Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Poitras c. D'Onofrio

2018 QCCA 1079

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-026724-179

(500-17-077545-138; 500-17-078269-134)

 

DATE :

28 juin 2018

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

 

MAURICE C. POITRAS

APPELANT — mis en cause — défendeur

c.

 

MARCO D’ONOFRIO

GUYLAINE PAIEMENT

CESUR CELIK

JUNE TYLER CELIK

ZINA BAUZA

INTIMÉS — demandeurs

et

VILLE DE MONTRÉAL

INTIMÉE — défenderesse — mise en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Marc-André Blanchard) rendu le 8 mars 2017. Ce jugement, notamment, annule l’inclusion des mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du règlement » à l’alinéa 4 de l’article 1 du Règlement CA28 0012 en déclarant cette inclusion ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement. Il annule également l’émission en faveur de l’appelant de six permis de construction, déclare que l’immeuble construit par celui-ci contrevient à ce règlement et en ordonne la démolition ainsi que de ses accessoires.

[2]           Pour les motifs de la juge Hogue, auxquels souscrivent les juges Marcotte et Rancourt, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE en partie l’appel du jugement du 8 mars 2017;

[4]           REJETTE l’action instituée par les intimés dans les dossiers 500-17-077545-138 et 500-17-078269-134;

[5]           RAYE les conclusions se retrouvant aux paragraphes [178] à [186] du jugement;

[6]           MAINTIENT les autres conclusions du jugement apparaissant aux paragraphes [191] et [192] du jugement, de même que les paragraphes [187] à [190] compte tenu de l’absence d’appel incident des intimés Zina Bauza, Cesur Celik et June Tyler Celik;

[7]           LE TOUT, avec les frais de justice.

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A.

 

Me Jacques S. Darche

BORDEN LADNER GERVAIS

Pour l’appelant

 

Me Éric Oliver

MUNICONSEIL AVOCATS

Pour Marco D’Onofrio, Guylaine Paiement, Cesur Celik, June Tyler Celik et Zina Bauza

 

Me Éric Couture

GAGNIER GUAY BIRON

Pour Ville de Montréal

 

Date d’audience :

11 décembre 2017


 

 

MOTIFS DE LA JUGE HOGUE

 

 

[8]           L’appelant fait face à une ordonnance de démolir la maison qu’il a récemment construite puisqu’une partie de la disposition du règlement municipal en vertu duquel les permis pour la construire lui ont été délivrés a été déclarée ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement de l’Île-Bizard—Sainte-Geneviève (« l’arrondissement ») et que ces permis, du même souffle, ont été annulés.

[9]           Il se pourvoit devant la Cour, espérant éviter ce dénouement qu’il estime injustifié.

[10]        Je suis d’avis qu’il a raison et que le jugement de première instance doit être infirmé en partie. Le règlement municipal visé est, selon moi, intra vires des pouvoirs de la municipalité et ainsi le juge de première instance commet une erreur lorsqu’il en retire les mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement », annule les permis de construction délivrés à l’appelant et ordonne la démolition de sa résidence. Voici pourquoi.

LE CONTEXTE

[11]        C’est en 2010 que l’appelant acquiert un lot situé en bordure du Lac des Deux-Montagnes, à l’Ile Bizard. Il a l’intention d’y bâtir une maison. Ce lot n’a pas front sur une rue publique. On y accède plutôt par un chemin privé qui se situe entre les terrains des intimés Celik et Bauza qui, on l’aura compris, sont les voisins immédiats.

[12]        Au moment de cette acquisition, le Règlement CA28 0012 relatif à certaines conditions d’émission de permis de construction pour l’ensemble du territoire de L’Ile-Bizard-Sainte-Geneviève (« le Règlement ») est déjà en vigueur puisqu’il a été adopté le 3 mars 2008. Il impose que certaines conditions qui y sont mentionnées soient remplies préalablement à la délivrance d’un permis pour la construction d’un bâtiment, dont, au paragraphe 4 de son article 1, celle voulant que le terrain sur lequel celui-ci doit être érigé soit « adjacent à une rue publique, à une rue privée conforme aux exigences du Règlement de lotissement (320) de l’ancienne Ville de L’Ile-Bizard […] ou à une rue privée existante lors de [son] entrée en vigueur ».

[13]        Ce règlement a depuis été modifié par le Règlement CA28 0012-1, mais je ne m’y attarde pas puisque cela n’a pas d’incidence en l’espèce.

[14]        L’appelant dépose les plans de la construction projetée auprès de l’arrondissement en vue d’obtenir les permis et les autorisations nécessaires à son projet. L’arrondissement les délivre puisque les plans d’implantation et d’intégration architecturale (« PIIA ») ont été approuvés et qu’il estime que l’ensemble de la réglementation est respecté.

[15]        La preuve révèle que l’arrondissement estime que le chemin par lequel on accède au terrain de l’appelant constitue une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du règlement et qu’ainsi le terrain sur lequel la maison doit être construite satisfait l’une des exigences énoncées au paragraphe 4 de l’article 1 du Règlement.

[16]        Ce chemin apparaît en effet sur un plan de cadastre daté du 7 juin 1989 et l’arrondissement est d’avis que cela est suffisant pour conclure qu’il existait lors de l’entrée en vigueur du règlement, en 2008.

[17]        L’appelant débute ses travaux en juin 2013, mais est rapidement confronté à l’opposition des intimés, qui sont d’avis que la construction entreprise ne respecte pas certaines exigences des règlements municipaux et des autorisations qu’il a obtenues.

[18]        Ils introduisent des procédures judiciaires dès juin 2013.

[19]        Dans un premier dossier, ils poursuivent la Ville de Montréal, dont fait partie l’arrondissement, ainsi que l’appelant et recherchent l’annulation du paragraphe 1 de l’article 4 du Règlement ainsi que l’annulation des permis de construction délivrés en faveur de l’appelant. Ils soutiennent, dans leur requête originale, que cette disposition est déraisonnable et attributive de discrétion puisqu’elle permet la délivrance d’un permis de construction lorsque le terrain est adjacent à n’importe quelle voie de circulation ou allée privée existante lors de son entrée en vigueur, sans que celle-ci ne présente les caractéristiques minimales pour être reconnue comme une voie privée.

[20]        Dans un second recours, débuté en juillet 2013, ils poursuivent l’appelant et mettent en cause la Ville de Montréal. Soutenant que la construction entreprise contrevient aux règlements et aux autorisations obtenues, ils s’appuient sur l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[1] (la « L.A.U. ») et demandent essentiellement la démolition du bâtiment alors partiellement érigé. Ils présentent une demande de sauvegarde pour forcer l’appelant à cesser les travaux entrepris pour une durée de trente (30) jours, laquelle est rejetée le 9 août 2013.

[21]        Ces deux requêtes introductives sont par la suite amendées. Les intimés y ajoutent d’autres moyens, dont celui voulant que la loi habilitante ne permette pas à l’arrondissement, une fois qu’elle décide d’utiliser le pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 4 de l’article 116 de la L.A.U., d’adopter une disposition réglementaire permettant de construire lorsque le terrain satisfait à une exigence autre que celles qui y sont expressément autorisées. Que cette autre exigence soit moins onéreuse que celles énumérées à la disposition habilitante n’importe pas, selon eux.

[22]        Ainsi, disent-ils, est ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement la partie du paragraphe 4 de l’article 1 du Règlement qui permet la délivrance d’un permis de construction lorsque le terrain est adjacent à une rue privée existante lors de son entrée en vigueur.

[23]        Ils affirment également que certains éléments de la résidence ne sont pas conformes à la réglementation ou aux autorisations obtenues.

[24]        Les intimés Bauza et Celik, dans les dossiers 500-17-078706-135 et 500-17-082849-145, introduisent d’autres procédures visant d’autres fins. Elles sont toutefois rejetées par le juge qui a entendu l’ensemble des recours. Dans la mesure où ces conclusions du jugement n’ont pas fait l’objet d’un appel et que ni ces procédures judiciaires ni leur contenu ne sont utiles pour résoudre les questions soulevées par le pourvoi, il n’y a pas lieu d’en traiter.

[25]        L’appelant, pour sa part, maintient que le Règlement est valide et que les permis lui ont été valablement délivrés. Il demande donc que les procédures introduites contre lui soient rejetées, qu’elles soient déclarées abusives et que les intimés soient condamnés à lui rembourser les honoraires judiciaires et extrajudiciaires qu’il a encourus.

[26]        Quant à la Ville de Montréal, elle maintient que le Règlement est valide et que le terrain de l’appelant répond à l’une de ses exigences. La rue privée y menant a été créée par lotissement en 1989, conformément à la réglementation alors en vigueur, et son tracé n’engendre aucun problème de sécurité. Ainsi, il s’agit d’une rue qui existait en mars 2008 lors de l’adoption du Règlement. Les permis émis et les approbations octroyées l’ont donc été valablement.

[27]        Elle ajoute avoir procédé à plusieurs inspections ayant permis de constater que la résidence et ses accessoires sont conformes à la réglementation en vigueur et aux autorisations émises.

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[28]        Les dossiers sont réunis et entendus pendant huit jours, au cours des mois de décembre 2016 et janvier 2017. Le juge prend l’affaire en délibéré et rend jugement le 8 mars 2017.

[29]        Il déclare d’abord ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement de L’Ile Bizard-Sainte-Geneviève l’inclusion, au paragraphe 4 de l’article 1 du Règlement CA28 0012, des mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement ». Il estime que la question à trancher ne nécessite pas d’interpréter le règlement, mais plutôt de déterminer s’il respecte les paramètres de la L.A.U. Ainsi, il n’y a pas lieu, selon lui, de recourir aux principes d’interprétation proposés par l’appelant et


 

par la Ville. Il estime que les mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement » sont contraires à l’article 116 de la L.A.U. qui, dit-il, ne souffre d’aucune ambiguïté. Il les annule donc, tout en conservant intact le reste du paragraphe.

[30]        Il annule ensuite les permis délivrés pour la construction de la résidence de l’appelant puisqu’ils ont été délivrés en vertu de la partie de la disposition déclarée ultra vires. Puis, exerçant sa discrétion, il retient d’abord que l’appelant, à l’audition portant sur la demande de sauvegarde, a reconnu poursuivre la construction à ses risques et périls et, ensuite, lui ordonne de procéder, dans les 180 jours du jugement, à la remise en état du terrain. Celle-ci implique la démolition de la résidence, de la piscine, des clôtures, de l’installation septique et du mur de soutènement. La construction de toutes ces structures avait été autorisée par les permis qu’il annule.

[31]        Ses motifs permettent de constater qu’il rejette , par ailleurs,  les moyens avancés par les intimés voulant que l’immeuble construit ou ses accessoires soient non conformes à la réglementation municipale ou aux autorisations obtenues et que l’approbation des PIIA soit déraisonnable.

[32]        Seul l’appelant se pourvoit à l’encontre de ce jugement. Les intimés ne formulent aucun appel incident et se limitent à soutenir le bien-fondé des conclusions du jugement.

[33]        La Ville de Montréal ne dépose pas de mémoire et ne fait aucune représentation.

La position de chacune des parties

[34]        L’appelant fait valoir plusieurs moyens.

[35]        Il soutient que le juge a erré a) en biffant du règlement les mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement » au motif qu’ils sont ultra vires des pouvoirs conférés à l’arrondissement b) en annulant les permis de construction c) en concluant que la seule avenue qui demeurait était celle de la remise en état des lieux d) en retenant contre lui la reconnaissance que la poursuite des travaux serait à ses risques et périls e) en estimant que les intimés ont agi avec diligence f) en refusant de qualifier la situation d’exceptionnelle et de rarissime, ce qui l’a amené à ordonner la remise en état plutôt que d’opter pour un autre remède.

[36]        Il soutient également que le juge aurait dû déclarer abusives les procédures entreprises contre lui après avoir conclu que les travaux qu’il a réalisés sont conformes à la réglementation en vigueur.

[37]        L’habilitation prévue à l’article 116 de la L.A.U., dit-il, prévoit les conditions les plus sévères que les municipalités peuvent imposer avant qu’un permis de construction puisse être délivré. Elles ne peuvent en imposer de plus onéreuses, mais elles peuvent certainement en imposer de moins sévères.

[38]        Il soutient que puisque le texte du paragraphe 4 de cette disposition accorde à la municipalité le pouvoir d’adopter un règlement sans lui en imposer l’obligation, il lui permet nécessairement d’adopter un règlement constituant un compromis entre les deux situations envisagées, soit celle où elle n’adopte aucun règlement et celle où elle en adopte un qui exige que le terrain satisfasse à l’une ou l’autre des deux exigences qui y sont énoncées.

[39]        L’appelant soutient, de façon subsidiaire, que le Règlement, s’il est amputé de sa dernière partie, demeure néanmoins en vigueur et que son terrain satisfait alors l’une des exigences qui y demeurent puisqu’il est adjacent à une rue privée conforme aux exigences du Règlement de lotissement. Ainsi, dit-il, le juge a eu tort d’annuler les permis de construction délivrés en sa faveur.

[40]        Il ajoute que le jugement doit être réformé même s’il a tort quant à ces deux premiers moyens. Le juge saisi d’une demande de démolition a en effet la discrétion de l’ordonner ou non, mais il ne doit pas le faire lorsque tolérer la situation ne causerait aucun préjudice à quiconque et que l’ordonner entraînerait au contraire une injustice. Or, c’est le cas ici et, en conséquence, le juge, dit-il, a mal exercé sa discrétion. La situation se qualifie d’ailleurs d’exceptionnelle et rarissime selon lui, contrairement à ce qu’en dit le juge.

[41]        À son avis, le juge a également eu tort de retenir contre lui la reconnaissance qu’il poursuivait la construction à ses risques et périls, cette déclaration ayant été faite dans le contexte où les intimés ne contestaient que certains travaux qui, il le savait, seraient exécutés conformément à la réglementation, aux autorisations obtenues et aux permis émis.

[42]        Finalement, il lui reproche d’avoir conclu que les intimés ont fait preuve de diligence alors même qu’ils n’ont contesté la validité du Règlement que plusieurs années après son entrée en vigueur et plusieurs années après qu’il eut acquis le terrain et informé certains des intimés de son intention d’y construire sa résidence.

[43]        Les intimés, pour leur part, soutiennent que la municipalité qui décide d’exercer le pouvoir de réglementation qui lui est conféré par le paragraphe 4 de l’article 116 de la L.A.U. ne peut inclure au règlement que les exigences qu’il autorise, ni plus ni moins. Ils s’appuient essentiellement sur le texte de la disposition.

[44]        Suivant cet argument, l’arrondissement ne pourrait adopter, comme elle l’a fait ici, un règlement faisant en sorte qu’un permis puisse également être délivré lorsque le terrain sur lequel doit être érigé l’immeuble est adjacent à une rue privée existante lors de son entrée en vigueur. Cette partie du règlement, selon eux, doit être déclarée ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement. Le reste de la disposition doit toutefois demeurer en vigueur, faisant en sorte que le terrain de l’appelant ne satisfait à aucune des conditions qui subsistent et que les permis de construction doivent être annulés.

[45]        Ils ajoutent que l’arrondissement ayant délivré les permis en considération du fait que le terrain est adjacent à une rue privée qui existait lors de l’entrée en vigueur du règlement, nous devons en déduire qu’elle considère cette rue non conforme au règlement de lotissement. Cette conclusion, disent-ils, est d’ailleurs exacte puisque la rue, qui pouvait être conforme à l’ancien règlement de lotissement, ne l’est plus en regard du règlement actuel et ne bénéficie pas de droits acquis.

[46]        Ils reprochent aussi au juge d’avoir refusé d’annuler les permis au motif que l’arrondissement a agi déraisonnablement en approuvant les PIIA alors que les membres du conseil d’arrondissement ne disposaient d’aucune information relative à l’intégration de la résidence projetée dans le secteur.

[47]        La démolition, selon eux, est le remède expressément prévu à l’article 227 de la L.A.U. et le juge était bien fondé de l’ordonner puisque les exigences du Règlement ne sont pas respectées et que la dimension de la rue est insuffisante pour pouvoir en faire une rue conforme au règlement de lotissement. Ce n’est d’ailleurs qu’exceptionnellement que ce remède ne doit pas être imposé, et la situation en l’espèce n’est pas exceptionnelle. De plus, disent-ils, le juge a eu raison de conclure que l’appelant avait poursuivi la construction de sa résidence à ses risques et périls et, dans ces circonstances, il était raisonnable d’en ordonner la démolition.

*

[48]        Dans la mesure où j’estime le Règlement CA28 0012 valide, je ne m’attarderai qu’à ce moyen de l’appelant puisqu’il est suffisant pour accueillir le pourvoi. Les intimés faisant toutefois valoir un autre moyen pouvant permettre de maintenir le dispositif du jugement de première instance, j’en traiterai également et expliquerai les motifs qui m’amènent à conclure qu’il n’est pas fondé.

ANALYSE

La validité du règlement

[49]        Rappelons d’abord qu’une municipalité, à titre de personne morale de droit public, n’exerce que les pouvoirs prévus à la loi. Ne possédant que des pouvoirs délégués, il va sans dire qu’elle ne peut réglementer que dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés[2]. Ainsi, une municipalité doit s’assurer que les règlements qu’elle adopte sont conformes au pouvoir délégué, qu’ils n’excèdent pas ce que la loi habilitante lui permet de faire et qu’ils ne sont pas contraires aux lois en vigueur.


 

[50]        Il est, par ailleurs, aussi établi que les municipalités doivent bénéficier d’une interprétation large et bienveillante de leurs lois habilitantes de façon à leur permettre d’en réaliser les objets[3]. Ainsi, à moins que la municipalité ait clairement excédé ses pouvoirs, les tribunaux doivent favoriser l’interprétation qui permet de maintenir en vigueur les règlements qu’elle a adoptés afin de lui permettre d’atteindre les fins légitimes poursuivies[4].

[51]        Il faut déterminer la validité du Règlement adopté par l’arrondissement en l’espèce en tenant compte de l’ensemble de ces principes.

[52]        Celui-ci a été adopté par l’arrondissement en vertu des pouvoirs que lui confère le paragraphe 4 de l’article 116 de la L.A.U. :

116. Le conseil d’une municipalité peut, par règlement, prévoir que, dans tout ou partie de son territoire, aucun permis de construction ne sera accordé, à moins qu’une ou plusieurs des conditions suivantes, qui peuvent varier selon les parties du territoire, ne soient respectées:

1°  le terrain sur lequel doit être érigée chaque construction projetée, y compris ses dépendances, ne forme un ou plusieurs lots distincts sur les plans officiels du cadastre, qui sont conformes au règlement de lotissement de la municipalité ou qui, s’ils n’y sont pas conformes, sont protégés par des droits acquis;

2°  les services d’aqueduc et d’égouts ayant fait l’objet d’une autorisation ou d’un permis délivré en vertu de la loi ne soient établis sur la rue en bordure de laquelle la construction est projetée ou que le règlement décrétant leur installation ne soit en vigueur;

3°  dans le cas où les services d’aqueduc et d’égouts ne sont pas établis sur la rue en bordure de laquelle une construction est projetée ou le règlement décrétant leur installation n’est pas en vigueur, les projets d’alimentation en eau potable et d’épuration des eaux usées de la construction à être érigée sur le terrain ne soient conformes à la Loi sur la qualité de l’environnement (chapitre Q-2) et aux règlements édictés sous son empire ou aux règlements municipaux portant sur le même objet;

4°  le terrain sur lequel doit être érigée la construction projetée ne soit adjacent à une rue publique ou à une rue privée conforme aux exigences du règlement de lotissement;

5°  le terrain sur lequel doit être érigée la construction projetée ne soit adjacent à une rue publique.

Le paragraphe 2° du premier alinéa ne s’applique pas aux constructions pour fins agricoles sur des terres en culture.

Le règlement peut également exempter les constructions pour fins agricoles sur des terres en culture de l’une ou l’autre des dispositions des paragraphes 1°, 3°, 4° et 5° du premier alinéa. Cependant, il ne peut exempter une résidence située sur ces terres de l’obligation visée par le paragraphe 3° du premier alinéa.

Le règlement peut prévoir que la condition prévue au paragraphe 1° du premier alinéa ne s’applique pas à toute construction projetée dont la localisation est identique à celle d’une construction existante. Il peut prévoir la même exemption à l’égard de toute autre construction projetée au sujet de laquelle il est démontré au fonctionnaire responsable de la délivrance du permis qu’elle ne sera pas érigée sur des terrains appartenant à des propriétaires différents.

Une exemption accordée conformément au quatrième alinéa ne s’applique pas lorsque le coût estimé de l’opération cadastrale permettant de faire un ou plusieurs lots distincts avec le terrain sur lequel la construction doit être érigée n’excède pas 10% du coût estimé de celle-ci.

                                                                                          [Caractères gras ajoutés]

[53]        Cette disposition a comme objectif de permettre aux municipalités de « donner à une municipalité la possibilité de contrôler la séquence du développement sur son territoire et de rentabiliser les services municipaux en liant les possibilités de ce développement à la disponibilité des infrastructures d’aqueduc et d’égout et à l’existence de voies de circulation publiques »[5]. Ce faisant, elles peuvent, dans une certaine mesure, décider où la construction d’un bâtiment sera permise et le faire en tenant compte des spécificités de leur territoire, de leurs ressources et de leurs projets de développement.

[54]        Les municipalités connaissent d’ailleurs leur territoire, leurs ressources et leurs projets mieux que quiconque et ce sont elles qui sont le plus en mesure d’optimiser et d’encadrer harmonieusement leur développement.

[55]        De plus, les municipalités du Québec ne sont pas confrontées à des situations identiques lorsqu’elles sont appelées à dresser leurs plans de développement et à adopter la réglementation nécessaire. Au contraire, leurs territoires sont variés et leurs spécificités diffèrent.

[56]        Conscient de ces disparités et de la position privilégiée qu’occupent les municipalités, le législateur a choisi de leur laisser le soin d’encadrer le développement de leur territoire et d’en contrôler la cadence. C’est ainsi qu’il leur a notamment confié le pouvoir de prévoir, par règlement, qu’aucun permis de construction ne sera délivré à moins qu’une ou plusieurs des cinq conditions prévues à l’article 116 de la L.A.U. ne soient satisfaites. Sous réserve du pouvoir qu’il a accordé à chacune des Municipalités régionales de comté (« MRC ») d’exiger des municipalités qui en font partie l’adoption d’un tel règlement[6], le législateur a opté pour conférer aux municipalités la faculté de l’adopter sans toutefois leur en imposer l’obligation.

[57]        Les pouvoirs des municipalités étant limités à ceux que la loi leur accorde, je suis d’avis qu’elles ne peuvent imposer à leurs citoyens des conditions plus onéreuses que celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 4 de l’article 116 de la L.A.U. - à moins évidemment qu’elles ne le fassent en vertu d’une autre disposition habilitante puisque rien ne les empêche d’adopter un règlement qui tire sa source de plus d’une disposition[7].

[58]        On peut d’ailleurs déduire de la méthode employée par le législateur - soit l’octroi d’un pouvoir et l’identification des exigences pouvant être imposées - l’intention que les municipalités ne puissent restreindre indûment le droit des citoyens de construire des immeubles en leur imposant des exigences plus onéreuses que celles qu’il les autorise à édicter.

[59]        Je ne souscris toutefois pas à l’idée mise de l’avant par les intimés, et retenue par le juge d’instance, voulant que cet article impose par ailleurs aux municipalités qui décident de se prévaloir de ce pouvoir délégué, l’obligation d’exiger que l’une ou l’autre des deux conditions mentionnées au paragraphe 4 de l’article 116 L.A.U. soit satisfaite avant qu’un permis de construction puisse être délivré. Le texte de l’article 116, l’objectif poursuivi par le législateur et la règle voulant qu’on privilégie une interprétation large et libérale du pouvoir habilitant me convainquent plutôt que la municipalité qui l’estime opportun peut assouplir ces exigences afin de tenir compte de situations existantes et prévoir qu’un permis pourra être émis si le terrain est adjacent à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du règlement.

[60]        L’appelant propose à la Cour de reconnaître qu’une municipalité, à laquelle la loi accorde la faculté de réglementer, peut toujours le faire d’une façon moins contraignante pour les citoyens que ce que la loi lui permet. Quoique je ne sois pas disposée à ériger cette proposition en règle absolue, j’estime qu’elle trouve application en l’espèce dans la mesure, toutefois, où l’assouplissement a comme objectif de tenir compte de situations existantes au moment de l’entrée en vigueur du règlement.

[61]        Le règlement adopté par l’arrondissement limite le droit de construire aux terrains qui remplissent l’une ou l’autre des exigences édictées au paragraphe 4 de l’article 116 de la L.A.U., ou encore qui sont adjacents à une rue privée existante au moment de l’entrée en vigueur de ce règlement. Ce faisant, l’arrondissement n’impose pas des exigences plus onéreuses que celles que la loi autorise, mais manifeste, au contraire, le souci de protéger des droits.

[62]        Bien que le droit de construire sur un terrain donné ne puisse être qualifié de droit acquis lorsqu’aucune démarche n’a été entreprise afin de construire[8], il demeure que la préoccupation manifestée par la municipalité est celle de protéger un droit qui existe au moment où le règlement a été adopté et qui disparaîtrait s’il n’était pas expressément préservé.

[63]        La municipalité, néanmoins soucieuse de contrôler le développement de son territoire, subordonne ce droit de construire au respect d’une exigence minimale en requérant que le terrain soit adossé à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du règlement. En choisissant cette avenue, elle protège des droits et permet le développement de certains terrains qui ne pourraient l’être autrement, tout en contrôlant, du même souffle, l’aménagement de son territoire et la construction des nouvelles structures auxquelles elle doit avoir accès. Elle le fait, par ailleurs, sans imposer aux citoyens un fardeau plus lourd que celui que la loi lui permet d’imposer.

[64]        J’estime qu’une municipalité, en exerçant le pouvoir de réglementation que lui confère l’article 116 L.A.U., peut choisir d’ajouter aux conditions prévues à la Loi une exigence additionnelle, moins onéreuse, lorsque celle-ci a pour but de protéger des droits en tenant compte de situations existantes.

[65]        Dans la mesure où elle est celle qui connaît le mieux son territoire et qu’elle est la plus à même de déterminer s’il est opportun de permettre la construction d’immeubles sur des terrains qui ne sont ni adjacents à une rue publique ni à une rue privée conforme au règlement de lotissement, ce pouvoir d’assouplir les exigences que la Loi lui permet d’imposer, afin de protéger des situations existantes, découle logiquement du pouvoir qui lui est conféré.

[66]        À défaut de lui reconnaître ce pouvoir, il faudrait conclure que la municipalité qui souhaite protéger le droit de construire sur certains terrains qui ne sont pas adossés à une voie publique ou à une voie privée conforme au règlement de lotissement, devrait tout simplement s’abstenir de réglementer, se privant alors de l’opportunité qui lui est donnée de contrôler le développement de son territoire. Un tel résultat ne m’apparaît ni


 

souhaitable ni conforme à l’objectif poursuivi par le législateur. La municipalité doit pouvoir à la fois contrôler le développement de son territoire et tenir compte de situations existantes.

[67]        Le règlement qu’a adopté l’arrondissement en l’espèce permet le développement qu’il estime convenir aux spécificités de son territoire. Il n’est pas incompatible avec la disposition habilitante et, au contraire, en respecte l’esprit et permet l’atteinte de l’objectif poursuivi.

[68]        Considérant que le législateur ne peut prévoir toutes les situations susceptibles de se présenter lorsqu’il choisit de déléguer un pouvoir, je suis d’avis que l’arrondissement n’avait pas besoin d’une autorisation expresse pour protéger des droits existant lors de l’adoption du règlement[9]. Les termes du paragraphe 4 de l’article 116 L.A.U. sont, à mon avis, suffisants.

[69]        Mon collègue le juge Giroux, alors qu’il était professeur, s’est intéressé au droit des municipalités d’adopter des dispositions réglementaires portant sur les droits acquis. Il écrivait :

Jusqu’ici nous avons étudié les principaux problèmes que soulèvent les usages dérogatoires qui sont protégés contre la réglementation rétroactive en vertu de la doctrine des droits acquis. À plusieurs reprises au cours de nos discussions, nous avons mentionné la réglementation municipale susceptible de modifier le droit commun particulièrement en ce qui concerne les cas de réparations, généralisation d’une occupation partielle d’un terrain ou d’un bâtiment, agrandissement et perte de droits acquis par interruption d’usage ou changement d’usage. À l’exception du cas de perte de protection par suite de destruction qui a été prévu par le législateur pour la Loi des cités et villes à l’article 426 (27) alinéa 3, les lois générales habilitantes sur la réglementation du zonage sont muettes quant aux pouvoirs qu’ont les corporations municipales d’adopter des règlements sur les droits acquis. Avant d’aller plus loin dans notre étude il convient de se demander si, en l’absence d’autorisation législative expresse, les conseils municipaux ont le pouvoir d’adopter des règlements à cet effet.

Il est étonnant de constater qu’aucune des décisions québécoises sur les droits acquis n’a étudié l’étendue du pouvoir réglementaire municipal sur les droits acquis. En fait, dans toutes les décisions qui intéressaient des corporations municipales dont les règlements de zonage contenaient des dispositions sur les droits acquis, les tribunaux du Québec les ont appliquées et y ont donné effet sans que ne soit mis en cause le pouvoir de ces municipalités d’adopter de telles dispositions.

[…]

Pour notre part, nous croyons qu’il est légal pour les municipalités du Québec de prévoir des dispositions sur les droits acquis dans leur réglementation de zonage et ce, même s’il n’y a pas d’autorisation législative expresse à cet effet. En effet, ce pouvoir doit être considéré comme une conséquence nécessaire des pouvoirs de réglementation déjà accordés en matière de zonage tout comme on l’a fait pour le pouvoir d’adopter un règlement exigeant le début des travaux dans un certain délai après l’émission d’un permis de construction.

Décider du contraire équivaudrait à conférer un avantage injuste à ceux qui exercent des usages dérogatoires protégés au détriment des citoyens qui n’ont pas de droits acquis. En effet, les détenteurs de droits acquis, tout comme les autres citoyens, sont protégés contre la rétroactivité du règlement de zonage. Si on ne reconnaît pas la validité du pouvoir réglementaire vis-à-vis les droits acquis, il faudra alors en conclure que ces usages dérogatoires échappent en plus à tout contrôle sur leur développement futur, ce qui n’est pas le cas pour les usages conformes. D’où la nécessité de permettre aux corporations municipales d’intervenir par règlement non pas pour faire disparaître le passé, mais pour exercer un contrôle sur les modifications, agrandissement et perte de protection pouvant survenir aux droits acquis à partir du moment où entre en vigueur le règlement. Le détenteur de droits acquis a droit de voir son investissement protégé, mais rien ne justifie son immunité en ce qui concerne le contrôle futur […][10].

[70]        Quoique ces propos aient été exprimés il y a longtemps, avant même l’entrée en vigueur du paragraphe 18 du deuxième alinéa de l’article 113 de la L.A.U., et qu’ils visent une situation différente de celle de l’espèce, je les estime toujours justes et opportuns. L’idée qui y est exprimée s’applique mutatis mutandis lorsque le règlement adopté par la municipalité vise non pas à encadrer l’exercice de droits acquis proprement dits, mais plutôt à tenir compte de situations existantes qui s’harmonisent avec le développement souhaité par elle.

[71]        Je rappelle que le juge a conclu que l’accès par le chemin privé n’entraîne aucun problème de sécurité et ne cause aucun préjudice aux intimés.

[72]        En conclusion, je suis d’avis que l’interprétation proposée par les intimés, et retenue par le juge de première instance, est indûment restrictive des pouvoirs conférés à la municipalité et qu’il n’y avait pas lieu de déclarer ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement de L’Ile Bizard-Sainte-Geneviève l’inclusion au paragraphe 4 de l’article 1 du Règlement CA28 0012 des mots « ou à une rue privée existante lors de l’entrée en vigueur du présent règlement ».

[73]        Cela étant, les intimés font valoir un autre moyen permettant, selon eux, de maintenir la conclusion visant l’annulation des permis de construction et, partant, l’ordonnance de démolir l’immeuble. Il y a lieu de l’analyser.

L’APPROBATION DES PIIA

[74]        D’avis que l’approbation des PIIA par l’arrondissement est déraisonnable, les intimés soutiennent que le juge de première instance a erré en déterminant qu’il ne pouvait intervenir pour l’annuler.

[75]        Ils reconnaissent que l’examen des PIIA relève d’un exercice discrétionnaire à l’égard duquel un tribunal ne peut généralement intervenir qu’en présence de fraude, de mauvaise foi, d’abus de pouvoir ou lorsque le pouvoir est exercé dans un but incorrect[11]. Ils estiment toutefois qu’en l’espèce l’examen a eu lieu sans le bénéfice d’informations permettant de juger de l’intégration du projet dans son environnement. Ce manque d’information, selon eux, a privé les membres du comité d’urbanisme de la possibilité d’exercer valablement leur compétence et permettait au juge de première instance de déclarer l’approbation des PIIA déraisonnable et d’annuler tant la résolution en faisant état que les permis de construction délivrés. La preuve révèle en effet, selon eux, que la résidence de l’appelant et ses accessoires jurent avec leur environnement.

[76]        J’estime qu’ils ont tort.

[77]        Le juge a fait une revue exhaustive de la réglementation municipale applicable et a conclu :

[118] Certes, il peut apparaître incongru que le CCU fasse des recommandations au conseil municipal sans disposer de données claires et précises quant à l’élévation finale du bâtiment par rapport à la fois au terrain voisin et, probablement de façon plus importante, aux résidences adjacentes. En effet, une visite des lieux, telle qu’effectuée par le Tribunal en octobre 2016, permet de constater que la résidence de Poitras semble s’asseoir sur un piédestal par rapport aux autres, ce qui laisse subsister une drôle d’impression. Cela pose assurément la question de l’étendue du remblayage effectué pour en arriver à un tel résultat, mais il appert que la réglementation de la Ville permet d’obtenir une autorisation pour un remblai de plus de 30 centimètres.


 

[119] Également, l’exigence de la Ville voulant que la résidence de Poitras se situe dans la même ligne que celles de ses voisins exacerbe cette situation. Le Tribunal note que la Ville possède une discrétion à cet égard. Possiblement que si la construction se trouvait en retrait des deux autres, l’animosité des voisins envers le projet se manifesterait de façon moins absolue.

[120] À tout évènement, le Tribunal ne peut combler les lacunes ou les incongruités de la réglementation municipale, si elles existent, ni ne doit-il substituer son appréciation à celle du CCU, à moins de se trouver dans les paramètres qu’expose la jurisprudence. Or, en l’espèce, la preuve ne révèle pas de mauvaise foi, de la fraude, un abus de pouvoir ou l’exercice de celui-ci dans un but incorrect. Ainsi, le Tribunal ne peut conclure que la délivrance du permis de construction de la résidence de Poitras fait l’objet d’une autorisation déraisonnable du PIIA.

[78]        Les intimés ne démontrent ni erreur de droit dans l’interprétation qu’il fait de la réglementation municipale, ni davantage une erreur de fait manifeste dans son appréciation de la preuve. Il a d’ailleurs raison de refuser de substituer son appréciation à celle du comité d’urbanisme puisqu’un tribunal doit faire preuve de déférence à l’égard de telles décisions. Rappelons qu’il « n’appartient pas aux tribunaux d’arbitrer les querelles de bon goût »[12].

[79]        Ainsi, rien ne justifie la Cour d’intervenir à cet égard.

L’ABUS DE PROCÉDURE

[80]        Finalement, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’intervenir non plus à l’égard de sa conclusion voulant que les intimés n’aient pas abusé de la procédure. Le juge a entendu l’ensemble de la preuve, entendu les témoignages de chacun et apprécié leur bonne foi.

[81]        La conclusion qu’il en a tirée n’est aucunement déraisonnable. Les chicanes de voisins, il est vrai, sont malheureusement trop fréquentes et se retrouvent trop souvent devant les tribunaux. Cela étant, le rejet d’une demande ne signifie pas nécessairement que le recours entrepris était abusif.

[82]        Ici, les intimés pouvaient croire raisonnablement qu’ils avaient des droits à faire valoir et on ne peut leur reprocher d’avoir introduit des procédures, malgré qu’elles soient ultimement rejetées.

CONCLUSION

[83]        Je suis donc d’avis qu’il y a lieu d’accueillir en partie l’appel du jugement du 8 mars 2017, avec les frais de justice, de rejeter l’action instituée par les intimés dans les dossiers 500-17-077545-138 et 500-17-078269-134, avec les frais de justice, et de rayer les conclusions se retrouvant aux paragraphes [178] à [186] tout en maintenant les conclusions apparaissant aux paragraphes [191] et [192], de même qu’aux paragraphes [187] à [190] compte tenu de l’absence d’appel incident des intimés Zina Bauza, Cesur Celik et June Tyler Celik.

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 



[1]     RLRQ, c. A-19.1.

[2]     Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village), [1991] 1 R.C.S 326.

[3]     Municipalité de Saint-Aubert c. Poitras, J.E. 2003-2046 (C.A.); R. c. Guignard, 2002 CSC 14, 482.

[4]     Municipalité de Saint-Étienne-de-Bolton c. Paradot, J.E. 2003-235 (C.A.).

[5]     Lorne Giroux et Isabelle Chouinard, « Pouvoirs municipaux en matière d’urbanisme » dans Droit public et administratif, vol. 8, Collection de droit, 2017-2018, Montréal, Éditions Yvon Blais et École du Barreau. Voir aussi Municipalité de Les Éboulements c. Lucille Tremblay et Marie-Claude Trottier, REJB 2004-66519 (C.A.) et Ferraria c. St-Adolphe-d’Howard (Municipalité de), 2008 QCCS 1137, paragr. 46.

[6]     Art.6 dernier alinéa L.A.U.

[7]     Colombie-Britannique (Milk Board) c. Grisnich, [1995] 2 R.C.S. 895; CRTC c. CTV Television Network Ltd. et autres, [1982] 1 R.C.S. 530; St-Étienne-de-Bolton (Municipalité de) c. Paradot, J.E. 2003-235 (C.A.), paragr. 35.

[8]     Huot c. L’Ange-Gardien (Municipalité de), [1992] R.J.Q. 2404 (C.A.) (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, C.S. Can., 1993-03-04).

[9]     114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Ville de Hudson, 2001 CSC 40; Ville de Nanaimo c. Rascal Trucking Ltd., 2000 CSC 13.

[10]    Lorne Giroux, Aspects juridiques du règlement de zonage au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 1979, p.445-448.

[11]    Papi-Shein c. Cytrynbaum, 2008 QCCA 2253.

[12]    Lorne Giroux et Isabelle Chouinard, « Pouvoirs municipaux en matière d’urbanisme » dans Droit public et administratif, vol. 8, Collection de droit, 2017-2018, Montréal, Editions Yvon Blais et École du Barreau; Al-Musawi c. Westmount (Ville de) 2013 QCCA 2066 et Papin-Shein c. Cytrynbaum 2008 QCCA 2253.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.