, d’une part parce qu’il ne pouvait témoigner à titre d’expert, et d’autre part parce que les « études » en question n’étaient pas précisées et n’avaient pas été communiquées, ni produites, le procureur de la CMQ a confirmé au Tribunal qu’aucune valeur probante ne devait être attribuée à cet extrait du témoignage de Morneau quant à la teneur des « études » en question, sauf à retenir que dans le cadre de son mandat pour la CMQ Morneau savait que ces études existaient et qu’il en avait pris connaissance.
[20] D-1 (Diagnose du Lac Saint-Charles 2012, précitée supra note 15); D-2 (rapport de la firme de consultants Roche, intitulé État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles, daté du 5 juin 2014); D-3 (Suivi du Lac Saint-Charles, Bilan des campagnes 2011 à 2013, préparé par l’APEL); D-5 et D-6 (bulletins d’informations automne 2015 de l’APEL, dossier spécial sur l’état du Lac Saint-Charles); D-7 et D-8 (bulletins d’informations de l’APEL de novembre 2015, Introduction aux enjeux de la prise d’eau potable de la Rivière Saint-Charles).
[21] Richard CARIGNAN, Évaluation du rapport Diagnose du Lac Saint-Charles, pièce P-31, p. 12.
[22] Ibid.
[23] Ibid.
[24] État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles D-4, 2e page, et contre-interrogatoire du témoin Morneau à l’instruction.
[25] État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles - plan d’action 2014 pour la mise en œuvre des recommandations D-2 de Roche, p. 38, dernier par.
[26] État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles D-4, 1ère page, sous la rubrique « RÉSULTATS OBTENUS ».
[27] Rapport de l’expert Pierre Bertrand, Opinion sur le fondement scientifique de quelques restrictions incluses dans le RCI 2016-74 (CMQ), produit par les demanderesses, daté du 24 novembre 2016, p. 12
[28] État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles D-4, 1ère page, sous la rubrique « RÉSULTATS OBTENUS ».
[29] OBV-Charlevoix - Montmorency, L’enjeu de la qualité de l’eau des bassins versants des prises d’eau potable de la Côte-de-Beaupré, 23 mars 2016, pièce D-17, p. 5.
[30] Id., p. 6.
[31] Pièce D-10; madame Daniele a confirmé que ce rapport de « mars 2016 » date plus précisément du 15 mars.
[32] LQ, c. C-37.02.
[33] Ces 28 collectivités membres sont identifiées à l’annexe A de la LCMQ
[34] Loi sur la communauté métropolitaine de Québec, précitée supra note 1, arts 5 et 27.
[35] Id., art. 4.
[36] Id., art. 41.
[37] Id., art. 46.
[38] Précité supra, note 25.
[39] Rapport de l’expert Pierre Bertrand, Opinion sur le fondement scientifique de quelques restrictions incluses dans le RCI 2016-74 (CMQ) du 24 novembre 2016, produit par les demanderesses, p. 6.
[40] RCI 2016-74, pièce P-10, art. 1.1.6
[41] LAU, précitée note 12, art. 2.23.
[42] Id, art. 2.24, par. 2o.
[43] Id., par. 7o.
[44] Id., art. 2.26.
[45] Bâtir 2031, structurer, attirer, durer, Le Plan métropolitain d’aménagement et de développement du territoire de la Communauté métropolitaine de Québec, dont copie a été produite comme pièce P-5.
[46] Id., p. 101 de 188.
[47] Id., p. 107 de 188.
[48] LAU, précitée supra note 12, art. 55, al. 1.
[49] Id., art. 55, al. 2.
[50] Id., art. 56.3, al. 1.
[51] Id., art. 2.26
[52] Id., arts. 2.23 et 61 et suivants.
[53] Copie des extraits pertinents du site web du MAMOT a été produite de consentement comme pièce P-1.
[54] LAU, précitée supra note 12, arts. 71, 71.0.2, al.1, par. 2°.
[55] Pièce P-2.
[56] Pièce P-3.
[57] Id., art. 1.1.3
[58] Id., art. 3.2.10, al. 1 et 3.
[59] Id., al. 4, par. 3.
[60] Id., art. 4.1.1.
[61]
Publié à la Gazette officielle du Québec, partie 1, nov. 2010, 142e
année, no 46, p. 1324 et 1325; copie de cet avis d’approbation
ministériel n’a pas été produit en preuve lors de l’instruction; le Tribunal en
a pris connaissance d’office conformément aux articles
[62]
[63] Id., p. 195-196.
[64] Pièce P-8.
[65] Pièce P-9.
[66] Copie de cette résolution est jointe comme annexe 1 au rapport D-10 de mars 2016 de la CEI.
[67] Rapport D-10 de la CEI au conseil de la CMQ, p. 9, recommandation A).
[68] Arts. 64, al. 5, 65 et 61.1; le concept d’«orientations gouvernementales » est défini à l’article 61.1.
[69] Copies d’articles publiés dans des quotidiens de la région de Québec ont été produites comme pièces P-20 et P-21.
[70] LAU, précitée supra note 12, art. 64, al. 5 et art 65.
[71] Pièce P-10.
[72] Id., art. 1.1.3.
[73] Id., art. 2.1.1 et Annexe 4 concernant les définitions.
[74] Les cartes constituant l’annexe 3 du RCI 2016-74 ont été produites en liasse comme pièce P-46; les pages 2 de 4 et 3 de 4 de cette pièce P-46 illustrent plus précisément les zones de vulnérabilité qui nous concernent sur le territoire des demanderesses.
[75] RCI 2016-74, pièce P-10, art. 1.1.3.
[76] Id., art. 1.1.6.
[77] Id., art. 3.1.1.
[78] Id., art. 3.2.1.
[79] Ibid.
[80] Id., art. 3.2.2.
[81] Id., art. 3.5.1.
[82] Id., art. 4.2.1.
[83] Ibid.
[84] Id., art. 4.2.2.
[85] Id., art. 3.5.1.
[86] Id., art. 6.2.1.
[87] Ibid.
[88] Id., art. 5.2.1 et 6.2.2.
[89] Ibid.
[90] Id., art. 7.2.1.
[91] Ibid.
[92] Id., art. 7.2.2.
[93] Id., art. 7.5.1.
[94] Pièce P-7.
[95] Copies de ces règlements modificateurs antérieurs du RCI 2010-41 ont été produites en liasse comme pièces P-4 et P-6.
[96] Pièce P-13.
[97] Pièce P-9.
[98] Copie du règlement 2016-76 a été produite comme pièce P-12.
[99] Règlement no 2016-76, art. 1 et 2.
[100] P-33
[101] Id., art. 4, 5, 6, 7 et 12.
[102] Id., art. 7 et 12.
[103] RCI 2016-78, pièce P-33, art. 4, 5, 6, 7 et 12.
[104] Copie de ce règlement a été produite comme pièce P-35.
[105] R.C.I. 2016-80, art. 2.
[106] Id., art. 12.
[107] Id., art. 14.
[108] Id., art. 3.
[109] Id., art. 9.
[110] Id., art. 13.
[111] Pièce P-32.
[112] Pièce P-38.
[113] Id., art. 6, 9 et 10;
[114] Pièce P-40.
[115] Transcription de l’enregistrement de l’interrogatoire préalable de Gendron, pp 128 à 132.
[116] Copie des notes personnelles utilisées par monsieur Gendron lors de son témoignage à l’instruction a été produite comme pièce P-49.
[117] Rapport de l’expert Bertrand, Opinion sur le fondement scientifique de quelques restrictions incluses dans le RCI-2016-74 (CMQ), précité supra note 39, p. 3.
[118] Pièce D-13.
[119] Rapport de l’expert Bertrand, p.26.
[120] Id. p. 21-22.
[121] RCI 2010-41, pièce P-3, par exemple arts. 3.2.5 et 3.2.10, et règlement modificateur 2010-44, pièce P-4, art. 35, définition de « Secteur de forte pente »
[122] Par exemple la granulométrie du sol, sa prédominance argileuse ou non ou sa prédominance sableuse … etc.
[123] Rapport de l’expert Bertrand, p. 26 et témoignage de l’expert Bertrand à l’instruction.
[124] Les pourcentages de couverture végétale minimale prévus au RCI 2010-41 et ses règlements modificateurs variaient de 5% à 35%, selon la superficie du terrain (règlement 2010-44, pièce P-4, art. 26).
[125] Rapport de l’expert Bertrand, p. 14, 15 et 16.
[126] Rapport de l’expert Bertrand, p.24
[127] Sur la description d’une installation septique autonome, voir le rapport de l’expert Bertrand, p. 17 et 18.
[128] Précité supra, note 12.
[129] Ibid.
[130] Rapport du 20 mars 2017 de l’expert Rousseau, p. 1.
[131] Précitée supra, note 14.
[132] Id., p. 5.
[133] Document de présentation P-53, 19e page non numérotée.
[134]
Yale Properties Ltd c. Ville de Beaconsfield,
[135] « Les dispositions de la présente loi visent la protection de l’environnement de même que la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la loi. »
[136]
[137]
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,
[138] Id., par. [51] et [54].
[139] Id., par. [51] et [53]
[140]
[141] Id., par. 7.
[142]
Unifor, section locale 174 c. Cascades groupes papiers fins inc.,
division Rolland,
[143]
[144]
Entreprises Sibeca inc.. c. Frelighsburg (Municipalité de),
[145]
Procureure générale du Québec (Ministère du Développement durable, de
l’Environnement, de la Faune et des Parcs) c. 3563308 Canada inc.
(Héritage Terrebonne),
[146] Précité supra, note 144.
[147]
Développements Lorraine-Baron inc. c. Saint-Lazare (Ville de),
[148] Domaine Clermont c. Ville de Charlesbourg, 1988 CanLII 1290 (QC CA), p. 9 de 10 de l’opinion de monsieur le juge Nichols à laquelle ont souscrit les juges Bernier et Chevalier.
[149] Entreprises Sibeca inc.. c. Frelighsburg (Municipalité de), précité note 144.
[150] Lorne GIROUX et Isabelle CHOUINARD, L’articulation du régime d’aménagement établi par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, dans Droit public et administratif, Collection de droit 2017-2018, École du Barreau du Québec, vol. 8, 2017, EYB 2017 CDD 336, p. 16.
[151]
[152] Précité supra note 134.
[153] Id., par. [136].
[154] Ibid.
[155]
[156] Id., par. [2].
[157] Ibid.
[158]
White c. Chateauguay (Ville),
[159]
Arts.
[160]
Voir par exemple Plamondon c. St-Raymond (Ville),
[161]
Bélanger c. Robert, C.S. Québec,
[162]
Raymond c. Raymond,
[163]
Voir notamment 2842-1733 Québec inc. c. Allstate du Canada,
[164]
St-Jean c. Mercier,
[165] Id., par. 56
[166] État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles, Plan d’action 2014 pour la mise en œuvre des recommandations, 5 juin 2014, pièce D-2, p. 38 et Résumé/suivi D-4 de l’État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la Rivière Saint-Charles de novembre 2015, 2e page.
[167] Catalyst Paper Corp. C. North Cowichan (District), précité supra note 140, par. [18].
[168] Id. par. [19]
[169] Précité supra note 143.
[170] Id., par. [47].
[171]
Voir notamment les par. [124] à [127] du jugement de première instance :
Iredale c. Mont-Tremblant (Ville de),
[172] Voir l’arrêt de la Cour d’appel, par. [71] et note de bas de page 39.
[173] Précité supra note 158.
[174] Id., par. [69] et [107].
[175] Id., par. [68], [100] et [105].
[176] 1996 CanLII 6124 (QC CA).
[177] Id., p. 4 et 6.
[178] Id., p. 7.
[179] Id., p. 8.
[180] Id., p. 7.
[181]
Voir par exemple 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c.
Hudson (Ville),
[182] Ibid.
[183] Id., par. [31].
[184] Précité note 181.
[185] Id., p. 135.
[186] Id., p. 132.
[187] Jérémy D. FRAIBERG et Michael J. TREBILCOCK, Risk Regulation: Technocratic and Democratic Tools for Regulatory Reform, 1998 (43 McGill Law Journal), 835, version disponible sur LexisNexis, p. 8 de 39.
[188] Ibid.
[189] Précité supra note 14.
[190] John MOFFET, Legislative Options for Implementing the Precautionary Principle, 7 Journal of Environmental Law and Practice, 157, 166.
[191] Précité supra note 143.
[192] Précité supra note 17.
[193] Id., par. [9], [11] et [59].
[194] Lorne GIROUX et Isabelle CHOUINARD, L’articulation du régime d’aménagement établi par la Loi sur l’aménagement et de l’urbanisme, précité note 150, p. 11.
[195] Ibid.
[196] LAU, précitée supra note 12, arts 71.02 et 58.
[197] Lorne GIROUX et Isabelle CHOUINARD, L’articulation du régime d’aménagement établi par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, précité supra note 206, p. 16.
[198] Allégations contenues aux par. 23 et 115 de la demande modifiée du 17 août 2017 et admissions contenues à la défense orale modifiée du 7 septembre 2017.
[199] Précité supra note 45.
[200] Allégation contenue au par. 25 de la demande modifiée, et admission contenue à la défense orale modifiée du 7 septembre 2017.
[201] Allégation contenue au par. 28 de la demande modifiée, et admission contenue à la défense orale modifiée du 7 septembre 2017.
[202] Pièce P-32.
[203] Lorne GIROUX et Isabelle CHOUINARD, L’articulation du régime d’aménagement établi par la Loi sur l’aménagement et de l’urbanisme, précité note 150, p. 16
[204] RLRQ, c. C-47.1.
[205] LQE, art. 1, premier alinéa, paragraphe 10o.
[206] Précité supra note 151.
[207] Id., p. 891
[208] Ibid.
[209] Ibid.
[210] Ibid.
[211] Id., p. 892 (voir au même effet Lorne GIROUX, Problèmes de localisation des sites d’enfouissement sanitaire, dans Développements récents en droit de l’environnement (1992), Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Éd. Yvon Blais, p. 227, 236-237).
[212] Ibid.
[213]
Ibid; voir aussi Pétrolia inc. c. Gaspé (Ville de),
[214] Pétrolia inc. c. Gaspé (Ville de), précité supra note 211, par. [83].
[215]
[216] Id., p. 6 (opinion de monsieur le juge Beauregard pour la Cour).
[217]
Id., p. 7; pour une application de ce principe de l’objet « implicite » d’un
règlement provincial en matière environnementale, voir 4410912 Canada inc.
c. Saint-Télésphore (Municipalité de la paroisse de),
[218] Précité supra note 143
[219]
SOQUIJ,
[220] Id., p. 15.
[221] Précité supra note 10
[222] RPEP, art. 69.
[223] RPEP, art. 70.
[224] RPEP, art. 72.
[225] RPEP, art. 74.
[226] RPEP, art. 71, al. 2, par. 1o.
[227] RLRQ, c. Q-2, r. 22.
[228] Art. 4.1, alinéa 1, par. 4o et 5o du Règlement.
[229]
Art.
[230]
9023-0812 Québec inc. c. 9245-8678 Québec inc.,
[231] Lorne GIROUX et Isabelle CHOUINARD, L’articulation du régime d’aménagement établi par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, précité supra note 150, p. 15.
[232] Pièce P-18.
[233] Pièce P-6, en liasse.
[234] Pièce P-19.
[235] Pièce P-30.
[236]
[237]
Id., par. [43], citant avec approbation l’arrêt de la Cour dans Cayouette
c. Boulianne,
[238] Codification administrative P-39 du RCI 2016-74, art. 6.2.1, al. 1, par. 2, 3e al.
[239] Art. 7.2 d) du RETEU.
[240] Précité supra note 204.
[241] Id. p. 891.
[242] Voir plus avant, par. [385] à [388].
[243] Précité supra note 213.
[244] Le Tribunal réfère à la numérotation des articles de la codification administrative P-39 du RCI 2016-74 dans sa version existante lors de l’instruction.
[245] Ibid.
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