R. c. H.V. |
2021 QCCS 837 |
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COUR SUPÉRIEURE (Chambre criminelle) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL
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N° : |
540-36-001085-199 (540-01-080712-170 C.Q.) |
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DATE : |
25 FÉVRIER 2021
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MYRIAM LACHANCE, J.C.S. |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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APPELANTE-poursuivante |
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et |
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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APPELANT-mis en cause c.
H... V... INTIMÉ-accusé |
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JUGEMENT (Ordonnance de non-publication en vertu de l’article 486.4 C.cr. interdisant la diffusion de toute information pouvant établir l’identité de la victime) |
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[1] Le 17 septembre 2017, l’intimé a plaidé coupable à l’infraction suivante :
Entre le 31 juillet 2017 et le 9 août 2017, à Ville A, district de Laval, a communiqué par un moyen de télécommunication avec X (2001-[...]), une personne âgée de moins de dix-huit ans ou qu’il croyait telle, en vue de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction visée au paragraphe 153(1), aux articles 155, 163.1, 170, 171 ou 279.011(2) ou aux paragraphes 279.02(2), 279.03(2), 286.1(2), 286.2(2) ou 286.3(2), commettant ainsi l’infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue à l’article 172.1(1)a)(2)b) du Code criminel.
[2] L’intimé a soulevé l’inconstitutionnalité de la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(2)b) du Code criminel (C.cr.), en vertu de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).
[3] Dans un jugement écrit[1] du 21 novembre 2019, le juge Gilles Garneau, juge à la Cour du Québec, a déclaré la peine minimale obligatoire de six mois inopérante à l’égard de l’accusé et sursis au prononcé de la peine en imposant une probation de deux ans avec l’obligation d’effectuer 150 heures de travaux communautaires dans un délai de 12 mois.
[4] Les appelants invoquent des erreurs dans la détermination de la peine appropriée ce qui aurait conduit à une mauvaise analyse de la constitutionnalité de la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement.
[5] Après une analyse des moyens soulevés, il y a lieu d’accueillir l’appel.
[6] Les appelants soumettent neuf moyens d’appel dont plusieurs se recoupent.
[7] Il convient de les regrouper de cette façon :
I. Le juge d’instance a commis des erreurs de principe ayant eu une incidence sur la peine;
II. Le juge d’instance a erré en droit en omettant ou en considérant erronément des facteurs aggravants ou atténuants;
III. Le juge d’instance a erré en droit en ne motivant pas adéquatement son raisonnement quant à la peine imposée et au vu de l’article 12 de la Charte;
IV. Le juge d’instance a imposé une peine manifestement non indiquée;
V. Le juge d’instance a erré en droit dans l’application du test établi par la Cour suprême dans les arrêts Nur et Lloyd.
[8] Le 17 septembre 2017, l’intimé a plaidé coupable à l’infraction reprochée et il a reconnu les faits consignés dans la pièce P-1:
L’accusé est l’oncle et le parrain de la victime, X (2001-[...]). Au moment de la commission des infractions, l’accusé est âgé de 52 ans alors que la victime est, quant à elle, âgée de 16 ans. Le 31 juillet 2017, lors d’un souper de famille chez l’accusé, ce dernier profite d’un moment où il est seul avec la victime pour lui dire qu’elle a de belles fesses et de beaux seins. Cette dernière est alors vêtue d’un maillot de bain. Le soir même, l’accusé commence à envoyer à la victime des messages texte à caractère sexuel, le tout tel qu’il appert des messages texte déposés en liasse sous S-1.
L’envoi des messages texte à caractère sexuel se poursuivra jusqu’au 9 août 2017. Dans le cadre de ces envois, l’accusé demande également à la victime de supprimer les conversations et de n’en parler à personne. La semaine suivante, l’accusé propose à la mère de la victime que celle-ci vienne travailler pour lui, à titre d’agent de bureau, à l’école dont il est le directeur. La victime accepte.
Le 8 août 2017, la victime se rend à l’école une première fois afin de rencontrer le personnel et de visiter les lieux. Alors qu’ils sont à visiter la bibliothèque, l’accusé fait un câlin à la victime. À la fin de la journée, l’accusé reconduit la victime au travail de sa mère. Sur le chemin du retour, ils parlent à nouveau des messages texte. L’accusé insiste pour que la victime supprime la conversation. Il propose également à la victime d’organiser quelque chose afin qu’ils se voient. Finalement, il pose sa main sur la cuisse de la victime. Cette dernière ne sait pas comment réagir et fige.
Le lendemain, 9 août 2017, la victime retourne au travail. Vers 16:00, alors que le personnel a quitté et que la victime est seule dans le secrétariat, l’accusé arrive derrière elle. Il pose ses bras autour des épaules de la victime et en profite pour toucher les seins de la victime à l’aide de ses deux mains, par-dessus les vêtements de celle-ci. La victime se retourne et interpelle l’accusé par son nom, ce à quoi l’accusé lui demande si elle a aimé ça. La victime mentionne « non » et quitte le travail en refusant l’offre de l’accusé pour le transport.
Le jour même, à 17:42, l’accusé communique avec la victime par messagerie texte afin de s’excuser, puis s’en suivra une brève conversation dans laquelle l’accusé demande à la victime s’il va « pouvoir recommencer ». Devant le refus de la victime, l’accusé poursuit en mentionnant : « Si je comprends, je vais pouvoir regarder, mais il me sera impossible de toucher? », le tout tel qu’il appert des messages texte déposés en liasse sous S-1.
Par la suite, la victime a laissé son emploi et a, dans les jours qui ont suivi, porté plainte auprès du Service de police de la Ville de Laval.[2]
[9] Des messages texte transmis par l’intimé à la sœur de la victime, un rapport présentenciel[3] et un rapport d’évaluation sexologique[4] ont entre autres été déposés dans le cadre des observations sur la peine.
[10] Suite au débat relatif à l’inconstitutionnalité de la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(2)b) C.cr., le premier juge a conclu qu’elle était contraire à l’article 12 de la Charte et l’a déclarée inopérante à l’égard de l’intimé.
[11] Le premier juge a ensuite sursis au prononcé de la peine et d’imposer à l’intimé une probation de deux ans avec l’obligation d’effectuer 150 heures de travaux communautaires.
Le pouvoir d’intervention
[12] Les appels portant sur la peine sont soumis à de rigoureuses règles d’intervention visant à « éviter les retards et l'utilisation abusive des ressources judiciaires »[5].
[13] Le test permettant d’intervenir au niveau de la peine infligée en première instance a été précisé dans l'arrêt Lacasse et réitéré dans l’arrêt Friesen. Il y a matière à intervention lorsque :
1) La peine n’est manifestement pas indiquée; ou
2) Si le juge de la peine a commis une erreur de principe, en ne tenant pas compte d'un facteur pertinent ou encore, en prenant erronément en considération un facteur aggravant ou atténuant, et une telle erreur a une incidence sur la peine infligée.[6]
[14] Une fois cette étape franchie, la cour d’appel doit effectuer sa propre analyse pour fixer une peine juste et elle « appliquera de nouveau les principes de la détermination de la peine aux faits sans faire preuve de déférence envers la peine existante même si celle-ci se situe dans la fourchette applicable »[7].
[15] Une peine manifestement non indiquée peut se décrire comme une peine nettement ou manifestement déraisonnable, excessive ou inadéquate, ou encore une peine montrant un « écart marqué et important »[8].
[16] L'examen du caractère manifestement non indiqué de la peine n'est pas un nouvel exercice de pondération des facteurs et le fardeau exigé afin de démontrer le caractère manifestement non indiqué d'une peine est « très élevé »[9].
[17] En ce qui a trait aux erreurs de principe, il peut y avoir « l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant »[10].
[18] Une fois l’erreur démontrée, elle doit avoir une « incidence significative sur la peine, rendant alors celle-ci manifestement non indiquée ou encore nettement déraisonnable » afin de permettre l’intervention en appel[11].
[19] La façon dont le juge de première instance a soupesé ou mis en balance des facteurs peut constituer une erreur de principe seulement s’il a « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d’accorder suffisamment d’importance à un autre » [12].
[20] « Ce ne sont pas toutes les erreurs de principe qui sont importantes : la cour d’appel ne peut intervenir que lorsqu’il ressort des motifs du juge de première instance que l’erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine ». Sinon, « cela met un terme à l’analyse de cette erreur et l’intervention de la cour d’appel ne se justifie que si la peine n’est manifestement pas indiquée » [13].
[21] Dans la présente affaire, les appelants reprochent au premier juge d’avoir rendu une peine axée sur la réhabilitation au moyen de mesures d’encadrement et de responsabilisation, malgré l’exigence de donner préséance à la dénonciation et à la dissuasion, tel que codifié à l’article 718.01 C. cr. : « Le tribunal qui impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix-huit ans accorde une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion d’un tel comportement ».
[22] La décision de surseoir au prononcé de la peine en imposant une probation de 2 ans et l’exécution de 150 heures de travaux communautaires est une peine qui est clémente, de l’avis de toutes les parties.
[23] La question est donc de déterminer si des erreurs de principe ou de droit existent et ont eu une incidence sur la peine, ou si cette dernière est manifestement non indiquée de façon à exiger une intervention de la Cour.
[24] Avec égards, j’estime qu’il y a ici matière à intervention pour ces deux motifs, malgré la norme élevée de déférence exigée en appel.
Les cinq moyens regroupés d’appel
[25] Il convient d’abord de définir l’infraction de leurre que l’on retrouve au paragraphe 172.1(1) C.cr.
[26] Les tribunaux ont déjà déterminé que le leurre est une infraction préparatoire, c’est-à-dire inchoative[14], qui n’exige pas un langage sexuellement explicite bien que de tels propos puissent suffire à prouver l’intention criminelle de l’accusé[15].
[27] En ce sens, le leurre est une infraction qui vise à « faciliter » la commission de certains crimes à caractère sexuel avec des personnes mineures « par exemple en amenant des jeunes, par la ruse ou la manipulation psychologique, à se livrer à l’acte interdit ou à y participer; en diminuant leurs inhibitions; ou en tenant des propos érotiques qui exploitent la curiosité, l’immaturité ou la sexualité précoce d’une jeune personne »[16].
[28] « Le législateur a adopté l’art. 172.1 en vue de démasquer et d’arrêter les prédateurs adultes qui rôdent dans l’Internet pour appâter des enfants et des adolescents vulnérables, généralement à des fins sexuelles illicites »[17].
[29] Il est reconnu que l’accès aisé au cyberespace facilite le crime de leurre comme le reflètent les propos du juge Moldaver, pour la majorité de la Cour, dans l’arrêt Morrison : « Les prédateurs sexuels se servent de plus en plus de moyens électroniques pour s’en prendre à l’un des groupes les plus vulnérables de la société canadienne : nos enfants »[18].
[30] C’est dans ce contexte que le législateur a imposé une peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement à l’alinéa 172.1(2)b) C. cr. dont l’intimé a contesté la validité constitutionnelle en première instance.
[31] Pour décider si cette peine serait cruelle et inusitée contrairement à l’article 12 de la Charte, le premier juge a suivi le test de l’arrêt Nur qui commande une analyse en deux étapes:
1) Premièrement, déterminer ce qui constituerait une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis par le Code criminel;
2) Deuxièmement, décider si la disposition contraint à l’infliction d’une peine totalement disproportionnée à la peine juste et proportionnée. [19]
[32] Le premier juge a arrêté son analyse à la première étape en jugeant d’abord que la peine appropriée était de surseoir à son prononcé avec l’imposition d’une probation de 2 ans assortie de 150 heures de travaux communautaires. Il a ensuite conclu que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement était exagérément disproportionnée par rapport à celle qu’il jugeait appropriée.
[33] Le processus d’analyse en appel se déroulera de la même façon, en traitant d’abord des principes de détermination de la peine et de son caractère approprié, et ensuite du volet constitutionnel.
[34] Le principe d’harmonisation des peines est codifié à l’alinéa 718.2 b) C.cr. et les fourchettes de peines qui servent de guides au juge du droit sont une manifestation de ce principe[20].
[35] Selon les appelants, le juge d’instance a commis une erreur de principe ayant une incidence sur la détermination de la peine en basant l’exercice de sa discrétion sur des précédents jurisprudentiels désuets qui ne tenaient pas compte du rehaussement de la fourchette en matière de leurre ou qui avaient peu de similitudes avec le dossier de l’intimé[21].
[36] Les appelants avancent que la réhabilitation de l’intimé ne pouvait avoir préséance sur ces critères de dénonciation et dissuasion pour justifier l'imposition d'une peine hors de la fourchette applicable[22].
[37] La peine infligée par le juge d’instance s’écarterait ainsi « de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires »[23].
[38] Il faut cependant souligner qu’une cour d’appel ne peut intervenir uniquement parce qu’elle aurait placé la peine dans une fourchette ou une catégorie différente[24].
[39] La Cour d’appel du Québec soulignait dans l’affaire Calderon que « les fourchettes ne sont que des indications »[25].
[40] C’est ce que la Cour suprême a aussi rappelé dans l’arrêt Friesen : « les fourchettes de peines et les points de départ sont des lignes directrices, et non des règles absolues »[26].
[41] De plus, les arrêts Friesen[27] et Montour[28] ont été rendus après le jugement de première instance et la référence à des précédents antérieurs à ces arrêts ne constitue pas une erreur de principe[29].
[42] Il faut se garder de réviser tous les dossiers rendus avant l’arrêt Friesen. Cette façon de faire serait contraire aux seuils élevés pour réviser une peine en appel[30].
[43] Ceci étant dit, force est de constater que les anciennes fourchettes de peines applicables à l’infraction de leurre ont moins d’utilité puisqu’elles ne correspondent plus aux initiatives législatives du Parlement eu égard aux peines en matière de crimes sexuels commis envers des enfants[31].
[44] De plus, la fourchette des peines en matière de leurre au moment de l’imposition de la peine le 21 novembre 2019, allait nettement au-delà de la peine infligée à l’intimé.
[45] En 2013, dans l’arrêt Bergeron, la Cour d’appel du Québec cite la fourchette de six mois à un an déjà établie dans l’arrêt St-Pierre[32], et confirmée dans Cardinal[33], en soulignant que « l'infraction que vise l'article 172.1 C.cr. génère des peines sévères »[34].
[46] La fourchette de six mois à un an établie dans St-Pierre s’appliquait aux peines prononcées pour des infractions commises avant le 22 juin 2007, alors que la peine maximale prévue pour l’infraction de leurre était de 5 ans dans le cas d’une poursuite par acte criminel.
[47] En 2015, dans l’arrêt Perron, la Cour d’appel du Québec mentionne que les peines imposées pour des leurres « commis entre le 22 juin 2007 et le 9 août 2012 se situent entre 3 et 24 mois »[35].
[48] En 2018, dans l’affaire Rayo[36], le juge Kasirer, alors à la Cour d’appel du Québec, établit cette fourchette de 12 à 24 mois. Ce qui a été réitéré en 2020 dans Montour[37].
[49] Il s’agit de la fourchette en vigueur au moment de l’imposition de la peine à l’endroit de l’intimé.
[50] Ce dernier réplique que la fourchette de 12 à 24 mois réfère à une accusation portée par voie d’acte criminel laquelle ne serait pas transposable à une infraction punissable par procédure sommaire comme dans la présente affaire.
[51] L'infraction de leurre informatique est effectivement susceptible de s'appliquer à une « vaste gamme de comportements potentiels »[38].
[52] Il s’agit d’une infraction « mixte » qui peut être poursuivie par voie d’acte criminel ou par procédure sommaire. Ce choix appartient au ministère public et s’il « opte pour la procédure sommaire, l’infraction mixte est considérée à tous égards comme une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire »[39].
[53] Le mode de poursuite est relié à la gravité objective de l'infraction et il a un impact sur les fourchettes applicables[40].
[54] Toutefois, la détermination des peines « ne se fait pas selon le mode de poursuite, mais plutôt à la lumière du profil du délinquant et des circonstances des faits entourant l’infraction »[41].
[55] Les appelants invoquent l’affaire Montour où il y avait plusieurs chefs d’accusation, dont deux de leurre pris par voie sommaire. Le premier juge avait imposé des peines consécutives de 12 et 6 mois sur ces chefs et elles ont été maintenues par la Cour d’appel du Québec qui a indiqué ceci :
[54] Le juge impose une peine de 12 mois d’emprisonnement pour le leurre de l’Enfant 1 et une peine consécutive de six mois d’emprisonnement pour le leurre de l’Enfant 2. L’appelant, s’appuyant sur Perron c. R., soutient que ces peines ne respectent pas la fourchette des peines applicables, laquelle serait de trois à 24 mois d’emprisonnement.
[55] Or, les peines de 12 mois et de six mois imposées à l’appelant se situent bel et bien à l’intérieur de la fourchette des peines identifiée par l’appelant lui-même pour les infractions de leurre d’enfant. Cela étant, cette fourchette n’est plus celle retenue par la Cour, qui applique maintenant une fourchette supérieure. Cette fourchette supérieure pourrait bien elle-même être révisée à la hausse à la suite des enseignements de la Cour suprême du Canada dans R. c. Friesen.[42]
[56] Ainsi, dans R. c. Rayo, un arrêt prononcé en 2018, le juge Kasirer, alors à la Cour, décrit la fourchette applicable pour ce type de contravention comme étant de 12 à 24 mois […]
[Références omises et soulignement ajouté]
[56] La fourchette des peines retenue dans l’arrêt Montour a donc été appliquée à des accusations prises par voie sommaire. Il y a toutefois d’importantes différences avec le cas à l’étude, dont la présence de deux victimes, des infractions qui se sont déroulées sur cinq mois ainsi que des accusations supplémentaires, soit deux en matière de stupéfiants et cinq non-respects d’engagement.
[57] Il est manifeste que la gravité objective d’une accusation prise par voie sommaire est moindre qu’en matière d’acte criminel, comme le reflète le paragraphe 172.1(2) C. cr.
[58] La peine maximale pour l’infraction punissable par procédure sommaire est de 2 ans moins un jour alors qu’elle est de 14 ans pour un acte criminel. Quant aux peines minimales, elles vont du simple au double, soit de 6 à 12 mois.
[59] Le premier juge a constaté cette différence lorsqu’il a référé à l’arrêt Morrisson où la majorité de la Cour suprême a choisi de ne pas trancher la constitutionnalité de la peine minimale d’un an pour l’infraction de leurre prise par voie d’acte criminel (alinéa 172.1(2)a) C.cr.)[43].
[60] Pour sa part, la juge Karakatsanis aurait invalidé cette peine minimale d’un an, sans toutefois se prononcer sur celle de 90 jours (le minimum au moment des gestes posés en 2013) prévue à l’alinéa 172.1(2)b)[44].
[61] La juge Karakatsanis s’est aussi attardée à différents jugements où la peine appropriée pour une accusation de leurre consistait en une brève incarcération de 90 jours ou moins[45], une peine d’emprisonnement avec sursis[46] ou une absolution sous conditions[47]. Elle a même noté que dans certains cas raisonnablement prévisibles, il pourrait être indiqué de « surseoir au prononcé de la peine »[48].
[62] C’est dans ce contexte législatif et jurisprudentiel que le premier juge a rendu la peine à l’endroit de l’intimé. Il n’avait pas le bénéfice des arrêts Friesen et Montour.
[63] Il importe de distinguer la jurisprudence pertinente rendue avant et après ces arrêts tout en soulignant que plusieurs incluent différentes accusations sanctionnées au même moment que le leurre, ce qui n’est pas le cas de l’intimé.
[64] Voici une liste de décisions rendues avant l’arrêt Friesen, où la peine minimale d’emprisonnement en matière de leurre a été invalidée:
Infraction sommaire
· R. c. Randall, 2018 ONCJ 470, leurre par voie sommaire : 90 jours d’emprisonnement à purger de façon discontinue;
· R. c. King, 2019, ONCJ 366, leurre par voie sommaire : emprisonnement dans la collectivité d’un an;
· R. c. Fawcett, 2019 BCPC 125, leurre par voie sommaire : emprisonnement dans la collectivité de 6 mois;
· R. c. Koeing, 2019 BCPC 83, leurre par voie sommaire : emprisonnement dans la collectivité de 6 mois;
· R. c. Duclos, 2019 QCCQ 5680, leurre par voie sommaire : sursis de peine, probation de 3 ans et 100 heures de travaux communautaires (problématique de santé mentale);
· R. v. Ward, 2019 NSPC 72, leurre par voie sommaire : 3 mois d’emprisonnement à purger de façon discontinue;
· R. c. Grenier, 2019, QCCQ 6622, leurre par voie sommaire : sursis de peine, probation de 3 ans et 200 heures de travaux communautaires (problématique de santé mentale);
· R. c. Dubé-Gravel, 2019 QCCQ 7918, leurre par voie sommaire : emprisonnement dans la collectivité de 6 mois et 100 heures de travaux communautaires;
· R. c. Pruvost, 2019 QCCQ 7917, leurre par voie sommaire : emprisonnement dans la collectivité de 6 mois et 100 heures de travaux communautaires.
Acte criminel
· R. v. Saffari, 2019 ONCJ 861, leurre par acte criminel : emprisonnement de 5 mois;
· R. v. Hood, 2018 NSCA 18, leurre par d’acte criminel : emprisonnement dans la collectivité de 15 mois;
· R. v. Faroughi, 2020 ONSC 780, leurre par acte criminel : emprisonnement de 7 mois;
· R. c. Bertrand Marchand, 2020 QCCQ 1135 (actuellement en appel R. c. Bertrand-Marchand, 2020 QCCA 630), leurre par acte criminel : emprisonnement de 5 mois;
· R. v. C.D.R., 2020 ONSC 645, leurre par acte criminel : emprisonnement de 6 mois.
[65] De façon générale, ces peines vont d’un emprisonnement à purger dans la collectivité (6 mois en moyenne) jusqu’à un emprisonnement ferme d’environ 6 mois. Il y a deux affaires où un sursis au prononcé de la peine a été imposé. Il s’agissait de cas où une problématique de santé mentale chez l’accusé avait été démontrée.
[66] Il y a aussi une liste de jugements rendus avant les arrêts Friesen et Montour où la peine minimale d’emprisonnement en matière de leurre n’a pas été invalidée:
Infraction sommaire
· R. c. Attivissimo, 2016 QCCQ 16698, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 6 mois;
· R. c. Mulamba Mulamba, 2017 QCCQ 21226, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 6 mois;
· R. c. Shaw, 2018 BCPC 55, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 14 mois;
· R. c. Lam, 2019 QCCQ 11216, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 6 mois;
· R. c. Chibli, 2019 QCCQ 11215, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 8 mois;
· R. c. Pelchat, 2019 QCCQ 7388, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 9 mois;
· R. v. Hems, 2019 ONCJ 779, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 6 mois.
Acte criminel
· St-Pierre c. R., 2008 QCCA 894, leurre par acte criminel : emprisonnement de 12 mois;
· R. c. Aubut, 2008 QCCQ 7722 (confirmé en appel Aubut c. R., 2009 QCCA 46), leurre par acte criminel : emprisonnement de 12 mois;
· R. c. Lefebvre, 2012 QCCQ 5604, leurre par acte criminel : emprisonnement de 10 mois;
· R. c. Bergeron, 2013 QCCA 7, leurre par acte criminel : emprisonnement de 12 mois;
· R. v. A.H., 2016 ONSC 6364, leurre par acte criminel : emprisonnement de 15 mois;
· Perron c. R., 2015 QCCA 601, leurre par acte criminel : emprisonnement de 12 et 18 mois;
· R. c. Thivierge, 2016 QCCQ 2259, leurre par acte criminel : emprisonnement de 18 mois;
· Lavoie-Santerre c. Procureur général du Canada, 2016 QCCQ 17287, leurre par acte criminel : emprisonnement de 2 ans moins un jour;
· R. c. Théroux, 2018 QCCQ 13444, leurre par acte criminel : emprisonnement de 12 mois;
· R. c. Rayo : 2018 QCCA 824, leurre par d’acte criminel : emprisonnement de 12 mois maintenu en appel;
· R. c. Cowell, 2019 ONCA 972, leurre par d’acte criminel : emprisonnement de 12 mois maintenu en appel;
· R. c. McKenzie, 2019 QCCQ 7250, leurre par acte criminel : emprisonnement de 18 mois;
· R. c. Leduc, 2019, QCCQ 8586, leurre par acte criminel : emprisonnement de 12 mois;
· R. c. Sutherland, 2019 NWTSC 55, leurre par acte criminel : emprisonnement de 12 mois;
· R. v. Reeves, 2020 ABQB 78, leurre par d’acte criminel : emprisonnement de 12 mois.
[67] Ces peines vont généralement de 6 à 12 mois d’emprisonnement ferme avec quelques cas allant jusqu’à près de 24 mois, principalement dans des situations où des infractions accessoires avaient été sanctionnées en sus du leurre.
[68] La jurisprudence est moins abondante depuis les arrêts Friesen et Montour. En voici quelques-unes :
Infraction sommaire
· R. c. Roy, 2020 QCCQ 4546, leurre par voie sommaire : sursis de peine, probation de 2 ans et 100 heures de travaux communautaires (problématique de santé mentale et rapport Gladu relativement à une peine infligée à un autochtone);
· Montour c. R., 2020 QCCA 1648, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 12 et 6 mois pour un total de 18 mois maintenu en appel;
· Genest c. R., 2021 QCCS 124, leurre par voie sommaire : emprisonnement de 6 mois maintenu en appel.
Acte criminel
· R. v. Pentecost, 2020 NSSC 277, leurre par acte criminel : emprisonnement de 4 mois;
· R. c. Poitras, 2020 QCCQ 3211 (actuellement en appel Poitras c. R., 2020 QCCA 805), leurre par acte criminel : des peines d’emprisonnement de 36 mois sur chacun des chefs (1 à 7 et 9 à 37) concurrentes entre elles;
· R. v. J.K.D., 2020 BCPC 211, leurre par acte criminel : emprisonnement de 18 mois consécutifs aux autres chefs;
· R. v. Wolff, 2020 BCPC 174, leurre par acte criminel : emprisonnement de 18 mois;
· R. v. J.R., 2021 ONCJ 14, leurre par acte criminel : emprisonnement de 5 ans;
· R v. Jissink, 2021 ABQB 102, leurre par acte criminel : emprisonnement d’un an;
· R v. Melrose, 2021 ABQB 73, leurre par acte criminel : sursis de peine et probation (emprisonnement de 90 jours sur le chef de 151 C. cr.).
[69] Ces jugements révèlent une forte tendance à accroitre les peines en matière de leurre.
[70] Le premier juge l’a d’ailleurs souligné en indiquant « que depuis quelques années, les sentences reliées au leurre indiquent une sévérité accrue »[49].
[71] Néanmoins, la décision de surseoir au prononcé de la peine s’écarte largement de ces fourchettes, même de celles en vigueur avant les arrêts Friesen et Montour. Déjà à ce moment, la fourchette prônait généralement l’incarcération en matière de leurre, qu’il soit poursuivi par voie d’acte criminel ou d’infraction punissable par procédure sommaire[50].
[72] Les auteurs mentionnent aussi que les peines de leurre d’une courte durée sont de 6 à 12 mois d’emprisonnement et s’appliquent à des délinquants qui n’ont pas de problématique d’ordre sexuel ni de risque de récidive, ayant commis des gestes dans la portion inférieure de l’échelle de gravité du leurre[51].
[73] Le fait de s’écarter de la fourchette applicable ne suffit pas pour intervenir, mais une peine manifestement non indiquée ou une erreur de principe ayant une incidence sur celle-ci le permettent[52], et c’est le cas du présent dossier.
[74] Le premier juge n’a pas respecté le principe d’harmonisation des peines en choisissant de s’appuyer sur une jurisprudence désuète en matière de leurre. Cette erreur sur les principes a eu une incidence sur la peine infligée parce qu'elle l’a conduit à imposer un sursis de peine à l’intimé ce qui constitue un écart marqué et substantiel des peines habituellement infligées en la matière. Le premier moyen d’appel doit donc être accueilli.
[75] En raison de la contestation constitutionnelle qui fait également partie de cet appel, il est pertinent de poursuivre l’analyse des autres moyens afin de déterminer si la peine infligée est manifestement non indiquée à la situation de l’intimé, et le cas échéant, quelle peine serait appropriée.
[76] Dans l’arrêt Friesen, on indique que « [l]es tribunaux doivent infliger des peines correspondant à la gravité des infractions d’ordre sexuel commises contre des enfants. Il ne leur suffit pas de déclarer que de telles infractions sont graves. La peine infligée doit refléter le caractère normatif des actes du délinquant et les torts qu’ils causent aux enfants, à leurs familles, à leurs gardiens et à leurs collectivités » [53].
[77] Les fourchettes applicables aux peines en matière de leurre ont été abordées dans les précédents paragraphes, mais l'historique législatif des peines mérite également une attention particulière afin de comprendre l'augmentation significative de la gravité objective du leurre.
[78] Les peines prévues pour l’infraction de leurre de l’article 172.1 C.cr. ont subi d’importantes modifications législatives depuis 2002. Les voici :
I) La peine maximale pour le leurre dont l’accusation est prise par acte criminel est passée de 5 ans d'emprisonnement (2002), à 10 ans (2007), puis à 14 ans (2015);
II) La peine maximale pour le leurre dont l’accusation est prise par voie sommaire est passée d'un emprisonnement de 6 mois (2002), à 18 mois (2007) et à 2 ans moins 1 jour (2015);
III) La peine minimale pour le leurre dont l’accusation est prise par acte criminel a été introduite à 1 an d'emprisonnement en 2012;
IV) La peine minimale pour le leurre dont l’accusation est prise par voie sommaire a été introduite à 90 jours d'emprisonnement en 2012, et est passée à 6 mois en 2015.[54]
[79] L'accroissement des peines maximales et minimales est un message éloquent de la volonté du législateur d’augmenter considérablement la gravité objective de l’infraction de leurre, ce qui milite pour un durcissement des sanctions[55].
[80] Ce message du législateur n’est pas nouveau. Il était déjà établi au moment du prononcé de la peine par le juge d’instance le 21 novembre 2019, et les fourchettes établies par la jurisprudence s’étaient déjà adaptées à cette réalité depuis plusieurs années.
[81] C’est ce qui a été constaté en 2018 dans les arrêts Rayo et Régnier où la Cour d’appel du Québec a indiqué : « Les tribunaux ont noté que le choix du législateur de fixer une peine minimale et d’augmenter la peine maximale signale une intention d’attribuer une gravité plus importante à l’infraction, ce qui devrait, en principe, se refléter dans les peines imposées »[56].
[82] Pour ce qui est de la gravité subjective de l’infraction, elle doit s’analyser à la lumière des faits spécifiques au présent dossier et la peine doit refléter la culpabilité morale de l’accusé. C’est ce qui ressort du principe fondamental codifié à l'article 718.1 C. cr. : « [l]a peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant ».
[83] La culpabilité morale s’évalue en fonction de la nature de l’infraction, son niveau d’intention, des circonstances particulières de l’affaire, et de l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants[57].
[84] Les facteurs aggravants et atténuants peuvent être liés à l’infraction elle-même ou à la situation du délinquant[58].
[85] Pour bien comprendre la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité de l’intimé, il importe de remettre les gestes reprochés dans leur contexte.
[86] Le crime a été commis alors qu’il y avait un écart de 36 ans entre l’intimé (52 ans au moment de l’infraction) et la victime (16 ans).
[87] Le comportement délictuel s’est échelonné sur dix jours et l’intimé a insisté pour garder leurs communications secrètes.
[88] Il y a eu un échange de 182 messages textes. Tous ces messages ne sont pas nécessairement inadéquats, mais à plusieurs occasions l’intimé a tenu des propos à caractère sexuel où il parle de caresses et de relations sexuelles orales ou complètes.
[89] Durant cette période, l’intimé a proposé à la victime un emploi à titre d’agente de bureau à l’école où il était directeur. Il a fait cette offre d’emploi en passant par la mère de la victime qui a accepté.
[90] À la fin de la première journée de travail de la victime, l’intimé l’a reconduite en voiture et en a profité pour lui poser une main sur la cuisse.
[91] Lors de la deuxième journée de travail, l’intimé a posé ses bras autour des épaules de la victime et lui a touché les seins, par-dessus ses vêtements.
[92] Peu après ce contact sexuel, l’intimé a communiqué avec la victime par messagerie texte afin de s’excuser et lui demander s’il allait « pouvoir recommencer ». Devant le refus de la victime, l’intimé a répondu : « Si je comprends, je vais pouvoir regarder mais il me sera impossible de toucher? ». Elle est allée le dénoncer à la police deux jours plus tard.
[93] La culpabilité morale de l’intimé doit s’apprécier à la lumière des facteurs aggravants et atténuants de cette affaire.
[94] Le premier juge a retenu les facteurs aggravants suivants:
· Les différents messages à caractère sexuel envoyés à la victime, les dommages intrinsèques causés à la victime. Même si la victime ne s’est pas fait entendre, ni oralement ni par écrit ;
· La relation familiale entre la victime et l’accusé;
· Un certain pouvoir d’autorité de l’accusé sur la victime;
· L’âge de la victime;
· L’âge de l’accusé.[59]
[95] Les appelants plaident que certains facteurs aggravants sont manquants dont les messages texte que l’intimé a transmis à la sœur de la victime sur une période de près de 3 mois et qui avaient la même teneur que ceux visés par la présente accusation. Il est vrai que ces messages sont similaires à ceux échangés avec la victime.
[96] En ce sens, ils sont pertinents, mais il serait périlleux de leur donner un poids trop important considérant que la sœur de la victime était majeure et qu’il n’y a pas eu d’accusation pour ces comportements ni de passage à l’acte.
[97] Il existe cependant un reproche plaidé par les appelants, qui mérite une attention particulière en ce que le premier juge a omis de considérer un important facteur aggravant pouvant avoir une influence sur la détermination de la peine.
[98] Il s’agit du passage à l’acte de l’intimé qui a touché les seins de la victime suite au leurre.
[99] Ce comportement est allé au-delà de la transmission électronique de messages texte. L’intimé a franchi la ligne séparant l’infraction inchoative du passage à l’acte complet ce qui contribue à aggraver son crime.
[100] En effet, lorsque le leurre donne lieu à des infractions connexes impliquant une véritable agression de la personne mineure, les peines globales sont généralement plus importantes[60].
[101] Il n’y a certes pas eu de condamnation en ce sens, mais il s’agit d’un élément qui est pertinent à la gravité subjective de l’infraction puisqu’il est survenu de façon concomitante au leurre.
[102] Ce comportement avait une incidence directe sur l’évaluation de la culpabilité morale de l’intimé et à elle seule, cette erreur justifie une intervention de cette Cour dans les circonstances.
[103] Dans un deuxième temps, le premier juge a retenu les facteurs atténuants suivants:
· Le plaidoyer de culpabilité;
· L’accusé est sans antécédents judiciaires;
· L’accusé a toujours eu une vie exemplaire, autant familiale que professionnelle, jusqu’à ces événements;
· Les messages à caractère sexuel se sont écoulés sur une courte période, soit neuf (9) jours[61];
· Les remords sincères de l’accusé;
· Le risque de récidive minime;
· Aucun diagnostic impliquant une déviance sexuelle envers les mineurs;
· La thérapie que l’accusé a suivie avec succès;
· La reconnaissance du tort que l’accusé a causé à la victime et à la société en général;
· L'impulsivité, l’opportunisme et l’erreur de pensée sont davantage des déclencheurs des gestes posés qu’une réelle attirance envers les personnes d’âge mineur;
· La poursuivante a accepté que l’accusé plaide coupable à l’accusation de leurre prise par voie de déclaration sommaire de culpabilité. [62]
[104] Les appelants allèguent que le premier juge a considéré à tort l’impact des accusations sur l’intimé. Sans les énumérer parmi les facteurs atténuants, il les a considérés dans sa décision.
[105] Il n’y a pas eu d’erreur à ce niveau.
[106] En effet, les conséquences physiques, émotives, sociales ou financières qu’un contrevenant peut subir suite à la perpétration d’une infraction sont des conséquences indirectes et ne se qualifient pas comme tel de facteurs atténuants ou aggravants, mais elles demeurent pertinentes pour fixer adéquatement la peine[63].
[107] La liste des facteurs atténuants retenus par le premier juge comporte toutefois une erreur de droit puisqu’une courte période délictuelle ne constitue pas un tel facteur.
[108] La durée de l’agir délictuel n’est pas de nature à atténuer la responsabilité de l’intimé. C’est plutôt une longue période délictuelle qui peut constituer un facteur aggravant. Le fait que le leurre n’a pas perduré dans le temps n’atténue en rien la responsabilité de l’intimé quant à sa culpabilité morale[64].
[109] Il a déjà été décidé que le premier juge n’a pas respecté le principe d’harmonisation des peines (premier moyen d’appel). À cela s’ajoutent les erreurs dans la qualification des facteurs atténuants et aggravants.
[110] Ces erreurs justifient aussi d’accueillir le deuxième moyen d’appel et d’intervenir afin de déterminer la peine appropriée[65].
[111] L’insuffisance des motifs constitue le prochain reproche des appelants à l’endroit du premier juge.
[112] La Cour « n'est pas dispensée de ce devoir en raison de l'insuffisance des motifs du jugement entrepris »[66].
[113] Il ne serait pas nécessaire de poursuivre l’analyse des autres moyens d’appel afin de déterminer la peine appropriée à la situation de l’intimé, mais ils recoupent le volet constitutionnel de la décision du premier juge quant à l’application de l’article 12 de la Charte alors leur examen est pertinent au cinquième moyen d’appel.
[114] L’article 726.2 C. cr. indique ceci : « Lors du prononcé de la peine, le tribunal donne ses motifs et énonce les modalités de la peine; les motifs et les modalités sont consignés au dossier de la poursuite ».
[115] Les motifs du juge de première instance doivent être suffisants afin de permettre : « (1) aux parties de savoir pourquoi les peines sont imposées, (2) de rendre compte de la légitimité de l’exercice du pouvoir judiciaire, et (3) de fournir la matière à un examen efficace en appel »[67].
[116] Le premier juge a pris soin de mettre sa décision par écrit. Il s’agit d’un jugement de 13 pages qui comprend les motifs de la peine imposée et les raisons qui l’ont mené à déclarer la peine minimale obligatoire inopérante à l’endroit de l’intimé.
[117] Les faits ont été résumés dans les sept premières pages du jugement ce qui laisse place à des motifs pour le moins succincts quant à l’analyse du volet constitutionnel en application de l’article 12 de la Charte et du cadre légal applicable à la peine de leurre.
[118] Comme le rappelle la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Cardinal, « la concision dans l'énoncé des motifs sur la peine reste une vertu, mais « [i]l faut que le juge d'instance en dise ou en écrive assez pour que l'on puisse comprendre sa démarche et constater qu'implicitement ou explicitement elle respecte les principes établis » »[68].
[119] Le premier juge a déclaré inopérante la peine minimale de 6 mois en matière de leurre informatique à la première étape des arrêts Nur et Lloyd.
[120] Pour ce faire, il devait évaluer la peine appropriée, en faisant abstraction de la peine minimale, sans nécessairement lui donner une valeur précise. Il devait considérer l’échelle de peines appropriées à la situation du délinquant en considérant les principes et objectifs des articles 718 à 718.2 C.cr.[69]
[121] Le premier juge a d’abord mentionné l’application des objectifs de dénonciation et de dissuasion en matière de leurre, mais il n’a expliqué à aucun endroit pourquoi la réhabilitation devait primer sur ces objectifs ou en quoi la peine imposée satisfaisait à tous ces critères dans la situation de l’intimé.
[122] Il a choisi de se référer aux affaires Maltais, Pelletier et Morel dont les facteurs atténuants et aggravants étaient similaires à ceux de l’intimé[70]. Dans ces décisions, des peines allant de l'absolution inconditionnelle à l'emprisonnement dans la collectivité ont été octroyées[71].
[123] Cet exercice était un bon départ, mais le premier juge n’a pas expliqué pourquoi il a préféré se référer à ces décisions datant de 2013 et 2014 plutôt qu’à la fourchette des peines prônant la dissuasion et la dénonciation qui était en vigueur depuis les modifications législatives de 2015.
[124] Les motifs du premier juge ne permettent pas de comprendre pourquoi la fourchette applicable en novembre 2019 n’était pas appropriée à la situation de l’intimé et ce qui justifiait de s’en écarter autant.
[125] Le seul jugement récent en matière de leurre auquel réfère le premier juge est l’affaire Randall qui avait invalidé la peine minimale obligatoire de six mois.
[126] Or, une peine de 90 jours d’emprisonnement discontinue a tout de même été imposée par la Cour de justice de l’Ontario à l’endroit de M. Randall[72]. Le premier juge n’en fait pas mention et ne donne pas d’indices permettant de comprendre son choix de surseoir au prononcé de la peine et d’imposer seulement une probation de 2 ans avec l’exécution de 150 heures de travaux communautaires.
[127] Dans l’arrêt Morrison, la juge Karakatsanis a énuméré certains facteurs pouvant atténuer la culpabilité morale en matière de leurre :
[183] La situation personnelle du délinquant et sa relation avec la victime peuvent aussi grandement varier. Il ressort de la jurisprudence que les infractions de leurre sont parfois commises par des personnes qui n’ont pas une grande différence d’âge avec leurs victimes, qui ont des troubles cognitifs ou des maladies mentales ou encore qui ont elles-mêmes déjà été agressées (voir, p. ex., R. c. Hood, 2018 NSCA 18, 409 C.R.R. (2d) 70; R. c. S. (S.), 2014 ONCJ 184, 307 C.R.R. (2d) 147; R. c. Crant, 2017 ONCJ 192). Ces facteurs peuvent atténuer la culpabilité morale associée à l’infraction (voir art. 718.1 du Code criminel).[73]
[Soulignement ajouté]
[128] Ces types de facteurs atténuants sont inexistants dans la situation de l’intimé et le jugement sur la peine infligée ne permet pas de comprendre pourquoi la préséance de l’objectif de réhabilitation justifiait de s’écarter à ce point des objectifs de dénonciation et dissuasion imposés par la loi.
[129] En fait, il n’y a pas eu d’analyse de l’éventail des peines possibles fréquemment répertoriées en jurisprudence comme l’emprisonnement dans la collectivité ou discontinue, lesquelles comprennent un volet de dénonciation et de dissuasion.
[130] Il est reconnu « [qu’] une cour d’appel peut conclure à l’existence d’une erreur de droit lorsque les motifs du juge comportent des lacunes qui font obstacle à un examen valable en appel »[74] et c’est le constat qu’il faut malheureusement faire en l’espèce.
[131] Ces remarques s’appliquent tout autant à la suffisance des motifs de la question de l’invalidité constitutionnelle de la peine minimale obligatoire puisqu’ils sont inextricablement liés à la peine jugée appropriée par le premier juge dont les motifs sont insuffisants. Ce troisième moyen d’appel doit être accueilli.
[132] Une telle erreur de droit, soit la faiblesse des motifs dans un jugement sur la peine, a pour conséquence d’atténuer la déférence due à un jugement d'instance[75].
[133] Comme indiqué précédemment, les trois premiers moyens d’appel sont retenus et il n’y aurait pas nécessité de s’attarder au caractère manifestement non indiqué de la peine infligée en première instance, mais en raison de l’attaque constitutionnelle de la peine minimale obligatoire, cette démarche s’impose.
[134] La Cour d’appel du Québec a rappelé dans l’arrêt St-Cyr qu’une peine sert à dénoncer un comportement illégal, le tort qu’il cause et à dissuader ceux qui pourraient être tentés de l’adopter[76].
[135] Elle a ajouté que les objectifs de dénonciation et dissuasion ont préséance lorsque l’infraction commise constitue un mauvais traitement d’une personne de moins de dix-huit ans, tout en n’écartant pas l’objectif de la réinsertion sociale de ceux à qui elle est imposée[77].
[136] L’imposition d’une peine est un exercice délicat[78] et le paragraphe 718.3(1) C. cr. reconnait au tribunal qui condamne l’auteur de l’infraction une grande discrétion pour prononcer la peine qui lui semble appropriée dans les limites déterminées par la loi[79].
[137] La nature profondément contextuelle du processus de détermination de la peine « justifie une norme de contrôle fondée sur une exigence de retenue de la part des juridictions d’appel »[80].
[138] Malgré cette discrétion, la peine ne doit pas aller à l’encontre du principe de la proportionnalité[81] qui constitue la pierre d’assise de la détermination de la peine[82].
[139] Il est codifié à l’article 718.1 C. cr. qui précise que la peine doit être « proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant »[83].
[140] « L’individualisation et l’harmonisation de la peine doivent être conciliées pour qu’il en résulte une peine proportionnelle : al. 718.2 a) et b) du Code criminel »[84].
[141] Une peine sera manifestement non indiquée si elle s’écarte de manière déraisonnable du principe de la proportionnalité qui se « détermine à la fois sur une base individuelle, c’est-à-dire à l’égard de l’accusé lui-même et de l’infraction qu’il a commise, ainsi que sur une base comparative des peines infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »[85].
[142] Les appelants prétendent que le premier juge n'a pas adéquatement soupesé les divers principes et objectifs codifiés aux articles 718 à 718.2 C.cr. même s’il s’est attardé au principe de la proportionnalité en référant aux arrêts Lacasse[86] et Ipeelee[87] qui traitent de cet élément fondamental de la peine[88]. Il a aussi indiqué ceci :
[27] Une peine juste et appropriée doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité et de culpabilité morale du délinquant, tout en tenant compte des principes énoncés à l’article 718 du C.cr. : la dénonciation, la dissuasion générale et individuelle, la neutralisation, la réinsertion sociale, la réparation et la responsabilisation. La peine doit aussi respecter les principes d’harmonisation et de modération.[89]
[143] Le premier juge a également considéré l’âge de la victime, les liens familiaux et l'abus de confiance à titre de facteurs aggravants. Ces facteurs sont codifiés à l’article 718.01 C. cr. et aux sous-alinéas 718.2a)(ii), (ii.1) et (iii)[90].
[144] Dans l’arrêt Ipeelee, la Cour suprême rappelle que « le prononcé d’une peine appropriée reste un processus fortement individualisé. Les juges chargés d’imposer les peines doivent disposer d’une latitude suffisante pour les adapter aux circonstances de l’infraction et à la situation du contrevenant en cause»[91].
[145] La discrétion du premier juge ne lui permettait cependant pas de négliger les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale « qui sont névralgiques en matière de leurre[92].
[146] D’une part, l’article 718.01 concerne les mauvais traitements à l’égard d’une personne mineure. Cet article spécifie que le tribunal doit accorder « une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion d’un tel comportement ».
[147] D’autre part, l’alinéa 718.2(ii.1) vise l’infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix-huit ans, et en fait un facteur aggravant au niveau de la peine.
[148] Il en est de même de l’alinéa 718.2(iii) qui fait de l’infraction qui constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d’autorité à son égard, un facteur aggravant à considérer.
[149] Le leurre commis par l’intimé à l’endroit de sa nièce implique un abus de confiance.
[150] L’intimé connaissait bien sa jeune victime, ce qui pouvait faciliter sa manipulation psychologique par l’utilisation de son statut de parrain ce qui lui a permis d’abuser de sa confiance. En ce sens, il s’agit d’un élément qui aggrave la faute[93].
[151] L’embauche de la victime à son école, tout en continuant le leurre par messages texte, et ce jusqu’à commettre des attouchements sexuels, constitue un abus d’autorité.
[152] Ces facteurs aggravants, en sus de l’âge de la victime, exigeaient de donner préséance aux objectifs de dissuasion et de dénonciation, lesquels sont prédominants dans la fourchette des peines applicables en matière de leurre.
[153] Malgré tout, le juge d’instance a priorisé la réhabilitation en décidant de surseoir au prononcé de la peine.
[154] Qui plus est, la probation de 2 ans (sur une possibilité de 3) et les 150 heures de travaux communautaires (sur un maximum possible de 240) reflètent timidement les objectifs de dénonciation et de dissuasion. Il s’agit d’éléments réprobateurs et dissuasifs plutôt symboliques en l’espèce.
[155] Il faut en conclure que cette peine est déraisonnablement clémente et manifestement non indiquée.
[156] Les cas récemment répertoriés où un sursis de peine a été imposé concernent des délinquants accusés de leurre qui présentaient des problèmes de santé mentale[94], ce qui n’est pas le cas de l’intimé.
[157] Une preuve de réhabilitation convaincante peut permettre de se questionner sur le bénéfice que la société retirerait de l'incarcération d’un accusé[95], mais le jugement de première instance n’explique pas en quoi le fait de surseoir au prononcé de cette peine pendant deux ans atteint les objectifs de la loi.
[158] Le législateur a exigé d’accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion ce qui veut dire que « le pouvoir discrétionnaire des juges chargés de déterminer la peine est de ce fait limité, de sorte qu’il ne leur est plus loisible d’accorder une priorité équivalente ou plus grande à d’autres objectifs »[96].
[159] Les erreurs qu’a commises le premier juge au niveau du principe de l’harmonisation des peines et de la mauvaise qualification des facteurs atténuants et aggravants ont résulté en une peine manifestement non indiquée.
[160] Il convient maintenant de fixer la peine appropriée et puisque l’intimé a plaidé que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement contrevenait à sa protection contre les peines cruelles et inusitées prévue à l’article 12 de la Charte, la première étape de l’arrêt Nur[97] doit être de nouveau appliquée.
[161] Ce test exige dans un premier temps de déterminer la peine appropriée au délinquant en faisant abstraction de la peine minimale obligatoire conformément aux principes usuels qu’énoncent les articles 718 et s. C.cr.[98] et c’est sur cette base que le cinquième moyen d’appel relié à l’attaque constitutionnelle sera analysé.
La peine appropriée
[162] La majorité des faits applicables au contexte du leurre commis par l’intimé ont déjà été discutés et il n’est pas nécessaire de les reprendre.
[163] L’intimé demande de porter une attention particulière au rapport de la sexologue Julie Langelier qui indique que sa reconnaissance de culpabilité est « complète » et qu'il admet dans son essentiel le récit de la plaignante.
[164] En fait, l’intimé reconnait être l’auteur des messages texte, mais il nie avoir eu des intentions sexuelles en les envoyant[99].
[165] La sexologue note que l’intimé a envoyé des messages sexuellement explicites et qu’il « est possible de voir de façon claire un désir de rapprochements physiques avec la victime. Il va droit au but et se montre très précis dans ses intentions »[100].
[166] Le contenu des communications avec la victime démontre l’insistance de l’intimé à se trouver seul avec elle. Un tel « abus de confiance est susceptible d’accroître le préjudice causé à la victime et, partant, la gravité de l’infraction »[101].
[167] La sexologue précise d’ailleurs que l’offre d’emploi à la victime n’était pas anodine comme le laisse croire l’intimé. Elle indique : « En effet, en l’embauchant, il s’assurait d’avoir des contacts avec elle sans être en compagnie de membres de sa famille. Il précipitait une situation. Il s’approchait considérablement d’une situation à risque et d’un potentiel passage à l’acte »[102].
[168] Dans les faits, l’intimé s’est plus que « considérablement rapproché d’une situation à risque ». Il l’a provoquée et est passé à l’acte, ce qui n’a pas été considéré par le juge d’instance.
[169] Cette omission du premier juge a probablement influencé sa perception de l’infraction lorsqu’il a dit ceci : « En l’espèce, même si le leurre est un crime objectivement grave, il reste que les circonstances de la commission de l’infraction se situent dans la partie inférieure dans l’échelle de gravité »[103].
[170] La gravité subjective de ce crime ne se situait pas parmi les moins graves du genre et il importe de souligner que l’infraction a cessé à l’initiative de la victime lorsqu’elle a dénoncé l’intimé aux policiers.
[171] L’intimé connaissait bien la victime, et ce faisant, il est plus à blâmer, aux fins de la détermination de la peine, qu’une personne qui rencontre un enfant de manière fortuite sur Internet et qui ne prend pas de mesures raisonnables pour s’informer de son âge[104].
[172] La vulnérabilité de la victime était aussi plus accentuée en raison de son âge puisqu’elle « à une étape cruciale de [son] développement personnel »[105].
[173] La sexologue a toutefois conclu que les gestes ont été posés par opportunisme et non en vue de faciliter un rapport sexuel complet. De plus, aucune déviance sexuelle envers les personnes mineures n’a été observée[106].
[174] L’intimé a plaidé coupable évitant ainsi à cette jeune victime de se présenter devant le tribunal avec tout le stress que cela comporte. Il s’agit d’un facteur qui tend à mitiger sa culpabilité morale, mais devant la preuve accablante constituée des messages texte, cet effet est atténué[107].
[175] La réhabilitation de l’intimé est également un élément à considérer. Suite aux événements, il a fait une tentative de suicide et débuté un suivi avec le psychologue Patrick Boucher dont une lettre a été déposée par la défense[108]. On peut y lire que l’intimé est suivi depuis septembre 2017 et que les raisons du passage à l’acte font partie de ce suivi. Le psychologue souligne la capacité d’introspection de l’intimé et la reconnaissance des impacts négatifs chez la victime et leur entourage familial. L’intimé a aussi témoigné à ce sujet.
[176] En résumé, le leurre commis par l’intimé est constitué de gestes répétés qui se sont déroulés sur 10 jours et ont pris fin à l’initiative de la victime une fois que l’accusé a dépassé le leurre et commis des attouchements sexuels à son endroit.
[177] Ces faits constituent un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix-huit ans et dans ce cas, la peine infligée doit donner préséance aux objectifs de dénonciation et de dissuasion comme l’exigent les articles 718.01 et 718.2a)(ii.1) C. cr.
[178] La Cour d’appel du Québec rappelait l’importance de ces objectifs dans l’arrêt Rayo où elle indiquait que « [l]e bien-être des enfants doit avoir préséance sur d’autres considérations, dont la réhabilitation, sans les écarter, dans la détermination de la peine, y compris pour l’infraction de leurre »[109].
[179] Le principe de dissuasion générale ne doit cependant pas exclure l’exercice essentiel de l’individualisation de la peine[110].
[180] Par ailleurs, le juge qui inflige une peine a le devoir d’analyser si une peine non privative est appropriée puisque l’incarcération n'est pas toujours nécessaire pour dénoncer et dissuader à commettre un crime[111].
[181] Par exemple, une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité peut revêtir un caractère dissuasif et punitif lorsqu'elle est encadrée par des conditions rigoureuses[112].
[182] Toutefois, en considérant la fourchette des peines applicables en matière de leurre, la gravité objective et subjective du crime reproché à l’intimé ainsi que les principes législatifs, dont les objectifs de dissuasion et de dénonciation devant être priorisés, la peine appropriée qu’il convient d’imposer en est une d’emprisonnement ferme.
[183] Une peine d’incarcération d’environ 4 mois est un quantum qui tient compte des objectifs de dénonciation et de dissuasion, des facteurs aggravants, dont le passage à l’acte, l’abus de confiance et l’abus d’autorité, mais aussi du choix du mode de poursuite par procédure sommaire à l’endroit d’un seul chef d’accusation.
[184] Cette peine reflète également le faible risque de récidive de l’intimé, son respect des conditions de mise en liberté depuis le 22 août 2017 et son investissement dans une thérapie pour concrétiser sa réhabilitation.
[185] L’intimé a contesté la constitutionnalité de la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement pour le leurre poursuivi par voie de déclaration sommaire de culpabilité en vertu de le l’alinéa 172.1(1)a)(2)b) C. cr.
[186] Il est d’avis que cette peine minimale contrevient à l’article 12 de la Charte.
[187] Une « disposition prévoyant une peine minimale obligatoire dont on allègue l’inconstitutionnalité parce qu’elle infligerait une peine cruelle et inusitée contrairement à l’art. 12 de la Charte commande une analyse en deux étapes »:
1) Premièrement, déterminer ce qui constituerait une peine proportionnée à l’infraction eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine établis par le Code criminel;
2) Deuxièmement, décider si la disposition contraint à l’infliction d’une peine totalement disproportionnée à la peine juste et proportionnée. [113]
[188] Dans l’affirmative, la disposition en cause est incompatible avec l’article 12 et de ce fait inopérante, sauf justification par application de l’article premier de la Charte.
[189] La peine ou ses effets doivent être exagérément disproportionnés à ce qui aurait été approprié, c’est-à-dire être « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine, en plus d’être odieuse ou intolérable pour la société »[114].
[190] Dans l’arrêt Smith, le juge Lamer donne un aperçu de ce qui doit être pris en considération pour décider si une peine est exagérément disproportionnée, soit :
1) la gravité de l'infraction commise,
2) les caractéristiques personnelles du contrevenant et
3) les circonstances particulières de l'affaire.[115]
[191] La question est de déterminer quelle peine aurait été appropriée pour punir, réhabiliter ou dissuader le contrevenant ou pour protéger le public contre ce dernier[116].
[192] Le premier juge a considéré que le sursis de la peine avec une probation de 2 ans et 150 heures de travaux communautaires était une sanction appropriée. De ce fait, il a arrêté son analyse à la première étape de l’arrêt Nur en jugeant la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement exagérément disproportionnée dans la situation de l’intimé.
[193] Dans l’analyse des précédents moyens d’appel, cette Cour a jugé cette peine manifestement non indiquée et déterminé qu’une nouvelle peine d’environ 4 mois d’emprisonnement ferme était appropriée.
[194] Une nouvelle analyse de la première étape de l’arrêt Nur est donc requise sur la base de cette peine afin de déterminer si la peine minimale obligatoire de 6 mois constitue une peine cruelle et inusitée à l’endroit de l’intimé.
[195] L’article 12 de la Charte accorde « une grande protection contre l’infliction de peines qui sont excessives au point d’être incompatibles avec la dignité humaine »[117], mais une peine simplement disproportionnée ou excessive ne suffit pas pour contrevenir à cette protection constitutionnelle.
[196] La constitutionnalité de la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement en matière de leurre pris par voie sommaire n’a pas été définitivement tranchée.
[197] Dans l’arrêt Morrison, la juge Karakatsanis qui a suivi le jugement de la majorité sur les autres questions, aurait déclaré inconstitutionnelle la peine d’emprisonnement minimale d’un an (par acte criminel). Elle ne s’est toutefois pas prononcée eu égard au mode de poursuite par procédure sommaire[118].
[198] L’analyse de la constitutionnalité des peines minimales obligatoires en vertu de l’article 12 de la Charte requiert la déférence à l’endroit des choix de politique générale du législateur relativement à l’infliction des peines[119].
[199] La peine minimale contestée doit être plus que simplement excessive ou disproportionnée. Le critère de la peine cruelle et inusitée est un critère strict et exigeant visant à ne pas entraver la discrétion du législateur[120].
[200] Il est reconnu que « [l]e principe de proportionnalité offre un repère inestimable au juge soucieux d’infliger une peine juste à l’intérieur des limites que fixe le législateur ». Malgré tout, il ne constitue « pas un principe constitutionnel prépondérant qui permet au tribunal de faire abstraction des normes de sanction établies par le législateur. Ces normes ne peuvent être appréciées qu’au regard de l’art. 12 »[121].
[201] L’effet concret de la peine sur l’intimé doit montrer en quoi une peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement serait cruelle et inusitée à son endroit. Cette démonstration n’a pas été faite.
[202] Il y a lieu de conclure qu’une peine d’emprisonnement ferme de 6 mois plutôt que celle jugée appropriée d’environ 4 mois pour la situation de l’intimé n’est pas exagérément disproportionnée au point où les Canadiens en seraient outrés.
[203] Il convient ainsi de poursuivre l’analyse sur la base des trois situations soumises afin de déterminer si cette peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement se situe à l’intérieur de la gamme des peines généralement imposées en des circonstances similaires ou si elle est peut constituer une peine cruelle et inusitée.
[204] Le test visant à examiner si une règle de droit contrevient à l’article 12 de la Charte est de déterminer si cette peine minimale est exagérément disproportionnée à la peine qui convient au contrevenant, ou que ses applications raisonnablement prévisibles infligeront à d’autres personnes des peines exagérément disproportionnées[122].
[205] C'est encore à la partie qui conteste la validité de la disposition législative qu'incombe la charge d'établir l'existence d'une situation hypothétique raisonnable dans laquelle l'application de la loi irait à l'encontre de l'article 12 en raison du caractère excessif ou exagérément disproportionné de la peine.
[206] Le premier juge a conclu au caractère exagérément disproportionné de la peine minimale obligatoire sur la base de celle qu’il jugeait appropriée pour l’intimé. Il ne s’est pas penché sur des applications raisonnables et a souligné qu'aucune hypothèse réaliste n'avait été valablement soumise parce que l'intimé référait à des cas jurisprudentiels.
[207] Un tel raisonnement a été rejeté par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Trottier où elle se référait aux décisions produites dans les cahiers de sources de l’intimé pour « illustrer des situations raisonnablement prévisibles justifiant une déclaration d’inopérabilité de la peine minimale »[123].
[208] Les parties conviennent de procéder de la même façon dans le présent appel puisque les cas jurisprudentiels répertoriés par l’intimé sont pertinents à l'analyse de la constitutionnalité d'une peine minimale obligatoire en matière de leurre. En effet, lorsque d’autres tribunaux se sont livrés à l'analyse de certaines hypothèses réalistes, il devient inutile de spéculer sur de nouvelles hypothèses[124].
[209] À la première étape du test de l’arrêt Nur, il n’est pas nécessaire d’attribuer des valeurs précises à la peine, particulièrement « dans le cas d’une situation hypothétique raisonnable revêtant un degré élevé de généralité ». À la deuxième étape, il faut déterminer si la peine minimale obligatoire implique d’infliger « une peine exagérément disproportionnée à l’infraction et aux circonstances de sa perpétration »[125].
[210] Les circonstances hypothétiques raisonnables ne doivent pas être des situations invraisemblables ou difficilement imaginables[126].
[211] Dans l’arrêt Lloyd, on a plutôt parlé « [d’]applications raisonnablement prévisibles » de la disposition législative[127].
[212] Au final, « [i]l faut seulement se demander s’il est raisonnablement prévisible que la disposition prévoyant une peine minimale obligatoire inflige une peine totalement disproportionnée dans le cas de certaines personnes, de sorte qu’elle contreviendrait à l’art. 12 »[128].
[213] Les trois cas hypothétiques qui découlent de la jurisprudence sur lesquels l’intimé invite la Cour à se prononcer sont répertoriés dans les affaires Hood, John et Randall.
[214] Dans un premier temps, il y a l'arrêt Hood[129] où la Cour d'appel de Nouvelle-Écosse a confirmé une peine de 15 mois d’emprisonnement à purger dans la communauté imposée à une délinquante souffrant de troubles mentaux (« Bipolar Mood Disorder »). Il s’agissait d’infractions d’ordre sexuel impliquant deux de ses étudiants âgés de 15 et 17 ans. Contrairement au juge d’instance, la Cour d’appel a conclu que cette peine ne contrevenait pas à l’article 12 de la Charte dans la situation de l’accusée[130].
[215] La Cour d’appel de Nouvelle-Écosse a donc élaboré l'hypothèse suivante : une nouvelle professeure d'école secondaire dans sa fin vingtaine, sans antécédents judiciaires et avec les mêmes problèmes de santé mentale que l’accusée Hood, développe une relation par message texte avec un élève âgé de 15 ans. La conversation devient de nature sexuelle. Ils se rencontrent une fois et certains gestes de nature sexuelle sont posés. L’accusée plaide coupable et a des remords sincères. Selon la Cour d’appel, il conviendrait dans un tel scénario de surseoir à la peine avec une probation comportant de strictes conditions ou d’imposer courte peine d'incarcération. Dans ce cas hypothétique, la peine minimale obligatoire de 12 mois serait exagérément disproportionnée[131].
[216] Ce constat de la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse est une analyse éclairante du caractère exagérément disproportionné que peut avoir une peine minimale obligatoire d’un an d’emprisonnement concernant un acte criminel, et cette conclusion s’applique mutatis mutandis au leurre punissable par procédure sommaire.
[217] En effet, cette hypothèse pourrait raisonnablement s’appliquer à l’alinéa 172.1(2)b) considérant entre autres le type de gestes reprochés, le plaidoyer de culpabilité et l’absence d’antécédents judiciaires.
[218] Dans un tel cas, la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement serait sans aucun doute exagérément disproportionnée.
[219] Aux yeux de la majorité des Canadiens, une peine de 6 mois d’emprisonnement peut constituer une importante privation de liberté, intolérable et choquante. Le tout dépend des circonstances des hypothèses raisonnables soumises[132].
[220] Le deuxième cas hypothétique soumis par l’intimé réfère à l'arrêt John[133] de la Cour d'appel de l'Ontario qui a reconnu l’inconstitutionnalité de la peine minimale d’emprisonnement de 6 mois de l’alinéa 163.1(4)a) C. cr. pour la possession d’images et vidéos de pornographie juvénile.
[221] Il s’agissait de la peine prévue en 2014 lorsque l’infraction était portée par voie d’acte criminel. La peine de 10 mois d’emprisonnement a été confirmée en appel. L’accusé était âgé de 29 ans, présentait des problèmes psychiatriques, n’avait pas d’antécédents judiciaires, démontrait des remords sincères et continuait des démarches thérapeutiques.
[222] Pour conclure à l’inconstitutionnalité de cette peine minimale, la Cour d'appel de l'Ontario a retenu trois scénarios. Le premier est celui d'un individu de 18 ans qui ne fait que recevoir et conserver un « sexto » de sa copine âgée de 17 ans. L’intimé soumet que dans la mesure où le « sexto » est sollicité par l'individu de 18 ans, cela implique une infraction de leurre informatique. Pourtant, le scénario décrit par la Cour d’appel de l’Ontario ne révèle aucun fait pouvant l’assimiler à du leurre. En conséquence, il n’y a pas lieu de retenir ce cas hypothétique aux fins de la présente analyse.
[223] Le troisième et dernier cas est celui de l'affaire Randall[134] où l'accusé était un père de famille âgé de 50 ans, sans antécédents judiciaires qui avait lui-même été victime d’abus sexuel dans sa jeunesse. Il avait entrepris un suivi thérapeutique et présentait un faible risque de récidive. Il a développé une relation virtuelle avec une agente double se faisant passer pour une jeune de 15 ans. Leurs discussions étaient de nature sexuelle et ils ont convenu de se rencontrer. C’est à ce moment que l’accusé a été arrêté. Le tribunal a imposé une peine de 90 jours à être purgés de manière discontinue ainsi qu'une probation de 3 ans qui incluait un couvre-feu pour la première année et l’exécution de 120 heures de travaux communautaires.
[224] Cette troisième hypothèse reflète aussi une situation où la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement est exagérément disproportionnée.
[225] Le fait de purger le double de la peine appropriée, de surcroit sans possibilité de la purger de façon discontinue afin de maintenir et solidifier les acquis de réhabilitation, constitue une peine exagérément disproportionnée[135].
[226] L’analyse de ces applications raisonnablement prévisibles démontre que la disposition qui prévoit la peine minimale obligatoire de 6 mois en matière de leurre (alinéa 172.1(2)b)) est problématique en ce qu’elle « s’applique à une vaste gamme de comportements potentiels »[136] ce qui la rend « vulnérable sur le plan constitutionnel »[137].
[227] Le contexte, la durée, le contenu et la culpabilité morale des participants peuvent être très variés comme le démontre la jurisprudence.
[228] En conséquence, deux des trois cas hypothétiques raisonnables démontrent que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(2)b) C. cr. contraint à infliger une peine exagérément disproportionnée à l’infraction et aux circonstances de sa perpétration[138].
[229] Cette peine minimale obligatoire contrevient à l’article 12 de la Charte puisqu’elle est susceptible de constituer un traitement cruel et inusité à l’égard de certains délinquants.
[230] « L'article 12 a pour effet d'assurer que chaque contrevenant se voie infliger une peine appropriée, ou tout au moins non exagérément disproportionnée, à sa situation particulière, alors que l'article premier permet de passer outre à ce droit afin de réaliser un objectif social important. »[139].
[231] Dans l’arrêt Nur, on indique que l’atteinte aux droits garantis par l’art. 12 peut être justifiée lorsque la loi a un objectif réel et urgent et que le moyen choisi est proportionnel à cet objectif[140].
[232] La Cour suprême a indiqué que le but d’interdire le leurre est de protéger les enfants en démasquant et en arrêtant « les prédateurs adultes qui rôdent dans l’Internet pour appâter des enfants et des adolescents vulnérables, généralement à des fins sexuelles illicites ». Elle a précisé que cet objectif est urgent et réel[141].
[233] Le moyen choisi par le législateur est l’imposition d’une peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement à l’alinéa 172.2(2)b) C. cr. en matière d’infraction punissable par procédure sommaire.
[234] Une loi est proportionnelle dans ces cas :
(1) lorsqu’il existe un lien rationnel entre le moyen choisi et cet objectif;
(2) que le moyen choisi est de nature à porter le moins possible atteinte au droit en question; et
(3) qu’il y a proportionnalité entre les effets préjudiciables de ses dispositions et leurs effets bénéfiques.[142]
[235] La Cour suprême dans Nur précise qu’il « sera difficile de démontrer qu’une peine minimale obligatoire jugée totalement disproportionnée sur le fondement de l’art. 12 est proportionnelle pour ce qui est de ses effets préjudiciables et de ses effets bénéfiques aux fins de l’article premier»[143].
[236] D’ailleurs, les appelants n’ont pas plaidé de justification eu égard à la peine minimale obligatoire de l’alinéa 172.1(2)b) dans le cadre d’une société libre et démocratique.
[237] « Il est effectivement difficile de concevoir comment une peine minimale obligatoire qui a été jugée exagérément disproportionnée parce qu’elle est incompatible avec le principe de la dignité humaine cher à la société canadienne pourrait constituer une atteinte justifiable au regard de l’article premier de la Charte »[144].
[238] En effet, cette peine minimale obligatoire ne porte pas atteinte le moins possible au droit garanti par l’art. 12 de la Charte puisqu’elle s’applique dans une « grande variété de situations où la culpabilité morale varie d’un délinquant à l’autre »[145].
[239] L’inexistence de moyens moins attentatoires d’atteindre l’objectif du législateur n’a pas été établie par les appelants, comme permettre l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans certains cas.[146]
[240] La Cour d’appel du Québec indiquait dans l’arrêt Ayotte qu’il est difficile de se résoudre à ce que « l’infliction d’une peine cruelle et inusitée à un seul citoyen de ce pays puisse être justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique comme la nôtre »[147].
[241] Il faut en conclure que l’atteinte au droit garanti par l’article 12 de la Charte n’est pas justifiée au regard de l’article premier et que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(2)b) C. cr. doit être déclarée invalide et inopérante aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982[148].
[242] Les parties ont fait le choix de ne pas demander à cette Cour de surseoir à l'exécution de la peine imposée à l'intimé en première instance.
[243] À ce jour, l'intimé a complété l'ensemble des 150 heures de travaux communautaires et il lui reste 9 mois de probation à purger sur un total de 24.
[244] L’intimé demande de rejeter l'appel tout en corrigeant l'erreur commise par le premier juge ou de suspendre l'exécution de la nouvelle peine imposée afin d'éviter son incarcération injuste[149].
[245] La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans l’arrêt Veysey a fait une revue exhaustive de la jurisprudence pertinente à « la question de savoir s’il y a lieu de suspendre, en appel, une peine d’incarcération lorsque le délinquant a déjà purgé la peine qui lui a été infligée au procès »[150].
[246] D’abord, il y a une règle générale « voulant qu’il soit injuste (« abusif et oppressif ») de réincarcérer un délinquant qui a purgé au complet la peine infligée au procès ». Il existe des circonstances exceptionnelles à cette règle et c’est « au Procureur général qu’il incombe d’établir que la réincarcération du délinquant ne constituerait pas un traitement abusif et oppressif »[151].
[247] Ensuite, il existe « une autre manière d’aborder la question consiste à reconnaître qu’il n’y a rien de fondamentalement injuste, abusif ou oppressif à contraindre un délinquant à purger la peine qui aurait dû lui être infligée en première instance » [152].
[248] La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a conclu « qu’il n’y a rien de fondamentalement abusif ou oppressif à incarcérer une personne qui a purgé une peine qui était manifestement inappropriée », sauf dans les cas pouvant donner lieu à une injustice[153].
[249] Les situations pouvant mener à une injustice en cas de réincarcération peuvent s’analyser entre autres à la lumière de quatre facteurs :
(1) la gravité des infractions pour lesquelles le délinquant a été condamné;
(2) la période de temps qui s’est écoulée entre le moment où le délinquant a recouvré sa liberté et la date à laquelle la cour d’appel entend et tranche l’appel de la peine;
(3) la question de savoir si des retards quelconques sont imputables à une des parties; et
(4) l’incidence de la réincarcération sur la réadaptation du délinquant.[154]
[250] Ces facteurs ont été repris par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Bergeron où on a fait mention des facteurs à considérer afin de déterminer si « une injustice résulterait de la réincarcération des coupables »[155].
[251] Il appert de la jurisprudence que devant « les instances où la suspension de l’exécution d’une peine appropriée a été sollicitée et refusée, il s’agissait habituellement de crimes contre la personne : agression sexuelle, attentat à la pudeur et grossière indécence contre des enfants, voies de fait graves à l’endroit de jeunes femmes ou homicide involontaire coupable. Par ailleurs, la suspension de l’exécution dans le cas d’une déclaration de culpabilité pour une infraction contre les biens ne suscite pas les mêmes sentiments » [156].
[252] Les facteurs énoncés dans Veysey permettent de déterminer qu’il n’y a pas lieu de suspendre l’exécution de l’ordonnance d’incarcération à l’endroit de l’intimé.
[253] Premièrement, l’infraction de leurre est d’une gravité importante et la culpabilité morale de l’intimé l’est également.
[254] Deuxièmement, l’intimé a purgé presque totalement sa peine qui consistait en l’exécution de 150 heures de travaux communautaires et une probation de 2 ans, mais il n’a jamais été incarcéré.
[255] Troisièmement, les parties ne sont pas responsables des délais depuis l’imposition de la peine. Il s’agit plutôt d’une circonstance exceptionnelle reliée à la pandémie mondiale qui a fait en sorte de repousser l’audition de l’appel.
[256] Quatrièmement, il n’y a pas eu de preuve voulant qu’une peine d’emprisonnement infligée à l’intimé serait de nature à affecter les chances de succès de sa réhabilitation et de sa réintégration dans la société.
[257] Récemment dans l’arrêt K.F. c. R, la Cour d’appel du Québec reprenait les propos tenus dans l’arrêt Veysey et indiquait « que la principale circonstance dans laquelle ce pouvoir exceptionnel est exercé est lorsque la peine d’emprisonnement prononcée en première instance est entièrement ou presque entièrement purgée »[157].
[258] Une distinction importante s’impose avec ces cas de jurisprudence.
[259] Nous ne sommes pas dans une situation de « réincarcération », mais plutôt d’incarcération puisque le premier juge a décidé de surseoir au prononcé de la peine en imposant une probation de 2 ans et 150 heures de travaux communautaires.
[260] Dans l’arrêt Dunn, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a néanmoins choisi d’adapter les critères de l’arrêt Veysey à un accusé qui n’avait pas reçu une peine privative de liberté en première instance afin de surseoir à la nouvelle peine imposée en appel[158].
[261] Les facteurs énoncés dans l’arrêt Veysey ne font pas clairement obstacle à ce que cette Cour fasse preuve de clémence, mais les objectifs importants de dénonciation et de dissuasion seraient relégués en second plan de façon à laisser subsister une peine inappropriée.
[262] Il n’y a pas lieu de surseoir au prononcé de cette peine ni de rejeter l’appel comme suggéré par l’intimé.
[263] Il convient plutôt d’imposer une peine dont le quantum et les modalités d’exécution tiennent compte des portions de la peine déjà purgées.
[264] L’intimé a toujours été un actif pour la société et il a choisi, avec succès jusqu’à présent, de s’investir dans la voie de la réhabilitation.
[265] Dans ces circonstances, il est difficile de voir l’intérêt de la société à favoriser une peine d’emprisonnement continue quand tous les paramètres sont mis en place pour éviter une récidive.
[266] Le but d’une peine en matière de leurre est de dénoncer et dissuader quiconque à commettre ces gestes, mais aussi de protéger la société en s’assurant d’individualiser la peine de façon à mettre un équilibre entre tous ces objectifs. Une peine d’incarcération à purger de façon discontinue atteint tous ces objectifs.
[267] Comme l’indiquait le juge Fish dans l’arrêt Middleton : « La peine discontinue établit un équilibre législatif entre la fonction de réprobation et de dissuasion du temps réellement passé en prison et celle de la réadaptation qui se traduit par la préservation de l’emploi du délinquant, de ses liens familiaux, ainsi que de ses obligations envers sa famille et la collectivité »[159].
[268] La Cour d’appel du Québec ajoutait ceci dans l’arrêt Daoust : « Il est indéniable qu'une peine discontinue participe aux objectifs pénologiques énumérés à l'article 718 C.cr. »[160].
[269] En conséquence, la peine appropriée qu’il convient d’imposer à l’intimé à cette étape du dossier est un emprisonnement de 90 jours à purger de façon discontinue ainsi qu’une probation d’une durée totale de 3 ans dont la partie déjà purgée sera retranchée.
[270] La peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Elle doit être individualisée, mais en même temps s’harmoniser avec les peines généralement imposées pour des infractions de même nature commises dans des circonstances semblables.
[271] Le premier juge a choisi de surseoir au prononcé de la peine à l’endroit de l’intimé en lui imposant une probation de 2 ans et 150 heures de travaux communautaires.
[272] La clémence de la peine, en elle-même, démontre que l’objectif de la réhabilitation a été placé au premier plan et rien dans le jugement ne justifie ou n’explique ce qui a permis au premier juge de s’écarter à ce point des objectifs de dénonciation et de dissuasion codifiés aux articles 718.01, 718.2a)(ii.1) et (iii) C.cr.
[273] Le principe d’harmonisation des peines est codifié à l’alinéa 718.2 b) C. cr. Il fait référence aux fourchettes de peines applicables établies par la jurisprudence qui s’est adaptée aux modifications législatives de la peine de leurre.
[274] Ce principe n’a pas été respecté par le premier juge qui s’est écarté de façon marquée des fourchettes de peines reconnues en matière de leurre et a omis d’appliquer les prescriptions des articles 718.01, 718.2a)(ii.1) et (iii) C.cr. qui exigent, lorsque l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de dix-huit ans, que la peine infligée donne préséance aux objectifs de dénonciation et de dissuasion.
[275] Ces articles n’empêchaient pas le premier juge de tenir compte des facteurs qui étaient favorables à l’intimé, dont sa situation familiale stable, son emploi et l’absence d’antécédents judiciaires[161].
[276] Cependant, le juge d’instance a commis des erreurs de droit en omettant de considérer un important facteur aggravant, soit le passage à l’acte en touchant les seins de la victime, et en qualifiant à tort de facteur atténuant « la courte durée du délit ».
[277] Il ne s’agit pas ici de simplement accorder un poids différent aux facteurs pertinents, mais plutôt de les qualifier adéquatement[162].
[278] Ces erreurs ont été déterminantes sur la peine infligée en ce qu’elles augmentent la gravité subjective et la culpabilité morale de l’intimé et ont conduit le premier juge à imposer une peine manifestement non indiquée.
[279] De plus, la motivation insuffisante du jugement de première instance ne permet pas de comprendre le choix de surseoir au prononcé de la peine et de déclarer inconstitutionnelle la peine minimale obligatoire.
[280] Ces erreurs nécessitent qu’une nouvelle peine appropriée soit déterminée par cette Cour[163], tout en répondant à la question soulevant l’inconstitutionnalité de la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(1)a)(2)b) C. cr. concernant le leurre poursuivi par voie d’infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité.
[281] En application de la première étape de l’arrêt Nur relatif à l’article 12 de la Charte, la peine appropriée n’a pas à avoir une valeur juste.
[282] Dans la situation de l’intimé, la Cour l’a établie à environ 4 mois d’emprisonnement ferme ce qui fait en sorte que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement ne constitue pas une peine cruelle et inusitée à son endroit.
[283] Néanmoins, deux situations hypothétiques raisonnables présentées par l’intimité démontrent que cette peine minimale obligatoire contrevient à l’article 12 de la Charte puisqu’elle est susceptible de constituer un traitement cruel et inusité à l’égard de certains délinquants et elle ne peut être sauvegardée par l’article premier.
[284] Ces hypothèses démontrent que l’alinéa 172.1(2)b) C.cr. infligerait une peine exagérément disproportionnée à certains contrevenants dans des situations raisonnablement prévisibles.
[285] Dans l’arrêt Lloyd, la Cour suprême a indiqué que « [p]lus la variété des comportements et des circonstances qui font encourir la peine minimale obligatoire est grande, plus cette peine est susceptible d’être infligée à des délinquants pour lesquels elle est exagérément disproportionnée »[164].
[286] En conséquence, il convient d’accueillir le pourvoi, d’annuler la peine infligée en première instance puisqu’elle est manifestement non indiquée, de déclarer la peine minimale obligatoire de l’alinéa 172.1(2)b) C.cr. inopérante puisqu’elle contrevient à l’article 12 de la Charte et de la remplacer par une peine appropriée.
[287] Compte tenu de la portion de la peine qui a déjà été purgée, la Cour considère que 90 jours d’emprisonnement à purger de façon discontinue avec une probation de 3 ans et l’exécution de 150 heures de travaux communautaires constitue une peine appropriée.
[288] Les travaux communautaires ayant déjà été exécutés et la probation étant encore en cours, sa durée totale sera de 3 ans et prendra fin le 21 novembre 2022, aux mêmes conditions prononcées en première instance.
[289] De plus, toutes les autres conclusions et ordonnances prononcées en première instance demeurent inchangées.
[290] Enfin, l’intimé devra se livrer aux autorités policières dans un délai de 7 jours à compter du moment du dépôt du présent jugement. Les modalités d’application de cette peine discontinue seront établies suite aux représentations des parties d’ici les 7 prochains jours après convocation de la Cour.
[291] ACCUEILLE l’appel;
[292] CONFIRME que la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue par l’alinéa 172.1(2)b) C.cr. est inopérante à l’égard de l’intimé au regard de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés qui n’est pas sauvegardée par l’application de l’article premier de la Charte;
[293] DÉCLARE invalide et inopérante la peine minimale obligatoire de 6 mois d’emprisonnement prévue à l’alinéa 172.1(2)b) C. cr. aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982;
[294] ANNULE la peine imposée en première instance;
[295] COMDAMNE l’intimé à purger 90 jours d’emprisonnement de façon discontinue et à une probation de 3 ans (devant se terminer le 21 novembre 2022) qui inclut l’exécution de 150 heures de travaux communautaires (déjà complétés);
[296] MAINTIENT les autres conditions, modalités et ordonnances prononcées en première instance;
[297] ORDONNE à l’intimé de se rapporter aux autorités policières d’ici 7 jours pour fins de bertillonnage[165];
[298] ORDONNE à l’intimé de se présenter au greffe de la Cour[166] d’ici 5 jours afin de signer sa nouvelle ordonnance de probation;
[299] LE TOUT sans frais.
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__________________________________mYRIAM LACHANCE, j.c.s. |
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Me Éric Bernier Bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales Procureur de l’APPELANTE-poursuivante |
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Me Maxime Seyer-Cloutier Bernard, Roy (Justice-Québec) |
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Procureur de l’APPELANT-mis en cause |
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Me Vincent R. Paquet |
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Procureur de l’INTIMÉ-accusé |
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Date de l’audition : |
21 janvier 2021 |
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[1] Jugement de première instance, 540-01-080712-170, 21 novembre 2019.
[2] Pièce P-1 : admissions.
[3] Rapport présentenciel du 14 décembre 2018 de Julie Pilote, agente de probation.
[4] Rapport d’évaluation sexologique du 11 octobre 2018 de Julie Langelier.
[5] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 25 et R. c. De La Cruz Hernandez, 2020 QCCA 1008, par. 4. Voir aussi St-Cyr c. R., 2018 QCCA 768, par. 21.
[6] R. c. Friesen, précité note 5, par. 27 et R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, par. 11, 41, 44 et 47.
[7] R. c. Friesen, précité note 5, par. 27.
[8] R. c. Lacasse, précité note 6. 1089, par. 52.
[9] Id., par. 52.
[10] R. c. Friesen, précité note 5, par. 26.
[11] R. c. Cormier, 2019 QCCA 72 citant R. c. Régnier, 2018 QCCA 306, par. 25 et R. c. Lacasse, précité note 6, par. 39, 52-53.
[12] R. c. Friesen, précité note 5, par. 26.
[13] Id., par. 26.
[14] R. c. Legare, [2009] 3 R.C.S. 551, par. 28.
[15] Id., par. 29.
[16] Id., par. 28.
[17] R. c. Levigne, [2010] 2 R.C.S. 3, par. 24.
[18] R. c. Morrison, 2019 CSC 19, par. 2.
[19] R. c. Nur, [2015] 1 RCS 773, par. 40-42 et 46 ; R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, par. 23.
[20] R. c. Lacasse, précité note 6, par. 56.
[21] R. c. Friesen, précité note 5, par. 109-110.
[22] R. c. Bergeron, 2013 QCCA 7, par. 87-88.
[23] R. c. L.M., 2008 CSC 31, par. 36.
[24] R. c. Lacasse, précité note 6, par. 51.
[25] R. c. Calderon, 2015 QCCA 1573, par. 30.
[26] R. c. Friesen, précité note 5, par. 37, citant R. c. McDonnell, 1997 CanLII 389 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 948, par. 33; R. c. Wells, 2000 CSC 10, [2000] 1 R.C.S. 207, par. 45; R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, [2010] 1 R.C.S. 206, par. 44; R. c. Lacasse, précité note 6, par. 60.
[27] R. c. Friesen, précité note 5.
[28] Montour c. R., 2020 QCCA 1648.
[29] R. c. C.C.H., 2020 BCCA 162, par. 31. Voir aussi R. c. Friesen, précité note 5, par. 106.
[30] R. c. Boucher, 2020 ABCA 208, par. 19-20 : « [19] Going forward, Friesen provides important guidance on sentencing for sexual abuse of children. It should not, however, be read as a direction to appellate courts to re-sentence all offenders who had sentence appeals outstanding when Friesen was released. That would be inconsistent with Friesen’s confirmation of the standard of review. (…) [20] Friesen therefore has little direct impact on this appeal. The test is still whether the sentence under appeal is demonstrably unfit or based on an error in principle. »
[31] R. c. Friesen, précité note 5, par. 97, 99, 100 et 110; au même effet : R. c. Régnier, précité note 11, par. 40 et 41.
[32] St-Pierre c. R., 2008 QCCA 893, par. 9.
[33] R. c. Cardinal, 2012 QCCA 1838, par. 61.
[34] R. c. Bergeron, précité note 22. En 2011, la Cour d’appel d’Ontario avait établi cette fourchette entre 3 et 5 ans : R. v. Woodward, 2011 ONCA 610, par. 58.
[35] Perron c. R., 2015 QCCA 601, par. 23.
[36] R. c. Rayo, 2018 QCCA 824, par. 125.
[37] Montour c. R., précité note 28, par. 56.
[38] R. c. Morrison, précité note 18, par. 146.
[39] R. c. Dudley, [2009] 3 R.C.S. 570, par. 1-2.
[40] R. c. Carter, 2019 NLCA 39, par. 49 : « In addition, the sentence range for hybrid offences will vary based on the different minimum and maximum sentences, depending on whether the Crown proceeds summarily or by indictment”.
[41] Bouchard c. R., 2017 QCCA 1648, par. 42.
[42] Montour c. R., précité note 28, par. 55.
[43] R. c. Morrison, précité note 18, par. 160.
[44] Id., par. 162-192.
[45] Id., par. 184 citant R. v. Alicandro, 2009 ONCA 133, par. 2 et 49; R. c. Read, 2008 ONCJ 732, par. 29 et R. c. Dehesh, [2010] O.J. No. 2817 (C.S.J.), par. 9 (par infraction sommaire) ; R. v. S. (S.), 2014 ONCJ 184, par. 91 (par infraction sommaire).
[46] Id., citant R. c. El Jamel, 2010 ONCA 575, par. 2 et 20; R. v. Folino, 2005 CanLII 40543 (ON CA, par. 33; R. c. B. and S., 2014 BCPC 94, par. 42 et R. c. Danielson, 2013 ABPC 26, par. 89 (par infraction sommaire).
[47] Id., citant R. c. Pelletier, 2013 QCCQ 10486, par. 73.
[48] Id., par. 184, citant R. v. Hood, 2018 NSCA 18, par. 154.
[49] Jugement de première instance, par. 29.
[50] R. c. Morrison, précité note 18, par. 177. Voir aussi R. c. Carter, 2019 NLCA 39, par. 59.
[51] Hugues PARENT et Julie DESROSIERS, Traité de droit criminel, t. III, « La peine », 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2020, p. 869.
[52] R. c. Lacasse, précité note 6, par. 51 et R. c. Gravel, 2018 QCCA 1114, par. 27 : « Le juge ne commet pas d’erreur lorsqu’il affirme que « [l]e principe de la parité tolère une certaine disparité concernant des peines infligées à des délinquants ayant commis la même infraction si, bien entendu, les circonstances de l’affaire s’y prêtent » ».
[53] R. c. Friesen, précité note 5, par. 76. Voir aussi R. c. Morrison, précité note 18, par. 79.
[54] Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 172.1, (2002) ch. 13, art. 8; (2007), ch. 20, art. 1; (2008), ch. 6, art. 14; (2012), ch. 1, art. 22; (2014), ch. 25, art. 9; (2015), ch. 23, art. 11
[55] R. c. Rayo, précité note 36, par. 175. Voir aussi R. c. Régnier, précité note 11, par. 39-44.
[56] R. c. Rayo, précité note 36, par. 175.
[57] R. c. Lacasse, précité note 5, par. 53; R. c. Friesen, précité note 5, par. 88 et 90 et R. c. Morrisey, [2000] R.C.S. 90, par. 36
[58] St-Cyr c. R., précité note 5, par. 44.
[59] Jugement de première instance, par. 30 à 34.
[60] R. c. Rayo, précité note 36, par. 171.
[61] La preuve révèle plutôt une période de 10 jours.
[62] Jugement de première instance, par. 35 à 45.
[63] R. c. Suter, [2018] 2 R.C.S. 496, par. 47 : « À mon avis, une conséquence indirecte s’entend de toute conséquence découlant de la perpétration d’une infraction, de la déclaration de culpabilité pour une infraction ou de la peine infligée pour une infraction, que peut subir le délinquant » et par. 48.
[64] R. c. Friesen, précité note 5, par. 131 à 133.
[65] Id., par. 27 : « Dans un tel cas, le fait que la peine existante ne soit manifestement pas indiquée ou qu’elle se situe à l’extérieur de la fourchette des peines infligées auparavant ne constitue pas une condition préalable supplémentaire requise pour justifier l’intervention de la cour d’appel ».
[66] R. c. Cardinal, précité note 33, par. 58.
[67] Béliveau c. R., 2016 QCCA 1549, par. 158 citant R. c. R.E.M. [2008] 3 R.C.S. 3, par. 13; R. c. Cardinal, précité note 33, par. 34-35.
[68] R. c. Cardinal, précité note 33, par. 37 citant R. c. Lachance, 2005 QCCA 638, par. 31.
[69] R. c. Ayotte, 2019 QCCA 1241, par. 27 citant R. c. Lloyd, précité note 19, par. 40 à 43.
[70] Jugement de première instance, par. 18 à 22.
[71] R. c. Maltais, 2014 QCCA 1944, R. c. Pelletier, 2013 QCCQ 10486 et R. c. Morel, 2013 QCCQ 2259.
[72] Jugement de première instance, par. 13 citant R. v. Randall, 2018 ONCJ 470.
[73] R. c. Morrison, précité note 18, par. 183.
[74] LSJPA — 1840, 2018 QCCA 1985, par. 84 citant R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, par. 25.
[75] R. c. Cardinal, précité note 33, par. 37. Voir aussi R. v. Holloway, 2014 ABCA 87, par. 38.
[76] St-Cyr c. R., précité note 5, par. 45.
[77] Id., par. 45.
[78] Id., par. 44.
[79] R. c. Lacasse, précité note 6, par. 39 et R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, par. 38.
[80] R. c. L.M., précité note 23, par. 15.
[81] R. c. Cardinal, précité note 33, par. 57.
[82] R. c. Bérubé-Gagnon, 2020 QCCA 1382, par. 13 citant R. c. Pham, 2013 CSC 15; R. c. Ipeelee, précité note 79, paragr. 37.
[83] R. c. Lacasse, précité note 6, par. 53.
[84] Ibid.
[85] Ibid.
[86] Ibid.
[87] R. c. Ipeelee, précité note 79.
[88] Jugement de première instance, par. 16-17.
[89] Jugement de première instance, par. 27.
[90] Jugement de première instance, par. 27, 31 à 33.
[91] R. c. Ipeelee, précité note 79, par. 38.
[92] R. c. Cardinal, 33, par. 57.
[93] R. c. Rayo, précité note 36, par. 89.
[94] R. c. Duclos, 2019 QCCQ 5680 et R. c Grenier, 2019, QCCQ 6622.
[95] R. c. Nadeau, 2020 QCCA 445, par. 57.
[96] R. c. Friesen, précité note 5, par. 104.
[97] R. c. Lloyd, précité note 19, par. 23, citant R. c. Nur, précité note 19, par. 46.
[98] Ayotte c. R., précité note 69, par. 27. Voir aussi Y.P. c. R., 2019 QCCA 1506, par. 28.
[99] Rapport d’évaluation sexologique de Julie Langelier du 11 octobre 2018, p. 3.
[100] Rapport d’évaluation sexologique de Julie Langelier du 11 octobre 2018, p. 10.
[101] R. c. Friesen, précité note 5, par. 126.
[102] Rapport d’évaluation sexologique de Julie Langelier du 11 octobre 2018, p. 10.
[103] Jugement de première instance, par. 46.
[104] R. c. Rayo, précité note 36, par. 168.
[105] Y.P. c. R., précité note 98, par. 40 citant R. c. Bergeron, précité note 22, par. 37.
[106] Rapport d’évaluation sexologique de Julie Langelier du 11 octobre 2018, pp. 10-11.
[107] J.V. c. R., 2014 QCCA 1828, par. 33.
[108] Pièce D-5. Rapport d’évolution de suivi psychologique de Patrick Boucher daté du 25 avril 2019.
[109] R. c. Rayo, précité note 36, par. 109.
[110] R. c. Dubuc, 2020 QCCA 316, par. 12. Voir aussi R. c. D.B., 2013 QCCA 2199, par. 40.
[111] R. c. Knott, 2012 CSC 42, par. 10. Voir aussi St-Cyr c. R., précité note 5, par. 47.
[112] R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, par. 105 et 107.
[113] R. c. Nur, précité note 19, par. 40-42 et 46 ; R. c. Lloyd, précité note 19, par. 23.
[114] R. c. Boudreault, [2018] 3 R.C.S. 599, par. 45, citant R. c. Lloyd, précité note 19, par. 22 et 24, et R. c. Morrisey, précité note 57, par. 26.
[115] R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, par. 56.
[116] Id, par. 59 et 104. Voir aussi Bissonnette c. R., 2020 QCCA 1585, par. 76.
[117] R. c. Morrisey, précité note 57, par. 26 citant : R. c. Smith, précité note 115, 1072; et R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485, 499; R. c. Luxton, [1990] 2 R.C.S. 711, 724.
[118] R. c. Morrison, précité note 18, par. 161 à 163. La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Morrison avait déclaré que la peine minimale de 12 mois (pour un acte criminel) pour leurre violait l’article 12 de la Charte et n’était pas sauvegardée par l’article premier. (R. c. Morrison, 2017 ONCA 582). La Cour suprême a décidé de ne pas tranché la question de la peine minimale obligatoire puisqu’un nouveau procès a été ordonné.
[119] R. c. Nur, précité note 19, par. 144.
[120] Id., par. 39; R. c. Lloyd, précité note 19, par. 24.
[121] R. c. Lloyd, précité note 19, par. 43.
[122] R. c. Nur, précité note 19, par. 39 et 77; R. c. Lloyd, précité note 19, par. 22.
[123] R. c. Trottier, 2020 QCCA 703, par. 79-80.
[124] R. c. Nur, précité note 19, par. 72. Au même effet, voir R. c. Ayotte, précité note 69, par. 80; R. c. JED, 2018 MBCA 123, par. 94; R. c. Webber, 2019 NSSC 265, par. 66 et ss.
[125] R. c. Lloyd, précité note 19, par. 23.
[126] R. c. Goltz, précité note 117, 506.
[127] R. c. Lloyd, précité note 19, par. 22 et 25.
[128] R. c. Nur, précité note 19, par. 57.
[129] R. v. Hood, précité note 48.
[130] Id. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a déterminé qu’une peine d’emprisonnement dans la collectivité constitue tout de même une peine d’emprisonnement au sens de l’arrêt Proulx. L’écart entre un emprisonnement avec sursis de 15 mois et la peine minimale obligatoire d’un an n’était donc pas exagérément disproportionné au sens de l’article 12 de la Charte. À l’effet contraire voir : R. c. Dubé-Gravel, 2019 QCCQ 7918, par. 51-53 : en se référant à l’arrêt Proulx, la juge a conclu au caractère exagérément disproportionné de la peine minimale obligatoire de 6 mois face à la peine appropriée de six mois d’emprisonnement à être purgée dans la collectivité; R. v Swaby, 2017 BCSC 2020, par. 138 (confirmé en appel R. v. Swaby, 2018 BCCA 416 et demande d’autorisation d’en appeler rejetée, 2019 CanLII 55715 (SCC)) : « The loss of the option of serving a custodial sentence in the community, in appropriate circumstances, can result in a mandatory minimum sentence being grossly disproportionate ».
[131] R. v. Hood, précité note 48, par. 150, 154 et 156.
[132] R. c. John, 2018 ONCA 702, par. 39.
[133] Id., par. 29.
[134] R. c. Randall, précité note 72.
[135] R. v. John, précité note 132, par. 40; R. v. C.D.R., 2020 ONSC 645, par. 38 et R. v. Ward, 2019 NSPC 72, par. 62, 70 et 78. À l’effet contraire R. v. Booth, 2019 BCPC 160, par. 68 et 73 où la Cour considère que 3 mois d’incarcération n’est pas une peine grossièrement disproportionnée dans le cas de l’accusé face à une peine minimale de 6 mois d’emprisonnement (172.1(2)b) C. cr.), mais qu’elle l’est dans des situations hypothétiques raisonnables. Le fait de purger la peine de façon discontinue n’a pas été spécifiquement abordé, mais c’est ce qui a été imposé, soit 90 jours à purger de façon discontinue.
[136] R. c. Nur, précité note 19, par. 82.
[137] R. c. Lloyd, précité note 19, par. 35.
[138] Id., par. 23.
[139] R. c. Smith, précité note 115, par. 56.
[140] R. c. Nur, précité note 19, par. 111.
[141] R. c. Morrison précité note 18, par. 65, citant entre autres R. c. K.R.J., [2016] 1 R.C.S. 906, par. 66.
[142] R. c. Nur, précité note 19, par. 111, citant R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
[143] Ibid.
[144] La juge Karakatsanis dans R. c. Morrison, précité note 18, par. 188, citant R. c. Nur, précité note 19, par. 111. Voir aussi R. c. Boudreault, précité note 114, par. 97 : « […] il serait aussi inutile que peu judicieux d’entreprendre une analyse fondée sur l’article premier, surtout compte tenu du fait qu’une atteinte à l’art. 12 ne pourra se justifier en vertu de l’article premier que dans de très rares cas : Nur, par. 111 ».
[145] R. c. Lloyd, précité note 19, par. 49.
[146] Ibid.
[147] Ayotte c. R., précité note 69, par. 119.
[148] Ontario (Procureur général) c. G, 2020 CSC 38, par. 114, motifs de la juge Karakatsanis : « En adoptant une disposition qui prescrit une peine minimale obligatoire, le législateur veut retirer aux juges leur pouvoir discrétionnaire en la matière. Ainsi, le fait d’adapter une déclaration de manière à rétablir ce pouvoir discrétionnaire dénaturerait la disposition en cause, qui ne serait alors plus conforme à son objectif législatif (R. c. Ferguson, 2008 CSC 6, [2008] 1 R.C.S. 96, par. 50 et 53) ». Voir aussi R. c. Lloyd, précité note 19, par. 15 : « Un juge d’une cour provinciale n’est pas habilité à faire une déclaration formelle selon laquelle une règle de droit est inopérante en application du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Seul possède ce pouvoir un juge d’une cour supérieure ayant une compétence inhérente ou d’un tribunal qui en est légalement investi ».
[149] LSJPA — 1523, 2015 QCCA 1242, par. 38 citant R. c. Proulx, précité note 112, par. 132; R. c. R.N.S., [2000] 1 R.C.S. 149, par. 24; R. c. R.A.R., [2000] 1 R.C.S. 163, par. 35; R. c. Veysey, 2006 NBCA 55, par. 18 et R. v. Shalley, 2005 MBCA 150, par. 25-29. Voir aussi R. c. Shi, 2015 ONCA 646, par. 13; R. c. Forget, 2016 QCCS 4445, par. 27; R. c. Smickle, 2014 ONCA 49, par. 10; R. c. Ghadban, 2015 ONCA 760, par. 24 et R. c. Ramta, 2017 ONCA 580, par. 23.
[150] R. c. Veysey, 2006 NBCA 55, par. 31.
[151] Id., par. 31.
[152] Ibid.
[153] Id., par. 32.
[154] Ibid.
[155] R. c. Bergeron, précité note 22, par. 50.
[156] R. c. Veysey, précité note 150, par. 34.
[157] K.F. c. R., 2021 QCCA 67, par. 33-34.
[158] R. c. Dunn, 2011 NBCA 19, par. 24. Voir au même effet : R. v. G. C. F., 2004 CanLII 4771 (ON CA), par. 35.
[159] R. c. Middleton, [2009] 1 R.C.S. 674, par. 45.
[160] R. c. Daoust, 2012 QCCA 2287, par. 4.
[161] R. c. Rayo, précité note 36, par. 111.
[162] R. c. Lacasse, précité note 6, par. 44; R. c. Friesen, précité note 5, par. 26. Et R. c. Ivlev, 2020 QCCA 1184, par. 17, citant R. c. Nasogaluak, précité note 26, par. 46.
[163] R. c. Lacasse, précité note 6, par. 44 à 46.
[164] R. c. Lloyd, précité note 19, par. 24.
[165] Service de police de Laval, 2911 Boulevard Chomedey à Laval (Québec) H7P 0B8, le mercredi 3 mars 2021 à 9h00, dossier LVL-[...].
[166] Palais de justice de Laval.
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