Lamtiri c. Jerando | 2025 QCCS 2417 |
COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
DISTRICT DE | MONTRÉAL |
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No : | 500-17-125595-234 |
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DATE : | Le 14 juillet 2025 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | horia bundaru, J.C.S. |
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ADIL SAID LAMTIRI |
Demandeur |
c. |
HICHAM JERANDO |
Défendeur |
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JUGEMENT
(Recours en diffamation) |
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APERÇU....................................................................3
ANALYSE...................................................................4
1. Les propos ont-ils causé un préjudice à Lamtiri ?..........................4
2. Jerando a-t-il commis une faute ?.......................................5
3. À combien s’élèvent les dommages moraux auxquels Lamtiri a droit ?........9
3.1 La qualité de la réputation dont jouissait Lamtiri avant la diffusion des propos9
3.2 La gravité des propos et la crédibilité de Jerando.......................10
3.3 L’ampleur et la durée de la diffusion..................................10
3.4 Les réactions suscitées par les propos................................11
3.5 Les sentiments vécus par Lamtiri.....................................12
3.6 Conclusion........................................................12
4. Lamtiri a-t-il droit au remboursement des frais de l’agence de sécurité ?.....12
5. Lamtiri a-t-il droit à des dommages punitifs ?.............................13
6. À combien s’élèvent les dommages punitifs auxquels Lamtiri a droit ?.......15
7. Lamtiri a-t-il droit aux conclusions injonctives recherchées ?...............16
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :.........................................17
- Le demandeur Adil Said Lamtiri est un avocat du barreau de Casablanca, au Maroc, où il pratique depuis 1995[1].
- Jusqu’à l’été 2023, Lamtiri n’avait jamais entendu parler du défendeur Hicham Jerando.
- En mai 2023, Jerando, qui vit alors à Montréal depuis une quinzaine d’années, diffuse sur sa chaîne dénommée Tahadi une première vague de vidéos et de publications sur les plateformes Facebook, TikTok et YouTube. Il y attaque avec virulence l’intégrité professionnelle de Lamtiri, l’accusant de divers crimes graves tels la corruption et le blanchiment d’argent.
- Lamtiri le met en demeure de cesser puis, voyant que cela déclenche plutôt la diffusion d’autres vidéos, il intente une action en justice en diffamation lui réclamant des dommages moraux et punitifs.
- Une ordonnance d’injonction interlocutoire est émise le 12 juillet 2023 enjoignant à Jerando de retirer l’ensemble des vidéos. Jerando fait défaut de s’y conformer. En janvier 2024, il est condamné par la juge Guylaine Beaugé de cette Cour pour outrage au tribunal[2].
- La diffusion cesse pendant environ une année et demie.
- En février 2025, à peine quelques jours avant le début du procès, Jerando diffuse une seconde vague de vidéos et de publications dans lesquelles il multiplie les propos incendiaires à l’égard de Lamtiri.
- Le procès aurait été l’occasion pour Jerando, s’il avait voulu le faire, de tenter de justifier le caractère d’intérêt public et la véracité de ses accusations. Il a plutôt fait le choix de ne pas s’y présenter. Le procès a donc eu lieu en son absence.
- La preuve accablante a révélé que Jerando avait propagé en les amplifiant des faussetés à l’égard de Lamtiri qu’il glanait auprès de quelques sources isolées, sans lui-même effectuer quelque vérification que ce soit, sans se soucier aucunement des conséquences de ses accusations et, ce qui est encore pire, avec l’intention de nuire à Lamtiri.
- Par son comportement négligent et malicieux, Jerando a diffamé Lamtiri. Par conséquent, le Tribunal le condamne à payer à ce dernier 70 000$ à titre de dommages moraux. Il le condamne également à lui payer 85 000$ à titre de dommages punitifs afin de dénoncer sa conduite avec fermeté et dissuader toute autre personne d’agir de semblable manière. Enfin, le Tribunal prononce des conclusions injonctives à l’égard de Jerando.
- Il est vrai que la liberté d’expression est un droit fondamental dans notre société. Mais ce droit est balisé par un autre droit, tout aussi fondamental, celui de la protection de la réputation de toute personne. Jerando ayant agi au mépris de ce dernier, il doit en être tenu responsable et son comportement doit être sanctionné.
- Le recours en diffamation, fondé sur le régime général de responsabilité civile[3], vise à protéger la réputation personnelle[4], un droit fondamental enchâssé dans la Charte des droits et libertés de la personne[5].
- Pour obtenir des dommages compensatoires, Lamtiri doit prouver que les propos de Jerando lui ont causé un préjudice et qu’ils ont été tenus de manière fautive.
- Pour obtenir des dommages punitifs, il doit de plus prouver que Jerando a porté atteinte à sa réputation de manière intentionnelle.
- Enfin, pour obtenir une injonction permanente enjoignant à Jerando de ne plus publier de propos diffamatoires à son égard, il doit établir qu’il est probable que ce dernier a l’intention de récidiver.
- Le Tribunal abordera chacun de ces aspects ci-après.
- Lamtiri doit prouver que les propos tenus par Jerando lui ont causé un préjudice, c’est-à-dire qu’ils ont porté atteinte à sa réputation[6].
- Pour satisfaire ce critère, il doit démontrer que les propos en question sont diffamatoires, c’est-à-dire qu’ils « font perdre l’estime ou la considération » à son égard ou qu’ils « suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables »[7].
- La nature diffamatoire des propos s’évalue selon une norme objective, c’est-à-dire en se référant à la perception qu’en aurait un « citoyen ordinaire » censé représenter la société[8].
- Dans le cas présent, il ne fait aucun doute qu’un « citoyen ordinaire » estimerait que les propos tenus par Jerando ont déconsidéré la réputation de Lamtiri.
- Jerando, tantôt par le truchement d’accusations directes, tantôt par le truchement d’insinuations – sous la forme d’associations spécieuses ou de questions suggestives – attaque avec virulence l’intégrité professionnelle de Lamtiri en tant qu’avocat[9].
- Il le qualifie d’« avocat corrompu et un des plus grands criminels dans le corps de la justice marocaine »[10], d’« un des bras de la corruption financière et judiciaire au Maroc »[11], de « sommet de la corruption »[12], de « plus grand voleur »[13], d’« avocat requin »[14] ou encore d’« avocat véreux »[15]. Il affirme que Lamtiri serait associé à des activités de blanchiment d’argent[16], à de la « magouille » ou des « manigances »[17], à de l’évasion fiscale[18], à de la corruption impliquant la justice et la magistrature marocaines[19] et à des manigances financières impliquant les services de renseignements algériens[20]. Il allègue aussi qu’il aurait des liens avec la mafia corse[21], qu’il se serait placé en conflit d’intérêts et aurait « empoch[é] beaucoup d’argent »[22], ou encore qu’il aurait été impliqué dans le vol de biens à la suite d’une saisie pratiquée sur une société[23].
- À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la preuve établit de manière prépondérante que les propos tenus par Jerando ont causé un préjudice à Lamtiri.
- Lamtiri doit prouver que Jerando a commis une faute en tenant les propos diffamatoires rapportés ci-dessus.
- Pour satisfaire ce critère, il doit démontrer que Jerando ne s’est pas comporté comme l’aurait fait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances[24]. L’appréciation de la faute est en effet une question contextuelle[25].
- Une personne raisonnable « agit de manière normalement avisée et diligente. Soucieuse d’autrui, elle prend les précautions nécessaires pour éviter de leur causer des préjudices raisonnablement prévisibles. Elle respecte les droits fondamentaux – en ce sens, elle ne peut faire abstraction des protections établies par les chartes. Parce qu’elle partage des normes conformes aux valeurs protégées par les chartes, elle prend garde de ne pas causer d’atteintes aux droits d’autrui »[26].
- Dans le cas présent, la preuve prépondérante révèle que Jerando a eu un comportement téméraire et négligent. Il a multiplié les accusations calomnieuses à l’égard de Lamtiri en se faisant passer pour un lanceur d’alerte qui prétendait disposer d’une équipe d’enquêteurs à son service[27], alors qu’en réalité il agissait seul[28] et se contentait de propager en les amplifiant des faussetés qu’il glanait auprès de quelques sources isolées[29], sans lui-même effectuer quelque vérification indépendante que ce soit pour en confirmer la véracité et sans se soucier aucunement des conséquences que de telles accusations auraient sur Lamtiri[30].
- L’interrogatoire préalable de Jerando fournit de nombreux exemples d’allégations à l’égard desquelles celui-ci n’a effectué aucune vérification[31] :
- Jerando a associé Lamtiri à un groupe de personnes prétendument impliquées, entre autres, dans la corruption et le blanchiment d’argent. Or, durant son interrogatoire préalable, il a reconnu qu’il avait simplement présumé que Lamtiri faisait partie de ce groupe[32].
- Il a associé Lamtiri aux services de renseignements algériens et à la mafia corse en se fiant à quelques articles, sans effectuer quelque vérification que ce soit[33].
- Il a allégué que Lamtiri s’était placé en situation de conflit d’intérêts et avait « empoch[é] beaucoup d’argent ». Au soutien de cette allégation, il a publié en juin 2023 une capture d’écran d’un document révélant que Lamtiri avait reçu, en juillet 2021, une convocation à une audition du conseil disciplinaire de l’Ordre des avocats de Casablanca à la suite d’une plainte formulée contre lui[34]. Durant son interrogatoire préalable, il a affirmé que, bien qu’il comprenait que le fait pour Lamtiri d’avoir reçu une telle convocation ne signifiait pas nécessairement que la plainte était fondée, il n’avait pas cherché à savoir comment le dossier s’était conclu, car cela « ne [l’]intéressait pas »[35]. Or, Lamtiri a mis en preuve qu’au moment de la publication de Jerando, cela faisait près de deux ans que le conseil avait conclu à sa non-responsabilité et que la plainte avait été classée sans suite[36].
- Il a laissé entendre que Lamtiri se livrait à des magouilles et de la corruption avec un juge marocain[37]. Or, durant son interrogatoire préalable, questionné au sujet des faits sur lesquels il s’était appuyé pour faire une telle affirmation, il a reconnu qu’il avait simplement présumé, sur la base d’informations qu’il avait vu passer sur les réseaux sociaux – dont il ne se souvenait ni de la source, ni du contenu – qu’il était simplement « possible » que Lamtiri entretînt des relations douteuses avec le juge en question[38].
- Il a laissé entendre que Lamtiri aurait été impliqué dans le vol de biens à la suite d’une saisie pratiquée sur une société. S’adressant directement à lui dans la vidéo, il a affirmé « Tu ne sais pas, mon ami, que tu es un avocat et que le gaspillage des saisies peut entraîner un emprisonnement de 20 ans. Peut-être, c’est à moi de t’enseigner le métier d’avocat, tu es un avocat mon ami ! »[39]. Or, durant son interrogatoire préalable, il a reconnu qu’il n’avait fait que rapporter ce qu’il avait lui-même vu dans une autre vidéo. Il n’a fait aucune vérification, pas même quant à savoir si les biens de la société en question avaient effectivement été saisis[40].
- Il a accusé Lamtiri de magouilles, de blanchiment d’argent, de manipulation de la justice et de détournements, et il a laissé entendre qu’il était impliqué dans des actes criminels avec l’associée fondatrice du bureau où il avait travaillé jusqu’en 2007[41]. Or, durant son interrogatoire préalable, il a été incapable de fournir la moindre précision sur ce qu’il reprochait à Lamtiri, sauf quant à répéter, de façon vague et générale, que ce dernier était impliqué dans « des affaires de corruption »[42].
- Il a publié des captures d’écran listant des biens et des raisons sociales appartenant prétendument à Lamtiri, qu’il affirme avoir obtenues d’une source à la direction générale des impôts marocains. Or, durant son interrogatoire préalable, il a reconnu qu’il avait présumé que les informations contenues y étaient véridiques et qu’il n’avait lui-même effectué aucune vérification à leur égard[43].
- Comme le révèlent ces exemples, lorsqu’il a été interrogé au préalable, Jerando n’a aucunement tenté de démontrer la véracité des propos diffamatoires qu’il a tenus dans ses vidéos. Il ne l’a pas davantage fait lors du procès, où il a plutôt brillé par son absence.
- À l’opposé, Lamtiri a longuement témoigné à l’égard de chacune des vidéos, réfutant méthodiquement chaque allégation formulée par Jerando, mettant en contexte les personnages et les événements évoqués lorsqu’il en avait connaissance, et fournissant des éléments de preuve corroborant son témoignage[44].
- La témérité et la négligence de Jerando engagent sa responsabilité civile[45].
- De plus, comme nous le verrons plus bas dans la section portant sur l’octroi de dommages punitifs, ce qui au départ pouvait constituer seulement de la témérité et de la négligence s’est rapidement transformé en malveillance de la part de Jerando après que Lamtiri l’a eu mis en demeure de retirer ses vidéos et de publier des excuses et que, devant son refus d’obtempérer, il l’a poursuivi en justice. Cette malveillance engage également la responsabilité de Jerando[46].
- Lamtiri réclame 100 000$ à titre de dommages moraux découlant des propos diffamatoires tenus par Jerando.
- Pour quantifier les dommages moraux auxquels Lamtiri a droit, le Tribunal doit évaluer les conséquences subjectives que les propos en question ont eues sur lui[47].
- Aux fins de cette évaluation, le Tribunal prend en considération les éléments discutés ci-après[48] :
- La preuve prépondérante établit qu’avant la diffusion des propos diffamatoires de Jerando, Lamtiri jouissait d’une excellente réputation professionnelle bâtie au fil de près de 30 ans de pratique comme avocat[49]. Au cours de cette période, il s’est vu attribuer diverses distinctions[50].
- Trois dirigeants de sociétés clientes de longue date de Lamtiri ayant une présence notable au Maroc ont signé des lettres témoignant de ses grandes compétences d’avocat ainsi que de son intégrité et de son éthique professionnelle irréprochables[51].
- Il est vrai que Lamtiri a fait l’objet d’un article dénigrant publié en 2018 sur un site Internet désigné comme le Arab Times[52] – c’est d’ailleurs cet article qui a servi de principale source à Jerando. Cela étant, rien dans la preuve n’indique que cet article ait entraîné des répercussions sur la réputation de Lamtiri avant que Jerando n’en reprenne le contenu dans ses vidéos cinq ans plus tard. Lamtiri a témoigné que le site Arab Times est un site « bidon » inconnu au Maroc. De plus, bien qu’il semble que l’article du Arab Times ait été publié sur deux autres sites à l’époque, on ignore tout de la diffusion dont ont joui ces publications. Lamtiri a témoigné qu’il avait déposé une plainte en 2019 pour injures et diffamation à Casablanca[53] et qu’un des deux sites avait immédiatement retiré la publication.
- Le degré élevé de gravité des propos de Jerando ne fait aucun doute.
- Comme nous l’avons vu plus haut, ces propos attaquent avec virulence l’intégrité professionnelle de Lamtiri en tant qu’avocat, en l’associant à des actes criminels tels la corruption et le blanchiment d’argent.
- De plus, les propos de Jerando ne portent pas sur des événements précis et ne sont pas détaillés ; plutôt, ils consistent en une série d’accusations et d’insinuations tous azimuts. Il est par conséquent très difficile pour Lamtiri de les réfuter – comment prouve-t-on la non-existence d’un fait aussi général que la corruption ? – et il lui est pratiquement impossible de dissiper complètement les doutes qu’ils peuvent avoir suscités dans l’esprit de ses clients, des membres de la profession et de la magistrature.
- Considérant que la réputation d’un avocat est « la pierre angulaire de sa vie professionnelle » et que « l’avocat ne peut survivre sans une réputation irréprochable »[54], les propos tenus par Jerando ont infligé à Lamtiri des stigmates dont il est légitime de penser qu’ils demeureront pendant longtemps. Cela justifie l’octroi de dommages moraux plus élevés que si Lamtiri n’avait pas été avocat[55].
- Cela étant, le degré élevé de gravité des propos est, dans une certaine mesure, tempéré par le fait que Jerando et sa chaîne Tahadi sont des acteurs relativement obscurs – Lamtiri lui-même n’en avait jamais entendu parler avant la diffusion de la première vidéo. Les accusations calomnieuses propagées par Jerando sont par conséquent susceptibles d’être accueillies avec moins de sérieux que s’il jouissait d’une notoriété, d’une crédibilité et d’une fiabilité semblables à celle des médias d’information traditionnels ou des journalistes.
- Entre mai et juillet 2023, Jerando a diffusé huit vidéos différentes sur Internet, chaque fois sur trois plateformes bien connues du public, soit Facebook, TikTok et YouTube. À cela s’ajoutent trois publications sur Facebook. Il s’agit-là de « puissant[s] outil[s] de diffusion : la communication n’a presque plus de frontière »[56].
- En moins de 40 jours, ces vidéos ont connu une diffusion importante[57] :
- À elles seules, les vidéos diffusées sur YouTube ont généré 927 392 visionnements.
- En moyenne, chaque vidéo, toutes plateformes confondues, a reçu environ 4 800 mentions « J’aime », 240 commentaires et a été retransmise plus de 350 fois.
- Malgré l’ordonnance interlocutoire du 12 juillet 2023, certaines vidéos sont demeurées en ligne pendant plusieurs mois. En date du 9 janvier 2024, soit lors de l’audience sur outrage au tribunal de Jerando, elles avaient toutes été retirées[58].
- En février 2025, dans les jours précédant le procès, Jerando a diffusé six vidéos différentes et une publication sur Internet, sur les plateformes TikTok et YouTube. Ceux-ci ont également obtenu une diffusion importante[59] :
- À elles seules, les vidéos diffusées sur YouTube ont généré 190 185 visionnements.
- En moyenne, chaque vidéo et publication, toutes plateformes confondues, a reçu environ 3 490 mentions « J’aime » et 170 commentaires.
- En moyenne, chaque vidéo diffusée sur TikTok a été retransmise 344 fois.
- La preuve ne permet pas de déterminer pendant combien de temps ces vidéos et cette publication sont demeurées en ligne.
- Les propos diffamatoires de Jerando ont suscité de multiples réactions à la fois au sein du cercle personnel et professionnel de Lamtiri et parmi le public.
- Lamtiri a témoigné que c’est par le truchement d’un de ses clients qu’il a eu connaissance de la publication de la première vidéo. Sa femme, son frère et son fils aîné – qui travaille au sein du même bureau d’avocats que lui – ont déclaré que durant l’été 2023 plusieurs de leurs amis ainsi que des clients et confrères de Lamtiri les avaient contactés pour leur poser des questions au sujet des vidéos et qu’ils avaient dû à chaque fois défendre la réputation de ce dernier[60].
- De plus, plusieurs des commentaires publiés en réaction aux vidéos sont accablants à l’égard de Lamtiri. À titre d’exemples, on le qualifie de « cobra », de « voleur », de « grand corrompu et traître » ; on appelle à ce que Dieu le punisse ; à le poursuivre pour détournement de fonds publics et à saisir ses biens ; on insinue même qu’il faut l’exécuter devant le peuple[61].
- Lamtiri a témoigné des sentiments de honte qu’il a éprouvés devant l’opprobre et le déshonneur entraînés par la publication des vidéos. Il a affirmé que durant les deux semaines qui ont suivi la publication de la première vidéo en mai 2023, il n’avait pas quitté sa chambre à coucher. Lorsque la seconde vague de vidéos est apparue en février 2025, il a fait une crise d’angoisse qui l’a amené à consulter en urgence[62]. De manière générale, il a expliqué que les vidéos l’avaient rendu irascible avec ses proches, l’avaient isolé socialement et l’avaient épuisé psychologiquement.
- Sa femme, son frère et son fils aîné ont tous corroboré son témoignage. Ils ont déclaré qu’il avait été atterré, démoli et en état de choc à la suite de la publication des premières vidéos[63] ; que durant les semaines qui ont suivi, il avait été colérique à la maison, avait passé des nuits blanches et n’avait plus mangé[64] ; enfin, que durant cette période, il avait cessé de voir ses amis proches[65].
- Ayant soupesé chacun de ces éléments, le Tribunal, dans l’exercice de sa discrétion, est d’un avis qu’un montant de 70 000$ est approprié à titre de dommages moraux afin de compenser adéquatement le préjudice subi par Lamtiri en raison des propos diffamatoires que Jerando a tenus à son endroit.
- À la suite de la publication de la première vidéo, en mai 2023, Lamtiri a retenu les services d’une agence de sécurité pour protéger sa résidence privée. Il réclame le remboursement des frais de sécurité engagés pour la période allant de mai 2023 à janvier 2025[66], soit avant la publication de la seconde ronde de vidéos diffamatoires.
- Pour avoir droit au remboursement des frais de sécurité, Lamtiri doit démontrer qu’ils constituent un préjudice causé par la publication de la première ronde de vidéos diffamatoires de Jerando.
- Le Tribunal est d’avis que Lamtiri a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que des services de sécurité ont été nécessaires pendant la période où les vidéos sont demeurées en ligne, soit entre mai 2023 et janvier 2024. Les frais pendant cette période totalisent 9 514$[67].
- En effet, dans une des vidéos du 15 mai 2023, Jerando a diffusé l’adresse domiciliaire de Lamtiri[68] – une information qui n’est pas autrement publique et qui est difficile à obtenir au Maroc[69]. Considérant la virulence de certains des commentaires publiés en réaction aux vidéos, parmi lesquels un commentaire insinuant qu’il faut l’exécuter devant le peuple[70], il était raisonnable pour Lamtiri de prendre les moyens nécessaires pour assurer sa sécurité et celle de sa famille.
- Cela étant, la preuve ne révèle pas qu’un danger ait subsisté après le retrait de la première ronde de vidéos. Lamtiri a lui-même reconnu durant son interrogatoire qu’il n’avait jamais reçu de menaces directes. Dans ces circonstances, il n’a pas droit au remboursement des frais de sécurité engagés entre février 2024 et janvier 2025.
- Lamtiri réclame 125 000$ à titre de dommages punitifs découlant des propos diffamatoires tenus par Jerando.
- L’atteinte à la réputation peut en effet donner ouverture à l’octroi de dommages punitifs[71], en sus des dommages moraux compensatoires.
- Les dommages punitifs visent à pénaliser une personne dont la conduite est particulièrement répréhensible afin de dénoncer cette conduite et dissuader toute autre personne d’agir de semblable manière[72]. La Cour d’appel a reconnu qu’« [à] la lumière de ces objectifs, les dommages punitifs sont particulièrement appropriés en présence d’allégations diffamatoires répétées »[73].
- Pour obtenir des dommages punitifs, Lamtiri doit démontrer que Jerando a porté atteinte illicitement et intentionnellement à sa réputation, soit parce qu’il avait « un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il [a] ag[i] en toute connaissance des conséquences négatives, immédiates et naturelles, ou au moins extrêmement probables »[74].
- La preuve prépondérante révèle que c’est le cas en l’espèce.
- À partir de la réception de la mise en demeure de Lamtiri du 24 mai 2023 l’intimant de retirer ses vidéos et de publier des excuses[75], Jerando, au lieu de cesser ses agissements, choisit plutôt de s’engager dans une dynamique de surenchère des propos diffamatoires en guise de représailles.
- Durant son interrogatoire préalable, il a reconnu que c’est en réaction à la mise en demeure qu’il décide de publier une nouvelle vidéo le 30 mai[76]. Le contenu de celle-ci ne laisse planer aucun doute sur son intention de nuire à Lamtiri : « Tu défie[s] Tahadi, le maudit, c’est grave ! […] Prépare-toi, on va y aller, étape par étape […] on va revenir à toi. Prépare-toi ! »[77].
- Le même jour, il en rajoute une couche[78] :
Adil Said Lamtiri … Mon Dieu … tu t’es mis dans le pétrin, je t’avais oublié mais tu m’as fait penser à toi aujourd’hui, que Dieu ait l’âme de tes parents. Tu me défis (sic)… Nous allons tout dévoiler dans un long épisode. […] J’ai mis à tes trousses des personnes efficaces pour continuer à ramasser des informations pour grossier (sic) ton dossier… Tout est documenter (sic) et nous allons faire un long épisode pour te présenter à l’opinion publique […] Tu es tombé dans le panneau, le maudit par ses parents.
- Un mois plus tard, la signification de l’action en justice de Lamtiri entraîne de nouveau l’ire de Jerando.
- Le 27 juin, il affirme ce qui suit dans une nouvelle vidéo[79] :
Il y a qui voit son nom mentionné et qui se tait. Il ne veut pas se taire et il n’est pas gêné, il veut qu’on parle de lui encore. Monsieur Adil Lamtiri, avocat. Un des plus grands magouilleurs du Maroc, blanchiment d’argent, manipulation de la justice, détournements, et, et..
On va revenir à toi lors d’un épisode complet […] Ils ont commencé mes collègues à imprimer tes propriétés, les propriétés que tu as, les mouvements des fonds, les numéros de comptes, tes clients, les juges avec lesquels tu travailles, les gens qui te protègent. […] On va même mentionner les infractions criminelles. Cette fois-ci, on verra … […]
- Le 1er juillet, il tient les propos suivants[80] :
Bienvenu au beau, monsieur Adil, tu sors tes yeux, et nous allons sortir nos yeux et on va les exploser maintenant sur toi […] Tu es tombé sur quelqu’un qui n’a rien à perdre et n’a pas de limites. […]
- À la suite de l’ordonnance d’injonction interlocutoire émise le 12 juillet et renouvelée à plusieurs reprises par la suite, Jerando cesse de publier des vidéos pendant environ une année et demie.
- Puis, en février 2025, quelques jours avant le début du procès, il se déchaîne à nouveau contre Lamtiri ainsi que contre deux autres personnes qui l’ont poursuivi devant les tribunaux québécois dans des actions distinctes, réitérant ses accusations calomnieuses et affirmant « Vous les trois, je le jure que je ne vous lâcherai pas même s’il me reste une seule veine qui fonctionne »[81].
- Dans l’exercice de sa discrétion d’imposer ou non une condamnation à des dommages punitifs, le Tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances appropriées, notamment la gravité de la faute de Jerando – il s’agit du facteur le plus important[82] –, sa situation patrimoniale et l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers Lamtiri[83]. La liste n’est pas limitative. Le Tribunal peut également tenir compte de l’absence de regrets de Jerando et de l’existence d’une motivation commerciale derrière l’atteinte[84]. Les dommages punitifs ne peuvent excéder ce qui est suffisant pour atteindre les objectifs de punition et de dissuasion qui en sous-tendent l’octroi.
- Dans le cas présent, le degré élevé de gravité de la faute commise par Jerando, son insouciance à l’égard des conséquences que ses propos ont pu avoir sur Lamtiri et, pire encore, sa volonté de nuire à ce dernier, sont établis.
- À cela s’ajoute le mépris flagrant de Jerando pour les ordonnances d’injonction interlocutoire émises par cette Cour.
- Dès les jours qui ont suivi l’ordonnance du 12 juillet 2023, Jerando publie une nouvelle vidéo, manifestant son intention de continuer ses agissements[85] :
[…] Soi-disant qu’il y a une ordonnance de la cour supérieure pour l’arrêt de Tahadi, qu’il n’y a (sic) pas de vidéos… Nous sommes avec vous, nous allons sortir, quel est le problème, vous pensez qu’on est dans une étable. Vous pensez qu’un moqqadem [c.-à-d. un auxiliaire de l’administration] va venir et va nous dire d’arrêter cela, enlève ça, nous sommes au Canada, chérif, où il y a la liberté d’expression […] Tahadi ne va pas s’arrêter et si elle s’arrête, il y aura d’autres solutions.
- Le jugement Beaugé, constatant que Jerando avait contrevenu à l’ordonnance du 12 juillet, l’a déclaré coupable d’outrage au tribunal et a décrit son attitude de la façon suivante :
[34] Pourtant, le défendeur ne semble pas se soucier de la gravité de ses infractions ni de leur impact sur le demandeur. […] De l’avis du Tribunal, le défendeur pose un risque réel et sérieux de récidive de sorte que la peine doit être dissuasive pour qu’il comprenne que « nul n’est au-dessus des lois ».
- Force est de constater que cette mise en garde n’a pas suffi, puisque Jerando a recommencé à publier des vidéos diffamatoires en février 2025, quelques jours avant le procès[86].
- L’ensemble de ces facteurs militent pour l’imposition de dommages punitifs élevés afin de dissuader une récidive.
- Étant donné que Jerando a choisi de ne pas se présenter au procès, le Tribunal dispose de peu de preuve sur sa situation patrimoniale. Son interrogatoire préalable révèle seulement que durant la dernière décennie il a été entrepreneur à son compte dans l’industrie de vêtements[87]. De plus, entre mars 2023 et mars 2024, ses publications sur la plateforme YouTube ont généré des revenus d’un peu plus de 20 000$[88].
- À la lumière de ce qui précède, le Tribunal considère qu’un montant de 85 000$ est approprié à titre de dommages punitifs.
- Lamtiri recherche trois types de conclusions injonctives.
- Le premier type de conclusions vise, en l’essence, à enjoindre à Jerando de retirer toutes les vidéos et publications diffamatoires qu’il a déjà diffusées. Le Tribunal ayant conclu que ces diffusions constituaient une faute civile, il fera droit à ces conclusions[89].
- Le second type de conclusions vise à interdire à Jerando de diffuser à l’avenir des propos diffamatoires analogues à ceux qu’il a déjà diffusés. Pour avoir droit à ce type de conclusions, Lamtiri doit établir qu’il est probable que Jerando a l’intention de récidiver[90]. Comme nous l’avons vu plus haut dans la section traitant des dommages punitifs, c’est le cas en l’espèce.
- Une telle ordonnance, toutefois, doit viser des propos précis. Elle ne peut consister en une interdiction générale de diffamer afin de ne pas porter indûment atteinte à la liberté d’expression et ne pas avoir un effet de bâillon[91].
- Dans le cas présent, en application de ces principes, le Tribunal fera uniquement droit aux conclusions interdisant à Jerando de diffuser les affirmations soulignées dans les pièces P-21 et P-26, de même que toute affirmation au même effet[92].
- Le troisième type de conclusions vise à ordonner à Jerando de publier le présent jugement sur le compte YouTube de sa chaîne Tahadi. Considérant que les dommages octroyés suffisent à compenser le préjudice subi par Lamtiri, le Tribunal ne fera pas droit à cette conclusion. Par ailleurs, une telle ordonnance n’apparaît pas souhaitable dans le présent cas, car elle risque d’avoir l’effet inverse à celui escompté : au lieu de mettre une fois pour toutes le couvercle sur la marmite, elle est susceptible de mettre de l’huile sur le feu et d’entraîner une nouvelle ronde de commentaires, voire de publications sur les réseaux sociaux.
- ACCUEILLE en partie la Demande introductive d’instance en injonction permanente ainsi qu’en dommages pour diffamation modifiée le 17 février 2025 ;
- AUTORISE Adil Said Lamtiri à signifier le présent jugement à Hicham Jerando à l’adresse courriel [...]@gmail.com ;
- ORDONNE à Hicham Jerando de retirer dans les 3 jours de la signification du présent jugement, le cas échéant, sur sa page personnelle et sur la page de Tahadi sur les plateformes Facebook, YouTube et TikTok, ainsi que sur tout autre médium ou site accessible au public, les vidéos P-6, P-8, P-10, P-11, P-15, P-16, P-17, P-18, P-20, P‑24, P-25 ainsi que toute autre vidéo ou publication comportant les affirmations soulignées dans les pièces P-21 et P-26, et DÉCLARE que cette conclusion est exécutoire nonobstant appel ;
- ORDONNE à Hicham Jerando de ne pas publier ou diffuser, directement ou indirectement, oralement, par écrit ou électroniquement, sur quelque plateforme, médium ou site accessible au public que ce soit, les affirmations soulignées dans les pièces P-21 et P-26 ou toute autre affirmation au même effet, associées à Adil Said Lamtiri ou à des membres de sa famille, et DÉCLARE que cette conclusion est exécutoire nonobstant appel ;
- ORDONNE à Hicham Jerando de retirer dans les 3 jours de la signification du jugement les vidéos et publications suivantes :
Date de diffusion | | Plateforme | Adresse Internet |
13 février 2025 | 1ère | TikTok | https://vm.tiktok.com/ZMktPRmGp |
13 février 2025 | 1ère | YouTube | https://m.youtube.com/shorts/ftlJv2IJoyU |
13 février 2025 | 2e | TikTok | https://vm.tiktok.com/ZMkt9GASr/ |
13 février 2025 | 2e | YouTube | https://m.youtube.com/shorts/NbYoDVPFxxU |
14 février 2025 | 1ère | TikTok | https://vm.tiktok.com/ZMknePbmB/ |
14 février 2025 | 1ère | YouTube | https://youtube.com/shorts/ZuP0fMOdpqM?si=0039VndWCmYcqRGY |
14 février 2025 | 2e | YouTube | https://www.youtube.com/channel/UCs3rU2CLNnP6CNK44NbQ1-w/community?lb=UgkxNJgrCIzOd_97cidmRx3d0J77iaJ8mvqY |
14 février 2025 | 2e | YouTube | http://youtube.com/post/UgkxNJgrCIzOd_97cidmRx3d0J77iaJ8mvqY?si=E8lnWLMBPzH2USHk |
15 février 2025 | 1ère | YouTube | https://youtube.com/channel/UCs3rU2CLNnP6CNK44NbQ1-w/community?1b=UgkxZmOhtIcN9xdcwWbKBoPan5CgqGKVHfb5 |
15 février 2025 | 2e | YouTube | https://youtube.com/shorts/G6QLEGmSJ6s?si=FAZxwH0647x43Hee |
et DÉCLARE que cette conclusion est exécutoire nonobstant appel ;
- CONDAMNE Hicham Jerando à payer à Adil Said Lamtiri 70 000$ à titre de dommages moraux, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement[93] ;
- CONDAMNE Hicham Jerando à payer à Adil Said Lamtiri 9 514$ à titre de dommages pécuniaires, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement[94] ;
- CONDAMNE Hicham Jerando à payer à Adil Said Lamtiri 85 000$ à titre de dommages punitifs, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement[95] ;
- LE TOUT avec les frais de justice, incluant les frais de production des constats web et les frais de traduction.
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| __________________________________ HORIA BUNDARU, J.C.S. |
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Me Claude Lamarre |
(CLAUDE LAMARRE AVOCAT INC.) |
Avocat du demandeur |
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Date d’audience : | 17 février 2025 |
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[2] Lamtiri c. Jerando, 2024 QCCS 108 (Jugement Beaugé).
[3] Article 1457 C.c.Q. Prud’homme c. Prud’homme, 2002 CSC 85, par. 32 ; Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR, 2011 CSC 9, par. 1, 22 ; Syndicat canadien de la fonction publique c. Monette, 2024 QCCA 724, par. 34.
[4] Bou Malhab, supra note 3, par. 1.
[5] Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12, art. 4.
[6] Bou Malhab, supra note 3, par. 26 ; Monette, supra note 3, par. 35.
[7] Prud’homme, supra note 3, par. 33 ; Monette, supra note 3, par. 35.
[8] Prud’homme, supra note 3, par. 34 ; Bou Malhab, supra note 3, par. 26-32. Sur la notion de « citoyen ordinaire », voir Bou Malhab, supra note 3, par. 41 et Monette, supra note 3, par. 36-37.
[9] Dans une moindre mesure, les propos tenus par Jerando salissent aussi la réputation personnelle de Lamtiri. À titre d’exemples, Jerando affirme que Lamtiri aurait « vendu des œufs pourris » (pièce P-6) ou encore l’accuse de faire du « haram », c’est-à-dire des choses interdites par l’islam (pièce P-32/32A).
[16] Pièces P-6, P-10, P-11 et P-24.
[17] Pièces P-6, P-10, P-24 et P-32/32A.
[18] Pièces P-8, P-10 et P-11.
[19] Pièces P-18, P-20, P-24, P-25 et P-32/32A.
[20] Pièces P-15, P-16, P-17 et P-32/32A.
[21] Pièces P-16 et P-17.
[24] Prud’homme, supra note 3, par. 62 ; Bou Malhab, supra note 3, par. 24, 31 ; Lalli c. Gravel, 2021 QCCA 1549, par. 54 ; Monette, supra note 3, par. 39.
[25] Prud’homme, supra note 3, par. 38.
[26] Bou Malhab, supra note 3, par. 40.
[27] Pièce P-17 : « L’équipe TAHADI est composée de neuf personnes, dont des juges, des spécialistes d’enquête pénale et des enquêteurs […] TAHADI ne contient plus une seule personne. Elle est devenue une institution qui va combattre la corruption ».
[28] Durant son interrogatoire préalable, Jerando a contredit la vidéo P-17 en confirmant qu’il était « seul » derrière la chaîne Tahadi et que les neuf personnes mentionnées dans la vidéo étaient des sources d’information à qui il n’avait pas nécessairement parlé personnellement. Aucune de ces personnes ne lui a fourni quelque information que ce soit concernant Lamtiri : pièce P-29 (8 février 2024), p. 59, 87-89.
[29] Voir pièce P-29A, lettre de réponse aux engagements de Jerando datée du 25 mars 2024. Jerando s’est fié, pour l’essentiel : à un article publié en 2018 par le Arab Times (à l’égard duquel Lamtiri avait déposé en 2019 une plainte pour injures et diffamation à Casablanca – voir pièce P-31) ; à un blogue publié sur le site Internet de Mediapart (pièce P-26) ; et à du ouï-dire provenant d’une personne que Lamtiri avait côtoyée pendant à peine quelques mois au sein du cabinet d’avocats où il a travaillé jusqu’en 2007. Plus de 13 ans plus tard, la personne en question a été impliqué dans un litige avec une des associées fondatrices du cabinet, Bassamat Fassi-Fihri (pièce P-29A : plainte adressée au Procureur de la République française datée du 1er juin 2021).
[30] Durant son interrogatoire préalable, Jerando a d’abord témoigné – de manière peu crédible selon le Tribunal – qu’il ne considérait pas que le fait de traiter Lamtiri de requin et d’affirmer qu’il se livrait au blanchiment d’argent ou qu’il était associé au crime organisé était susceptible de nuire à sa réputation : pièce P-29 (8 février 2024), p. 52-53. Un peu plus tard, il a reconnu que le fait que de telles publications puissent nuire à Lamtiri ne le dérangeait pas : pièce P-29 (8 février 2024), p. 57.
[31] Voir également pièce P-29 (8 février 2024), p. 68 (R. « Moi, je vérifie pas après, après un article de la presse, par exemple ») ; p. 126-127 (Q. « Est-ce qu’il y a d’autres dossiers concernant maître Lamtiri où vous avez fait des vérifications. R. Je me souviens pas ».)
[32] Pièce P-29 (8 février 2024), p. 62.
[33] Pièce P-29 (8 février 2024), p. 75, 85-86.
[35] Pièce P-29 (8 février 2024), p. 99-102.
[38] Pièce P-29 (8 février 2024), p. 115-118.
[40] Pièce P-29 (8 février 2024), p. 123.
[42] Pièce P-29 (1er mars 2024), p. 6-12.
[43] Pièce P-8 et pièce P-29 (8 février 2024), p. 47-52.
[44] Par exemple, en réaction à la vidéo P-6 évoquant une série de sociétés prétendument détenues par Lamtiri ou sa famille, ce-dernier a produit les résultats négatifs d’une recherche effectuée par un huissier de justice dans un répertoire de sociétés enregistrées au Maroc (pièce P-7). En réaction aux vidéos P-8, P-10 et P-11 l’accusant d’évasion fiscale, Lamtiri a produit une attestation de régularité fiscale de la Direction générale des impôts du Maroc (pièce P-14). En réaction à la vidéo P-18 évoquant une convocation à une audition du conseil disciplinaire de l’Ordre des avocats de Casablanca, il a produit la décision du conseil disciplinaire (pièce P-19).
[45] Prud’homme, supra note 3, par. 36 ; Bou Malhab, supra note 3, par. 25 ; Monette, supra note 3, par. 40.
[46] Prud’homme, supra note 3, par. 36 ; Monette, supra note 3, par. 40.
[47] Lalli, supra note 24, par. 98, 105.
[48] Lalli, supra note 24, par. 99.
[50] En 2014, le conseil d’Administration de Finances & Conseil Méditerranée lui a décerné une attestation comme « Expert Confiance » pour le Maroc (pièce P-5). En 2020, le World Bank Group lui a décerné un Certificate of Appreciation (pièce P-4).
[54] Hill c. Église de scientologie, [1995] 2 R.C.S. 1130, par. 118.
[55] Voir Corriveau c. Canoe inc., 2010 QCCS 3396, par. 39.
[56] Corriveau, supra note 55, par. 40.
[57] Pièces P-22 et P-23.
[58] Jugement Beaugé, par. 17.
[60] Déclaration sous serment de Mohamed Ali Said Lamtiri, par. 27-29 ; déclaration sous serment de Hind Bousfiha, par. 28-29 ; déclaration sous serment de Othmane Said Lamtiri, par. 30-35.
[61] Pièces P-6, P-8 et P-10.
[63] Déclaration sous serment de Mohamed Ali Said Lamtiri, par. 8-16, 31.
[64] Déclaration sous serment de Hind Bousfiha, par. 18-27, 34 ; déclaration sous serment de Othmane Said Lamtiri, par. 20-26.
[65] Déclaration sous serment de Othmane Said Lamtiri, par. 36-43.
[66] Pièces P-30 et P-31A.
[67] Pièce P-30 (montants facturés du 15 mai 2023 at 31 janvier 2024) = 62 678 MAD convertis en dollars canadiens en date du présent jugement.
[69] Déclaration sous serment de Othmane Said Lamtiri, par. 16.
[71] Article 1621 C.c.Q. et article 49, Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12.
[72] Lalli, supra note 24, par. 122.
[73] Publications Léonardo ltée c. Ville de St-Lambert, 2019 QCCA 329, par. 48.
[74] Lalli, supra note 24, par. 100.
[76] Pièce P-29 (8 février 2024), p. 58-59.
[82] Richard c. Time inc., 2012 CSC 8, par. 200
[84] Voir par exemple Fillion c. Chiasson, 2007 QCCA 570.
[86] Le présent jugement ne se prononce aucunement sur la question de savoir si les vidéos diffusées en février 2025 constituaient un outrage au tribunal.
[87] Pièce P-29 (8 février 2024), p. 8-9.
[88] Pièce P-29A, engagement E-23.
[89] À l’exception de la conclusion visant une vidéo du 17 février 2025, qui n’a pas été produite en preuve.
[90] Saputo inc. c. Petkov, 2011 QCCS 6885, par. 64-65 ; Dam c. Ho, 2024 QCCS 3319, par. 161.
[91] Prud’homme c. Rawdon (Municipalité de), 2010 QCCA, par. 62 ; Saputo, supra note 90, par. 64-65 ; Dam, supra note 90, par. 90.
[92] Cette manière de procéder a été utilisée pour les injonctions interlocutoires émises dans le présent dossier ainsi que dans des affaires similaires. Voir par exemple Ville de Longueuil c. Théodore, 2020 QCCS 1339.
[93] Lamtiri n’ayant pas demandé l’octroi des intérêts à compter d’une date précise, le Tribunal les octroie à compter de la date du présent jugement, étant donné que plusieurs des vidéos ont été diffusées après la mise en demeure et l’institution de l’action en justice : article 1618 C.c.Q.
[94] Idem, étant donné que la plupart des frais de sécurité ont été encourus après la mise en demeure et l’institution de l’action en justice.
[95] Idem, étant donné que plusieurs des vidéos ont été diffusées après la mise en demeure et l’institution de l’action en justice.