Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Malenfant) c. Normandin |
2011 QCTDP 6 |
JP1249 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LONGUEUIL |
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N° : |
505-53-000026-093 |
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DATE : |
5 mai 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHÈLE PAUZÉ |
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AVEC L'ASSISTANCE DES ASSESSEURS : |
Mme Judy Gold Me Yeong-Gin Jean Yoon |
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COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, organisme public constitué en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12), ayant son siège social au 360, rue Saint-Jacques Ouest, 2e étage, Montréal (Québec), H2Y 1P5, agissant dans l'intérêt public et en faveur de monsieur JEAN-MARC MALENFANT |
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Partie demanderesse |
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c. |
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MICHEL NORMANDIN, résidant et domicilié au […], Longueuil (Québec) […] |
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Partie défenderesse |
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et |
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JEAN-MARC MALENFANT, résidant et domicilié au […], Notre-Dame-du-Lac (Québec) […] |
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Partie victime et plaignante
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal des droits de la personne (ci-après «le Tribunal») est saisi d'une demande introductive d'instance dans laquelle la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après «la Commission») allègue que le défendeur, monsieur Michel Normandin, a porté atteinte à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de monsieur Jean-Marc Malenfant sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la condition sociale en refusant, par l'entremise de feu monsieur Claude Nolin, de conclure avec monsieur Malenfant un acte juridique ayant pour objet un bien ordinairement offert au public, soit la location d'un logement, le tout contrairement aux articles 10 et 12 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] (ci-après «la Charte»).
[2] La Commission allègue également que certaines questions contenues dans le formulaire «Offre de bail»[2] utilisé par monsieur Normandin dans le but de louer ses logements sont discriminatoires puisque contraires aux articles 5, 10 et 13 de la Charte.
[3] Par sa demande introductive d'instance amendée[3], la Commission demande au Tribunal:
D'ACCUEILLIR la présente demande;
DE CONSTATER que le défendeur, Michel Normandin a porté atteinte au droit de monsieur Jean-Marc Malenfant à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, de son droit de conclure un acte juridique ayant pour objet un bien ordinairement offert au public, soit la location d'un logement, sans faire l'objet de discrimination fondée sur sa condition sociale, le tout contrairement aux articles 10 et 12 de la Charte;
DE CONDAMNER le défendeur, Michel Normandin à verser, à monsieur Malenfant, une somme de sept mille dollars (7 000,00 $) à titre de dommages moraux pour l'atteinte à son droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, de son droit de ne pas se voir refuser la conclusion d'un acte juridique ayant pour objet un bien et de services ordinairement offert au public, soit un logement;
DE CONDAMNER le défendeur, Michel Normandin à verser à monsieur Jean-Marc Malenfant, une somme de trois mille dollars (3 000,00 $) à titre de dommages-intérêts punitifs en raison de l'atteinte illicite et intentionnelle à ses droits;
D'ORDONNER au défendeur, Michel Normandin d'élaborer et de mettre en place une politique de location exempte de discrimination qui devra être soumise à la Commission pour approbation;
D'ORDONNER au défendeur, Michel Normandin de cesser d'utiliser le formulaire « Offre de bail » qui comporte des questions discriminatoires puisque contraires aux articles 5, 10 et 13 de la Charte;
D'ORDONNER au défendeur, Michel Normandin de retrancher dudit formulaire les questions discriminatoires sous la section employeur, références bancaires et renseignements personnels et concernant la partie de la caution, les questions concernant le numéro d'assurance social, le numéro d'assurance-maladie ainsi que celle relative au permis de conduire et à l'auto ainsi qu'à l'employeur de la caution puisque contraires aux articles 5, 10 et 13 de la Charte.
LE TOUT avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle conformément à l'article 1619 C.c.Q. à compter de la signification de la proposition de mesures de redressement pour les dommages moraux et depuis la date du jugement pour les dommages punitifs, et les entiers dépens incluant, le cas échéant, les frais d'experts, tant pour la préparation de leur rapport que leur présence à la Cour.
1. LES FAITS
1.1 La preuve en demande
Témoignage du plaignant monsieur Jean-Marc Malenfant
[4] Monsieur Jean-Marc Malenfant, âgé de 51 ans, est prestataire de la sécurité du revenu depuis 2003.
[5] En avril 2006, monsieur Malenfant demeure avec sa mère à Sainte-Julie et lui paie un loyer de 400$ par mois. Il reçoit des prestations de 433$ par mois de la sécurité du revenu ainsi qu'un versement régulier de 300$ par mois de sa sœur.
[6] Il prévoit retourner aux études et ainsi son revenu serait porté à environ 1300$ par mois, compte tenu d'une subvention à laquelle il aurait droit dans le cadre d'un programme de retour aux études pour les prestataires de la sécurité du revenu.
[7] Au moment des faits en litige, monsieur Malenfant projette quitter la résidence familiale et se rapprocher de la ville de Montréal pour des raisons économiques. D'une part, actuellement, ses prestations de sécurité du revenu sont réduites de 100$ par mois parce qu'il vit avec un membre de sa famille et, d'autre part, ses frais de transport sont élevés. En plus, sa mère veut réduire ses dépenses en déménageant dans un logement plus petit. D'ailleurs, elle a jusqu'au 1er mai pour donner un avis de non-renouvellement. En emménageant à proximité de Montréal et seul, ses revenus seraient donc plus élevés et ses dépenses en transport amoindries.
[8] Afin de trouver un logement, il entreprend des recherches dans les journaux et sur l'internet, mais ne parvient pas à trouver un endroit qui convient à son budget.
[9] Une amie de la famille, madame Jennifer Belec, lui fait part d'une annonce concernant un logement d'une pièce et demi à louer à Longueuil pour 365$ par mois tout inclus. Les conditions de location semblent lui convenir et il entreprend des démarches.
[10] Le ou vers le 25 avril 2006, monsieur Malenfant appelle au numéro de téléphone mentionné dans l'annonce, prend rendez-vous avec monsieur Nolin, le concierge, rencontre celui-ci sur place au 830, rue Fréchette à Longueuil et visite le logement.
[11] Monsieur Malenfant trouve que le logement lui convient parce qu'il est situé à proximité du métro Longueuil, lui donnant un accès facile à l'université, et il permet aussi à sa mère de respecter l'échéance du 1er mai pour donner l'avis de non-renouvellement.
[12] En outre, le logement est avantageux pour des raisons budgétaires, notamment un loyer inférieur de 35$ par mois à ce qu'il paie maintenant, un gain de 100$ par mois sur la prestation de sécurité du revenu ainsi qu'un gain de 75$ par mois qui correspond aux frais du transport public mensuel entre Sainte-Julie et le métro de Longueuil.
[13] Il mentionne immédiatement à monsieur Nolin son très grand intérêt pour le logement et lui offre 50$ de dépôt, ce à quoi monsieur Nolin répond que l'argent n'est pas important.
[14] En réponse à la question de monsieur Nolin s'il travaille, monsieur Malenfant répond qu'il reçoit des prestations de l'aide sociale, qu'il est aux études et qu'il reçoit une subvention. Immédiatement, monsieur Nolin l'informe que la politique du propriétaire, par rapport aux assistés sociaux, est d'exiger un endosseur.
[15] Monsieur Malenfant réplique qu'il n'a pas d'endosseur et que, de toute façon, il est illégal et abusif d'exiger un endosseur. Le concierge répond que le propriétaire a le droit de faire ce qu'il veut. Ainsi se termine l'entretien.
[16] Le lendemain, monsieur Malenfant prend l'initiative de rappeler monsieur Nolin de chez madame Belec et, en sa présence sur l'autre ligne téléphonique, il lui fait part que le logement l'intéresse toujours mais qu'il n'a toujours pas d'endosseur.
[17] Monsieur Nolin réitère alors que c'est la politique du propriétaire d'exiger un endosseur des assistés sociaux, que c'est son bloc et qu'il a le droit de faire ce qu'il veut.
[18] Deux jours plus tard, monsieur Malenfant demande à madame Belec de téléphoner à monsieur Nolin pour s'informer de la disponibilité du logement.
[19] Madame Belec l'informe que le logement est toujours disponible. En outre, monsieur Nolin s'est informé si elle travaillait. Suite à sa réponse affirmative, monsieur Nolin lui a dit, «Parfait, parce que le propriétaire ne veut pas de BS dans ses blocs».
[20] Contre-interrogé, monsieur Malenfant affirme que, lors de sa visite du logement, monsieur Nolin n'avait pas avec lui le document «Offre de bail». Il nie catégoriquement que monsieur Nolin l'a invité chez lui pour remplir un tel document et à verser le montant du premier mois du loyer. Il affirme ne jamais avoir répondu à cette demande de monsieur Nolin en lui disant, «Je n'ai pas d'argent, je ne travaille pas».
[21] Monsieur Malenfant allègue que lorsqu'il tente de parler de sa capacité de payer le loyer et de l'aide financière qu'il reçoit de sa sœur, monsieur Nolin n'est pas intéressé à l'écouter. Pour monsieur Nolin, la mention de l'aide sociale, «c'était un stop. Assisté social c'était un endosseur».
[22] Suite aux difficultés qu'il éprouve avec monsieur Nolin, monsieur Malenfant précise ne pas avoir tenté d'entrer en contact direct avec le propriétaire car il n'a pas ses coordonnées. D'ailleurs, il ne se souvient pas avoir vu sur l'édifice une pancarte où aurait été écrit le numéro de téléphone du propriétaire.
[23] Il mentionne, en outre, qu'il ne voyait pas l'utilité de contacter directement le propriétaire car il comprenait que c'était une politique «absolue» de ne pas louer aux prestataires d'aide sociale sans endosseur.
[24] Lors du contre-interrogatoire, monsieur Malenfant explique qu'il ne mentionne son offre d'un dépôt de 50$ faite à monsieur Nolin que deux ans et demi après avoir porté plainte à la Commission des droits de personne et des droits de la jeunesse, parce que d'une part, on lui avait demandé d'être bref et concis et, d'autre part, il ne voyait pas la pertinence de mentionner ce fait à ce moment-là.
[25] Suite aux entretiens avec monsieur Nolin, monsieur Malenfant s'est senti profondément humilié, rejeté, exclus et très frustré, étant donné qu'il avait payé un loyer toute sa vie et qu'il est amplement capable d'assurer une dépense de 365$ par mois pour se loger.
[26] Il mentionne que «ça nous rend agressif de penser qu'on a même plus le droit de se loger. Sur l'aide sociale, on n'est pas là par choix, c'est pas un choix de carrière l'aide sociale, on est victime de ça, on se fait imposer ça».
[27] Il ajoute qu'il fait des efforts pour retourner aux études et sur le marché du travail. Cependant, en étant sur l'aide sociale «tu n'existes plus comme personne, il y a un X sur toi», ce qui provoque du stress et du découragement.
[28] Depuis ces événements, monsieur Malenfant affirme ne plus être la même personne et n'avoir plus la même vision du système de justice québécois.
[29] Selon monsieur Malenfant, cet incident a contribué à augmenter le niveau de stress dans sa vie quotidienne et celle de sa mère, notamment au point de vue financier.
[30] Dans les mois qui suivirent cet événement, la mère de monsieur Malenfant dut conserver son logement pour loger celui-ci, qui par la suite, dut demeurer avec elle pour l'aider à payer un loyer de 1400$ par mois. La santé de celle-ci se mit à se dégrader.
[31] À l'automne 2006, monsieur Malenfant subit un infarctus.
[32] Qui plus est, avec une session à compléter pour terminer un certificat en droit, monsieur Malenfant doit abandonner ses projets d'études à cause des coûts et des horaires déficients des transports publics entre Sainte-Julie et Montréal.
[33] Au printemps 2007, n'ayant toujours pas trouvé de logement et sa mère étant dans l'obligation de déménager, il se retrouve sans domicile fixe pendant 6 mois. Il doit habiter chez sa sœur pendant 4 mois et est itinérant pendant 2 mois. Il doit, ensuite, s'éloigner de 500 km de Montréal pour trouver un logement abordable, compte tenu de la pénurie de logements à cette époque.
[34] Monsieur Malenfant dit avoir été victime de discrimination en d'autres occasions dû au fait qu'il soit prestataire de l'aide sociale.
[35] L'accumulation des incidents discriminatoires à son endroit, souvent subtils et insidieux, l'incite à rechercher la défense de ses droits. Ainsi, il porte plainte dans ce cas particulier parce que la politique du locateur d'exiger un endosseur aux prestataires d'aide sociale lui apparaît explicitement discriminatoire.
[36] Il est d'avis que le locateur aurait dû vérifier sa capacité de payer le loyer avant d'exiger de lui un endosseur.
Témoignage de madame Jennifer Belec
[37] Madame Jennifer Belec, 44 ans, connaît monsieur Malenfant depuis 23 ans.
[38] Il y a environ quatre ans, elle aide monsieur Malenfant dans la recherche d'un logement dans la région de Longueuil. Le budget restreint de monsieur Malenfant et la pénurie de logements qui sévit à cette époque rendent cette tâche difficile.
[39] Madame Belec voit une annonce d'un logement à louer à Longueuil dans le Journal de Montréal qui semble convenir aux besoins de monsieur Malenfant et lui en fait part.
[40] Elle indique que c'est la première et la seule fois qu'elle lui fournit une annonce d'un logement à louer et qu'elle l'incite à aller le visiter. Elle n'a jamais, auparavant, accompagné monsieur Malenfant lors d'une visite de logement.
[41] Elle ne se souvient pas avoir vu plus d'un numéro de téléphone mentionné dans l'annonce. Toutefois, elle en doute car, lors des démarches subséquentes, elle et monsieur Malenfant ont toujours composé le même numéro de téléphone et ont parlé à la même personne.
[42] Monsieur Malenfant, après avoir visité le logement, informe madame Belec qui ne l'avait pas accompagné lors de la visite, que le logement lui a été refusé et qu'on exige de lui un endosseur.
[43] Subséquemment, monsieur Malenfant rappelle monsieur Nolin, en présence de madame Belec, pour s'informer s'il est toujours nécessaire qu'il ait un endosseur. Madame Belec affirme qu'on répond que c'est «non négociable».
[44] Questionnée, en contre-interrogatoire, sur la réponse à la question de monsieur Malenfant à savoir si un endosseur est toujours requis, madame Belec dit, «Monsieur a dû répondre oui, parce que ça s'est fini en queue de poisson…Je ne m'en souviens pas textuellement, mais comme ça s'est fini en queue de poisson, je présume que c'était toujours en vigueur».
[45] Quelques temps après, monsieur Malenfant demande à madame Belec d'appeler pour s'informer si le logement est toujours disponible.
[46] En présence de monsieur Malenfant, elle appelle de chez elle au numéro de téléphone inscrit dans l'annonce. Elle dit à l'homme qui lui répond qu'elle est intéressée par le logement annoncé dans le Journal de Montréal et lui demande s'il est encore disponible.
[47] Madame Belec affirme que l'homme lui répond que le logement est toujours disponible et, sans qu'elle puisse dire autre chose, celui-ci enchaîne tout de suite «qu'il ne louait pas aux BS».
[48] Madame Belec réplique qu'elle travaille et qu'elle rappellerait au besoin. La conversation ne dure que quelques minutes et son interlocuteur ne s'identifie pas.
[49] Le témoin ne se souvient pas si elle avait un numéro de téléphone confidentiel au moment où elle et monsieur Malenfant ont effectué ces appels téléphoniques de chez elle.
[50] Suite à ces événements, monsieur Malenfant est désemparé parce qu'il doit quitter le nid familial et, de surcroît, il éprouve des difficultés à se loger.
[51] Madame Belec donne les motifs qui l'incitent à témoigner dans cette cause, en disant que c'est pour «la défense de la veuve et l'orphelin, je trouvais ça injuste».
[52] Elle ne se souvient pas si monsieur Malenfant lui a fait part d'autres refus qu'il aurait essuyés dans sa recherche d'un logement qu'il attribuerait au fait qu'il soit prestataire de la sécurité du revenu. Il parlait plutôt en termes généraux en disant qu'il se sentait comme un indésirable dans la société.
[53] Madame Belec est au courant que monsieur Malenfant étudie en droit à Montréal au printemps 2006 quand il habite chez sa mère à Sainte-Julie. Elle ne se rappelle pas, par contre, s'il s'est inscrit pour continuer ses études à la session d'automne 2006.
1.2 Preuve en défense
Témoignage du défendeur monsieur Michel Normandin
[54] Monsieur Michel Normandin, résidant au 1175 rue Fréchette à Longueuil, est propriétaire d'immeubles à logements depuis 1982. Dix-neuf concierges sont actuellement à son emploi.
[55] En 2006, il est propriétaire d'environ 165 logements à Longueuil, incluant les sept logements de l'immeuble au 830, rue Fréchette. Il gère aussi la fiducie familiale qui compte 55 logements.
[56] Décédé depuis les événements, feu monsieur Claude Nolin était à l'emploi de monsieur Normandin depuis 1987, à l'exception d'une période de quelques années.
[57] En 2006, monsieur Nolin est concierge de 6 immeubles dont le 830 rue Fréchette. Il a la responsabilité de faire visiter des locataires potentiels et de leur faire remplir les formulaires usuels. En plus, il doit percevoir les loyers le premier du mois, faire le ménage des escaliers et tondre les pelouses.
[58] Monsieur Normandin décrit le processus de location de ses immeubles.
[59] Il place d'abord une annonce dans le Journal de Montréal, La Presse et parfois dans Le Devoir, le journal 24 heures, le journal Métro, le Courrier du Sud et le journal de Boucherville.
[60] Il spécifie que le contenu de ses annonces est toujours le même et inclut notamment son numéro de téléphone ainsi que celui des concierges concernés.
[61] Quand un locataire potentiel lui téléphone directement, il lui décrit en détail les logements à louer et, s'il y a lieu, le réfère au numéro de téléphone du concierge pour une visite.
[62] Le concierge a en sa possession l'offre du bail, les règlements de l'édifice, des copies de baux de la Régie du logement et un livret de reçus.
[63] Au visiteur intéressé à louer, le concierge donne à lire les règlements de l'édifice, donne à remplir le formulaire «Offre de bail» et le bail et fait signer celui-ci immédiatement. En plus, il demande le premier mois de loyer, soit par chèque, soit en argent comptant contre un reçu.
[64] Subséquemment monsieur Normandin examine les formulaires soumis et fait parfois des vérifications sommaires. Afin de vérifier la solvabilité des prospects, il télécopie les documents à une agence spécialisée en enquête de pré-location. C'est à cette étape que la capacité de payer est évaluée pour la première fois.
[65] Si le rapport de solvabilité provenant de l'agence est négatif, monsieur Normandin appelle le postulant et lui explique les raisons du refus de lui louer un appartement. Il l'invite à se présenter à son bureau pour lui rembourser le premier mois de loyer. Monsieur Normandin déchiquète ensuite les documents qui ont servi à l'étude du dossier.
[66] Si l'aspirant locataire conteste le résultat de l'enquête de pré-location et démontre de quelle façon il parviendra à payer son loyer, par exemple en démontrant qu'il a des sources de revenu alternatives suffisantes comme un travail à temps partiel ou l'aide de la famille, monsieur Normandin assure qu'il est disposé à s'entendre et à faire des arrangements pour louer à l'aspirant locataire sans endosseur, malgré l'enquête de crédit.
[67] Il affirme qu'il n'y a pas de catégorie de personnes à qui un endosseur est demandé systématiquement. C'est dans le cas où le prospect ne peut démontrer sa capacité de payer que monsieur Normandin exige, en dernier recours, un endosseur pour garantir le paiement du loyer.
[68] Dans le cas relativement courant où l'aspirant locataire ne peut pas payer la totalité du premier mois de loyer à la signature du bail, monsieur Normandin dit accepter le paiement d'une partie du loyer à la signature du bail en autant que le premier mois soit entièrement payé avant la prise de possession du logement.
[69] Il précise que l'incapacité de payer le premier mois de loyer en entier lors de la signature du bail n'est pas un critère de sélection et n'a rien à voir avec la demande d'endosseur.
[70] Ses concierges ne sont pas habilités à négocier les cas particuliers, tel que ceux concernant les modalités alternatives de paiement du premier mois de loyer. Ils portent ces cas à l'attention de monsieur Normandin.
[71] En fait, on peut le rejoindre pour tout problème concernant ses édifices, y compris ceux impliquant ses concierges. À la porte d'entrée de chacun de ses immeubles est placée, bien en vue, une plaque sur laquelle est écrit: «Administration. En cas d'urgence Michel Normandin» et son numéro de téléphone.
[72] Monsieur Normandin affirme n'avoir jamais rencontré monsieur Malenfant ou madame Belec ni avoir parlé au téléphone avec l'un ou l'autre.
[73] En outre, monsieur Nolin n'a jamais porté le cas de monsieur Malenfant à son attention ni par une offre de bail ni autrement, et monsieur Malenfant ne l'a jamais contacté pour présenter son cas.
[74] Le défendeur déclare complètement faux les propos de monsieur Malenfant qui allègue que monsieur Nolin ne lui a pas proposé de remplir une offre de bail mais lui aurait plutôt dit que le propriétaire exige systématiquement un endosseur à ceux qui sont sans emploi.
[75] Il affirme de façon péremptoire que «monsieur Nolin, jamais, au grand jamais, …s'en serait pris au statut économique d'une personne pour l'empêcher d'obtenir le formulaire».
[76] Au sujet du témoignage de madame Belec affirmant que monsieur Nolin, lors d'un entretien téléphonique, lui aurait spontanément dit «on loue pas aux BS», le défendeur affirme que c'est totalement faux car monsieur Nolin n'utilise pas ce vocabulaire.
[77] Qui plus est, ni lui ni ses employés ne disent une telle expression au téléphone. Monsieur Normandin explique qu'il a toujours des logements à louer et qu'ainsi son intérêt est de faire remplir les formulaires en vue de remplir ses immeubles, et non de refuser les locataires potentiels.
[78] Bien qu'il n'ait pas été présent lors des échanges entre monsieur Nolin et monsieur Malenfant, monsieur Normandin insiste sur le fait que les propos attribués à monsieur Nolin par monsieur Malenfant et madame Bélec ne concordent pas avec tout ce qu'il connaît de cet homme avec qui il a travaillé de nombreuses années.
[79] En fait, monsieur Nolin était son meilleur négociateur. Il aimait son travail et le faisait très bien, sans parti pris. En ce qui concerne les formulaires d'application, il les avait toujours sous la main et les remettait aux aspirants locataires systématiquement. Monsieur Nolin, cependant, ne «décidait de rien. Il fait remplir les formulaires puis il me les amenait, point à ligne. Ça arrêtait là son travail».
[80] Le défendeur maintient que le statut économique de la personne n'a rien à voir avec les critères de sélection des locataires. Il réitère que «la façon dont ils reçoivent les revenus, c'est pas là-dessus qu'on décide si on les prend ou pas. C'est sur la capacité de payer le loyer».
[81] D'ailleurs, ses immeubles, situés dans des quartiers où les revenus sont peu élevés, ont toujours été habités par une large proportion de locataires qui n'ont pas de revenus du travail, tel que des étudiants, des retraités, des prestataires de la sécurité du revenu et les nouveaux arrivants incluant certains référés par le YMCA.
[82] Ces personnes à faible revenu, dit-il, «ont besoin d'un toit. Qu'on soit sur le CSST, l'assurance chômage, bénéficiaires du ministère du revenu…C'est nécessaire dans la société qu'on est, on ne peut pas laisser les gens sans revenu. Il faut que tout le monde puisse manger puis se loger».
[83] Plus spécifiquement, le défendeur affirme que les bénéficiaires de la sécurité du revenu sont nombreux dans ses logements, l'ont toujours été et le seront toujours. Ceux-ci sont «des gens qui se logent comme tout le monde puis qui me paient bien».
[84] Contre-interrogé, monsieur Normandin mentionne qu'il passait régulièrement chez monsieur Nolin par affaire, et avait remarqué son téléphone: il était rouge, à cadran et situé dans la cuisine. Il ne sait pas s'il y avait un autre téléphone dans les chambres à coucher.
[85] Les formulaires «Offre de bail» et «Caution du bail», conçus à l'époque où le père de monsieur Normandin administrait les immeubles, sont toujours utilisés par le défendeur, sans avoir été mis à jour.
[86] Monsieur Normandin considère que ces documents doivent obligatoirement contenir certaines informations afin d'évaluer la candidature du postulant, soit le nom, l'adresse et le numéro de téléphone et surtout le code postal qui permet à l'agence d'enquête d'accéder aux bases de données.
[87] Les sources de revenu sont également une information nécessaire; les sections du formulaire Employeur et Autres revenus servent à évaluer la capacité de payer du locataire éventuel.
[88] Est aussi requise l'information sur le propriétaire actuel afin de pouvoir connaître les habitudes de paiement du locataire éventuel.
[89] Bien que les aspirants locataires et les garants demeurent, en définitive, libres de donner les informations «qu'ils veulent», monsieur Normandin leur demande de remplir les formulaires le plus complètement possible. Il leur explique que c'est dans leur l'intérêt ainsi que dans celui du locateur pour que l'enquête se fasse rapidement. Ainsi le logement est loué rapidement et l'aspirant locataire reçoit sa réponse dans un bref délai.
[90] Il arrive à monsieur Normandin de téléphoner à des locataires potentiels afin d'obtenir des informations supplémentaires qu'il juge importantes et qui ont été omises sur le formulaire.
Témoignage de feu monsieur Claude Nolin[4]
[91] La déclaration de feu monsieur Claude Nolin exprime sa version des faits et se lit comme suit:
1. Je suis concierge depuis 1987 que je suis avec Michel Normandin.
2. Je m'occupais de louer des logements dont celui de la rue Fréchette. C'était au printemps 2006.
3. J'ai fait visiter le logement, c'était pour le mois de juillet et il était occupé. Cela a pris 5 minutes c'était un 1½.
4. Je pense qu'il y avait une madame avec lui, je ne suis pas sûr.
5. Après on était sur le trottoir et je lui ai demandé s'il était intéressé. Il m'a dit oui, je lui ai dit qu'il faut remplir la feuille d'application (que je fais remplir chez moi à mon domicile qui est à 2 minutes de là, je suis à Place du collège).
Il m'a dit j'ai pas d'argent, je lui ai dit si tu peux avoir quelqu'un qui va garantir ton 1e mois, il n'y a pas de problème là. Il n'a pas répondu. Et après je lui ai dit s'il y a quelque chose rappelle-moi. Il m'avait dit qu'il travaillait pas et qu'il était sur l'aide sociale. Je ne me rappelle pas qu'il m'ait appelé par la suite. Je recois [sic] tellement de téléphones dans les période [sic] de location. Cela va à une 20 par jour.
6. Je ne lui ai pas dit que quand on est sur l'Aide sociale ça prend une caution.
7. Cela prend une caution quand la personne est pas solvable et qu'elle ne peut pas payer son premier mois. Je lui suggère d'aller emprunter à quelqu'un.
8. Quand je lui ai donné ces explications, il est parti et il n'a pas insisté.
9. Moi je remplis la feuille d'application, on a des feuilles de règlement, une feuille pour l'électricité quand il est responsable et avec les premiers(sic). Quand c'est cash je lui remet [sic] un reçu c'est accompte [sic] provisoire en expliquant que si c'est refusé(sic) le dépôt est remis au locateur.
10. Après je remet [sic] le tout à Michel et c'est lui qui décide. Dans le cas de M. Malenfant il n'y a rien eu de signé.
Témoignage de madame Diane Parent
[92] Madame Diane Parent, 47 ans, demeure dans des immeubles appartenant à Michel Normandin depuis juin 2007. Elle a trois enfants.
[93] Elle vivait, auparavant, dans un centre d'hébergement.
[94] C'est en marchant sur la rue Joliette à Longueuil, qu'elle voit l'affiche d'un logement à louer sur un édifice de monsieur Normandin. Elle rencontre la concierge, madame Lespérance, qui lui fait visiter deux logements, le 2139 rue Joliette, appartement 2 et le 2009 rue Joliette appartement 8.
[95] En réponse aux questions de madame Lespérance, madame Parent lui dit qu'elle habite dans un centre d'hébergement et lui raconte sa situation personnelle.
[96] Madame Lespérance lui fournit des documents qu'elle remplit, notamment l'offre de bail, la Caution du Bail, ainsi qu'une autorisation pour effectuer une enquête de crédit. Madame Parent donne aussi un dépôt pour le logement.
[97] Dans l'«Offre de bail», aux sections Employeur et Autres revenus, elle avait écrit «aide sociale», «pension handicaper» (sic) et «pension alimentaire», avec les revenus y afférents[5].
[98] Après réception des documents, monsieur Normandin s'informe auprès du centre d'hébergement si, de fait, elle y réside. Après avoir terminé ses recherches, le propriétaire accepte de louer un logement à madame Parent et ce, sans endosseur.
[99] Il lui propose le 2139 Joliette, appartement 2 où elle demeure pendant deux ans.
[100] Au printemps 2010, madame Parent visite l'appartement 4 qui se libère au rez-de-chaussée du 2009 Joliette. Elle téléphone à monsieur Normandin et lui dit qu'elle veut y déménager. Il lui répond «les clefs sont à toi». Elle y réside depuis.
[101] Selon la témoin, c'est le propriétaire, monsieur Normandin, et non la concierge qui a pris les décisions de lui louer les logements.
[102] Madame Parent mentionne qu'elle n'a jamais rencontré monsieur Nolin.
2. LES QUESTIONS EN LITIGE
[103] Les questions en litige sont les suivantes :
A) Le défendeur, monsieur Michel Normandin, a-t-il, par l'entremise de feu monsieur Claude Nolin, refusé de conclure un bail avec monsieur Jean-Marc Malenfant en raison de sa condition sociale et en ce faisant, a-t-il compromis le droit de monsieur Malenfant d'être traité en toute égalité sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la condition sociale, contrairement aux articles 10 et 12 de la Charte?
B) Dans les mêmes circonstances, monsieur Normandin a-t-il porté atteinte au droit de monsieur Malenfant à la sauvegarde de sa dignité, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la condition sociale, le tout contrairement aux articles 4 et 10 de la Charte[6]?
C) Monsieur Malenfant a-t-il droit aux dommages moraux et punitifs réclamés par la Commission en sa faveur?
D) Y a-t-il lieu d'accorder les ordonnances demandées par la Commission?
3. LE DROIT APPLICABLE
[104] Les dispositions pertinentes de la Charte se lisent ainsi:
4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.
6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
12. Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.
13. Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination.
Une telle clause est sans effet.
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
80. Lorsque les parties refusent la négociation d'un règlement ou l'arbitrage du différend, ou lorsque la proposition de la Commission n'a pas été, à sa satisfaction, mise en œuvre dans le délai imparti, la Commission peut s'adresser à un tribunal en vue d'obtenir, compte tenu de l'intérêt public, toute mesure appropriée contre la personne en défaut ou pour réclamer, en faveur de la victime, toute mesure de redressement qu'elle juge alors adéquate.
[105] Le présent recours réfère, d'une part, au droit d'un propriétaire à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, énoncé à l'article 6 de la Charte, et, d'autre part, au droit d'une personne de ne pas subir de discrimination, fondée sur le motif de la condition sociale, dans le cadre d'un acte juridique ayant pour objet des biens ou services ordinairement offerts au public, soit la conclusion d'un bail pour un logement, cette protection résultant des articles 10 et 12 de la Charte.
[106] Ce droit du propriétaire à la libre disposition de ses biens lui permet d'exiger le paiement d'un loyer, d'exiger qu'un locataire fournisse une caution pour le paiement du loyer, et de s'assurer de la capacité de payer des personnes qui désirent louer un de ses logements[7]. Ainsi, comme l'écrivait le Tribunal dans l'affaire Sinatra, «[l]e droit légitime d'un propriétaire de contracter avec des locataires responsables et solvables comporte, comme corollaire, l'obligation d'effectuer certaines vérifications à cette fin»[8].
[107] Cependant, tel que le précise l'article 6 de la Charte, la reconnaissance accordée au droit de propriété est assortie d'une limitation inhérente, c'est-à-dire les restrictions prévues par la loi, notamment les autres droits protégés par la Charte.
[108] Ainsi, l'article 12 de la Charte interdit que la location d'un logement soit refusée pour un des motifs interdits de discrimination prévus à l'article 10 de la Charte, dont la condition sociale. Le Tribunal a d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises qu'un logement est «un "bien ou un service" de nature spéciale puisqu'il renvoie à un "besoin fondamental"»[9]. Une discrimination fondée sur un des motifs énumérés à la Charte dans la recherche de et l'accès à un bien aussi essentiel est ainsi interdite[10].
[109] Le motif dont il est question en l'espèce, la «condition sociale» d'une personne, peut découler de plusieurs éléments, tels que «la scolarité, une absence de ressources de toutes sortes et même des origines familiales»[11]. Elle a été définie comme suit par le Tribunal:
[I]l apparaît que la condition sociale peut être définie comme la situation qu'une personne occupe au sein d'une communauté, notamment de par ses origines, ses niveaux d'instruction, d'occupation et de revenu, et de par les perceptions et représentations qui, au sein de cette communauté, se rattachent à ces diverses données objectives.[12]
[110] La condition sociale inclut notamment le fait de recevoir des prestations d'aide financières de derniers recours, soit des prestations d'aide sociale.
[111] Afin d'établir la preuve qu'il y a eu discrimination, la Cour suprême du Canada a conclu qu'il faut démontrer l'existence d'une exclusion, fondée sur l'un des motifs prohibés de discrimination énoncés dans la Charte, ayant pour effet de compromettre l'exercice d'un droit. Selon la Cour suprême, trois éléments doivent être présents pour qu'il y ait discrimination:
(1) qu'il existe une «distinction, exclusion ou préférence»,
(2) que cette «distinction, exclusion ou préférence» est fondée sur l'un des motifs énumérés au premier alinéa de l'art. 10 de la Charte québécoise, et
(3) que la «distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre» le «droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne».[13]
[112] La partie demanderesse a le fardeau de prouver un lien de causalité entre le motif de discrimination et l'atteinte au droit garanti. La Cour d'appel a ainsi précisé, citant M. Haïlou Wolde-Giorghis, alors directeur de la Direction de la recherche de la Commission des droits de la personne du Québec, que:
Le fardeau de preuve pèse sur celui qui allègue qu'un acte donné a enfreint un de ses droits reconnus. Il doit convaincre le tribunal par des faits établis que son droit est violé par l'acte illicite du défendeur.[14]
[113] La jurisprudence a également établi que l'intention de discriminer n'est pas un élément constitutif de la discrimination. Le caractère discriminatoire d’un acte s’apprécie en fonction des effets de l’acte et non de l’intention de son auteur. Ainsi, «l’auteur d’une discrimination ne peut se justifier en prouvant sa bonne foi ou ses bonnes intentions»[15].
[114] En l'espèce, il doit donc être prouvé de manière prépondérante qu'il y a eu un refus discriminatoire de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public, c'est-à-dire un refus de conclure un bail, fondé sur l'un des motifs interdits par la Charte, ici la condition sociale.
[115] La partie demanderesse invoque de plus les articles 5 et 13 de la Charte auxquels, allègue-t-elle, monsieur Normandin aurait également contrevenu. Selon la Commission, l'utilisation par le défendeur du formulaire «Offre de bail» contenant, selon elle, des questions ayant un effet discriminatoire, contrevient aux articles 5, 10 et 13 de la Charte.
[116] L'article 5 protège le droit à la vie privée et, de ce fait, «est destiné à protéger ce qui fait partie du cercle personnel et intime de chaque personne»[16]. Il y a une atteinte discriminatoire et illicite au droit à la vie privée si des questions discriminatoires, parce que reliées aux motifs interdits de l'article 10 de la Charte, ouvrent une brèche dans ce domaine, alors qu'elles ne sont pas nécessaires pour la conclusion d'un bail ou pour les fins d'une analyse d'une demande de location[17].
[117] L'article 13 quant à lui interdit toute clause comportant discrimination et énonce qu'une telle clause est sans effet. Le Tribunal a déjà précisé que la discrimination dont il est question dans cet article renvoie aux motifs de discrimination énumérés à l'article 10 de la Charte et que l'article 13 «s'applique dans tous les domaines d'activités qui prévoient une prohibition de discrimination au sens de l'article 10, notamment dans l'emploi (articles 16, 17, 18, 18.1, et 19), l'accès aux lieux publics (article 15) et les biens et services ordinairement offerts au public (article 12)»[18].
[118] Quant à l'article 4 de la Charte, il protège le droit à la dignité de toute personne qui ne peut exister sans le respect de son intégrité physique et psychologique. La Cour suprême du Canada a d'ailleurs reconnu que ce droit à la dignité est bafoué «par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelle, qui n’ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne.»[19]. Toute personne a ainsi le droit d'être traitée «avec pudeur, avec égards, avec déférence»[20].
4. L'ANALYSE DE LA PREUVE EN L'INSTANCE
[119] Le litige consiste ici à déterminer tout d'abord si monsieur Malenfant a fait l'objet d'un refus de location discriminatoire en raison de sa condition sociale.
[120] Dans un deuxième temps, le Tribunal devra déterminer si le formulaire «Offre de bail» comporte des questions contraires aux droits protégés par la Charte.
4.1 Monsieur Malenfant a-t-il subi de la discrimination fondée sur sa condition sociale, en contravention des droits garantis aux articles 10 et 12 de la Charte?
[121] Tel qu'il a été mentionné précédemment, les droits d'un propriétaire ne peuvent «s'exercer de manière discriminatoire en imposant aux membres d'un groupe protégé par la Charte des conditions de location ou certaines restrictions qui diffèrent de celles offertes au public en général»[21]. Le propriétaire ne peut pas imposer aux prestataires de l'aide sociale une ligne de conduite différente de celle imposée aux autres candidats, comme par exemple l'exigence systématique d'un endosseur ou d'une caution pour les prestataires de l'aide sociale[22].
[122] Ainsi, un propriétaire peut refuser de louer à une personne n'ayant pas des revenus suffisants pour payer le loyer[23] ou exiger qu'elle fournisse une caution. Toutefois, il doit auparavant faire «un minimum de vérifications sur la capacité de payer du locataire potentiel pour évaluer si un risque subsiste réellement»[24]. En effet, la raisonnabilité du risque appréhendé de ne pas être payé s'apprécie en fonction de la personne en cause[25] et ne doit pas être fondée sur des stéréotypes, des généralités ou de mauvaises expériences antérieures[26]. Il appartient ainsi au locataire de faire la preuve de ses revenus suffisants et au propriétaire de lui permettre de faire cette preuve[27].
[123] L'article 12 de la Charte prévoit qu'il faut tout d'abord démontrer que le bien ou le service est offert au public. En l'espèce, les deux parties ont témoigné à l'effet que le logement était bien disponible le 25 avril 2006.
[124] La version des faits présentée par les témoins de la partie demanderesse diffère cependant de celle des témoins de la partie défenderesse quant aux raisons qui ont empêché monsieur Malenfant d'obtenir la location du logement qu'il convoitait. Le Tribunal doit donc analyser les versions et, s'il y a lieu, préférer l'une ou l'autre de celles-ci et expliquer les raisons de ce choix.
[125] Monsieur Malenfant invoque dans son témoignage que monsieur Nolin n'a aucunement cherché à vérifier sa capacité de payer après avoir appris qu'il recevait la prestation de sécurité du revenu et ce, malgré qu'il l'ait informé qu'il était aux études et recevait une subvention. Monsieur Nolin l'a plutôt informé que la politique de monsieur Normandin est d'exiger un endosseur de la part des bénéficiaires de l'aide sociale, propos qu'il a réitérés le lendemain, lors d'une conversation téléphonique. Il ressort également du témoignage de monsieur Malenfant qu'il payait déjà à sa mère un loyer de 400$ par mois, malgré le fait que ses prestations de sécurité du revenu étaient réduites de 100$ par mois. Il ne comprend d'ailleurs pas pourquoi un endosseur était nécessaire, étant donné qu'il avait payé un loyer toute sa vie et était amplement capable de payer un loyer de 365$ par mois.
[126] Le témoignage de monsieur Malenfant est en partie corroboré par celui de madame Jennifer Bélec. Cette dernière affirme que monsieur Malenfant lui a expliqué, après sa visite du logement, qu'on lui a refusé la location et qu'on a exigé qu'il ait un endosseur. De plus, madame Bélec confirme la teneur de la conversation téléphonique que monsieur Malenfant a eue avec monsieur Nolin, ce dernier ayant alors dit à monsieur Malenfant qu'un endosseur était requis. Finalement, madame Bélec est elle-même entrée en contact par téléphone avec monsieur Nolin et ce dernier, selon son témoignage, lui a affirmé «qu'il ne louait pas aux BS».
[127] Par ailleurs, en défense, seul le défendeur a été entendu quant aux faits en litige, monsieur Nolin étant depuis décédé. La partie défenderesse a cependant déposé pour valoir témoignage, la déclaration écrite de ce dernier datée du 13 août 2008 et reçue par monsieur Yves Lussier, enquêteur de la Commission[28]. Cette déclaration a été admise en preuve par le Tribunal.
[128] M. Nolin y confirme qu'il a fait visiter le logement mais nie avoir dit à monsieur Malenfant que «quand on est sur l'aide sociale ça prend une caution». Il lui aurait plutôt dit que cela prend une caution quand le locataire n'est pas solvable et qu'il ne peut pas payer son premier mois. Il ne lui a pas fait remplir le formulaire «Offre de bail». Monsieur Nolin y affirme également qu'il n'a aucun souvenir d'avoir reparlé à monsieur Malenfant au téléphone par la suite.
[129] Quant à monsieur Normandin, il explique, lors de son témoignage, le processus général de location de ses immeubles. Il affirme qu'il n'y a pas de catégorie de personnes à qui un endosseur est demandé systématiquement. Il précise également que l'incapacité de payer le premier mois de loyer en entier lors de la signature du bail n'est pas un critère de sélection et n'a rien à voir avec la demande d'endosseur. Il n'a jamais rencontré monsieur Malenfant et madame Bélec ni parlé avec eux au téléphone, ce qui est corroboré par le témoignage de ces derniers, mais nie que monsieur Nolin aurait dit à monsieur Malenfant qu'il exige systématiquement un endosseur à ceux qui sont sans emploi. Il maintient que le statut économique de la personne n'a rien à voir avec les critères de sélection des locataires.
[130] Afin d'apprécier la crédibilité d'un témoin, le Tribunal doit notamment prendre en considération les éléments suivants : «son comportement à l'audience, les réponses données aux questions posées, son caractère, ses antécédents judiciaires, son développement intellectuel, la fidélité de sa mémoire, son sens d'observation et la vraisemblance de ses propos»[29]. Le professeur Jean-Claude Royer, dans son ouvrage sur la preuve, précise que «celui qui affirme un fait doit être préféré à celui qui le nie, si les deux témoins sont dignes de foi. Car, si une personne peut oublier un fait, elle ne peut se rappeler celui qui n'a jamais existé»[30]. De plus, le témoin qui est en mesure de donner plus de détails sur les faits pertinents au litige ajoute à sa crédibilité.
[131] En l'espèce, les témoignages de monsieur Malenfant et de madame Bélec offrent davantage de vraisemblance que celui de monsieur Normandin. Monsieur Malenfant raconte les événements de manière détaillée et cohérente. Son témoignage est corroboré en plusieurs points importants par un témoin indépendant, madame Bélec. Leur version, qui est positive, vraisemblable, cohérente, constante et corroborée, est davantage probante que celle de la partie défenderesse et donc plus crédible et fiable. Le Tribunal n'a aucune raison de ne pas les croire.
[132] La déclaration écrite de feu monsieur Nolin est incomplète, imprécise et vague et n'a pas convaincu le Tribunal. De plus, l'auteur n'ayant pu être contre-interrogé quant aux faits qui y sont allégués, sa valeur probante s'en trouve diminuée. Il importe cependant de souligner que monsieur Nolin y admet avoir été informé que monsieur Malenfant ne travaillait pas et était sur l'aide sociale. Tout en niant exiger une caution quand la personne «est sur l'aide sociale», il admet toutefois[31] que «Cela prend une caution quand la personne est pas solvable et qu'elle ne peut payer son premier mois. Je lui suggère d'aller emprunter ailleurs.», le tout contrairement à la politique de location expliquée par monsieur Normandin lors de son témoignage.
[133] Par ailleurs, seul monsieur Normandin a pu être entendu en défense mais il n'a pu préciser aucun fait, n'ayant pas été témoin de la rencontre et de la conversation téléphonique entre monsieur Malenfant et monsieur Nolin. Sa version n'a été aucunement corroborée. Son témoignage était très général et ne portait que sur la procédure habituelle de location de ses logements et non sur la situation spécifique ayant mené au présent litige. Il s'est contenté de nier catégoriquement que monsieur Nolin ait pu avoir un comportement discriminatoire à l'égard de monsieur Malenfant. Le Tribunal note d'ailleurs que le mémoire du défendeur, aux paragraphes 6, 7 et 13, contredit le témoignage de monsieur Normandin quant au fait que ce n'est que dans le cas où un locataire ne peut démontrer sa capacité de payer qu'il exige, en dernier recours, un endosseur pour garantir le paiement du loyer et que l'incapacité de payer le premier mois de loyer en entier lors de la signature du bail n'est pas un critère de sélection et n'a rien à voir avec la demande d'endosseur.
[134] La partie défenderesse a fait témoigner devant le Tribunal madame Diane Parent, et ce, afin de démontrer qu'elle n'est pas du genre à faire de la discrimination fondée sur la condition sociale. Mme Parent, qui est prestataire de l'aide sociale et reçoit également une pension pour personne handicapée ainsi qu'une pension alimentaire, a expliqué qu'elle vit depuis 2007 dans un logement appartenant à monsieur Normandin. Elle affirme que monsieur Normandin a accepté de lui louer le logement, après avoir fait une enquête de crédit, et ce, sans exiger un endosseur. Elle n'a cependant jamais eu affaire avec monsieur Nolin.
[135] Le Tribunal rejette ce moyen de défense qui n'est pas pertinent. En effet, cette preuve n'est pas déterminante et n'a pas de valeur probante, n'étant aucunement reliée aux faits de la présente affaire. Cette preuve n'établit aucunement que le défendeur, par l'entremise de monsieur Nolin, n'a pas agi de manière discriminatoire en l'espèce, d'autant plus que cette preuve réfère à des faits survenus après le 25 avril 2006 et que madame Parent n'a jamais eu à faire avec monsieur Nolin.
[136] Mentionnons également, à ce sujet, qu'il est depuis longtemps reconnu qu'«il peut y avoir discrimination sur un motif énuméré à l'article 10 sans que tous les membres du groupe en soient victimes»[32]. Comme l'écrivait la Cour suprême du Canada en 1989 dans l'arrêt Janzen:
Il suffit que l'attribution d'une caractéristique du groupe visé à un de ses membres en particulier constitue un facteur du traitement dont il fait l'objet. S'il fallait, pour conclure à la discrimination, que tous les membres du groupe visé soient traités de façon identique, la protection législative contre la discrimination aurait peu ou pas de valeur. En effet, il arrive rarement qu'une mesure discriminatoire soit si nettement exprimée qu'elle s'applique de façon identique à tous les membres du groupe-cible. Dans presque tous les cas de discrimination, la mesure discriminatoire comporte divers éléments de sorte que certains membres du groupe concerné ne sont pas atteints, tout au moins de façon directe, par la mesure discriminatoire.[33]
[137] Le Tribunal retient donc de la preuve que la capacité de payer de monsieur Malenfant n'a pas été vérifiée, afin de confirmer si un risque subsistait réellement, avant de lui imposer de fournir une caution. On ne lui a pas non plus permis de faire la démonstration de sa capacité de payer, tel que requis[34]. Ceci a eu pour effet de l'empêcher de conclure le bail.
[138] Monsieur Malenfant avait le droit que sa demande soit évaluée à partir des renseignements qu'il pouvait, et souhaitait d'ailleurs, fournir à monsieur Nolin et non à partir d'une règle générale qui a eu pour effet de l'exclure d'un véritable processus d'évaluation en raison de sa condition sociale.
[139] À la lumière de la preuve entendue, il appert plutôt que monsieur Nolin a refusé de faire remplir le formulaire «Offre de bail» à monsieur Malenfant après avoir appris qu'il ne travaillait pas, était sur l'aide sociale et n'avait pas de caution. Or, tel que l'a expliqué monsieur Normandin au Tribunal, monsieur Nolin ne pouvait rien décider, il devait faire remplir le formulaire «Offre de bail» et le remettre à monsieur Normandin afin que ce dernier effectue une vérification de la capacité de payer des locataires, à la lumière des réponses contenues dans le formulaire, en recourant aux services d'une agence spécialisée en enquête de pré-location. Ce qui n'a pu être fait.
[140] Ceci constitue un refus discriminatoire, comme l'avait d'ailleurs reconnu en ces termes le Tribunal dans l'affaire Whittom:
[d]écider de ne pas louer à une personne parce [que] ses revenus sont insuffisants sans faire aucune vérification quant à la réalité de cette personne, soit par un appel à l'ancien locateur ou de toute autre manière, c'est prendre une décision qui contrevient aux prescriptions de l'art. 10 de la Charte lorsque le refus s'exerce à l'endroit d'une personne pauvre qui tire principalement ses revenus de l'aide sociale. La décision de ne pas louer préjuge que la personne pauvre ne pourra effectivement payer le loyer, et la stigmatise en prenant en compte un des principaux éléments de la condition sociale, soit la catégorisation financière d'une personne et la place qu'elle occupe dans la société. Cette catégorisation de la situation financière d'une personne, une des facettes spécifiques de la condition sociale, comporte préjugés et mépris.[35]
[141] Qu'en est-il cependant de la responsabilité de monsieur Normandin, seul défendeur en l'espèce, ce dernier n'ayant jamais rencontré ni parlé avec monsieur Malenfant?
[142] Le Tribunal a depuis longtemps établi que le droit commun s'applique à titre de droit supplétif, en raison du silence de la Charte, en ce qui concerne la responsabilité d’un employeur pour les atteintes portées, par ses employés, aux droits protégés par celle-ci[36]. L'article 1463 du Code civil du Québec[37], qui prévoit un régime de présomption établissant une responsabilité sans égard à la faute, régit donc le principe de responsabilité de l'employeur pour les fautes commises par son préposé.
[143] Tel que le souligne le Tribunal dans l'affaire Remorquage Sud-Ouest[38],
cette présomption, irréfragable, de responsabilité du commettant envers ses employés exige par ailleurs la réunion de trois conditions dont le fardeau de preuve incombe à la victime, soit: 1) une faute du préposé; 2) un lien de préposition entre le préposé et le commettant; 3) la faute doit avoir été commise dans le cadre de l’exécution des fonctions du préposé.
[144] Il ressort de la déclaration de feu monsieur Nolin que ce dernier était un employé de monsieur Normandin au moment des faits en litige et que les événements se sont produits dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de concierge, alors qu'il faisait visiter un logement à un locataire potentiel. Cela n'a pas été nié par son employeur, le défendeur Michel Normandin. Les conditions d'application de la responsabilité de l'employeur étant remplies, monsieur Normandin doit donc être tenu responsable des agissements discriminatoires de son employé, aujourd'hui décédé.
[145] Le Tribunal conclut donc que la Commission a rempli son fardeau et a établi de manière prépondérante que monsieur Normandin, par l'entremise de feu monsieur Nolin, a contrevenu à son obligation de recevoir la demande de location et de l'examiner sans préjugés se rapportant à la condition sociale de la personne qui fait la demande ou à la source de ses revenus intrinsèquement liés à cette condition. Il a de ce fait refusé de louer un logement à monsieur Malenfant en raison de sa condition sociale.
4.2 Le formulaire «Offre de bail» contient-il des questions contrevenant aux articles 5, 10 et 13 de la Charte?
[146] La Commission allègue également que certaines questions contenues dans le formulaire «Offre de bail» utilisé par monsieur Normandin dans le but de louer ses logements sont discriminatoires et contreviennent aux articles 5, 10 et 13 de la Charte. En l'espèce, monsieur Malenfant n'a pas eu à remplir ce formulaire. Cependant, la Commission soumet que le Tribunal doit se prononcer sur la légalité de ce document au motif de l'intérêt public.
[147] La Commission demande ainsi au Tribunal d'ordonner que soient retranchées dudit formulaire les questions discriminatoires «sous la section employeur, références bancaires et renseignements personnels et concernant la partie de la caution, les questions concernant le numéro d'assurance social, le numéro d'assurance-maladie ainsi que celle relative au permis de conduire et à l'auto ainsi qu'à l'employeur de la caution»[39].
[148] L'article 10 de la Charte interdit la discrimination fondée sur «la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap». Des questions relatives à l'un de ces motifs, notamment concernant la nationalité, la langue, le statut marital, la date de naissance et l'âge des enfants, pourraient donc être qualifiées de discriminatoires en vertu des articles 5, 10 et 13 de la Charte[40].
[149] En l'espèce, le plaignant n'a pas répondu aux questions du formulaire «Offre de bail», monsieur Nolin ne le lui ayant pas remis lors de la visite de l'appartement. Monsieur Malenfant n'a donc subi aucune discrimination en lien avec ledit formulaire.
[150] De plus, la preuve présentée au Tribunal en l'espèce n'est ni probante ni suffisante pour conclure, tenant compte de l'intérêt public, que les questions que l'on retrouve au formulaire «Offre de bail» sont en soi discriminatoires ou sont susceptibles d'avoir un effet discriminatoire, ce qui a d'ailleurs été admis, lors de l'audience, par la procureure de la Commission.
[151] En conséquence, le Tribunal ne peut ordonner à monsieur Normandin de cesser d'utiliser le formulaire « Offre de bail » ni d'en retirer certaines questions, tel que le lui demande la Commission dans ses conclusions.
5. LES ORDONNANCES ET LES DOMMAGES
5.1 Les ordonnances
[152] Outre les ordonnances demandées par la Commission concernant le formulaire « Offre de bail », dont il a été décidé précédemment, la Commission demande au Tribunal d'ordonner à monsieur Normandin d'élaborer et de mettre en place une politique de location exempte de discrimination qui devra être soumise à la Commission pour approbation.
[153] Tant les articles 49 que 80 de la Charte habilitent le Tribunal à rendre de telles ordonnances. Cependant, il ne suffit pas de demander une ordonnance pour qu'elle soit automatiquement accordée.
[154] Tout d'abord, le Tribunal reconnaît que l'élaboration d'une politique de location exempte de discrimination peut servir à mettre fin à l’atteinte et qu’elle peut, lorsque la situation le justifie, faire aussi partie de la réparation. Le Tribunal conclut cependant que les critères ne sont pas rencontrés pour émettre en l'espèce l'ordonnance recherchée.
[155] En effet, la preuve présentée est insuffisante pour établir que le refus opposé à monsieur Malenfant faisait partie d’une politique de location. Elle a simplement permis d’établir que monsieur Malenfant a été traité de manière discriminatoire par monsieur Nolin. Cette conclusion du Tribunal se trouve d'ailleurs appuyée par les témoignages de monsieur Normandin et de madame Parent qui sont, à cet égard, cohérents et crédibles.
5.2 Les dommages moraux
[156] La Commission demande au Tribunal d'accorder 7 000 $ à titre de dommages moraux à monsieur Malenfant.
[157] Bien que le dommage moral puisse parfois sembler difficile à évaluer compte tenu du fait qu'il est intangible et invisible, le Tribunal fait siens les enseignements de la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Malhab c. Metromédia C.M.R. Montréal Inc. à l'effet qu'il n'en demeure pas moins réel. La Cour y décrit ainsi le préjudice moral:
Que le préjudice moral soit plus difficile à cerner ne diminue en rien la blessure qu'il constitue. J'irais même jusqu'à dire que, parce qu'il est non apparent, le préjudice moral est d'autant plus pernicieux. Il affecte l'être humain dans son for intérieur, dans les ramifications de sa nature intime et détruit la sérénité à laquelle il aspire, il s'attaque à sa dignité et laisse l'individu ébranlé, seul à combattre les effets d'un mal qu'il porte en lui plutôt que sur sa personne ou sur ses biens.[41]
[158] L'exclusion qu'a subie monsieur Malenfant a porté atteinte à son droit de conclure un acte juridique en toute égalité et sans discrimination.
[159] À la suite des entretiens qu'il a eus avec monsieur Nolin, il s'est senti profondément humilié, rejeté et exclu. Ayant toujours bien payé son loyer, il s'est senti frustré d'être ainsi traité. Cet incident a, selon lui, contribué à augmenter le niveau de stress dans sa vie, notamment au niveau financier. Il témoigne ainsi avoir subi de nombre d'inconvénients en raison de ce refus, ayant notamment dû abandonner son projet de retour aux études, habiter chez sa mère, chez sa sœur, vivre dans la rue durant deux mois et, ensuite, s'éloigner de Montréal afin de trouver un logement abordable, dans le contexte d'une pénurie de logements.
[160] Bien que sensible au fait que monsieur Malenfant a vécu des moments très difficiles dans sa vie personnelle et familiale au cours de la période postérieure aux événements en litige, le Tribunal ne peut faire reposer sur monsieur Normandin la responsabilité de tous les événements discriminatoires que monsieur Malenfant témoigne avoir subis au cours des années, en raison de sa condition sociale. Ces événements, qu'il décrit lui-même comme étant subtils et insidieux, ont tous contribué à la souffrance et à l'humiliation qu'il a vécues au cours des dernières années. Dans ce contexte, et bien qu'il réitère que le comportement de feu monsieur Nolin a été inacceptable, tenant compte de la jurisprudence en la matière[42], le Tribunal ordonne à monsieur Normandin de verser à monsieur Malenfant une somme de 3 500 $.
5.3 Les dommages punitifs
[161] La Commission demande également au Tribunal d'ordonner l'octroi de 3 000 $ en dommages-intérêts punitifs à monsieur Malenfant. Le fardeau incombe donc à la partie demanderesse de prouver qu'il y a non seulement eu une atteinte aux droits fondamentaux de monsieur Malenfant, mais également que cette atteinte était intentionnelle.
[162] L'octroi de dommages punitifs répond à des objectifs de punition, de dissuasion, et de dénonciation, tel que l'a rappelé la Cour suprême du Canada récemment dans l'arrêt de Montigny c. Brossard (Succession)[43]. De tels dommages ne peuvent cependant être accordés que si l'atteinte est illicite et intentionnelle[44]. Selon la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, les paramètres suivants doivent être rencontrés afin de qualifier une atteinte d'illicite et intentionnelle:
En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l'art. 49 de la Charte lorsque l'auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l'intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère.[45]
[163] Par ailleurs, il ressort de l'alinéa 2 de l'article 49 de la Charte, que c'est chez l'auteur de l'atteinte qu'il faut rechercher l'intentionnalité, critère préalable à l'octroi des dommages punitifs. Qu'en est-il alors lorsque, comme en l'espèce, la partie défenderesse est l'employeur de l'auteur de l'atteinte?
[164] Il est tout d'abord établi que le lien de préposition ne suffit pas pour engager la responsabilité de l'employeur quant à l'octroi de dommages punitifs[46]. Un employeur ne peut ainsi être tenu à des dommages punitifs, en vertu du deuxième alinéa de l'article 49 de la Charte, lorsqu'il n'a ni expressément ni implicitement autorisé ou ratifié l'acte répréhensible de son employé. Il faut qu'il y ait à tout le moins une volonté présumée ou imputable de porter atteinte à l’intégrité et à la dignité de la victime.
[165] À cet égard, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Gauthier c. Beaumont, précise que :
111. [L]es ordres donnés par le commettant, la connaissance ou la non-interdiction des actes illicites, l'omission d'ordonner la cessation de ceux-ci ainsi que le niveau hiérarchique du poste du préposé fautif au sein de l'organisation du commettant sont des éléments donnant lieu à une présomption de fait établissant, par prépondérance de preuve, l'existence de cette volonté du commettant à l'égard des conséquences de l'atteinte illicite à des droits selon la Charte québécoise.[47]
[166] Le Tribunal doit donc déterminer s’il y a lieu d’accorder des dommages punitifs en appliquant ces principes aux faits en l’espèce.
[167] Monsieur Normandin a témoigné à l'effet que le statut économique de la personne n'a rien à voir avec les critères de sélection des locataires, il vérifie plutôt leur capacité de payer. Ainsi, il affirme que ce n'est que dans le cas où un locataire potentiel ne peut démontrer sa capacité de payer qu'il exige, en dernier recours, un endosseur pour garantir le paiement du loyer. De plus, il n'y a aucune preuve au dossier que monsieur Normandin a été informé que monsieur Nolin disait aux locataires potentiels bénéficiant de l'aide sociale qu'un endosseur était exigé dans leur cas et qu'il aurait cautionné ou toléré sa façon d'agir. Monsieur Normandin témoigne plutôt à l'effet que les agissements reprochés à monsieur Nolin ne font pas partie de ses pratiques.
[168] Le Tribunal conclut donc qu'en l'absence d'éléments de preuve factuels permettant de conclure à une atteinte illicite et intentionnelle, monsieur Normandin ne peut être condamné à verser des dommages punitifs à monsieur Malenfant.
[169] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[170] ACCUEILLE en partie la présente demande;
[171] CONDAMNE le défendeur monsieur Michel Normandin à verser à monsieur Jean-Marc Malenfant la somme de 3500$ à titre de dommages moraux;
[172] LE TOUT avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis la signification de la proposition de mesures de redressement du 23 novembre 2009, ainsi que les entiers dépens.
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__________________________________ Michèle Pauzé, PRÉSIDENTE |
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Me Christine Campbell |
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Vizkelety Drapeau Bourdeau 360, rue Saint-Jacques Ouest, 2e étage Montréal (Québec) H2Y 1P5 |
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Procureur de la partie demanderesse |
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Me Anne-Marie Forget |
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Gagnon et Associés 110-32, rue Saint-Charles Ouest Longueuil (Québec) J4H 1C6 |
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Procureur de la partie défenderesse
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Date d’audience : |
11 novembre 2010 |
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[1] L.R.Q., c. C-12.
[2] Pièce P-4.
[3] Demande introductive d'instance amendée datée du 26 octobre 2010.
[4] La déclaration écrite de feu monsieur Claude Nolin, pièce D-2, écrite en date du 13 août 2008 et reçue par monsieur Yves Lussier, enquêteur de la Commission, est acceptée à titre de témoignage par le Tribunal.
[5] Pièce D-1.
[6] Cette question se retrouve aux Mémoires des parties. Cependant, étant donné qu'aucune conclusion à cette fin n'apparaît dans les procédures et que ce point n'a pas été plaidé spécifiquement lors de l'audience, il n'y aura pas de conclusion à cet effet.
[7] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Briand, J.E. 97-1477, 1997 CanLII 70 (QC T.D.P.); Commission des droits de la personne du Québec c. J.M. Brouillette Inc., (1994) 23 CHRR D/495, par. 13, 1994 CanLII 191 (QC T.D.P.).
[8] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Sinatra, J.E. 99-2197, 1999 CanLII 52, par. 31 (QC T.D.P.).
[9] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bertiboni, J.E. 2009-666, 2009 QCTDP 5, par. 32 (CanLII).
[10]Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bernier, J.E. 2005-335, 2005 CanLII 176, par. 37 (QC T.D.P.).
[11] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Briand, préc., note 7.
[12] Commission des droits de la personne du Québec c. Gauthier, [1994] R.J.Q. 253, p. 260, 1993 CanLII 2000 (QC T.D.P.).
[13] Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, p. 538 (j. Cory), 1994 CanLII 102 (C.S.C.). Voir aussi Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90, p. 98, 1988 CanLII 51 (C.S.C.); Devine c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 790, 1988 CanLII 20 (C.S.C.).
[14] Québec (Ville de) c. Commission des droits de la personne, (1989) R.J.Q. 831, p. 843, 1989 CanLII 613 (QC C.A.).
[15] Id., p. 841.
[16] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Transport en commun la Québécoise Inc., 2002 CanLII 9226, par. 34 (QC T.D.P.).
[17] Id. et Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Desroches, J.E. 2008-15, 2007 QCTDP 28, par. 109 (CanLII).
[18] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Magasins Wal-Mart Canada Inc., [2003] R.J.Q. 1345, par. 163, 2003 CanLII 24566 (QC T.D.P.), appel accueilli en partie par la Cour d'appel le 8 février 2005 (J.E. 2005-441).
[19] Law c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, p. 530, 1999 CanLII 675 (C.S.C.).
[20] Commission des droits de la personne c. Centre d’accueil Villa Plaisance, [1996] R.J.Q. 511, p. 523, 1995 CanLII 2814 (QC T.D.P.).
[21] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Yazbeck, 2001 CanLII 16687, par. 54 (QC T.D.P.). Voir également Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Sinatra, préc., note 8, par. 32.
[22] Commission des droits de la personne du Québec c. J.M. Brouillette Inc., préc., note 7, par. 36, cité dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois et al., J.E. 2001-1792, 2001 CanLII 9093, par. 25 (QC T.D.P.).
[23] Whittom c. Québec (Commission des droits de la personne), [1997] R.J.Q. 1823, p. 1826, 1997 CanLII 10666 (QC C.A.).
[24] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois et al., préc., note 22, par. 53.
[25] Whittom c. Québec (Commission des droits de la personne), préc., note 23, p. 1827, cité notamment dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Latreille, J.E. 2000-1082, 2000 CanLII 68, par. 32 (QC T.D.P.), et dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois et al., préc., note 22, par. 59.
[26] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois et al., préc., note 22, par. 28; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Latreille, préc., note 25, par. 28; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Sinatra, préc., note 8, par. 34.
[27] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Lauréat Richard Inc., J.E. 2001-1251, 2001 CanLII 17869, par. 35 (QC T.D.P.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois et al., préc., note 22, par. 56.
[28] Pièce D-2.
[29] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bertiboni, préc., note 9, par. 44.
[30] Jean-Claude Royer, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 127-128.
[31] Voir aux paragraphes 6, 7 et 8 de la déclaration écrite de monsieur Nolin, D-2.
[32] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Thi Van, [2001] R.J.Q. 2039, p. 2043, 2001 CanLII 20309 (QC T.D.P.).
[33] Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252, p. 1288-1289, 1989 CanLII 97 (C.S.C.).
[34] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois et al., préc., note 22, par. 53, 56 et 58.
[35] Commission des droits de la personne du Québec c. Whittom, (1994) 20 C.H.R.R. D/349, p. D/355 (T.D.P.).
[36] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Pigeon, 2002 QCTDP 64 (CanLII); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Caisse Populaire d'Amqui et al., [2004] R.J.Q. 355, 2003 CanLII 48209 (QC T.D.P.).
[37] «1463. Le commettant est tenu de réparer le préjudice causé par la faute de ses préposés dans l’exécution de leurs fonctions; il conserve, néanmoins, ses recours contre eux.»
[38] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Remoquage Sud-Ouest (9148-7314 Québec inc.) et al., J.E. 2010-1787, 2010 QCTDP 12, par. 119 (CanLII).
[39] Demande introductive d'instance amendée.
[40] Voir Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Desroches, préc., note 17.
[41]Malhab c. Metromédia C.M.R. Montréal Inc., [2003] R.J.Q. 1011, par. 63, 2003 CanLII 47948 (QC C.A.).
[42] Voir notamment Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Sinatra, préc., note 8; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Thi Van, préc., note 31; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois et al., préc., note 22; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Thu Do, J.E. 2005-609, 2005 CanLII 5526 (QC T.D.P.); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bernier, J.E. 2005-335, 2005 CanLII 176 (QC T.D.P.).
[43] de Montigny c. Brossard (Succession), [2010] 3 R.C.S. 64, par. 53, 2010 CSC 51.
[44] Article 49 alinéa 2 de la Charte.
[45] Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand c. Le Curateur public, [1996] 3 R.C.S. 211, par. 121, 1996 CanLII 172 (C.S.C.).
[46] Gauthier c. Beaumont, [1998] 2 R.C.S. 3, par. 110, 1998 CanLII 788 (C.S.C.); Augustus c. Gosset, [1995] R.J.Q. 335, p. 359, 1995 CanLII 5101 (QC C.A.) (motifs de la juge Deschamps, auxquels souscrit le juge Vallerand) (la Cour suprême du Canada a entendu l'appel dans ce dossier et confirmé la décision de la Cour d'appel sauf quant au quantum des dommages compensatoires pour solatium doloris ([1996] 3 R.C.S. 268)); Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345, par. 65, 1996 CanLII 208 (C.S.C.) (opinion de la juge L'Heureux-Dubé, dissidente).
[47] Gauthier c. Beaumont, préc., note 45, par. 111.
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