Décision

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C A N A D A

C A N A D A

Province de Québec

Greffe de Montréal

 

 

No:   500 - 09‑000255‑844

 

 

     (405‑10‑000718‑775)

 

Cour d'appel

 

____________________________

 

 

Le 09 mars 1987

 

 

 

CORAM :   Juges L'Heureux‑Dubé, Monet et Tyndale (diss.)

 

 

____________________________

 

 

DROIT DE LA FAMILLE ‑‑  356

 

 

____________________________

 

 

 

   La Cour; - statuant sur l'appel d'un jugement prononcé le 26 janvier 1984 par la Cour supérieure, district de Drummond (L'Honorable juge André Biron) qui accueille pour partie la requête de l'appelant et annule la pension alimentaire payable à l'intimée  par  l'appelant  rétroactivement  uniquement  au 25 octobre 1983.

 

 Après étude du dossier, audition et délibéré;

 

 Pour les motifs exposés dans les opinions écrites déposées avec les présentes, M. le juge Tyndale étant dissident;

 

  Accueille l'appel sans frais et, prononçant à nouveau, annule la pension alimentaire de 150 $ par semaine payable par le requérant à l'intimée pour elle et ses trois enfants mineurs et ce à partir du 1er janvier 1979, le tout sans frais.

 

 Opinion du juge Monet

 

 Les parties ne sont pas engagés dans les liens du mariage.

 

 C'est entre époux - et entre parents en ligne directe - que le Code civil impose une obligation alimentaire.

 

  Le 15 février 1978, la Cour supérieure a rendu un jugement qui comporte une ordonnance enjoignant à l'appelant de payer à l'intimée des sommes d'argent échelonnés pour l'entretien de celle-ci. C'est en prononçant un jugement de divorce que cette ordonnance a été rendue.  La compétence de la Cour supérieure pour ce faire réside dans une loi du Parlement, à savoir la Loi sur le divorce.

 

 En vertu de cette même loi, cette ordonnance peut être modifiée ou révoquée par la Cour supérieure.

 

  Le  26 janvier 1984,  la révocation a été demandée par l'appelant. Elle fut accordée par le jugement entrepris.

 

 En somme, le fondement juridique de l'obligation aux aliments, c'est-à-dire  l'ordonnance et non le Code civil, a cessé d'exister par l'effet de ce jugement qui la révoque.

 

 Seul monsieur C ... a fait appel.

 

 Le pourvoi porte sur le chef du dispositif ayant trait à la rétroactivité. Voici comment ce dispositif est formulé:

 

  ...la pension ne sera annulée que pour les six (6) mois précédant la date de la signification de sa requête, à savoir le vingt-cinq (25) octobre mil neuf cent quatre-vingt-trois (1983).

 

 La base légale que le juge semble donner à cette décision est exposée ainsi:

 

  Depuis mil neuf cent quatre-vingt-un (1981) il vit de prestations de bien-être social.  Aucune preuve n'a été faite tentant à démontrer le contraire de l'affirmation de l'intimée à l'effet qu'il est complètement démuni.

 

  Dans les circonstances, vu l'article 644 du Code Civil du Québec de même que la Loi de divorce, il y a lieu d'annuler la pension.

 

  Cependant il n'était pas, le requérant, dans l'impossibilité d'agir avant et en conséquence la pension ne sera annulée que pour les six (6) mois précédant la date de la signification de sa requête, à savoir le vingt-cinq (25) octobre mil neuf cent quatre-vingt-trois (1983).

 

 L'article 644 C. civ. Q. se lit ainsi:

 

 Art. 644. Le débiteur de qui on réclame Art. 644. Le débiteur de qui on réclame les arrérages peut opposer un changement dans sa condition ou celle de son créancier survenur depuis le jugement et être libéré de tout ou partie de leur paiement.

 

  Cependant, lorsque les arrérages réclamés sont dus depuis plus de six mois, le débiteur ne peut être libéré de leur paiement que s'il démontre qu'il lui a été impossible d'exercer ses recours pour obtenir une révision du jugement fixant la pension alimentaire.

 

  Cet article fait partie du Titre Quatrième intitulé De l'obligation alimentaire. Le premier article de ce Titre se lit ainsi:

 

  Art. 633.  Les époux de même que les parents en ligne directe se doivent des aliments.

 

 Comme il a été indiqué précédemment, les parties ne sont pas des époux.  Les dispositions de l'article 644 ne s'appliquent pas à notre cas.

 

 Il semble que le principal motif (art. 644 C. civ. Q.) retenu par le juge est, en somme, une réponse à la conclusion formulée par le requérant en Cour supérieure de la façon suivante:

 

 10. Et c'est pourquoi votre requérant demande de plus qu'il soit libéré des arrérages de pension alimentaire qu'il doit à l'intimée depuis le 1er octobre 1980, le tout conformément à l'article 644 C.C.Q.

 

  NÉanmoins, le second motif ("de même que la Loi de divorce") peut être fondé, même si le premier, à mon avis, ne l'est pas. C'est ce qu'il y a maintenant lieu de considérer.

 

  Comme le souligne le juge L'Heureux-Dubé, il n'est pas douteux que le juge du fait, saisi par une requête en vertu de l'article 11 (2) de la Loi sur le divorce, exerce un ample pouvoir discrétionnaire.  En ce qui concerne la rétroactivité, je crois que le texte de la loi actuelle sur le divorce ne fait que consacrer en quelque sorte la jurisprudence dominante sous l'ancienne Loi sur le divorce.

 

 17. (1) (Ordonnance modificative) Le tribunal compétent peut rendre une ordonnance qui  modifie,  suspend  ou  annule, rétroactivement ou pour l'avenir:

 

  a)  une ordonnance alimentaire ou telle de ses dispositions, sur demande des ex-époux ou de l'un d'eux;

 

 Dans le cas à l'étude, le juge a révoqué rétroactivement l'ordonnance relative aux aliments.  Il est manifeste qu'il s'est cru lié par les dispositions de l'article 644 C. civ. Q. C'est ainsi qu'il a cru devoir considérer la question de savoir s'il a été "impossible" au requérant d'exercer son recours.  Le mot  "Cependant"  ne  laisse guère de doute à ce sujet. discrétionnaire conformément à l'article 11 (2) qu'il a conclu que l'ordonnance antérieure doit demeurer valable durant les six mois précédant son jugement.  Je suis persuadé que ce n'est nullement en raison de son appréciation des  faits  mais uniquement en application de l'article 664, alinéa 2, C. civ. Q. qu'il est arrivé à cette conclusion.

 

 Aussi, ce n'est absolument pas substituer notre opinion à celle du juge que de révoquer purement et simplement l'ordonnance du 15 février 1978. Au contraire, c'est corriger une erreur sur le droit.

 

 Aussi, je ne crois pas utile de considérer - une fois de plus - le rôle et les fonctions d'une Cour d'appel selon l'article 17 (2) de la Loi sur le divorce de 1968, alors en vigueur à la période qui nous intéresse.

 

 Pour ces motifs, je suis d'avis de faire droit au pourvoi et de prononcer comme le propose le juge L'Heureux-Dubé (J.C.A.).

 

 Opinion du juge L'Heureux-Dubé

 

  L'article 644 C. c. Q. s'applique-t-il au  regard  des dispositions de la Loi sur le divorce ?

 

 C'est essentiellement la question que pose ce pourvoi.

 

 L'article 644 C. c. Q. se lit comme suit:

 

  "Le débiteur de qui on réclame des arrérages peut opposer un changement dans sa condition ou celle de son créancier survenu depuis le jugement et être libéré de tout ou partie de leur paiement.

 

  Cependant, lorsque les arrérages réclamés sont dus depuis plus de six mois, le débiteur ne peut être libéré de leur paiement que s'il démontre qu'il lui a été impossible d'exercer ses recours pour obtenir une révision du jugement fixant la pension alimentaire."

 

 Condamné par jugement de divorce, le 15 février 1978, à payer à l'intimée une pension alimentaire de 150 $ par semaine pour elle et ses trois enfants mineures, l'appelant n'a, semble-t-il, jamais payé quoi que ce soit, de sorte que l'intimée et ses enfants ont depuis vécu de prestation d'assistance sociale.

 

  Recherché par le percepteur des pensions alimentaires qui fit émettre un bref de saisie-exécution le 25 juin 1981, il fut interrogé  par  la suite (543 C.p.c.) pour des arrérages totalisant alors 24 662 $. L'appelant étant sans bien ni revenu quelconque, la chose n'alla pas plus loin.

 

 Le 26 janvier 1984, l'appelant formule sa requête en annulation de pension alimentaire, rétroactivement au  1er  janvier 1979 (par amendement à l'audience).

 

  Le premier juge (jugement du 26 janvier 1984, Cour supérieure, district de Drummond) constate d'abord  que  depuis  1981 l'appelant a été de fait sans ressources:

 

  "La preuve révèle que, au temps où le jugement a été rendu, le requérant était entrepreneur en revêtements de planchers.

 

 Subséquemment, dans le courant de l'année 1979, ses affaires tournèrent mal, il se blessa et cessa d'agir comme entrepreneur. De 1978 à 1981, il a fait des travaux non déclarés et pour lesquels il agissait, selon son propre  dire,  comme  un hors-la-loi.

 

 Depuis 1981, il vit de prestations de bien-être social. Aucune preuve n'a été faite tentant à démontrer le contraire de l'affirmation de l'intimée à l'effet qu'il est complètement démuni.

 

  Dans les circonstances, vu l'article 644 du Code civil du Québec, de même que la Loi de divorce, il y a lieu d'annuler la pension.

 

  Appliquant ensuite les dispositions du deuxième alinéa de l'article 644 C.c., le premier juge dit:

 

 "Cependant, il n'était pas, le requérant, dans l'impossibilité d'agir avant et, en conséquence, la pension ne sera annulée que pour les 6 mois précédant la date de la signification de sa requête, à savoir le 25 octobre 1983."

 

  C'est contre cette partie du jugement que l'appelant se pourvoit. Il nous propose que le premier juge a erré d'une part en appliquant les dispositions de cet article à un litige engagé dans le cadre de la Loi sur le divorce et, d'autre part, compte tenu de sa discrétion en vertu de l'article 11 de la Lo sur le divorce et de la preuve de son incapacité totale de payer la pension alimentaire depuis le 1er janvier 1979 et de ses autres circonstances, en n'annulant pas la pension alimentaire à cette date.

 

 Contestant aujourd'hui l'application de l'article 644 C.c. à l'espèce, l'appelant l'invoquait néanmoins dans sa requête en annulation de pension alimentaire:

 

 "10. Et c'est pourquoi votre requérant demande de plus qu'il soit libéré des arrérages de pension alimentaire qu'il doit à l'intimée depuis le 1er octobre 1980, le tout conformément à l'article 644 C.c.Q.;"

 

  De plus, lors de l'audition de la requête devant le premier juge, l'argumentation a porté uniquement sur l'article 644 C.c. (et son prédécesseur l'article 170.1 C.c.).  Il n'est donc aucunement surprenant que le jugement rendu le même jour, présumément  séance  tenante,  ne  discute  aucunement  de l'application de cet article en matière de divorce.

 

 Devant nous pour la première fois l'appelant soulève cette question.  Notre Cour, à plusieurs reprises, entre autres dans Dorval c. Garage Guy Beaudoin Inc., Reid et Ferland, C.P.C. annoté Vol. 4, p. 300 (1981 - C.A.) a réitéré sous la plume de M. le juge Monet:

 

 "Néanmoins, quant à moi, je ne puis me pénétrer de l'idée que le législateur ait voulu que des jugements de première instance, par hypothèse bien fondés, puissent être réformés par la Cour d'appel pour des motifs totalement nouveaux, même pas soulevés implicitement dans les actes de procédure.  La conséquence serait qu'un jugement bien fondé, compte tenu du lien juridique, serait cassé."

 

 S'agissant cependant ici d'un litige familial, d'une question dont l'importance dépasse les erreurs des procureurs, et vu semble-t-il, les divergences d'opinion en Cour supérieure ainsi que le nombre de causes en attente de la présente décision, la question ayant été pleinement débattue  devant  nous,  il m'apparaît dans l'intérêt supérieure de la justice de statuer sur la question.

 

 Il est reconnu que les articles 10 et 11 de la Loi sur le divorce concernant les mesures accessoires au divorce sont constitutionnelles (Zacks c. Zacks (1973) R.C.S. 891 ; Ruel c. Thomas (1982) C.A. 357 ).

 

  De même, il est incontestable que lorsqu'une législation provinciale vient en conflit avec une législation de compétence fédérale, la législation provinciale est inopérante (Richards c. Richards (1972) 7 R.P.L. 101 (C.A. Ontario)).

 

  Notre Cour a déjà eu à déterminer si l'article 169.1 C.c. relatif à l'indexation  des  pensions  alimentaires  était applicable en matière de divorce (Laflamme c. Lavallée 1981 C.A. 396 ).  Même si la question à résoudre n'y était pas carrément posée, monsieur le juge Mayrand écrit (pp. 400-401):

 

 "Sans avoir à chercher appui sur l'article 169.1 du Code civil (art.  638 du nouveau Code civil du Québec), l'indexation de la pension alimentaire reste-t-elle possible sous la seule autorité de la loi sur le divorce ? Les avis à ce sujet sont partagés."

 

 "Alors que l'article 169.1 du Code civil impose au juge l'obligation d'ordonner l'indexation conformément à une formule également imposée, la Loi sur le divorce laisse implicitement au juge la liberté d'indexer la pension s'il le juge à propos et selon les modalités qu'il croit appropriées."

 

  "À mon avis, rien n'empêche un juge d'indexer la pension alimentaire accordée en vertu de l'article 11 de la Lo sur le divorce et de recourir au mode d'indexation indiqué à l'article 169.1 du Code civil."

 

 Le même raisonnement s'applique à mon avis aux dispositions de l'article 644 C.c. au regard des articles 10 et 11 de la Loi sur le divorce.

 

  L'article 11. (2) de la Loi sur le divorce, ici en cause et antérieure à la nouvelle Loi sur le divorce, se lisait:

 

 "11. (2)  Une ordonnance rendue en conformité du présent article peut être modifiée à l'occasion ou révoquée par le tribunal qui l'a rendue, s'il l'estime juste et approprié, compte tenu de la conduite des parties depuis que l'ordonnance a été rendue ou de tout changement de l'état ou des facultés de l'une des parties ou des autres circonstances dans lesquelles elles se trouvent. 1967-68, c. 24, art. 11."

 

  Cet article confère une plus large discrétion au tribunal que ne le fait l'article 644 C.c. et, en ce sens, les deux législations viennent en conflit.  Dans tel cas, c'est la Loi sur le divorce qui doit avoir préséance.

 

  Je partage l'avis  de  M.  le  juge  Charles  Gonthier (Gerbeau-Chabot c. Rock (1982) C.S. 136 , aux pp. 139-140):

 

  "La disposition de l'article 170.1 imposant un délai de six mois à toute demande en réduction ou libération du paiement d'arrérages de pension alimentaire limite la discrétion accordée au Tribunal par l'article 10 de la Loi sur le divorce de rendre "les ordonnances provisoires qu'il croit justes et appropriées", discrétion qui est encore plus large, s'il se peut, que celle prévue à l'article 11 de cette loi qui comporte, fût-ce à titre indicatif, une mention de facteurs dont peut tenir compte le Tribunal soit pour accorder une pension ou modifier ou révoquer une ordonnance à ce sujet. Il y a donc conflit entre les deux législations et la Loi sur le divorce doit avoir préséance. C'est ce que décide d'ailleurs le juge Vincent Masson dans son jugement  du  14 avril 1981,  dans l'affaire Bellavance c. Lavallée:

 

 "Le délai de six mois et l'obligation de faire une preuve additionnelle imposée par l'article 170.1 du C.c., ajoutent à la Loi du divorce et en modifient la substance même de telle sorte que ledit article 170.1 devient inopérant ou est inapplicable dans un champ déjà occupé par le Parlement Fédéral qui a juridiction en matière de divorce et en matière de pension alimentaire en découlant.

 

  De plus, le Législateur provincial, en l'espèce, dans le Code civil, a pris soin de parler d'arrérage de pension alimentaire d'une  façon générale, non pas de spécifier les pensions découlant de la Loi sur le divorce.

 

 En conséquence, nous sommes d'opinion que l'article 170.1 est inopérant ou inapplicable en l'espèce et nous étudierons les prétentions des parties à la lumière de l'article 11 (2) de la Loi sur le divorce."

 

  Sur la question de la non-application d'une prescription décrétée par une loi provinciale à un droit établi par une législation fédérale dans un domaine de compétence fédérale, on peut lire avec intérêt la décision de la Cour supérieure dans Gingras c. General Motors Products of Canada Ltd et, en particulier, la citation aux pages 429 et 446 des notes du juge Traders Finance Corp. c. Lévesque."

 

  De même, je souscris aux propos de M. le juge Denis Lévesque (Villers c. Beaupré (1982) C.S. 391 ) qui a fait une étude approfondie de la question, se référant entre autres aux professeurs Hogg, Chevrette, Marx, Colvin et aux différents arrêts de jurisprudence sur la question et conclut (1982 C.S. 391 ):

 

 "À n'en pas douter le second alinéa de l'article 644 C.C.Q. restreint la discrétion du Tribunal qui siège sur une demande de révision même si celle-ci se présente à première vue sous forme de saisie d'arrérages et limite cette discrétion à six mois seulement à moins d'impossibilité alors qu'en vertu de l'article 11 (2) le Tribunal révise la conduite des parties ou tous les changements dans l'état ou les facultés des parties et autres circonstances.  La version anglaise fait bien voir que tous les éléments énumérés par le Parlement sont soumis à l'examen du Tribunal depuis l'ordonnance jusqu'au jugement de révision ou de révocation lui-même.  Dans cette mesure, le second alinéa de l'article 644 C.C.Q. impose au débiteur alimentaire un fardeau que la Loi sur le divorce n'a pas voulu lui imposer car dans son ensemble cette loi ne favorise pas une partie au détriment de l'autre tandis que le second alinéa de l'article 644 C.C.Q. sous le couvert de favoriser la perception des pensions favorise une partie par rapport à l'autre.

 

  Envisagé dans le contexte du Code civil du Québec, l'article 644 se retrouve au titre des obligations alimentaires (art. 633 à 644 et sqq.).  Ces dispositions qui sont en vigueur sont soumises à l'article 567 qui fait le pont entre les articles 560 à 566 et les articles 633 et suivants. Les articles 555 et 560 à 567 du Code civil du Québec n'ont pas été mis en vigueur présumément à cause de la législation fédérale qui prévaut sur elle.  Ces articles 560 et suivants portent précisément sur ce qui est aujourd'hui couvert par l'article 11 de la Loi sur le divorce.  En bref, l'article 644 C.C.Q. impose au Tribunal qui siège sur une modification ou une annulation de  pension alimentaire sous l'empire de l'article 11 de la Loi sur le divorce d'appliquer des règles de droit différentes de celles qui  sont  prescrites  par  la  Loi sur le divorce d'où incompatibilité." (p. 396)

 

 Ceci dispose du premier volet de l'argumentation de l'appelant qui doit réussir sur ce moyen.

 

  Et ceci nous amène au dernier point.  Le premier juge s'appuyant uniquement sur les dispositions de l'article 644 C.c. n'a pas eu à user de la discrétion que lui confère la Loi sur le divorce.

 

 Dans ce cas, notre Cour, possédant, en matière de divorce (article 10 et 11), une juridiction originale d'adjuger au même titre que si elle siégeait en première instance (Askey c. Askey, 2 R.F.L. (3d) 407 (B.C.C.A.)), doit exercer cette discrétion. Ce faisant, doit-elle accueillir la demande de l'appelant ? Je réponds sans hésitation dans  l'affirmative.   Selon  la détermination des faits par le premier juge, l'appelant, du moins depuis 1981, est complètement démuni et vit de prestations d'aide sociale, toute comme son épouse  et  ses  enfants d'ailleurs.  De plus, il a fait cession de ses biens en 1983. Mais même avant 1981, dès 1979, la preuve est à l'effet qu'il a travaillé sporadiquement et que son revenu annuel total se situait entre 4 000 $ et 5 000 $, qu'il devait s'endetter même pour se nourrir. Sur le plan du droit, l'appelant n'avait pas, à partir du 1er janvier 1979, les moyens de payer une pension alimentaire de 150 $ par semaine à son épouse et à ses enfants.

 

  Le percepteur des pensions alimentaires avait d'ailleurs été à même de le constater lors de la saisie-exécution pratiquée en juin 1981 et de l'interrogatoire de l'appelant à cette époque, alors que les arrérages dus s'élevaient à 24 662 $. Sur le plan pratique, je ne vois pas en quoi un jugement non-exécutoire pour les arrérages considérables à date pourrait être utile à l'intimée alors qu'il pourrait s'avérer un sérieux handicap pour l'appelant s'il voulait se réhabiliter financièrement et là, pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.  Il ne s'agit pas ici d'un débiteur récalcitrant qui refuse, malgré qu'il en ait les moyens, de faire vivre sa famille, mais d'un débiteur malheureux qui ne réussit pas à le faire, faute de ressources. Ceci évidemment ne rend pas meilleur le sort de la famille de l'appelant avec laquelle il faut d'ailleurs sympathiser.

 

  Dans cette même optique, sur le plan purement procédural cette fois, même si on peut faire grief à l'appelant de ne pas avoir procédé plus tôt dans sa demande en annulation d'arrérages de pension alimentaire, on peut éprouver une certaine sympathie pour un citoyen démuni qui n'a pas les moyens de se payer des procédures judiciaires pour se faire dire qu'il n'a pas les moyens de payer une pension alimentaire et dont par ailleurs l'interrogatoire  et  le  rapport  de  nulla  bona  sur saisie-exécution étaient déjà en 1981 connus du percepteur des pensions alimentaires.

 

 Outre la sympathie, il est depuis longtemps admis dans notre droit  qu'il est loisible à une partie de proposer, par contestation de saisie-arrêt ou d'opposition à une exécution forcée, l'annulation d'arrérages de pension alimentaire, les faits y donnant ouverture.

 

 Il m'apparaît que sont ici réunies toutes les conditions donnant ouverture à la demande de l'appelant et,

 

  Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel sans frais et, prononçant à nouveau, j'annulerais la pension alimentaire de 150 $ par semaine payable par le requérant à l'intimée pour elle et  ses  trois enfants mineurs et ce à partir du  1er janvier 1979, le tout sans frais. J.C.A.

 

 

INSTANCE-ANTÉRIEURE

 

 

(M. le juge André Biron, C.S. Drummond 405-10-000718-775, 1984/01/26)

 

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