Desjardins et EMD Construction inc. |
2007 QCCLP 496 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 12 mai 2006, monsieur Marcel Desjardins (le travailleur) conteste devant la Commission des lésions professionnelles une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 8 mai 2006, à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme celle rendue le 17 février 2006 et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 17 décembre 2005.
[3] Le travailleur est présent et représenté à l'audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 11 janvier 2007. La compagnie EMD Construction inc. (l’employeur) est absente et n’est pas représentée.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la LATMP), la lésion professionnelle survenue le 17 décembre 2005.
LES FAITS
[5] La Commission des lésions professionnelles retient, entre autres, ce qui suit de l’analyse du dossier et de la preuve reçue à l’audience.
[6] Le travailleur occupe un poste de contremaître chez l'employeur en 2005.
[7] Au mois de décembre 2005, l’employeur, une compagnie de construction, organise un party de Noël dans une auberge. Tous les employés et quelques clients de l’entreprise sont invités aux frais de l’employeur. Le travailleur transmet l’invitation de l’employeur aux quelques employés sous sa responsabilité. Cette activité de nature récréative est offerte pendant une fin de semaine et n’est pas obligatoire. Le travailleur n’a pas à assister à cette activité et n’a pas à participer à son organisation; il accepte toutefois l’invitation.
[8] Le 17 décembre 2005, le travailleur se rend à l’auberge où se tient le party afin de participer aux activités. Pendant la fête, des employés d’une compagnie engagée pour ce faire préparent une salle. L’employeur demande alors au travailleur d’aider à déplacer deux tables. Le travailleur accepte, sort à l’extérieur, glisse, perd l’équilibre et tombe sur le côté. Sa jambe droite plie de côté, il entend craquer sa jambe qui se met à enfler. Cet incident est déclaré à l’employeur le même jour.
[9] Le 18 décembre 2005, le travailleur consulte le docteur Steve Simard qui complète une attestation médicale. Il mentionne un « trauma au genou droit en valgus ». Il diagnostique une « déchirure du ligament collatéral interne » et il ordonne un arrêt de travail.
[10] Le 14 janvier 2006, le travailleur dépose à la CSST une réclamation pour lésion professionnelle alléguée être survenue le 17 décembre 2005.
[11] Le 17 février 2006, la CSST refuse la réclamation demandant de reconnaître une lésion professionnelle le 17 décembre 2005. Cette décision est portée en révision par le travailleur le 23 février 2006 et confirmée en révision administrative le 8 mai 2006. La requête en contestation de cette décision est déposée par le travailleur devant le présent tribunal le 12 mai 2006.
[12] Le 6 avril 2006, une évaluation arthroscopique du genou droit subie par le travailleur démontre une déchirure complexe du ménisque interne, une déchirure du ligament croisé antérieur, une déchirure dégénérative du ménisque externe du genou droit ainsi que des conditions de chondromalacie.
[13] Le travailleur confirme à l'audience l'essentiel de l'exposé des faits et de l'historique médical qui précèdent.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[14] Le travailleur soumet que les circonstances qui entourent l’accident permettent de conclure que l’incident en question est survenu à l’occasion du travail puisqu’il allait déplacer des tables à la demande de son employeur, lors d’une réception donnée par ledit employeur. Cette fête était organisée par l’employeur pour remercier ses employés et à son propre bénéfice puisque des sous-contractants étaient aussi invités à participer à cette fête, à ses frais. Le travailleur s’est présenté à la réception pour aider l’employeur et garder un bon contact avec les autres employés et ses clients.
L’AVIS DES MEMBRES
[15] La membre issue des associations syndicales est d’avis que le travailleur a subi une lésion professionnelle à l’occasion du travail. L’incident est survenu à la suite d’instructions provenant de l’employeur.
[16] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la preuve dont dispose le tribunal ne permet pas d’accueillir la requête en contestation. La décision rendue par la CSST le 8 mai 2006 à la suite d'une révision administrative doit être maintenue.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[17] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 décembre 2005.
[18] Les éléments constitutifs d’une lésion professionnelle sont prévus à l’article 2 de la LATMP qui se lit comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[19] Le diagnostic retenu en l'instance est « déchirure du ligament collatéral interne ». Il s’agit d’une blessure.
[20] Dans un premier temps, il est approprié de déterminer si doit s’appliquer la présomption édictée à l’article 28 de la LATMP qui se lit comme suit :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
[21] Il ressort de ce libellé que trois éléments doivent se retrouver pour que la présomption de lésion professionnelle puisse trouver application, à savoir :
· le travailleur doit subir une blessure;
· la blessure doit arriver sur les lieux du travail;
· le travailleur doit être à son travail.
[22] Ces trois éléments doivent être établis par une preuve prépondérante.
[23] En l’instance, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve n’indique pas que la blessure diagnostiquée soit effectivement survenue au travail et sur les lieux du travail. Il s’agissait d’une fête ou le travailleur avait été invité.
[24] En l’absence de présomption, il incombe au travailleur d’établir, toujours par preuve prépondérante, les éléments constitutifs d’un accident du travail prévus à l’article 2 de la LATMP.
[25] Dans le présent dossier, il y a manifestement une preuve d’événement imprévu et soudain ayant entraîné une lésion. Cet événement n’est pas survenu par le fait du travail. S’agit-il d’un événement survenu à l’occasion du travail ?
[26] Comme l’a indiqué le réviseur Bernard Breault dans la décision contestée du 8 mai 2006 :
[…]
Les critères dont il faut tenir compte sont le lieu de l’accident, le moment de l’accident, la nature des activités au moment de l’accident et la nature du lien entre l’employeur et le travailleur au moment de l’accident. Bien qu’aucun de ces critères ne soit déterminant en soi, l’analyse de ces derniers permet de déterminer si l’événement dont il est question peut-être considéré comme un événement survenu à l’occasion du travail.
La notion de lieu de travail comprend, d’une façon générale, tous les lieux et les voies d’accès intérieures ou extérieures immédiates où le travailleur doit se trouver pour exécuter ses fonctions. Dans le cas présent, il se trouve dans un lieu extérieur à l’entreprise, soit une auberge à Saint-Michel-des-Saints.
Bien que le travailleur ait été convié à cet endroit par l’employeur, l’activité à laquelle il participe est de nature récréative, est à participation libre et a lieu pendant la fin de semaine, en dehors des heures de travail. Pendant cette période, il n’existe aucun lien de subordination entre l’employeur et le travailleur. Ce dernier est libre de faire ce qu’il désire pendant cette période.
[…]
[27] Le fait que l’employeur lui ait demandé d’aider à déplacer des tables avant une activité ne constitue pas en l’instance un lien de subordination auquel le travailleur ne peut se soustraire.
[28] La finalité de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’incident ayant entraîné la lésion, soit aider volontairement pendant quelques minutes dans la préparation de l’activité récréative décrite, est personnelle. Le fait que l’employeur puisse peut-être bénéficier indirectement de cette activité récréative de récompense à ses employés, compte tenu de l’invitation à certains sous-contractants, ne change pas cette situation.
[29] L’ensemble des circonstances décrites ne permettent pas de conclure que le travailleur a été victime d’un événement imprévu et soudain à l’occasion du travail le 17 décembre 2005 puisque celui-ci n’accomplissait pas une activité connexe à son travail de contremaître dans une compagnie de construction.
[30] L’objet de la LATMP n’est pas d’indemniser les travailleurs lorsque de tels incidents non reliés au travail se produisent à l’extérieur du cadre de travail. Par contre, d’autres moyens légaux existent pour fins d’indemnisation lorsque la responsabilité de personnes morales ou physiques est mise en cause.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en contestation de monsieur Marcel Desjardins, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 mai 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n'a pas subi une lésion professionnelle le 17 décembre 2005.
|
|
|
Jean-Claude Danis |
|
Commissaire |
|
|
|
|
Me Jean-Pierre Devost |
|
CABINET-CONSEIL |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
|
Marlene Boulianne |
|
TRINOME CONSEILS |
|
Représentante de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.