Immobilière Cap 21 inc. c. Depelteau |
2019 QCRDL 3824 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
432237 31 20181212 G |
No demande : |
2649514 |
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Date : |
06 février 2019 |
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Régisseure : |
Marilyne Trudeau, juge administrative |
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Immobilière Cap 21 Inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Huguette Depelteau |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice demande la résiliation du bail, l’émission d’une ordonnance, l’exécution provisoire malgré l’appel et les frais judiciaires.
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er avril 2014 au 30 juin 2015 au loyer mensuel de 460 $, reconduit jusqu’au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 470 $.
[3] Il s’agit d’un immeuble de huit logements.
Question en litige
[4] Le comportement de la locataire justifie-t-il la résiliation du bail?
Allégations des parties
[5] La locatrice demande la résiliation du bail en raison du comportement de la locataire.
[6] En effet, celle-ci fume dans les corridors et dans l’embrasure de la porte d’entrée de l’immeuble, laissant entrer le froid en période hivernale. Malgré l’envoi de deux mises en demeure envoyées les 22 novembre 2018 et 1er décembre 2018, la locataire refuse de s’amender. De plus, elle se déplace dans l’immeuble en frappant sur les rampes et les murs avec sa canne, dérangeant les autres locataires de l’immeuble. Elle ne nettoie pas la cuve de la lessiveuse, laissant la tâche au locataire suivant. La locataire et son fils intimident et insultent les autres locataires. Son témoignage est corroboré par celui de quatre autres locataires.
[7] La locataire ne permet pas à la locatrice ou à ses mandataires d’accéder au logement après avoir déposé une plainte auprès de la Ville de Montréal et une demande au présent Tribunal concernant un problème de chauffage.
[8] La locataire affirme, malgré la présence des affiches l’interdisant, avoir le droit de fumer dans les aires communes, puisque la Loi sur le tabagisme dans les lieux publics n’est pas applicable dans l’immeuble. Elle ajoute ne jamais frapper contre les murs avec sa canne et admet ne pas nettoyer la lessiveuse à l’instar des autres locataires, étant de trop petite taille. Quant à l’accès au logement, celui-ci n’est plus nécessaire, car elle affirme ne plus avoir de problème de chauffage.
Analyse et décision
[9] Les
articles
Les nuisances
[10] L'article
[11] L'article
[12] L'article
[13] L'article
[14] L'article
[15] Le Tribunal a rappelé les principes applicables dans l'affaire Fata c. Chaouqi :
« En matière de bruit, le tribunal ne peut fonder son appréciation sur des considérations subjectives et doit chercher à déterminer si le locataire plaignant vit une situation qui, par sa répétition, insistance et ampleur, constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail. Cette analyse doit se fonder sur des critères objectifs et probants. Ce qui est incommodant pour certains peut ne pas l'être pour d'autres et, ainsi, le tribunal est appelé à se prononcer uniquement sur une situation extraordinaire et inhabituelle. » [1]
[16] En l’instance, la preuve a révélé que la locataire nuit à la jouissance paisible des lieux pour les autres occupants de l’immeuble. Les témoignages crédibles et concordants de quatre autres locataires démontrent qu’elle frappe avec sa canne sur les rampes et les barreaux d’escalier ainsi que dans les murs, et ce, de manière constante, nuisant à leur jouissance paisible des lieux. De plus, plusieurs locataires témoignent se sentir intimidés et s’être faits insultés par la locataire ou son fils.
[17] En raison de cette situation, les locataires envisagent de déménager.
La cigarette
[18] Mais il y a plus, la preuve non contredite démontre que la locataire fume dans les aires communes de l’immeuble, et ce, malgré la présence d’affiches interdisant clairement cette pratique.
[19] Or, la Loi sur le Tabac [L.R.Q. chapitreT-0.01] prévoit, à son article 2, par. 7°, une interdiction de fumer dans « les aires communes des immeubles d'habitation comportant six logements ou plus, que ces immeubles soient détenus en copropriété ou non ».
[20] Déjà en 2008, la Cour supérieure sous la plume du juge Normand Amyot dans l'affaire Koretsky c. Fowler écrivait ce qui suit :
« [88] Depuis quelques années, le législateur a prohibé l'usage du tabac dans les endroits publics. Cette interdiction de fumer inclut notamment:
a) les espaces communs des immeubles à logements contenant plus de six unités;
b) les espaces communs des résidences pour personnes âgées;
c) les garderies en résidences privées durant les heures où des enfants sont sur les lieux;
d) les automobiles dans lesquelles prennent place des enfants.
Si le législateur a ainsi prohibé l'usage du tabac dans la sphère publique, c'est qu'il reconnaît les risques que l'exposition à la fumée du tabac fait courir aux non-fumeurs.
Aucune loi n'interdit formellement à une personne de fumer dans son logement. Cependant, le droit du fumeur au respect de sa vie privée est limité par le droit des autres occupants d'un immeuble à jouir paisiblement de leur logement.
Cette jouissance paisible inclut le droit de ne pas subir les effets négatifs de la fumée. »[2]
[21] Dans cette même décision, le juge Amyot cite le juge Raoul Barbe concernant l'odeur de cigarette :
« [82] Relativement à la senteur de cigarette, le juge s'exprime ainsi :
"Quant à la senteur de cigarettes, il faut noter que la société devient de plus en plus sévère à l'égard des fumeurs; le Législateur a décrété des zones d'interdiction de fumer; il semble bien qu'un locateur pourrait édicter une telle prohibition dans ses logements puisqu'un fumeur ne peut quand même pas obliger ses voisins à être des fumeurs passifs, d'autant plus que la science médicale a maintenant établi que la cigarette et la fumée étaient une cause de cancer »[3].
[22] La soussignée adhère à ce qui précède et estime que la présence d'odeur de cigarette dans un immeuble et, possiblement, de fumée secondaire peut empêcher d'autres occupants de l'immeuble de jouir paisiblement de leur logement même si pour d'autres individus la fumée secondaire se tolère davantage. Ce qui est incommodant pour certains peut ne pas l'être pour d'autres.
[23] En l'occurrence, les témoignages sincères et crédibles des autres locataires de l’immeuble démontrent que le fait, pour la locataire, de fumer dans les aires communes trouble la jouissance normale des lieux en raison des odeurs fortes, persistantes et désagréables ainsi que du froid qu’elle laisse entrer en période hivernale, ce qui affecte leur qualité de vie et cause un préjudice sérieux.
[24] Dans les circonstances, considérant le refus de la locataire de s’amender malgré deux mises en demeure expédiées par la locatrice l’enjoignant à cesser de fumer dans les aires communes, de frapper avec sa canne, d’intimider et insulter les autres locataires ainsi que son déni de l’ensemble de ces problématiques lors de l’audience, le Tribunal estime que la résiliation du bail est justifiée.
[25] Considérant cette conclusion, le Tribunal ne se prononcera pas sur la demande d’ordonnance d’accès au logement de la locatrice.
[26] Le préjudice causé à la locatrice ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 L.R.L.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;
[28] RÉSILIE le bail intervenu entre les parties;
[29] ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;
[30] CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice les frais judiciaires de 85 $.
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Marilyne Trudeau |
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Présence(s) : |
le mandataire de la locatrice la locataire |
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Date de l’audience : |
17 janvier 2019 |
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