Décision

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Delorme c. Municipalité de St-Damien

2023 QCCS 743

 

 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 JOLIETTE

 

 

 

 : 

705-17-009807-213        

 

 

 

DATE :    

Le 13 mars 2023

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SERGE GAUDET, j.c.s.

 

______________________________________________________________________

 

 

MARIO DELORME

Demandeur

c.

MUNICIPALITÉ DE ST-DAMIEN

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

(contrôle judiciaire (mandamus); responsabilité civile)

______________________________________________________________________

 

[1]               Le demandeur, M. Mario Delorme, est propriétaire d’une résidence secondaire qui borde le lac Noir dans la municipalité défenderesse.

[2]               Au printemps 2020, il dépose une demande afin d’être autorisé à louer cette résidence secondaire à court terme (demande de « résidence de tourisme »), usage que le conseil municipal peut permettre selon le Règlement relatif aux usages conditionnels.

[3]               En juillet 2020, en dépit d’une recommandation favorable du comité consultatif d’urbanisme (CCU) de la municipalité, le conseil municipal rejette la demande de M. Delorme, notamment en raison d’une pétition ayant été signée par une vingtaine de voisins. Invoquant que cette pétition a été obtenue sur la base d’affirmations mensongères, M. Delorme demande au conseil de réviser sa décision. Par lettre en date du 20 novembre 2020, le directeur général de la municipalité avise le demandeur que « les membres du conseil ont unanimement convenu de ne pas revoir leur décision »[1], confirmant ainsi le refus d’accorder l’autorisation recherchée.

[4]               Le 3 mars 2021, M. Delorme institue un pourvoi en contrôle judiciaire (mandamus) par lequel il demande à la Cour d’annuler la résolution refusant sa demande d’usage conditionnel et d’ordonner au directeur de l’urbanisme de la municipalité de délivrer le permis requis. De plus, il réclame un montant de 69 312,50 $ pour les dommages résultant du refus de lui accorder ce permis.

[5]               La municipalité conteste. Elle invoque que le pourvoi en contrôle judiciaire n’a pas été intenté dans un délai raisonnable et que, par ailleurs, la décision d’octroyer ou non un usage conditionnel relève de la discrétion du conseil municipal auquel la Cour supérieure ne saurait se substituer. En ce qui concerne la demande en dommages, la défenderesse invoque qu’elle est prescrite et que, de toute manière, la preuve n’établit pas que les membres du Conseil auraient agi malicieusement ou de mauvaise foi, ce qui exclut toute responsabilité extracontractuelle de la municipalité.

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[6]               Avant de faire état du contexte factuel plus détaillé et de l’analyse des questions en jeu, il importe de résumer la teneur du règlement relatif aux usages conditionnels de la défenderesse, lequel est au cœur de la présente affaire.

  1. Le règlement relatif aux usages conditionnels

[7]               Dans le langage souvent technique du droit municipal québécois, un « usage conditionnel » est un usage qui est spécialement autorisé par un conseil municipal à l’égard d’un immeuble donné, alors que cet usage serait normalement interdit par la réglementation applicable dans la zone où il se situe.

[8]               La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme permet à une municipalité dotée d’un conseil consultatif d’urbanisme d’adopter un règlement sur les « usages conditionnels »[2]. Un tel règlement doit notamment prévoir quels sont les usages conditionnels pouvant être autorisés dans certaines zones, les critères en fonction desquels l’évaluation de la demande sera faite par le conseil municipal, ainsi que la procédure à suivre.

[9]               En l’espèce, la municipalité de St-Damien (qui est dotée d’un comité consultatif d’urbanisme) a adopté un règlement relatif aux usages conditionnels qui autorise notamment un usage de « résidence de tourisme », ce qui permet de louer une propriété résidentielle à court terme (31 jours et moins) [3].

[10]           Le Règlement 770 prévoit de nombreux critères pour l’évaluation d’une demande d’autorisation d’usage conditionnel de résidence de tourisme[4], dont ceux-ci :

i)               la résidence doit être une habitation unifamiliale isolée[5];

ii)   la zone dans laquelle elle se trouve ne doit pas déjà comporter plus qu’un certain pourcentage de résidences de tourisme[6];

iii)   le projet permet de préserver la quiétude du voisinage[7] et ne doit donc pas comporter une source de bruit susceptible de troubler la quiétude, le repos ou la paix du secteur ou des voisins[8];

iv)  les espaces de jeu, terrasses, foyers extérieurs, piscines, spas et espaces de stationnement doivent être localisés de manière à minimiser les nuisances[9];

v)  l’éclairage extérieur ne doit pas affecter le voisinage et permet d’assurer la protection du ciel nocturne[10];

vi)  une personne responsable résidant sur le territoire de la municipalité et pouvant être jointe dans les 24 heures doit assurer le respect de la réglementation municipale par les locataires[11].

[11]           En ce qui concerne la procédure pour la demande d’autorisation, le Règlement 770 prévoit un processus en trois étapes.

[12]           Un fonctionnaire désigné par la municipalité doit d’abord examiner la demande déposée par le requérant et déterminer si celle-ci est « recevable », c’est-à-dire si elle est « complète et conforme au règlement et à la réglementation d’urbanisme applicable »[12]. Le cas échéant, il transmet la demande au comité consultatif d’urbanisme qui doit alors (c’est la seconde étape) en faire l’analyse à la lumière des critères énoncés au règlement et transmettre ses recommandations au conseil municipal[13]. Enfin, dernière et troisième étape, le conseil municipal, après avoir reçu les recommandations du CCU, décide d’accorder ou non l’usage conditionnel demandé.

[13]           Enfin, le Règlement 770 (reprenant à cet égard l’article 145.33 de la LAU) prévoit que, au moins 15 jours avant la tenue de la séance où le conseil doit se prononcer sur une demande d’usage conditionnel, un avis public et une affiche placée sur l’emplacement en question doivent annoncer la date, l’heure et le lieu de la séance où le conseil l’examinera, préciser la nature de la demande et mentionner que toute personne intéressée pourra se faire entendre relativement à celle-ci lors de la séance du conseil[14].

  1. Contexte factuel

[14]           La propriété du demandeur se situe à l’extrémité sud du chemin A qui longe la rive est du lac Noir. Il l’a achetée en 2013[15], sa femme et lui appréciant particulièrement la plage donnant sur le lac et la tranquillité de l’endroit, s’agissant de l’endroit où le chemin se termine en cul-de-sac.

[15]           En 2019, M. Delorme commence à louer cette résidence pour de courts séjours par l’entremise de la plateforme Airbnb.

[16]           Le 20 mars 2020, le directeur de l’urbanisme de la municipalité (M. Éric Gélinas), l’avise que cela est interdit dans la zone où se situe sa résidence[16], à moins d’obtenir du conseil municipal une autorisation pour résidence de tourisme[17] selon les dispositions du Règlement 770.

[17]           Le 1er mai 2020, M. Delorme dépose une telle demande auprès de la municipalité[18]. Après certaines modifications concernant l’identité de la personne responsable de veiller au respect de la réglementation municipale, cette demande est jugée recevable par le directeur général de la municipalité qui la transmet donc au comité consultatif d’urbanisme.

[18]           Le 26 juin, le CCU émet une recommandation favorable[19].

[19]           Le 30 juin, un avis public est installé devant la résidence du demandeur[20]. Cet avis indique que, lors de la séance du 21 juillet 2020, le conseil municipal va se pencher sur la demande d’usage conditionnel de résidence de tourisme pour cet immeuble. Étant donné les restrictions sanitaires alors en vigueur dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, l’avis précise que les membres du public souhaitant s’exprimer sur cette demande devront le faire par courriel puisque le public ne peut alors assister en personne aux séances du Conseil[21].

[20]           Une voisine du demandeur, Mme Brigitte Beaulieu, décide alors de faire le tour du voisinage avec une pétition demandant que le conseil refuse la demande. Le texte de celle-ci indique que, depuis que le demandeur loue sa résidence, plusieurs nuisances auraient été constatées (partys bruyants, canettes de bière jetées au chemin, poubelles qui débordent, etc.). Une vingtaine de résidents du chemin Philippe-Gadoury la signent[22].

[21]           Je souligne que le contexte dans lequel les signatures ont été obtenues semble pour le moins douteux. Ainsi, le voisin immédiat de M. Delorme, M. Guy Bessette, a signé la pétition en question. Lors de son témoignage, il indique que Mme Beaulieu lui avait alors mentionné que le demandeur entendait vendre sa résidence et que celle-ci serait transformée en auberge, et que cela l’avait poussé à signer le document. Or, cette information était mensongère, le demandeur n’ayant jamais eu ni exprimé l’intention de vendre sa résidence.

[22]           Le 17 juillet 2020, ayant été avisé par M. Bessette de l’existence de cette pétition défavorable à sa demande, M. Delorme transmet à la municipalité une lettre dénonçant celle-ci et expliquant que son épouse (Mme Nicole Coulombe) et lui entendent sélectionner soigneusement les locataires afin d’éviter tout débordement ou nuisance pour les voisins[23].

[23]           La pétition ainsi que la lettre de M. Delorme sont transmises aux membres du conseil par le directeur général de la municipalité, M. Mario Morin, quelques heures avant le début de la séance du 21 juillet. En dépit de la recommandation favorable du CCU, la demande de M. Delorme est refusée à l’unanimité « en raison des éléments soulevés par la consultation publique tenue et de la réputation des lieux »[24].

[24]           Le 4 août, ayant pris connaissance du procès-verbal des délibérations que lui a transmis le directeur général, M. Delorme lui renvoie une lettre par laquelle il dénonce le caractère mensonger et trompeur des représentations faites par Mme Beaulieu au voisinage. Il demande alors à obtenir copie de la pétition qu’il n’a jamais vue à ce moment et aussi que la décision du conseil rendue sur la base de « ragots irrationnels mensonger inexacte» soit révisée[25].

[25]           Le 7 septembre, M. Delorme transmet une nouvelle lettre à M. Morin et à M. Gélinas (alors directeur de l’urbanisme), leur demandant de « déposer à nouveau notre demande au conseil le 15 septembre prochain » [26], réitérant ses doléances à l’endroit de la pétition dont Mme Beaulieu a été l’instigatrice et mentionnant avoir fait installer des caméras afin de contrôler l’utilisation des lieux. Il ajoute que Mme Beaulieu se rend sur son terrain sans autorisation, cherche à obtenir des renseignements des gens qui peuvent s’y trouver, et leur représente faussement le faire au nom de la municipalité[27].

[26]           Le 12 octobre, M. Delorme demande formellement que le conseil révise sa décision du 21 juillet en indiquant les faits justifiant une reconsidération de celle-ci[28].

[27]           Le 13 octobre, le voisin immédiat du demandeur, M. Bessette, transmet à MM. Morin et Gélinas une lettre par laquelle il indique se rétracter de la pétition, indiquant que les catastrophes annoncées par celle-ci ne se sont pas matérialisées et se disant d’avis qu’il est injuste de priver le demandeur de revenus locatifs qu’il anticipait pour payer hypothèque et taxes[29].

[28]           Le 15 octobre, M. Delorme transmet un courriel à M. Morin auquel il joint un fichier vidéo montrant Mme Beaulieu qui pose des questions à des amis arrivant à sa résidence et qui leur dit le faire au nom de la municipalité[30].

[29]           Lors de son témoignage, M. Morin, alors directeur général de la municipalité, mentionne qu’il a transmis tous ces éléments aux membres du conseil.

[30]           Le 20 octobre, une séance du conseil est tenue. Au moment de la période de questions, M. Delorme (qui assiste à titre de membre du public par visioconférence[31]) s’interroge sur ce qu’il advient de sa demande de révision. Le maire Daniel Monette lui répond alors ceci[32] :

–Oui, effectivement nous avons reçu une demande de révision. Et de nouveaux détails, de nouvelles informations nous sont apparus. Et le Conseil, justement, se rencontre dans une séance de travail, puis ils vont…on va réanalyser votre dossier par rapport aux informations qu’on a eues.

[31]           M. Delorme demande alors si cela se fera avant la prochaine réunion du conseil et le maire Monette lui répond[33] :

Non. La décision va se prendre en réunion du Conseil publique.

[32]           Vers le 26 novembre, M. Delorme reçoit une lettre de M. Morin datée du 20 novembre. Dans celle-ci, M. Morin indique qu’après avoir soumis aux membres du conseil municipal les derniers documents fournis, ceux-ci « après considération et discussion ont unanimement convenu de ne pas revoir leur décision rendue dans votre dossier. Votre demande d’usage conditionnel demeure donc refusée »[34].

[33]           M. Delorme est sous le choc. Il réfléchit pendant quelques jours et, début décembre, il prend la décision d’entreprendre des poursuites contre la municipalité. Il se met alors à la recherche d’un avocat ayant de l’expérience en droit municipal, ce qui n’est pas aisé en période de pandémie. Il contacte un certain M. Branchault, qui aurait, semble-t-il, un problème similaire au sien, et celui-ci lui recommande de retenir les services de Me Andréanne Lavoie, du cabinet Therrien Lavoie, qu’il rencontre en janvier 2021.

[34]           Une mise en demeure portant la date du 27 janvier 2021 est transmise aux membres du conseil municipal par laquelle Me Lavoie, au nom de son client, requiert que sa demande d’usage conditionnel comme résidence de tourisme soit accordée et que le permis afférent soit émis. Cette mise en demeure est signifiée aux membres du conseil entre le 29 janvier et le 1er février 2021[35].

[35]           Le 8 février 2021, le procureur de la municipalité, Me Denis Beaupré, répond à Me Lavoie qu’il verra à étudier le document transmis par sa cliente (i.e. la mise en demeure) et qu’il fera part de la position ce celle-ci dans les meilleurs délais.

[36]           Le 3 mars 2021, n’ayant toujours pas obtenu de réponse de la part de Me Beaupré, le demandeur dépose sa demande en justice contre la municipalité et la signifie le lendemain.


  1. Analyse

A)           Le pourvoi en contrôle judiciaire (mandamus)

1)            Le recours est-il tardif ?

[37]           La première question à trancher est celle de savoir si le pourvoi en contrôle judiciaire intenté par le demandeur l’a été à l’intérieur d’un délai raisonnable, tel que requis par le troisième alinéa de l’article 529 du Code de procédure civile.

[38]           La municipalité prétend que le délai doit commencer à courir à compter du refus du conseil d’accorder la demande d’usage conditionnel du demandeur, ce qui survient lors de la séance du 21 juillet 2020. La demande en justice du demandeur ayant été signifiée le 4 mars 2021, il y aurait environ 7 mois entre la décision attaquée et le dépôt de la procédure, alors que le délai qui est généralement considéré raisonnable en matière de pourvoi en contrôle judiciaire oscille autour de 30 jours.

[39]           Le demandeur rétorque que le refus définitif de la municipalité ne lui a été communiqué que vers le 26 novembre 2020, lorsqu’il a reçu la lettre de M. Morin lui indiquant que les membres du conseil avaient finalement décidé de ne pas revoir la décision du 21 juillet précédent. Par ailleurs, il explique avoir eu du mal à trouver un avocat spécialisé en droit municipal pour le représenter, notamment en raison des restrictions sanitaires alors en vigueur. Enfin, ce n’est que le 8 février 2021 que le procureur de la municipalité a répondu à la mise en demeure de la fin janvier 2021 en disant qu’il examinerait la situation et reviendrait avec la position de sa cliente, ce qu’il n’a pas fait dans les trois semaines suivantes. Le demandeur estime que, dans ces circonstances, son recours a été intenté dans un délai raisonnable.

[40]           J’estime que cette position est bien fondée.

[41]           Tout d’abord, le demandeur a raison de dire que le point de départ du délai est le 26 novembre 2020, et non pas le 21 juillet précédent. En effet, lorsqu’il a su que sa demande d’usage conditionnel avait été refusée par le conseil lors de la séance du 21 juillet, le demandeur a immédiatement demandé que cette décision, qui était selon lui fondée sur des prémisses factuelles erronées, soit révisée. Or, non seulement, personne ne lui a alors indiqué que cette révision n’aurait pas lieu, mais au surplus le maire Monette, lors de séance du Conseil du 20 octobre, a spécifiquement mentionné au demandeur que sa demande de révision serait traitée lors d’une prochaine réunion publique du Conseil. Or, ce n’est que le 26 novembre 2020, par la lettre que lui a transmise M. Morin[36], que le demandeur a appris que finalement le conseil n’entendait pas revoir sa décision du mois de juillet.

[42]           Le délai entre ce refus définitif et l’institution de la demande en justice n’est donc pas de 7 mois, mais plutôt de 4 mois. De plus, il est difficile de reprocher au demandeur de ne pas avoir judiciarisé le débat à la suite de l’envoi de sa mise en demeure de la fin janvier 2021, alors que l’avocat de la municipalité indiquait qu’il se pencherait sur la situation et ferait part de la position de sa cliente, position qui n’est jamais venue avant que le demandeur ne se décide à déposer sa demande en justice au début de mars 2021.

[43]           Par ailleurs, on peut facilement comprendre que les restrictions qui étaient alors en vigueur pour juguler la progression de la pandémie de la Covid-19, de même que la période des Fêtes 2020, aient pu rendre plus difficiles les démarches du demandeur pour se trouver un avocat s’y connaissant en droit municipal (qui reste un domaine plutôt spécialisé) et que ce dernier puisse entreprendre des procédures.

[44]           Je souligne aussi que le délai dont il s’agit ici n’a causé aucun préjudice à la municipalité, qui avait été avisée de la nature de la demande du demandeur et des faits sur lesquels il fondait sa demande par la mise en demeure détaillée de Me Lavoie du 27 janvier 2021, soit environ 60 jours après que le refus définitif de la municipalité eut été communiqué au demandeur.

[45]           Enfin, la jurisprudence se montre plus souple en ce qui a trait au délai raisonnable en matière de mandamus, alors que des discussions et négociations vont souvent intervenir entre l’organisme visé et la partie qui envisage un recours de cette nature[37]. Dans un arrêt récent, la Cour d’appel a réitéré que le « délai raisonnable » prévu à la loi en matière de contrôle judiciaire n’est pas nécessairement limité à 30 jours, qu’il ne s’agit pas d’un délai de déchéance ou de prescription et que les circonstances de l’espèce peuvent justifier un délai plus long[38]. En somme, il s’agit de voir si le demandeur a été diligent dans les circonstances pour entreprendre son recours et j’estime que tel est le cas en l’espèce.

[46]           Je conclus donc que le recours intenté par le demandeur l’a été à l’intérieur d’un délai raisonnable et qu’il ne peut pas être sommairement rejeté pour cause de tardiveté.

2)     Le pourvoi est-il fondé ?

[47]           En ce qui concerne le fond de l’affaire, il importe de distinguer les deux décisions rendues dans la présente affaire, car les considérations juridiques ne sont pas les mêmes pour l’une et l’autre.

 

i)               Le refus initial

[48]           En ce qui a trait à la décision du Conseil du 21 juillet 2020, il est clair que celle-ci doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable, car il n’y a aucune raison de ne pas appliquer la présomption à cet égard établie dans l’arrêt Vavilov[39]. D’ailleurs, les parties s’entendent à ce sujet.

[49]           Or, je ne vois pas en quoi cette décision serait déraisonnable. Les membres du conseil avaient alors en main la pétition signée par de nombreuses personnes du voisinage faisant état de nuisance causée par les locataires de M. Delorme. Par ailleurs, on leur avait également remis la lettre de M. Delorme du 17 juillet dénonçant les démarches de Mme Beaulieu[40]. Cependant, dans cette même lettre M. Delorme se trouve à admettre qu’il y a avait effectivement eu des débordements dans le cadre d’un « party de Noël » s’étant déroulé à sa résidence.

[50]           Or, le conseil refuse la demande de M. Delorme, à la lumière des « éléments soulevés par la consultation publique et de la réputation des lieux ». Contrairement à ce que soutient le demandeur, il ne s’agit pas là de motifs vagues et imprécis. Il est clair que la demande est refusée à la lumière des nuisances que celle-ci risque de causer au voisinage. Par ailleurs, ce n’est pas parce que le concept de « réputation des lieux » n’est pas mentionné au règlement que cela en fait une considération non pertinente. Au contraire, plusieurs des facteurs d’évaluation contenus au règlement sont directement reliés à la quiétude des lieux et du voisinage, comme on l’a vu.

[51]           Je ne crois pas non plus qu’un conseil municipal ait l’obligation de se livrer à une enquête afin de déterminer si oui ou non les affirmations contenues à la pétition étaient véridiques. Certes, il n’y avait pas eu d’avis d’infraction d’émis contre M. Delorme à propos de nuisance, mais cela ne prouve pas que des nuisances n’ont pas été créées par ses locataires. Or, au 21 juillet, les membres du conseil n’avaient devant eux que la pétition signée par une vingtaine de personnes du voisinage et une lettre de M. Delorme qui confirmait qu’il y avait eu des débordements lors d’un « party de Noël ». Par ailleurs, rien n’obligeait les fonctionnaires de la municipalité de transmettre au demandeur une copie de la pétition reçue. Il suffisait que son existence soit révélée lors de la séance du conseil, ce qui a été fait.

[52]           Enfin, la preuve ne révèle aucunement que les membres du conseil auraient agi de mauvaise foi (ou que leur décision est tellement irrationnelle qu’elle fait présumer la présence de mauvaise foi) ou encore qu’ils se sont fondés sur des considérations non pertinentes. La décision d’octroyer un usage conditionnel est une décision discrétionnaire qui appartient au conseil d’une municipalité. Le fait que le CCU ait émis une recommandation favorable est certes un élément pertinent de l’analyse, mais cela ne garantit aucunement l’octroi de l’usage conditionnel, car ce sont les membres du conseil qui ont le dernier mot à cet égard selon les dispositions de la loi.

[53]           Dans l’arrêt Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Municipalité du Village de Lafontaine[41], la Cour suprême indique ceci à propos de telles décisions discrétionnaires en matière de zonage[42] :

Ce qui relève de l’intérêt public est une question discrétionnaire que seule la municipalité peut trancher. Pourvu que la municipalité agisse honnêtement et dans les limites des pouvoirs que la loi lui confère, la cour siégeant en révision ne doit pas modifier sa décision, à moins que l’on ait établi des motifs valables et suffisants de le faire.

[54]           À mon avis, il n’y a aucun motif justifiant de casser la décision du 21 juillet 2020.

[55]           Il en va cependant autrement de la décision prise par les membres du conseil en novembre 2020 (à une date qui ne peut être précisée) par laquelle ceux-ci ont refusé de reconsidérer leur refus initial.

ii)             Le refus de revoir la décision initiale

[56]           Pour les raisons qui suivent, je suis d’avis que la décision en vertu de laquelle les membres du Conseil municipal ont refusé de reconsidérer le refus initial du 21 juillet 2020, malgré la demande formelle du demandeur en ce sens[43], est illégale, car celle-ci a été prise dans le cadre d’un processus qui ne respecte pas l’obligation d’équité procédurale qu’avait alors la municipalité envers le demandeur.

[57]           Encore là, c’est l’arrêt Village de Lafontaine, précité, qui a établi les principes pertinents.

[58]           Dans cette affaire, une congrégation religieuse demanderesse désirait obtenir une modification au règlement de zonage de la municipalité afin de pouvoir ériger un lieu de culte. Or, malgré les recherches, la congrégation ne parvenait pas à trouver un terrain convenable dans la zone de la municipalité où les lieux de culte étaient autorisés. Il lui fallait donc obtenir une modification au règlement de zonage et la congrégation a fait trois demandes successives qui ont toutes été refusées.  La première a été refusée à la suite d’une évaluation de la situation, notamment quant à l’effet de la dérogation demandée sur le fardeau fiscal des contribuables du voisinage[44], alors que les second et troisième refus n’ont pas été motivés.

[59]             Dans son analyse, la Cour suprême commence par établir le principe qu’une municipalité, comme tout autre organisme public, est tenu « à une obligation d’équité procédurale lorsqu’il rend une décision administrative qui touche les droits, privilèges ou bien d’une personne ». En d’autres mots, lorsqu’une municipalité rend une décision qui tient davantage de la « décision individuelle » que du pouvoir normatif général de type législatif (comme l’adoption d’un règlement de nature générale), elle est assujettie à une obligation d’équité procédurale.

[60]           La Cour précise ensuite que le contenu de cette obligation d’équité procédurale dans une situation donnée va varier en fonction des cinq facteurs qui ont été établis à l’arrêt Baker[45] : 1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi par l’organisme public pour y parvenir; 2) la nature du régime législatif et les dispositions législatives en vertu desquelles agit l’organisme public; 3) l’importance de la décision pour les personnes visées; 4) les attentes légitimes de la partie qui conteste la décision et 5) la nature du respect dû à l’organisme[46].

[61]           À la lumière de ces facteurs, la Cour suprême a conclu que la municipalité du village de Lafontaine était tenue de motiver sa décision de refuser la modification de zonage demandée[47].

[62]           Sur le premier facteur, la Cour, tout en reconnaissant le caractère discrétionnaire de ce genre de décisions, attache cependant également de l’importance au fait qu’une décision discrétionnaire non motivée comporte un risque élevé d’abus et qu’« aucun pouvoir discrétionnaire n’est assez général pour soustraire au contrôle judiciaire une décision municipale arbitraire ou abusive »[48]. Elle mentionne aussi (second facteur) que, dans la mesure où la LAU ne comporte aucun droit d’appel de telles « décisions individuelles » rendues par le conseil, cela emporte « un plus grand souci d’équité » de la part de la municipalité[49]. Elle indique (troisième facteur) que la décision revêtait une grande importance pour les membres de la congrégation, s’agissant de leur droit fondamental de pratiquer leur religion[50] et ajoute (quatrième facteur) que les attentes légitimes de la Congrégation militaient également en faveur de garanties procédurales accrues, puisque le processus suivi par l’organisme lors de l’étude de la première demande était détaillé et rigoureux[51]. Enfin, quant à la nature du respect dû au décideur (cinquième facteur), la Cour énonce que, même si force est de reconnaître que les acteurs municipaux ont en matière de décisions de zonage une expertise qui dépasse de loin celle des tribunaux, il reste que ce facteur « ne joue guère lorsque (…) aucun document n’indique que la municipalité a effectivement utilisé son expertise pour étudier les demandes »[52].

[63]           Puisque ces facteurs créaient l’obligation pour la municipalité de motiver ses décisions, les second et troisième refus, qui n’avaient aucunement été motivés, ont été jugés illégaux et ont donc été annulés.

[64]           À mon avis, les principes établis par la Cour suprême dans cet arrêt sont facilement transposables à l’affaire qui nous occupe en l’espèce.

[65]           Tout d’abord, nous sommes, ici aussi, clairement dans une situation où la décision du conseil sur l’octroi ou non d’un usage conditionnel touche directement aux droits, privilèges et biens du demandeur. Il s’agit en effet de savoir s’il sera ou non autorisé à utiliser sa propriété à titre de résidence de tourisme, ce qui tient davantage de la « décision individuelle » que de l’exercice d’un pouvoir normatif général. En réalité, l’octroi d’un usage conditionnel n’est rien d’autre qu’une modification individualisée à la réglementation générale des usages dans une zone.

[66]           En second lieu, l’examen des facteurs de l’arrêt Baker va également dans le sens ici d’une obligation d’équité procédurale exigeant que la décision soit motivée.

[67]           Il n’y a pas de distinction à faire quant aux deux premiers facteurs. Dans le cas qui nous occupe ici, il s’agit de la même manière d’une décision discrétionnaire susceptible d’abus si elle n’est pas minimalement motivée et aucun mécanisme d’appel n’est prévu à la loi pour décision d’un conseil municipal refusant un usage conditionnel à un requérant.

[68]           En ce qui concerne le troisième facteur, bien qu’il ne s’agisse pas ici de droits aussi fondamentaux que ceux qui étaient en cause dans Village de Lafontaine, il reste que la décision revêt une importance considérable pour le demandeur, car elle signifie qu’il pourra ou non louer sa résidence à court terme, ce qui est susceptible de conférer un avantage financier significatif. J’ajoute que le droit d’une personne à la libre jouissance de ses biens jouit d’une certaine protection en vertu de l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne[53].

[69]           La quatrième facteur –les attentes légitimes du demandeur est encore plus pertinent dans l’espèce qui nous occupe. En effet, à partir du moment où le maire Monette, lors d’une séance du conseil, a indiqué au demandeur que sa demande d’usage conditionnel serait réévaluée et que la décision à cet égard serait prise en séance publique, M. Delorme était en droit de s’attendre à ce que ce processus soit respecté. Comme l’indique la Cour suprême dans Village de Lafontaine[54] :

Lorsqu’une conduite antérieure crée chez le demandeur une attente légitime selon laquelle une certaine procédure sera automatiquement suivie, l’équité peut exiger que l’on s’y conforme.

Or, en l’espèce, les attentes légitimes du demandeur étaient fondées, non pas sur une conduite antérieure créant implicitement une expectative, mais plutôt sur une promesse formelle énoncée par le maire en séance du conseil, et alors qu’aucun conseiller ne s’y est opposé. Il va de soi que M. Delorme était donc légitimement en droit de s’attendre à ce qu’il y ait reconsidération de sa demande par le Conseil et que cela serait fait lors d’une séance publique au cours de laquelle il aurait pu faire valoir son point de vue et répondre, le cas échéant, aux questions des conseillers.

[70]           Enfin, en ce qui concerne le cinquième facteur –le respect dû au décideur, puisque la décision refusant de reconsidérer le refus initial n’est aucunement motivée, il n’y a pas non plus ici de preuve documentaire que la municipalité a utilisé son expertise particulière en matière de zonage pour décider de la demande de révision et ce facteur n’a pas ici une grande pertinence.

[71]           Je crois utile de préciser que la Cour suprême, dans l’arrêt Village de Lafontaine, mentionne que lorsqu’il s’agit d’une demande de réexamen d’une décision discrétionnaire déjà rendue, on peut comprendre qu’il puisse y avoir absence de réévaluation formelle de la situation et absence de motifs[55]. Il faut cependant comprendre que tel est le cas en l’absence de faits nouveaux pertinents. À l’inverse, s’il s’agit d’une nouvelle demande ou encore s’il y a des éléments nouveaux qui n’ont pas été pris en considération lors de la décision initiale, le réexamen de celle-ci devrait nécessiter le même genre d’évaluation que celle ayant donné lieu à la première décision, et devra également être motivée.

[72]           Dans l’arrêt Village de Lafontaine, il s’agissait d’une nouvelle demande de dérogation visant un autre terrain. Dans notre cas, il s’agit de la même demande, mais à la lumière de faits nouveaux. Or, le maire Monette, dans son intervention à la séance du 20 octobre 2020, reconnaît que la demande d’usage conditionnel de M. Delorme devra être à nouveau analysée parce que « de nouveaux détails, de nouvelles informations nous sont apparus »[56].

[73]           De cela, il faut conclure qu’en l’espèce, la municipalité défenderesse avait envers le demandeur une obligation d’équité procédurale qui exigeait, d’une part, que la décision relative à sa demande de révision soit prise, conformément à l’engagement du maire, en séance publique du conseil, séance à laquelle il aurait pu assister et faire valoir son point de vue, et d’autre part, que cette décision soit adéquatement motivée, notamment à la lumière des nouveaux éléments révélés à la suite de la première décision.

[74]           Ni l’une ni l’autre de ces exigences n’ont ici été respectées. La décision n’est aucunement motivée et la décision n’a pas été prise lors d’une séance du conseil municipal. En réalité, on ne sait rien du processus qui a été suivi par les membres du conseil pour prendre cette décision, ni si ceux-ci ont véritablement tenu compte des nouveaux éléments pertinents, notamment le fait que le voisin immédiat du demandeur, M. Bessette, s’était rétracté de la pétition et confirmait l’absence de nuisance de la part des locataires du demandeur[57] ou encore du fait que des éléments faisaient sérieusement douter de la bonne foi et de l’honnêteté de Mme Beaulieu, l’instigatrice de la pétition.

[75]           Cette décision rendue en contravention de l’obligation d’équité procédurale de la municipalité, et donc illégale[58], sera annulée.

[76]           Toutefois, la réparation qui s’impose ici n’est pas d’ordonner à la municipalité d’octroyer au demandeur l’usage conditionnel qu’il demande, car cela suppose qu’il aurait nécessairement eu le droit d’obtenir ce privilège. Sauf circonstances exceptionnelles, une demande de mandamus ne peut être accordée afin de forcer une municipalité à rendre une décision discrétionnaire dans un sens ou dans un autre.

[77]           Dans Village de Lafontaine, bien qu’elle eût annulé les second et troisième refus de la municipalité, la Cour suprême a toutefois refusé d’ordonner à la municipalité d’octroyer la modification demandée par la congrégation, car cela « suppose que [celle-ci] a droit à une décision favorable, si [la municipalité] exerce correctement son pouvoir discrétionnaire », ce sur quoi la Cour refuse de se prononcer. La Cour suprême a plutôt renvoyé l’affaire à la municipalité pour qu’elle examine de nouveau la demande de modification de zonage présentée par la congrégation religieuse.

[78]           La même réparation s’impose ici. Il sera donc ordonné à la Ville, non pas de se prononcer dans un sens précis, mais plutôt de reconsidérer, lors d’une séance publique, comme elle s’était d’ailleurs engagée à le faire, la demande d’usage conditionnel de M. Delorme à la lumière des nouveaux éléments mis en lumière après le 21 juillet 2020. Cette réparation, qui respecte le pouvoir discrétionnaire du Conseil en la matière, s’impose d’autant plus que rien ne montre ici que les membres du Conseil aient agi de mauvaise foi ou sur la base de considérations étrangères à l’intérêt public.

[79]           Advenant que cette solution soit celle retenue, le demandeur a demandé qu’il soit précisé que la demande d’usage conditionnel du demandeur doit être analysée de nouveau par le conseil municipal en tenant compte de la réglementation qui était applicable à cette demande au moment où elle a été déposée auprès de la municipalité, soit au 1er mai 2020. La municipalité s’est dite en accord avec cela et la précision demandée sera donc insérée dans les conclusions du présent jugement.

B)           Recours en dommages

[80]           Le demandeur réclame également des dommages-intérêts à la municipalité pour les pertes qu’il dit avoir subies en raison du fait qu’il a été privé de la possibilité de louer sa résidence à court terme depuis le 21 juillet 2020.

[81]           La municipalité prétend que cette demande est irrecevable selon les dispositions de l’article 1112.1 du Code municipal puisque l’avis mentionné à cette disposition doit être donné dans les 60 jours de la naissance de la cause d’action. Le demandeur réplique à ce sujet que les diverses lettres transmises à la municipalité par le demandeur à l’automne 2020 peuvent tenir lieu de l’avis prévu à cette disposition.

[82]           J’estime que sur ce point la municipalité a raison.

[83]           L’article 1112.1 du Code municipal[59] édicte ce qui suit :

Nulle action en dommages-intérêts n’est intentée contre la municipalité à moins qu’un avis préalable de 15 jours n’ait été donné, par écrit, de telle action au secrétaire-trésorier de la municipalité, et à moins qu’elle n’ait été intentée dans un délai de six mois après la date à laquelle la cause d’action a pris naissance. Cet avis peut être notifié par poste recommandée, et il doit indiquer les noms et résidence du réclamant, ainsi que la nature du préjudice pour lequel des dommages-intérêts sont réclamés, et il doit être donné dans les 60 jours de la cause d’action.

[84]           Les diverses lettres acheminées par le demandeur à la municipalité le 4 août[60], le 7 septembre[61] et le 12 octobre 2020[62] ne contiennent pas les éléments requis, notamment parce qu’elles n’indiquent pas une intention claire de tenir la municipalité responsable de dommages. Ces lettres visent plutôt à obtenir la révision du refus initial d’octroyer l’usage conditionnel refusé par la décision du 21 juillet.

[85]           Par ailleurs, la mise en demeure du 27 janvier 2021 qui contient, elle, les éléments exigés par le Code municipal arrive trop tard. La cause d’action a pris naissance, au plus tard, le 26 novembre lorsque le second refus a été communiqué au demandeur. Or, la mise en demeure du 27 janvier a été signifiée aux membres du Conseil entre le 29 janvier et le 1er février 2021, plus de 60 jours après le 26 novembre.

[86]           La demande en dommages-intérêts du demandeur est donc irrecevable faute par lui d’avoir transmis l’avis prévu par l’article 1112.1 du Code municipal dans un délai de 60 jours de la naissance de la cause d’action.

[87]           De toute manière, ce recours en dommages était mal fondé. En effet, dans l’arrêt Les Entreprises Sibeca inc. c. Municipalité de Frelighsburg[63], la Cour suprême a établi le principe que la responsabilité extracontractuelle d’une municipalité dans l’exercice de son pouvoir réglementaire ne pouvait être engagée que s’il y a mauvaise foi avérée ou encore des circonstances qui permettent de conclure à sa mauvaise foi, puisque le droit public confère une immunité relative à la municipalité en un tel cas.

[88]           Or, comme mentionné ci-dessus, il n’y a aucune preuve de cette nature en l’espèce, rien n’indiquant que les membres du conseil ont agi de mauvaise foi ou ont adopté ici un comportement irrationnel qui ne peut s’expliquer que par de la mauvaise foi.

[89]           Compte tenu de ce qui précède, il ne sera pas nécessaire de trancher l’objection soulevée par la défenderesse quant à la preuve des pertes locatives subies par le demandeur par l’intermédiaire de ses déclarations fiscales[64].

0-0-0

[90]           Enfin, il n’y aura pas octroi des frais de justice, étant donné le résultat mitigé réservé à la demande en justice du demandeur.

0-0-0

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[91]           ACCUEILLE en partie le pourvoi du demandeur;

[92]           ANNULE la décision de la Municipalité de St-Damien du 26 novembre 2020 refusant sommairement la demande de révision du demandeur relativement à la décision du conseil municipal du 21 juillet 2020 lui refusant l’octroi d’un usage conditionnel de « résidence de tourisme » pour sa résidence;

[93]           ORDONNE à la Municipalité de St-Damien d’analyser cette demande de révision, telle que celle-ci est énoncée à la lettre du demandeur du 12 octobre 2020 (pièce P-10), et de rendre ensuite une décision motivée, confirmant ou infirmant sa décision initiale du 21 juillet 2021 quant à l’octroi ou non de l’usage conditionnel demandé par le demandeur et ce, en tenant compte de la réglementation applicable au moment du dépôt de sa demande d’usage conditionnel, soit le ou vers le 1er mai 2020;

[94]           REJETTE la demande en dommages-intérêts du demandeur.

[95]           LE TOUT sans frais.

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Serge Gaudet, j.c.s.

 

 

 

Me Andréanne Lavoie

Therrien Lavoie avocats, sencrl

Avocate du demandeur Mario Delorme

 

Me Denis Beaupré

Bélanger Sauvé, sencrl

Avocat de la défenderesse Municipalité de St-Damien

 

Dates d’audience : 6, 7 et 8 février 2023


[1]  Pièce P-13.

[2]  RLRQ, c. A-19.1, art. 145.31 et suiv.

[3]  Règlement no 770 relatif aux usages conditionnels (pièce P-14).

[4]  Idem, art. 8.4 passim.

[5]  Id., par.1).

[6]  Id., par. 6). Ce pourcentage était de 10 % jusqu’au 9 septembre 2020 et de 5 % par la suite (pièce P-15).

[7]  Id., par.7).

[8]  Id., par. 10).

[9]  Id., par. 11).

[10]  Id., par. 15).

[11]  Id., par. 18).

[12]  Idem, art. 7.4.

[13]  Idem, art. 7.7 et 7.8.

[14]  Idem, art. 7.9.

[15]  Pièce P-1.

[16]  Soit la zone VR-13.

[17]  Pièce D-4.

[18]  Pièces P-2, P-2A et P-2B.

[19]  Pièce D-1.

[20]  Pièce P-3.

[21]  Normalement, les membres du public qui souhaitent faire part de leurs commentaires quant à la demande doivent le faire en se présentant en personne à la séance du Conseil.

[22]  Pièce D-2.

[23]  Pièce P-4.

[24]  Pièce P-5.

[25]  Pièce P-6 (reproduit tel quel).

[26]  Pièce P-9 (reproduit tel quel).

[27]  Idem.

[28]  Pièce P-10.

[29]  Pièce P-11.

[30]  Pièce P-20, ainsi que pièce P-20A (étant une transcription maison de l’avocate du demandeur aux fins du procès de la bande audio de l’extrait vidéo transmis à M. Morin le 15 octobre 2020, dont le contenu n’a pas été contesté par l’avocat de la municipalité après vérification).

[31]  Toujours en raison des restrictions sanitaires alors en vigueur.

[32]  Pièce P-18, p. 6-7.

[33]  Idem, p. 7.

[34]  Pièce P-13.

[35]  Pièce P-16.

[36]  Pièce P-13.

[37]  Voir Harvey c. Société d’assurance automobile du Québec, 2006 QCCS 3310, par. 22 et suiv.

[38]  Fédération des transporteurs par autobus c. Société de transport du Saguenay, 2021 QCCA 1303, par. 28 et suiv.

[39]  Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 23 et suiv.

[40]  Pièce D-7.

[41]  2004 CSC 48.

[42]  Idem, par. 6.

[43]  Pièce P-10.

[44]  En principe, les lieux de culte sont exemptés de taxes foncières, ce qui peut accroître le fardeau fiscal des autres contribuables.

[45]  Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 RCS 817.

[46]  2004 CSC 48, par. 5.

[47]  Idem.

[48]  Id., par. 6 et 7.

[49]  Id., par. 8.

[50]  Idem, par. 9.

[51]  Idem, par. 10.

[52]  Id., par. 11.

[53]  RLRQ c. C-12.

[54]  2004 CSC 48, par. 10.

[55]  Idem, par. 25.

[56]  Pièce P-18, p. 6.

[57]  Pièce P-11.

[58]  Une décision rendue en contravention des principes de justice naturelle ou de l’équité procédurale est de facto soumise à la norme de la décision correcte en ce sens que, dès lors qu’il y a violation de la justice naturelle ou de l’équité procédurale, la cour de révision peut intervenir, car la « déférence n’est pas de mise lorsque l’équité procédurale est en cause » (Société québécoise des infrastructures c. Ville de Montréal, 2021 QCCA 1713, par. 28 et 29. En effet, la présomption de contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’a pas vocation à s’appliquer en un tel cas : Vavilov, précité, par. 23.

[59]  RLRQ c. C-27.1.

[60]  Pièce P-6.

[61]  Pièce P-9.

[62]  Pièce P-10.

[63]  2004 CSC 61, par. 23 et 27.

[64]  La défenderesse prétendait que cette preuve est inadmissible pour faire preuve en faveur du demandeur, en se fondant sur les articles 2832 et 2833 du C.c.Q. Cette objection avait été prise sous réserve et elle n’a désormais plus de pertinence à la lumière de ce qui est indiqué au texte.

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