Décision

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Lambert c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Nkamba)

2025 QCCA 955

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SIÈGE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030600-233

(550-53-000046-212)

 

DATE :

1er août 2025

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MANON SAVARD, J.c.Q.

BENOÎT MOORE, J.C.A.

JUDITH HARVIE, J.C.A.

 

 

MATTHIEU LAMBERT

CHRISTOPHER PERRON

APPELANTS – défendeurs

c.

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, agissant dans l’intérêt public et en faveur de Luck Kahila Nkamba

INTIMÉE – demanderesse

et

LUCK KAHILA NKAMBA

MIS EN CAUSE – plaignant

et

VILLE DE GATINEAU

MISE EN CAUSE – défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

  1.                 Les appelants, policiers de la Ville de Gatineau, mise en cause, se pourvoient contre un jugement du Tribunal des droits de la personne qui, d’une part, les condamne, solidairement avec la Ville de Gatineau, à verser au mis en cause Luck Kahila Nkamba 7 500 $ en dommages-intérêts compensatoires et, d’autre part, les condamne respectivement à lui verser 1 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.
  2.                 La mise en cause Ville de Gatineau ayant décidé de ne pas se pourvoir en appel, la condamnation est devenue finale en ce qui la concerne.
  3.                 Pour les motifs de la juge en chef Savard, auxquels souscrivent les juges Moore et Harvie, LA COUR :
  4.                 ACCUEILLE l’appel;
  5.                 INFIRME en partie le jugement entrepris afin de RAYER les paragraphes [172] et [173] et de REMPLACER le paragraphe [171] par le suivant :

[171] CONDAMNE la partie défenderesse Ville de Gatineau à verser à M. Luck Kahila Nkamba 7 500 $ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, avec l’intérêt légal, en plus de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, depuis la signification de la proposition des mesures de redressement de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;

  1.                 AVEC les frais de justice.

 

 

 

 

MANON SAVARD, J.c.Q.

 

 

 

 

 

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 

 

 

 

 

JUDITH HARVIE, J.C.A.

Me Frédéric Nadeau

Me Amélie Soulez

RBD AVOCATS

Pour Matthieu Lambert et Christopher Perron

 

Me Geneviève M. Griffin

Me Isabelle Gilles

BITZAKIDIS, CLÉMENT-MAJOR, FOURNIER

Pour Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et

Luck Kahila Nkamba

 

Me Pierre Rogué

Pour Ville de Gatineau

 

Date d’audience :

31 octobre 2024


 

 

MOTIFS DE LA JUGE EN CHEF

 

 

  1.                 La présente affaire permet à la Cour de se pencher à nouveau sur les éléments constitutifs d’une plainte fondée sur l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] Charte »), cette fois-ci dans un contexte de profilage racial allégué lors d’une intervention policière. Il s’agit plus précisément pour la Cour de déterminer si le Tribunal des droits de la personne (« Tribunal ») a erronément introduit une présomption de discrimination raciale dans son analyse du lien devant exister entre, d’une part, la distinction, l’exclusion et la préférence dont une personne se plaint et, d’autre part, un motif prohibé de discrimination. L’affaire porte également sur la possibilité pour le Tribunal d’octroyer des dommages-intérêts punitifs lorsque les gestes reprochés auraient été posés de façon inconsciente.
  2.                 Ces questions s’inscrivent dans le cadre du pourvoi autorisé par un juge de la Cour[2] à l’encontre de la décision du Tribunal qui conclut que le menottage du mis en cause M. Nkamba par les policiers de la Ville de Gatineau représente un traitement inhabituel et que leur conduite constitue du profilage racial pour lequel celui-ci doit être compensé par le biais de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi et de dommages-intérêts punitifs[3].
  3.                 Pour les motifs qui suivent, je propose à la Cour d’intervenir puisque le Tribunal a commis une erreur de droit lors de son analyse des éléments constitutifs de la discrimination prima facie, introduisant erronément dans celle-ci une présomption de discrimination. Je commenterai également l’analyse du Tribunal sur l’atteinte intentionnelle au droit à l’égalité de M. Nkamba, au sens de l’art. 49 al. 2 de la Charte, à la lumière de sa conclusion voulant que les policiers auraient agi sous l’influence de préjugés raciaux inconscients.

1. Le contexte et le jugement du Tribunal

  1.            Le contexte se rapportant au présent litige se résume succinctement.
  2.            En février 2018, après une soirée passée avec des amis dans une boîte de nuit, le mis en cause, M. Nkamba, retourne vers sa résidence située à Gatineau. Alors qu’il approche de sa destination, la voiture de taxi dans laquelle il se trouve est interceptée vers 3 h du matin par les policiers Matthieu Lambert et Christopher Perron, les appelants dans le présent dossier. Ceux-ci avaient suivi le taxi sur 200 à 300 mètres avant l’interception et observé que M. Nkamba, assis à l’avant du côté passager, ne portait pas sa ceinture de sécurité.
  3.            Une fois la voiture de taxi immobilisée, les policiers demandent à M. Nkamba à différentes reprises de s’identifier. Il refuse. Les policiers procèdent alors à son arrestation, lui passent les menottes et le fouillent, à la recherche d’une pièce d’identité. Après avoir réussi à l’identifier, ils amènent M. Nkamba sur le siège arrière de la voiture de police pendant qu’ils effectuent d’autres vérifications. Ils le libèrent 15 minutes après l’avoir arrêté et lui remettent deux constats d’infraction, le premier pour ne pas avoir porté sa ceinture de sécurité et le second pour avoir refusé de s’identifier. M. Nkamba sera ultérieurement déclaré coupable de ces infractions par la Cour municipale. Une semaine après son arrestation, M. Nkamba s’absente du travail pour quelques jours, se disant toujours en état de choc, tout en éprouvant un sentiment d’humiliation face à ses voisins.
  4.            Il est utile de noter qu’environ deux mois et demi avant cet évènement, en novembre 2017, M. Nkamba avait été intercepté alors qu’il arrivait chez lui en taxi par deux autres policiers de la Ville de Gatineau, qui lui avaient par la suite remis deux constats d’infraction – l’un pour avoir marché sur la chaussée alors qu’il y avait un trottoir, et l’autre, pour avoir refusé de s’identifier[4]. M. Nkamba s’était également absenté du travail à la suite de cet évènement (jusqu’au 9 février 2018). L’intervention qui nous intéresse survient donc dans les jours suivant son retour au travail.
  5.            D’avis qu’il a été victime de discrimination lors de l’évènement survenu le 16 février 2018, M. Nkamba dépose une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (« Commission »). Après enquête, cette dernière saisit le Tribunal, s’autorisant de l’art. 10 de la Charte, et reproche à la Ville de Gatineau et aux policiers Lambert et Perron d’avoir exercé du profilage racial lors de cette intervention.
  6.            Le Tribunal rend sa décision le 4 mai 2023. Je résume succinctement son jugement étant donné que je reviendrai sur ses motifs lorsque je procéderai à l’analyse des questions en litige. À la lumière d’une preuve à certains égards contradictoire, le Tribunal conclut, d’une part, que, contrairement à son témoignage, M. Nkamba ne portait pas sa ceinture de sécurité lorsque les policiers Lambert et Perron décidèrent d’intercepter le véhicule et que, d’autre part, c’est uniquement pour cette raison qu’ils sont intervenus. Ils ignoraient jusqu’alors que les deux occupants du véhicule étaient de race noire. L’intervention des policiers auprès de M. Nkamba n’était donc pas le fruit d’un profilage racial. Les policiers étaient également justifiés de procéder à son arrestation vu son refus de s’identifier après avoir été informé de l’infraction qui lui était reprochée (omission de porter sa ceinture de sécurité).
  7.            Comme on l’a vu, le Tribunal estime toutefois que le menottage de M. Nkamba constitue un traitement inhabituel, que celui-ci a un lien avec sa race et, finalement, que ce traitement a eu pour effet de détruire ou de compromettre son droit à l’égalité[5]. Selon le Tribunal, la conduite des policiers à cet égard constitue du profilage racial. Pour compenser le préjudice que M. Nkamba aurait subi en raison de ce comportement discriminatoire, le Tribunal condamne solidairement la Ville de Gatineau et les policiers à lui verser 7 500 $ en dommages-intérêts pour le préjudice moral subi. Il condamne également chacun des policiers à lui verser 1 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs au motif qu’ils savaient ou ne pouvaient ignorer qu’en menottant M. Nkamba, ils provoqueraient chez lui un sentiment d’injustice. Selon le Tribunal, ceux-ci ne pouvaient agir envers lui comme auprès de n’importe quel citoyen. Il écrit :

[146] Penser qu’un traitement identique de tous les citoyens interpellés puisse le mettre à l’abri du profilage racial est une erreur et montre une profonde incompréhension de ce phénomène discriminatoire.

  1.            Enfin, le Tribunal recommande à la Ville de Gatineau d’adopter et de mettre en œuvre une politique visant spécifiquement à contrer le profilage racial et un processus formel d’évaluation des acquis des policiers à ce sujet.
  2.            Les policiers se pourvoient. De son côté, la Ville de Gatineau ne cherche pas à porter en appel la décision, pas plus qu’elle n’intervient devant la Cour. Le jugement du Tribunal est donc final en ce qui la concerne.

2. Les moyens d’appel

  1.            Les policiers soulèvent trois questions au soutien de leur pourvoi, lesquelles s’articulent autour de deux moyens principaux, le second étant subsidiaire au premier. Ils estiment d’abord que le Tribunal se serait mépris dans son analyse des deux premiers éléments constitutifs de la discrimination en vertu de l’art. 10 de la Charte en concluant à l’existence d’un traitement différencié, d’une part, et d’un lien entre celui-ci et un motif prohibé de discrimination, d’autre part. Ils contestent ensuite l’octroi de dommages-intérêts punitifs, estimant que le Tribunal ne pouvait conclure à une atteinte intentionnelle aux droits fondamentaux de M. Nkamba.
  2.            J’aborderai chacun de ces moyens dans ce même ordre.

3. L’analyse

a) La discrimination « prima facie » et le degré de preuve requis pour l’établir

  1.            Avant d’analyser les prétentions des policiers, il convient de brièvement rappeler le cadre juridique applicable à l’art. 10 de la Charte[6], fondement du recours institué par la Commission au nom de M. Nkamba.

i)                    Cadre juridique de l’art. 10 de la Charte

  1.            Il n’est plus contesté que la discrimination peut revêtir plusieurs formes, le profilage racial étant l’une d’elles. Dans l’affaire Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), la Cour suprême renvoie à la définition du profilage racial proposée par la Commission, tout en notant que cette forme de discrimination transcende les seuls recours intentés contre des services policiers pour abus de pouvoir :

[33] […] D’abord élaboré à l’occasion de certains recours intentés contre des services policiers pour abus de pouvoir, le concept de profilage racial a depuis été étendu à d’autres contextes :

Le profilage racial désigne toute action prise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs d’appartenance réelle ou présumée, tels [sic] la race, la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différent.

 Le profilage racial inclut aussi toute action de personnes en situation d’autorité qui appliquent une mesure de façon disproportionnée sur des segments de la population du fait, notamment, de leur appartenance raciale, ethnique ou nationale ou religieuse, réelle ou présumée. [Nous soulignons.]

[…].[7]

  1.            Quelle que soit la forme que prend la discrimination – profilage racial ou autre –, le cadre juridique applicable à un recours fondé sur l’art.10 de la Charte demeure le même et comporte deux volets. D’abord, le demandeur doit faire la preuve des trois éléments constitutifs de la discrimination : (1) un traitement différencié (« une distinction, exclusion ou préférence »); (2) fondé sur l’un des motifs énumérés à l’art. 10; et (3) « qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne »[8].
  2.            Ces trois éléments étant établis, il y a « discrimination prima facie » et le premier volet de l’analyse est ainsi complété. Il appartient alors au défendeur, au deuxième volet de l’analyse, de tenter de justifier sa conduite sur la base des exemptions prévues par la loi ou la jurisprudence, faute de quoi le tribunal conclura que celui-ci a effectivement eu une conduite discriminatoire[9].
  3.            L’utilisation des termes « discrimination prima facie » a entraîné une certaine confusion relativement au degré de preuve requis au premier volet de l’analyse. L’arrêt Bombardier a toutefois clarifié l’état du droit sur cette question en précisant qu’il ne fallait aucunement voir dans l’expression « prima facie » un allégement du fardeau de preuve. Celle-ci s’explique plutôt en raison de l’existence de deux volets à l’analyse, de sorte que les trois éléments constitutifs de la discrimination (premier volet) doivent être établis par prépondérance des probabilités (art. 2804 C.c.Q.)[10].
  4.            Ce bref rappel étant fait, je vais maintenant étudier les prétentions des policiers selon lesquelles le Tribunal n’aurait pas respecté ce cadre juridique.

ii)                 Le traitement différencié fondé sur un motif énuméré à l’art. 10 de la Charte

  1.            Selon les policiers, le Tribunal se serait mépris en concluant que le menottage de M. Nkamba constituait un traitement différencié et répondait à ce titre au premier élément requis pour conclure à la « discrimination prima facie » (premier volet). Il aurait plus précisément erré « en évaluant si le menottage était justifié dans les circonstances plutôt que de vérifier si [celui-ci] était une mesure inhabituelle qui sort de l’ordinaire »[11], s’inspirant à cette fin erronément de décisions en matière de déontologie policière.
  2.            Le Tribunal se serait également mépris en concluant que la Commission s’était déchargée de son fardeau de prouver le lien entre le menottage de M. Nkamba et sa race. Aucun élément du dossier ne justifiait une telle conclusion et l’existence du contexte social entourant le profilage racial « ne peut à elle seule constituer une preuve prépondérante de la commission d’un acte de [cette nature] »[12].
  3.            Avant de déterminer ce qu’il en est, il convient de remettre d’abord la décision du Tribunal sur cette question dans le contexte global de l’intervention des policiers.
  4.            Comme je l’écrivais précédemment, la preuve devant le Tribunal était à certains égards contradictoire, d’abord quant à savoir si M. Nkamba portait sa ceinture de sécurité au moment de son interception par les policiers, comme il le prétendait. À ce sujet, le Tribunal retient que M. Nkamba ne la portait pas au moment de son interception par les policiers, de sorte que celle-ci était justifiée par cette seule omission[13]. L’interception, écrit le Tribunal, « n’est pas le fruit d’un profilage racial »[14].
  5.            Pour la suite, M. Nkamba décrit un comportement violent de la part des policiers lors de son arrestation et de son menottage. Voici comment il décrit les faits lors de son interrogatoire au préalable :

Et je n’ai pas trop grande mémoire de ce qui s’est passé parce que ce qui s’est passé après cela était tellement brusque et violent que tout ce que je peux vous dire, c’est que lorsque j’ai présenté mes poignets, à peine que j’avais fini de dire ce que j’avais à dire, je me suis retrouvé dehors.

Donc, on m’a tiré par les vêtements. Je ne pourrais pas dire si c’était les collets, quelle partie de mon corps, mais de façon excessive, force et violence, on m’a soutiré de cette voiture-là.

[…]

On m’a menotté et les menottes étaient bien assez serrées et sévères.

On ne m’a pas épargné. Donc, que ça soit au niveau des épaules ou du coude ou quoi que ce soit, tout n’a pas été épargné. On m’a menotté.[15]

[Transcription textuelle; soulignements ajoutés]

  1.            Ces allégations de brutalité de la part de M. Nkamba sont cependant contredites par la vidéo prise par le chauffeur de taxi au moment des évènements (à la demande expresse de M. Nkamba), laquelle n’a été récupérée que quelques jours avant le début de l’audience devant le Tribunal. Ce dernier écarte ainsi le témoignage de M. Nkamba, non sans souligner ses tentatives maladroites de justifier son témoignage malgré la teneur de la vidéo qui contredisait clairement sa version des faits. Le Tribunal constate plutôt que M. Nkamba sort calmement de la voiture – le policier n'ayant que posé sa main sur son bras pour l’inviter à sortir – et que le menottage se fait sans heurts, tout comme la fouille pour tenter de l’identifier et son accompagnement jusqu’au siège arrière de la voiture de police. Bref, le Tribunal retient l’absence de parole ou de geste violent ou inapproprié de la part des policiers, contrairement aux allégations de M. Nkamba. Il estime ainsi que l’arrestation de ce dernier était justifiée vu son refus de s’identifier une fois informé de l’infraction qui lui était reprochée. Il n’y voit donc là aucune forme de profilage racial.
  2.            La conclusion du Tribunal est toutefois différente à l’égard du menottage, comme je l’indiquais précédemment. Tout en reconnaissant que celui-ci peut s’avérer nécessaire lors d’une arrestation « dans certaines circonstances », il estime qu’il ne l’était pas en l’espèce. Le Tribunal retient ainsi que M. Nkamba a fait l’objet d’un traitement différencié, premier élément constitutif de la « discrimination prima facie » (premier volet). Outre que de mettre en doute la crédibilité des policiers, notamment en ce que la vidéo démontre qu’ils se sont trompés lors de leur interrogatoire au préalable quant à savoir lequel des deux était intervenu auprès de M. Nkamba[16], les motifs au soutien d’une telle conclusion sont toutefois lacunaires. Le Tribunal commente ainsi leur témoignage suivant lequel ils expliquent avoir menotté M. Nkamba après que celui-ci eut refusé de s’identifier, comme il en avait l’obligation, et souligne que, selon le policier Lambert, le menottage est systématique dans un tel cas, alors que le policier Perron dira plutôt qu’il ne l’est pas nécessairement, chaque arrestation étant différente.
  3.            À mon avis, cette différence dans le témoignage des policiers est bien mince pour conclure à un traitement différencié, d’autant qu’on peut s’interroger à savoir si le Tribunal applique correctement le degré de preuve requis (prépondérance des probabilités) lorsqu’il écrit :

[90] Dans les circonstances, la CDPDJ parvient à établir, par une preuve prima facie, que le menottage de M. Nkamba constitue un traitement inhabituel, qui sort de l’ordinaire, et constitue un traitement différencié.

[Soulignements ajoutés]

  1.            La question se pose d’autant plus qu’à cette étape de l’analyse, le Tribunal passe sous silence le témoignage d’un inspecteur de la Division des normes professionnelles et des affaires internes du Service de police de la Ville de Gatineau rappelant qu’il est d’usage de menotter un prévenu qui refuse de s’identifier. Il n’explique pas non plus pourquoi il estime que le menottage constitue en l’espèce un traitement « inhabituel, qui sort de l’ordinaire » et, à ce titre, un traitement différencié.
  2.            Mais quoi qu’il en soit, il demeure que l’analyse du Tribunal quant au lien entre ce traitement différencié – si on le tient pour acquis – et la race de M. Nkamba comporte une erreur de droit justifiant l’intervention de la Cour.
  3.            Je me permets de reproduire les quelques paragraphes de l’analyse du Tribunal sur cette question :

[91] À première vue, le menottage de M. Nkamba ne s’explique que par son appartenance à un groupe racisé du fait de la couleur de sa peau, un motif interdit par l’article 10 de la Charte.

[92] Le visionnement de la vidéo filmée par M. Eji amène le Tribunal à se demander ce qu’un citoyen peut faire de mieux que M. Nkamba lorsqu’interpellé par les policiers. M. Nkamba est calme, poli, se déplace lentement et collabore, outre son refus de s’identifier parce qu’il est convaincu que les policiers ont tort de l’arrêter.

[93] Le Tribunal n’a aucune peine à imaginer qu’au lieu de le menotter, les policiers auraient pu, sans danger pour eux ou autrui, inviter M. Nkamba à poser ses mains sur le véhicule après en être sorti en lui expliquant qu’ils vont procéder par palpation à la recherche de son portefeuille pour pouvoir l’identifier vu son refus.

[94] Le Tribunal croit que si M. Nkamba avait été une personne blanche, avec le même comportement calme et poli, les policiers ne l’auraient pas menotté.

[95] Le deuxième critère énoncé par la jurisprudence est satisfait.

  1.            D’entrée de jeu, je reviens sur le questionnement du Tribunal quant à savoir « ce qu’un citoyen peut faire de mieux que M. Nkamba lorsqu’interpellé par les policiers » puisque « outre son refus de s’identifier parce qu’il est convaincu que les policiers ont tort de l’arrêter » (italiques ajoutés), il collabore avec les policiers. Dans le contexte du présent dossier, de tels propos ne peuvent qu’étonner puisque c’est précisément en raison du refus de M. Nkamba de s’identifier, comme il en avait l’obligation, que les policiers expliquent l’avoir menotté, et ce, par mesure de sécurité.
  2.            Il est vrai qu’après vérification, il s’est avéré que M. Nkamba n’avait pas d’arme sur lui et qu’il n’était pas un citoyen dangereux, violent ou en fuite. Il faut toutefois se mettre en garde d’avoir recours à la sagesse rétrospective pour conclure à un lien avec un motif prohibé, ou encore à un traitement différencié, les policiers devant agir sans savoir, au moment de leur prise de décision, qui est l’individu qui vient d’être arrêté, s’il s’agit d’une personne qui pourrait être violente ou avoir intérêt à s’enfuir ou encore, s’il porte ou non une arme. Encore plus lorsque, comme en l’espèce, la preuve des pratiques policières établit que le menottage est prescrit lorsqu’une personne refuse de s’identifier, pour des raisons de sécurité.
  3.            Le Tribunal commet par ailleurs une erreur de droit déterminante en concluant qu’il existe un lien entre le traitement différencié de M. Nkamba et la race de ce dernier au seul motif que rien d’autre ne peut expliquer la décision des policiers de le menotter. En statuant ainsi, il omet de procéder à l’analyse visant à déterminer si la Commission avait établi, par preuve prépondérante, l’existence de ce second élément constitutif de la discrimination et, ce faisant, il s’écarte du cadre d’analyse applicable.
  4.            Dans l’arrêt Bombardier, la Cour suprême rappelle que la preuve d’un « lien causal »  au sens où cette notion est comprise en droit civil québécois –, n’est pas requise pour satisfaire au deuxième élément constitutif de la « discrimination prima facie » (premier volet). Il faut plutôt démontrer que le motif prohibé a contribué aux décisions ou aux gestes reprochés :

[52]  En somme, relativement au deuxième élément constitutif de la discrimination prima facie, le demandeur a le fardeau de démontrer qu’il existe un lien entre un motif prohibé de discrimination et la distinction, l’exclusion ou la préférence dont il se plaint ou, en d’autres mots, que ce motif a été un facteur dans la distinction, l’exclusion ou la préférence. […][17]

  1.            L’existence de ce lien, ainsi qualifié, doit toutefois être établie par preuve prépondérante[18]. Il est vrai qu’en raison de la nature inconsciente de certains préjugés raciaux[19], le profilage racial peut rarement faire l’objet d’une preuve directe[20]. C’est pourquoi il est généralement prouvé par preuve circonstancielle ou par présomption de fait[21]. Une telle présomption, qui consiste à conclure à l’existence d’un fait inconnu à partir de faits connus (art. 2846 C.c.Q.)[22], est laissée « à l’appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que [les présomptions] qui sont graves, précises et concordantes » (art. 2849 C.c.Q). Ces trois critères sont cumulatifs. Mon collègue le juge Morissette résumait clairement cette exigence dans l’affaire Pierre-Louis, alors qu’il écrivait :

[64] [...] Même bien compris, et même en tenant pleinement compte des difficultés de preuve qu’il peut susciter, le profilage racial ne peut jouer en faveur d’une personne qui s’en croit la victime sans une démonstration satisfaisante de son existence en fait. Le juge saisi de la question doit tenir compte des difficultés de preuve associées à une allégation de profilage racial, mais une preuve prépondérante de la chose demeure nécessaire, quitte à ce qu’elle ne soit qu’indirecte, indicielle et par présomptions de fait.[23]

[Soulignements ajoutés]

  1.            Bien que les circonstances puissent varier d’une affaire à l’autre, certains éléments de preuve peuvent s’avérer pertinents pour établir l’existence d’un tel lien en matière de profilage racial allégué de la part de policiers, notamment : (1) un motif douteux d’intervention; (2) le caractère approprié ou non d’une enquête policière; (3) un comportement inadéquat de la part des policiers; (4) le caractère inusité ou non des décisions prises par les policiers; (5) le caractère invraisemblable des explications données par les policiers pour justifier leur conduite; et (6) le contexte social[24].
  2.            Or, en l’occurrence, aucun de ces éléments n’est analysé par le Tribunal pour conclure à l’existence d’un lien entre le traitement différencié allégué et la race de M. Nkamba. Au contraire, sa conclusion repose uniquement sur le syllogisme suivant : puisque le menottage de M. Nkamba était inapproprié (en ce que les policiers auraient pu procéder autrement pour l’identifier) et constituait de ce fait un traitement différencié, il ne peut s’expliquer qu’en raison de sa race. Et c’est ce qui l’amène à « croi[re] que si N. Nkamba avait été une personne blanche, avec le même comportement calme et poli, les policiers ne l’auraient pas menotté »[25] (italiques ajoutés).
  3.            Pourtant, il ne suffit pas d’établir l’existence d’un traitement différencié dans un cas donné pour conclure à une conduite discriminatoire. En procédant ainsi, le Tribunal se trouve à confondre les deux premiers éléments constitutifs de la discrimination raciale (premier volet)  le traitement différencié et le lien avec un motif prohibé de discrimination –, lesquels deviennent essentiellement redondants. Ce raccourci a d’ailleurs été écarté par les juges majoritaires de la Cour suprême dans l’affaire Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) où le Tribunal avait conclu à l’existence d’une distinction fondée sur un motif prohibé (le handicap) en raison du fait que les propos reprochés faisaient expressément référence à un tel motif. Ils écrivent :

[99]  Le raisonnement du Tribunal consiste essentiellement à conclure à l’existence d’une distinction fondée sur un motif prohibé dès lors que les propos font référence à un tel motif. Or, la simple mention d’un motif prohibé ne peut à elle seule établir que ce motif a constitué un facteur dans la différence de traitement. Certes, cela peut constituer un indice, mais certainement pas une preuve suffisante de son existence. S’il en était autrement, il ne serait plus nécessaire de prouver que le motif a contribué à la différence de traitement. […][26]

[Soulignement ajouté]

  1.            Le raccourci emprunté par le Tribunal en l’espèce est encore plus problématique, dans la mesure où, dans l’affaire précitée, M. Ward avait mentionné le handicap du plaignant, alors qu’on ne retrouve pas un tel commencement de preuve dans notre affaire.
  2.            J’ajouterais également qu’en l’occurrence, la conclusion du Tribunal repose sur une impression  « [l]e Tribunal croit […] » – et non sur des faits « précis, graves et concordants » menant à la preuve de discrimination ou présentant un « rapport tangible »[27] entre le menottage de M. Nkamba et sa race, démontrant que ce geste était motivé par des préjugés raciaux.
  3.            Finalement, l’approche adoptée par le Tribunal donne également lieu à un renversement du fardeau de preuve, tel que le démontre la lecture de ses motifs. En effet, après avoir conclu sur le premier volet, le Tribunal écrit, quant au deuxième volet, qu’il appartient aux policiers de « réfuter les allégations de discrimination en démontrant [qu’ils] ont agi sans égard à la race ou à la couleur de la peau de M. Nkamba »[28]. Il cite à cette fin le passage suivant d’une autre de ses décisions :

[197] Afin de réfuter l’existence de profilage discriminatoire « à première vue », la partie défenderesse doit quant à elle démontrer de manière prépondérante que chaque étape de l’intervention :

 1) était fondée sur des motifs raisonnables;

 2) n’était pas influencée par l’un ou l’autre des motifs interdits de discrimination;

 3) ne constituait pas un traitement différencié ou inhabituel.

[198]  Si elle échoue, le Tribunal conclura alors à l’existence de profilage discriminatoire.[29]

 [Soulignement ajouté]

  1.            Une telle approche me semble confondre l’analyse requise en vertu du premier et du second volet. En effet, pour conclure à l’existence de profilage discriminatoire prima facie au premier volet de l’analyse, le Tribunal devait avoir déterminé que la Commission avait établi, par prépondérance de preuve, qu’une étape de l’intervention  ici. le menottage – constituait un traitement différencié ou inhabituel (point 3 de la citation du paragraphe précédent) qui était influencé par l’un ou l’autre des motifs interdits de discrimination (point 2 de la citation du paragraphe précédent). Certes, les policiers pouvaient mettre en preuve des éléments réfutant l’allégation de discrimination prima facie que la Commission devait établir lors du premier volet de l’analyse. Toutefois, il ne revenait pas aux policiers d’établir, de façon prépondérante, au deuxième volet de l’analyse, que le menottage ne constituait pas un traitement différencié et qu’il n’était pas influencé par l’un ou l’autre des motifs interdits de discrimination[30].
  2.            Pourtant, c’est le fardeau qu’impose le Tribunal aux policiers lorsqu’il écrit, au deuxième volet de l’analyse :

[104] La Ville et les policiers Perron et Lambert justifient le menottage de M. Nkamba par le fait qu’il s’agit d’une pratique systématique selon le policier Lambert, et parce qu’il s’agit d’une question de sécurité, selon les deux policiers.

[105] Cependant, les parties défenderesses n’offrent aucune preuve convaincante au soutien de leur prétention.

[106]  Quant au caractère systématique du menottage lorsqu’une personne refuse de s’identifier, ils produisent une Directive opérationnelle sur l’arrestation et la remise en liberté provisoire d’un prévenu avec ou sans condition, tel qu’elle existe le 20 janvier 2022. Or, les événements se sont déroulés en février 2018. Au surplus, cette Directive prévoit que le policier n’utilise que la force nécessaire et peut mettre les menottes au besoin, référant le lecteur à une autre directive sur l’emploi de la force, qui n’est pas produite à la Cour.

[107] Finalement, la justification basée sur la sécurité de M. Nkamba et des policiers n’est qu’une généralité, une hypothèse, qu’aucun des faits mis en preuve ne soutient.

[Soulignement ajouté et renvoi omis]

  1.            Les éléments ainsi mis en preuve par les policiers visaient à répondre aux allégations de la Commission relatives aux éléments constitutifs de la discrimination prima facie (premier volet) et devaient, par conséquent, être considérés à cette étape de l’analyse afin de déterminer si la Commission les avait établis de façon prépondérante. En tenant compte de ces éléments de preuve uniquement au deuxième volet, le Tribunal renverse le fardeau de preuve et se trouve, de fait, à créer au premier volet de l’analyse une présomption de discrimination du seul fait que la personne visée par le traitement différencié répond à l’un des motifs prohibés de discrimination visés par l’art. 10 de la Charte.
  2.            Dès lors, cette erreur de droit vicie l’analyse du Tribunal sur le deuxième élément constitutif de la discrimination prima facie (soit le lien entre le traitement différencié et le motif prohibé).
  3.            N’eût été cette erreur, et même en tenant pour acquise la conclusion du Tribunal voulant que le menottage constituait un traitement différencié, j’estime que la preuve ne permettait pas de conclure, de façon prépondérante, à l’existence d’un lien entre ce traitement et la race de M. Nkamba.
  4.            En effet, il n’existe ni preuve directe d’un tel lien ni preuve de faits « graves, précis et concordants » permettant de tirer une telle inférence. Je retiens à cette fin les éléments suivants :

-          au moment de leur interception du véhicule de taxi, les policiers ignorent la race de ses occupants; 

-          l’intervention est justifiée en raison du seul fait que M. Nkamba ne porte pas sa ceinture de sécurité; 

-          au visionnement de la vidéo, on note que M, Nkamba conteste fermement l’intervention des policiers, demandant immédiatement au chauffeur de taxi de filmer la scène et, surtout, de ne pas cesser l’enregistrement; 

-          M. Nkamba refuse à plusieurs reprises de s’identifier auprès des policiers, sans raison ni explication; 

-          les policiers demeurent calmes, ne lèvent pas le ton, n’ont aucun comportement hostile, ne tiennent aucuns propos déplacés, injustifiés ou discriminatoires à son endroit, et l’invitent à sortir de la voiture; 

-          l’arrestation par les policiers de M. Nkamba est également justifiée vu son refus de s’identifier malgré leurs nombreuses demandes; 

-          les policiers expliquent avoir agi par mesure de sécurité en le menottant, ne sachant pas à qui ils avaient affaire et pourquoi il refusait de s’identifier; 

-          un inspecteur de police explique qu’il s’agit là d’une pratique policière habituelle, documentation à l’appui, et cette preuve n’a pas été contredite; 

-          M. Nkamba est libéré dès que les policiers ont réussi à obtenir son identité et complété les constats d’infraction;

-          les constats d’infraction sont appropriés dans les circonstances et aucune accusation non justifiée n’est portée contre M. Nkamba. La Cour municipale l’a d’ailleurs reconnu coupable des infractions reprochées.

  1.            À mon avis, le seul fait que le menottage n’aurait pas été nécessaire, selon la conclusion du Tribunal, n’est pas suffisant à la lumière de l’ensemble de ces indices pour conclure par prépondérance de preuve que la race a été un facteur dans la décision des policiers de menotter M. Nkamba.
  2.            On comprend des motifs du Tribunal que le fait que le profilage racial systémique existe au sein des corps policiers constitue la toile de fond, ou encore l’élément principal de son analyse. Il écrit en outre, alors qu’il procède au second volet de l’analyse suivant l’art. 10 de la Charte :

[102] Dans la présente affaire, la preuve ne suggère pas que les policiers Perron et Lambert soient racistes ni agissent consciemment en fonction de la couleur de la peau de M. Nkamba. Mais leur conduite et leurs décisions peuvent obéir à des préjugés inconscients et la loi ne fait alors pas de différence : il y a tout de même profilage racial.

[103] De nos jours, l’existence du profilage racial systémique au sein des corps de police au Québec et au Canada est connue du public et reconnue par les tribunaux. Malgré cette conscientisation collective, le profilage racial est loin de se résorber, encore moins d’être disparu. C’est ce qu’expose le juge Yergeau, dans une remarquable synthèse historique, dans la récente affaire Luamba.

[Renvois omis]

  1.            Ces propos sont justes. Toutefois, un tel contexte social ne justifie pas à lui seul de conclure que la décision des policiers de menotter M. Nkamba en l’espèce était nécessairement et pour autant discriminatoire. Contrairement à l’affaire Luamba[31], aucune preuve n’a d’ailleurs été produite en l’occurrence pour soutenir la thèse que les personnes de race noire sont plus susceptibles que d’autres d’être menottées au cours d’une intervention policière ou d’une arrestation par ailleurs légitime. Le Tribunal ne se réfère à aucune preuve à cet effet dont il aurait pris connaissance d’office[32]. Dans ce contexte, la mise en garde suivante, énoncée par la Cour suprême dans l’affaire Bombardier, est tout à fait à propos et s’applique en l’espèce :

[88]  On ne peut présumer, du seul fait de l’existence d’un contexte social de discrimination envers un groupe, qu’une décision particulière prise à l’encontre d’un membre de ce groupe est nécessairement fondée sur un motif prohibé au sens de la Charte. En pratique, cela reviendrait à inverser le fardeau de preuve en matière de discrimination. En effet, même circonstancielle, une preuve de discrimination doit néanmoins présenter un rapport tangible avec la décision ou la conduite contestée.[33]

[Soulignement ajouté]

  1.            Avec égards, bien que le Tribunal cite ce passage[34], il s’éloigne de ces enseignements dans son analyse.
  2.            Somme toute, j’estime que n’eut été son erreur quant au cadre d’analyse applicable, le Tribunal aurait dû conclure que la preuve ne démontrait pas de façon prépondérante l’existence d’un lien entre le menottage de M. Nkamba et la race de ce dernier. La Commission n’ayant pas établi les trois éléments constitutifs de la discrimination prima facie, le Tribunal aurait dû rejeter son recours.

b) L’octroi de dommages-intérêts punitifs

  1.            Subsidiairement, les policiers soutiennent que, même à supposer qu’ils aient agi de manière discriminatoire envers M. Nkamba en le menottant, le Tribunal a erré en octroyant à celui-ci des dommages-intérêts punitifs. Ayant déterminé que c’est sous l’influence de préjugés raciaux inconscients qu’ils ont agi, le Tribunal ne pouvait selon eux conclure que leur conduite constituait une atteinte intentionnelle au droit à l’égalité de M. Nkamba au sens de l’art. 49 al. 2 de la Charte.
  2.            S’appuyant sur les enseignements de l’arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand[35], le Tribunal entame son analyse en rappelant le test applicable en matière de dommages-intérêts punitifs :

[133] En cas d’atteinte illicite et intentionnelle aux droits protégés par la Charte, le Tribunal peut octroyer des dommages-intérêts punitifs, comme prévu à l’article 49 de la Charte. L’atteinte est illicite et intentionnelle lorsque l’auteur de l’atteinte aux droits protégés par la Charte agit dans un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive, ou agit en connaissant ou ne pouvant ignorer les conséquences probables, inévitables, que sa conduite ou son comportement engendrera.

Il ajoute cependant :

[136] L’analyse de la preuve du caractère intentionnel de l’acte illicite, en matière de profilage racial, revêt un aspect particulier : le biais inconscient. L’auteur de l’acte illicite, parfois motivé par un biais dont il n’a pas conscience, peut quand même agir de façon intentionnelle au sens de l’article 49 de la Charte s’il ne pouvait ignorer les conséquences de son comportement pour la victime racisée.

 [Soulignement ajouté]

  1.            Appliquant ce cadre d’analyse aux faits de l’espèce, le Tribunal conclut que les deux policiers, compte tenu notamment de leur sensibilisation au phénomène du profilage racial dans le cadre de leur travail et devant les protestations du plaignant lors de leur intervention, « savai[ent] ou ne pouvai[ent] ignorer qu’en menottant M. Nkamba, il[s] provoquerai[ent] chez lui un sentiment d’injustice »[36]. Il les condamne ainsi chacun à payer à M. Nkamba 1 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs. Cette condamnation, écrit-il, servira à leur rappeler « qu’un traitement identique, sans égard aux différences, ne veut pas dire un traitement exempt de discrimination » et « qu’ils doivent demeurer vigilants relativement aux biais inconscients qui sous-tendent leurs interactions avec les personnes noires »[37].
  2.            Avec égards, ce raisonnement me semble confondre la connaissance par les policiers des conséquences concrètes de leur conduite (le préjudice psychologique de M. Nkamba à la suite du menottage) et celle de l’atteinte à ses droits fondamentaux. Seule cette dernière peut donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts punitifs, l’art. 49 al. 2 de la Charte exigeant une atteinte non seulement illicite, mais également intentionnelle.
  3.            Dans l’arrêt St-Ferdinand, la juge L'Heureux-Dubé, pour une Cour suprême unanime, souligne la distinction entre la notion traditionnelle de préjudice en matière de responsabilité civile et celle d’atteinte à un droit fondamental, propre à la Charte, de même que la signification de la notion d’atteinte illicite et celle d’atteinte intentionnelle, conditions d’octroi à des dommages-intérêts punitifs. Je me permets de reprendre de longs passages de son analyse, en ce qu’ils forment un tout :

[116] Pour conclure à l’existence d’une atteinte illicite, il doit être démontré qu’un droit protégé par la Charte a été violé et que cette violation résulte d’un comportement fautif.  […] L’existence d’une atteinte illicite établie, la victime peut, selon les termes du premier alinéa de l’art. 49 de la Charte, « obtenir [...] la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte ».  Que ce soit en vertu du droit civil ou de la Charte, le préjudice et le lien de causalité, notions distinctes de la faute et de l’atteinte illicite, concernent les conséquences réelles de la conduite de l’acteur fautif ou de l’auteur de l’atteinte illicite, conséquences dont l’évaluation est destinée à circonscrire l’étendue du droit à la réparation de la victime.

[117] Contrairement aux dommages compensatoires, l’octroi de dommages exemplaires prévu au deuxième alinéa de l’art. 49 de la Charte ne dépend pas de la mesure du préjudice résultant de l’atteinte illicite, mais du caractère intentionnel de cette atteinte.  Or, une atteinte illicite étant, comme je l’ai déjà mentionné, le résultat d’un comportement fautif qui viole un droit protégé par la Charte, c’est donc le résultat de ce comportement qui doit être intentionnel.  En d’autres termes, pour qu’une atteinte illicite soit qualifiée d’« intentionnelle », l'auteur de cette atteinte doit avoir voulu les conséquences que son comportement fautif produira.

[118] Dans cette perspective, afin d’interpréter l’expression « atteinte illicite et intentionnelle », il importe de ne pas confondre le fait de vouloir commettre un acte fautif et celui de vouloir les conséquences de cet acte.  À cet égard, le deuxième alinéa de l'art. 49 de la Charte ne pourrait être plus clair: c'est l'atteinte illicite — et non la faute — qui doit être intentionnelle.  En conséquence, bien que certaines analogies soient possibles, je crois qu'il faille néanmoins résister à la tentation d’assimiler la notion d’« atteinte illicite et intentionnelle » propre à la Charte aux concepts traditionnellement reconnus de « faute lourde », « faute dolosive»  ou même « faute intentionnelle». Contra: voir, notamment, Baudouin, op. cit., aux pp. 153 et 154; L. Perret, «De l'impact de la Charte des droits et libertés de la personne sur le droit civil des contrats et de la responsabilité au Québec» (1981), 12 R.G.D. 121, aux pp. 138 et 139; G. Brière de L'Isle, «La faute dolosive — tentative de clarification», D.1980.Chron.133

[…]

[121] En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l'art. 49 de la Charte lorsque l'auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera.  Ce critère est moins strict que l'intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence.  Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.

[122] En plus d’être conforme au libellé de l’art. 49 de la Charte, cette interprétation de la notion d’«atteinte illicite et intentionnelle» est fidèle à la fonction préventive et dissuasive des dommages exemplaires qui suggère fortement que seuls les comportements dont les conséquences sont susceptibles d’être évitées, c’est-à-dire dont les conséquences étaient soit voulues soit connues par l’auteur de l’atteinte illicite, soient sanctionnés par l’octroi de tels dommages: Roy, Les dommages exemplaires en droit québécois: instrument de revalorisation de la responsabilité civile, op. cit., t. I, aux pp. 231 et 232.  J'ajouterais que la détermination de l’existence d’une atteinte illicite et intentionnelle dépendra de l’appréciation de la preuve dans chaque cas et que, même en présence d’une telle atteinte, l'octroi et le montant des dommages exemplaires aux termes du deuxième alinéa de l'art. 49 et de l’art. 1621 C.c.Q. demeurent discrétionnaires. [38]

[Soulignement dans l'original; caractères gras ajoutés]

  1.            La notion d’atteinte illicite se distingue donc du préjudice qui en résulte en ce qu’elle renvoie à la violation d’un droit protégé par la Charte causée par une conduite fautive, tandis que le préjudice correspond aux « conséquences réelles » de cette conduite. Comme l’explique la juge L’Heureux-Dubé, c’est cette violation – plutôt que le préjudice – qui doit être intentionnelle afin de justifier l’octroi de dommages-intérêts punitifs en vertu de l’art. 49 al. 2 de la Charte. Il importe de garder à l’esprit que la logique dissuasive, punitive et dénonciatrice[39] des dommages-intérêts punitifs est indépendante de celle compensatoire du régime de responsabilité civile.
  2.            Lorsque l’atteinte illicite à un droit protégé par la Charte tend à se confondre avec le préjudice qui en résulte – par exemple, en cas d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne (art. 1 de la Charte) –, la distinction entre ces deux notions peut certes paraître particulièrement subtile, voire théorique. En matière de droit à l’égalité toutefois, elles ne sauraient être confondues. La Cour suprême rappelle dans l’arrêt Ward que « le droit à l’égalité, énoncé à l’art. 10, n’est protégé que dans la reconnaissance et l’exercice des autres droits et libertés garantis par la Charte québécoise »[40]. Lorsqu’ils sont octroyés en conséquence d’une atteinte illicite et intentionnelle au droit à l’égalité, les dommages-intérêts punitifs ne visent donc pas à punir, à dissuader, ou à dénoncer une entrave à la reconnaissance ou à l’exercice de l’un ou l’autre de ces autres droits, mais bien à sanctionner son caractère intentionnellement discriminatoire.
  3.            Ainsi, la question qui devait être tranchée en l’espèce eu égard à l’octroi de dommages-intérêts punitifs n’était pas de savoir si, en menottant M. Nkamba, les policiers savaient ou non qu’ils provoqueraient chez lui un sentiment d’injustice. Pour pouvoir conclure comme l’a fait le Tribunal, la preuve devait être faite non seulement d’une atteinte illicite au droit à l'égalité de M. Nkamba, mais également que les policiers avaient agi de manière intentionnellement discriminatoire à son endroit, ou du moins qu’ils avaient connaissance des conséquences discriminatoires « immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables »[41] de leur conduite. L’application de ce critère à une situation où l’on retient que l’atteinte découle de ce qui est communément appelé un « biais inconscient » ne va pas de soi et peut même paraître douteuse. Quoi qu’il en soit, en l’occurrence, le Tribunal n’a pas appliqué le bon cadre d’analyse pour statuer sur l’octroi de dommages-intérêts punitifs, qui n’étaient d’autant pas justifiés puisque l’atteinte n’était pas illicite.

4. La conclusion

  1.            Pour ces motifs, je suis d’avis que le Tribunal a erré en concluant que M. Nkamba avait été victime de discrimination de la part des policiers Perron et Lambert. Puisque la Ville de Gatineau n’a pas porté en appel le jugement du Tribunal, je proposerais donc d’accueillir l’appel, d’infirmer en partie le dispositif du jugement entrepris, de rejeter la demande à l’encontre des policiers Perron et Lambert, de modifier le paragr. 171 du jugement entrepris en conséquence, et d’en biffer les paragr. 172 et 173, avec les frais de justice.

 

 

 

MANON SAVARD, J.c.Q.

 


[1]  RLRQ, c. C-12.

[2]  Lambert c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Nkamba), 2023 QCCA 870.

[3]  Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Nkamba) c. Ville de Gatineau, 2023 QCTDP 14 [jugement entrepris].

[4]  Ces évènements ont également donné lieu à un recours en vertu de l’art. 10 de la Charte. Le jugement dans cette affaire a été rendu par le Tribunal concurremment à celui dont appel dans le présent dossier : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Nkamba) c. Ville de Gatineau, 2023 QCTDP 13. Le Tribunal a condamné solidairement la Ville de Gatineau et les policiers impliqués dans l’évènement survenu en novembre 2017 à verser à M. Nkamba 10 000 $ en dommages-intérêts compensatoires pour préjudice moral. Il a également condamné les deux policiers à lui verser respectivement 1 000 $ et 2 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs. Ce jugement n’a pas été porté en appel.

[5]  Le Tribunal énonce plus précisément que le menottage a privé M. Nkamba de sa liberté de façon discriminatoire, que la fouille par palpation dont il a été l’objet doit être jugée abusive, en plus d’avoir eu sur lui un effet discriminatoire et que M. Nkamba n’a pu recevoir des services ordinairement offerts au public sans discrimination. Ce dernier critère de l’analyse de la discrimination prima facie n’est pas remis en question devant la Cour, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’élaborer sur cette question.

[6]  Cet article énonce :

 

10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

 

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

10. Every person has a right to full and equal recognition and exercise of his human rights and freedoms, without distinction, exclusion or preference based on race, colour, sex, gender identity or expression, pregnancy, sexual orientation, civil status, age except as provided by law, religion, political convictions, language, ethnic or national origin, social condition, a handicap or the use of any means to palliate a handicap.

 

 

Discrimination exists where such a distinction, exclusion or preference has the effect of nullifying or impairing such right.

 

[7] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, paragr. 33 [Bombardier]. La Cour reprend cette définition du profilage racial dans Procureur général du Québec c. Luamba, 2024 QCCA 1387, paragr. 66, (demandes d’autorisation d’appel et d’appel incident à la Cour suprême accueillies, 1er mai 2025, no 41605) [Luamba]. Voir aussi R. c. Le, 2019 CSC 34, paragr. 77 (Le).

[8]  Id., Bombardier, paragr. 35.

[9]  Id., paragr. 36-37.

[10]  Id., paragr. 59-65.

[11]  Argumentaire des appelants, paragr. 51.

[12]  Id., paragr. 64.

[13]  Jugement entrepris, paragr. 65.

[14]  Id., paragr. 68.

[15]  Extraits des paragr. 76 et 80 du jugement entrepris.

[16]  Mis à part l’identité du policier, leur rapport est conforme à ce que la vidéo démontre. Le Tribunal souligne également que le policier Lambert fait mention de l’odeur d’alcool détectée chez M. Nkamba en s’étonnant que le rapport d’évènement ne contienne aucune mention de « symptômes de consommation d’alcool ». Pourtant, le rapport contient expressément la mention « Alcool », dans la section « Personnes reliées ». Il ne s’agit donc pas d’un élément que le policier aurait mentionné pour la première fois lors de son témoignage.

[17]  Bombardier, supra, note 7.

[18]  Id., paragr. 56.

[19]  Id., paragr. 41.

[20]  Luamba, supra, note 7, paragr. 70; R. v. Dudhi, 2019 ONCA, paragr. 75 [Dudhi]; Peart v. Peel Regional Police Services (2006), 43 C.R. (6th) 175 (C.A. Ont.), paragr. 95, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 29 mars 2007, no 31798 [Peart]; R. v. Brown (2003), 173 C.C.C. (3d) 23, paragr. 44 (C.A. Ont.) [Brown].

[21]  Bombardier, supra, note 7, paragr. 26 et 84; Luamba, supra, note 7, paragr. 69; Pierre-Louis c. Québec (Ville de), 2014 QCCA 1554, paragr. 59 et 64, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 16 juin 2015, no 36055 [Pierre-Louis]; Dudhi, supra, note 20, paragr. 76; Peart, supra, note 20, paragr. 95; Brown, supra, note 20, paragr. 44; Nakisha Bernard c. Denis, 2024 QCCS 4420, paragr. 18.

[22]  Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73, paragr. 63 [Cinar]; 2968-7654 Québec inc. c. 3089-8001 Québec inc., 2022 QCCA 91, paragr.  37; Catherine Piché, La preuve civile, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2020, nº 1000.

[23]  Pierre-Louis, supra, note 21, paragr. 64.

[24]  Voir Michèle Turenne, « Le profilage racial : une atteinte au droit à l’égalité – Mise en contexte, fondements, perspectives pour un recours », (2009) 309 Développements récents en profilage racial 41, p. 73-110.

[25]  Jugement entrepris, paragr. 94.

[26]  Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 176, paragr. 99 [Ward].

[27]  Bombardier, supra, note 7, paragr. 88.

[28]  Jugement entrepris, paragr. 99.

[29]  Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Miller et autres) c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal) (SPVM), 2019 QCTDP 31, citée au paragr. 101 du jugement entrepris.

[30]  Comme on l’a dit plus tôt, ce deuxième volet ne consiste qu’à déterminer si la conduite des policiers – si tant est qu’elle ait été jugée discriminatoire au premier volet de l’analyse – était justifiée sur la base des exemptions prévues par la loi ou la jurisprudence.

[31]  Luamba c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 3866, confirmé en partie en appel : Luamba, supra, note 7.

[32]  Le, supra, note 7, paragr. 71; R. c. Spence, 2005 CSC 71.

[33]  Bombardier, supra, note 7.

[34]  Jugement entrepris, paragr. 98.

[35]  Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, paragr. 121 [St-Ferdinand].

[36]  Jugement entrepris, paragr. 147. Voir également paragr. 142.

[37]  Id., paragr. 148.

[38]  St-Ferdinand, supra, note 35, paragr. 116 à 118, 121-122.

[39]  de Montigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51, paragr. 54 et 65. Voir aussi Cinar, supra, note 21; paragr. 134; Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, paragr. 155; B c. X, 2024 QCCA 774, paragr. 25 (dans cet arrêt, la formation cite le paragr. 134 de Cinar); Benoit c. Groupe CRH Canada inc., 2024 QCCA 703, paragr. 101 (id. Cinar); Jean Pierre c. Benhachmi, 2018 QCCA 348, paragr. 61; Bédard Martin c. Intact, compagnie d'assurances inc., 2018 QCCA 162, paragr. 78; Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, n° 803, p. 984.

[40]  Ward, supra, note 26, paragr. 35; Bombardier, supra, note 7, paragr. 53-54.

[41]  St-Ferdinand, supra, note 35, paragr. 121.

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