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Union des consommateurs c. Air Canada

2025 QCCA 480

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030343-222

(500-06-000513-107)

 

DATE :

22 avril 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

GUY COURNOYER, J.C.A.

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 

 

UNION DES CONSOMMATEURS

APPELANTE – demanderesse

et

MICHAEL SILAS

APPELANT – personne désignée

c.

 

AIR CANADA

INTIMÉE – défenderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

MIS EN CAUSE – mis en cause

et

PRÉSIDENTE DE L’OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

MISE EN CAUSE – intervenante

 

 

ARRÊT

 

 

  1.                 Les appelants Union des consommateurs et Michael Silas se pourvoient contre un jugement rendu le 10 novembre 2022 par la Cour supérieure (l’honorable Karen M. Rogers), lequel rejette une action collective entreprise contre Air Canada.
  2.                 Pour les motifs de la juge Harvie, auxquels souscrivent les juges Gagné et Cournoyer, LA COUR :
  3.                 ACUEILLE en partie l’appel, avec les frais de justice;
  4.                 INFIRME le jugement de première instance et, procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu, REMPLACE le dispositif de ce jugement par le suivant :

[195] ACCUEILLE en partie l’action collective;

[196] CONDAMNE Air Canada à payer aux membres du groupe une somme de 10 M$ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec les intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à partir du 22 avril 2025 et en ORDONNE le recouvrement collectif des réclamations des membres;

[197] Avec les frais de justice contre Air Canada;

  1.                 ORDONNE que le dossier soit retourné en Cour supérieure afin qu’elle procède à la liquidation individuelle.

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

GUY COURNOYER, J.C.A.

 

 

 

 

 

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 

Me Peter Shams

HADEKEL SHAMS

Me Jared Will

JARED WILL, AVOCAT

Me Cory Verbauwhede

Me Bruno Grenier

GRENIER VERBAUWHEDE AVOCATS

Pour Union des consommateurs et Michael Silas

 

Me Simon Jun Seida

Me Anthony Cayer

Me Andréa Daigle

BLAKE, CASSELS & GRAYDON

Pour Air Canada

 

Me Samuel Chayer

Me Francis Durocher

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Pour le procureur général du Québec

 

Me Marc Migneault

Me Léa Denicourt-Fauvel

ALLARD, SIMARD, AVOCATS

Pour la Présidente de l’Office de la protection du consommateur

 

Date d’audience :

29 avril 2024


 

 

MOTIFS DE LA JUGE HARVIE

 

 

  1.                 Le présent pourvoi porte sur l’application de l’article 224 al. 1c) de la Loi sur la protection du consommateur[1]  LPC » ou « Loi sur la protection du consommateur ») à l’intimée Air Canada, lequel interdit d’exiger d’un consommateur un prix supérieur à celui annoncé pour un bien ou un service, et sur la réparation appropriée pour la violation de cette disposition.

CONTEXTE

  1.                 À la fin de juin 2010, une modification à l’article 224 LPC entre en vigueur, laquelle ajoute une précision par rapport au paragraphe c) du premier alinéa :

224. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut par quelque moyen que ce soit :

[…]

c) exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui annoncé.

 

Aux fins du paragraphe c du premier alinéa, le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l’obtention du bien ou du service. Toutefois, ce prix peut ne pas comprendre la taxe de vente du Québec, ni la taxe sur les produits et services du Canada. Le prix annoncé doit ressortir de façon plus évidente que les sommes dont il est composé.

224. No merchant, manufacturer or advertiser may, by any means whatever,

[…]

c) charge, for goods or services, a higher price than that advertised.

 

For the purposes of subparagraph c of the first paragraph, the price advertised must include the total amount the consumer must pay for the goods or services. However, the price advertised need not include the Québec sales tax or the Goods and Services Tax. More emphasis must be put on the price advertised than on the amounts of which the price is made up.

[Soulignements ajoutés]

  1.                 Le premier alinéa de l’article 91.8 du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur[2]  Règlement »), qui entre en vigueur quelques jours plus tard, apporte des précisions au sujet de cette disposition :

91.8. Le commerçant, le fabricant ou le publicitaire est exempté de l’obligation, découlant du deuxième alinéa de l’article 224 de la Loi, d’inclure dans le prix annoncé les droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale lorsque, en vertu de cette loi, ces droits doivent être perçus directement du consommateur pour être remis à une autorité publique.

[…]

91.8. The merchant, manufacturer or advertiser is exempt from the obligation arising from the third paragraph of section 224 of the Act to include, in the advertised price, the duties chargeable under a federal or provincial Act where, under that Act, the duties must be charged directly to the consumer to be remitted to a public authority.

 

[…]

  1.                 Ces modifications visent à enrayer la décomposition du prix annoncé, soit la pratique commerciale qui consiste à annoncer un bien ou un service à un prix n’incluant pas la totalité du montant que devra verser le consommateur au moment du paiement, sauf exception spécifiquement prévue, telles les taxes remises aux autorités publiques en vertu d’une loi fédérale ou provinciale.
  2.            Air Canada œuvre dans le domaine du transport aérien et vend des billets d’avion pour des destinations à travers le monde, notamment par l’entremise de son site Internet. Malgré l’entrée en vigueur de cette modification apportée à la LPC, elle maintient sa pratique d’annoncer d’abord aux consommateurs uniquement le prix de base des vols, sans inclure les divers frais, charges, surcharges (collectivement les « Frais »)[3] et taxes qu’elle exige ensuite pour l’acquisition du titre de transport, lesquels incluent des taxes nationales (« Taxes visées par l’exemption »)[4], mais également internationales[5].
  3.            Deux semaines après l’entrée en vigueur du nouvel article 224 LPC, Michael Silas, personne désignée dans le cadre de l’action collective, consulte le site Internet d’Air Canada afin d’acquérir un billet aller-retour à partir de Montréal à destination de Fort Lauderdale en Floride. Après la sélection des aéroports et des dates de voyage, il doit franchir trois étapes de navigation. À la première étape, dont la page s’intitule « Select flights », apparaît un avis en haut de page se lisant ainsi : « All fares displayed on this page are in Canadian dollars, per person for each way, and do not include taxes, fees or some other charges. Learn more »[6]. Selon la sélection effectuée des dates de voyage, la page offre plusieurs vols pour le transport, selon différentes modalités (heures, catégories, avec ou sans correspondance). Pour chaque choix, Air Canada annonce un prix qui n’inclut que le tarif de base. M. Silas clique l’option « Tango plus » qui annonce un vol direct à 149 $ pour l’aller et autant pour le retour.
  4.            À la deuxième étape, sur une autre page Internet intitulée « Review Flight details », Air Canada accorde un délai pour accepter les modalités et l’avis suivant se trouve en haut de la page :

The grand total shown includes all taxes, fees, fuel surcharges where applicable and other charges. Fares shown are the best available uniform rates at this time for the number of tickets requested and the selected travel times and fates. Fares are not guaranteed until you purchase your ticket.[7]

On rappelle le détail de l’itinéraire choisi en donnant les vols sélectionnés, puis les renseignements suivants s’affichent quant au prix exigé :

Fare Summary - VIEW QUOTE DETAILS[8]

Total charge for 1 adult

Departing Flight (Tango plus) 149.00

Returning Flight (Tango plus) 149.00

Options 0.006

Taxes, fees, charges and surcharges 124.46

Grand Total - Canadian dollars $422.46 CAD[9]

[Caractères gras dans l’original]

Les conditions générales de transport s’affichent à la suite, suivies de la mention : « By clicking on “I ACCEPT, CONTINUE” below, you confirm that you have read and accept Air Canada’s fare rules and General Conditions of Carriage above »[10].

  1.            M. Silas clique sur le bouton « I ACCEPT, CONTINUE » et passe à la troisième étape de navigation sur une page intitulée « Billing & delivery information » qui lui permet de réviser l’ensemble des informations avant de procéder à l’achat des titres de transport en fournissant ses informations financières pour le paiement. Après l’achat, M. Silas est dirigé vers une autre page du site Internet intitulée « Itinerary/Receipt », où la transaction est confirmée et l’ensemble des informations pertinentes est affiché une dernière fois.
  2.            L’Union des consommateurs considère que la pratique d’Air Canada contrevient à l’article 224 al. 1c) LPC et elle demande l’autorisation d’exercer une action collective, mais la Cour supérieure refuse de la lui accorder en septembre 2012[11]. La Cour, sous la plume de la juge Bélanger, infirme ce jugement et autorise l’action collective[12]. Elle attribue à l’Union des consommateurs le statut de représentante du groupe formé des personnes physiques suivantes :

Tout consommateur au sens de la LPC résidant au Québec au moment de l’achat, ayant acheté un titre de transport aérien d’Air Canada, entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012 (la « Période »), par l’intermédiaire de son site internet et ayant payé un prix supérieur à celui qu’Air Canada annonce sur son site internet (à la première étape), exclusion faite de la TPS, de la TVQ et des droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale lorsque, en vertu de cette loi, ces droits doivent être perçus directement du consommateur pour être remis à une autorité publique, de même que des frais optionnels, et ce, peu importe que le transport aérien ait été effectué par Air Canada, Jazz, Rapidair, un transporteur aérien membre de Star Alliance ou par un autre transporteur aérien avec ou sans partage de codes, notamment Continental Airlines; United; U.S. Airways; Lufthansa; Austrian; Brussels Airlines; Egyptair; Scandinavian Airlines; Swiss; Lot Polish Airlines; Singapore Airlines; Thai; les autres transporteurs membres de Star Alliance; British Midland International; British Airways.[13]

  1.            La juge Bélanger identifie les principales questions en litige en ces termes :
  1. Air Canada est-elle soumise à la LPC?

2. Air Canada contrevient-elle à l’article 224 c) LPC?

3. Dans l’affirmative, les membres du groupe ont-ils le droit de réclamer d’Air Canada le paiement des montants suivants?

a) Le remboursement des sommes (à l’exclusion de la TPS, de la TVQ et des droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale lorsque, en vertu de cette loi, ces droits doivent être perçus directement du consommateur pour être remis à une autorité publique, de même que des frais optionnels […]) que les membres ont déboursées pour l’obtention de leur titre de transport et qui n’étaient pas comprises dans le prix annoncé?

b) Le paiement d’une somme de 100 $, à titre de dommages punitifs.

c) Les intérêts et l’indemnité additionnelle prévus par le Code civil du Québec sur les montants susdits, à compter de la signification de la requête pour autorisation.[14]

  1.            Avant l’audience au mérite, l’Union des consommateurs modifie sa demande pour réclamer une somme globale de 10 M$ en dommages-intérêts punitifs. La Cour supérieure rend son jugement en novembre 2022[15].

JUGEMENT ENTREPRIS

  1.            La juge conclut que l’article 224 al. 1c) LPC n’a pas été respecté, mais rejette l’action au motif que, selon elle, il n’y a pas de preuve de préjudice et il n’y pas lieu d’accorder des dommages-intérêts punitifs.
  2.            En ce qui concerne la violation de l’article 224 al. 1c) LPC, la juge considère être liée par l’analyse de la Cour effectuée dans le cadre de l’autorisation de l’action collective, selon laquelle, d’une part, l’interdiction imposée par cette disposition couvre toute forme de publicité, y compris l’annonce du prix des titres dès la première étape de navigation sur le site transactionnel et, d’autre part, la nature de la pratique de commerce doit être examinée de façon objective, sans égard à l’impression générale laissée par l’annonce au consommateur[16]. Il s’agit d’une question de droit et les faits tenus pour avérés lors de la phase de l’autorisation « sont essentiellement les mêmes que ceux mis en preuve lors de l’instruction, et, au demeurant, non contestés »[17].
  3.            Elle rejette les arguments constitutionnels d’Air Canada. Elle conclut que l’article 224 al. 1c) LPC, qui relève de la compétence du législateur provincial concernant la propriété et les droits civils, n’empiète pas sur le contenu essentiel de la compétence exclusive du Parlement en matière d’aéronautique. De plus, l’application de l’article 224 al. 1c) LPC n’entrave pas l’exercice d’aspects fondamentaux ou vitaux de cette compétence par une atteinte grave ou importante.
  4.            Quant à l’argument subsidiaire fondé sur la doctrine de la prépondérance fédérale, la juge estime que l’article 224 al. 1c) LPC n’empêche pas la réalisation des objectifs de la loi fédérale applicable en matière de titres de transport aérien. D’abord, les dispositions fédérales n’excluent pas d’emblée toute intervention provinciale pouvant s’appliquer en matière de vente de billets d’avion. Ensuite, « l’absence d’un régime législatif traitant spécifiquement de la publicité des prix implique qu’il n’y a rien de potentiellement conflictuel entre les deux paliers de gouvernement »[18].
  5.            Elle se tourne vers la question de l’indemnisation et conclut que l’absence de préjudice découlant de la pratique d’Air Canada ferme la porte à une réduction des obligations des membres du groupe en application de l’article 272 LPC. Selon elle, il n’y a pas de lien rationnel entre la pratique interdite et la conclusion des contrats d’acquisition des titres de transport et, en conséquence, la présomption absolue de préjudice au sens de l’arrêt Time de la Cour suprême du Canada ne trouve pas application[19]. Elle considère qu’il n’y a pas de « proximité suffisante »[20] entre le prix annoncé et celui exigé pour l’acquisition du billet d’avion, car « la pratique interdite n’est pas “susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur relativement à la [formation] […] du contrat de consommation.” »[21]. Elle en vient à cette conclusion en se fondant, notamment, sur la mise en garde informant le consommateur dès la première étape de navigation que le prix annoncé exclut les Frais ainsi que les taxes, lesquels sont ajoutés dès la deuxième étape, avant l’achat du titre de transport. La juge ajoute que l’entreprise a respecté l’ensemble de ses obligations contractuelles auprès des consommateurs en lien avec le billet d’avion acquis et que ces derniers ne démontrent pas de préjudice permettant l’octroi de dommages-intérêts compensatoires.
  6.            Enfin, elle considère que le droit à des dommages-intérêts punitifs n’est pas établi. Selon elle, la preuve ne démontre pas une conduite marquée par l’ignorance, l’insouciance ou la négligence sérieuse de la part d’Air Canada. L’entreprise « prend des mesures concrètes afin de s’assurer que le consommateur qui navigue sur son Site Web ne soit pas induit en erreur »[22] et personne ne soutient d’ailleurs qu’un consommateur aurait été leurré lors de sa navigation sur le site Internet d’Air Canada[23]. Par ailleurs l’entreprise, qui ne se croit pas assujettie à l’article 224 al.1c) LPC sur la base de motifs constitutionnels, a modifié sa pratique en raison de l’entrée en vigueur de dispositions fédérales qui sont au même effet, avant que ne soit rendue la première décision dans le cadre de l’action collective. La juge conclut que ces dommages-intérêts ne sont donc pas requis pour dissuader la répétition du comportement.

MOYENS D’APPEL

  1.            L’Union des consommateurs porte en appel le jugement entrepris sur la question du préjudice en soulevant deux moyens. Elle plaide d’abord que la juge erre lorsqu’elle refuse d’accorder une réparation contractuelle découlant de l’infraction commise. Elle scinde ce moyen en trois questions qu’elle formule ainsi :

1. La juge de première instance erre-t-elle en droit en appliquant le test à quatre critères de l’arrêt Time à l’art. 224 c) ou, subsidiairement, aurait-elle dû conclure que le quatrième critère de ce test est toujours rencontré pour cet article lorsque les trois premiers critères le sont?

2. Même si, pour une infraction à l’art. 224 c), le test du quatrième critère est évalué selon le contexte particulier du dossier, la juge de première instance erre-t-elle en droit et en fait en concluant que la pratique interdite de l’intimée n’était pas susceptible d’avoir un effet sur les membres?

3. La juge de première instance erre-t-elle en droit et en fait en refusant d’octroyer une réduction des obligations des membres?

  1.            Elle plaide ensuite que la juge erre en droit et en fait en refusant d’accorder des dommages-intérêts punitifs. La présidente de l’Office de la protection du consommateur (« Présidente de l’OPC »), intervenante devant la Cour supérieure et mise en cause devant la Cour, appuie la position de l’Union des consommateurs et plaide que la juge a erré en refusant de réduire les obligations des consommateurs visés par l’action collective.
  2.            De son côté, Air Canada plaide que l’appel devrait être rejeté puisque la juge ne commet aucune erreur révisable en ce qui concerne ces deux moyens. Subsidiairement, elle allègue que la juge erre en droit lorsqu’elle conclut que l’article 224 al. 1c) LPC était opérant à son égard pendant la période visée par l’action collective (entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012, la « Période »)[24]. Elle ne conteste toutefois plus que sa pratique sur son site Internet contrevenait à la LPC pendant la Période.
  3.            Pour sa part, le procureur général du Québec (« PG Québec »), mis en cause en première instance en raison des questions constitutionnelles soulevées par Air Canada, plaide que la juge d’instance ne commet aucune erreur révisable dans son analyse de la doctrine de la prépondérance fédérale.
  4.            Vu les conclusions auxquelles j’arrive, il n’y a pas lieu d’exercer de retenue judiciaire en ce qui concerne le moyen constitutionnel que j’aborde en premier. J’analyse ensuite la question du préjudice découlant de la contravention à l’article 224 al. 1c) LPC ainsi que celle de la réparation appropriée. Je termine par la question des dommages-intérêts punitifs.

ANALYSE

I-                   Doctrine de la prépondérance fédérale

  1.            Air Canada plaide que la juge erre dans son application de la doctrine de la prépondérance fédérale puisqu’elle omet de considérer que la loi provinciale frustrait l’objectif clair du législateur fédéral de ne pas nuire à la compétitivité des compagnies aériennes. En effet, selon elle, le Parlement voulait atteindre cet objectif en retardant l’entrée en vigueur d’une modification qui avait été apportée au régime fédéral en 2007 et qui visait à mettre un terme à la pratique de décomposition des prix annoncés par les transporteurs aériens.
  2.            Pour les motifs qui suivent, je ne retiens pas cet argument; je conclus que la juge énonce correctement les principes applicables sur cet aspect et sa conclusion est bien fondée. Avant de procéder à l’analyse, je reviens brièvement sur les dispositions fédérales adoptées au fil du temps concernant la publicité du prix des titres de transport aérien et les principes applicables en matière de prépondérance fédérale.

a. Régime fédéral

  1.            Dès juin 2007, le législateur adopte la Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur la sécurité ferroviaire et d’autres lois en conséquence[25] qui prévoit à son article 27 la modification de la Loi sur les transports au Canada[26] par l’ajout de l’article 86.1 :

Règlement concernant la publicité des prix

 

86.1 (1) L’Office régit, par règlement, la publicité dans les médias, y compris dans Internet, relative aux prix des services aériens au Canada ou dont le point de départ est au Canada.

 

Contenu des règlements

 

(2) Les règlements exigent notamment que le prix des services aériens mentionné dans toute publicité faite par le transporteur inclue les coûts supportés par celui-ci pour la fourniture des services et que la publicité indique les frais, droits et taxes perçus par lui pour le compte d’autres personnes, de façon à permettre à l’acheteur de déterminer aisément la somme à payer pour ces services.

 

 

Précisions

 

(3) Les règlements peuvent également préciser, pour l’application du paragraphe (2), les types de coûts, frais, droits et taxes visés à ce paragraphe.

Advertising regulations

 

 

86.1 (1) The Agency shall make regulations respecting advertising in all media, including on the Internet, of prices for air services within, or originating in, Canada.

 

Contents of regulations

 

(2) Without limiting the generality of subsection (1), regulations shall be made under that subsection requiring a carrier who advertises a price for an air service to include in the price all costs to the carrier of providing the service and to indicate in the advertisement all fees, charges and taxes collected by the carrier on behalf of another person in respect of the service, so as to enable a purchaser of the service to readily determine the total amount to be paid for the service.

 

Regulations may prescribe

 

(3) Without limiting the generality of subsection (1), the regulations may prescribe what are costs, fees, charges and taxes for the purposes of subsection (2).

Toutefois, l’article 64 de la Loi modifiant la Loi sur les transports prévoit que cette disposition n’entrera en vigueur qu’au moment fixé par décret[27]. Cela prendra plus de quatre ans.

  1.            Il est utile de rappeler que le législateur québécois modifie l’article 224 LPC dont la nouvelle version s’applique dès juin 2010, tandis qu’Air Canada maintient sa pratique d’afficher uniquement les prix de base de ses vols à la première étape de navigation sur son site Internet. Le 15 décembre 2011, le décret mettant en vigueur l’article 86.1 de la Loi sur les transports est rendu[28]. Au début de février 2012, Air Canada modifie son site afin d’annoncer dès la première étape de navigation le prix total de ses titres de transport, incluant les Frais et les taxes applicables.
  2.            À la mi-décembre 2012, l’Office des transports prend le Règlement modifiant le Règlement sur les transports aériens et le Règlement sur les dispositions désignées (Office des transports du Canada)[29]. Ce règlement ajoute l’article 135.8 au Règlement sur les transports aériens[30] qui prévoit :

135.8 (1) Quiconque annonce le prix d’un service aérien dans une publicité doit y inclure les renseignements suivants :

 

a) le prix total à payer à l’annonceur pour le service, en dollars canadiens, et, si le prix total est également indiqué dans une autre devise, la devise en cause;

 

[…]

d) le nom et le montant de chacun des frais, droits et taxes qui constituent des sommes perçues pour un tiers pour ce service;

 

[…]

f) les frais, droits ou taxes publiés qui ne sont pas perçus par lui, mais qui doivent être payés au point de départ ou d’arrivée du service par la personne à qui celui-ci est fourni.

[…]

135.8 (1) Any person who advertises the price of an air service must include in the advertisement the following information:

 

(a) the total price that must be paid to the advertiser to obtain the air service, expressed in Canadian dollars and, if it is also expressed in another currency, the name of that currency;

 

[…]

(d) the name and amount of each tax, fee or charge relating to the air service that is a third party charge;

 

 

[…]

(f) any published tax, fee or charge that is not collected by the advertiser but must be paid at the point of origin or departure by the person to whom the service is provided.

[…]

  1.            L’article 135.5 définit quant à lui « prix total » et « somme perçue pour un tiers » en ces termes :

Publicité des prix

Définition et interprétation

 

135.5 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

 

[…]

 

« prix total » S’entend :

a) à l’égard d’un service aérien, de la somme des frais du transport aérien et des sommes perçues pour un tiers à payer pour ce service;

b) à l’égard d’un service optionnel connexe, de la somme totale à payer pour ce service, y compris les sommes perçues pour un tiers. (total price)

 

« somme perçue pour un tiers » S’entend, à l’égard d’un service aérien ou d’un service optionnel connexe, d’une taxe ou d’un frais ou droit visé à l’article 135.6 établi par un gouvernement, une autorité publique, une autorité aéroportuaire ou un agent de ceux-ci et qui est, lors de l’achat du service, perçu par le transporteur aérien ou autre vendeur pour le compte de ce gouvernement, de cette autorité ou de cet agent afin de le lui être remis. (third party charge).

Advertising Prices

Interpretation

 

135.5 The following definitions apply in this Part.

 

[…]

 

“third party charge” means, in relation to an air service or an optional incidental service, any tax or prescribed fee or charge established by a government, public authority or airport authority, or by an agent of a government, public authority or airport authority, that upon the purchase of the service is collected by the air carrier or other seller of the service on behalf of the government, the public or airport authority or the agent for remittance to it. (somme perçue pour un tiers).

 

“total price” means :

(a) in relation to an air service, the total of the air transportation charges and third party charges that must be paid to obtain the service; and

(b) in relation to an optional incidental service, the total of the amount that must be paid to obtain the service, including all third party charges. (prix total).

b.     Principes applicables

  1.            Une abondante jurisprudence établit les principes applicables en matière de prépondérance fédérale[31]. Selon ceux-ci, il convient de s’attarder d’abord au caractère véritable des dispositions, en analysant leur objet ainsi que leurs effets, afin de déterminer si elles se rattachent à une compétence relevant de l’autorité qui les a adoptées.
  2.            Cette étude s’amorce par l’examen des textes législatifs, en commençant par les dispositions en cause, pour ensuite considérer l’ensemble de la loi, y compris le préambule et les dispositions générales[32]. Les éléments de preuve extrinsèque, comme les débats parlementaires, peuvent également être pris en compte afin de déceler l’objet véritable des dispositions. Cependant, il faut faire preuve de prudence à cet égard, comme le souligne la Cour suprême dans l’arrêt Murray-Hall :

[26] Cela dit, j’insiste tout de même sur le fait que c’est l’analyse du texte qui est au cœur de l’opération de qualification. Comme le rappelait le juge Kasirer dans le Renvoi relatif à la Loi sur la nondiscrimination génétique, « [e]n fin de compte, c’est la substance même de la loi qu’il faut qualifier, et non les discours prononcés devant le Parlement ou les propos publiés dans la presse » (par. 165).

  1.            Une fois cette étape accomplie, la doctrine de la prépondérance fédérale ne trouve application que s’il y a une incompatibilité nécessitant que les dispositions fédérales priment les dispositions provinciales et rendent ces dernières inopérantes dans la mesure du conflit. En effet, cette doctrine est d’application restrictive et la notion de conflit s’applique strictement afin de favoriser le fédéralisme coopératif :

[37] […] les tribunaux privilégient, dans la mesure du possible, l’application régulière des lois édictées par les deux ordres de gouvernement. En l’absence de textes législatifs conflictuels de la part de l’autre ordre de gouvernement, la Cour devrait éviter d’empêcher l’application de mesures considérées comme ayant été adoptées en vue de favoriser l’intérêt public.[33]

  1.            Deux cas de conflits sont possibles : d’une part, celui « d’application » qui suppose une « [impossibilité] de respecter simultanément la loi fédérale et la loi provinciale »[34]; d’autre part, celui « d’incompatibilité d’objet », qui entre en jeu lorsque « la loi provinciale entrave la réalisation de l’objet de la loi fédérale »[35], même s’il est possible de respecter les deux dispositions.
  2.            Il revient à la partie qui invoque la doctrine de démontrer le conflit et le fardeau qui lui incombe pour ce faire est élevé[36]. On ne doit pas présumer, de par l’adoption d’une loi fédérale, que le Parlement a voulu exclure la possibilité pour le législateur provincial d’intervenir[37], surtout lorsque la « matière législative présente un double aspect »[38]. Au contraire, « [c]haque fois qu’on peut légitimement interpréter une loi fédérale de manière qu’elle n’entre pas en conflit avec une loi provinciale, il faut appliquer cette interprétation de préférence à toute autre qui entraînerait un conflit »[39]. L’intégration des régimes législatifs doit être privilégiée, laquelle permet leur interaction ainsi que leur chevauchement, de façon à éviter d’imposer des contraintes inutiles au législateur provincial. Ainsi, « une loi fédérale permissive, sans plus, ne permettra pas d’établir l’entrave de son objet par une loi provinciale qui restreint la portée de la permissivité de la loi fédérale »[40]. Une incompatibilité réelle est requise; un simple dédoublement des règles, avec ou sans ajout, causé par les lois analysées ne suffit pas. De même, quant à la détermination de l’objectif de la loi fédérale pour évaluer l’existence d’une incompatibilité d’objet, la Cour suprême précise :

[23] […] en l’absence d’une preuve claire de l’intention du législateur d’élargir l’objectif de la loi, les tribunaux doivent s’abstenir de donner à l’objet de la loi fédérale une interprétation large qui aboutira à un conflit avec la loi provinciale. Ainsi que l’a affirmé la Cour dans l’arrêt Marcotte, « il faut prendre garde de ne pas conférer à cette doctrine une portée trop large dès qu’il y a entrave à l’objectif fédéral » : par. 72 […]. Ainsi, il ne faut pas étendre artificiellement la portée de l’objet de la loi fédérale audelà de la portée que le législateur entendait lui donner. L’élargissement indu de l’objet que vise une loi fédérale est incompatible avec le principe du fédéralisme coopératif.[41]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Il faut éviter d’« éroder l’importance accordée à l’autonomie provinciale »[42].

c.     Discussion

  1.            Personne ne conteste que les lois fédérales et provinciales en cause sont intra vires de la compétence de chaque palier qui les a adoptées.
  2.            Au fédéral, l’article 86.1 de la Loi sur les transports a manifestement pour objet de réglementer la publicité des prix annoncés par les transporteurs aériens aux acheteurs potentiels. Il oblige l’Office des transports du Canada (« Office ») à prendre des règlements à ce sujet et encadre en partie le contenu de ceux-ci en imposant que la publicité inclue tous les coûts supportés par le transporteur aérien et indique les Frais et taxes perçus pour le compte de tiers. Le législateur fédéral précise l’objectif recherché dans la disposition législative, soit que l’acheteur puisse « déterminer aisément la somme à payer pour ces services ». Le législateur fédéral veut donc protéger les clients des transporteurs aériens en imposant à ces derniers l’obligation de fournir à leurs clients toute l’information leur permettant de déterminer le coût total des billets d’avion, afin qu’ils puissent effectuer des comparaisons utiles et, par le fait même, des choix éclairés. Les débats parlementaires confirment cet objectif[43]. Celui-ci s’aligne avec la politique nationale des transports voulant, d’une part, que le service soit offert au plus bas coût possible de façon à assurer la satisfaction des usagers et, d’autre part, que la réglementation serve à obtenir des résultats de nature économique et sociale « que la concurrence et les forces du marché ne permettent pas d’atteindre de manière satisfaisante »[44].
  3.            L’article 86.1 de la Loi sur les transports est du ressort du Parlement en matière d’aéronautique en vertu du pouvoir résiduaire fédéral de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada prévu à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867[45]. En effet, la publicité des prix des billets d’avion touche un aspect accessoire de l’exploitation des aéronefs[46].
  4.            Au provincial, le but de la modification apportée à l’article 224 LPC en juin 2010 s’explique aisément, tel que le souligne la Cour dans l’arrêt sur l’autorisation :

[53] […] Le but est clair et les débats parlementaires indiquent aussi que c’est la pratique de la décomposition du prix que l’on veut contrer, en forçant le commerçant à annoncer dès le départ le bon prix et à mettre fin à la pratique d’ajouter des frais, souvent indiqués en petits caractères, au moment de passer à la caisse. Le but est de permettre au consommateur de comparer adéquatement le prix des biens qu’il achète.[47]

[Renvois omis]

  1.            La disposition s’applique à tout contrat de consommation et vise la protection des consommateurs[48]. Cet objectif s’inscrit dans ceux visés par la LPC plus largement, soit « le rétablissement dun équilibre dans les relations contractuelles entre les commerçants et le consommateur » et « lélimination des pratiques déloyales et trompeuses susceptibles de fausser linformation dont dispose le consommateur et de lempêcher de faire des choix éclairés »[49]. La disposition modifiée relève de la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils en vertu du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867[50].
  2.            Force est de conclure qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les lois provinciale et fédérale, que ce soit au niveau de l’application ou des objets recherchés. En effet, il est possible de respecter simultanément les deux textes, alors que la loi fédérale prévoit l’adoption de règles semblables à celles imposées par l’article 224 al. 1c) LPC[51]. En fait, la disposition provinciale appuie la réalisation de l’objet visé par la législation fédérale. Je note d’ailleurs que le procureur général du Canada n’intervient pas au dossier pour contester l’application de l’article 224 al. 1c) LPC aux transporteurs aériens, malgré la réception d’un avis d’intention envoyé par Air Canada. Bien que ce ne soit pas déterminant en soi, cette absence ajoute à la prudence dont il faut faire preuve avant de conclure qu’une disposition est inopérante pour des motifs constitutionnels[52].
  3.            Par ailleurs, pendant la majeure partie de la Période visée par l’action collective, l’article 86.1 de la Loi sur les transports n’est pas en vigueur. Il semble difficile de conclure dans ce contexte à une incompatibilité avec une disposition provinciale qui entre en vigueur en juin 2010[53]. À ce sujet, Air Canada répond qu’il ne faut pas considérer l’incompatibilité de l’article 224 al. 1c) LPC avec l’article 86.1 de la Loi sur les transports, mais bien avec l’article 64 de la Loi modifiant la Loi sur les transports qui retarde l’entrée en vigueur de la disposition fédérale jusqu’à ce qu’un décret soit rendu en ce sens. À son avis, ce délai démontre l’intention du législateur fédéral d’exempter les transporteurs aériens de l’application de règles interdisant la pratique de décomposition des prix dans les annonces pour la vente de billets d’avion, afin de protéger leur compétitivité.
  4.            Cet argument ne peut être retenu. D’abord, il n’y a pas lieu de présumer, en raison de l’adoption de l’article 64 de la Loi modifiant la Loi sur les transports, que le législateur voulait prévenir une intervention provinciale, surtout si l’on considère que la réglementation de la publicité présente « un double aspect » et que le fédéralisme coopératif favorise l’application des lois adoptées. Le fait de retarder l’entrée en vigueur d’une disposition fédérale ne devrait pas avoir pour effet de contrecarrer une loi provinciale en vigueur dont l’objet est constitutionnel, alors qu’il faut se garder de tirer une conclusion qui entraîne une incompatibilité, en l’absence d’une indication claire en ce sens.
  5.            Le législateur fédéral ne mentionne pas explicitement dans le libellé de l’article 64 de la Loi modifiant la Loi sur les transports qu’il veut exempter les transporteurs aériens de l’application de règles générales en matière de publicité afin de protéger leur compétitivité. Si tel avait été l’objectif du législateur fédéral, il l’aurait mentionné, surtout que l’ajout de l’article 86.1 de la Loi sur les transports visait, d’abord et avant tout, la protection des intérêts des clients des transporteurs aériens. Il serait pour le moins absurde que l’adoption d’une disposition visant la transparence envers le client rende inopérante une disposition provinciale ayant le même objectif, en raison de son délai d’entrée en vigueur. Cela reviendrait à conclure que les intérêts des consommateurs auraient été mieux servis sans l’adoption de l’article 86.1 de la Loi sur les transports.
  6.            Air Canada plaide que les débats parlementaires démontrent que le législateur fédéral « craignai[t] que des conditions de concurrence inégales ne nuisent à la compétitivité des compagnies aériennes canadiennes »[54]. Certes, certains transporteurs, dont Air Canada, ont exposé devant le Sénat l’impact du changement législatif en soulignant que certains pays n’interdisaient pas la pratique de décomposition des prix, de même que la majorité des provinces du pays pour les agents de voyage, à l’exception du Québec et de l’Ontario. Ils ont expliqué que si le nouveau texte fédéral entrait en vigueur immédiatement, plusieurs compétiteurs pourraient, contrairement à eux, continuer d’annoncer des prix décomposés, ce qui ferait en sorte que les prix des transporteurs canadiens ne seraient pas compétitifs. Selon Air Canada, l’intention du législateur fédéral était donc d’accorder un délai avant l’entrée en vigueur de la disposition pour permettre, d’une part, aux provinces concernées de légiférer afin d’imposer des restrictions similaires aux agents de voyage et, d’autre part, aux différents acteurs internationaux d’harmoniser leurs règles.
  7.            Cet argument ne convainc pas. Comme le souligne la Cour suprême dans l’arrêt Murray-Hall :

[91] […] les tribunaux doivent faire preuve de circonspection lorsqu’ils s’appuient sur les débats parlementaires comme expression de l’intention du législateur. Le recours à ce type de preuve extrinsèque doit être envisagé « avec prudence », compte tenu du fait que « les déclarations faites par les députés peuvent s’avérer de mauvais indicateurs de l’intention du Parlement ».[55]

[Renvois omis]

  1.            D’ailleurs, les débats parlementaires révèlent également que le législateur fédéral a accordé un délai à l’Office pour qu’il puisse consulter les parties intéressées avant d’élaborer son règlement[56].
  2.            Par ailleurs, au Québec, les agents de voyages ne pouvaient pas pratiquer la décomposition des prix annoncés[57]. Ainsi, ce sont plutôt les transporteurs aériens qui, sur ce territoire, se trouvaient indûment avantagés par la possibilité de décomposer leurs prix si la modification à la LPC était inopérante à leur endroit. En outre, en mai 2007, le Comité permanent des Transports et des communications souligne, dans ses observations annexées à son rapport au Sénat au sujet de l’article 64 de la Loi modifiant la Loi sur les transports, « qu'à l'heure actuelle les prix annoncés sur Internet par la plupart des transporteurs américains et européens incluent tous les frais ou presque »[58]. La compétitivité des transporteurs canadiens n’était donc pas aussi affectée que le prétend Air Canada. La preuve démontre également que « [d]urant la Période, à l’extérieur du Canada, Air Canada se conforme à la législation étrangère ayant des exigences similaires à celles de l’article 224 c) [LPC] »[59]. Ainsi, Air Canada était en mesure de respecter sur son site Internet les règles en vigueur dans les territoires qui interdisaient la pratique de décomposition des prix, sans toutefois cesser de recourir à cette pratique sur les territoires qui ne l’interdisaient pas.
  3.            Finalement, l’article 86.1 de la Loi sur les transports entre en vigueur en décembre 2011, sans que les provinces, où cela n’était pas déjà fait, n’apportent de changements pour interdire la pratique de décomposition des prix des agents de voyage. L’adoption du décret dans ce contexte démontre que le Parlement ne voulait pas immuniser les transporteurs aériens dans l’attente de ces changements.
  4.            En l’absence de preuve démontrant l’intention du législateur fédéral d’exempter les transporteurs aériens des obligations prévues en matière d’affichage des prix, il faut conclure que ceux-ci demeurent soumis aux règles du marché et aux règles générales de droit provincial applicables, notamment en matière de protection du consommateur[60]. La situation est semblable à celle décrite dans l’arrêt Bell. Dans cette affaire, Telus plaidait que la législation fédérale imposait au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (« CRTC ») une obligation positive de s’abstenir de réglementer les tarifs lorsque « le degré de concurrence dans le marché des services sans fil était suffisant pour protéger les intérêts des utilisateurs »[61]. Ainsi, selon Telus, si les dispositions de la LPC étaient appliquées aux entreprises de télécommunication, cela aurait eu pour effet d’entraver l’objectif du Parlement en réglementant les tarifs malgré l’abstention du CRTC. La Cour ne retient pas cette position :

[96] Ne pas réglementer le marché par l’imposition de ses propres règles et normes spécifiques signifie, me semble-t-il, que celui-ci est laissé dans son état actuel, c’est-à-dire sujet au libre jeu des forces du marché et aux règles de droit qui s’imposent à lui et le réglemente, incluant évidemment celles découlant du droit provincial, soit, au Québec, le Code civil du Québec et la LPC.[62]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Enfin, depuis le début des années 2000, certaines dispositions de la Loi sur la concurrence[63] interdisent à quiconque de fournir un bien ou un service à un prix supérieur à celui annoncé. Le Bureau de la concurrence a d’ailleurs écrit à Air Canada en octobre 2011 au sujet des pratiques de l’entreprise en matière de prix, mentionnant que les annonces n’incluaient pas tous les Frais, ce qui pourrait contrevenir aux dispositions de la Loi sur la concurrence[64]. Il semble donc improbable que l’intention du législateur était d’exempter les transporteurs aériens de l’application de règles interdisant la décomposition des prix en retardant l’entrée en vigueur de l’article 86.1 de la Loi sur les transports, alors que des dispositions fédérales de la Loi sur la concurrence, pouvant être interprétées comme ayant déjà cet objectif, étaient en vigueur depuis plusieurs années. En effet, le législateur fédéral est présumé légiférer en conformité avec ses autres lois applicables[65].

****

  1.            Lorsque l’article 224 LPC a été modifié en juin 2010, trois années s’étaient écoulées depuis l’adoption de l’article 86.1 de la Loi sur les transports. Bien que celui-ci n’était toujours pas en vigueur, il n’était certainement pas alors incompatible avec l’objectif du Parlement que d’appliquer à Air Canada une disposition générale en matière de publicité des produits et services qui prévoyait que le prix annoncé par le commerçant doit correspondre au total de la somme que devra débourser le consommateur. De toute évidence, le législateur a modifié l’article 224 LPC dans le but de favoriser l’intérêt public. L’interprétation qui permet son application, y compris à Air Canada, doit être préférée.
  2.            Air Canada ne parvient pas à s’acquitter du fardeau élevé qui lui incombe pour que la doctrine de la prépondérance fédérale s’applique et que l’article 224 al. 1c) LPC soit inopérant à son endroit.

II-                Réparation

a.     Présomption d’effet dolosif

  1.            En matière de réparations fondées sur la Loi sur la protection du consommateur, l’article 272 LPC édicte :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas :

 

a)  l’exécution de l’obligation;

 

b)  l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

 

c)  la réduction de son obligation;

 

d)  la résiliation du contrat;

 

e)  la résolution du contrat; ou

 

f)  la nullité du contrat,

 

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

272. If the merchant or the manufacturer fails to fulfil an obligation imposed on him by this Act, by the regulations or by a voluntary undertaking made under section 314 or whose application has been extended by an order under section 315.1, the consumer may demand, as the case may be, subject to the other recourses provided by this Act,

 

(a)  the specific performance of the obligation;

(b)  the authorization to execute it at the merchant’s or manufacturer’s expense;

 

(c)  that his obligations be reduced;

 

(d)  that the contract be rescinded;

 

(e)  that the contract be set aside; or

 

(f)  that the contract be annulled,

 

without prejudice to his claim in damages, in all cases. He may also claim punitive damages.

  1.            La Cour suprême explique dans l’arrêt Time qu’un manquement à l’une des obligations contractuelles prévues par la loi – lesquelles sont principalement énoncées au titre I de la LPC intitulé « Contrats relatifs aux biens et aux services » – ouvre la porte aux réparations énumérées à l’article 272 LPC « sans exigence additionnelle »[66], puisqu’il faut présumer « de façon absolue que le consommateur subit un préjudice par suite d’un manquement par le commerçant »[67].
  2.            Elle reconnaît en outre qu’un manquement à l’une des obligations précontractuelles – prévues principalement au titre II de la LPC – peut également entraîner une réparation en vertu de l’article 272 LPC lorsqu’un contrat de consommation a été conclu[68]. Toutefois, dans ce cas, la présomption absolue de préjudice s’appliquera seulement si « un lien rationnel existe entre la pratique interdite et la relation contractuelle », permettant de conclure que le consentement du consommateur a été vicié par cette pratique[69]. Afin de démontrer ce lien et de bénéficier de la présomption, le consommateur doit établir les éléments suivants :

[124] […] (1) la violation par le commerçant ou le fabricant d’une des obligations imposées par le titre II de la loi; (2) la prise de connaissance de la représentation constituant une pratique interdite par le consommateur; (3) la formation, la modification ou l’exécution d’un contrat de consommation subséquente à cette prise de connaissance, et (4) une proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le bien ou le service visé par le contrat. […] Lorsque ces quatre éléments sont établis, les tribunaux peuvent conclure que la pratique interdite est réputée avoir eu un effet dolosif sur le consommateur. Dans un tel cas, le contrat formé, modifié ou exécuté constitue, en soi, un préjudice subi par le consommateur. L’application de cette présomption lui permet ainsi de demander, selon les mêmes modalités que celles décrites ci-dessus, l’une des mesures de réparation contractuelles prévues à l’art. 272 L.p.c.[70]

  1.            S’il satisfait à ce fardeau de preuve, le consommateur n’a pas à établir le caractère déterminant du dol pour bénéficier des réparations prévues à l’article 272 LPC et le commerçant ne pourra pas se défendre en prétendant que le consommateur n’a pas subi de préjudice au motif que son consentement était éclairé, malgré la pratique interdite. Dans l’arrêt Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, la Cour ajoute :

[859] Il convient de souligner que l’expression « présomption absolue de préjudice », généralement utilisée pour qualifier l’effet de ces critères mais également le mécanisme d’application des recours de l’article 272, ne réfère pas au préjudice au sens usuel du terme en responsabilité civile, mais bien à l’effet dolosif sur le consommateur du manquement du commerçant à ses obligations.[71]

[Soulignement ajouté]

  1.            Au regard de ces principes, je me penche maintenant sur la nature de l’obligation découlant de l’article 224 al. 1c) LPC pour déterminer s’il s’agit d’une obligation contractuelle ou précontractuelle.

-          Nature de l’obligation prévue à l’article 224 al. 1c) LPC

  1.            L’Union des consommateurs et la mise en cause, la Présidente de l’OPC, plaident que la juge de première instance commet une erreur de droit lorsqu’elle exige la démonstration des quatre éléments exposés dans l’arrêt Time afin de déterminer s’il y a lieu d’appliquer la présomption de préjudice, malgré la violation de l’article 224 al. 1c) LPC. Selon l’Union des consommateurs, cette disposition édicte une obligation précontractuelle incorporée au contrat, imposant l’application de la présomption absolue de préjudice sans exigence additionnelle. La Présidente de l’OPC considère que la pratique interdite consiste à exiger que le consommateur contracte à un prix supérieur à celui annoncé.
  2.            Ces arguments ne sont pas fondés.
  3.            Dans le jugement entrepris, la juge conclut que l’article 224 al. 1c) LPC impose une obligation précontractuelle puisque, à l’issue de son analyse des quatre éléments énoncés dans l’arrêt Time, elle considère que le quatrième n’est pas démontré, ce qui ferme la porte à la présomption de préjudice. Dans l’arrêt sur l’autorisation, la juge Bélanger souligne que le « site transactionnel d’Air Canada relève à la fois du domaine précontractuel et contractuel »[72] puisqu’il y annonce le prix de ses billets d’avion, offre de les vendre et, dans certains cas, conclut des transactions avec des consommateurs. Elle ne qualifie pas expressément la nature de l’obligation prévue à l’article 224 al. 1c) LPC, mais elle rappelle que « les titres I et II de la LPC ne constituent pas deux sections étanches et autonomes. Rien n’empêche que le titre II puisse aussi trouver application dans la phase contractuelle »[73].
  4.            Ainsi, la présence de l’article 224 LPC au titre II n’impose pas la conclusion qu’il s’agit nécessairement d’une pratique précontractuelle interdite. En fait, pour déterminer la nature des obligations prescrites par cet article, il faut procéder à un exercice d’interprétation des termes de la loi « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[74]. Tel que le rappelle le juge Mainville : « […] [l]e premier vecteur d’interprétation est le texte même de la loi […], lequel permet généralement de cerner adéquatement l’intention du législateur lorsqu’il est lu dans le contexte global dans lequel il s’inscrit. »[75].
  5.            Je reprends le texte de la disposition à ce stade pour en faciliter l’analyse :

224. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut par quelque moyen que ce soit :

[…]

c) exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui annoncé.

 

Aux fins du paragraphe c du premier alinéa, le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l’obtention du bien ou du service. Toutefois, ce prix peut ne pas comprendre la taxe de vente du Québec, ni la taxe sur les produits et services du Canada. Le prix annoncé doit ressortir de façon plus évidente que les sommes dont il est composé.

224. No merchant, manufacturer or advertiser may, by any means whatever,

[…]

(c) charge, for goods or services, a higher price than that advertised.

 

For the purposes of subparagraph c of the first paragraph, the price advertised must include the total amount the consumer must pay for the goods or services. However, the price advertised need not include the Québec sales tax or the Goods and Services Tax. More emphasis must be put on the price advertised than on the amounts of which the price is made up.

[Soulignements ajoutés]

  1.            Le texte de la disposition est clair : il interdit au commerçant d’« exiger/charge » du consommateur un prix supérieur à celui « annoncé/advertised ». Le seul fait d’annoncer un prix est insuffisant pour commettre la pratique interdite, il faut que le commerçant exige un prix supérieur à celui annoncé, au moment où le consommateur s’apprête à « débourser/pay » pour l’obtention du bien ou du service. L’interdiction prend donc sa source dans une pratique qui précède la formation du contrat, soit celle de décomposer le prix dans le but d’attirer un consommateur pour qu’il achète le bien ou le service. Le commerçant commet toutefois la pratique interdite seulement s’il exige un prix supérieur au moment du paiement. À cette étape, le consommateur peut toujours refuser l’offre et le contrat ne sera pas conclu. En effet, tel que le souligne la Cour dans l’arrêt sur l’autorisation :

[57] […] Le prix indiqué à la première étape de la navigation, 149 $, peut difficilement être considéré comme une offre de contracter de la part d’Air Canada, car c’est un montant bien partiel qui y apparaît. L’offre de contracter apparaît plutôt à la deuxième et à la troisième étape de la navigation, lorsqu’Air Canada indique un prix complet et demande au consommateur de confirmer son acceptation.

[Soulignement ajouté]

En l’absence d’un consentement de la part du consommateur, celui-ci n’aura jamais conclu de contrat, mais le commerçant aura néanmoins manqué à son obligation précontractuelle.

  1.            Si le législateur avait voulu que ce soit une obligation purement contractuelle, il aurait utilisé des termes précis en ce sens prévoyant que le consommateur ne pourra « payer ou débourser » davantage que le prix annoncé ou encore qu’il ne pourra « acheter » le bien ou le service à un prix plus élevé que celui annoncé. Il aurait aussi pu interdire l’inclusion dans le contrat d’un prix plus élevé que celui annoncé[76].
  2.            L’objet de la disposition appuie cette interprétation puisqu’il s’agit de contrer la pratique de décomposition des prix des commerçants afin de renseigner adéquatement les consommateurs lors du magasinage pour permettre une réelle comparaison des prix, et ce, peu importe qu’il y ait ou non conclusion d’un contrat. À ce sujet, la ministre de la Justice de l’époque, Mme Weil, mentionnait en Commission permanente des relations avec les citoyens au sujet de la modification de l’article 224 LPC :

Mme Weil: Oui. La décomposition du prix est une pratique courante pour les entreprises dans certains secteurs de l’économie. L’objectif visé par cette pratique est d’annoncer le prix le plus bas possible afin d’attirer le consommateur, qui ne sera informé qu’au dernier moment des frais supplémentaires. Elle a pour effet de rendre les comparaisons de prix difficiles, puisque le consommateur ignore quels frais font partie du prix annoncé et que ces frais ne sont pas les mêmes d’un établissement à l’autre.[77]

[Soulignement ajouté]

  1.            La Loi sur la protection du consommateur est d’ordre public et impose une interprétation large et libérale[78]. Ses dispositions « couvrent deux axes principaux : d’une part, les contrats (art. 34 à 214.30 et 254 à 260.32) [titres I et III de la LPC] et, d’autre part, les pratiques de commerce (art. 215 à 253) [titre II de la LPC] »[79]. L’article 224 al. 1c) LPC se situe dans les pratiques de commerce interdites, lesquelles relèvent « le plus souvent, de la phase précontractuelle »[80], bien qu’elles puissent constituer des manquements à des obligations contractuelles, tel que je le souligne précédemment. L’interprétation donnée à cette disposition s’inscrit dans l’objectif central de la loi qui est d’abord « la protection du consommateur »[81], notamment par le rétablissement de l’équilibre informationnel auprès du consommateur ainsi que par l’élimination de pratiques susceptibles de le tromper et de l’empêcher de faire des choix éclairés[82], avant qu’il ne conclue un contrat.
  2.            L’obligation imposée à l’article 224 al. 1c) LPC se qualifie donc de précontractuelle. En conséquence, pour déterminer si la présomption d’effet dolosif s’applique à la pratique interdite commise par Air Canada, il faut analyser s’il est satisfait aux quatre critères de l’arrêt Time.

b.     Lien rationnel entre la pratique interdite et le contrat

  1.            La juge reconnaît que les trois premiers éléments énoncés dans l’arrêt Time sont « clairement satisfaits », ce que personne ne conteste. L’article 224 al. 1c) LPC a été violé et les membres du groupe ont pris connaissance du prix annoncé avant d’acquérir leur billet d’avion, étant donné qu’il s’agit d’une étape incontournable du site Internet d’Air Canada.
  2.            Il demeure le quatrième critère, soit la proximité suffisante entre le contenu de la représentation et le service visé, que la Cour suprême explique comme suit :

[124] […] Selon ce dernier critère, la pratique interdite doit être susceptible d’influer sur le comportement adopté par le consommateur relativement à la formation, à la modification ou à l’exécution du contrat de consommation.[83]

  1.            L’Union des consommateurs et la Présidente de l’OPC plaident, à titre subsidiaire, que la juge d’instance commet une erreur révisable lorsqu’elle conclut que ce quatrième élément n’a pas été démontré. Cette dernière considère que la pratique interdite n’est pas susceptible d’influencer le comportement du consommateur relativement à la formation du contrat, en raison : (1) de la mise en garde visible à la première étape de navigation informant le consommateur que des Frais s’ajouteront à l’étape suivante[84]; et (2) d’une douzaine d’autres éléments factuels qu’elle décrit ainsi :

 Air Canada pouvait facturer en toute légalité toutes les Charges et Surcharges exigées des Membres du Groupe.

 Toutes les Charges et Surcharges étaient prévues au contrat conclu entre les Membres du Groupe et Air Canada lors de l’achat des titres de transport en litige.

 M. Silas, à titre de personne désignée du Groupe, a bénéficié des titres de transport, objet du présent litige. Il a effectivement voyagé avec Air Canada, comme prévu, et ni lui ni aucun autre Membre du Groupe ne prétend qu’il y a eu quelques incidents ou manquements de la part d’Air Canada dans l’exécution de ses obligations contractuelles à leur égard.

 L’interrogatoire au préalable de la personne désignée démontre qu’avant le paiement il ne s’est aucunement intéressé à ces Charges et Surcharges lors de sa navigation sur le Site Web, étant seulement concerné par les détails des vols qu’il sélectionnait.

 Air Canada ne s’est pas enrichie puisque les Charges et Surcharges exigées des Membres du Groupe étaient :

   prélevées au nom et pour le compte d’une autorité étrangère et remises à celle-ci en vertu de la législation de ce pays et les règles applicables dans le domaine de l’aéronautique international; ou

   autorisées par l’Office pour couvrir certains frais d’Air Canada; ou

   prélevées en vertu d’une convention avec l’Air Association of Canada pour couvrir certains frais aéroportuaires réclamés par les aéroports.

 Même si M. Silas, à titre de personne désignée, avait contracté avec une autre compagnie aérienne, les mêmes Charges et Surcharges lui auraient été exigées.

 Ni l’Union ni le représentant désigné ne prétend qu’un Membre du Groupe a été sollicité ou trompé par Air Canada lors de leur recherche sur le Site Web ou qu’Air Canada a tenté de les piéger.

 M. Silas n’a fait aucune plainte à Air Canada ni transmis de mise en demeure relativement aux Charges et Surcharges exigées.

 Ce qui pose un problème n’est pas le montant des Charges et Surcharges, mais leur affichage à la Deuxième étape seulement.

 Lors de sa navigation sur le Site Web, la personne désignée est passée d’une étape à une autre, est revenue à l’étape précédente, a interrompu sa recherche sur le Site Web pour consulter le site d’un concurrent d’Air Canada et est revenue à la Première étape. Elle exécute cette démarche à plusieurs reprises, de sorte que, lorsqu’elle achète son titre de transport, elle aura déjà consulté plusieurs fois les pages web s’affichant aux différentes étapes de la navigation sur le Site Web;

 Avant de consulter le Site Web d’Air Canada, M. Silas était au courant des exigences de l’article 224 c);

 Le représentant d’Air Canada, M. Oxner, confirme que lorsqu’elle a changé sa pratique en 2012 afin d’annoncer un prix tout compris dès la Première étape dans le but de se conformer à la législation fédérale, il n’y avait pas de différence notable à l’égard des ventes.[85]

[Renvois omis]

  1.            Je conclus que la juge commet une erreur révisable sur cet aspect.
  2.            Dans l’arrêt Time, la Cour suprême spécifie que l’analyse de la violation de la LPC doit se faire « in abstracto, c’est-à-dire en faisant abstraction des attributs personnels du consommateur à l’origine de la procédure engagée contre le commerçant »[86]. À ce sujet, la Cour explique dans l’arrêt Imperial Tobacco :


[924] Il importe de préciser que les motifs de l’arrêt Richard c. Time Inc. donnent clairement à penser que la vérification de l’existence de ce lien rationnel doit faire l’objet d’une analyse objective et non subjective. La contiguïté dont il est question s’intéresse au lien entre la représentation et le bien. Cette représentation doit être « susceptible » d’influencer le consommateur – il n’est pas nécessaire, dans tous les cas, qu’elle ait véritablement, dans les faits, influencé le consommateur. Le mot « susceptible », tel qu’employé par la Cour suprême, signifie en effet d’une chose qu’elle puisse faire et non pas qu’elle ait fait quelque action ou ait eu quelque effet. Il s’agit indubitablement d’une notion qui se situe dans le voisinage immédiat de la faculté et non de la réalisation de cette faculté.[87]

[Soulignements ajoutés, renvoi omis]

  1.            La juge effectue une analyse subjective en exigeant que la personne désignée ait été trompée dans les faits pour que la présomption de préjudice s’applique, alors que tel n’est pas le test applicable. En outre, plusieurs faits mentionnés n’ont aucune pertinence à ce stade de l’analyse, comme : (1) la légalité des Frais et taxes; (2) leur mention au contrat; (3) l’exécution des obligations contractuelles par Air Canada; (4) le bénéfice tiré par Air Canada; (5) les pratiques des autres compagnies aériennes; (6) l’absence de plaintes et de mises en demeure; et (7) le maintien des ventes une fois la pratique de décomposition des prix cessée. En effet, ces aspects ne concernent pas le lien entre la pratique interdite et la formation du contrat.
  2.            Par ailleurs, le fait de considérer que personne n’a été trompé ou piégé par les prix annoncés en raison de l’avis visible à la première étape de navigation « mettant en garde le consommateur »[88] que des Frais et des taxes seront ajoutés au prix annoncé remet en cause la conclusion selon laquelle il y a violation de l’article 224 al. 1c) LPC. En effet, un tel raisonnement revient à appliquer le « test de l’impression générale » rejeté par la Cour dans l’arrêt sur l’autorisation et à contredire les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Time[89]. La pratique de décomposition du prix est objectivement interdite et il n’est pas nécessaire de démontrer que le consommateur a bel et bien été induit en erreur pour qu’il y ait violation. Autrement, ce fardeau imposerait au consommateur de démontrer l’effet dolosif de la pratique interdite pour bénéficier de la présomption de préjudice à ce chapitre, raisonnement rejeté par la Cour dans l’arrêt Imperial Tobacco :

[952] Conclure autrement, ici aussi, annihilerait l’effet pratique de la présomption de préjudice. Comme nous le verrons ci-dessous, la présomption de préjudice s’apparente à une présomption d’effet dolosif de la pratique interdite sur la décision de conclure un contrat ou encore à l’indisponibilité de la défense d’absence de préjudice. Requérir du consommateur, à la quatrième étape, qu’il prouve que la représentation a bel et bien eu l’effet qu’il lui reproche équivaudrait à exiger qu’il prouve l’effet dolosif de la pratique afin de pouvoir bénéficier de la présomption. Cela reviendrait donc, par conséquent, à demander au consommateur de mettre en preuve l’effet de la présomption qu’il désire mettre en œuvre, réduisant ainsi l’exercice de Richard c. Time Inc. à une circularité douteuse.

[Soulignement ajouté]

  1.            Il existe un lien de proximité entre, d’une part, le prix exigé supérieur à celui annoncé et, d’autre part, le billet d’avion acheté sur le site Internet. Le prix, élément essentiel d’un contrat de vente, est « inextricablement lié au produit vendu »[90] et la pratique interdite peut certainement influencer le comportement du consommateur, établissant « une proximité amplement suffisante »[91]. D’ailleurs, le moment où est exigé le prix supérieur à celui annoncé, soit à la deuxième et à la troisième étape de navigation, par rapport à l’acquisition du service est également révélateur du lien de proximité entre la pratique interdite et la formation du contrat.
  2.            À ce sujet, en novembre 2011, Air Canada explique au bureau de la concurrence qu’elle subirait un désavantage compétitif si elle incluait dans le prix annoncé pour ses billets d’avion certains Frais et taxes que n’incluent pas ses compétiteurs, alors que leur valeur est importante[92]. Elle reconnaît ainsi que les consommateurs sont influencés par le prix annoncé. Dans l’arrêt sur l’autorisation, la Cour souligne sur cette question :

[64] […] En affichant des prix plus bas que ceux qui seront éventuellement facturés, Air Canada cherche à attirer et à inciter les consommateurs à poursuivre leur recherche sur son site transactionnel et semble viser à promouvoir les titres de transport qu’elle offre.

[65] D’ailleurs, elle a reconnu cette réalité, comme on peut le lire dans une décision la concernant rendue par l’Office des transports. Dans cette affaire, Air Canada plaidait justement que les consommateurs sont très sensibles à l’affichage initial des prix :

[…]

[42] […] L’Office accepte l’argument d'Air Canada selon lequel les prix qui s’affichent initialement exercent une influence significative sur les décisions prises par les consommateurs. […][93]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Enfin, il est opportun de noter la présomption édictée à l’article 253 LPC qui prévoit :

253. Lorsqu’un commerçant […] se livre en cas de vente […] à une pratique interdite visée aux paragraphes […] c de l’article 224 […], il y a présomption que, si le consommateur avait eu connaissance de cette pratique, il n’aurait pas contracté ou n’aurait pas donné un prix si élevé.

253. Where a merchant […] makes use of […] a prohibited practice referred to in paragraph […] c of section 224 […], it is presumed that had the consumer been aware of such practice, he would not have agreed to the contract or would not have paid such a high price.

  1.            La Cour suprême mentionne dans l’arrêt Time qu’il n’y pas de relation directe entre l’article 253 LPC, qui s’applique exclusivement aux recours de droit commun prévus au Code civil du Québec, et l’article 272 LPC qui édicte les recours légaux dont dispose le consommateur en vertu de la Loi sur la protection du consommateur. L’article 253 LPC « veut d’abord faciliter la preuve du consommateur qui choisit de poursuivre un commerçant […] selon les règles ordinaires du droit commun »[94]. Ainsi, cet article ne délimite pas la portée de l’article 272 LPC, mais « accorde une protection additionnelle au consommateur dans des situations où il ne souhaite pas ou ne peut pas exercer un recours en vertu de l’article 272 [LPC] »[95]. Toutefois, en imposant une présomption d’effet dolosif, le législateur reconnaît à l’article 253 LPC l’existence d’un lien rationnel entre la pratique interdite à l’article 224 al. 1c) LPC et la décision d’acquérir le service dans le contexte d’un recours de droit commun. Ainsi, il serait incongru de conclure que ce lien n’est pas démontré au sens du quatrième élément de l’arrêt Time pour une violation de la même pratique précontractuelle. À ce sujet, concernant les pratiques interdites par les articles 219 et 228 LPC[96], la Cour suprême souligne :

[121] […] Or, il n’existe aucune raison pour laquelle les consommateurs devraient supporter un fardeau de preuve plus lourd lorsque le manquement à une obligation légale relève du titre II de la loi plutôt que du titre I et que la présomption prévue à l’art. 253 L.p.c. ne s’applique pas. Ni le libellé de l’art. 272 L.p.c., ni la philosophie qui sous-tend l’application de la loi, ne justifient une telle conclusion qui, par ailleurs, pourrait dangereusement ouvrir la porte à une reconnaissance du « bon dol » en droit de la consommation. […][97]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Cela est d’autant plus vrai lorsque la présomption de l’article 253 LPC trouve application, comme c’est le cas pour l’article 224 al. 1c) LPC [98], qui y est expressément mentionné.
  2.            Au regard de l’ensemble, je conclus que les quatre éléments décrits dans l’arrêt Time sont démontrés, que la présomption irréfragable s’applique et, donc, que le fait d’exiger un prix supérieur à celui annoncé est réputé avoir eu un effet dolosif sur la décision des membres du groupe d’acquérir un billet d’avion[99]. Ainsi, le « commerçant ne peut tout simplement plus arguer que la pratique interdite qu’il a commise n’a pas eu pour conséquence la conclusion du contrat »[100]. À ce moment, les réparations offertes par l’article 272 LPC deviennent possibles, « sous réserve bien évidemment de faire la preuve du quantum »[101].

c.     Quantum de la réparation

  1.            L’Union des consommateurs réclame la réduction de l’obligation des membres du groupe en raison de la pratique interdite d’Air Canada, laquelle devrait correspondre, selon elle, à la différence entre le montant exigé pour les billets d’avion et le montant annoncé, à l’exception des Taxes visées par l’exemption. Elle plaide qu’il faut interpréter l’article 224 al. 1c) LPC comme étendant à la phase précontractuelle la protection de l’article 12 LPC, lequel interdit de réclamer du consommateur des frais « à moins que le contrat n’en mentionne de façon précise le montant ». En violant l’article 224 al. 1c) LPC, Air Canada mine la capacité du consommateur de faire des choix éclairés et doit en conséquence rembourser les sommes exigées illégalement au-delà du prix annoncé. La Présidente de l’OPC appuie cette position en affirmant que la mesure réparatrice devrait être de réduire le prix payé par le consommateur afin qu’il corresponde « au seul prix que le commerçant avait le droit d’exiger, c’est-à-dire le prix annoncé »[102].
  2.            Air Canada réplique qu’il ne faut pas confondre la présomption d’effet préjudiciable de la pratique interdite sur le consentement du consommateur et le dommage découlant de cette pratique, dont le quantum doit être démontré. Elle qualifie d’arbitraire la somme réclamée par les membres du groupe sur la base de la différence entre le prix exigé et celui annoncé, laquelle équivaut à près de 58 M$, alors qu’elle se compose majoritairement de montants remis à des tiers, dont des autorités gouvernementales et aéroportuaires. Selon elle, une réduction de l’obligation des membres du groupe équivalant à ce montant entraînerait leur enrichissement.

***

  1.            L’article 272 LPC permet au consommateur « de choisir entre un ensemble de mesures réparatrices destinées à corriger les effets de la violation des droits que lui accorde la loi »[103]. De son côté, le tribunal conserve la discrétion d’accorder une autre mesure de réparation que celle demandée par le consommateur s’il l’estime approprié[104].
  2.            De plus, comme l’indique la Cour, l’application de la présomption d’effet dolosif n’a pas pour conséquence de dispenser un consommateur de faire la preuve des dommages subis et de leur caractère compensatoire[105]. Ainsi, la démonstration de ces dommages demeure « soumis[e] aux règles générales du droit civil québécois »[106]. Pour obtenir une réduction de l’obligation en raison de l’effet dolosif de la pratique interdite, le consommateur a donc le fardeau de prouver le montant approprié qui devrait être accordé.
  3.            Autrement dit, il revient au consommateur de faire la preuve du caractère certain du dommage[107], en plus de démontrer qu’il est « susceptible d’évaluation ou quantifiable »[108].
  4.            Dans l’affaire Fortin c. Mazda Canada inc.[109], l’entreprise avait omis de dévoiler aux consommateurs une information importante quant à une faiblesse du système de verrouillage d’une de leur voiture, violant l’article 228 LPC qui interdit au commerçant de passer sous silence un fait important. La Cour a toutefois refusé de réduire l’obligation des consommateurs dont la voiture n’avait pas été cambriolée[110], malgré la pratique illégale du commerçant, et ce, bien que l’effet dolosif sur le consentement du consommateur ait été présumé, en soulignant :

[15] […], notre Cour a conclu à une violation de l'article 228 de la LPC, ce qui entraîne une présomption irréfragable de préjudice, c’est-à-dire que la pratique interdite par la LPC a nécessairement eu un « effet préjudiciable » sur le consentement du consommateur. Dit autrement, il s'agit d'une « présomption irréfragable que la pratique interdite a dolosivement incité le consommateur à conclure ou modifier un contrat », ce qui « permet de demander » l'une des réparations contractuelles prévues à l'article 272 de la LPC, incluant la réduction de l'obligation du consommateur.

[16] Ce « droit à la réparation » ne garantit cependant pas que le tribunal l'accordera dans tous les cas, tout en étant une affaire de circonstances. Ce préjudice lié au vice informationnel se devait d'être quantifié. C'est d'ailleurs pourquoi les parties ont fait une preuve sur cette question. Le juge n'a pas refusé de quantifier le préjudice, il a plutôt déterminé que la preuve de quantification du préjudice n'avait pas été faite.

[…]

[19] Reconnaissant que le juge de première instance pouvait écarter cette preuve, les appelants demandent du même souffle à cette Cour d'arbitrer un pourcentage raisonnable de réduction du prix d'achat en fonction d'autres éléments de preuve se trouvant au dossier, notamment le témoignage de certains des acheteurs selon lequel ils n'auraient pas acheté les véhicules s'ils avaient été informés du vice.

[20] Il est vrai que le juge, dans sa discrétion, pouvait arbitrer la quantification du préjudice. Cependant, en première instance, les appelants n'ont proposé aucune méthode subsidiaire d'évaluation. […][111]

[Renvois omis; soulignement dans l’original; caractères gras ajoutés]

  1.            La réduction de l’obligation, tout comme le versement de dommages-intérêts autres que punitifs, est une réparation de nature compensatoire qui ne doit pas dépasser le véritable dommage subi par le consommateur[112]. Une telle réparation vise « essentiellement à rétablir un équilibre rompu, et non à punir l’auteur d’un délit », en cherchant à indemniser la victime d’une perte économique[113]. Le consommateur ne doit pas s’enrichir en obtenant par la réduction de son obligation un bénéfice qui soit supérieur au dommage réellement subi en raison de la pratique interdite[114]. Les paroles du juge Baudouin dans l’arrêt Harmegnies c. Toyota Canada inc. trouvent encore écho :


[47] La faiblesse de la preuve sur la perte annoncée donne l’impression que l’appelant a fait la pétition de principe suivante : parce que Toyota a commis une faute et a contrevenu à la loi, elle a nécessairement dû causer un dommage, soit une hausse des prix.

[48] Or, un comportement fautif ne donne naissance à une créance basée sur la compensation de la perte subie que si, et seulement si, dans les faits, cet acte a provoqué un dommage, a causé un préjudice. Le recours collectif n’est pas le moyen de punir un contrevenant à la loi, mais bien seulement d’indemniser un groupe de personnes pour des pertes réelles subies en commun.[115]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

***

  1.            En l’espèce, la juge rappelle que le « but du recours en vertu de l’article 272 n’est pas d’enrichir le consommateur, mais bien de réparer le préjudice subi »[116]. Elle ajoute :

[157] Par ailleurs, même si le Tribunal concluait que la [p]résomption [absolue d’effet dolosif] trouve application en l’espèce, celle-ci permet de demander la réparation en vertu de l’article 272, mais seulement du préjudice « lié au vice informationnel (qui) se devait d'être quantifié ».[117]

Selon elle, les membres n’ont pas démontré la valeur du préjudice, ce qui ferme la porte à la possibilité de réduire leur obligation et de leur accorder des dommages-intérêts compensatoires. Elle ne commet aucune erreur révisable à ce sujet.

  1.            Je note d’abord qu’il ne s’agit pas d’un cas où le législateur a imposé un dédommagement en édictant que les consommateurs pourront obtenir des commerçants la différence entre le montant exigé et celui annoncé lors d’une violation de l’article 224 al. 1c) LPC, contrairement à l’article 271 al. 2 LPC qui impose la « restitution de la partie des frais de crédit déjà payée » en cas de violations à la Loi sur la protection du consommateur. De même, dans le cas d’une vente au détail où le commerçant n’indique pas le prix sur chaque article vendu, le Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur[118] et le Décret concernant la Politique d’exactitude des prix pour des commerçants utilisant la technologie du lecteur optique[119] prévoient que le commerçant doit indemniser les consommateurs lorsque le prix annoncé pour le produit est inférieur au prix exigé à la caisse. Si le prix demandé à la caisse est inférieur à 10 $, le commerçant doit offrir au consommateur l’article gratuitement et s’il est supérieur à 10 $, le commerçant ne peut exiger pour l’article que le prix annoncé et il doit accorder un rabais additionnel de 10 $ au consommateur[120]. Je conclus qu’en raison du silence du législateur, les principes généraux en matière d’évaluation du préjudice doivent s’appliquer pour quantifier la réparation qui peut être accordée en raison de l’effet dolosif de la pratique sur le consentement du consommateur, que ce soit en ce qui concerne la réduction de l’obligation ou les dommages-intérêts.
  2.            Par ailleurs, la situation des membres du groupe se distingue de celle prévalant dans plusieurs précédents jurisprudentiels invoqués par l’Union des consommateurs et la Présidente de l’OPC.
  3.            D’abord, la situation diffère de celles où les institutions financières ont imposé des frais de conversion sur les opérations de carte de crédit en devises étrangères, sans que ceux-ci ne soient prévus aux contrats[121]. Dans ce contexte, l’application de l’article 12 LPC et du régime de compensation contractuelle permettait de conclure que les frais de conversion exigés constituaient en eux-mêmes un dommage. Au contraire, comme conclu précédemment, la pratique interdite d’Air Canada relève du domaine précontractuel et l’on ne peut reprocher à Air Canada d’avoir facturé des frais qui n’étaient pas mentionnés aux contrats d’achat des billets d’avion. Il n’y a donc pas lieu d’appliquer les principes de l’article 12 LPC à une violation de l’article 224 al. 1c) LPC.
  4.            En fait, les membres du groupe ont plutôt conclu des contrats qui mentionnaient clairement la totalité du coût exigé pour l’achat du service en détaillant les Frais et les taxes, ils ont versé à Air Canada le montant demandé dès l’achat et ils ont obtenu les services pour lesquels ils ont payé. À ce sujet, la Cour souligne dans l’arrêt Meubles Léon portant sur les frais de crédit facturés à la suite d’achat de meubles, malgré les publicités qui annonçaient qu’aucuns frais ne seraient facturés :

[103] Option consommateurs recherchait d’abord une réduction de l’obligation contractuelle, en vertu du paragraphe c) de l’article 272 de la Loi. Le juge a eu raison de refuser cette demande : il n'y avait pas de raison pour réduire le prix payé pour un bien pour lequel le consommateur ne formule aucune plainte, au seul motif que la publicité contenait trop ou pas assez de mentions sur le crédit. Les parties ne reviennent pas sur cette question en appel.[122]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

  1.            De même, les clients n’ont pas obtenu un service qui soit de moindre valeur que celui décrit au contrat d’achat, tel que cela avait été le cas pour les clients de Vidéotron qui avaient acheté des forfaits d’accès illimité à Internet, mais dont le contrat avait été modifié unilatéralement par le commerçant en imposant des frais supplémentaires après un certain plafond[123]. En outre, le commerçant n’a pas violé ses obligations en annonçant des facilités de crédit ni en prétendant qu’il n’y aurait jamais aucuns frais de facturés[124]. Enfin, il n’a pas artificiellement gonflé les frais exigés des consommateurs au nom de tiers en augmentant la base de calcul de ceux-ci par rapport à celle effectivement utilisée par le tiers[125]. On ne saurait donc suivre ces précédents sans égard aux circonstances particulières de la vente des billets d’avion par Air Canada sur son site Internet.
  2.            Pour l’évaluation du quantum de la réparation appropriée dans le cas présent, l’Union des consommateurs se borne à réclamer la différence entre le prix exigé et celui annoncé. Elle ne propose « aucune méthode subsidiaire d’évaluation » [126], limitant par le fait même sa preuve à ce chapitre et scellant le sort de sa demande sur cet aspect.
  3.       Le tribunal ne peut quantifier une réparation en l’absence d’une preuve, quelle qu’elle soit, qui démontre d’abord l’existence d’un dommage, selon la prépondérance des probabilités[127]. En circonscrivant ses arguments au calcul de la différence de prix, l’Union des consommateurs néglige de démontrer que les consommateurs ont bel et bien subi une perte économique en raison de la pratique interdite. En effet, rien ne prouve que, si les membres du groupe avaient connu le prix exigé dès la première étape de navigation sur le site d’Air Canada, ils auraient été en mesure de magasiner et de dénicher un billet d’avion similaire à moindre coût chez un compétiteur. Cette perte semble d’autant plus incertaine si l’on considère que l’ensemble des transporteurs imposaient des frais et des taxes de même nature que ceux facturés par Air Canada[128]. Même si l’on acceptait la certitude de l’existence des dommages découlant de la pratique interdite – ce qui n’est pas démontré en l’espèce –, le créancier devrait en outre présenter une preuve probante permettant de guider le tribunal afin qu’il puisse exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à évaluer un quantum qui soit juste et raisonnable[129].
  4.       Évidemment, une preuve permettant de quantifier le dommage pouvait certainement être complexe à présenter, puisque chaque billet d’avion acheté devrait être comparé au prix du marché pour un service similaire à la même époque. Toutefois, l’Union des consommateurs n’a pas allégué une telle difficulté, se limitant à quantifier sa réclamation au moyen de la différence entre le prix exigé et celui annoncé.
  5.       En dernier ressort, on peut se demander si le manquement à la Loi sur la protection du consommateur devrait bénéficier à Air Canada considérant le principe selon lequel « l’auteur d’un acte fautif ne devrait pas être autorisé à tirer profit de sa mauvaise foi ou d’un acte répréhensible de sa part », alors que les consommateurs lésés peinent à faire la preuve de leur préjudice[130]. Toutefois, la preuve est lacunaire quant aux profits découlant de la pratique interdite, s’il en est.
  6.       D’abord, il n’y a pas de preuve d’augmentation des ventes en lien avec la pratique ni de diminution de celles-ci lorsque le transporteur y met un terme. Il est tout aussi difficile de conclure à l’existence d’un bénéfice pour le transporteur découlant des Frais et taxes perçus. D’abord, les taxes sont entièrement remises à diverses autorités indépendantes, dont plusieurs sont étrangères. Il en est de même pour la vaste majorité des Frais. Il n’y a que l’entente concernant les frais d’amélioration aéroportuaire perçus pour le compte d’aéroports canadiens qui permette aux compagnies aériennes de conserver des frais de gestion de l’ordre de 3 à 8 % de leur valeur, selon l’aéroport canadien en cause. Cependant, la preuve ne permet pas de quantifier la valeur de ces profits découlant des billets acquis par les membres du groupe pendant la Période visée par l’action collective, considérant les diverses variations et fluctuations que ce calcul doit prendre en compte, selon les aéroports[131].
  7.       Pour ce qui est des surcharges incluses dans les Frais, soit celles associées au carburant, à la navigation, à l’assurance ou aux échanges de primes aériennes contre des billets, le représentant d’Air Canada témoigne qu’elles visent à neutraliser la volatilité des coûts sur les divers marchés concernés. L’Union des consommateurs n’a pas démontré les profits que ferait Air Canada grâce à ces surcharges et ne les a pas quantifiés. En somme, l’Union des consommateurs n’a pas administré de preuve démontrant que le commerçant profite de sa pratique illégale[132].
  8.       Force est de conclure que l’ensemble ne permet pas de quantifier la réduction de l’obligation à laquelle les consommateurs pourraient avoir droit en respectant les principes applicables. Quant à des dommages-intérêts, les membres du groupe n’en réclament aucun et n’en font pas la démonstration.
  9.       Je me tourne donc vers l’analyse des dommages-intérêts punitifs.

d.     Dommages-intérêts punitifs

-          Octroi de dommages-intérêts punitifs

  1.       L’Union des consommateurs plaide que la juge a erré en droit en refusant d’octroyer des dommages-intérêts punitifs. Elle souligne que, malgré une violation grave et intentionnelle d’une loi d’ordre public qui touchait des milliers de consommateurs, la juge a erronément excusé le comportement d’Air Canada au motif que cette dernière croyait la disposition inopérante à son égard pour des motifs constitutionnels. Le PGQ appuie cet argument en soulignant que les législations jouissent d’une présomption de validité. En plus, l’Union des consommateurs souligne que la juge a omis de considérer, dans son analyse, l’absence de condamnation à des dommages-intérêts compensatoires de même que la nécessité de dissuader la répétition du comportement pour la société en général.
  2.       Air Canada répond que la juge a valablement énoncé les principes relatifs à l’octroi de dommages-intérêts punitifs puis les a appliqués aux faits, rendant ainsi une décision qui relevait de sa discrétion qu’elle a exercée judiciairement. Elle plaide que sa conduite n’a rien de répréhensible, alors qu’elle respectait la législation qu’elle estimait lui être applicable. Elle a modifié sa pratique en matière d’affichage de prix dès l’annonce de l’entrée en vigueur des changements à la loi fédérale.

***

  1.       L’attribution de dommages-intérêts punitifs doit trouver son fondement dans la loi et leur attribution constitue l’exception, et non la règle[133]. Dans l’arrêt Time, la Cour suprême mentionne qu’un consommateur qui établit une violation de la LPC peut demander des dommages-intérêts punitifs même s’il n’obtient pas de réparation contractuelle ou de dommages-intérêts compensatoires[134]. En effet, l’article 272 LPC édicte que si le commerçant manque à une obligation de la loi, le consommateur « peut également demander des dommages-intérêts punitifs » en plus des autres réparations prévues[135]. Les critères d’attribution de ces dommages-intérêts n’étant pas prévus à la LPC, il faut s’en remettre aux principes du droit commun prévus à l’article 1621 C.c.Q.[136] :

1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.

1621. Where the awarding of punitive damages is provided for by law, the amount of such damages may not exceed what is sufficient to fulfil their preventive purpose.

Punitive damages are assessed in the light of all the appropriate circumstances, in particular the gravity of the debtor’s fault, his patrimonial situation, the extent of the reparation for which he is already liable to the creditor and, where such is the case, the fact that the payment of the reparatory damages is wholly or partly assumed by a third person.

  1.       Les dommages-intérêts punitifs cherchent à décourager la répétition de comportements fautifs, autant pour l’auteur que pour la société en général. « La condamnation joue ainsi un rôle de dissuasion particulière et générale »[137]. Ils peuvent également servir à dénoncer un acte fautif particulièrement répréhensible[138]. Pour évaluer ces impératifs, il faut considérer les objectifs de la Loi sur la protection du consommateur. À ce sujet, la Cour suprême souligne dans l’arrêt Time :

[160] Le premier objectif de la L.p.c. est le rétablissement d’un équilibre dans les relations contractuelles entre les commerçants et le consommateur. La nécessité de ce rééquilibrage découle de la faiblesse du pouvoir de négociation du consommateur face aux commerçants […]. Elle découle également du risque de vulnérabilité informationnelle auquel est exposé le consommateur à toutes les étapes de ses rapports avec des commerçants. En somme, les obligations imposées aux commerçants et le formalisme des contrats régis par la loi visent à établir un équilibre contractuel entre les commerçants et le consommateur.

[161] La L.p.c. possède comme second objectif l’élimination des pratiques déloyales et trompeuses susceptibles de fausser l’information dont dispose le consommateur et de l’empêcher de faire des choix éclairés. […]

[162] Par la réalisation de ces deux objectifs, le législateur cherche à sauvegarder l’existence d’un marché efficient où le consommateur peut intervenir avec confiance.

[Références omises; soulignements ajoutés]

  1.       La Loi sur la protection du consommateur est d’ordre public et ses dispositions doivent être appliquées avec rigueur et diligence par les commerçants qui « ne peuvent donc adopter une attitude laxiste, passive ou ignorante à l’égard des droits du consommateur »[139]. Ils doivent s’informer au sujet de leurs obligations et prendre des mesures raisonnables pour en assurer le respect. Ainsi, selon la Loi sur la protection du consommateur, les dommages-intérêts punitifs serviront à réprimer « des comportements d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse à l’égard des droits du consommateur » de même que des « actes intentionnels, malveillants ou vexatoires »[140]. Le comportement du commerçant sera scruté « avant la violation, mais également le changement (s’il en est) de son attitude envers le consommateur, et les consommateurs en général, après cette violation ».[141]
  2.       La norme d’intervention en appel est élevée; l’intervention ne sera justifiée qu’en présence « d’une erreur de droit ou d’une erreur sérieuse dans l’évaluation du montant »[142].

***

  1.       La juge conclut que les membres du groupe n’ont pas droit à des dommages-intérêts punitifs, car Air Canada : (1) ne considérait pas qu’elle violait la disposition puisqu’elle en conteste l’application du point de vue constitutionnel; (2) n’induisait pas les consommateurs en erreur puisqu’elle annonçait dès la première étape que le prix affiché ne serait pas celui exigé; et (3) croyait agir dans l’intérêt des consommateurs puisque ses concurrents affichaient ainsi leurs prix durant cette période. Elle ajoute enfin que, puisqu’Air Canada a cessé la pratique en 2012, il n'est pas nécessaire d’accorder des dommages-intérêts punitifs pour « dissuader et décourager la répétition du comportement »[143].
  2.       Avec égards, la juge commet une erreur révisable à ce chapitre. Air Canada fait preuve d’insouciance et de négligence sérieuse à l’endroit des consommateurs en plaçant ses intérêts commerciaux au-devant de ses obligations envers ses clients, en négligeant la vulnérabilité informationnelle de ceux-ci et en omettant d’éliminer une pratique susceptible de les empêcher de faire des choix éclairés.
  3.       La Loi sur la protection du consommateur est présumée valide. La jurisprudence constante établit de longue date que les entreprises relevant de la compétence exclusive du Parlement demeurent généralement assujetties aux lois provinciales d’application générale[144]. La partie qui prétend qu’une disposition est inopérante ou inapplicable pour des motifs constitutionnels doit renverser la présomption de validité et répondre au principe de fédéralisme coopératif qui prône une interprétation conciliatrice entre les dispositions provinciales et fédérales[145]. Air Canada fait donc preuve d’ignorance et de laxisme en décidant unilatéralement que l’article 224 al. 1c) LPC ne lui est pas applicable, en plus de négligence sérieuse en n’entreprenant pas de recours devant les tribunaux pour suspendre l’application de cet article pendant sa contestation constitutionnelle[146]. D’ailleurs, je note que l’argument constitutionnel des institutions financières dans l’affaire BMO n’a pas empêché la Cour suprême de confirmer l’ordonnance du juge de première instance quant au paiement de dommages-intérêts punitifs[147].
  4.       Bien que la preuve ne démontre pas qu’un consommateur précis ait été induit en erreur dans les faits, il n’empêche qu’Air Canada violait l’article 224 al. 1c) LPC – ce qu’elle ne conteste plus d’ailleurs – et elle avait été avisée de cette possibilité. En effet, l’action collective est entreprise deux semaines après l’entrée en vigueur de la disposition en juin 2010 et l’Office de la protection du consommateur écrit à Air Canada dès octobre 2010 pour l’informer qu’elle considère que l’entreprise viole l’article 224 al. 1c) LPC. Air Canada répond à cette lettre en affirmant que la disposition ne s’applique pas à son secteur d’activité, considérant que le transport aérien est de compétence fédérale exclusive, sans prétendre subsidiairement qu’elle ne contrevient pas à la disposition. Elle choisit néanmoins de ne pas entreprendre de procédure pour suspendre l’application de la loi, laissant l’action collective suivre son cours.
  5.       Par ailleurs, le maintien de la pratique de décomposition des prix par Air Canada cherche avant tout à maintenir son intérêt concurrentiel dans le marché, et non à protéger l’intérêt des consommateurs. La position d’Air Canada à ce sujet était exposée dans la décision de l’Office des transports au sujet de la surcharge pour les frais d’essence que cite la Cour dans l’arrêt sur l’autorisation :

[40] […] Air Canada fait valoir que les sites Web et les annonces publicitaires de la plupart des transporteurs aériens du monde entier ne mentionnent pas d'emblée les prix sans réduction et ne fournissent une ventilation détaillée des composantes du prix total que lorsque l'itinéraire complet est choisi. Air Canada soutient que, contrairement à l'opinion de M. Wyant selon laquelle les consommateurs passent par les différentes étapes des sites Web des transporteurs pour calculer un prix total à des fins de comparaison, les consommateurs sont souvent très sensibles à l'affichage initial des prix, qui ne comportent pas les frais additionnels, comme un supplément pour le carburant, et qu'ils fondent leur comparaison des prix sur ce qu'ils voient à l'écran.[148]

[Soulignements ajoutés]

  1.       L’intérêt des consommateurs n’est certainement pas mieux servi par une violation de la loi en raison d’une pratique généralisée en ce sens dans l’industrie. Au contraire, cet intérêt milite plutôt en faveur d’une plus grande transparence par l’affichage de l’ensemble des informations détenues par Air Canada dès la première étape de navigation sur son site Internet, y compris le tarif de base, le montant des Frais et le montant des taxes visées par la LPC, comme elle le faisait à la deuxième étape de navigation. Toutes ces informations auraient permis aux consommateurs de comparer les tarifs de base et de connaître le prix qui serait exigé pour l’achat, à l’exception des Taxes visées par l’exemption. Cela aurait assuré le rétablissement d’un équilibre dans la relation avec le commerçant et permis le choix éclairé du consommateur qui aurait pu contracter dans ce marché efficient avec confiance. Air Canada a d’ailleurs célébré sa transparence à l’endroit de ses clients lorsqu’elle a cessé sa pratique de décomposition des prix en février 2012 en soulignant :

[…] Air Canada a […] inauguré une nouvelle approche de l’annonce des tarifs fondée sur des prix tout compris, afin que ses clients puissent plus facilement magasiner leurs billets, faire des comparaisons et déterminer le coût final de leur transport aérien.

[…]

[…] Ainsi, elle affichera bien en vue le prix final, accompagné du détail du tarif de base, ainsi que du total des taxes, des frais et des autres suppléments. L’affichage des prix tout compris découle de l’intérêt croissant de nos clients en matière de transparence et de simplicité lorsqu’ils magasinent leurs billets d’avion [...][149].

  1.       Jusqu’à ce changement de cap, Air Canada a préféré ses propres intérêts commerciaux, ce qui démontre une insouciance et une négligence sérieuse à l’endroit des consommateurs. Il est nécessaire d’octroyer des dommages-intérêts punitifs pour dénoncer ce comportement.
  2.       Enfin, même si Air Canada a cessé la pratique de décomposition des prix au moment du jugement, il demeure qu’elle l’a maintenue même si le législateur fédéral avait déjà annoncé son intention de l’interdire dès 2007 par la modification de la Loi sur les transports du Canada, et ce, jusqu’à l’adoption du décret en décembre 2011 permettant que cette modification entre en vigueur dans l’attente de la promulgation d’un règlement en ce sens. Cette position est donc maintenue lors de l’adoption de la modification à l’article 224 LPC. Il faut décourager la répétition de ce comportement dans la société en général, de même qu’au sein de l’entreprise qui pourrait se retrouver à nouveau dans une telle situation.
  3.       Je conclus donc qu’il y a lieu d’octroyer des dommages-intérêts punitifs et j’analyse maintenant le quantum qu’il y a lieu d’accorder.

-          Quantum des dommages-intérêts punitifs

  1.       La Cour résume succinctement les principes applicables en cette matière dans l’arrêt Imperial Tobacco :

[1102] Les critères utiles à la détermination du quantum sont énoncés à l’article 1621 C.c.Q. Cet article consacre d’abord le principe de modération, c’est-à-dire qu’il sera essentiel d’octroyer un montant qui n’excède pas ce qui permet d’assurer la fonction préventive des dommages punitifs. Parmi les critères énoncés à l’alinéa 2, dont la liste n’est pas exhaustive, il faudra considérer (i) la gravité de la faute du débiteur, de loin l’aspect le plus important, lequel s’analyse selon la conduite fautive et l’impact de cette conduite sur la victime, (ii) la situation patrimoniale du débiteur et (iii) la réparation qu’il est déjà tenu de payer.[150]

[Renvois omis]

  1.       L’Union des consommateurs réclame des dommages-intérêts punitifs d’une valeur totale de 10 M$, ce qui représente une somme d’environ 14,45 $ par billet vendu aux membres du groupe au cours de la période visée[151]. En gardant à l’esprit la nécessité de faire preuve de modération en matière d’attribution de dommages-intérêts punitifs, je considère la demande justifiée dans les circonstances précises mises en preuve. La faute est grave, délibérée et touche un nombre important de consommateurs. Il faut accorder une somme suffisante pour la dénoncer et s’assurer qu’il n’y aura pas de répétition d’un comportement aussi négligent et insouciant par l’entreprise et la société en général. Par ailleurs, la juge conclut de la preuve que « l’impact de l’octroi des dommages-intérêts punitifs réclamés demeure modeste en comparaison avec ses résultats financiers récents. Sa capacité de les payer ne semble pas y faire obstacle »[152]. Air Canada ne démontre pas d’erreur manifeste et dominante à ce sujet. Enfin, la difficulté d’évaluer l’impact de la violation et l’absence de réparation compensatoire, ou de toute autre sanction disciplinaire, criminelle ou administrative, appuient le bien-fondé de la demande en ce qui a trait aux dommages-intérêts punitifs dont le montant doit être « non négligeable » dans le contexte[153].
  2.       S’agissant de dommages-intérêts punitifs, le jugement est constitutif de droit et, en conséquence, le paiement des intérêts et l’indemnité additionnelle commenceront à courir à partir de la décision qui les accorde, conformément à la conclusion recherchée par les appelants.
  3.       Enfin, l’article 595 al. 1 C.p.c. prévoit que le recouvrement d’une telle somme sera collectif si celle-ci est « suffisamment précise »[154]. En l’espèce, le montant octroyé est précis, de même que le nombre de membres visés par le recouvrement, ce qui justifie un recouvrement collectif. Enfin, il y a lieu de retourner le dossier au tribunal de première instance pour qu’il procède à la liquidation individuelle conformément à l’article 596 C.p.c.

***

  1.       Pour ces motifs, je propose d’accueillir en partie l’appel, d’infirmer le jugement de première instance, de condamner Air Canada à payer une somme de 10 M$ à titre de dommages-intérêts punitifs avec les intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du présent arrêt, de retourner le dossier à la Cour supérieure pour le recouvrement collectif afin qu’elle procède à la liquidation individuelle, avec les frais de justice contre Air Canada.

 

 

 

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 


[1]  RLRQ, c. P-40.1.

[2]  RLRQ, c. P-40.1, r.3.

[3]  De nombreux et importants frais sont collectés par les transporteurs aériens et versés à des autorités locales, étrangères et privées, dont des aéroports, notamment des frais d’améliorations aéroportuaires, ou encore des frais en lien avec la sécurité aérienne, la santé, le développement local, la protection de l’environnement ou d’autres raisons sociales. En plus, Air Canada impose des surcharges pour couvrir les fluctuations du prix de l’essence et des frais d’assurance, de navigation et d’échange de primes aériennes contre des billets.

[4]  La TPS, la TVH, la TVQ et le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien (DSPTA) sont visées par l’exemption prévue aux art. 224 al. 2 LPC et 91.8 Règlement, ce que reconnaît l’Union des consommateurs, Union des consommateurs c. Air Canada, 2022 QCCS 4254 (jugement entrepris), paragr. 8.

[5]  Par exemple les taxes américaines « Flight Segment Tax » et « Transportation Tax ».

[6]  Extrait du site Internet d’Air Canada [caractères gras dans l’original]. Il était possible de cliquer sur les mots « Learn more… » pour en apprendre davantage au sujet des Frais et taxes qui seront ajoutés au prix annoncé si le billet d’avion était acheté. Voir : jugement entrepris, paragr. 34.

[7]  Extrait du site Internet d’Air Canada. Voir : jugement entrepris, paragr. 38.

[8]  Le site Internet permet d’appuyer sur l’hyperlien « VIEW QUOTE DETAILS » pour obtenir de plus amples informations sur le prix proposé, voir jugement entrepris, paragr. 42.

[9]  Extrait du site Internet d’Air Canada. Voir : jugement entrepris, paragr. 38.

[10]  Extrait du site Internet d’Air Canada.

[11]  Union des consommateurs c. Air Canada, 2012 QCCS 4091.

[12]  Union des consommateurs c. Air Canada, 2014 QCCA 523 (Arrêt sur l’autorisation).

[13]  Id., paragr. 6.

[14]  Arrêt sur l’autorisation, paragr. 7.

[15]  Jugement entrepris.

[16]  Arrêt sur l’autorisation, paragr. 73.

[17]  Jugement entrepris, paragr. 79.

[18]  Id., paragr. 130.

[19]  Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, paragr. 123-124 (Time).

[20]  Jugement entrepris, paragr. 143.

[21]  Id., paragr. 159.

[22]  Id., paragr. 184.

[23]  Id., paragr. 188.

[24]  Air Canada renonce cependant en appel à son argument fondé sur la doctrine de l’exclusivité des compétences.

[25]  L.C. 2007, ch. 19 (Loi modifiant la Loi sur les transports).

[26]  L.C. 1996, ch. 10 (Loi sur les transports).

[27]  Loi modifiant la Loi sur les transports, art. 64.

[28]  Décret fixant la date d’entrée en vigueur des articles 86.1 et 86.2 de la Loi sur les transports au Canada, édictés par l’article 27 de la loi, C.P. 2011-1679.

[29]  DORS/2012-298.

[30]  DORS/88-58. La disposition a été remplacée le 14 juillet 2019 par l’art. 8 du Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 qui est au même effet.

[31]  Voir notamment : Murray-Hall c. Québec (Procureur général), 2023 CSC 10 (Murray-Hall); Transport Desgagnés inc. c. Wärtsilä, 2019 CSC 58, paragr. 99-105 (Wärtsilä); Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd., 2019 CSC 5, paragr. 65-66; Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53, paragr. 16 et s. (Lemare); Alberta (Procureur général) c. Moloney, 2015 CSC 51 (Moloney); Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55 (BMO); Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39 (COPA); Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22 (BCO); Law Society of British Colombia c. Mangat, 2001 CSC 67; Bell Canada c. Directeur des poursuites criminelles et pénales (Office de la protection du consommateur), 2022 QCCA 408 (Bell).

[32]  Murray-Hall, paragr. 25.

[33]  BCO, paragr. 37.

[34]  Lemare, paragr. 17.

[35]  Lemare, paragr. 17.

[36]  Murray-Hall, paragr. 85; Moloney, paragr. 27; Lemare, paragr. 26.

[37]  Murray-Hall, paragr. 85; Wärtsilä, paragr. 105; BMO, paragr. 72; BCO, paragr. 74.

[38]  Murray-Hall, paragr. 85.

[39]  Procureur Général du Canada c. Law Society of British Columbia, [1982] 2 RCS 307, p. 356. Voir également : Lemare, paragr. 20-21; Moloney, paragr. 14; BCO, paragr. 75.

[40]  COPA, paragr. 66.

[41]  Lemare, paragr. 23. Voir également : Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Saskatchewan, 2005 CSC 13, paragr. 21; BCO, paragr. 74.

[42]  Murray-Hall, paragr. 85, citant Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11, paragr. 128.

[43]  Chambre des Communes, Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités, Témoignage du ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 39e lég, 1re sess. no°14, 26 septembre 2006, p. 2.

[44]  Loi sur les transports, art. 5 al.1b).

[45]  Voir à ce sujet notamment : COPA, paragr. 28-29; Johannesson c. Rural Municipality of West St. Paul, [1952] 1 R.C.S. 292; In re Regulation and Control of Aeronautics in Canada, [1932] A.C. 54 (C.P.).

[46]  Air Canada c. Ontario (Régie des alcools), [1997] 2 R.C.S. 581, paragr. 72-74; Procureure générale du Québec c. Leclerc, 2018 QCCA 1567, paragr. 62.

[47]  Arrêt sur l’autorisation, paragr. 53.

[48]  Time, paragr. 50; Salko c. Financière Banque Nationale inc., 2025 QCCA 74, paragr. 42.

[49]  Time, paragr. 160-161. Voir également : BMO, paragr. 55; Bell, paragr. 69.

[50]  Voir : BMO, paragr. 74; Bell, paragr. 73-74.

[51]  En ce sens, l’arrêt cité par Air Canada, Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, paragr. 81-82, se distingue.

[52]  Par analogie, voir : Murray-Hall, paragr. 82; Le procureur général de l'Ontario c. SEFPO, [1987] 2 R.C.S. 2.

[53]  Voir : Unlu v. Air Canada, 2012 BCSC 60, confirmé en Cour d’appel, 2013 BCCA 112, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 15 août 2013, no 35370, dans laquelle la Cour suprême de la Colombie-Britannique mentionne, au sujet de l’incompatibilité des dispositions provinciales du Business Practices and Consumer Protection Act, SCCB 2004, c. 2 avec l’art. 86.1 Loi sur les transports : « Since no regulations have been made, there is nothing potentially in conflict », paragr. 68. Voir également, par analogie : Wärtsilä, paragr. 101-105.

[54]  Mémoire de l’intimée, paragr. 99.

[55]  Murray-Hall, paragr. 91.

[56]  Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 39e lég., 1re sess., vol. 141, no°170, 13 juin 2007, p. 10573.

[57]  Règlement sur les agents de voyages, RLRQ, c. A-10, r.1, art. 14.1.

[58]  Sénat, Débats du Sénat, 39e lég., 1re sess., vol. 143, no 99, 17 mai 2007, p. 2396.

[59]  Jugement entrepris, paragr. 115.

[60]  Voir par analogie : Unlu v. Air Canada, 2013 BCCA 112, paragr. 29-31, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 15 août 2013, no 35370. En ce sens, l’arrêt cité par Air Canada, Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, paragr. 4, 75 et 83-85, se distingue.

[61]  Bell, paragr. 93.

[62]  Id., paragr. 96.

[63]  Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34 (Loi sur la concurrence), art. 74.01 (1) a) et 74.05 (1).

[64]  Lettre du 12 octobre 2011 du Bureau de la concurrence Canada à Air Canada.

[65]  Voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, paragr. 27; 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, paragr. 7. Voir également P.A. Côté, Interprétation des lois, 5e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2021, paragr. 1182, p. 381.

[66]  Time, paragr. 113.

[67]  Ibid., citant Beauchamp c. Relais Toyota inc., [1995] R.J.Q. 741 (C.A.), p. 744.

[68]  Time, paragr. 98-100.

[69]  Id., paragr. 124.

[70]  Time, paragr. 124.

[71]  Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358 (Imperial Tobacco), paragr. 859 et voir également paragr. 939-940; Meubles Léon ltée c. Option consommateurs, 2020 QCCA 44, (Meubles Léon), paragr. 116, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 22 octobre 2020, no 39132; Fortin c. Mazda, 2022 QCCA 635, paragr. 15, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 16 mars 2023, no 40300.

[72]  Arrêt sur l’autorisation, paragr. 57.

[73]  Id., paragr. 58. Voir également : Dubé c. Nissan Canada Finance, division de Nissan Canada inc., 2013 QCCS 3653, paragr. 26, confirmée par 2015 QCCA 333, paragr. 59, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 septembre 2015, no 36392.

[74]  Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Directrice de la protection de la jeunesse du CISSS A, 2024 CSC 43, paragr. 23. Voir : La Presse inc. c. Québec, 2023 CSC 22, paragr. 22; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, paragr. 21. Groupe CRH Canada inc. c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCA 1207, paragr. 16. Voir également : Loi d’interprétation, RLRQ c. I-16, art. 41 et 41.1.

[75]  Déneigement et Excavation M. Gauthier inc. c. Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics, région de Montréal, 2022 QCCA 1586, paragr. 41.

[76]  Voir l’art. 12 LPC qui prévoit que des frais ne peuvent être réclamés d’un consommateur, « à moins que le contrat n’en mentionne de façon précise le montant ».

[77]  Assemblée nationale, Journal des débats de la commission permanente des relations avec les citoyens, 39e lég.,1re sess., vol. 41, no 12, 10 novembre 2009, p. 11 (Mme Weil).

[78]  Arrêt sur l’autorisation, paragr. 59.

[79]  Salko c. Financière Banque Nationale inc., 2025 QCCA 74, paragr. 42.

[80]  Imperial Tobacco, paragr. 861.

[81]  Salko c. Financière Banque Nationale inc., 2025 QCCA 74, paragr. 42. Voir également Time, paragr. 50.

[82]  Time, paragr. 160-161; BMO, paragr. 55.

[83]  Time, paragr. 124.

[84]  Jugement entrepris, paragr. 159.

[85]  Jugement entrepris, paragr. 158.

[86]  Time, paragr. 49.

[87]  Imperial Tobacco, paragr. 924. Voir également : Time, paragr. 117.

[88]  Jugement entrepris, paragr. 159.

[89]  Time, paragr. 117.

[90]  Imperial Tobacco, paragr. 929. Voir également Vidéotron c. Girard, 2018 QCCA 767 (Girard), paragr. 73. Quant au caractère essentiel du prix dans un contrat de consommation, voir : Bell, paragr. 58; Pierre-Claude Lafond, Droit de la protection du consommateur: théorie et pratique, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2022, paragr. 646-659.

[91]  Girard, paragr. 73.

[92]  Réponse d’Air Canada au Bureau de la concurrence datée du 29 novembre 2011. Selon la preuve présentée, la majoration pour les Frais et taxes peut aller jusqu’à 120 % du prix annoncé, alors que celle en cause pour la personne désignée était de 42 % du prix annoncé.

[93]  Arrêt sur l’autorisation, paragr. 64-65, citant Wyant c. Air Canada, (30 octobre 2009), 456-C-A-2009, OTC (Wyant).

[94]  Time, paragr. 132.

[95]  Ibid.

[96]  L’art. 253 LPC couvre l’art. 228 LPC, mais pas 219 LPC.

[97]  Time, paragr. 121. Voir également : Imperial Tobacco, paragr. 937.

[98]  Voir : Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2018, paragr. 663.

[99]  Voir : Imperial Tobacco, paragr. 939-941. Procureur général du Québec c. Léveillé, 2021 QCCA 653, paragr. 15.

[100]  Imperial Tobacco, paragr. 941.

[101]  Id., paragr. 942.

[102]  Mémoire de la Présidente de l’OPC, paragr. 92.

[103]  Time, paragr. 145

[104]  Id., paragr. 113 et 145.

[105]  Imperial Tobacco, paragr. 942.

[106]  Time, paragr. 126.

[107]  Article 1611 C.c.Q. Voir Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc., [1997] R.J.Q. 47, paragr. 67.

[108]  Time, paragr. 126. Voir également : Brault & Martineau inc. c. Riendeau, 2010 QCCA 366 (Brault & Martineau), paragr. 42; Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738, paragr. 58.

[109]  Fortin c. Mazda Canada inc., 2022 QCCA 635 (Mazda).

[110]  Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, paragr. 120-127. Mazda avait cependant assumé le coût des mesures correctrices du défaut de conception de l’automobile, lesquelles étaient de peu de valeur.

[111]  Mazda, paragr. 15-16, 19-20.

[112]  Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, paragr. 133.

[113]  Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2018, paragr. 686. Voir également les art. 1407, 1607 et 1611 C.c.Q.; Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, paragr. 69; Chaput c. Romain, [1955] R.C.S. 834, à la p. 841.

[114]  Par analogie : Meyerco Enterprises Ltd. c. Kinmont Canada inc., 2016 QCCA 89, paragr. 25-29; Laplante c. Lemarbre, 2009 QCCA 1172, paragr. 9-16; Bellerose c. Bouvier, [1955] B.R. 175. Jean Pineau, Serge Gaudet, Danielle Burman et al., Théorie des obligations, 5e éd., vol. 1, Montréal, Éditions Thémis, 2023, paragr. 406-407.

[115]  Harmegnies c. Toyota Canada inc. 2008 QCCA 380.

[116]  Jugement entrepris, paragr. 156.

[117]  Id., paragr. 157.

[118]  Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1, r.3.

[119]  Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1, r.2.

[120]  Voir à ce sujet : Mireault c. Loblaws inc., 2022 QCCA 1752, confirmant 2022 QCCS 31, paragr. 41.

[121]  BMO; Banque Amex du Canada c. Adams, 2014 CSC 56; Marcotte c. Fédération des caisses Desjardins du Québec, 2014 CSC 57. Voir également : Girard.

[122]  Meubles Léon, paragr. 103. Dans cet arrêt, la Cour ordonne cependant le remboursement des frais de crédit à titre de dommages-intérêts alors que la publicité induisait les consommateurs en erreur en affirmant qu’il n’y aurait jamais aucuns frais à payer et que ces frais étaient facturés plusieurs mois après l’achat.

[123]  Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738.

[124]  Contrairement aux annonces dans l’affaire Meubles Léon.

[125]  Girard, paragr. 60-64.

[126]  Mazda, paragr. 21.

[127]  Succession de Drolet c. Succession de Boilard, 2021 QCCA 144, paragr. 26; Brault & Martineau, paragr. 42; Bourassa c. Germain, [1997] R.R.Q. 679, p. 682.

[128]  Jugement entrepris, paragr. 158.

[129]  Mazda, paragr. 16, 20 et 21. Voir également : Municipalité de Val-Morin c. Entreprise TGC inc., 2019 QCCA 405, paragr. 14; Electrolux Canada Corp. c. American Iron & Metal, 2016 QCCA 1692, paragr. 21, demande d’autorisation à la Cour suprême rejetée, 16 mars 2017, no 37362.

[130]  Ponce c. Société d'investissements Rhéaume ltée, 2023 CSC 25 (Ponce), paragr. 111 citant Biotech Electronics Ltd. c. Baxter, [1998] R.J.Q. 430 (C.A.), p. 443. Voir également Ponce, paragr. 113.

[131]  Par analogie : Gindis c. Nun’s Island Investments Inc., 2025 QCCA 130, paragr. 35.

[132]  Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada, 2015 QCCA 333, paragr. 85.

[133]  Time, paragr. 150; de Montigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51, paragr. 48; Imperial Tobacco, paragr. 1097.

[134]  Time, paragr. 147.

[135]  Art. 272 al. 2 LPC [soulignements ajoutés]. Voir également : BMO, paragr. 100.

[136]  Time, paragr. 154 et 158; Imperial Tobacco, paragr. 1099.

[137]  Time, paragr. 155.

[138]  Id., paragr. 255.

[139]  Id., paragr. 176.

[140]  Time, paragr. 177.

[141]  Id., paragr. 178.

[142]  Id, paragr. 190. Voir également BMO, paragr. 98; Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73, paragr. 134.

[143]  Jugement entrepris, paragr. 191.

[144]  Voir notamment : Procureur général du Canada c. Law Society of British Columbia, [1982] 2 R.C.S. 307; Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749, p. 762.

[145]  BCO.

[146]  Voir : Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, p. 124-125; RJR - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, p. 346.

[147]  BMO, paragr. 62-84 et 99.

[148]  Wyant, paragr. 40, cité dans l’arrêt sur l’autorisation, paragr. 65. Voir également : Réponse d’Air Canada au Bureau de la concurrence datée du 29 novembre 2011.

[149]  Communiqué de presse du 8 février 2012 d’Air Canada intitulé « Air Canada inaugure l’affichage des prix tout compris en lançant un solde mondial de places marquant les célébrations de son 75e anniversaire ».

[150]  Imperial Tobacco, paragr. 1102.

[151]  La preuve démontre qu’un total de 692 241 billets auraient été vendus aux membres du groupe pendant la Période, chiffre que ne conteste pas Air Canada.

[152]  Jugement entrepris, paragr. 171.

[153]  Voir : Time, paragr. 214.

[154]  Voir : FTQ-Construction c. N. Turenne Brique et pierre inc., 2022 QCCA 1014, paragr. 5.

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