Décision

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Sorensen c. Autos SMR inc.

2018 QCCQ 9284

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N°:

200-32-700748-170

 

 

 

DATE :

28 septembre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CHANTAL GOSSELIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

ÉRIC SORENSEN

[...], Lévis (Québec) [...]

Demandeur

c.

AUTOS S.M.R. INC. (NEQ: 1164530553)

4585, boulevard Guillaume-Couture, Lévis (Québec) G6W 6M9

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]          Monsieur Sorensen réclame 7 506,87 $ à Autos S.M.R. inc. (Lévis Autos) en diminution du prix de vente pour vices cachés en raison d’un bris important d’une pièce interne du moteur d’un véhicule, Suzuki Grand Vitara 2007 et des dommages-intérêts.

[2]          Lévis Autos conteste la demande aux motifs que la garantie conventionnelle est expirée, que le diagnostic du problème de moteur n’est pas validé et qu’il y a des doutes quant à l’utilisation et l’entretien du véhicule par monsieur Sorensen.

LES QUESTIONS EN LITIGE

1re question:       Le véhicule acheté par monsieur Sorensen est-il l’objet de vices cachés au moment de sa vente ?

2de question:       Y a-t-il eu un avis de dénonciation des vices préalablement au démontage du moteur et si non, qu’elle en est la conséquence ?

LE CONTEXTE

[3]          Sans reprendre l’ensemble des faits mis en preuve lors de l’instruction, les plus pertinents retenus par le Tribunal sont les suivants.

[4]          Monsieur Sorensen est mécanicien depuis 1997. Il détient un Diplôme d’étude professionnelle en mécanique automobile et un Diplôme d’étude professionnelle en mécanique de véhicules lourds. Il fait de l’expertise de moteurs depuis 2010.

[5]          Lévis Autos est concessionnaire d’automobiles d’occasions.

[6]          Le 25 janvier 2013, intéressé par l’achat d’un véhicule, monsieur Sorensen se rend chez Lévis Autos. Il fait seul l’essai routier d’un Suzuki Grand Vitara 2007 pendant une quinzaine de minutes.

[7]          Le 28 janvier 2013, une feuille d’inspection avant la vente d’une garantie automobile supplémentaire est complétée par le concessionnaire[1]. La garantie prolongée offerte est refusée par monsieur Sorensen.

[8]          Ce 28 janvier 2013, monsieur Sorensen achète de Lévis Autos le véhicule Suzuki Grand Vitara 2007, ayant 129 170 kilomètres (km) à l’odomètre, à un prix de 9 385,57 $ (taxes incluses)[2]. L’automobile est couverte par une garantie conventionnelle de trois mois ou 5 000 kilomètres (groupe motopropulseur).

[9]          Madame Chantal Chamberland, la conjointe de monsieur Sorensen, utilise principalement ce véhicule. Elle indique constater un bruit lors la fin de semaine des 18 et 19 mai 2014. Le véhicule a alors parcouru environ 20 500 km depuis son achat chez Lévis Autos.

[10]       Le 20 mai 2014, monsieur Sorensen constate également un bruit au volant du véhicule et tombe en panne. Il fait remorquer le véhicule chez lui à un coût de 86,23 $[3]. Il entre en communication avec Lévis Autos pour lui faire part du problème qui proviendrait d’une pièce interne du moteur et qui rendrait le véhicule inutilisable. Puisque la garantie conventionnelle est expirée, Lévis Autos offre à monsieur Sorensen de l’aide pour trouver un moteur au prix coutant et de la main-d’œuvre à un tarif horaire de 60 $. Monsieur Sorensen refuse.

[11]       Monsieur Sorensen démonte le moteur pendant la semaine ou la fin de semaine suivante. Il constate que la garde de chaine interne du moteur s’est cassé, que la chaine s’est coincée et des débris de métal se sont retrouvés dans l’huile, ce qui a fait sauter le moteur. Le véhicule a alors parcouru environ 149 670 km depuis sa mise sur route initiale.

[12]        Le véhicule est remisé à compter du 30 mai 2014[4]. Monsieur Sorensen achète une autre automobile pour le temps du remisage.

[13]        Les 3 et 4 juin 2014, monsieur Sorensen se rend chez Lévis Autos et discute avec son vendeur du problème de moteur. Le 6 juin 2014, il entre en communication avec monsieur Stéphane Rancourt, propriétaire de Lévis Autos, mais ce dernier quitte pour vacances. Ils se reparlent le 16 juin 2014, mais aucune entente n’intervient concernant leur différend au sujet du remplacement du moteur.

[14]        Le 16 juin 2014, monsieur Sorensen obtient par courriel une évaluation de la réparation mécanique de son véhicule par monsieur Alain Bouffard de Lévis Suzuki à 969,60 $ (taxes en sus)[5].

[15]       Le 4 août 2014, Lévis Autos reçoit une mise en demeure de monsieur Sorensen lui offrant « de faire effectuer vos propres expertises sur le véhicule » dans un délai de 10 jours[6].

[16]       Le 11 août 2014, Lévis Autos répond à la mise en demeure en niant toute responsabilité, mais en formulant une offre de règlement[7].

[17]        De mai 2015 jusqu’en février 2016, monsieur Sorensen achète différentes pièces mécaniques en vue de la réparation du moteur du véhicule à un coût de 1 227,69 $[8]. Il débute les travaux de réparation en janvier 2016 et les termine en février 2016. Il affirme avoir pris 67 heures pour procéder au remplacement du moteur de son véhicule.

[18]        Le véhicule est remis en circulation le 15 février 2016[9].

[19]       Le 21 avril 2017, Lévis Autos reçoit une seconde mise en demeure de monsieur Sorensen, lui réclamant 7 480,22 $ pour le remplacement du moteur (pièces et sa main-d’oeuvre)[10].

[20]        Préalablement à l’audience, sans procéder à l’inspection du véhicule, Lévis Autos complète des devis pour évaluer le coût de remplacement du moteur du véhicule si elle avait procédé à la réparation, soit 2 360,44 $ (taxes incluses, pour un moteur usagé de 40 000 km), soit 1 805,11 $ (taxes incluses, pour un moteur usagé de 120 000 km)[11].

L’ANALYSE

[21]       Il appartient à monsieur Sorensen de démontrer de façon prépondérante le bien-fondé de sa réclamation. Il doit donc démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les inférences graves, précises et concordantes qu'il est raisonnablement possible d'en tirer[12].

1re question:     Le véhicule acheté par monsieur Sorensen est-il l’objet de vices cachés au moment de sa vente ?

[22]        L’article 1726 du Code civil du Québec (C.c.Q.) traite de la garantie contre les vices cachés en ces termes:

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[23]        Les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateurhttps://soquij-qc-ca.proxyintramagis.caij.qc.ca/portail/recherchejuridique/Selection/2121130 - _ftn1 (L.p.c.)[13] précisent qu’un bien doit pouvoir servir à l’usage auquel il est destiné, et ce, pendant une période raisonnable:

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

 

 

[24]        L’article 1729 du Code civil du Québec énonce:

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de mêmes espèces; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

[Soulignement ajouté]

[25]        L’existence d’un vice au moment de la vente est donc présumée si la vente est effectuée par un vendeur professionnel lorsque le mauvais fonctionnement du bien survient prématurément par rapport à des biens identiques.

[26]        Par contre, compte tenu de l’âge et du kilométrage du véhicule au moment du bris et en l’absence d’un rapport d’expertise ou de toute autre preuve prépondérante en ce qui concerne la durée de vie d’un moteur d’un tel véhicule, le Tribunal arrive à la conclusion que monsieur Sorensen n’a pas fait la démonstration que le moteur du véhicule Suzuki Grand Vitara 2007 était l’objet de vices cachés au moment de sa vente.

[27]        En effet, Lévis Autos ne peut être tenue responsable d’une réparation qui résulte de l’usure normale, de l’usage ou de l’entretien ou d’autres situations apparentes compte tenu du fait qu’il s’agit d’un véhicule usagé de sept ans qui comptait 149 670 km lors du bris survenu près de 16 mois après son achat.

2de question:    Y a-t-il eu un avis de dénonciation des vices préalablement au démontage du moteur et si non, qu’elle en est la conséquence ?

[28]        Par ailleurs, monsieur Sorensen n’aurait pu réclamer le coût de la réparation du moteur pour un vice qui n’a pas été dénoncé à l’autre préalablement au démontage du moteur.

[29]        L’acheteur qui constate un vice doit le dénoncer par écrit au vendeur dans un délai raisonnable de sa découverte ou lui envoyer une mise en demeure écrite avant d’effectuer quelque réparation[14].

[30]        Cette dénonciation préalable aux réparations permet au vendeur de faire ses propres constatations et de veiller à protéger son droit d’effectuer lui-même ou de faire effectuer les réparations ou de procéder à une expertise visant à déterminer la nature, la cause du bris et l’évaluation des réparations à un prix possiblement moindre que celui exigé par l’acheteur.

[31]        Le défaut de faire la dénonciation requise peut ne pas être fatal, mais seulement en certaines circonstances:

·           lorsque le vendeur connaissait ou ne pouvait ignorer le vice ;

·           en situation d’urgence nécessitant une intervention immédiate ;

·           lorsqu’il y a eu une dénonciation verbale considérée suffisante et qu’il n’y a aucun préjudice pour le vendeur ;

·           lorsque le vendeur est présumé avoir renoncé à une telle dénonciation écrite.

[32]        Rien dans la preuve ne permet au Tribunal de conclure à la présence de l’une ou de l’autre de ces situations ayant pu exonérer monsieur Sorensen de la nécessité de l’envoi d’un avis de dénonciation préalable.

[33]        Monsieur Sorensen n’a pas transmis de courriel, de lettre, de préavis, ni de mise en demeure à Lévis Autos avant de démonter le moteur du véhicule, privant Lévis Autos de la possibilité d’en examiner l’état d’alors. L’invitation de procéder à ses propres expertises faite à Lévis Autos par la mise en demeure de monsieur Sorensen reçue le 4 août 2014 a été communiquée tardivement.

[34]        Monsieur Sorensen ne pouvait priver Lévis Autos de la faculté d’exécuter son obligation relative à la garantie de qualité en tant que vendeur ou de constater son inexécution, sans dénonciation ou mise en demeure préalable.

[35]        En conséquence, la demande de monsieur Sorensen  est rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

REJETTE la demande de monsieur  Éric Sorensen ;

CONDAMNE monsieur  Éric Sorensen à payer à Autos S.M.R. inc. (NEQ: 1164530553) les frais de justice de la contestation de 250 $.

 

 

 

 

 

CHANTAL GOSSELIN, J.C.Q.

 



[1]     Pièce D-1

[2]     Pièce P-1

[3]     Pièce P-5

[4]     Pièce P-6

[5]     Pièce P-5

[6]     Pièce P-3

[7]     Pièce P-3

[8]     Pièce P-5

[9]     Pièce P-6

[10]    Pièce P-7

[11]    Pièce D-2

[12]    Articles 2803 et 2804 C.c.Q.

[13]    RLRQ c. P-40.1

[14]    Articles 1595 et 1739 C.c.Q.

 

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