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Directeur général des élections du Québec c. Michaud |
2017 QCCA 1698 |
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
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No : |
500-10-006215-162 |
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(500-36-007815-155) (500-61-361472-138) |
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE |
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DATE : |
Le 20 octobre 2017 |
CORAM : LES HONORABLES |
ALLAN R. HILTON, J.C.A. |
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APPELANT |
AVOCAT |
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LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS DU QUÉBEC
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mE OLIVIER COURNOYER BOUTIN (Le directeur général des élections du Québec) (Absent)
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INTIMÉ |
AVOCAT |
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YVES MICHAUD |
ME VINCENT R. PAQUET (Carette Desjardins, s.n.a.) (Absent)
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En appel d'un jugement rendu le 21 juin 2016 par l'honorable Michael Stober de la Cour supérieure, district de Montréal. |
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NATURE DE L'APPEL : |
Appel accueilli par la Cour supérieure - Déclaration de
culpabilité en première instance - Art. |
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Greffier d’audience : Philippe Dupont |
Salle : Antonio-Lamer |
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AUDITION |
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Audition continuée du 17 octobre 2017. Les avocats ont été dispensés de se présenter à l’audience. |
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Par la Cour : arrêt - voir page 3. |
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Fin de l’audience. |
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Greffier d’audience |
PAR LA COUR
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ARRÊT |
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[1]
Le 21 juin 2016, la Cour supérieure (l’honorable Michael
Stober), district de Montréal, agissant comme tribunal d’appel au sens de
l’article
[2]
Le Directeur général des élections a obtenu l’autorisation de porter en
appel cette décision :
[3] Au procès, l’appelant reprochait à l’intimé d’avoir fait une dépense électorale en payant la parution, dans un journal et pendant la période électorale, d’un communiqué qui dénonçait la légitimité de certains candidats à l’élection provinciale, sans être l’agent officiel d’un candidat ou d’un parti autorisé. L’unique question véritablement en litige au procès était l’identité de la personne derrière cette publication.
[4] Essentiellement, le juge d’appel de la Cour supérieure conclut que le verdict est déraisonnable puisque la preuve ne peut amener un jury correctement instruit en droit à conclure que la participation de l’intimé à l’infraction est prouvée hors de tout doute raisonnable. Au passage dans ses conclusions, le juge ajoute que les motifs du jugement de première instance ne se prêtent pas suffisamment à un examen en appel.
[5] L’appelant prétend que le juge de la Cour supérieure a erré en substituant sa décision à celle du juge du procès. Il estime que les motifs du juge de première instance étaient suffisants.
[6]
Lorsque la Cour supérieure, agissant comme tribunal d’appel, intervient
au motif que le verdict est déraisonnable, l'appel à la Cour d’appel constitue
en fait le premier niveau d'appel de cette conclusion et rien ne justifie
d’écarter la possibilité de contrôler cette décision importante qui, à cette
fin, est une question de droit : R. c. Biniaris,
[7]
L’exercice en appel est alors de déterminer si le juge de la Cour
supérieure applique les bons principes d’intervention en matière de verdict
déraisonnable et qu’il n’a donc pas commis d’erreur de droit à cet égard :
Gatineau (Ville de) c. 6250424 Canada Inc.,
[8] Le juge de la Cour supérieure conclut que le verdict est déraisonnable. Il ne commet pas d’erreur.
[9] D’entrée de jeu, tant au procès que devant la Cour, il faut mentionner que l’appelant comprend et explique la trame factuelle révélée par la preuve en s’appuyant considérablement sur la connaissance du personnage « Yves Michaud, ancien député » dont fait d’ailleurs état le communiqué. Il nous invite même à prendre connaissance d’office de ce « combat », en quelque sorte, qui a été judiciarisé et qui aurait même fait l’objet d’un arrêt de cette Cour. Cela, soutient-il, pour faire le lien entre l’annonce fautive et l’intimé. Il faudrait comprendre que cela donne un éclairage au raisonnement qui mène à l’identification du coupable.
[10] Avec égards, la Cour ne peut suivre cette proposition. Il est douteux que le droit pénal permette une telle preuve à cette fin, mais il ne l’autorise certainement pas de cette manière. Si une telle preuve était admissible, au mieux, on y verrait un mobile; au pire, une certaine propension. Quoi qu’il en soit, même dans la meilleure hypothèse, la preuve est totalement muette à cet égard. Il s’ensuit néanmoins que l’analyse de la preuve prend une autre couleur lorsqu’on évacue ce raisonnement fautif qui autrement semble aider, inconsciemment peut-être, à combler les vides que laisse la preuve, qui la crainte inhérente au processus de raisonnement par inférences : R. c. Villaroman, 1 R.C.S. 1000, par. 26.
[11] Cela dit, il faut se concentrer sur la question de droit qui est devant la Cour et qui, comme les parties en conviennent à l’audience, est de savoir si le juge a correctement appliqué le droit en matière de verdict déraisonnable.
[12] Comme le fait remarquer l’appelant, le juge de la Cour supérieure n’avait pas bénéficié des enseignements de l’arrêt Villaroman, précité, au moment de rendre son jugement. L’appelant s’en remet principalement à cet arrêt pour soutenir que le juge est allé trop loin dans son intervention.
[13] Il n’est pas contesté que la participation de l’intimé à l’infraction repose sur preuve entièrement circonstancielle. Or, une preuve circonstancielle qui prouve la culpabilité est celle qui ne permet aucune autre inférence raisonnable.
[14] Dans
l’arrêt Villaroman, la Cour suprême explique qu’il est parfois « nécessaire pour le ministère public de réfuter ces
possibilités raisonnables, mais il n’a certainement pas à « réfuter toutes
les hypothèses, si irrationnelles et fantaisistes qu’elles soient, qui
pourraient être compatibles avec l’innocence de l’accusé » : R. c. Bagshaw,
[15] La
norme de la preuve hors de tout doute raisonnable n’est pas assouplie en
matière pénale réglementaire. Que l’intimé soit probablement coupable n’est pas
suffisant : R. c. Lifchus,
[16] En l’espèce, de la preuve produite au procès, seuls quelques documents et le communiqué portent le nom de l’intimé. Bien que cela soit manifestement un début de preuve, cette même preuve démontre clairement que Monique Michaud a payé pour ce communiqué avec un chèque tiré d’un compte conjoint. Le juge de la Cour supérieure estime que cela donnait ouverture à deux possibilités raisonnables menant chacune vers un coupable différent.
[17] Compte tenu de l’ensemble de la preuve et de l’absence de preuve, l’appelant ne démontre pas que le juge de la Cour supérieure soulève une hypothèse irrationnelle et fantaisiste. Que Monique Michaud soit l’unique responsable de la publication du communiqué n’est aucunement une possibilité irrationnelle ou fantaisiste dans l’état du dossier. Pour reprendre les mots de la Cour suprême, il est parfois nécessaire pour le poursuivant de réfuter d’autres possibilités raisonnables. Il ne l’a pas fait, ni le juge du procès d’ailleurs, comme le note au passage le juge de la Cour supérieure. Avec égards pour la position de l’appelant, il n’y a pas d’erreur de la part du juge de la Cour supérieure.
[18] Bien que l’appel n’exige pas de commenter la preuve, quelques commentaires sont néanmoins nécessaires. L’appelant s’appuie sur des documents dont on sait peu de chose sauf ce qui y est inscrit. Toutefois, examiné avec l’ensemble de la preuve, leur fiabilité est sérieusement ébranlée.
[19] En effet, outre le chèque signé par Monique Michaud, aucune preuve ne permet d’identifier la personne qui a passé la commande pour l’espace dans le journal, et encore moins de déterminer si l’intimé y a été mêlé. Aucun des nombreux documents reliés à cette transaction ne porte la signature de l’intimé. Monique Michaud n’a pas été appelé comme témoin. La preuve n’explique pas qui est cette personne, sauf qu’elle partage le compte bancaire avec l’intimé. L’employée responsable de cette vente, dont le nom apparaît pourtant sur un document déposé en preuve, n’a pas été appelée comme témoin. C’est un autre employé du journal, M. Pigeon, qui témoigne. N’occupant pas le poste de représentant et n’étant pas à l’emploi du journal à l’époque pertinente, il ne peut rien dire sur la transaction elle-même ni sur la procédure suivie et les vérifications effectuées à cette époque. A fortiori, il ne peut dire qu’elles avaient été celles appliquées pour la transaction litigieuse. Au mieux, le témoin décrit la procédure habituelle depuis qu’il travaille au journal, soit depuis octobre 2014. S’il faut néanmoins retenir quelque chose de ce témoignage, ce sont ses explications sur le fait important que la procédure et les vérifications effectuées qui précèdent les inscriptions sur la preuve documentaire sont importantes, sinon essentielles, pour valider les informations apparaissant sur les documents et donc pour établir leur fiabilité et leur exactitude. Or, cette preuve est tout simplement absente. C’est ici en raison de l’absence de preuve que la fiabilité des documents est affaiblie.
[20] Dans ce contexte, il est plutôt déraisonnable, comme le propose l’appelant et comme semble l’avoir retenu le juge du procès, d’affirmer que la preuve documentaire ne peut désigner que l’intimé comme la personne ayant placé le bon commande pour le communiqué, qu’il y a participé ou qu’il l’a autorisé.
[21] En somme, l’intervention du juge de la Cour supérieure n’était pas contraire au droit.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[22] REJETTE l’appel;
[23] Avec frais en faveur de l’intimé.
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ALLAN R. HILTON, J.C.A. |
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MARTIN VAUCLAIR, J.C.A. |
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ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. |
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