Décision

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Autorité des marchés financiers c. Massé

2025 QCTMF 35

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2023-022

 

DÉCISION N°  :

2023-022-012

 

 

DATE :                

Le 28 mai 2025

 

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

JEAN-BERNARD MASSÉ

et

8868760 CANADA INC.

et

9332-0547 QUÉBEC INC.

Parties intimées

et

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE, ayant une succursale au 9050, boulevard Leduc, bureau 10, Brossard, (Québec) J4Y 0E6

et

TRUST BANQUE NATIONALE, ayant son siège social au 600, rue de la Gauchetière Ouest, 28e étage, Montréal, Québec, H3B 4L2

et

BANQUE TD, ayant une succursale au 9780, boul. Leduc, suite 5, Brossard, Québec, J4Y 0B3

et

CAISSE POPULAIRE DESJARDINS, ayant une succursale au 2400, boul. Gaétan-Boucher, Saint-Hubert, Québec, J3Y 5B7

et

BANQUE DE MONTRÉAL, ayant une succursale au 500, avenue Victoria, St-Lambert, Québec, J4P 2J5

et

BANQUE DE MONTRÉAL, ayant une succursale au 8245, boul. Taschereau, suite B20, Brossard, Québec, J4Y 1A4

et

GILLES BERGERON

et

GESTION SEGI LTÉE

et

ME MARIE-ANDRÉE MALLETTE

et

DENIS FRANCOEUR

Parties mises en cause

 

 

DÉCISION

(levée partielle d’ordonnances de blocage)

 

 

  1.    Dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal administratif des marchés financiers a notamment prononcé les 1er et 22 septembre 2023, à la demande de l’Autorité des marchés financiers, une série d’ordonnances de blocage visant les fonds, titres et autres biens des intimés et ceux détenus pour eux par certaines mises en cause[1]. Par ailleurs, le 30 novembre 2023, le Tribunal a notamment modifié la portée de l’ordonnance de blocage visant des immeubles détenus par l’intimée 9332-0547 Québec inc.[2].
  2.     Ces ordonnances de blocage ont été prononcées dans le cadre d’une enquête menée par l’Autorité à l’égard des intimés. Cette enquête porte sur des manquements graves allégués aux articles 11 et 148 de la Loi sur les valeurs mobilières[3].
  3.    Le 24 décembre 2024, Gilles Bergeron, partie mise en cause, a déposé au Tribunal une demande visant la levée partielle d’ordonnances de blocage affectant deux immeubles situés au Québec qui appartiennent actuellement à l’intimée 9332-0547 Québec inc., et ce, afin que ces immeubles puissent être vendus et qu’il puisse être remboursé d’une créance reliée à ces immeubles.
  4.    Les 21 et 27 mai 2025, le Tribunal a tenu une audience durant laquelle il devait entendre, à son mérite, cette demande du mis en cause Gilles Bergeron.
  5.    Les avocats de Gilles Bergeron et de l’Autorité ont informé le Tribunal qu’ils ont conclu, dans l’intérêt public, une entente contenant des modalités précises reliées à la vente des immeubles visés par la demande de Gilles Bergeron et ont recommandé au Tribunal de prononcer les ordonnances de levée partielle présentées au paragraphe 6 de cette entente.
  6.    L’avocate des intimés a indiqué que ses clients ne contestent pas la demande du mis en cause Gilles Bergeron ni les modalités de l’entente, incluant les ordonnances suggérées au Tribunal.
  7.    La question en litige est donc la suivante : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, accueillir la demande de levée partielle présentée par Gilles Bergeron, partie mise en cause, à l’égard des ordonnances de blocage qu’il a prononcées dans ses décisions du 1er septembre 2023 et du 30 novembre 2023[4], et ce, selon les termes décrits dans l’entente conclue entre Gilles Bergeron, Denis Francoeur et l’Autorité le 27 mai 2025?
  8.    Dans la présente affaire, le Tribunal répond « oui » à cette question en litige, et ce, pour les motifs ci-après exposés.

ANALYSE

Question en litige : Le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, accueillir la demande de levée partielle présentée par Gilles Bergeron, partie mise en cause, à l’égard des ordonnances qu’il a prononcées dans ses décisions du 1er septembre 2023 et du 30 novembre 2023, et ce, selon les termes décrits dans l’entente conclue entre Gilles Bergeron, Denis Francoeur et l’Autorité le 27 mai 2025?

  1.    Le Tribunal répond positivement à cette question en litige, et ce, pour les motifs ci-après décrits.
  2.            Les intimés font présentement l’objet d’une enquête de l’Autorité.
  3.            Cette enquête porte sur des manquements graves allégués aux articles 11 et 148 de la Loi sur les valeurs mobilières.
  4.            Dans le cadre de cette enquête, le Tribunal a notamment prononcé le 1er septembre 2023, à la demande de l’Autorité, une série d’ordonnances de blocage visant les fonds, titres et autres biens des intimés et ceux détenus pour eux par certaines mises en cause. Par ailleurs, le 30 novembre 2023, le Tribunal a modifié la portée de l’ordonnance de blocage visant des immeubles détenus par l’intimée 9332-0547 Québec inc.
  5.            Gilles Bergeron, partie mise en cause, a déposé au Tribunal une demande visant la levée partielle d’ordonnances de blocage affectant deux immeubles appartenant à l’intimée 9332-0547 Québec inc., et ce, afin que ces immeubles puissent être vendus et qu’il puisse être remboursé d’une créance reliée à ces immeubles. Ces immeubles sont situés au Québec au 1115-1125 rue Benoît et au 1150-1160 rue Roland-Gagnon, à Chambly.
  6.            Lors de l’audience durant laquelle le Tribunal devait entendre, à son mérite, cette demande, les avocats de Gilles Bergeron et de l’Autorité ont informé le Tribunal qu’ils ont conclu, dans l’intérêt public, une entente contenant des modalités précises reliées à la vente des deux immeubles visés par la demande de Gilles Bergeron et ont recommandé au Tribunal de prononcer les ordonnances de levée partielle présentées au paragraphe 6 de cette entente.
  7.            L’entente susmentionnée, intervenue entre Gilles Bergeron, Denis Francoeur et l’Autorité le 27 mai 2025, est présentée en annexe de la présente décision. Par ailleurs, les pièces D-1 à D-7 ont été produites, de consentement, au soutien de la demande du mis en cause Gilles Bergeron et de l’entente susmentionnée.
  8.            Cette entente tient compte de la « Demande introductive d’instance pour le partage de biens immeubles indivis et reddition de compte » déposée par le mis en cause Denis Francoeur dans le dossier de la Cour supérieure 505-17-014640-249 ainsi que d’une entente de règlement intervenue entre Gilles Bergeron et Denis Francoeur dans laquelle Gilles Bergeron s’est engagé à payer à Denis Francoeur la somme de 125 000 $ à même les sommes lui revenant du produit de la vente des deux immeubles mentionnés au paragraphe 13 de la présente décision.
  9.            Les avocats de l’Autorité ont indiqué au Tribunal que le régulateur a notamment eu l’occasion d’analyser le bien-fondé de la créance et de la sûreté de Gilles Bergeron à titre de créancier hypothécaire et d’effectuer les vérifications requises.
  10.            Ils ont précisé que les modalités contenues dans l’entente susmentionnée ont notamment pour objectif de préserver l’intérêt du public investisseur impliqué dans la présente affaire. Ainsi, la vente de gré à gré des deux immeubles mentionnés au paragraphe 13 de la présente décision ne serait autorisée que selon les modalités prévues dans cette entente et cette vente permettrait de générer un reliquat net au bénéfice potentiel des investisseurs. Cette somme d’argent continuerait d’être assujettie à une ordonnance de blocage du Tribunal, et ce, jusqu’à ce qu’une décision finale soit éventuellement rendue par les instances juridiques appropriées.
  11.            Pour sa part, l’avocate des intimés a indiqué que ses clients ne contestent pas la demande du mis en cause Gilles Bergeron ni les modalités de l’entente, incluant les ordonnances suggérées au Tribunal.
  12.            La législation[5] prévoit que toute personne affectée par une ordonnance de blocage prononcée par le Tribunal peut en demander la modification ou la révocation.
  13.            Par ailleurs, la législation permet au Tribunal de révoquer ou de modifier les ordonnances de blocage qu’il a prononcées, en vue ou au cours d’une enquête[6].
  14.            L’article 93 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier établit que le Tribunal exerce la discrétion que lui confère la loi en fonction de l’intérêt public. Enfin, l’article 97 al.1 et al. 2 (7o) de cette loi lui permet de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence et de rendre toute décision qu’il juge appropriée.
  15.            Le Tribunal souligne que les ordonnances qu’il a prononcées, à la demande de l’Autorité dans le cadre de la présente affaire, sont essentiellement de nature préventive, protectrice et conservatoire.
  16.            Par conséquent, après avoir dûment considéré l’ensemble de la preuve et de l’argumentation présenté par les avocats des parties, le Tribunal est d’avis qu’il est dans l’intérêt public d’accueillir la demande du mis en cause Gilles Bergeron en prononçant les ordonnances décrites au paragraphe 6 de l’entente susmentionnée, et ce, afin de permettre aux transactions prévues dans cette entente de se réaliser selon les modalités établies par cette entente.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, dans l’intérêt public et en vertu des articles 93 et 97 al.1 et al. 2 (3o et 7o) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[7] ainsi que des articles 249, 250 et 255 de la Loi sur les valeurs mobilières[8] :

ACCUEILLE la demande de levée partielle des ordonnances de blocage présentée par le mis en cause Gilles Bergeron de la manière suivante, et ce, afin de permettre aux transactions prévues dans l’entente conclue le 27 mai 2025 entre Gilles Bergeron, Denis Francoeur et l’Autorité des marchés financiers - présentée en annexe de la présente décision - de se réaliser selon les modalités établies par cette entente, et

LÈVE PARTIELLEMENT les ordonnances de blocage prononcées le 1er septembre 2023 et le 30 novembre 2023, et ce, afin de permettre la mise en œuvre des ordonnances qui suivent :

ORDONNE, à la condition que la vente soit faite par le notaire des promettants-acheteurs selon les termes des promesses d’achat PAG09616 et PAG09615, incluant le paiement de la somme de cent vingt-cinq mille dollars (125 000 $) par Gilles Bergeron à Denis Francoeur (a/s Leinhos Lalonde Avocats en fidéicommis), la levée partielle des ordonnances de blocage sur les Immeubles tel que décrit comme suit;

DÉSIGNATION

« 1. Un immeuble connu et désigné comme étant le lot numéro DEUX MILLIONS TROIS CENT QUARANTE-QUATRE MILLE SEPT CENT TRENTE-QUATRE (Lot 2 344 734) du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Chambly.

Avec bâtisse construite portant l'adresse du 1115-1125, rue Benoît à Chambly, Québec, J3L 5K5.

2. Un immeuble connu et désigné comme étant le lot numéro DEUX MILLIONS TROIS CENT QUARANTE-CINQ MILLE QUATRE CENT DIX-HUIT (Lot 2 345 418) du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Chambly.

Avec bâtisse construite portant l'adresse du 1150-1160, rue Roland-Gagnon à Chambly, Québec, J3L 5N3. »

ORDONNE au notaire instrumentant de la vente de verser le Reliquat, après paiement des charges prévues à l'article 5 de l’Entente du 27 mai 2025 (ci-après le « Reliquat Net »), dans le compte bancaire ouvert au nom de l'intimée 9332-0547 Québec inc. auprès de de la Banque Canadienne Impériale de Commerce située au 9050, boulevard Leduc, bureau 10, Brossard, QC, J4Y 0E6 et portant le numéro 01541 10-54317, lequel compte est affecté par les ordonnances de blocage du Tribunal administratif des marchés financiers;

ORDONNE au notaire instrumentant de la vente de verser, à même les sommes provenant de la créance hypothécaire de Gilles Bergeron, la somme de cent vingt-cinq mille dollars (125 000,00 $) à Denis Francoeur à l'attention de ses procureurs, soit Leinhos Lalonde avocats en fidéicommis;

ORDONNE à la Banque Canadienne Impériale de Commerce de procéder au dépôt du Reliquat Net, dès réception de celui-ci, dans le compte bancaire ci-devant mentionné et d'aviser par écrit l'Autorité des marchés financiers de ce dépôt dans les cinq (5) jours de celui-ci;

ORDONNE à l’Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chambly de procéder à la radiation des inscriptions publiées le 15 septembre 2023 sous le numéro 28 276 825, le 6 décembre 2023 sous le numéro 28 430 136, de même que les prolongations du 24 août 2024, du 28 novembre 2024, 15 janvier 2025 et 11 mars 2025 publiées sous les numéros 28 917 379, 29 108 372, 29 203 089 et 29 322 822 à l'encontre des Immeubles, et ce, sur présentation par Gilles Bergeron de deux documents, à savoir la décision du Tribunal administratif des marchés financiers ordonnant la levée partielle du blocage et l'acte de vente de gré à gré à intervenir;

ORDONNE à Gilles Bergeron de ne pas déposer la présente décision du Tribunal administratif des marchés financiers auprès de l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chambly tant que les actes de vente des Immeubles n’auront pas été complétés par le notaire instrumentant des acheteurs, le cas échéant;

ORDONNE à Gilles Bergeron de ne pas déposer la présente décision du Tribunal administratif des marchés financiers auprès de l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Chambly dans l'éventualité où la vente de gré à gré n'était pas complétée, et ce, afin que les ordonnances de blocage demeurent publiées à l'encontre des Immeubles.

La présente décision ne doit pas être interprétée comme empêchant l’exécution des décisions de levée partielle des ordonnances de blocage rendues le 28 juin 2024[9] et le 22 novembre 2024[10].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Pierre Cristel

Juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

Me Jean-François Paré

Me Marie-Michèle Longchamps

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Pour l’Autorité des marchés financiers

 

Me Alain Houle

(Houle Légal inc.)

Pour Gilles Bergeron

 

Me Marie-André Mallette

Marie-Andrée Mallette, avocate

Pour Jean-Bernard Massé, 8868760 Canada inc. et 9332-0547 Québec inc.

 

Dates d’audience :

21 et 27 mai 2025









[1]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 56 et Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 63.

[2]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 82.

[3]  RLRQ, c. V-1.1 (« Loi sur les valeurs mobilières »).

[4]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 56 et Autorité des marchés financiers c. Massé, 2023 QCTMF 82.

[6]  Loi sur les valeurs mobilières, art. 250 al. 1.

[7]  RLRQ, c. E-6.1.

[8]  Préc., note 3.

[9]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2024 QCTMF 41.

[10]  Autorité des marchés financiers c. Massé, 2024 QCTMF 76.

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