Décision

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Winners Merchants Inc. et Leblanc

2009 QCCLP 5250

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

28 juillet 2009

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

283313-64-0602

 

Dossier CSST :

127984029

 

Commissaire :

Pauline Perron, juge administratif

 

Membres :

Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Stéphane Marinier, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Winners Merchants inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Linda Leblanc

 

Partie intéressée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 1er novembre 2008, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c. A-3.001) (la Loi) à l’encontre d’une décision entérinant un accord rendue par la Commission des lésions professionnelles (le Tribunal) le 17 septembre 2008.

[2]                Par cette décision, le Tribunal accueille la requête de Winners Merchants inc. (l’employeur) et déclare que madame Linda Leblanc (la travailleuse) n’a pas subi de lésion professionnelle le 4 mai 2005.

[3]                La CSST, la travailleuse et l’employeur sont tous représentés lors de l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles sur la présente requête le 9 juin 2009. La cause est mise en délibéré à cette date.

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                La CSST demande la révocation de la décision rendue au motif qu’elle contient un vice de fond de nature à l’invalider.

LES FAITS ET L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[5]                Le litige entre les parties portait sur l’admissibilité de la réclamation de la travailleuse à titre de lésion professionnelle survenue le 4 mai 2005 et dont le diagnostic est celui d’un trouble dépressif avec anxiété importante.

[6]                La CSST, par sa décision initiale et celle rendue à la suite d’une révision administrative, avait reconnu la lésion professionnelle considérant : « que la situation décrite par la travailleuse constitue un événement imprévu et soudain, par le fait ou à l’occasion du travail, et présentant un caractère traumatique significatif. En effet, la situation décrite déborde objectivement du cadre normal, habituel ou prévisible de ce qui est susceptible de se produire dans tout milieu de travail ».

[7]                Par sa décision, le Tribunal entérine l’accord intervenu entre les parties et déclare que la travailleuse n’a pas été victime d’une lésion professionnelle le 4 mai 2005.

[8]                Dans l’accord au soutien de la décision, les parties conviennent de ce qui suit :

[2]        La travailleuse occupe le poste de directrice adjointe au marchandisage dans une succursale Winners tenue par l’employeur.

 

[3]        Le 27 mai 2005, la travailleuse signe le formulaire de la CSST « Réclamation du travailleur » et y décrit les événements au soutien de sa réclamation comme suit :

 

« Depuis un an, je subis surcharge de travail et responsabilités du au manque de personnel cadre et une rotation annuelle d’employés réguliers et temporaires à 97 %. Depuis avril, j’ai du gérer des situations menant au congédiement et à l’arrestation d’employés.  Je vis des troubles de fatigue, panique, concentration, tremblement, d’appétit et de peur. »

 

[4]        La travailleuse consulte de docteur Blouin le 25 mai 2005 et celui-ci pose le diagnostic de « trouble dépressif avec anxiété importante », prescrit une médication et un suivi par un psychologue.

 

[5]        Le 16 mai 2006, le docteur Martin Tremblay, psychiatre, procède à l’expertise médicale de la travailleuse à la demande de l’employeur et il déclare ce qui suit :

 

Synthèse

 

Madame Leblanc présente une diathèse anxieuse de longue date, qui a déjà nécessité un traitement dans une période d’exacerbation en 2000.

 

Elle a connu une nouvelle exacerbation de sa problématique anxieuse, qui semble avoir pris des allures relativement diversifiées, avec des symptômes de panique et d’agoraphobie, obsessionnels-compulsifs et vaguement post-traumatiques. L’état de trouble d’anxiété généralisée est le diagnostic qui correspond le plus à la réalité actuelle. […]

 

1. […] La problématique anxieuse était présente de longue date, chaque événement dans la vie personnelle ou au travail peut être un élément qui en soit peut exacerber l’anxiété.

 

Ceci ne présuppose pas nécessairement pour que les événements décrits correspondent à ce que la LATMP devrait être indemnisée.

 

2. Madame pour l’instant a une version relativement défensive et vague en ce qui a trait au vécu de son fils. Pour l’instant, je suis limité par sa collaboration à ses réponses à mes questions. […]

 

4. Il est évident que les difficultés financières et la séparation après le début de l’invalidité sont tout aussi importantes que les événements antérieurs comme éléments stresseurs pouvant jouer un rôle dans son état. […]

 

6. La présence d’une condition personnelle récurrente, de difficultés financières, des difficultés dans la vie de couple, ou avec le fils s’il y a, de même que l’absence de programme d’exposition en psychothérapie, sont tous des facteurs qui retardent la consolidation et l’évolution bien au-delà de la norme médicale. […]

 

8. La condition personnelle est très significative, il y a déjà un épisode nécessitant un traitement au cours de l’année 2000, elle avait une symptomatologie anxieuse persistante qu’elle a de la difficulté à nous livrer mais elle a fini par décrire, et son état actuel correspondent à une exacerbation de ce qu’elle a connu antérieurement dans les dernières années. […]

 

 

[6]        Les parties conviennent de retenir l’opinion du docteur Martin Tremblay telle qu’émise dans son rapport du 16 mai 2006 à l’effet que le diagnostic posé par le docteur Blouin le 25 mai 2005 a pour origine la condition personnelle récurrente de la travailleuse.

 

[7]        La travailleuse a déposé sa réclamation à la CSST de bonne foi.

 

 

[9]                La CSST allègue d’une part, qu’il y a absence de preuve au soutien de l’accord. D’autre part, que le juge administratif a abdiqué sa compétence au profit d’une admission des parties sur une question mixte de faits et droit. Il devait décider de la relation causale entre le diagnostic et les événements survenus au travail pour établir le caractère professionnel ou non de la lésion. En s’en remettant à l’accord, il n’exerce pas sa compétence.

[10]           Dans sa requête, elle inscrit :

7.         Le commissaire n’apprécie pas la preuve concernant la version des faits au soutien de la réclamation initiale et qui a changée dans le cadre de l’entente, sans qu’aucun fait ne vienne expliquer le revirement de situation.

 

8          Il n’y a aucune preuve au soutien de l’accord entre les parties de nature factuelle qui permettent de conclure de façon prépondérante que la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle le 4 mai 2005.[…] Tout au plus, l’opinion du docteur Tremblay révèle que la travailleuse souffrait d’une condition personnelle antérieure à la lésion, ce qui en soit n’est pas suffisant pour conclure qu’elle n’ a pas subi une lésion de nature professionnelle le 4 mai 2005.

 

 

[11]           En audience, la procureure de la CSST rappelle d’abord les faits survenus au travail ayant donné lieu à sa décision. Or, soutient-elle, sans tenir compte de ces faits et sans se questionner sur le renversement de situation et sur la crédibilité de la preuve offerte, dont certains faits avaient été présentés par une déclaration assermentée, le juge administratif entérine l’accord. À son avis : « il se devait d’apprécier le changement de situation et de déterminer laquelle des versions était prépondérante ».

[12]           Le procureur de l’employeur soutient qu’à toutes fins pratiques, la procureure de la CSST soutient que le juge administratif devrait apprécier la preuve sans entendre les parties. Or, dans le cadre de l’entérinement d’un accord, ce n’est pas son rôle. Certes, la preuve doit être présente à sa face même, mais dans ce cas, si minime soit-elle, le juge administratif doit l’accepter. Son rôle se limite à vérifier si l’entente est conforme à la Loi, n’est pas contraire à l’ordre public et ne déborde pas de son cadre. Il n’a donc commis aucune erreur en entérinant l’accord qui lui a été soumis.

[13]           Le procureur de la travailleuse souligne quant à lui qu’il n’y a aucun motif pour réviser la décision puisque, aucun vice de fond de nature à invalider la décision rendue n’a été démontré. Les motifs qui amènent des parties à concilier sont confidentiels selon la Loi et n’ont pas à être exposés. Il souligne que le simple fait de vouloir s’éviter un procès, particulièrement dans le cadre d’une lésion psychologique, constitue un motif suffisant.

L’AVIS DES MEMBRES

[14]           Monsieur Jean E. Boulais, membre issu des associations d’employeurs, et monsieur Stéphane Marinier, membre issu des associations syndicales, sont d’avis que la décision entérinant un accord rendue par le Tribunal est conforme à la Loi. À sa simple lecture, on comprend la situation. Aucun vice de fond de nature à l’invalider n’a été démontré. Il y a donc lieu de rejeter la requête de la CSST.

[15]           Le membre issu des associations d’employeurs souligne que la CSST, si elle choisit de ne pas intervenir lors d’une entente, n’est pas justifiée d’insinuer une mauvaise foi des parties lors de l’accord.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[16]           L’article 429.56 de la Loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.

[17]           Cette disposition définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[18]           Elle doit être lue en conjugaison avec le troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles :

429.49.  […].

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[19]           Le législateur a voulu ainsi assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le Tribunal. Il y a donc lieu d’interpréter ces deux dispositions de façon à respecter les objectifs législatifs.

[20]           Comme l’a rappelé la Cour supérieure, dans le cadre des anciens articles 405 et 406 de la Loi, mais dont le principe s’applique intégralement aux articles 429.56 et 429.49, les décisions sont finales et sans appel et la Commission des lésions professionnelles ne peut agir comme un tribunal d’appel[1].

[21]           En ce qui concerne le « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », motif qui est soulevé en l’instance, la Commission des lésions professionnelles, s’inspirant des interprétations données par les tribunaux supérieurs et d’autres tribunaux chargés d’appliquer des dispositions similaires, s’est prononcée à plusieurs occasions sur la portée de ce terme peu de temps après son adoption[2].

[22]           Il ressort de ces décisions qu’une erreur de fait ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et qu’elle a un effet déterminant sur la décision rendue. Une erreur manifeste est une erreur flagrante[3].

[23]           Le pouvoir de révision ne peut servir de prétexte à la demande d’une nouvelle appréciation de la preuve soumise au premier Tribunal ou à un appel déguisé. Il ne peut également être l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ou l’argumentation soumise au Tribunal[4].

[24]           Aussi, plus récemment, la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur l’interprétation de la notion de vice de fond.

[25]           En 2003, dans l’affaire Bourassa[5], elle rappelle la règle applicable en ces termes :

[21]    La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.

 

[22]      Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments(4).

__________

(4)             Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villaggi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y. Blais, 2002. P. 113, 127-129.

 

 

[26]           La Cour d’appel a de nouveau analysé cette notion dans l’affaire CSST c. Fontaine[6] alors qu’elle devait se prononcer sur la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision en révision.

[27]           Le juge Morissette, après une analyse approfondie, rappelle les propos du juge Fish dans l’arrêt Godin[7] et réitère qu’une décision attaquée pour le motif d’un vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

[28]           La Cour d’appel réitère cette position quelques semaines plus tard dans l’affaire Touloumi[8].

[29]           Ainsi, les principes retenus dès 1998 ont été analysés par la Cour d’appel et ils demeurent. Elle invite la Commission des lésions professionnelles en révision à continuer de faire preuve d’une très grande retenue et de ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère. Elle insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. En d’autres termes, la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.

[30]           Ces paramètres étant établis, examinons le présent dossier.

[31]           La Commission des lésions professionnelles considère que les prétentions de la CSST sont mal fondées, tant sur la prétention qu’il y a absence de preuve que sur le défaut d’avoir exercé sa compétence.

Absence de preuve

[32]           Tel que déjà rapporté dans la section Les faits et l’argumentation des parties, l’accord joint à la décision l’entérinant réfère à l’expertise du docteur Martin Tremblay, psychiatre. Ce médecin considère que la condition anxieuse de la travailleuse est de longue date et que chaque événement de sa vie personnelle ou au travail peut l’exacerber.

[33]           Il réfère à des difficultés personnelles, soit de nature financière, dans la vie de couple et dans la vie de parent.

[34]           Les parties ont ainsi convenu que ces éléments étaient suffisants pour conclure que la condition de la travailleuse avait, de manière prépondérante, donc à 51 pourcent, une origine personnelle plutôt que professionnelle. Au surplus, à la simple lecture de l’accord, il est facile de comprendre l’intention des parties, faisant en sorte que l’on peut conclure qu’il est suffisamment motivé.

[35]           La Commission des lésions professionnelles ne peut donc souscrire à l’argument voulant qu’il y ait absence de preuve au soutien de l’accord. Elle est d’avis qu’il n’y a aucune erreur manifeste et déterminante à ce titre.

Défaut d’exercer sa compétence

[36]           Notons au départ qu’il n’y a aucun défaut d’exercice de la compétence de la part du Tribunal.

[37]           Tel qu’il a souvent été rappelé, la compétence de la Commission des lésions professionnelles est circonscrite par la matière traitée dans la décision contestée. Même si, conformément à l’article 377 de la Loi, la Commission des lésions professionnelles exerce une compétence de novo, elle demeure limitée à l’objet de la requête sur le litige originaire :

377.  La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[38]           Dans le cas qui nous occupe, la Commission des lésions professionnelles a déclaré que la travailleuse n’avait pas subi de lésion professionnelle le 4 mai 2005, ce qui était clairement l’objet de sa compétence.

[39]           En somme, la procureure de la CSST allègue plutôt que la Commission des lésions professionnelles n’a pas exercé son pouvoir d’examiner la preuve.

[40]           Rappelons que lors des importantes modifications législatives en 1998, le législateur a choisi d’ajouter une section complète sur la conciliation concrétisant ainsi son importance :

Section XVI

 

CONCIILIATION

 

429.44.  Si les parties à une contestation y consentent, la Commission des lésions professionnelles peut charger un conciliateur de les rencontrer et de tenter d'en arriver à un accord.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

429.45.  A moins que les parties n'y consentent, rien de ce qui a été dit ou écrit au cours d'une séance de conciliation n'est recevable en preuve.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

429.46.  Tout accord est constaté par écrit et les documents auxquels il réfère y sont annexés, le cas échéant. Il est signé par le conciliateur et les parties et lie ces dernières.

 

Cet accord est entériné par un commissaire dans la mesure où il est conforme à la loi. Si tel est le cas, celui-ci constitue alors la décision de la Commission des lésions professionnelles et il met fin à l'instance.

 

Cette décision a un caractère obligatoire et lie les parties.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

429.47.  Lorsqu'il n'y a pas d'accord ou que la Commission des lésions professionnelles refuse d'entériner l'accord, celle-ci tient une audition dans les meilleurs délais.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

429.47.  Lorsqu'il n'y a pas d'accord ou que la Commission des lésions professionnelles refuse d'entériner l'accord, celle-ci tient une audition dans les meilleurs délais.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

429.48.  Un conciliateur ne peut divulguer ce qui lui a été révélé ou ce dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ni produire des notes personnelles ou un document fait ou obtenu dans cet exercice devant un tribunal, un organisme ou une personne exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires.

 

Malgré l'article 9 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), nul n'a droit d'accès à un tel document, à moins que ce document ne serve à motiver l'accord et la décision qui l'entérine.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[41]           Ainsi, à l’article 429.46, on y précise que les documents qui doivent être annexés sont ceux auxquels réfère l’accord et que le rôle du commissaire (ci -après appelé juge administratif) est d’entériner l’accord « dans la mesure où il est conforme à la loi ».

[42]           La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et la Commission des lésions professionnelles ont eu l’occasion de déterminer en quoi consiste le rôle du juge administratif dans le cadre de l’entérinement d’un accord.

[43]           La Commission d’appel, dans l’affaire Vaillancourt et Imprimerie Canada inc.[9], définit le rôle comme suit :

La Commission d’appel considère que son rôle, à titre de tribunal, n’est évidemment pas d’empêcher le règlement des litiges dont elle est saisie mais bien plutôt d’en favoriser le règlement, ce qui est d’ailleurs formellement confirmé par les termes mêmes de l’article 421 précité.

 

Ainsi, dans la mesure où les termes de cette entente ne débordent pas le cadre de l’appel dont la Commission d’appel est saisie, dans la mesure où les conclusions qui y sont recherchés par les parties ne vont pas à l’encontre de l’ordre publique et plus spécialement des dispositions inhérentes aux législations et règlements dont l’application relève de sa compétence, et, enfin dans la mesure où les termes de l’entente ne sont pas fondés sur des faits manifestement faux ou inexacts, la Commission d’appel se doit d’en prendre acte et de rendre sa décision suivant les termes de cette entente qu’elle a elle-même favorisée en application de l’article 421 de la loi.

 

 

[44]           Dans l’affaire Les produits plastiques Jay inc. et Charron et CSST[10], une altercation entre travailleurs a lieu dans l’établissement de l’employeur. La CSST a reconnu que les travailleurs ont été victimes de lésions professionnelles. Dans un cas, elle a reconnu les diagnostics de « contusion au dos et névrose structurelle », dans l’autre, de « névrose post-traumatique ».

[45]           Alors que les litiges doivent être entendus au Bureau de révision, les parties signent une entente voulant que les diagnostics psychiques ne soient pas en relation avec l’événement survenu au travail. Le Bureau de révision refuse d’entériner les ententes.

[46]           La Commission d’appel considère qu’elle ne « voit pas en quoi de telles ententes seraient contraires à la Loi ». Elle affirme que le rôle de la Commission d’appel[11] n’est pas d’empêcher le règlement des litiges mais plutôt de les favoriser. Elle réitère les critères énoncés dans l’affaire Vaillancourt[12], à savoir que lorsque les conclusions recherchées ne débordent pas le cadre de l’appel, qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public et qu’elles ne s’appuient pas sur des faits manifestement faux ou inexacts, la Commission d’appel doit prendre acte de l’entente et rendre une décision en conséquence.

[47]           La Commission des lésions professionnelles rappelle ici que ces propos de la Commission d’appel sont d’autant plus exacts depuis 1998 alors que le législateur a donné une importance claire à la conciliation comme mode alternatif de solution des litiges.

[48]           Majoritairement basés sur la décision Vaillancourt[13], certains autres critères ont été élaborés :

·        Les termes de l’accord ne doivent pas déborder le cadre de l’appel;

·        Les conclusions recherchées ne doivent pas aller à l’encontre de l’ordre public;

·        Les conclusions recherchées ne doivent pas aller à l’encontre des dispositions de la Loi et des règlements applicables;

·        L’accord doit respecter les dispositions du Cadre de l’exercice de la conciliation à la Commission des lésions professionnelles;

·        Les termes de l’accord ne doivent pas être fondées sur des faits manifestement faux ou inexacts;

·         L’accord doit être conclu entre toutes les parties;

·        Les parties doivent avoir la capacité juridique;

·        Le consentement des parties doit être libre et éclairé.

[49]           Dans le cadre de la présente requête, la CSST n’allègue aucun manquement à ces critères. Elle allègue que les faits sont insuffisants pour être prépondérants.

[50]           Sur le rôle du juge administratif quant à la preuve présentée, plusieurs décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles en discutent.

[51]           Dans l’affaire Perron et Cambior inc.[14] la Commission des lésions professionnelles rappelle avec justesse que les questions de faits qui sont au cœur d’un litige doivent être tranchées au mérite par la Commission des lésions professionnelles lorsqu’il y a audition. Toutefois, le débat que les parties veulent éviter en concluant un accord doit être respecté. C’est le propre du processus de conciliation :

[48]      La CSST reproche à la Commission des lésions professionnelles de ne pas avoir indiqué, dans la décision entérinant l’accord intervenu, pour quelles raisons elle n’était pas liée par le rapport final du médecin traitant. Le tribunal ne croit pas que ce reproche soit justifié. Lorsqu’elle entérine un accord, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à faire une appréciation de la preuve ou à interpréter les règles de droit applicables comme elle est tenue de le faire lorsqu’elle rend une décision sur le mérite du cas après audition des parties. Les exigences quant à la motivation ne sont pas les mêmes. La seule obligation que lui impose la loi est de s’assurer que l’accord est conforme à la loi. Dans le cas particulier qui nous occupe, le tribunal est d’avis que l’accord intervenu était conforme à la loi et que la Commission des lésions professionnelles n’a commis aucune erreur de droit manifeste en entérinant cet accord. Il s’agit d’un accord qui s’inscrit dans le cadre de la contestation qui était devant la Commission des lésions professionnelles et qui s’appuie sur des éléments de preuve, en l’occurrence les opinions unanimes de trois psychiatres, qui supportent parfaitement les conclusions recherchées. La Commission des lésions professionnelles n’avait pas à discuter du statut du docteur Elfassi ni à expliquer pourquoi elle ne se considérait pas liée par le rapport final de ce dernier dans le contexte d’une décision entérinant un accord. Elle n’avait pas à trancher un débat que les parties ont justement voulu éviter en concluant un accord.

 

 

[Notre soulignement]

[52]           Dans l’affaire Beaulieu et Gemitech inc.[15], la Commission des lésions professionnelles rappelle :

Le premier commissaire était tenu d’entériner l’accord dans la mesure où il était conforme à la loi. Il devait non pas procéder à sa propre appréciation de la preuve et à l'interprétation de l’article 365, mais plutôt vérifier que l’accord procède d’un consentement libre et éclairé, qu’il ne déborde pas l’objet du litige, qu’il ne soit pas fondé sur des faits manifestement faux ou inexacts et qu’il n’aille pas à l’encontre de l’ordre public.

 

            [Notre soulignement]

[53]           Dans l’affaire Goulet et Fabrique Saint-Romuald[16], la Commission des lésions professionnelles indique :

[37]      En somme, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas la prétention de la CSST à l’effet qu’il lui appartient de vérifier si la preuve au dossier supporte à première vue les conclusions de l’accord.  Il lui faut plutôt vérifier si les faits admis par les parties justifient les conclusions de l’accord, ce qui est le cas en l’espèce.

 

 

[54]           Dans l’affaire Services Matrec inc. et Ringuette[17] la Commission des lésions professionnelles indique :

[23]      Le premier commissaire a, de plus, commis une autre erreur de droit en analysant la force probante de l’expertise du docteur Desmarchais. Lorsqu’il s’agit d’entériner un accord, le commissaire n’a pas à faire une analyse de la preuve comme il le ferait dans le cadre d’une audience au mérite. Dans la mesure où des éléments de preuve au dossier peuvent, prima facie, justifier les conclusions recherchées, il n’a pas à discuter de cette preuve ni à l’apprécier, ce qu’a fait le premier commissaire dans le cas présent.

 

 

[55]           À l’instar de ces décisions, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas la prétention de la CSST à l’effet qu’il appartenait au Tribunal de vérifier si la preuve au dossier supportait les conclusions de l’accord.

[56]           D’abord, rappelons que l’article 429.46 de la Loi indique que les documents à annexer à l’accord sont ceux auxquels il réfère et non le dossier dans son intégralité. Ceci est tout à fait conforme au rôle que l’on attribue au juge administratif dans le cadre de l’entérinement d’un accord, à savoir qu’il doit vérifier si les faits admis par les parties existent, sont vrais et justifient les conclusions de l’accord. Non pas s’ils sont prépondérants.

[57]           En effet, il n’est absolument pas nécessaire de reprendre tous les éléments de preuve, de les analyser et d’en faire l’appréciation comme il se doit lors d’une audition. L’important est de s’assurer que l’accord est conforme à la Loi et, plus particulièrement, que les faits retenus par les parties au litige donnent ouverture aux conclusions de droit recherchées.

[58]           En somme, les parties peuvent convenir d’admettre des faits, même contestés.

[59]           La procureure de la CSST soutient que la détermination d’une lésion professionnelle est une question mixte de faits et de droit puisqu’il faut établir la relation, ce qui constitue une question de droit. Le tribunal devait trancher la relation et il ne l’a pas fait.

[60]           Ce raisonnement ne peut tenir la route. Il va de soi que les admissions de faits par les parties convergent vers la conclusion de droit qu’ils veulent faire entériner. À défaut, il s’agira d’un motif pour ne pas l’entériner car l’accord deviendra non-conforme à la Loi, les faits ne supportant pas la conclusion de droit.

[61]           Dans le cas qui nous occupe, la Commission des lésions professionnelles en révision est d’avis que l’accord intervenu était conforme à la Loi et que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit manifeste en l’entérinant. Il s’agit d’un accord qui s’inscrit dans le cadre de la contestation qui était devant la Commission des lésions professionnelles et qui s’appuie sur un élément de preuve, à savoir l’avis du docteur Tremblay, qui supporte la conclusion de droit recherchée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

 

 

__________________________________

 

Pauline Perron

 

 

 

Me Pierre-Yves Arsenault

Fetch Légal ltée

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Richard Marsolais

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Marie-Pierre Dubé-Iza

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais.

[2]           Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ; Hôpital Sacré-Cœur de Montréal et Gagné, C.L.P. 89669-61-9707, 12 janvier 1992, C.-A. Ducharme.

[3]           Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729 .

[4]           Moschin et Communauté Urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860 ; Lamarre et Day & Ross précitée, note 3; Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P.180; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix, Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, précitée, note 1.

[5]           Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).

[6]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[7]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

[8]           CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A).

[9]           19621-03A-90 (1993) C.A.L.P. 1227 .

[10]         C.A.L.P. 83280-60-9610, 5 juin 1997, Y.Tardif.

[11]         Et du Bureau de révision.

[12]         Précitée, note 9.

[13]         Précitée, note 9.

[14]         [2003] C.L.P.1641.

[15]         [2003] C.L.P. 811 (décision sur requête en révision).

[16]         [2006] C.L.P. 906 (décision sur requête en révision).

[17]         [2005] C.L.P. 1692 (décision accueillant la requête en révision).

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