Décision

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Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Badette

2025 QCCDCPA 3

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

47-23-00424

 

DATE :

29 janvier 2025

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JULIE CHARBONNEAU

Présidente

 

M. GAÉTAN BUSSIÈRES, CPA

Membre

 

M. DAVID PLUTA, CPA auditeur

Membre

______________________________________________________________________

 

MICHEL BEAUSÉJOUR, FCPA, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec

Plaignant

c.

JEAN DANIEL BADETTE, CPA

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE INTERDISANT LA DIVULGATION, LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DU NOM DES CLIENTES MENTIONNÉES DANS LA PLAINTE ET DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE ET DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, ET CE, POUR ASSURER LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL ET LEUR DROIT À LA VIE PRIVÉE.

INTRODUCTION

[1]          Le Conseil de discipline s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte disciplinaire portée par le plaignant, M. Michel Beauséjour, FCPA, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (l’Ordre), contre l’intimé, M. Jean Daniel Badette, CPA.

[2]          Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir exercé dans le domaine de la comptabilité publique en réalisant une mission d’audit pour une candidate à une campagne électorale alors qu’il ne détenait pas de permis de comptabilité publique. Au second chef, il lui reproche d’avoir omis de déclarer cette situation dans sa déclaration annuelle obligatoire et finalement, au troisième chef, il lui reproche d’avoir proposé ses services pour réaliser une mission d’audit au bénéfice d’une seconde candidate à une campagne électorale.

[3]          La plainte disciplinaire portée contre l’intimé est ainsi libellée :

1.     À Ottawa, le ou vers 19 janvier 2021, l’intimé, Jean Daniel Badette, CPA, a émis un rapport d’audit des comptes portant sur les états financiers de la campagne électorale de [Mme A] pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020, alors qu’il ne détenait pas de permis de comptabilité publique, le tout en contravention à l’article 5 de la Loi sur les comptables professionnels agréés, chapitre C-48.1, alors en vigueur ;

2.     À Orléans (Ontario), le ou vers le 3 février 2021, l’intimé Jean Daniel Badette, CPA, relativement à sa déclaration annuelle obligatoire pour la période 2021-2022 à l’Ordre, a fait une déclaration erronée ou fallacieuse au formulaire en indiquant qu’il n’avait pas exercé la comptabilité publique entre le 1er avril 2020 et 31 mars 2021, alors qu’il avait émis et signé un rapport d’audit des comptes portant sur les états financiers de la campagne électorale d’[Mme A] pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020, le tout en contravention à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, chapitre C-48.1, r. 6 alors en vigueur ;

3.     Le ou vers le 24 octobre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Ottawa, a effectué de fausses représentations quant à ses compétences en laissant croire à ses clients, la campagne électorale de [Mme B], qu’il détenait les compétences requises pour préparer un rapport d’audit alors qu’il ne détenait pas de permis de comptabilité publique, le tout en contravention à l’article 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, chapitre C-48.1, r. 6 alors en vigueur et à l’article 60.2 du Code des professions, RLRQ c.C -26.

Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

[Transcription textuelle, sauf anonymisation]

[4]          L’audition sur culpabilité du présent dossier commence le 13 juillet 2023. Le Conseil est alors présidé par Me Nathalie Lelièvre.

[5]          Le 8 mai 2024[1], le Conseil rend une décision accueillant la demande de l’intimé en retrait de son plaidoyer à l’égard du premier chef. L’audition sur culpabilité se poursuit le 22 septembre 2023.

[6]          Le 24 octobre 2024, l’intimé dépose un avis en vertu de l’article 76 du Code de procédure civile[2] par lequel il avise le Procureur général du Québec et le plaignant que lors de l’audition sur culpabilité, il entend mettre en question l’applicabilité constitutionnelle de l’article 5 de la Loi sur les comptables professionnels agréés, des articles 24 et 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, alors en vigueur au moment où la plainte est portée contre lui, et de l’article 60.2 du Code des professions. Essentiellement, l’intimé argue qu’il est un résident de l’Ontario, que les gestes reprochés ont été posés entièrement en Ontario, et ce, envers deux résidents ontariens. À son avis, le seul lien avec le Québec est son statut de membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.

[7]          Le 29 octobre 2024, Me Daniel Y. Lord, président en chef du Bureau des présidents des conseils de discipline, dessaisit Me Lelièvre à titre de présidente au présent dossier et désigne le même jour, Me Julie Charbonneau à titre de nouvelle présidente, conformément à l’article 115.7 du Code des professions.

[8]          Le 4 novembre 2024, une conférence de gestion est tenue et les parties indiquent qu’après discussions, elles consentent à ce que l’audience sur culpabilité se poursuive avec la preuve déjà produite au dossier[3]. L’audition sur culpabilité se termine le 8 novembre 2024.

QUESTIONS EN LITIGE

A)   Les moyens de défense constitutionnels présentés par l’intimé et qui visent l’ensemble des chefs doivent-ils être retenus?

B)   Le plaignant s’est-il déchargé de son fardeau de preuve concernant les éléments essentiels de chacun des chefs d’infraction de la plainte portée contre l’intimé?

CONTEXTE

[9]          L’attestation d’inscription[4] produite au sujet de l’intimé révèle qu’il est inscrit pour la première fois au tableau de l’Ordre des comptables en management accrédités du Québec le 20 octobre 2011, et qu’étant inscrit au tableau de l’Ordre des comptables en management accrédités du Québec le 16 mai 2012, il a été automatiquement inscrit à cette date au tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, conformément à l’article 56 de la Loi sur les comptables professionnels agréés[5].

[10]       Le 25 septembre 2024, les parties conviennent des admissions suivantes[6] :

1.     L’intimé a été inscrit au tableau de l’Ordre des comptables en management accrédités du Québec en 2011 (Pièces P-1 et P1-A);

2.     Il a été automatiquement inscrit au tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (ci-après « OCPAQ ») le 16 mai 2012 (Pièces P1 et P-1A);

3.     L’intimé n’a jamais détenu de permis de comptabilité publique (Pièces P-1 et P-1A, P-5A);

4.     Les parties admettent pour fins de production les pièces P-1 à P-7;

5.     Le 22 novembre 2022, le bureau du syndic de l’Ordre des CPA reçoit une demande d’enquête et une enquête disciplinaire s’ouvre à l’égard de l’intimé (Pièce P-2);

6.     L’intimé n’était pas inscrit au Tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés de l’Ontario au moment des faits reprochés (Pièce P-5A);

7.     Le ou vers le 19 janvier 2021, à Ottawa, l’intimé a émis et signé un rapport portant sur les états financiers de la campagne électorale de [Mme A] pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020 (Pièces P-2B, 5A et 5B);

8.     Le ou vers le 3 février 2021, à Orléans (Ontario), l’intimé a fait une déclaration dans sa déclaration annuelle obligatoire 2021-2022 en indiquant qu’il n’avait pas exercé la comptabilité publique entre le 1er avril 2020 et 31 mars 2021 (Pièces P-3 et P-5A);

9.     Le ou vers le 24 octobre 2022, à Ottawa, l’intimé a sollicité un mandat auprès de la campagne électorale de [Mme B] (Pièces 2C et 2D);

10.  Entre le 6 et le 13 novembre 2022, l’intimé a échangé des courriels avec son client concernant les documents requis pour l’exécution de la mission (Pièce P-2D).

[Transcription textuelle, sauf anonymisation]

[11]       Le Conseil reproduit la trame factuelle mentionnée dans le plan d’argumentation de l’intimé :

1.      L’intimé, Jean Daniel Badette, est comptable professionnel agréé (« CPA ») membre de l’Ordre professionnel des comptables professionnels agréés du Québec (« l’Ordre »);

2.      Au moment des faits, il réside en Ontario et y exerce ses activités professionnelles;

3.      En date du 19 janvier 2021, l’intimé travaille entre autres pour Mme [A];

4.      Dans le cadre de son mandat, il émet un rapport portant sur les états financiers de la campagne électorale de celle-ci pour son dernier exercice financier;

5.      Le 3 février 2021, l’intimé remplit et envoie sa déclaration annuelle obligatoire (« déclaration ») pour la période 2021-2022 à l’Ordre;

6.      Il y déclare que, durant la période comprise entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021, il aurait exercé dans le domaine de la comptabilité publique en faisant des missions de compilations;

7.      Il y déclare également que, durant la période comprise entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022, il exercera dans le même domaine;

8.      Le 24 octobre 2022, l’intimé contacte le gestionnaire de la campagne électorale de Mme [B] afin de proposer ses services de comptable pour la préparation d’un rapport financier;

9.      Le 29 octobre 2022, l’intimé contacte à nouveau le gestionnaire et retire son offre de services afin de s’adonner à de nouvelles responsabilités;

10.    Le 28 mars 2023, en vertu du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (« Code de déontologie ») et de la Loi sur les comptables professionnels agréés (« Loi sur les comptables »), une plainte disciplinaire comptant trois chefs est déposée contre l’intimé par le plaignant.

[Transcription textuelle, sauf anonymisation]

[12]       Lors de son témoignage, le plaignant produit la preuve documentaire qu’il invoque au soutien de sa plainte[7]. Il souligne que l’intimé n’a jamais détenu de permis de comptabilité publique.

[13]       Lors de sa plaidoirie, il reconnaît que la pièce P-5A pourrait comporter des aveux extrajudiciaires de la part de l’intimé. Or, il concède que l’avis requis en vertu du jugement du Tribunal des professions dans l’affaire Fernandez De Sierra[8] n’a pas été transmis à l’intimé. En conséquence, le Conseil ignore la pièce P-5A dans le cadre de son analyse du présent dossier. Par ailleurs, le Conseil souligne que l’intimé a signé des admissions[9] et a présenté une trame factuelle dans son plan d’argumentation. Ces éléments sont reproduits dans la présente décision et sont distincts de ce que pourrait révéler la pièce P-5A.

[14]       L’intimé témoigne. Il déclare qu’au cours du mois de janvier 2021, un collègue et ami CPA lui demande s’il peut aider une de ses clientes, soit une candidate à une élection municipale, à préparer son rapport financier, ce qu’il accepte. Cet ami lui transmet alors un formulaire intitulé Financial Statement Auditing Form 4 qu’il remplit. Il déclare que dans les faits, il a joué le rôle de Chief Financial Officer pour cette candidate.

[15]       Plus tard, il constate que cette candidate a reçu des dons de plus de 10 000 $, il remplit alors un autre formulaire. À son avis, il n’a jamais été question de signer un rapport d’audit et à aucun moment, il n’en a signé un.

[16]       Au sujet de la candidate Mme B, il a agi à titre de bénévole pour sa campagne, notamment en faisant du porte-à-porte. Il déclare au Conseil qu’à un moment donné, il a offert ses services, mais en aucun temps, il n’a utilisé le titre de CPA auditeur ou n’a offert un service d’audit, et ce, tant dans ses échanges verbaux qu’écrits.

[17]       En ce qui a trait au document signé au bénéfice de la candidate Mme A, il déclare ne pas avoir signé un rapport d’audit, que le nom du formulaire porte à confusion, que le contenu ne représente pas un rapport d’audit et qu’il n’est pas exigé qu’un CPA auditeur signe ce document. Il martèle qu’il n’a pas rempli un rapport d’audit.

[18]       L’intimé demande au Conseil de constater qu’à aucun moment, il n’a agi à titre de CPA auditeur, que le document complété est en réalité un rapport financier et qu’à aucun moment, il n’a offert un service d’audit ni s’est présenté comme offrant des services d’audit.

[19]       Il mentionne avoir commis des erreurs dans sa déclaration écrite transmise au plaignant[10].

[20]       L’intimé déclare qu’il n’a pas transmis une fausse déclaration à l’Ordre, puisqu’il n’a pas complété un rapport d’audit. La preuve du plaignant ne démontre pas qu’il s’est présenté à titre de CPA auditeur tout comme il n’a jamais offert de services d’audit. Il estime que la publication qu’il aurait fait une fausse déclaration risque de détruire sa carrière.

ANALYSE

A)   Les moyens de défense constitutionnels présentés par l’intimé et qui visent l’ensemble des chefs doivent-ils être retenus?

[21]       Les moyens de défense de l’intimé se déclinent à l’aide des questions suivantes.

i)      L’arrêt Sharp de la Cour suprême du Canada rendu en 2023 est-il applicable en la présente instance, et dans l’affirmative, existe-t-il un lien réel et substantiel entre le Québec et l’intimé?

ii)    La réglementation professionnelle québécoise qui serait applicable à l’intimé contrevient-elle aux principes constitutionnels d’ordre et d’équité?

iii)   Le fardeau de preuve du plaignant comprend-il une preuve que les actes reprochés à l’intimé constituent des infractions au sens de la législation ontarienne?

[22]       Pour les motifs qui suivent, le Conseil rejette l’ensemble des moyens de défense de l’intimé basés sur les principes constitutionnels.

[23]       L’intimé a également invoqué d’autres moyens de défense individualisés à certains chefs d’infraction et qui seront examinés tout au cours de l’analyse de chacun des chefs d’infraction.

i)     L’arrêt Sharp de la Cour suprême du Canada rendu en 2023 est-il applicable en la présente instance, et dans l’affirmative, existe-t-il un lien réel et substantiel entre le Québec et l’intimé?

Position de l’intimé sous la question i)

[24]       À l’aide de son plan d’argumentation, de ses représentations et des autorités remises[11], l’intimé demande un acquittement des trois chefs infraction portés contre lui en invoquant un moyen fondé sur la territorialité.

[25]       L’intimé en soulignant les principes établis par l’affaire Ballachey[12] mentionne ne pas remettre en cause le principe voulant que la compétence des ordres professionnels s’étende aux actes d’un professionnel « sans égard au lieu où ils ont été posés ». Or, à son avis, la jurisprudence enseigne que ce principe ne permet pas d’appliquer une loi édictée par une province sur le territoire d’une autre province en toutes circonstances. Ainsi, il est donc nécessaire de prendre en compte les circonstances particulières de chaque cas pour déterminer si une loi provinciale devrait s’appliquer dans une autre province[13]. L’analyse des critères énoncés dans l’arrêt Unifund[14] de la Cour suprême doit être réalisée.

[26]       Sur ce point, l’intimé avance que les arrêts Sharp[15] et Unifund[16] rendus par la Cour suprême du Canada édictent que bien que la compétence des ordres professionnels à l’endroit de leurs membres soit personnelle et non territoriale, pour qu’un régime provincial de réglementation s’applique, deux critères doivent être satisfaits[17] :

a.    Premièrement, un « lien réel et substantiel » entre la province et l’intimé doit subsister. Le caractère « suffisant » du lien dépend par ailleurs du « rapport qui existe entre le ressort ayant légiféré, l’objet du texte de loi et l’individu ou l’entité qu’on cherche à assujettir à celui-ci. »

b.    Deuxièmement, même si le « lien réel et substantiel » est démontré, l’applicabilité de la loi provinciale est tout de même fonction des exigences d’ordre et d’équité qui sous-tendent nos structures fédérales. Ces exigences doivent être appliquées d’une manière souple en fonction de l’objet de la loi.

[Références omises]

[27]       De plus, l’intimé invite le Conseil à conclure que les principes qui se dégagent du jugement Coastal Contacts inc.[18] rendu par la Cour supérieure[19] sont applicables en l’instance et qu’en l’absence d’indication législative claire de donner à la loi une portée extraterritoriale, la seule interprétation possible de la loi « est une qui présume qu’elle a été édictée en conformité avec les limites territoriales aux pouvoirs législatifs de l’Assemblée nationale ». Il ajoute que rien dans la Loi sur les comptables professionnels agréés ou dans le Code de déontologie des comptables professionnels agréés ne permet de déceler une intention du législateur de donner une portée extraterritoriale à la loi, il semble plutôt que son objectif soit de protéger le public québécois. L’intimé plaide qu’il s’en suit que cet objectif législatif affaiblit la proposition qui avance qu’un lien réel et substantiel existerait entre lui, exerçant en Ontario à l’égard de citoyens ontariens, et le Québec[20].

[28]       En l’espèce, au moment des faits reprochés, l’intimé souligne qu’il n’exerce pas la profession de comptable au Québec et ne fait pas la promotion de ses services à des résidents du Québec. De plus, il ne se trouve pas au Québec au moment des faits reprochés; il exerce alors ses activités professionnelles de manière exclusive en Ontario. Ainsi, il soutient que les gestes qui lui sont reprochés ne présentent pas de lien réel et substantiel avec le Québec et que le fait d’appartenir à un ordre professionnel ne saurait suffire, à lui seul, de permettre l’application d’une loi québécoise à des actes commis à l’extérieur de la province[21].

Position du plaignant sous la question i)

[29]       À l’aide de la position du Procureur général du Québec, de son plan d’argumentation, de ses représentations et des autorités[22] remises, le plaignant plaide que le moyen de défense de l’intimé fondé sur la territorialité doit être rejeté.

[30]       Le plaignant considère que sa compétence et celle du Conseil sont liées au statut de l’intimé qui est membre d’une profession réglementée et dont l’acte professionnel est un acte personnel qui ne peut être détaché de son auteur. Au surplus, l’obligation d’un membre de respecter ses obligations déontologiques est une obligation personnelle qui le suit partout où il exerce la profession[23].

[31]       Il s’ensuit que la faute disciplinaire est in personam, c’est-à-dire qu’elle est liée à la personne du professionnel et non à la territorialité des gestes commis[24].

[32]       Le plaignant est d’avis que l’arrêt Sharp[25] ne trouve pas application en la présente instance, puisqu’il est issu du droit pénal qui concerne un régime provincial qui prévoit l’imposition de pénalités à des contrevenants.

[33]       Il conclut que les autorités invoquées au soutien de la position de l’intimé ne trouvent pas application en droit disciplinaire, puisqu’elles concernent une trame factuelle liée à des accidents de la route[26] ou à la sphère du droit pénal[27].

Position du Procureur général du Québec sous les questions i) ii) et iii)

[34]       Par une correspondance datée du 24 octobre 2024[28], le Procureur général du Québec mentionne appuyer la position du plaignant et invoque des autorités[29]. Il avance qu’il est bien établi que la compétence d’un ordre professionnel à l’égard de ses membres est de nature personnelle et non territoriale, et qu’elle s’applique donc à leur conduite sans égard au lieu où les actes reprochés sont posés.

[35]       À son avis, ces principes établis de longue date n’ont aucunement été remis en question par l’arrêt de la Cour d’appel dans Coastal Contacts inc.[30], lequel concerne la responsabilité d’une entité qui n’était « pas assujettie au régime québécois de droit professionnel ».

Décision du Conseil sous la question i)

[36]       Le Conseil retient la position avancée par l’intimé et juge que l’arrêt Sharp[31] rendu en 2023 par la Cour suprême du Canada est applicable en la présente instance.

[37]       En conséquence, le Conseil doit déterminer si les principes constitutionnels établis par les enseignements de la Cour suprême dans les affaires Sharp et Unifund[32] et qui exigent que l’autorité d’une province ne puisse se saisir d’un litige que dans la mesure où il existe un « lien réel et substantiel » entre ce litige et la province sont prouvés dans le dossier de l’intimé.

[38]       La compétence des conseils de discipline des ordres professionnels est prévue par les articles 116 et 152 du Code des professions[33] qui édictent :

116. Un conseil de discipline est constitué au sein de chacun des ordres.

Le conseil est saisi de toute plainte formulée contre un professionnel pour une infraction aux dispositions du présent code, de la loi constituant l’ordre dont il est membre ou des règlements adoptés conformément au présent code ou à ladite loi ainsi que de toute requête faite en vertu de l’article 122.0.1.

Le conseil est saisi également de toute plainte formulée contre une personne qui a été membre d’un ordre pour une infraction visée au deuxième alinéa, commise alors qu’elle était membre de l’ordre. Dans ce cas, une référence au professionnel ou au membre de l’ordre, dans les dispositions du présent code, de la loi constituant l’ordre dont elle était membre ou d’un règlement adopté conformément au présent code ou à ladite loi, est une référence à cette personne.

Est irrecevable une plainte formulée contre une personne qui exerce une fonction prévue au présent code ou à une loi constituant un ordre, dont un syndic, le président en chef, le président en chef adjoint ou un membre d’un conseil de discipline, en raison d’actes accomplis dans l’exercice de cette fonction.

Est également irrecevable une plainte contre un professionnel pour des faits à l’égard desquels le syndic lui a accordé une immunité en vertu de l’article 123.9.

152. Le conseil décide privativement à tout tribunal, en première instance, si l’intimé a commis une infraction visée à l’article 116.

En l’absence d’une disposition du présent code, de la loi constituant l’ordre dont l’intimé est membre ou d’un règlement adopté conformément au présent code ou à cette loi et applicable au cas particulier, le conseil décide de la même manière :

1° si l’acte reproché à l’intimé est dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’ordre;

2° si la profession, le métier, l’industrie, le commerce, la charge ou la fonction que l’intimé exerce est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de la profession.

[39]       Certains constats tirés de ces dispositions doivent être soulignés. En vertu du deuxième alinéa de l’article 116 du Code des professions, la compétence territoriale n’est pas un critère de compétence pour les conseils de discipline. En somme, ni les dispositions de l’article 116 ni celles de l’article 152 du Code ne posent aux conseils une exigence en matière de territorialité.

[40]       De plus, afin d’assurer une large compétence aux conseils de discipline, le statut de membre d’un ordre professionnel est exigé au moment de l’infraction et non au moment où la plainte est portée.

[41]       Dans l’affaire bien connue Tremblay c. Dionne[34], la Cour d’appel du Québec statue sans équivoque que les lois d’organisation des ordres professionnels sont des lois d’ordre public, politique et moral ou de direction qui doivent s’interpréter en faisant primer les intérêts du public sur les intérêts privés. Cet extrait de l’arrêt le démontre :

[42]      D’abord, le droit disciplinaire est un droit sui generis (Code des professions, art. 59.2 et 152Béchard c. Roy, [1975] C.A. 509; Béliveau c. Avocats (Corporation professionnelle des), 1990 CanLII 7886 (QC TP), [1990] D.D.C.P. 247 (T.P.), requête en révision judiciaire rejetée, Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, C.S., Mtl, no 500-05-004734-917, 24 mai 1991, J.E. 91-1508, confirmé par 1992 CanLII 3299 (QC CA), [1992] R.J.Q. 1822, à la p. 1825 (C.A.), autorisations de pourvoi à la C.S.C. rejetées avec dépens, [1993] 1 R.C.S. v; Mario GOULET, Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, Cowansville, Yvon Blais, 1993, p. 23) qui obéit à ses propres règles, empruntées parfois au droit pénal, parfois au droit civil (Guy PÉPIN, « Concordances et dissonances entre les fautes civile et déontologique », Les journées Maximilien-Caron 1994, Le défi du droit nouveau pour les professionnels, Montréal, Thémis, 1995, p. 107). En droit disciplinaire, « la faute s’analyse comme la violation de principes de moralité et d’éthique propres à un milieu et issus de l’usage et des traditions » (Yves OUELLETTE, « L’imprécision des codes de déontologie professionnelle », (1977) 37 R. du B. 669, p. 670). Ensuite, les lois d’organisation des ordres professionnels sont des lois d’ordre public, politique et moral ou de direction qui doivent s’interpréter en faisant primer les intérêts du public sur les intérêts privés (Pauzé c. Gauvin, 1953 CanLII 65 (SCC), [1954] R.C.S. 15; Fortin c. Chrétien, 2001 CSC 45 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 500, paragr. 8 et 21Coté c. Rancourt, 2004 CSC 58 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 248, paragr. 10; J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, Les obligations, 6éd., Cowansville, Yvon Blais, 2005, p. 211 et suiv., no 144). Ainsi, pour analyser le comportement de l’intimé sur le plan déontologique, il faut se reporter non seulement à la Loi sur les ingénieurs précitée, mais aussi aux normes contenues au CDI adopté conformément à l’article 87 du Code des professions. Ces normes s’inscrivent dans l’objectif de protection du public prévue à l’article 23 de ce Code et visent à « maintenir un standard professionnel de haute qualité » à son endroit (Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins, 1995 CanLII 5215 (QC CA), [1995] R.D.J. 301 (C.A.)). Conformément à cet objectif, ces textes législatifs et réglementaires ont préséance sur les termes d’un contrat ou d’une règle ou pratique administrative et doivent recevoir une application large (Loi d’interprétation, L.R.Q., c. I-16, art. 41). Les normes déontologiques ne visent pas à protéger l’ingénieur, mais bien le public.

[Soulignements ajoutés]

[42]       Le Tribunal des professions abonde dans le même sens, et ce, dans deux dossiers qui concernent des comptables professionnels agréés. Premièrement, dans l’affaire Gagnon[35], le Tribunal écrit :

[60]      D’autres jugements ont affirmé, qu’en droit disciplinaire, la règle est qu’il faut préférer une interprétation libérale qui assure l’accomplissement de la Loi et que la notion de faute disciplinaire doit faire l’objet d’une interprétation plus souple que restrictive.

[61]      C’est d’ailleurs la position qu’adoptait le Tribunal des professions dans l’affaire Tremblay c. Comptables agréés (Ordre professionnel des) dans laquelle il écrivait :

« Contrairement à la prétention de l’appelant, les codes de déontologie doivent recevoir une interprétation souple plutôt que restrictive, puisqu’ils ont pour objectif la protection du public. »

[Références omises]

[43]       Ensuite, plus récemment, dans le dossier Librandi[36], le Tribunal rejette l’appel du professionnel et souligne :

[44]      Voyons maintenant ce qu’il en est du grief de l’appelant contre le Conseil sur son défaut d’avoir considéré sa compétence en comptabilité publique et qu’en conséquence, il ne mettait pas en péril la protection du public. Le Tribunal estime que c’est à bon droit que le Conseil rappelle l’article 5 de la Loi qui oblige les membres de la profession exerçant la comptabilité publique à détenir un permis. En effet, il précise que la disposition législative est d’ordre public et qu’elle oblige le professionnel à réussir un programme de formation en la matière afin d’assurer la protection du public.

[45]      Or, l’appelant cherche à blâmer l’Ordre pour ses malheurs professionnels. Pourtant, la Loi est sans équivoque et ne souffre pas d’ambiguïté. En effet, c’est au professionnel qu’incombe la charge de s’assurer d’obtenir et de détenir les permis requis pour exercer dans des champs réservés, telle que la comptabilité publique. Au surplus, il ne peut prétendre ne pas avoir été informé par son Ordre de sa situation irrégulière. Les conditions d’exigences sont claires et elles visent à la fois à assurer la compétence du professionnel et la protection du public.

[Références omises]

[44]       Dans un jugement fouillé rendu en 2024, soit postérieurement à l’arrêt Sharp, la Cour du Québec[37] procède à une analyse des arguments portant sur la territorialité de l’appelante, une courtière en assurance de dommages qui se pourvoit en appel d’une décision sur culpabilité du Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages l’ayant déclarée coupable de quatre chefs d’infraction. Parmi les nombreux enseignements de la Cour, le Conseil retient les suivants :

[49]      Une telle détermination découle d’une longue et foisonnante jurisprudence qui établit, puis réitère à de nombreuses reprises, que la juridiction en matière disciplinaire est personnelle et non pas territoriale. Ainsi, cet argument nouveau se situe résolument en porte-à-faux avec le poids de la jurisprudence à l’effet contraire.

[…]

[52]      Les comités de discipline ont repris ces enseignements à de nombreuses reprises. Le principe de territorialité des lois reçoit une interprétation beaucoup plus souple en droit disciplinaire.

[53]      La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Global Securities Corp c. Colombie-Britannique (Securities Commission) reconnaît d’ailleurs que cette souplesse peut s’étendre aux organismes de réglementation provinciaux :

42   Deux autres cours d’appel ont également reconnu que les organismes de réglementation provinciaux peuvent avoir compétence pour enquêter sur des violations de lois étrangères. Dans Re Legault and Law Society of Upper Canada (1975), 1975 CanLII 706 (ON CA), 58 D.L.R. (3d) 641, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé le pouvoir du barreau de cette province d’entendre une plainte sur la conduite d’un avocat ontarien dans un autre ressort. Comme la cour l’a souligné, à la p. 643, [TRADUCTION] «la compétence du Barreau à l’égard de ses membres, qui est de nature personnelle, s’étend sans limite territoriale à leur conduite». Dans Re Underwood McLellan & Associates Ltd. (1979), 1979 CanLII 2222 (SK CA), 103 D.L.R. (3d) 268 (C.A. Sask.), la cour a, de la même façon, confirmé le pouvoir de l’Association of Professional Engineers d’examiner la conduite à l’extérieur de la province, en prenant ses décisions en matière de permis.

43   Ces deux arrêts reconnaissent que les organismes de réglementation provinciaux qui régissent les professions dont le champ d’action dépasse, de façon importante, les limites d’un ressort doivent pouvoir prendre en considération des faits survenus à l’étranger. (…)

[…]

[54]      La Cour Supérieure, dans l’une des décisions rendues dans l’affaire Paquette, précitée, rappelait d’ailleurs, dès 1985, que la juridiction d’une corporation professionnelle en matière disciplinaire n’est pas limitée aux frontières de la province.

[…]

[68]      Le professionnel conserve son titre, son chapeau de professionnel, peu importe où il se retrouve.

[Références omises]

[45]       Ce jugement de la Cour du Québec évoque également les quatre critères du test de l’examen de l’applicabilité du point de vue constitutionnel de l’affaire Unifund[38] rendue par la Cour suprême et plaidée par l’intimé.

[46]       En somme, ce jugement de la Cour du Québec dans l’affaire Giroux dispose des arguments de l’intimé sous la présente question en litige.

[47]       L’affaire Coastal contacts inc.[39] offre peu de secours à l’intimé, puisque la Cour d’appel du Québec énonce clairement que Coastal n’est pas assujettie au régime québécois de droit professionnel et est soumise aux lois de la Colombie-Britannique.

[48]       Il est souligné de nouveau que l’intimé par son adhésion volontaire à titre de membre de l’Ordre est assujetti au régime québécois de droit professionnel.

[49]       La jurisprudence de provinces canadiennes offre également un éclairage sur la question de territorialité soumise par l’intimé. Dans Eloufy[40], un ingénieur invoque un argument de territorialité à l’encontre de la compétence de son association professionnelle de la province de la Saskatchewan pour des actes posés à titre d’ingénieur à l’extérieur de la province. La Cour du Banc du Roi de la Saskatchewan écrit qu’une restriction territoriale est contraire à l’objectif premier de la loi qui est de protéger le public, et rejette ce motif de contestation.

[50]       Dans l’affaire Mema[41], la Cour du Banc du Roi de l’Alberta est aussi saisie d’une question de territorialité et en dispose comme suit :

[50]      Mr. Mema argues, relying on McCabe and Unifund Assurance Co v Insurance Crop of British Columbia2003 SCC 40, that to have jurisdiction, the CPPA must prove there is a real and substantial connection between Alberta and the complaints against Mr. Mema. As the alleged misconduct occurred in British Columbia, the test for jurisdiction is not met.

[51]      With respect, the cases relied on by Mr. Mema do not apply in this case. The cases relied on by the Respondent are clear that the jurisdiction of a professional regulatory body is a personal one, which extends to regulating the member’s conduct regardless of the province where the conduct occurred. All that is required to establish jurisdiction is that the applicant is a member of a professional provincial regulatory body: Legault v Law Society of Upper Canada, (1975) 1975 CanLII 706 (ON CA), 8 OR (2d) 585 (Ont CA); Black v Law Society of Alberta, 1989 CanLII 132 (SCC), 1989] 1 SCR 591; Global Securities Corp v British Columbia (Securities Commission), 2000 SCC 21; Saplys v Ontario Association of Architects2019 ONSC 1679.

[Caractères gras dans l’original]

[51]       D’un point de vue factuel, il est utile de souligner les faits suivants qui ne sont pas contestés.

[52]       L’intimé est inscrit au tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec[42] et n’est pas inscrit au tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés de l’Ontario au moment des faits reprochés[43].

[53]       Par ailleurs, la preuve documentaire révèle que l’intimé, dans le cadre de ses différents échanges, inscrit, à la suite de son nom, le titre de CPA, CMA, et ce, dans les documents transmis et signés et qui font partie de la preuve documentaire du présent dossier[44].

[54]       Dans le cadre d’un message texte transmis le 24 octobre 2022 en lien avec le chef 3, l’intimé écrit à la représentante de Mme B, « […] I don’t know if you aware of that l’m a Certified Professional Accountant[45] ».

[55]       Lors de la rédaction et la transmission de ces documents, l’intimé est bien au fait de son unique statut de membre de l’Ordre au Québec et il l’utilise à plusieurs reprises.

[56]       Force est de constater que dans la présente instance, l’intimé en invoquant par ses écrits le titre lui ayant été octroyé par l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, le seul titre dont il bénéficie, a largement contribué à créer un lien réel et important entre lui, à titre de membre de l’Ordre, et les faits de la présente affaire.

[57]       Ainsi, bien que l’ensemble de la trame factuelle en la présente instance se soit déroulée en Ontario, il est manifeste que les faits mis en preuve, la spécificité du droit disciplinaire, le caractère d’ordre public des dispositions en cause, la protection du public et la compétence du plaignant de porter une plainte disciplinaire contre l’intimé attestent de l’existence d’un lien réel et important entre l’intimé à titre de membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec et la présente affaire.

ii)    La réglementation professionnelle québécoise qui serait applicable à l’intimé contrevient-elle aux principes constitutionnels d’ordre et d’équité?

Position de l’intimé sous la question ii)

[58]       L’intimé indique que l’application des règles édictées pour l’exercice de la profession de comptable professionnel agréé au Québec contrevient aux principes constitutionnels d’ordre et d’équité en ce qu’il est inéquitable de le pénaliser quant à l’exercice de sa profession en Ontario pour la seule raison qu’il est membre de l’Ordre.

[59]       L’intimé plaide que les exigences en matière d’ordre et d’équité sont des impératifs constitutionnels qui assurent à la fois la justice et la sûreté des opérations. Le principe d’ordre vise à éviter que deux provinces puissent avoir compétence législative quant à un seul et même incident, afin de prévenir d’éventuels conflits entre les règles applicables à celui-ci. Il estime que la plainte portée contre lui contrevient à ce principe de plusieurs façons[46].

[60]       Il invoque qu’appliquer les normes québécoises et décider de l’issue de la plainte en vertu de ces dernières outrepasse les normes ontariennes déjà en vigueur et viole les principes d’ordre et de souveraineté législative provinciale, principes constitutionnels au cœur de notre fédération[47].

[61]       L’intimé demande d’être en mesure d’exercer sa profession de comptable envers des ressortissants ontariens alors que cet exercice est soumis à la loi ontarienne sans qu’il n’ait à respecter des exigences propres à l’exercice de la compatibilité au Québec[48].

[62]       Finalement, le principe d’équité, quant à lui, implique la considération des intérêts tant du plaignant que du défendeur. Il ne serait donc pas équitable de le pénaliser quant à sa pratique en Ontario pour la seule raison qu’il est membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec[49].

Position du plaignant sur la question ii)

[63]       L’inscription au tableau de l’Ordre vaut l’acceptation du membre d’un contrôle de l’exercice de sa profession par son ordre professionnel et la mission de protection du public doit être interprétée comme la mission de protection de la collectivité[50].

Décision du Conseil sous la question ii)

[64]       Le Conseil souligne que l’intimé, en devenant membre de l’Ordre, accepte alors les responsabilités qui en découlent. Ainsi, à titre de privilèges conférés par la loi, l’intimé a acquis « le droit exclusif au titre et le pouvoir tout aussi exclusif de poser certains actes [51] » tout en étant soumis à un code de déontologie et à l’ensemble des règlements afférents à son statut de professionnel, membre de l’Ordre.

[65]       Dans l’affaire Jodoin[52], le conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec souligne que le professionnel est « l[e] seul à connaître toutes les exigences de l’exercice de sa profession, pas son client », et ajoute « [qu’] en détenant des privilèges de pratique, [il] a l’entière responsabilité de toute violation des exigences de cette pratique ». Le conseil appuie sa conclusion sur l’arrêt de la Cour suprême rendu dans R. c. Fitzpatrick[53] qui rappelle les principes de responsabilité attachés à la personne qui accepte les conditions d’une activité réglementée, lesquels sont dégagés par l’arrêt R. c. Wholesale Travel Group Inc.[54].

[66]       En conséquence, les principes constitutionnels d’ordre et d’équité ne peuvent mener à un acquittement de l’intimé des trois chefs d’infraction.

iii)   Le fardeau de preuve du plaignant comprend-il une preuve que les actes reprochés à l’intimé constituent des infractions au sens de la législation ontarienne?

Position de l’intimé sous la question iii)

[67]       L’intimé plaide que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve en regard de chacun des trois chefs d’infraction, puisqu’en principe, une loi provinciale ne saurait s’appliquer à une autre province. En somme, le fardeau de preuve du plaignant exige qu’il démontre que les actes reprochés constituent des infractions au sens de la législation ontarienne[55].

[68]       Il s’ensuit que le plaignant devait démontrer qu’il a contrevenu aux dispositions reprochées en s’appuyant sur la définition de la comptabilité publique prévue à une loi ontarienne. La preuve ne démontre pas que l’émission et la signature du rapport qu’il a produit nécessitent un permis spécial selon la loi ontarienne et encore moins, que son geste répond à la définition de comptabilité publique selon la loi ontarienne[56].

[69]       Sous le chef 1, la preuve présentée au Conseil ne révèle pas que l’émission et la signature du rapport qu’il a produit nécessitent un permis selon la loi ontarienne et encore moins, que son geste répond à la définition de comptabilité publique selon la loi ontarienne. Sous le chef 2, la preuve du plaignant est muette quant à la norme ontarienne en matière de comptabilité publique tout comme sous le chef 3. Il y a donc une absence complète de preuve quant à la définition de comptabilité publique édictée par la loi ontarienne[57].

[70]       Sans une référence de la part du plaignant à la loi ontarienne applicable en l’espèce et sans la démonstration d’une contravention à celle-ci, la preuve est insuffisante et l’intimé conclut qu’il doit être acquitté des infractions reprochées.

Position du plaignant sous la question iii)

[71]       Le plaignant plaide qu’il s’est déchargé de son fardeau sous chacune des dispositions invoquées au soutien des trois chefs d’infraction portés contre l’intimé ayant prouvé les éléments constitutifs des infractions reprochées. En somme, il avance que son fardeau n’inclut pas la preuve d’une infraction à une loi ontarienne, puisqu’aucune infraction à cette dernière n’est alléguée aux chefs d’infraction.

Décision du Conseil sous la question iii)

[72]       Le Conseil estime que cette exigence d’une preuve démontrant une contravention à une loi ou une norme ontarienne posée par l’intimé ne fait pas partie du fardeau du plaignant, puisque chacun des chefs d’infraction lui reproche une infraction à un règlement ou une loi du Québec. Il ne relève pas de la compétence du Conseil d’analyser le présent dossier en fonction de la loi ontarienne. Cette conclusion du Conseil est applicable sous les trois chefs d’infraction.

[73]       Le Conseil juge qu’il est manifeste que l’intérêt public lui commande d’exercer sa compétence pour disposer des trois chefs d’infraction portés contre l’intimé[58].

B)   Le plaignant s’est-il déchargé de son fardeau de preuve concernant les éléments essentiels de chacun des chefs d’infraction de la plainte portée contre l’intimé?

[74]       Le plaignant remet des autorités[59] au soutien des trois chefs d’infraction portés contre l’intimé.

Fardeau de preuve du plaignant

[75]       À l’égard du fardeau de preuve du plaignant, le Conseil souligne les enseignements de la Cour d’appel à ce sujet[60] :

[66]      Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le « sérieux » de l’affaire. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F. H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences.

[67]      Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.

[68]      Comme le rappelle la Cour suprême, « [a] ussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités ».

[Références omises]

[76]       Le Conseil souligne également que la Cour d’appel a réaffirmé le principe énoncé dans Tremblay c. Dionne[61], à savoir que les éléments essentiels d’un chef d’une plainte disciplinaire ne sont pas définis par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou des règlements auxquelles le professionnel aurait contrevenu.

[77]       Le Conseil devra, par conséquent, décider de la culpabilité ou de l’acquittement de l’intimé en fonction de chacune des dispositions invoquées aux chefs de la plainte. Cet arrêt[62] de la Cour d’appel énonce ce principe en ces termes :

[84]      D’une part, les éléments essentiels d’un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu’on lui reproche d’avoir violées (Fortin c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 33167 (QC CS), [2003] R.J.Q. 1277, paragr. [136] (C.S.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Béchard c. Roy, précité; Sylvie POIRIER, précitée, à la p. 25). […]

[Référence omise]

La faute disciplinaire

[78]       La faute disciplinaire doit atteindre un niveau de gravité suffisant pour la qualifier à ce titre[63] :

[43]      Pour éviter un exercice de pondération arbitraire basé sur des facteurs variables au gré des circonstances de chaque cas, la jurisprudence et la doctrine préconisent de s’en remettre aux fondements mêmes de la déontologie professionnelle, c’est-à-dire aux valeurs inspirées par l’éthique, la moralité, la probité, l’honneur et la dignité nécessaires pour assurer la protection du public.

[79]       Afin de statuer sur la responsabilité déontologique de l’intimé, le Conseil doit déterminer s’il a commis une faute technique ou une faute déontologique[64].

[80]       Lorsque la norme est décrite dans le règlement, la moralité et l’éthique sont nécessairement enfreintes en cas de manquement[65].

[81]       La faute disciplinaire est décrite comme étant une violation des principes de moralité et d’éthique.

[82]       Ainsi, l’acte ou le comportement reproché au professionnel doit être suffisamment grave pour être qualifié de faute déontologique comme le souligne le Tribunal des professions dans l’affaire Gruszczynski[66] dans laquelle il énonce les exigences requises pour établir l’existence d’une telle faute :

[42]      La faute déontologique doit être distinguée de la faute technique. Ainsi, dans Ayotte c. Gingras, le Tribunal des professions écrivait ceci relativement au fait qu’un avocat n’aurait pas agi avant l’expiration du délai de prescription.

Le Comité de discipline devait décider s’il s’agissait là d’une faute disciplinaire. À cet égard, il déclare qu’il ne s’agissait pas là d’une faute disciplinaire, mais d’une faute purement technique […].

Il y a une distinction à faire entre une faute technique et une faute disciplinaire.

On ne retrouve pas de définition de la faute disciplinaire ni au Code des professions ni dans la Loi sur le Barreau. La jurisprudence a toutefois précisé que :

"La faute disciplinaire est donc une violation des principes de moralité et d’éthique propres au milieu médical […]."

[…].

[43]      Dans cette même affaire, notre tribunal a rappelé ce qu’écrivait le professeur Yves Ouellette à ce sujet :

En outre, comme la faute disciplinaire réside en principe dans la violation d’une règle d’éthique inspirée par des sentiments d’honneur et de courtoisie, une faute purement technique, erreur, maladresse, négligence, qui peut entraîner une responsabilité civile, ne sera pas considérée comme une faute disciplinaire en l’absence de texte précis.

[44]      L’acte ou le comportement reproché doit être suffisamment grave pour être qualifié de faute déontologique.

[45]      Le Tribunal des professions s’exprimait ainsi dans Malo c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) :

[28] La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite était susceptible de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l’affaire Mongrain précitée concernant également l’Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[…]

[47]      Il faut distinguer le comportement souhaitable du comportement acceptable, comme l’écrit le Tribunal des professions dans Architectes (Ordre professionnel des) c. Duval :

[11] Comme le soulignait le procureur de l’intimé, il faut distinguer en droit disciplinaire entre le comportement souhaitable et le comportement acceptable. La faute déontologique naît d’un comportement qui se situe en-dessous du comportement acceptable. Un professionnel peut avoir une conduite qui s’éloigne du comportement souhaitable sans être inacceptable. Dans ce cas, il ne commet pas de faute déontologique.

[Référence omise]

[83]       Selon le jugement du Tribunal des professions rendu dans Duval[67], il faut distinguer le comportement souhaitable du comportement acceptable.

[84]       En somme, la faute déontologique résulte d’un comportement qui atteint un degré de gravité plus élevé par rapport au comportement acceptable.

Chef 1

[85]       Le chef 1 est ainsi libellé :

1.    À Ottawa, le ou vers 19 janvier 2021, l’intimé, Jean Daniel Badette, CPA, a émis un rapport d’audit des comptes portant sur les états financiers de la campagne électorale de [Mme A] pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020, alors qu’il ne détenait pas de permis de comptabilité publique, le tout en contravention à l’article 5 de la Loi sur les comptables professionnels agréés, chapitre C-48.1, alors en vigueur ;

[86]       Le plaignant invoque que l’intimé a préparé et émis un rapport d’audit des comptes portant sur les états financiers de la campagne électorale de Mme A pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020[68]. L’intimé conteste cette position.

[87]       De plus, selon le plaignant, il n’est pas contesté que l’intimé n’a jamais détenu de permis de comptabilité publique[69]. Cette affirmation est exacte.

[88]       Le Conseil rappelle le témoignage de l’intimé sous le chef 1.

[89]       L’intimé déclare qu’au cours du mois de janvier 2021, un collègue et ami CPA lui demande s’il peut aider une de ses clientes, soit une candidate à une élection municipale, à préparer son rapport financier, ce qu’il accepte. Cet ami lui transmet alors un formulaire intitulé Financial Statement Auditing Form 4 qu’il remplit. Il déclare que dans les faits, il a joué le rôle de Chief Financial Officer pour cette candidate.

[90]       Plus tard, il constate que cette candidate a reçu des dons de plus de 10 000 $, il remplit alors un autre formulaire. À son avis, il n’a jamais été question de signer un rapport d’audit et à aucun moment, il n’en a signé un.

[91]       En ce qui a trait au document signé au bénéfice de la candidate Mme A, il déclare ne pas avoir signé un rapport d’audit, que le nom du formulaire porte à confusion, que le contenu ne représente pas un rapport d’audit et qu’il n’est pas exigé qu’un CPA auditeur signe ce document. Il martèle qu’il n’a pas rempli un rapport d’audit.

[92]       L’intimé demande au Conseil de constater qu’à aucun moment, il n’a agi à titre de CPA auditeur, que le document complété est en réalité un rapport financier et qu’à aucun moment, il n’a offert un service d’audit ni s’est présenté comme offrant des services d’audit.

[93]       Il mentionne avoir commis des erreurs dans sa déclaration écrite transmise au plaignant[70].

Décision du Conseil sous le chef 1

[94]       Le Conseil juge qu’il doit écarter le témoignage de l’intimé, puisqu’il présente une force probante relativement peu élevée étant donné qu’il offre une version différente, voire contradictoire avec la preuve documentaire produite sous le présent chef.

[95]       Le plaignant fonde ses reproches sur l’article 5 de la Loi sur les comptables professionnels agréés[71] qui énonce :

SECTION IV

PERMIS DE COMPTABILITÉ PUBLIQUE

5. Pour exercer l’activité professionnelle visée au troisième alinéa de l’article 4, à l’exception de la mission de compilation qui n’est pas destinée exclusivement à des fins d’administration interne, le comptable professionnel agréé doit obtenir un permis de comptabilité publique.

Le Conseil d’administration lui délivre le permis s’il satisfait aux conditions et modalités de délivrance fixées dans un règlement pris par le Conseil. Ce règlement détermine également :

1° les autorisations légales d’exercer la comptabilité publique hors du Québec qui donnent ouverture au permis ainsi que les conditions et modalités de délivrance de ce permis applicables aux titulaires de ces autorisations légales;

2° les conditions et modalités de délivrance du permis pour donner effet à une entente conclue par l’Ordre en vertu d’une entente de reconnaissance mutuelle des compétences professionnelles conclue entre le gouvernement et un autre gouvernement et doit prévoir une révision de la décision, par des personnes différentes de celles qui l’ont rendue, refusant de reconnaître qu’une de ces conditions, autres que les compétences professionnelles, est remplie.

Le premier alinéa ne s’applique pas si l’activité professionnelle qui y est visée est exercée par :

1° une personne en conformité avec les dispositions d’un règlement pris en application du paragraphe h de l’article 94 du Code des professions (chapitre C-26);

2° un comptable ou un vérificateur à l’emploi du gouvernement, dans l’exercice de ses fonctions.

[96]       Le troisième alinéa de l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés précise ce qui suit :

4. […] 

Dans le cadre de l’exercice de la profession, l’activité professionnelle réservée au comptable professionnel agréé est la comptabilité publique. Cette activité consiste à :

1° exprimer une opinion visant à donner un niveau d’assurance à un état financier ou à toute partie de celui-ci, ou à toute autre information liée à cet état financier; il s’agit de la mission de certification, soit la mission d’audit et la mission d’examen ainsi que l’émission de rapports spéciaux;

2° émettre toute forme d’attestation, de déclaration ou d’opinion sur des informations liées à un état financier ou à toute partie de celui-ci, ou sur l’application de procédés d’audit spécifiés à l’égard des informations financières, autres que des états financiers, qui ne sont pas destinés exclusivement à des fins d’administration interne;

3° effectuer une mission de compilation qui n’est pas destinée exclusivement à des fins d’administration interne.

Rien dans les premier et deuxième alinéas ne doit porter atteinte aux droits d’un membre d’un autre ordre professionnel dans le domaine qui lui est reconnu par la loi.

[97]       L’intimé conteste avoir exercé dans le domaine de la comptabilité publique et conteste avoir réalisé une mission d’audit au bénéfice de la campagne électorale de Mme A.

[98]       La preuve documentaire révèle que l’intimé complète un rapport intitulé Independant Auditor’s Report qu’il signe le 19 janvier 2021 avec son prénom et son nom suivis des mentions CPA, CMA, au bénéfice d’une candidate, Mme A, à une élection municipale s’étant déroulée dans la province de l’Ontario[72].

[99]       Ce rapport comprend notamment les mentions suivantes :

JEAN DANIEL BADETTE, CPA, CMA

INDEPENDANT AUDITOR’S REPORT

To: City Clerk

Re: [Mme A] Election Campaign

Qualified Opinion

We have audited the accompanying Forms 4 Financial Statement of the [Mme A] Election Campaign, which comprise the statement of Campaign Income and Expenses for the campaign period July 16, 2020 to November 19, 2020 and other explanatory information.

In our opinion, except for the possible effects of the matter described in the Basis for Qualified Opinion section of our report, the accompanying Forms 4 Financial Statement present fairly, in all material respects, the Statement of Income and Expenses of the [Mme A] Election Campaign for the campaign period July 16, 2020 to November 19, 2020, and the result of its operations for the campaign period then ended in accordance with the financial reporting provision of section 78 of the Municipal Elections Act, 1996 and City of Ottawa By-Law No.2018-33.

Basis for Qualified Opinion

[…]

We conducted our audit in accordance with Canadian generally accepted auditing standards. Our responsibilities under those standards are described in the Auditors’ Responsibilities for the audit of the Forms 4 Financial Statement section of our report. We are independent of the entity in accordance with the ethical requirements that are relevant to our audit of the financial statements in Canada, and we have fulfilled our other ethical responsibilities in accordance with these requirements. We believe that the audit evidence we have obtained is sufficient and appropriate to provide a basis for our qualified audit opinion.

[…]

Auditors’ Responsibilities for the Audit of the forms 4 Financial Statement

Our objectives are to obtain reasonable assurance about whether the Forms 4 Financial Statement are free from material misstatement, whether due to fraud or error and to issue and auditors’ report that includes pour opinion. Reasonable assurance is a high-level of assurance but is not a guarantee that an audit conducted in accordance with Canadian generally accepted auditing standards will always detect a material misstatement when it exists. Misstatements can arise from fraud or error and are considered material if, individually or in the aggregate, they could reasonably be expected to influence the economic decisions of users taken on the basis of the Form 4 Financial Statement. As part of an audit in accordance with Canadian generally accepted audit standards, we exercise professional judgement and maintain professional skepticism throughout we audit. […]

[Soulignements ajoutés]

[100]    Cette preuve documentaire est convaincante et confirme qu’il s’agit dans les faits d’une mission d’audit réalisée par l’intimé.

[101]    Le Conseil conclut qu’en procédant à la rédaction, la réalisation et la signature de ce rapport[73], l’intimé effectue une mission d’audit et exerce dans la sphère professionnelle de la comptabilité publique.

[102]    Comme nous l’avons vu, l’article 5 de la Loi sur les comptables professionnels agréés impose au professionnel l’obligation de détenir un permis afin d’exercer la comptabilité publique, sauf si le membre de l’Ordre effectue une mission de compilation qui est destinée exclusivement à des fins d’administration interne. Cet article 5 est qualifié de disposition d’ordre public que nul ne peut ignorer[74].

[103]    L’exigence de détenir un permis de comptabilité publique a pour but d’assurer la protection du public[75]. Pour ce faire, le membre de l’Ordre doit notamment réussir un programme de formation professionnelle en comptabilité publique[76].

[104]    Or, l’intimé n’a jamais détenu de permis de comptabilité publique[77].

[105]    Un membre de l’Ordre qui ne détient pas un permis de comptabilité publique est présumé ne pas avoir les qualifications nécessaires à cet égard.

[106]    En conséquence, sous le chef 1, le Conseil juge que le plaignant s’est déchargé de son fardeau concernant l’article 5 de la Loi sur les comptables professionnels agréés et déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à cette disposition.

Chef 2

[107]    Le chef 2 se lit :

2.    À Orléans (Ontario), le ou vers le 3 février 2021, l’intimé Jean Daniel Badette, CPA, relativement à sa déclaration annuelle obligatoire pour la période 2021-2022 à l’Ordre, a fait une déclaration erronée ou fallacieuse au formulaire en indiquant qu’il n’avait pas exercé la comptabilité publique entre le 1er avril 2020 et 31 mars 2021, alors qu’il avait émis et signé un rapport d’audit des comptes portant sur les états financiers de la campagne électorale d’[Mme A] pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020, le tout en contravention à l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, chapitre C-48.1, r. 6 alors en vigueur ;

[108]    Relativement au chef 2, le plaignant soutient que l’intimé, en date du 3 février 2021, dans le cadre de sa déclaration annuelle obligatoire pour la période 2021-2022 à l’Ordre a répondu non aux questions 3.1 a), affirmant qu’il n’avait pas exercé de missions d’audit entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021. Or, de l’avis du plaignant, cette déclaration est fausse, puisque le 19 janvier 2021, l’intimé produit et signe un rapport d’audit des comptes portant sur les états financiers de la campagne électorale de Mme A pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020[78].

[109]    Le Conseil revient sur le témoignage de l’intimé rendu au sujet du chef 2.

[110]    L’intimé déclare qu’il n’a pas transmis une fausse déclaration à l’Ordre, puisqu’il n’a pas complété un rapport d’audit. La preuve du plaignant ne démontre pas qu’il s’est présenté à titre de CPA auditeur tout comme il n’a jamais offert de services d’audit. Il estime que la publication qu’il aurait fait une fausse déclaration risque de détruire sa carrière.

Décision du Conseil sous le chef 2

[111]    Le Conseil juge qu’il doit écarter le témoignage de l’intimé, puisqu’il présente une force probante relativement peu élevée étant donné qu’il offre une version différente, voire contradictoire avec la preuve documentaire produite sous le présent chef.

[112]    Le plaignant fonde ses reproches sur l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[79] (le Code de déontologie) alors en vigueur qui énonce :

61. Le membre doit s’assurer de l’exactitude et de l’intégrité des renseignements qu’il fournit à l’Ordre. Il doit en tout temps respecter ses engagements envers l’Ordre liés au contrôle de l’exercice de la profession.

[113]    La déclaration annuelle obligatoire pour la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021 produite par l’intimé indique qu’il n’a pas complété les éléments suivants : a) Missions d’audit (y compris l’émission de rapports spéciaux) et b) Missions d’examen (y compris l’émission de rapports spéciaux). Il déclare par ailleurs avoir exercé dans le domaine de la comptabilité publique dans le cadre de la rubrique suivante : c) Missions de compilation (pour lesquelles un avis au lecteur ou un rapport de mission a été ou sera émis) pour cette même période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021[80].

[114]    Ainsi, l’intimé dans le cadre de ses réponses sous le volet Situation professionnelle de sa déclaration annuelle obligatoire pour la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021 offre des réponses distinctes sous les trois éléments qui concernent le champ de la comptabilité publique.

[115]    L’article 61 du Code de déontologie alors en vigueur au moment où l’intimé remplit et signe sa déclaration annuelle exige que le membre s’assure de l’exactitude et de l’intégrité des renseignements qu’il fournit à l’Ordre.

[116]    Le Conseil a déjà déterminé, sous le chef 1, que l’intimé a réalisé une mission d’audit des comptes portant sur les états financiers de la campagne électorale de Mme A pour l’exercice financier de la période de campagne commençant le 16 juillet 2020 et se terminant le 19 novembre 2020, alors qu’il ne détenait pas de permis de comptabilité publique.

[117]    La combinaison de tous les éléments factuels exposés précédemment mène à la conclusion que l’intimé, le ou vers le 3 février 2021, relativement à sa déclaration annuelle obligatoire pour la période 2021-2022 à l’Ordre, a omis de s’assurer de l’exactitude et de l’intégrité des renseignements qu’il a fournis à l’Ordre.

[118]    Le Conseil juge que le plaignant s’est déchargé de son fardeau concernant l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[81] alors en vigueur et déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à cet article.

Chef 3

[119]    Le chef 3 se lit :

3.    Le ou vers le 24 octobre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Ottawa, a effectué de fausses représentations quant à ses compétences en laissant croire à ses clients, la campagne électorale de [Mme B], qu’il détenait les compétences requises pour préparer un rapport d’audit alors qu’il ne détenait pas de permis de comptabilité publique, le tout en contravention à l’article 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, chapitre C-48.1, r. 6 alors en vigueur et à l’article 60.2 du Code des professions, RLRQ c. C -26.

[120]    En ce qui concerne le chef 3, le plaignant reconnaît que son fardeau lui exige de présenter la preuve d’une intention blâmable de la part de l’intimé, puisqu’il lui reproche d’avoir fait des représentations fausses et trompeuses[82]. À son avis, cette intention blâmable peut s’inférer des circonstances, notamment par l’obtention d’un mandat qui procure un avantage à l’intimé.

[121]    Au sujet du chef 3, le plaignant souligne la trame factuelle suivante.

[122]    Le 24 octobre 2022, l’intimé sollicite un mandat auprès d’un représentant de Mme B, une autre candidate à une élection municipale, invoquant qu’il possède les compétences requises pour remplir un mandat d’audit. Par la suite, il accepte d’exécuter ce mandat et demande le 6 novembre 2022 les documents nécessaires afin de produire le rapport d’audit puis se désiste du mandat le 19 novembre 2022.

[123]    Le Conseil souligne le témoignage de l’intimé rendu sous le présent chef.

[124]    Au sujet de la candidate Mme B, il a agi à titre de bénévole pour sa campagne, notamment en faisant du porte-à-porte. Il déclare au Conseil qu’à un moment donné, il a offert ses services, mais en aucun temps, il n’a utilisé le titre de CPA auditeur ou n’a offert un service d’audit, et ce, tant dans ses échanges verbaux qu’écrits.

Décision du Conseil sous le chef 3

[125]    Le Conseil juge qu’il doit écarter le témoignage de l’intimé, puisqu’il présente une force probante relativement peu élevée étant donné qu’il offre une version différente, voire contradictoire avec la preuve documentaire produite sous le présent chef.

[126]    Le plaignant fonde ses reproches sur l’article 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, alors en vigueur, et l’article 60.2 du Code des professions[83] qui énoncent :

24. Le membre doit éviter toute fausse représentation quant à son niveau de compétence ou quant à l’efficacité de ses propres services, des services professionnels généralement dispensés par les autres personnes qui exercent leurs activités professionnelles au sein de la société dans laquelle il exerce sa profession et de ceux généralement assurés par les membres de la profession. Si l’intérêt du client l’exige, il doit, sur autorisation de ce dernier, consulter un autre membre, un autre professionnel ou une autre personne compétente, ou le diriger vers l’une de ces personnes.

60.2. Un professionnel ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse, trompeuse ou incomplète, notamment quant à son niveau de compétence ou quant à l’étendue ou à l’efficacité de ses services et de ceux généralement assurés par les membres de sa profession.

[127]    La preuve documentaire révèle que l’intimé, le 24 octobre 2022, transmet le message texte suivant[84] :

Hello [représentante de Mme B],

I don’t know if you aware of that l’m a Certified Professional Accountant.

I know [Mme B] will have to prepare the financial report for city of Ottawa.

I have some experiences, two years ago I prepared this report for [Mme A]. Maybe she will retain my service again this time. Let me know if you want to use my service to prepare this report.

Thank you

[128]    La représentante de Mme B écrit ce qui suit : « I also appreciate your offer to take care of the audit. Let me chat to our CFO. Just out of curiosity how much do you normally charge for the audit[85]?». L’intimé lui répond : «I charged 1000$ last election municipal and I had the cheapest price at that time. For you I plan to keep it the same[86] ».

[129]    Le 6 novembre 2022, par courriel, la représentante de Mme B demande à l’intimé d’énumérer les documents qu’il requiert afin de commencer son travail pour la candidate, Mme B. L’intimé lui répond à cette même date et demande plusieurs documents[87].

[130]    Le 13 novembre 2022, l’intimé reçoit un courriel d’un autre représentant de Mme B l’informant que les documents requis dans son courriel du 6 novembre seront disponibles, que des détails sont à finaliser et qu’un suivi lui sera fait dans quelques semaines[88]. L’intimé accuse réception de ce courriel dans l’heure qui suit sa réception.

[131]    Le 18 novembre 2022, l’intimé est invité par le représentant de Mme B à prendre connaissance d’un courriel qui mentionne que la comptable professionnelle agréée qui a réalisé l’audit pour Mme B lors d’une élection précédente est en attente d’une communication de sa part. Cette demande est ainsi formulée : « I will fully cooperate with my successor and will wait for his formal communication as prescribed in our CPA rules of conduct[89] ».

[132]    Le 19 novembre 2022, l’intimé transmet un message texte à la représentante de Mme B l’informant de ce qui suit[90] :

Hello [représentante de Mme [B]

How are you?

I hope everything is fine for you, family and [Mme B].

unfortunately I will not be able to offer the audit service to [Mme B] as we agreed because of the new responsibilities that I have just obtained which will make me unavailable for the next six months. I sincerely apologize for the inconvenience this may cause, I hope you can find a replacement as soon as possible. Please pass the message on to […].

Thank you again.

[Soulignements ajoutés]

[133]    Ainsi, l’intimé se désiste du mandat qu’il a sollicité.

[134]    Le plaignant reconnaît que le libellé des articles 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, alors en vigueur, et 60.2 du Code des professions exige qu’il établisse la preuve d’une intention blâmable de la part de l’intimé afin de se décharger de son fardeau de preuve.

[135]    Dans l’affaire Gauthier[91], le Tribunal des professions mentionne, au sujet de l’article 60.2 du Code des professions, que cette disposition vise trois types de représentation : la fausse, la trompeuse et l’incomplète, en ajoutant que la jurisprudence établit que dans le cas d’une représentation fausse ou trompeuse, pour qu’il y ait une contravention déontologique, la preuve de l’intention blâmable doit être présente.

[136]    Toujours dans l’affaire Gauthier, le professionnel accepte un mandat pour agir en tant qu’expert en comptabilité publique. Non seulement il omet de révéler, lors de son témoignage visant à le déclarer expert, des informations relatives à l’inspection professionnelle qu’il a subie, mais aussi, il reconnaît avoir omis de le divulguer à son employeur et à son mandant. Le Tribunal conclut que ce comportement du professionnel va au-delà de la simple erreur ou inadvertance et révèle sa volonté d’obtenir un statut d’expert ou une situation avantageuse en ne communiquant pas ces informations. Dans ces circonstances, le Tribunal souligne qu’il est permis d’inférer que le professionnel avait une intention blâmable.

[137]    La preuve documentaire du présent dossier révèle que l’intimé sollicite un mandat « to prepare the financial report for city of Ottawa » auprès de la représentante de Mme B, souligne avoir réalisé ce rapport lors d’une élection précédente au bénéfice de Mme A et précise que ses honoraires fixés à 1000 $ sont les plus bas.

[138]    Par la suite, il se désiste du mandat en indiquant unfortunately « I will not be able to offer the audit service to [Mme B] as we agreed ».

[139]    Selon les termes de ce message texte, l’intimé reconnaît qu’il avait convenu de réaliser un audit.

[140]    Le Conseil rappelle les dispositions invoquées sous le chef 3, soit l’article 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, alors en vigueur, et l’article 60.2 du Code des professions qui énoncent :

24. Le membre doit éviter toute fausse représentation quant à son niveau de compétence ou quant à l’efficacité de ses propres services, des services professionnels généralement dispensés par les autres personnes qui exercent leurs activités professionnelles au sein de la société dans laquelle il exerce sa profession et de ceux généralement assurés par les membres de la profession. Si l’intérêt du client l’exige, il doit, sur autorisation de ce dernier, consulter un autre membre, un autre professionnel ou une autre personne compétente, ou le diriger vers l’une de ces personnes.

60.2. Un professionnel ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse, trompeuse ou incomplète, notamment quant à son niveau de compétence ou quant à l’étendue ou à l’efficacité de ses services et de ceux généralement assurés par les membres de sa profession.

[141]    L’intimé ne détient pas les compétences requises pour effectuer le mandat proposé, soit un mandat d’audit comme celui réalisé pour le compte de Mme A lors d’une élection précédente, puisqu’il n’est pas titulaire d’un permis de comptabilité publique.

[142]    Le Conseil juge que l’ensemble de la trame factuelle rapportée sous le chef 3 démontre que le comportement de l’intimé va au-delà de la simple erreur ou inadvertance et révèle la volonté de l’intimé d’obtenir un mandat d’audit, soit une situation avantageuse. Ce faisant, il omet d’éviter toute fausse représentation quant à son niveau de compétence ou quant à l’efficacité de ses propres services.

[143]    Dans les présentes circonstances, il est permis d’inférer que l’intimé avait une intention blâmable requise en fonction de l’article 24 du Code de déontologie.

[144]    Le Conseil conclut que le plaignant s’est déchargé de son fardeau concernant l’article 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, alors en vigueur, et déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à cet article.

[145]    Au surplus, cette même trame factuelle atteste que l’intimé a fait au mieux une représentation incomplète ou trompeuse, notamment quant à son niveau de compétence ou quant à l’étendue ou à l’efficacité de ses services à être rendus à la candidate, Mme B, alors qu’il a convenu de réaliser un mandat d’audit.

[146]    Dans les présentes circonstances, il est aussi permis d’inférer que l’intimé avait une intention blâmable requise en fonction de l’article 60.2 du Code des professions.

[147]    Le Conseil conclut que le plaignant s’est déchargé de son fardeau concernant l’article 60.2 du Code des professions et déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à cet article.

[148]    En application de ces enseignements et de la règle qui interdit les condamnations multiples[92], la déclaration de culpabilité quant à l’article 60.2 du Code des professions fait l’objet d’une ordonnance de suspension conditionnelle des procédures, comme il est plus amplement décrit dans le dispositif de la présente décision.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

Chef 1 :

[149]    DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction fondée sur l’article 5 de la Loi sur les comptables professionnels agréés.

Chef 2 :

[150]    DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction fondée sur l’article 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, alors en vigueur.

Chef 3 :

[151]    DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction fondée sur l’article 24 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, alors en vigueur, et l’article 60.2 du Code des professions.

[152]    PRONONCE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 60.2 du Code des professions.

[153]    DEMANDE à la secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec de convoquer les parties à une audition sur sanction.

 

 

__________________________________

Me JULIE CHARBONNEAU

Présidente

 

 

 

__________________________________

M. GAÉTAN BUSSIÈRES, CPA

Membre

 

 

 

__________________________________

M. DAVID PLUTA, CPA auditeur

Membre

 

 

Me Sophie Gratton

Me Bérengère Laplanche (sauf les audiences des 26 septembre et 8 novembre 2024)

Sarrazin Plourde, S.A

Avocats du plaignant

 

Me Yahia Belhaddad (audiences des 26 septembre et 8 novembre 2024)

Lambert Avocats

Avocats de l’intimé

 

Dates d’audience :

13 juillet, 22 septembre et 23 novembre 2023 et 20 mars, 26 septembre et 8 novembre 2024

 



[1]     Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Badette, 2024 QCCDCPA 6.

[2]     RLRQ, c. C-25.01.

[3]     Procès-verbal de la conférence de gestion du 4 novembre 2024.

[4]     Pièces P-1 et P-1A.

[5]     RLRQ, c. C-48.1.

[6]     Pièce P-8.

[7]     Pièces P-1 à P-7.

[8]     Psychologues (Ordre professionnel des) c. Fernandez De Sierra, 2005 QCTP 134.

[9]     Pièce P-8.

[10]    Pièce P-5A.

[11]    Sharp c. Autorité des marchés financiers, 2023 CSC 29; Ordre des optométristes du Québec c. Coastal contacts inc., 2014 QCCS 5886; Unifund Assurance Co. c. Insurance Corp. of British Columbia, 2003 CSC 40; Tolofson c. Jensen; Lucas (Tutrice à l’instance de) c. Gagnon, 1994 CanLII 44 (CSC); Journal des débats de la Commission des institutions, 38e légis., 1re sess., 6 décembre 2007, Vol. 40, n° 22, consultations particulières sur le projet de loi n° 46 - Loi modifiant le Code des professions et la Loi sur les comptables agréés concernant la comptabilité publique; Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, 1995 CanLII 5215 (QC CA); Autorité des marchés financiers c. Ballachey, 2008 QCCQ 1152.

[12]    Autorité des marchés financiers c. Ballachey, supra, note 11.

[13]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 12 à 14.

[14]    Unifund Assurance Co. c. Insurance Corp. of British Columbia, supra, note 11.

[15]    Sharp c. Autorité des marchés financiers, supra, note 11.

[16]    Unifund Assurance Co. c. Insurance Corp. of British Columbia, supra, note 11.

[17]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 17.

[18]    Ordre des optométristes du Québec c. Coastal contacts inc., supra, note 11.

[19]    Appel rejeté par Ordre des optométristes du Québec c. Coastal Contacts Inc., 2016 QCCA 837.

[20]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 20.

[21]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 26 et 27.

[22]    Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, 1995 CanLII 5215 (QC CA); Comité — médecins — 3, [1987] D.D.C.P. 161; Black c. Law Society of Alberta, 1989 CanLII 132 (CSC); Goldman c. Avocats (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 164; Chambre de la sécurité financière c. Boucher, 2017 QCCDCSF 69; Chambre De La Sécurité Financière c. Brazeau, 2003 CanLII 57205 (QC CDCSF); Autorité des marchés financiers c. Ballachey, 2008 QCCQ 1152; Giroux c. Chambre de l’assurance de dommages, 2024 QCCQ 1196; Tribunal Comptables agréés-1, [1986] D.D.C.P. 153; Breton c. Comité de discipline de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, 2003 CanLII 7204 (QC CS); Eloufy v Association of Professional Engineers and Geoscientists of Saskatchewan, 2024 SKKB 45; Loi de 2004 sur l’expertise comptable, LO 2004, c. 8; Mema v. Chartered Professional Accountants of Alberta, 2020 ABQB 486.

[23]    Plan d’argumentation du plaignant, paragr. 36.

[24]    Plan d’argumentation du plaignant, paragr. 37.

[25]    Sharp c. Autorité des marchés financiers, supra, note 11.

[26]    Tolofson c. Jensen; Lucas (Tutrice à l’instance de) c. Gagnon, supra, note 11; Unifund Assurance Co. c. Insurance Corp. of British Columbia, supra, note 11.

[27]    Ordre des optométristes du Québec c. Coastal contacts inc., supra, note 11; Autorité des marchés financiers c. Ballachey, supra, note 11.

[28]    Pièce C-1.

[29]    Global Securities Corp. c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2000 CSC 21, citant Re Legault and Law Society of Upper Canada, 1975 CanLII 706 (ON CA) et Underwood McLellan & Associates Ltd. v. Association of Professional Engineers of Saskatchewan, Barshel, Ringheim, and Gallinger, 1979 CanLII 2222 (SK CA); Giroux c. Chambre de l’assurance de dommages, 2024 QCCQ 1196; Eloufy v Association of Professional Engineers and Geoscientists of Saskatchewan, 2024 SKKB 45; Mema v Chartered Professional Accountants of Alberta, 2020 ABQB 486; Saplys v. Ontario Association of Architects, 2019 ONSC 1679; Ewachniuk v. Law Society of British Columbia, 1998 CanLII 6469 (BC CA); Ordre des optométristes du Québec c. Coastal Contacts Inc., 2016 QCCA 837.

[30]    Ordre des optométristes du Québec c. Coastal Contacts Inc., supra, note 29.

[31]    Sharp c. Autorité des marchés financiers, supra, note 11.

[32]    Unifund Assurance Co. c. Insurance Corp. of British Columbia, supra, note 11.

[33]    RLRQ, c. C-26.

[34]    Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441.

[35]    Gagnon c. Comptables agréés (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 48.

[36]    Librandi c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2023 QCTP 7.

[37]    Giroux c. Chambre de l’assurance de dommages, 2024 QCCQ 1196.

[38]    Unifund Assurance Co c. Insurance Corp. of British Columbia, supra, note 11.

[39]    Ordre des optométristes du Québec c. Coastal contacts inc, supra, note 29.

[40]    Eloufy v Association of Professional Engineers and Geoscientists of Saskatchewan, supra, note 22.

[41]    Mema v. Chartered Professional Accountants of Alberta, supra, note 22.

[42]    Pièces P-1 et P-1A.

[43]    Pièce P-8, admission 6.

[44]    Pièce P-2B, p. 19, Pièce P-2D, p. 24, P-5B, p. 44 et 46.

[45]    Pièce P-2C.

[46]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 28.

[47]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 31.

[48]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 32.

[49]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 31 et 32.

[50]    Plan d’argumentation du plaignant, paragr. 39.

[51]    Dentistes (Ordre professionnel des) c. Dupont, 2005 QCTP 7.

[52]    Psychologues (Ordre professionnel des) c. Jodoin, 2011 CanLII 98550 (QC OPQ).

[53]    R. c. Fitzpatrick, 1995 CanLII 44 (CSC), pages 176 et 177.

[54]    R. c. Wholesale Travel Group Inc., 1991 CanLII 39 (CSC).

[55]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 36 et 37.

[56]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 36-38.

[57]    Plan d’argumentation de l’intimé, paragr. 39 et 40.

[58]    Autorité des marchés financiers c. Solo International inc., 2017 QCTMF 114, décision du tribunal de première instance confirmée par Sharp c. Autorité des marchés financiers, 2023 CSC 29.

[59]    Mailloux c. Fortin, 2016 QCCA 62; Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 126; Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078; Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Cloutier, 2019 CanLII 24383 (QC CDOPQ); Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Bilodeau, 2005 QCTP 34; Cuggia c. Champagne, 2016 QCCA 1479; Gauthier c. Bisson, 2014 QCCS 2821; Simoni c. Podiatres (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 17; Smith c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 77; Loi sur les comptables professionnels agréés, RLRQ, c. C-48.1; Règlement sur le permis de comptabilité publique de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, RLRQ, c. C -48.1, r. 26.1; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Tamas, 2020 QCCDCPA 43; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Gauthier, 2021 QCTP 78; Rancourt c. Morissette, 2022 QCCDMD 3; Allali c. Barreau du Québec, 2020 QCTP 48; Loi de 1996 sur les élections municipales, LO 1996, c. 32, ann; Cousineau c. Audioprothésistes (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 102; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Berthony Colas, 2020 QCCDCPA 4; Simoni c. Podiatres, 2002 QCTP 91; Nowodworski c. Guilbault, 2001 QCTP 5.

[60]    Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078.

[61]    Tremblay c. Dionne, supra, note 34; Cuggia c. Champagne, 2016 QCCA 1479; Lapointe c. Chen, 2019 QCCA 1400; John Changchiang Chen c. Steven Lapointe, ès qualités de syndic du Collège des médecins du Québec, 2020 CanLII 30 824 CSC.

[62]    Tremblay c. Dionne, supra, note 34.

[63]    Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette, 2019 QCTP 51, paragr. 43, pourvoi en contrôle judiciaire rejeté par Bissonnette c. Tribunal des professions, 2020 QCCS 3090.

[64]    Ayotte c. Gingras, 1995 CanLII 10936 (QC TP).

[65]    Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette, supra, note 63, paragr. 54.

[66]    Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143.

[67]    Ordre des architectes du Québec c. Duval, 2003 QCTP 144; Salhi c. Médecins vétérinaires (Ordre professionnel des), 2024 QTP 6, paragr. 59.

[68]    Plan d’argumentation du plaignant, paragr. 16.

[69]    Ibid, paragr. 17.

[70]    Pièce P-5A.

[71]    RLRQ, c. C-48.1.

[72]    Pièces P-2B, p. 7 à 19 et P-5B, p. 44.

[73]    Pièces P-2B, p. 7 à 19 et P-5B, p. 44.

[74]    Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Acoca, 2018 CanLII 96320 (QC CPA), paragr. 53.

[75]    Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Dubé, 2016 CanLII 57450 (QC CPA), paragr. 23Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Lacroix, 2016 CanLII 16815 (QC CPA), paragr. 40-42.

[77]    Pièces P-1 et P-1A et P-8, paragr. 3 des admissions signées.

[78]    Plan d’argumentation du plaignant, paragr. 20 et 21.

[79]    RLRQ, c. C -48.1, r. 6.

[80]    Pièce P-3, p. 31 et 33.

[81]    RLRQ, c. C -48.1, r. 6.

[82]    Plan d’argumentation du plaignant, paragr. 23.

[83]    RLQQ, c. C -26.

[84]    Pièce P-2C.

[85]    Pièce P-2C.

[86]    Ibid.

[87]    Pièce P-2D.

[88]    Pièce P-2D.

[89]    Pièce P-2E.

[90]    Pièce P-2F, p. 30.

[91]    Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Gauthier, supra, note 59.

[92]    Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC).

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