R c. Barthelus | 2025 QCCQ 509 |
COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
DISTRICT DE | MONTRÉAL |
« Chambre criminelle et pénale » |
N° : | 500-01-233124-228 |
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DATE : | Le 17 février 2025 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | ANNE-MARIE MANOUKIAN |
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SA MAJESTÉ LE ROI |
Poursuivant |
c. |
Marcus BARTHELUS |
Accusé |
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JUGEMENT SUR LE VERDICT
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Table des matiÈres
I. APERÇU..............................................................2
II. QUESTIONS EN LITIGE................................................3
III. CONTEXTE FACTUEL..................................................3
a) Sommaire des événements.......................................4
b) La preuve d’experts.............................................10
c) La preuve des témoins oculaires..................................12
d) La preuve de l’infiltration........................................18
IV. ANALYSE............................................................22
a) Principes généraux : le doute raisonnable et l’évaluation de la preuve22
b) L’homicide involontaire coupable................................25
c) Les modes de participation......................................26
a) L’analyse de la preuve des témoins oculaires......................30
b) Conclusion quant à la question 1.................................34
a) Une entente afin de poursuivre une fin illégale a-t-elle été formée?.36
b) Une infraction incidente a-t-elle été commise?....................44
c) Une personne raisonnable dans les mêmes circonstances aurait-elle dû savoir qu’il y avait un risque de lésions corporelles? 45
d) Y a-t-il eu l’abandon du projet illicite commun?....................46
V. CONCLUSION........................................................47
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- M. Steven Marques décède au coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Jean-Talon à Montréal d’une blessure causée par une arme à feu. Plusieurs caméras de vidéosurveillance enregistrent les événements menant à sa mort. Malheureusement, le moment fatidique où le tireur abat la victime échappe à l’enregistrement, masqué par l’obstruction d’un arbre. L’arme à feu n’est pas retrouvée.
- Le poursuivant reproche à l’accusé d’avoir causé la mort de la victime dans le contexte d’une dispute avec l’usage d’une arme à feu, commettant ainsi un homicide involontaire coupable[1]. La question ultime qui se pose est à savoir si l’accusé est le tireur et s’il ne l’est pas, s’il a participé à l’infraction par le biais de l’aide ou de la poursuite d’un projet illicite commun.
- Le poursuivant fait entendre plusieurs témoins, dont des témoins oculaires et produit notamment un montage des enregistrements vidéo[2]. Il fait valoir qu’un aveu de l’accusé qu’il a « troué quelqu’un » démontre qu’il a été actif dans la participation de l’infraction.
- L’accusé ne témoigne pas. Il plaide que la preuve du ministère public est circonstancielle et insuffisante pour que ce dernier puisse rencontrer son fardeau d’établir sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. L’accusé soutient que sa simple présence sur les lieux ne suffit pas pour impliquer sa responsabilité criminelle. Selon lui, la culpabilité n’est pas la seule inférence logique. Subsidiairement, l’accusé plaide que si le Tribunal conclut à sa participation à un projet illicite commun, la défense d’abandon s’applique.
1) Est-ce que le poursuivant a établi hors de tout doute raisonnable que l’accusé est le tireur?
2) Sinon, le poursuivant a-t-il établi hors de tout doute raisonnable que l’accusé a aidé[3] le tireur à commettre un acte illégal qui est de nature à causer des lésions corporelles?
3) Sinon, le poursuivant a-t-il établi hors de tout doute raisonnable la participation de l’accusé dans un projet illicite commun avec le tireur?
- Les parties conviennent des admissions suivantes[4] :
- L’identification de l’accusé[5];
- Le dépôt en preuve du rapport d’expert du Dr Yann Dazé pour faire preuve de son contenu, ainsi que sa qualité d’expert à titre de pathologiste judiciaire[6];
- Le dépôt en preuve du rapport d’expert de M. Gilbert Desjardins pour faire preuve de son contenu, ainsi que sa qualité d’expert à titre de spécialiste en balistique judiciaire[7]; et
- L’admissibilité des enregistrements vidéo, ainsi que l’identification des personnes[8], la nature des lieux et les heures affichées, selon le témoignage de l’enquêteur SD Michel Martin.
- Les paragraphes qui suivent ne constituent pas un récit exhaustif des faits, mais suffisent à la compréhension des présents motifs. Ils sont rédigés principalement à partir des enregistrements vidéo[9] et de la déclaration de M. Éric Alain[10], mais également à l’aide des photos des diverses scènes de crime[11], du rapport de visionnement[12], des plans déposés[13], des témoignages de la technicienne en scène de crime de la section de l’identification judiciaire (SIJ), de l’enquêteur, du sergent-détective (SD) Michel Martin et du premier patrouilleur sur les lieux, l’agent Vincent Houle-Quintal.
- Le soir du 16 avril 2022, vers 18 heures ou 19 heures, l’accusé communique avec M. Éric Alain et lui dit qu’il s’en vient chez lui[14]. M. Alain ne veut pas, compte tenu d’un conflit préexistant entre l’accusé et un individu, dont le surnom est Gucci[15]. Il indique à l’accusé de ne pas venir chez lui, car « Gucci est pas loin puis tu le sais qu’est-ce qui va se passer »[16]. L’accusé lui répond qu’il y va tout de même[17].
- M. Alain, craignant des représailles de Gucci, l’informe de la situation.
- Au moment des événements, M. Alain réside dans un logement au niveau du sous-sol de l’immeuble situé au 7421, boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Son appartement a des fenêtres qui donnent sur le boulevard Saint-Laurent et sur la rue Jules-Verne[18]. M. Alain est un consommateur de stupéfiants et son logement sert de lieu de consommation pour diverses personnes, dont l’accusé, ainsi que la vente de stupéfiants[19].
- Nonobstant l’avertissement reçu, l’accusé se présente chez M. Alain avec un individu que le Tribunal nommera « l’ami » pour les fins du présent jugement, les parties s’y référant ainsi au procès.
- En effet, la vidéo montre qu’à 22 h 38[20], l’accusé et l’ami arrivent ensemble sur les lieux en taxi[21].
- À 22 h 39[22] l’accusé et l’ami sont à la fenêtre du logement de M. Alain sur la rue Jules-Verne. M. Alain explique qu’ils cognent à sa fenêtre.
- Ensuite, l’accusé et l’ami se dirigent à la porte principale du bâtiment, qui est barrée. L’accusé appuie sur des boutons du clavier au mur. Après un temps d’attente, la porte est débarrée et ils entrent dans l’immeuble. Ils se dirigent vers l’appartement de M. Alain au sous-sol. L’accusé mène le chemin.
- Au même moment, une femme quitte le logement de M. Alain. Elle court, puis prend un tournant qui la mène vers la sortie donnant sur l’allée du garage.
- À 22 h 40, l’accusé et l’ami pénètrent à l’intérieur du logement de M. Alain. M. Alain indique connaître l’accusé depuis quelques mois, mais ne pas connaître l’ami. Il les décrit comme étant intoxiqués et énervés[23].
- M. Alain dit à l’accusé de quitter puisque « Mélanie » a quitté son appartement en courant pour informer Gucci de sa présence[24].
- L’accusé n’a aucune réaction, mais l’ami met sa main à sa ceinture et « est arrivé pour sortir son engin […] son fusil… »[25]. M. Alain ne voit que la crosse de l’arme[26].
- L’accusé dit alors sur un ton affirmatif « non, pas lui » et l’ami cesse son geste[27].
- À 22 h 43 min 40 s, l’accusé sort de l’appartement, pieds nus et sans manteau. Il se rend à l’une des deux salles de bain au bout du corridor et referme la porte derrière lui à 22 h 43 min 49 s. M. Alain explique que les deux quittent son appartement : l’un pour aller à la salle de bain, tandis que l’autre, il n’en est pas certain. M. Alain ne quitte jamais son appartement[28].
- À 22 h 44 min 2 s, l’ami se rend à la salle de bain où se trouve l’accusé et met la main sur la poignée de porte. Celle-ci demeure fermée. Il fait des allers-retours près de la porte. Finalement, à 22 h 44 min 23 s, il ouvre la porte. L’accusé est visible, assis sur la cuvette, les pantalons baissés. L’ami s’approche de l’accusé, semble manipuler un objet et glisser sa main dans sa poche, mais il est impossible de distinguer ce qu’il fait exactement. Après un certain temps, il referme la porte et la caméra coupe à 22 h 44 min 39 s alors qu’il marche vers l’appartement de M. Alain.
- À 22 h 44 min 51 s, l’image vidéo reprend. L’ami marche dans le corridor et emprunte celui qui mène à la sortie donnant sur l’allée de garage[29].
- À 22 h 45 min 38 s, Gucci arrive de ce même corridor et tourne à droite vers l’appartement de M. Alain. Au moment où Gucci tourne le coin, l’accusé sort de la salle de bain en remontant son pantalon.
- À 22 h 45 min 42 s, Gucci se retourne, voit l’accusé et revient alors vers lui. Il tient un marteau dans sa main droite et s’adresse à l’accusé.
- Sur le fait, l’ami, revenant du corridor qu’il avait emprunté, apparaît dans l’angle de la caméra. À 22 h 45 min 45 s, alors qu’il s’approche de l’accusé, ce dernier pointe son bras droit en direction de Gucci qui s’approche de l’accusé. L’ami s’accote contre le mur à côté de l’accusé et pose ses mains à la taille de son pantalon.
- À 22 h 45 min 48 s, alors que Gucci continue de s’avancer vers lui, l’accusé s’en éloigne en marchant de reculons vers le corridor qui mène au rez-de-chaussée, de sorte que Gucci se retrouve entre lui et l’ami. L’accusé et Gucci discutent. L’accusé pointe vers l’ami, Gucci sourit et alterne son regard entre l’accusé et l’ami.
- À 22 h 46 min 5 s, alors que Gucci s’avance vers lui, l’ami se relève du mur, se recule, et sort une arme de poing qu’il pointe vers Gucci. Gucci sursaute légèrement et se recule. L’accusé s’approche alors de Gucci en lui parlant près du visage. L’ami finit par ranger l’arme, l’accusé retourne vers l’appartement de M. Alain, alors que deux autres individus arrivent à 22 h 46 min 34 s. Il s’agit de la victime et de M. Husein.
- Quant à cette séquence d’événements, M. Alain témoigne entendre des gens dans le corridor et voit, en sortant sa tête par le cadre de la porte, que Gucci est présent, ainsi que la victime[30]. Il remarque que Gucci « branle » un marteau dans ses mains tandis que le groupe échange à voix haute[31]. Il décrit l’atmosphère comme étant tendue[32]. Il voit Gucci sursauter.
- L’accusé entre dans l’appartement de M. Alain à 22 h 46 min 53 s, pendant que Gucci, la victime et M. Husein discutent avec l’ami, toujours au point de rencontre des corridors.
- À 22 h 47, l’accusé sort de l’appartement avec ses chaussures et les enfile dans le corridor. Gucci s’approche de lui et ils se tiennent face à face devant la porte de M. Alain.
- M. Alain confirme que l’accusé vient récupérer ses chaussures, mais qu’il laisse son manteau chez lui[33]. Gucci et l’accusé se parlent dans son cadre de porte.
- À 22 h 47 min 36 s, l’accusé retourne vers le groupe constitué de la victime, M. Husein et l’ami. Alors que les échanges de paroles se poursuivent, à 22 h 47 min 44 s, l’accusé place sa main droite sur le bras de l’ami et fait un geste en direction de la sortie.
- À 22 h 48 min 5 s, l’ami et l’accusé sont à l’extérieur du bâtiment dans l’allée de garage. Ils se dirigent vers le boulevard Saint-Laurent et marchent sur le trottoir en direction sud. Ils discutent en marchant. L’ami place son bras sur les épaules de l’accusé. Après un moment, l’ami retire son bras à la suite d’un geste de l’accusé.
- Ils sont suivis de près par le trio Gucci-victime-Husein, qui eux sortent à 22 h 48 min 40 s. Le groupe se dirige dans la même direction que celle prise par l’accusé et l’ami. M. Husein prend un vélo, tandis que les deux autres sont à pied.
- M. Alain témoigne que les personnes quittent l’immeuble « comme une tornade » et qu’ils continuent à se « chamailler » dehors[34].
- À 22 h 49 min 9 s[35], l’accusé et l’ami sont à l’intersection du boulevard Saint-Laurent et Jules-Vernes (côté sud), tout près du 7421. Le trio les a rejoints, notamment M. Husein qui est à vélo. Les deux groupes semblent discuter.
- À 22 h 50 min 13 s, la victime et Gucci retournent vers le 7421 et l’accusé et l’ami marchent en direction sud. M. Husein demeure là, sur son vélo.
- À 22 h 50 min 24 s, l’accusé croise un individu au manteau long noir qui marche en direction inverse, soit vers le 7421. Il s’agit de M. Rendeiro. Ce dernier rencontre la victime et Gucci et se joint à eux.
- À 22 h 50 min 54 s, la victime, Gucci, M. Rendeiro, ainsi que M. Husein qui est toujours à vélo, se mettent en direction sud sur le boulevard Saint-Laurent, soit dans la même direction que l’accusé et l’ami. Notons que Gucci a toujours son marteau[36].
- Tous se rendent jusqu’au coin des rues Saint-Laurent et Jean-Talon[37].
- Gucci traverse le terrain de la station-service Petro-Canada et attend sur le trottoir, côté nord, de la rue Jean-Talon[38] — notons que c’est à cet endroit que le marteau a été retrouvé par le SIJ, sur la partie gazonnée, près de l’intersection[39].
- Il est crucial de scruter la prochaine séquence de la vidéo[40], car elle marque l’instant fatidique pour la victime :
- À 22 h 53 min 50 s[41], M. Husein apparaît sur le vélo à la droite de l’écran. Il poursuit sa randonnée sur la rue Jean-Talon en direction est[42].
- À 22 h 53 min 51 s[43], l’ami et l’accusé s’engagent dans l’intersection des rues Saint-Laurent et Jean-Talon (nord-est).
- À 22 h 53 min 58 s[44], la victime (d’un pas plus rapide) et M. Rendeiro s’engagent dans l’intersection à leur tour.
- À 22 h 54 min 5 s[45], alors que l’ami continue de marcher vers le trottoir au coin sud-est de l’intersection, l’accusé se retourne dans la rue vers la victime qui s’approche de lui.
- À 22 h 54 min 6 s[46], l’ami est sur le trottoir. Il se retourne vers la rue, fait un pas de reculons et, ce faisant, sa silhouette est dissimulée par le tronc d’un arbre, obstruant ainsi la vue de la caméra.
- À 22 h 54 min 7 s[47], la victime a rattrapé l’accusé et les deux marchent côte à côte vers le trottoir où se trouve l’ami.
- À 22 h 54 min 10 s[48], alors que la victime et l’accusé sont côte à côte, l’accusé semble trébucher vers l’avant (ou se faire pousser ou tout simplement se mettre à courir) [49] et d’un mouvement fluide, continue son chemin sur le trottoir en s’éloignant de la victime. Il est à noter qu’il ne se retourne pas vers la victime à ce moment.
- À 22 h 54 min 11 s[50], la victime s’arrête à la hauteur de l’ami et elle s’écroule au sol à 22 h 54 min 12 s[51]. Aussitôt, l’ami se retourne et se met à courir derrière l’accusé, qui est plus au sud.
- À ce même moment, M. Rendeiro et une autre personne, qui traversait la rue vers le sud, arrêtent brusquement de marcher. L’autre personne change même de direction et retourne vers le nord. Elle s’arrête sur le coin de la rue (nord-est).
- À 22 h 54 min 18 s[52], M. Rendeiro se penche sur la victime qui est au sol.
- À 22 h 54 min 51 s[53], l’accusé et l’ami marchent côte à côte puis traversent la rue Shamrock (à un coin de rue de la rue Jean-Talon[54]). Ils semblent prendre des directions opposées, puis l’ami bifurque vers l’accusé et les deux continuent leur marche.
- À 22 h 59 min 30 s, un premier véhicule de police arrive. La scène est prise en charge par les policiers.
- L’agent Houle-Quintal et sa partenaire sont les premiers policiers sur les lieux du crime. Ceux-ci donnent l’ordre aux personnes présentes de ne pas quitter les lieux. En arrivant, l’agent Houle-Quintal constate la présence de plusieurs témoins, dont deux personnes près de la victime[55]. Une de celles-ci est penchée sur la victime et tente de la réveiller. Il décrit cette personne comme un homme noir, grand et mince, entre 40 et 50 ans, avec les cheveux courts et habillé en noir. L’autre personne qui est près de la victime a environ 30 ans, est de race noire, plus petit que l’autre individu. Ses cheveux sont de longs « dreads » et il porte des vêtements foncés. Ces deux personnes quittent avant qu’ils ne puissent leur parler, allant à l’encontre de leur ordre de demeurer sur les lieux.
- Le rapport d’autopsie[56] révèle que la victime, M. Marques, âgé de 46 ans, a été atteinte d’un projectile d’arme à feu, ayant pénétré par le thorax antérieur, à trois centimètres de la ligne médiane pour aller perforer l’abdomen, le foie, l’estomac, le mésentère, sectionner le pancréas et l’aorte abdominale et se loger dans la colonne lombaire. Le projectile a emprunté une trajectoire allant de l’avant vers l’arrière, très légèrement de la gauche vers la droite et du haut vers le bas.
- Le projectile a occasionné une importante hémorragie interne et des blessures mortelles. Il y a absence d’autres lésions traumatiques significatives.
- Le Dr Dazé constate qu’il n’y a pas d’indice de proximité de tir sur la peau, au pourtour de la plaie, mais il ajoute que les vêtements que portait la victime ont cependant pu faire écran à de tels indices, le cas échéant[57]. En effet, la preuve révèle que la victime portait : un chandail kangourou[58], un chandail[59] et un chandail à manches courtes[60].
- Toutefois, selon le spécialiste en balistique judiciaire, Gilbert Desjardins, l’analyse des vêtements n’a pas non plus révélé la présence de résidus de tir autour de la perforation au niveau du thorax gauche[61]. Ceci le porte à croire que le tireur était à plus d’un mètre (environ) de la victime, à moins qu’il y ait eu présence d’un écran, telle une fenêtre.
- Le projectile a été récupéré lors de l’autopsie et envoyé pour analyse au laboratoire balistique du LSJML[62]. Selon M. Desjardins, le projectile a « probablement été tiré dans un pistolet de calibre 9 mm Luger »[63].
- Sur les lieux du crime, les enquêteurs récupèrent deux douilles sur le trottoir au coin sud-est de l’intersection de la rue Jean-Talon et du boulevard Saint-Laurent[64]. L’examen microscopique de ces douilles permet au balisticien de conclure que les deux douilles ont été percutées par le même pistolet semi-automatique de calibre 9 mm[65].
- Puisqu’il n’est pas possible de relier les douilles et les projectiles entre eux sans avoir analysé l’arme à feu, le balisticien ne peut exclure l’hypothèse que les douilles et le projectile n’aient pas été tirés par la même arme à feu, et donc qu’il y avait deux tireurs[66].
- Le poursuivant appelle sept témoins présents près des lieux du drame, en voiture ou à pied, qui ne sont impliqués que par ce qu’ils ont vu.
- À titre de remarque préliminaire, notons que ces témoignages divergent à certains égards, notamment quant au nombre de coups de feu entendus et à la description du tireur. Ceci est compréhensible et fera l’objet d’une analyse ultérieure au cours des présents motifs.
A.R. C.-P.
- A.R. C.-P. circule sur la rue Jean-Talon en direction est, vers le boulevard Saint-Laurent[67], seule à bord de son véhicule avec les fenêtres fermées lorsqu’elle entend deux coups de feu à l’approche de l’intersection[68]. Il y a un véhicule devant le sien. Le bruit attire son attention, elle regarde à sa droite en diagonale. Le véhicule devant elle accélère et elle peut maintenant bien voir la scène.
- Elle décrit ce qu’elle voit, soit une personne se retourner vers la victime, pointer une arme à feu et tirer deux coups de feu sur la victime. Elle dit voir un fusil noir, qu’elle décrit comme celui des policiers. Elle voit également la flammèche et ensuite la victime tomber assise au sol, puis rouler sur le côté. Elle voit ensuite le tireur, accompagné d’une autre personne, se retourner et courir vers le centre-ville (en direction sud) pendant quelques secondes avant de les perdre de vue. Ils sont à un mètre l’un de l’autre, à distance de bras. Elle ne sait pas ce que fait le tireur avec l’arme par la suite. Elle voit une autre personne se pencher sur la victime.
- Elle décrit le tireur comme un grand homme, mince ou « en forme », portant une chemise à carreaux avec un fond pâle et du carotté noir, casquette ou capuchon foncé sur la tête. Elle ne peut voir son visage dans ses souvenirs et elle émet l’hypothèse qu’il avait un masque ou une cagoule, car elle ne peut le décrire. Son pantalon était soit un jeans cargo ou quelque chose de ce genre de couleur foncée. Elle ne peut décrire la couleur de sa peau. Elle le décrit comme plus grand que la victime.
- Elle décrit la personne qui accompagne le tireur comme ayant une carrure similaire au tireur et portant un coton ouaté avec un capuchon de couleur foncée. Son pantalon aussi est de couleur foncée. Elle ne se rappelle pas la couleur de sa peau.
- La victime est de stature plus petite que le tireur. Elle le voit de dos uniquement. Il porte un coton ouaté aussi de couleur foncée ou bourgogne. La personne qui se penche sur la victime est aussi habillée de noir — elle ne voit pas ce qu’il fait.
- Elle explique que le tout se déroule très rapidement, à l’intersection des rues, sur le coin du trottoir. Il y a une à deux secondes entre les deux premiers coups et les deux prochains. Elle explique la distance entre les protagonistes comme suit : le tireur est à un ou deux mètres de la victime au moment des coups de feu qu’elle observe et la personne qui l’accompagne est à un mètre du tireur vers le sud, donc plus loin que la victime[69].
S. P.
- S. P marche sur le trottoir ouest du boulevard Saint-Laurent en direction sud[70] lorsqu’il entend une dispute entre des personnes (sans pouvoir comprendre les mots utilisés) alors qu’il approche l’intersection de la rue Jean-Talon et du boulevard Saint-Laurent. Arrivé à l’intersection, il entend deux coups de feu et voit une personne tomber et le tireur et une autre personne courir vers le sud sur le boulevard Saint-Laurent. Le témoin court alors vers le nord.
- Appelé à donner plus de détails, il décrit le mouvement du tireur qu’il qualifie de rapide : il se tourne sur son côté gauche avec un bras tendu et tire deux coups successifs. Il explique que le fusil est comme celui des policiers. Au moment du tir, le tireur et l’homme qui s’enfuit avec lui sont vraiment près l’un de l’autre et par la suite, lorsqu’ils courent ensemble, ils sont assez proches l’un de l’autre, à un mètre. Il ne les observe pas longtemps puisqu’il quitte dans la direction opposée.
- Il reconnaît avoir vu rapidement le tireur, mais le décrit comme un grand homme blanc (1,80 m, 70-80 kg) portant une veste à manche longue bleue avec les cheveux bruns courts[71]. L’autre homme avec lui est un homme noir, plus petit, mais plus costaud, portant un chandail avec un capuchon rouge vin (il croit qu’il a le capuchon sur la tête) et un pantalon de jogging noir.
- Le témoin revient sur les lieux de l’événement deux minutes plus tard.
- Il décrit la victime comme un homme blanc, cheveux rasés. Il témoigne que l’homme qui se penche sur lui est une des personnes impliquées dans la dispute. Cette personne porte des « dreads » longs, une tuque et un manteau de cuir. Il donne des soins à la victime, mais quitte avant l’arrivée des policiers.
M. S.
- M. S., conducteur de son véhicule, est arrêté à la lumière rouge dans la voie de droite sur le boulevard Saint-Laurent en direction nord[72]. Il y a deux ou trois véhicules arrêtés à la même lumière devant lui. Les fenêtres du véhicule sont fermées Dans son véhicule se trouvent également sa conjointe, M. L. A., assise à l’arrière du véhicule, côté passager et leur bébé.
- Lorsqu’il arrive à la lumière, il entend un premier coup de feu qu’il ne voit pas. Il regarde à sa droite au coin de la rue Jean-Talon et voit une personne avec une arme à feu tirer la victime au niveau de l’abdomen. Il estime environ deux secondes entre le premier coup de feu et les deux subséquents.
- Selon son souvenir, il ne voit que la silhouette du tireur. Il explique que le tireur fait face au boulevard Saint-Laurent et la victime y fait dos. Ils sont à une distance d’un pied l’un de l’autre. Il y a un individu avec le tireur, ils sont côte à côte[73].
- Appelé à décortiquer la séquence des événements, il explique que le tireur fait feu sur la victime avec son bras droit, proche de son corps; que la victime s’écroule; et le tireur « se retourne et continue son chemin » sur le boulevard Saint-Laurent avec un autre homme qui l’accompagne[74]. Lorsque ceux-ci quittent la scène, ils marchent rapidement, presque en « semi-jogging », sur le boulevard Saint-Laurent, en direction sud. Il les voit passer sur le trottoir, à environ quatre pieds de son véhicule, puis les observe s’éloigner en les suivant dans son rétroviseur jusqu’à ce que la lumière tourne au vert. Entre le premier tir et la perte de vue des deux individus, il se passe environ 45 secondes.
- Il n’a pas un souvenir net du tireur, mais se souvient qu’au moment de faire sa déclaration, il avait dit que le tireur était un homme noir[75]. Par ailleurs, il relate un souvenir vague d’un moment qu’il décrit comme un « échange » d’arme à feu entre les deux hommes pendant leur fuite. Son souvenir est que l’homme noir donne l’arme à l’homme blanc et celui-ci le range à l’avant de son pantalon. Les deux hommes ont l’air confus selon le témoin. Cet échange se déroule un peu à l’avant de son véhicule, vers la droite. À ce moment, l’homme blanc est plus près de son véhicule que l’homme noir.
- Il décrit l’arme comme étant de couleur argent (chromé) avec un barillet.
- Il décrit l’homme blanc de 6 pi, 160 lb, maigrichon (joues creuses), l’air « junkie », cheveux châtains (plus courts que longs), portant une chemise à carreaux. Il ne se souvient pas exactement de son pantalon, mais a un souvenir de « jeans ».
- Il décrit l’homme noir comme portant un chandail avec un dessin blanc ou de couleur pâle de type « tribal » sur le devant. Son pantalon est un jeans avec des chaînes. Il est plus petit que l’homme blanc, costaud, bien bâti.
- Une photo du chandail de l’accusé est montrée[76] au témoin, mais il ne le reconnaît pas comme étant celui qu’il a vu. Lorsqu’on lui montre des photos du chandail de la victime[77], il indique que cela ressemble à sa souvenance du motif « tribal » qu’il a vu sur le chandail de l’homme noir.
- Il ne peut décrire la victime outre que de dire qu’elle avait un habillement noir, peut-être un coton ouaté, et qu’elle était accompagnée d’un autre individu.
M. L. A.
- M. L. A. est la conjointe du témoin, M. S. Elle est assise à l’arrière dans leur véhicule, du côté passager alors qu’il s’arrête à la lumière rouge, sur le boulevard Saint-Laurent en direction nord, à l’intersection de la rue Jean-Talon. Ils sont dans la voie de droite, à côté du trottoir et il y a deux véhicules devant eux[78].
- Elle entend un premier coup de feu qu’elle ne voit pas. Elle regarde aux alentours, et environ 10 secondes plus tard, elle entend deux autres coups de feu. Elle ne peut décrire qui tire, car elle voit plutôt un attroupement de trois personnes, puis une quatrième un peu plus loin à l’arrière.
- Lorsque la victime s’écroule au sol, les deux personnes près de cette dernière quittent en marchant un à côté de l’autre sur le trottoir du boulevard Saint-Laurent vers le sud. Ils passent à côté de leur voiture.
- Elle décrit ces deux personnes comme suit. Un individu à la peau blanche, cheveux pâles ou châtains, assez courts, portant une chemise à carreaux rouge et crème ou grise avec du rouge, avec un « t-shirt » blanc en dessous et des jeans. Il est de la même grandeur que la victime.
- L’autre individu a la peau noire et est plus grand que l’homme blanc. Son « t-shirt » est noir, avec un dessin blanc « tribal » à l’avant sur la poitrine. Il est costaud (son t-shirt est serré) et a le visage rond.
- La victime porte un capuchon de couleur gris foncé. Elle voit une personne aller l’aider.
- Elle ne voit pas qui a tiré l’arme à feu, mais voit l’homme blanc ranger l’arme à feu à l’arrière dans son pantalon alors que les deux hommes marchent vers le sud, se rapprochant de leur véhicule. Elle voit les deux hommes se regarder et précise qu’ils ont l’air de se questionner. À ce moment, l’homme blanc est plus près de leur véhicule que l’homme noir. Elle ne voit jamais l’homme noir avec l’arme ni un échange de l’arme entre eux.
- Elle décrit l’arme comme celle des policiers.
B. P.
- B. P. marche sur le trottoir de la rue Jean-Talon avec un ami vers le boulevard Saint-Laurent lorsqu’elle entend un coup de feu. Elle ne voit pas qui tire, mais cela attire son attention et elle lève la tête pour porter attention. Le tout se déroule à une cinquantaine de mètres, droit devant elle[79]. Elle entend alors un autre coup de feu et voit une personne étendre son bras complètement à l’horizontale et tirer une autre personne, qui s’effondre au sol. Ensuite, le tireur et une autre personne commencent à courir vers le sud sur le boulevard Saint-Laurent. Elle ne les observe pas courir longtemps. Il y a peu de temps entre le premier coup de feu et le deuxième (moins d’une minute).
- Tout en précisant qu’elle est loin de l’événement et qu’il fait noir, elle décrit comme suit les personnes qu’elle observe. Le tireur est un homme, assez grand, portant un « hoodie » noir ou de couleur foncée. Elle ne peut pas voir sa peau. La personne avec le tireur est un peu plus petite que le tireur. Elle ne se souvient pas de ses vêtements ni de la couleur de sa peau. La victime se trouve à un mètre du tireur, tandis que la personne avec le tireur est plus au sud, à un ou deux mètres du tireur[80].
- Elle voit une personne porter son aide à la victime. Elle ne peut pas décrire cette personne ni ses vêtements. Elle ne peut non plus décrire la victime. Elle croit que son chandail était pâle.
- L’arme est un pistolet noir, selon elle.
S. F.
- S. F. est passagère avant d’un véhicule, en attente à la lumière rouge sur le boulevard Saint-Laurent en direction nord, avec son conjoint, qui le conduit[81]. Ils sont les premiers à la ligne d’arrêt. Malgré la présence d’un véhicule dans la voie à leur droite, son champ de vision n’est pas obstrué sur le coin de rue où se produisent les événements.
- Il s’agit d’une soirée particulièrement chaude pour ce temps de l’année. Malgré cela, un homme attire son attention de l’autre côté de la rue Jean-Talon, au nord puisqu’il porte un « t-shirt ». Elle témoigne avoir les yeux « braqués sur lui ». Il porte un pantalon noir et elle croit qu’il a un « logo » sur son chandail, au niveau de la poitrine. Elle le décrit comme très costaud, fort et avec de gros bras.
- Elle voit un groupe de quatre ou cinq personnes de l’autre côté de la rue Jean-Talon qui semble se bousculer. Lorsque le groupe traverse la rue, la bousculade se poursuit. La témoin dit voir la victime se faire bousculer ou pousser par la personne noire. La témoin décrit cette poussée comme étant effectuée soit avec ses deux mains, soit avec son corps. La victime recule dans la rue puis lorsqu’elle remonte sur le trottoir, elle se fait tirer et tombe au sol. Une autre personne demeure avec la victime.
- La personne qui a l’arme à feu est dans son champ périphérique et ne s’attendant pas à ce qu’il y ait un tir de coup de feu, elle ne la regarde pas précisément. Elle n’a donc pas de souvenir précis du premier coup de feu. Toutefois, elle regarde directement le tireur lorsqu’il tire un deuxième coup — directement vers la victime qui est étendue au sol. Elle décrit et dessine l’emplacement du tireur sur un plan, ainsi que celui de la victime et de l’individu noir[82]. Ce dernier est plus au nord de la victime et du tireur.
- Le tireur est décrit comme étant élancé et mince. Il est le plus grand de tous les protagonistes. Il porte une veste qui couvre ses fesses. La veste est de couleur beige foncé. Elle ne voit pas la couleur de sa peau, car il porte un capuchon. Il est plus léger, plus élancé que la personne en t-shirt.
- À la suite des coups de feu, elle affirme que le tireur et l’individu noir quittent vers le sud-est.
Y. M.
- Y. M. est seul en voiture, en attente à la lumière rouge sur le boulevard Saint-Laurent en direction nord dans la voie de droite[83]. Les fenêtres sont fermées. Il y a trois véhicules devant lui[84].
- Alors qu’il est stationnaire, il entend deux coups de feu. Il ne voit pas le premier coup de feu, mais celui-ci attire son attention. Il regarde alors en même temps qu’il entend un deuxième coup de feu. Il voit une personne tomber au sol après ce deuxième coup de feu et une personne qui tente de le réveiller. Il voit des personnes courir.
- Le témoin explique ne pas avoir vu qui tire, mais voir deux personnes qu’il décrit comme « plus louches ». Peu après les coups de feu, il voit ces deux personnes faire un mouvement à l’avant de leur pantalon, en mettant leur main dans celui-ci. Lorsqu’ils font ce geste, ils se trouvent côte à côte, à trois ou quatre mètres en diagonale de son véhicule. Il voit l’individu de gauche mettre un objet scintillant à l’avant de son pantalon et celui de droite faire le même geste, sans voir d’objet. Il accepte la suggestion qui lui est faite que l’individu remontait tout simplement son pantalon. Il explique, que deux ans plus tard, son souvenir est vague et qu’il ne peut décrire l’objet. Il maintient toutefois qu’un des individus avait un objet.
- Appelé à décrire les individus, il explique ne plus avoir de souvenir. Il a toutefois révisé sa déclaration donnée aux policiers le 18 avril 2022, et déclare que celle-ci est exacte et conforme à son souvenir vif à ce moment. Les parties s’entendent pour déposer une portion de cette déclaration à titre de « souvenir enregistré »[85] pour la description physique uniquement. Voici sa description des individus :
- Environ 5 pi 10 po, 155-165 lb, il a un début de « bedaine » — qu’il voit lorsqu’il range un objet[86] dans son pantalon — un homme noir (haïtien), entre 30 et 35 ans, grosses tresses épaisses aux épaules, un nez rond, un « t-shirt » noir avec des jeans (il n’est pas sûr, pourrait être noir), porté bas (culotte qui dépasse), ne voit pas de tatouage, aucun signe sur les vêtements.
- Homme mince de race noire, environ la même grandeur que l’autre individu, plus jeune (dans la vingtaine), capuchon gris ou bleu, comme un manteau de pluie en toile. Il a moins observé cette personne.
- Dans une tentative d’identifier et de localiser l’ami[87], l’État planifie et exécute l’infiltration d’agents d’infiltration (ci-après « AI ») auprès de l’accusé. Pour l’ensemble des « scénarios » d’infiltration, il n’a jamais été l’intention de l’État d’obtenir des aveux de la part de l’accusé. Le poursuivant fait témoigner les agents AI 73587 et AI 67124.
- L’AI 73587 intervient auprès de l’accusé les 28 et 29 avril 2022. L’AI 67124 quant à lui intervient auprès de l’accusé les 28 et 29 avril, ainsi que les 3, 5 et 11 mai 2022[88].
Le 28 avril 2022
- Informé du lieu où se trouverait l’accusé, un coin connu où se trouvent des consommateurs de stupéfiants, l’AI 73587 s’y dirige dans un VUS[89] de luxe accompagné de son collègue, l’AI 67124, le 28 avril 2022, et y abordent des individus pour leur indiquer qu’ils cherchent l’accusé. Une dame va chercher l’accusé. Quelque temps après, ils aperçoivent l’accusé marcher dans la rue en leur direction.
- Ils se saluent mutuellement et l’AI 73587 invite l’accusé à entrer dans leur véhicule pour qu’ils puissent discuter. L’accusé s’installe au centre de la banquette arrière.
- Les agents informent l’accusé qu’ils sont à la recherche d’un « gars costaud » comme lui, un « gars de bras » sans lui dire précisément pourquoi, mais sous-entendant qu’il serait intimidant par sa présence.
- L’accusé leur répond qu’il est un gars loyal et qu’il est prêt à rendre service. Il leur demande s’ils sont « en forme » en faisant un signe d’une arme à feu avec sa main. Ils lui répondent qu’ils ne le sont pas, qu’au besoin, ils le seront, mais qu’ils n’en ont pas besoin. En fait, ils lui expliquent qu’ils ne souhaitent pas qu’il soit violent, mais plutôt qu’il soit simplement présent parce qu’il est costaud et qu’il jouit d’une réputation[90].
- L’accusé ne leur demande pas de détails quant au travail à faire ni la rémunération. Il ne cherche pas non plus à savoir à ce moment comment ils en sont venus à lui.
- L’AI 73587 témoigne que son collègue demande à l’accusé son numéro de téléphone. L’accusé leur donne un numéro auquel il peut être rejoint tout en indiquant qu’il a des difficultés avec ce numéro — l’AI 73587 en comprend que ce numéro est lié à l’appartement où réside actuellement l’accusé, mais qu’il n’y sera que pour un autre deux semaines. Dans le cours de la conversation, l’accusé mentionne qu’il était dans le coin de Rosemont[91], mais qu’il s’est passé quelque chose là-bas.
- L’accusé leur demande s’ils ont quelque chose pour se détendre. L’AI 73587 en comprend que l’accusé veut des stupéfiants. Ils répondent que non.
- Avant que l’accusé ne quitte, l’AI 73587 lui remet 50 $ en compensation de son temps et pour renforcer sa crédibilité quant à l’entente sous-entendue, à savoir qu’ils allaient le payer pour travailler pour eux. L’accusé accepte l’argent sans réagir.
- Cette interaction dure environ une dizaine de minutes. Aucun détail n’est fourni à l’accusé quant au travail précis qui sera attendu de lui. L’AI 73587 décrit son habillement et celui de son collègue comme « normal ». L’AI 73587 décrit l’accusé comme lucide, calme et très confiant lors de leur interaction et ne pas être intoxiqué.
- À la suite de cette rencontre, en soirée, il y a des échanges de messages entre l’accusé et l’AI 67124. Ils ont également deux conversations téléphoniques. L’AI explique que l’accusé a des questions : il cherche à savoir qui ils sont et qui les a référés à lui. Plus précisément, ils discutent quant à leurs références, d’où ils viennent, qui ils connaissent dans le milieu criminel. L’accusé demande par la même occasion une avance de 100 $. L’AI refuse de fournir l’avance demandée, mais ajoute qu’il va tenter de le rencontrer dans la semaine. Selon l’AI, l’accusé lui semble dans un état normal lors de cette discussion. L’AI précise qu’une des conversations dure 30 secondes.
Le 29 avril 2022
- L’AI 73587 se rend au coin de la rue devant l’appartement de l’accusé en compagnie de son collègue, l’AI 67124, tel qu’il avait été convenu entre l’accusé et l’AI 67124.
- Ils prennent la route ensemble. L’accusé est assis à l’avant, côté passager, alors que l’AI 73587 est conducteur et l’AI 67124 est assis à l’arrière, côté du conducteur.
- L’AI 73587 explique à l’accusé où ils vont et quel sera son rôle, à savoir demeurer à côté de lui pour se faire voir et qu’il ne doit entrer en contact avec personne. Il lui dit uniquement qu’ils vont rencontrer quelqu’un.
- Sur la route, l’ambiance est détendue. L’accusé pose des questions, notamment quant à leur identité et d’où ils viennent. L’accusé contrôle la musique dans la voiture.
- Arrivé sur les lieux de la prétendue rencontre, l’AI explique à nouveau que l’accusé doit demeurer avec lui le temps que son partenaire (l’AI 67124) aille à la rencontre.
- Pendant ce temps, l’AI 73587et l’accusé fument une cigarette et discutent. Dans le cadre de la discussion, l’accusé lui demande d’où il vient et l’AI fait de même. L’accusé dit qu’il vient d’Anjou et qu’il habitait dans la Petite Italie[92]. L’AI lui demande où exactement dans la Petite Italie et l’accusé lui répond « près de Jean-Talon — Saint-Laurent, mais qu’il a bougé [déménagé] de là parce que j’ai troué quelqu’un, mais c’est pas fini »[93].
- Dans le cadre de la conversation, l’accusé indique que s’ils veulent qu’il travaille pour eux, il aura besoin de certaines choses dont des stéroïdes. L’AI 73587 refuse de donner suite à ses demandes et mentionne qu’il va le payer pour son temps.
- L’AI 73587 décrit le ton de l’accusé comme normal, sans intonation particulière, comme s’il expliquait qu’il était allé à l’épicerie la veille. L’AI 73587 n’a pas l’impression que l’accusé a consommé des stupéfiants ou de l’alcool. Il le décrit comme lucide et démontrant la même confiance que la veille. Questionné à cet égard, il précise que l’accusé se présente comme un homme imposant, avec un contact visuel dans les yeux, un regard qui n’est pas fuyant, ainsi qu’un discours marqué par un bon ton de voix.
- À la fin de sa rencontre, l’AI 67124 rejoint l’accusé et l’AI 73587. L’accusé semble déçu et leur dit qu’ils doivent trouver « quelqu’un d’autre à emmerder » en frappant son poing droit dans sa main gauche.
- Ils ramènent l’accusé à l’endroit de son choix. L’AI 67124 remet 200 $ à l’accusé. Il ajoute qu’ils avaient déjà remis un téléphone cellulaire à l’accusé.
Le 2 mai 2022
- Le 2 mai 2022, vers 1 h 45, l’AI 67124 reçoit un message texte de la part de l’accusé qu’il ne verra qu’à 9 h le matin. Le message indique qu’il a été arrêté pour meurtre et libéré faute de preuve. L’AI 67124 lui répond de rester discret (« low key ») et qu’ils ont besoin de lui. Ils ont une communication téléphonique plus tard dans l’avant-midi lors de laquelle ils conviennent d’une rencontre le lendemain.
Le 3 mai 2022
- Le 3 mai, comme convenu la veille, l’AI 67124 se présente devant l’adresse de résidence de l’accusé avec l’AI 64369. L’accusé s’installe à l’arrière du véhicule. L’AI revient sur son message concernant son arrestation pour meurtre. L’accusé explique les circonstances de son arrestation dans un parc. L’AI 67124 lui demande s’il fait référence au meurtre sur Jean-Talon. L’accusé lui demande : « Comment tu sais que c’est moi? ». L’AI lui répond que c’est lui-même qui lui a dit. L’accusé lui dit que non. L’AI lui rapporte ses paroles du 29 avril quant au fait qu’il a « troué quelqu’un » en lui faisant un signe d’arme à feu. L’accusé le regarde alors avec un regard moqueur de fierté et lui répond « oui ».
- L’AI 67124 lui dit qu’il y avait des témoins lors du meurtre. L’accusé lui fait un signe et ne veut pas en parler. L’AI 67124 lui parle de la personne de race blanche qui l’accompagnait. L’accusé ne veut pas en parler non plus. Après quelques secondes, l’accusé dit « west ». L’AI 67124 le fait répéter et l’accusé dit « Westley ». L’AI lui dit alors qu’il faut que Westley reste discret et l’accusé lui répond : « Tu penses que je l’sais pas ? ».
- Pendant cette discussion, l’AI 67124 décrit l’accusé comme calme, dans un état normal. Il ne lui semble pas intoxiqué.
- L’AI lui donne une bouteille d’alcool fort et 100 $ pour que l’accusé puisse acheter une petite quantité de stéroïdes dans le but de prendre de la masse. Ces items ont été convenus lors de l’appel téléphonique du 2 mai 2022. L’accusé demandait ces items à titre de récompense pour ne pas avoir parlé aux policiers lors de son arrestation.
Le 5 mai 2022
- Le 5 mai, l’AI 67124 retourne chercher l’accusé avec l’AI 64369. Le scénario expliqué à l’accusé est qu’ils vont faire du repérage en préparation à la commission d’un « burn » — un vol qualifié. L’AI 67124 constate un changement dans l’attitude de l’accusé : il est impatient, il veut plus d’action, il parle des coups d’argent qu’ils pourraient faire. L’AI 67124 est d’avis que l’accusé n’est pas intoxiqué.
Le 11 mai 2022 : jour de l’arrestation
- Plus tôt dans la journée, l’AI 67124 échange des messages texte avec l’accusé. Ce dernier demande 120 $ pour payer son loyer et 50 $ pour ses déplacements. Il indique avoir besoin d’un minimum d’argent pour ses déplacements et ne pas consommer durant la semaine.
- L’accusé est arrêté par les policiers au moment prévu de la rencontre.
- Il y a lieu de faire un rappel des principes juridiques pertinents à la présente cause.
- En matière criminelle, il revient au poursuivant de démontrer, à partir de l’ensemble de la preuve, les éléments constitutifs de l’infraction au-delà de tout doute raisonnable[94]. Sans exiger une certitude absolue[95], il faut davantage que la preuve que l’accusé est probablement coupable[96]. Cette norme impose un lourd fardeau : il s’agit d’une quasi-certitude[97].
- Ce fardeau ne se déplace jamais sur les épaules de l’accusé qui n’a aucune obligation de présenter une preuve. L’accusé est présumé innocent[98]. Il a droit à l’interprétation des faits qui lui est la plus favorable en fonction de l’ensemble de la preuve, tout en évitant évidemment la spéculation[99].
- L’accusé bénéficie du doute raisonnable. Ce doute repose sur la raison et le bon sens[100]. Il a un lien logique avec la preuve ou l’absence de preuve et n’est pas fondé sur des suppositions dépourvues de fondement, de sympathie ou sur un préjugé[101]. Il n’est pas imaginaire, frivole ou irrationnel[102].
- Pour déterminer s’il existe un doute raisonnable, le Tribunal doit examiner minutieusement la preuve en évitant l’arbitraire. Il doit considérer l’ensemble de la preuve à toutes les étapes de l’analyse. L’analyse ne se fait pas en vase clos[103].
- Lorsque le poursuivant s’appuie exclusivement ou largement sur une preuve circonstancielle pour établir un ou des éléments essentiels de l’infraction, le juge des faits ne peut déclarer l’accusé coupable que si la culpabilité est l’unique inférence raisonnable pouvant être tirée de la preuve[104].
- En effet, lorsqu’il s’agit de preuves circonstancielles, la prudence s’impose afin d’éviter de dénaturer légèrement les circonstances pour les contraindre à s’intégrer en un tout cohérent[105].
- Enfin, « si la défense soulève une inférence alternative plausible pouvant être tirée de la preuve, il revient alors à la poursuite de l’écarter »[106]. Cela étant, le fardeau du poursuivant ne consiste pas à réfuter toute conjecture[107], « hypothèses, si irrationnelles et fantaisistes qu’elles soient »[108] ou inférence imaginable[109], qui pourraient être compatibles avec l’innocence de l’accusé.
- Rappelons que lors de l’évaluation d’une preuve circonstancielle, il n’est pas nécessaire que les inférences compatibles avec l’innocence découlent des faits établis. En effet, une thèse autre que la culpabilité peut reposer sur une absence de preuve[110].
- Dans l’appréciation de la preuve testimoniale, le juge considère la crédibilité et la fiabilité des témoins. Il est important de noter la distinction entre ces deux notions[111]. La crédibilité réfère aux caractéristiques personnelles du témoin, à sa sincérité ou à son intégrité et peut se dégager de son comportement, en plus du contenu de ses réponses, alors que la fiabilité réfère à la valeur du récit; à la justesse du propos[112]; de la capacité du témoin d’observer, de se remémorer et de relater un fait[113]. La fiabilité s’appuie sur la preuve et est fondée sur une approche objective[114]. Un témoin sincère et honnête, donc crédible, peut tout de même rendre un témoignage non fiable[115].
- Par exemple, comme l’ont fréquemment souligné les tribunaux d’appel en matière d’identification, un témoin peut se tromper, même s’il est honnête et sincère[116].
- Par ailleurs, notre droit n’exige pas de témoignage parfait[117]. Il est bien établi dans la jurisprudence que le juge a la faculté d’accepter un témoignage dans son intégralité, d’en retenir uniquement une partie, ou de le rejeter dans son ensemble[118]. Le juge des faits peut accorder un poids différent aux diverses parties du témoignage qu’il accepte[119]. Notons qu’un témoignage, ou même un fait qui n’est pas cru, peut contribuer à soulever un doute raisonnable[120].
- L’analyse de la preuve ne doit pas se fonder sur des mythes, stéréotypes, préjugés, généralisations, ni sur des déductions ou hypothèses excédant le bon sens et la fonction judiciaire[121].
- En somme, le Tribunal doit examiner l’ensemble des éléments de preuve, en évaluant les points forts et les faiblesses des différents témoignages, afin de tirer une conclusion raisonnée sur la force probante de l’ensemble des éléments présentés[122].
- L’homicide involontaire coupable se définit comme un homicide coupable « qui n’est pas un meurtre ni un infanticide »[123] et peut être commis de quatre façons différentes telles qu’identifiées au paragraphe 222(5) C.cr. En l’occurrence il aurait été commis par la commission d’un acte illégal[124].
- L’actus reus de l’homicide involontaire coupable commis au moyen d’un acte illégal (l’infraction sous-jacente) impose au ministère public de démontrer (1) que l’accusé a réalisé un acte illégal et (2) que cet acte illégal a entraîné la mort de la victime[125].
- Le lien de causalité entre l’acte illégal et la mort de la victime nécessite uniquement que l’acte illégal ait « contribué de façon appréciable » à la mort, au-delà du seuil de minimis[126].
- L’élément de faute de l’homicide involontaire coupable commis au moyen d’un acte illégal repose sur la prévisibilité objective du risque de lésions corporelles qui ne sont ni sans importance ni de nature passagère[127]. Autrement dit, une personne raisonnable aurait été consciente que, dans de telles circonstances, l’acte en question entraînerait des blessures qui ne sont ni sans importances et ni de nature passagère pour autrui[128].
- Il va de soi que la décharge d’une arme à feu (art. 244 C.cr.) dans ce contexte est un acte intrinsèquement dangereux et de nature à causer des lésions corporelles.
- La décharge d’une arme à feu doit également être prouvée hors de tout doute raisonnable par le poursuivant. Les éléments essentiels sont : (1) le tireur a déchargé une arme à feu; (2) qu’il avait l’intention de blesser, mutiler ou défigurer une personne et non simplement de lui faire peur ou de la menacer; et (3) que la victime a été blessée[129].
- Il est bien établi en droit que la seule présence d’une personne sur les lieux d’un crime ne suffit pas à engager sa responsabilité criminelle[130]. C’est d’ailleurs l’argument principal de la défense, qui soutient que la preuve ne révèle que la présence de l’accusé sur les lieux du crime, sans plus.
- L’article 21 C.cr. définit les modes de participation criminelle, en précisant les diverses manières par lesquelles une personne peut être tenue responsable d’une infraction, soit en en étant l’auteur réel, soit en y participant sans avoir directement commis l’acte criminel, à savoir en aidant; en encourageant ou encore en formant un projet illicite commun.
- En l’occurrence, le poursuivant invoque les trois modes de participation[131] : d’abord à titre d’auteur principal ou de coauteur (art. 21(1) a) C.cr.), ensuite à titre de participant secondaire ayant aidé l’auteur principal (art. 21(1) b) C.cr.), et enfin, à titre de participant à un projet commun poursuivant une fin illégale (art. 21(2) C.cr.).
L’auteur principal ou le coauteur
- Selon l’article 21(1)a) C.cr., l’auteur ou le coauteur qui commet réellement l’actus reus et la mens rea d’une infraction en est responsable. Il est qualifié de responsable primaire[132] ou auteur primaire.
L’aide à l’auteur principal
- L’actus reus de « l’aide », aux fins de l’application de l’article 21(1)(b) C.cr., requiert la preuve que l’auteur secondaire a accompli ou omis d’accomplir quelque chose pour aider l’auteur principal à commettre l’infraction. L’acte ayant ainsi contribué, matériellement ou moralement, à la commission de l’infraction[133].
- Sans être de nature causale, il doit exister un lien entre l’action ou l’omission du participant secondaire et la commission de l’infraction par l’auteur principal[134].
- Quant à la mens rea, le poursuivant doit établir que l’accusé avait (1) l’intention d’aider l’auteur principal à commettre le crime précis et (2) la connaissance que l’auteur principal avait l’intention de le commettre[135]. La jurisprudence reconnaît que la seule présence sur les lieux d’un crime ne peut suffire pour conclure à l’intention d’aider[136].
- Précisons que bien que la personne qui aide l’auteur principal doive connaître l’intention de ce dernier de commettre l’infraction, il n’est nullement nécessaire qu’elle partage cette intention[137].
- En matière d’homicide involontaire coupable, un accusé peut être déclaré coupable pour avoir aidé l’auteur principal, s’il savait que l’acte illégal auquel il a fourni de l’aide était de nature à causer des blessures et non la prévisibilité d’un risque de mort[138].
- Notons que l’aveuglement volontaire peut également remplacer la connaissance réelle[139].
- En résumé, les personnes qui participent à l’infraction effectivement commise, que ce soit en tant qu’auteur principal, en aidant ou en encourageant, voient leur responsabilité déterminée en vertu du paragraphe 21(1) C.cr.[140].
Le projet de poursuivre une fin illégale
- Quant à lui, le paragraphe 21(2) C.cr. s’applique lorsque l’infraction initialement envisagée diffère de l’infraction incidente faisant l’objet de l’inculpation. Cette disposition s’applique « au cas où bien qu’il n’y ait ni aide ni encouragement, une personne peut devenir partie à l’infraction commise par quelqu’un d’autre lorsqu’elle savait ou aurait dû savoir que l’infraction serait une conséquence probable de la poursuite d’une fin commune illégale avec celui qui l’a effectivement commise »[141].
- En effet, cette disposition étend la responsabilité pénale à deux égards : d’une part, en ce qui concerne les personnes participant à la poursuite d’une fin illégale et pouvant voir leur responsabilité criminelle engagée; d’autre part, en ce qui concerne les infractions pour lesquelles les participants à une entreprise criminelle illégale peuvent être tenus responsables[142].
- Trois éléments sous-tendent la responsabilité en vertu de l’art. 21(2)[143] :
1. L’entente : la formation d’un projet de poursuivre une fin illégale[144];
- La fin illégale entendue entre les parties doit l’être au sens du Code criminel et doit être différente de l’infraction incidente[145].
- L’ensemble des circonstances doit être examiné afin de déterminer s’il y a la présence d’une entente ou une intention commune de poursuivre une fin illégale. En effet, les paroles, les gestes et la conduite des individus avant, pendant et après la perpétration de l’infraction seront considérés.
- Cette entente peut se former spontanément au moment même de la commission de l’infraction[146] et ne requiert pas un plan écrit ou formel[147].
- L’entente peut se former par un signe de tête, un clin d’œil ou même un regard complice[148].
2. L’infraction incidente : la commission d’un crime accessoire et distinct par un autre participant lors de la commission du projet illicite commun[149]; et
3. La connaissance : La prévisibilité raisonnable de la probabilité de la perpétration de l’infraction incidente comme conséquence de la réalisation du projet commun[150].
- L’état d’esprit requis pour l’homicide involontaire fondé sur l’article 21(2) C.cr. est la prévisibilité objective du risque de blessures, et non, la prévisibilité du risque de mort comme pour l’accusation de meurtre[151].
- Il s’agit de déterminer si une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que l’accusé aurait dû savoir que la réalisation du projet commun entraînerait un risque de lésions corporelles[152].
- Le fait qu’un complice ait agi par frustration ou colère ne diminue en rien la prévisibilité raisonnable de la commission de l’infraction incidente[153].
- La « prévisibilité raisonnable » ne requiert pas la connaissance que l’infraction incidente réellement commise allait l’être ni l’identité d’une victime précise[154].
- Il convient de noter que l’article 21(2) C.cr. impute la responsabilité à toutes les parties à l’entente même dans le cas où le plan initial tourne mal dans la réalisation du projet commun[155].
QUESTION 1 : Est-ce que le poursuivant a établi hors de tout doute raisonnable que l’accusé est le tireur?
- La preuve soumise à la Cour établit hors de tout doute raisonnable que l’accusé est présent sur les lieux du crime avec un individu qu’il connaît et que l’un d’eux est le tireur. En effet, l’analyse des enregistrements vidéo et des admissions, ainsi que les expertises médico-légales et balistiques, jumelée aux témoignages des témoins civils le confirme.
- Aussi utile et fiable soit la preuve vidéo en l’occurrence, elle demeure une preuve circonstancielle des événements puisqu’elle ne permet pas de voir le moment précis où les coups de feu sont tirés et par qui. Il est donc nécessaire de l’analyser à la lumière du reste de la preuve, notamment, celle des témoins oculaires.
- Le poursuivant plaide que certains des témoins oculaires identifient un tireur qui correspond davantage à l’ami de l’accusé, que d’autres identifient un homme qui correspond davantage à l’accusé et finalement, que d’autres encore sont incapables d’identifier le tireur.
- Afin de répondre à la présente question, il y a lieu d’analyser la preuve de ces témoins. Le Tribunal précise toutefois que dans la mesure où ces témoignages contredisent la preuve vidéo, cette dernière est ce que le Tribunal retient. En effet, la fiabilité de l’enregistrement vidéo conserve une trace permanente qui n’est pas variable comme la mémoire humaine[156].
- Il n’est pas étonnant que les témoignages des sept témoins oculaires ne se rejoignent pas tous, qu’ils comportent des nuances, voire carrément des contradictions. L’inverse aurait été surprenant. Cela s’explique notamment par leurs points de vue différents, les distances variées auxquelles ils se trouvaient, le fait que certains étaient en mouvement tandis que d’autres demeuraient stationnaires, ainsi que par leur capacité individuelle à observer et à relater ce qu’ils ont vu, l’écoulement du temps et le choc ou le stress qu’ils ont pu ressentir[157].
- Cela étant, la séquence générale des événements est conforme. Les témoins sont tous unanimes quant au fait qu’une personne se fait tirer par arme à feu, qu’elle tombe au sol, qu’il y a plus d’un coup de feu, que les deux personnes qui courent en direction sud sur le boulevard Saint-Laurent étaient ensemble.
- Voyons ce qu’il en est.
- Dans un premier temps, il y a lieu de décrire à l’aide de la vidéo, les personnes impliquées peu avant le moment fatidique[158].
- L’accusé a la peau noire, la tête chauve et une barbe noire. Il porte un chandail noir à manches courtes, ajusté, orné d’un petit logo blanc sur le coin supérieur gauche à l’avant, ainsi qu’un pantalon de jogging noir. Il est à peu près de la même taille que son ami, mais plus imposant (costaud). Il est plus grand que la victime.
- L’ami a la peau blanche, les cheveux brun pâle et courts. Il a un soupçon de barbe, de couleur pâle. Il porte une chemise à carreaux de couleur gris-bleu pâle sur fond blanc avec un capuchon noir et un pantalon de jogging noir. Il est plus maigre que l’accusé, mais de taille similaire. Il est plus grand que la victime.
- La victime a la peau blanche. Elle porte un gilet noir orné de grands motifs blancs sur le devant, à l’arrière et sur les manches. Elle porte une casquette et le capuchon de son gilet sur la tête avec un pantalon de jogging gris pâle. Un foulard noir et blanc couvre le bas de son visage.
- Gucci a la peau noire, de longs « dreads » jusque dans le bas du dos. Il porte une petite barbe uniquement sur la ligne de la mâchoire et autour de la bouche. Il porte une tuque noire sur la tête avec un logo « Gucci » sur le front, un manteau de cuir noir jusqu’à la taille ouvert sur un chandail bleu foncé et des jeans pâles. Il porte un collier de style chapelet.
- M. Rendeiro est l’individu qui marche avec la victime jusqu’au coin de la rue où elle se fait tirer. M. Rendeiro a la peau foncée. Il est vêtu d’un long manteau noir, d’un pantalon de couleur pâle et porte un chapeau sur la tête.
- M. Husein a la peau noire. Il porte un manteau jaune, une casquette noire et le capuchon de son gilet sur la tête et un foulard noir sur le bas de son visage. Il porte des jeans bleu foncé. Il circule à vélo.
Les témoins identifiant un tireur correspondant à l’ami (Mme C., — S. P. — S. F.)
- Mme C. a un point de vue de l’ouest vers l’est. Elle ne peut identifier la peau du tireur ou de la personne avec lui, mais sa description des vêtements du tireur correspond presque en tout point à celle de l’ami. Bien que l’accusé n’eût pas de capuchon, l’ami, lui en avait un, noir. Il est possible que hors du champ de vision de la caméra, il l’ait placé sur sa tête. Elle décrit la victime comme étant plus petite que le tireur et portant un coton ouaté noir. Sa description de la personne qui accompagne le tireur est lacunaire et le chandail décrit ne concorde pas à ce que porte l’accusé. Cela étant, elle place cette personne au sud du tireur et de la victime.
- Mme C. est la seule à entendre un total de quatre coups de feu. Elle entend deux séries de deux coups de feu, mais voit uniquement la deuxième série. Elle est claire quant au fait qu’elle voit la flammèche et décrit une arme noire, comme celle des policiers. Rappelons que l’arme que sort l’ami au 7421 boulevard Saint-Laurent est noire. Cette contradiction quant au nombre de tirs n’a pas à être résolue. Quoiqu’il en soit, il est manifeste qu’au moins deux coups de feu ont été tirés et que l’un d’eux a atteint la victime.
- Le témoignage du balisticien confirme le témoignage de Mme C. quant à la distance entre le tireur et la victime.
- Son témoignage est tout de même détaillé, clair et cohérent. Elle ne tente pas d’embellir ou de combler les lacunes de sa mémoire. Bien qu’elle soit en mouvement au moment des événements et qu’elle n’a pas pu tout observer, elle relate bien ce qu’elle a vu. Il s’agit d’un témoignage crédible et fiable.
- S. P. entend deux coups de feu. Il donne une description des individus présents qui correspond à la preuve vidéo. Sa description du tireur correspond effectivement à l’ami. Il indique que la personne qui est avec le tireur porte un chandail avec un capuchon rouge vin. Sa description de l’arme est conforme à celle que tenait l’ami au 7421 boulevard Saint-Laurent. Par ailleurs, il confirme qu’il y avait une dispute dans la rue.
- S. P. confond la personne qui porte assistance immédiate à la victime avec Gucci, qui a des « dreads » et qui est présent lorsque S. P. revient sur la scène, mais ne l’était pas au moment des tirs. Ceci est sans importance.
- Son témoignage est détaillé, clair et cohérent. Il ne tente pas de combler les lacunes. Il relate bien ce qu’il voit et énonce clairement les limites de son témoignage. Il s’agit d’un témoignage crédible et fiable.
- S. F. explique clairement que l’homme noir en « t-shirt » attire son attention compte tenu du temps. La description qu’elle en donne correspond à l’accusé. Ayant ses yeux « rivés » sur lui, elle est bien placée pour l’observer et est claire quant au fait qu’il n’est pas le tireur, ce dernier étant dans son champ de vision périphérique.
- Elle décrit le tireur comme grand, élancé et mince, portant une veste beige foncé qui couvre ses fesses. Outre la couleur de la veste, cette description correspond à l’ami et est conforme au positionnement de celui-ci selon la preuve vidéo. En effet, il attend sur le trottoir pendant que l’accusé traverse la rue.
- Le Tribunal est toutefois d’accord avec la défense que S. F. se trompe quant à la bousculade. Il semble plutôt selon la vidéo que c’est l’accusé qui trébuche vers l’avant. Cette erreur est sans conséquence quant à l’identité du tireur.
- S. F. entend deux coups de feu et confirme les autres témoins à savoir que le tireur et la personne qui l’accompagne courent ensuite en direction sud.
- S. F. rend un témoignage détaillé, clair et cohérent. Le Tribunal la considère comme crédible et fiable. Elle est bien placée pour observer la scène et a une bonne capacité de remémorer et relater ce qu’elle a vu. Sous réserve des deux éléments mentionnés ci-haut, le Tribunal retient son témoignage.
Les témoins identifiant un homme noir (M. S. — B. P.)
- M. S. entend trois coups de feu (un premier puis deux autres par la suite) et ne voit qu’une « silhouette » du tireur dans son souvenir bien qu’il reconnaisse avoir déclaré au moment des événements que le tireur était un homme noir. Pour les raisons qui suivent, bien que le Tribunal considère que ce témoin est sincère et crédible, son témoignage manque de fiabilité à certains égards.
- D’abord, le Tribunal constate que M. S. se souvient assez bien de la séquence des événements, mais qu’il a de la difficulté à identifier clairement le tireur, en raison de l’aspect flou et indistinct de la silhouette dans son souvenir. Également, manifestement, il confond l’habillement de l’homme noir avec celui de la victime. Étant donné que c’est cet homme noir qu’il identifie comme étant le tireur de façon contemporaine, son souvenir manque de fiabilité.
- Ensuite, le témoin reconnaît avoir été nerveux et préoccupé en raison de la présence de sa famille dans la voiture. Au surplus, il discute des événements avec sa conjointe avant d’avoir donné une déclaration aux policiers.
- En ce qui concerne la situation qu’il décrit comme l’échange de l’arme, le Tribunal le croit sincère dans son souvenir d’avoir vu une manipulation entre les deux hommes. Le fait qu’il n’en ait pas fait mention lors de sa déclaration ne constitue pas nécessairement une preuve de fabrication ni un indice de manque de fiabilité. Le Tribunal croit le témoin lorsqu’il explique que la question ne lui a tout simplement pas été posée. Bien que les individus passent près de son véhicule et il a pu les observer, le témoignage manque de précision concernant le détail des gestes précis en lien avec l’arme avant qu’elle ne soit rangée à l’avant du pantalon. Au surplus, il décrit d’abord son souvenir comme étant vague[159] et il montre une certaine hésitation lorsqu’il témoigne à ce sujet. Plus tard, il explique que c’est un souvenir clair[160] qui lui revient en réécoutant sa déclaration.
- En ce qui concerne sa description de l’arme, il la décrit comme étant de couleur argent (chromé) avec un barillet. Seul un autre témoin voit un objet métallique au niveau de la taille des individus, Y. M. Ce dernier est dans une position d’observation similaire à celle de M. S. D’ailleurs, Y. M. voit lui aussi les deux individus qui s’enfuient faire un mouvement à l’avant de leur pantalon comme s’ils y mettaient un objet, sans pouvoir le décrire. Tous les autres témoins qui déclarent avoir vu l’arme à feu la décrivent comme une arme noire.
- Le Tribunal considère que M. S. a vu un comportement qui a attiré son attention entre l’accusé et l’ami. Toutefois, la description vague de ce qu’il en est et le faible souvenir du témoin ne permettent pas de tirer une conclusion claire à cet égard ni quant à la description de l’arme. Dans le meilleur des scénarios, ce témoignage permettrait de conclure qu’après les coups de feu, un homme a remis l’arme à l’autre. Ceci ne permet toutefois pas de conclure qui était le tireur.
- Tous ces éléments peuvent tendre à démontrer que M. S. éprouve de la difficulté à se souvenir des détails des événements. Dans les circonstances décrites ci-haut, le Tribunal ne peut se fier à son identification.
- Cela étant, un élément demeure constant dans le témoignage de M. S., soit que les deux hommes se déplacent ensemble, ils sont « synchronisés ». Tous les autres témoins et la vidéo le confirment d’ailleurs.
- En ce qui concerne la témoin B. P., le poursuivant la place dans la catégorie des témoins dont la description du tireur correspond plus à l’accusé. B. P. est loin de la scène (cinquantaine de mètres). Son témoignage est sincère, mais peu détaillé. Elle entend deux coups de feu. Elle dit voir une arme à feu noire et un tireur avec un capuchon noir ou de couleur foncé et un autre homme s’enfuir ensemble vers le sud. Même si sa description manque de précision, elle place la personne qui accompagne le tireur plus au sud. La preuve vidéo place l’accusé plus au sud lorsque la victime tombe au sol.
Les témoins ne pouvant identifier le tireur (M. L. A. — Y. M.)
- M. L. A. ne peut dire qui tire la victime parmi les trois ou quatre personnes présentes dans l’attroupement. Elle a toutefois un bon visuel sur les deux personnes qui quittent la scène en direction sud puisqu’ils passent à côté de son véhicule.
- Contrairement à son conjoint, elle voit une arme à feu noire, que l’homme blanc place à l’arrière de son pantalon.
- Sa description de l’homme blanc correspond généralement, à l’exception de la couleur de la chemise à carreaux. De même, sa description de l’homme noir est conforme, à l’exception du motif « tribal » sur son chandail.
- Y. M. quant à lui témoigne avec une certaine réticence. Son non verbal démontre clairement une absence de volonté de témoigner. Par moment, il montre des signes d’impatience. En réponse à des questions en interrogatoire, il justifie son manque de souvenir par l’écoulement du temps au lieu de répondre aux questions.
- Il témoigne ne pas avoir vu le tireur. Il entend deux coups de feu. Il confirme avoir vu un mouvement des deux individus qui fuyaient la scène en direction sud à l’avant de leur pantalon. Il ne peut donner plus de détails. Il voit un objet scintillant sans pouvoir l’identifier ni le décrire.
- Les extraits de sa déclaration admis en preuve aux fins de décrire les deux individus qui fuient sont peu conformes à la description de l’ami et de l’accusé. Par exemple, il décrit deux hommes à la peau noire. Ce témoignage manque de crédibilité et de fiabilité.
- L’analyse globale de cette preuve oculaire démontre que le tireur est l’ami. En effet, les témoignages de A.R. C.-P., de S. P. et de S. F. sont convaincants. Leur description des caractéristiques du tireur et de son habillement correspond à l’homme blanc, l’ami, comme étant le tireur. Jumelée aux enregistrements vidéo, cette preuve ne laisse place à aucun doute.
- En effet, la séquence finale de la vidéo montre l’ami qui attend sur le trottoir au coin de la rue et l’accusé qui marche, puis trébuche. Quoiqu’il ne soit pas impossible que l’accusé ait fait feu sur la victime, le Tribunal n’en est pas convaincu. L’accusé est en train de trébucher (ou est à tout le moins penché) et la victime tombe au sol dans la seconde suivante. La manœuvre nécessaire pour que l’accusé tire de cette position et se mette à courir aurait exigé une grande agilité, qualité que le Tribunal ne perçoit pas dans la démarche de l’accusé, observée jusqu’alors.
- La preuve établit hors de tout doute que l’ami est en possession d’une arme à feu à la maison de chambres. La preuve ne permet pas de conclure que l’accusé avait aussi une arme ou que l’ami lui a remis la sienne.
- Les aveux de l’accusé (qu’il a troué quelqu’un), bien qu’ils semblent, à première vue, incompatibles avec cette conclusion, sont insuffisants pour la contredire. Nous aborderons donc la question des aveux dans le cadre de l’analyse de la troisième question.
- Ainsi, même à la lumière des aveux de l’accusé, il existe un doute raisonnable quant au fait que l’accusé soit le tireur.
QUESTION 2 : Le poursuivant a-t-il établi hors de tout doute raisonnable que l’accusé a aidé le tireur à commettre un acte illégal de nature à causer des lésions corporelles?
- Compte tenu de la conclusion du Tribunal à la question précédente, il y a lieu de se demander si le poursuivant a démontré la preuve hors de tout doute raisonnable que l’accusé a fourni une aide à l’ami et si oui, s’il avait l’intention de l’aider à commettre un acte illégal de nature à causer des lésions qui ne sont ni sans importance ni de nature passagère, ainsi que sa connaissance que l’ami avait l’intention de commettre cet acte illégal.
- Comme mentionné plus haut, « l’aide » dont il est question à l’article 21(1)(b) C.cr., implique que l’accusé a accompli quelque chose ou omis d’accomplir quelque chose en vue d’aider le tireur à commettre l’infraction dont il est accusé.
- Il est vrai, comme le plaide le poursuivant, qu’il n’a pas à démontrer qui tire effectivement l’arme à feu ou qui assène le coup fatal,[161] mais il doit établir que l’accusé y prend part activement.
- Même s’il est vrai que parfois les actes « synchronisés »[162] des individus ou leur comportement postérieurement à l’infraction permettent de tirer l’inférence qu’ils ont agi de concert avant ou pendant l’infraction, il est nécessaire de plus d’identifier la preuve des éléments d’« aide », soit l’action de porter assistance et l’intention d’assister le tireur.
- L’analyse globale de la preuve ne permet pas d’identifier quelques gestes de l’accusé, outre sa présence sur les lieux, démontrant qu’il prend part activement à l’homicide. La simple preuve de sa présence n’établit pas en soi une aide quelconque à la commission de cette infraction[163].
- Au surplus, la preuve de l’intention de commettre un crime précis de nature à causer des blessures fait défaut. Bien qu’il ne soit pas nécessaire que l’accusé partage l’intention du tireur, encore faut-il qu’il en ait la connaissance ou qu’il s’aveugle volontairement. Ni la preuve vidéo ni la preuve testimoniale ne permet de connaître la nature des échanges entre l’accusé et l’ami relativement à la commission d’un acte illégal de nature à causer des blessures.
- Ainsi, le Tribunal est d’avis que la preuve ne permet pas de rencontrer le fardeau hors de tout doute raisonnable des éléments essentiels de l’infraction par le biais de « l’aide ».
QUESTION 3 : Le poursuivant a-t-il établi hors de tout doute raisonnable la participation de l’accusé dans un projet illicite commun avec le tireur?
- Le poursuivant plaide qu’il existe une preuve que l’accusé a formé une entente de poursuivre une fin illégale avec l’ami, à savoir de se présenter, armé, pour intimider ou confronter une personne avec qui il a un conflit (art. 423 C.cr.).
- L’accusé plaide qu’il n’y a aucune preuve de la formation d’une telle entente avant l’arrivée à la maison de chambres ni même que l’accusé savait que l’ami était armé. La défense plaide qu’une autre inférence logique est simplement que l’accusé est allé chez M. Alain pour consommer des stupéfiants et non pour intimider Gucci.
- Il n’y a pas de preuve directe de l’entente, mais il existe une preuve circonstancielle. Il s’agit de déterminer si celle-ci est suffisante pour établir l’entente hors de tout doute raisonnable.
- En effet, le témoignage de M. Éric Alain apporte un éclairage quant aux circonstances préalables à l’arrivée de l’accusé au 7421 boulevard Saint-Laurent et aux événements qui s’y déroulent. Tout d’abord, analysons la crédibilité et la fiabilité de ce témoignage donné à l’enquête préliminaire et admis en preuve au procès[164].
Analyse de la crédibilité et de la fiabilité du témoin Éric Alain
- L’accusé plaide que le témoignage de M. Alain n’est ni crédible ni fiable. Il allègue d’abord que celui-ci était intoxiqué au moment des événements, consommant du crack et n’ayant pas dormi depuis trois jours; qu’il a des antécédents de bris de conditions démontrant un manque de respect pour la Cour; que sa résidence était un lieu de consommation et de vente de stupéfiants; qu’il avait peur de Gucci, un homme violent, et finalement qu’il démontrait de l’hésitation lors de son témoignage, notamment en ce qui concerne son souvenir des paroles « non, pas lui » qui auraient été dites par l’accusé.
- Contrairement à ce que plaide l’accusé, le Tribunal est d’avis que le témoignage de M. Alain est crédible et fiable. Voici pourquoi.
- Il convient tout d’abord de souligner que lorsque M. Alain témoigne, il est abstinent depuis quatre mois[165]. M. Alain témoigne presque un an après les événements et il est remarquable de constater la précision avec laquelle il relate les faits, ainsi que la manière dont la séquence des événements qu’il décrit s’accorde avec les images de la vidéo déposée au procès, qu’il n’a pas visionnées avant de témoigner[166]. Par exemple, il décrit les événements suivants, confirmés par la vidéo :
- L’accusé cogne à la fenêtre de côté en arrivant;
- Mélanie part en courant quand l’accusé cogne à la fenêtre;
- L’accusé arrive avec un homme blanc (« l’ami ») qu’il ne connaît pas et n’avait jamais vu auparavant. Il le décrit comme un grand homme, assez costaud aux cheveux courts;
- L’accusé enlève son manteau et ses souliers;
- L’accusé va à la toilette pieds nus;
- L’ami sort aussi;
- Il entend plusieurs individus dans le corridor — Il observe de sa porte de chambre, en se penchant légèrement depuis le fond du corridor;
- Gucci « branle un marteau dans sa main »[167];
- L’ami est dans le corridor du côté de la sortie qui donne sur l’allée de garage et l’accusé est dans l’autre corridor qui donne vers les escaliers du rez-de-chaussée[168].
- Notons qu’il dit ne pas pouvoir voir l’ami et l’accusé, mais uniquement Gucci. La défense prétend que ceci démontre un manque de fiabilité. Le Tribunal ne partage pas ce point de vue. Selon le moment précis où M. Alain tend la tête dans le corridor, il est possible qu’il n’ait pas vu l’ami et l’accusé, qui ne restaient pas immobiles, mais se déplaçaient en reculant par moments. Le témoin explique bien la configuration des lieux qui l’empêche de les voir[169].
- L’atmosphère est tendue ;
- Gucci sursaute dans le passage après que l’ami lui a dit quelque chose[170] ;
- L’accusé reprend ses chaussures, mais laisse son manteau sur place; M. Alain remet le manteau de l’accusé aux enquêteurs[171].
- Le Tribunal note que M. Alain se trompe quant au fait que l’ami ait aussi enlevé son manteau et qu’il l’ait laissé chez lui[172]. En effet, M. Alain remet trois manteaux aux enquêteurs : le manteau à carreaux bleu que portait l’accusé, un manteau de cuir noir[173] et un manteau noir avec deux poches sur le devant[174]. Cette erreur est sans incidence.
- Gucci et l’accusé se parlent à deux pieds l’un de l’autre dans son cadre de porte;
- Tous les protagonistes partent comme une tornade et il les entend poursuivre leur dispute en s’éloignant dans la rue — rappelons que le témoin oculaire, S. P. confirme la dispute dans la rue;
- Puis, dans un court laps de temps, 5 à 10 minutes plus tard, il entend de deux à quatre coups de feu[175]. Notons que l’accusé et l’ami quittent les lieux à 22 h 48 et que la victime tombe au sol à 22 h 54, donc six minutes plus tard.
- Malgré que le Tribunal n’ait pas eu le bénéfice de voir M. Alain témoigner, il l’a entendu et lu. M. Alain témoigne avec une voix assurée. Il offre une bonne collaboration et un témoignage spontané (par exemple lorsqu’il identifie « Mélanie » sur la vidéo). Il démontre la volonté de répondre correctement aux questions (par exemple lorsqu’il se corrige après s’être fait indiquer de relater des faits plutôt que ses présomptions[176]).
- Au surplus, il ne tente pas de combler les lacunes de sa mémoire (par exemple s’il a fait entrer l’accusé dans l’immeuble ou non)[177]. En effet, le Tribunal considère que M. Alain témoigne de façon assurée pour les éléments au sujet desquels il a un bon souvenir et indique clairement les éléments qui ne sont pas à sa connaissance ou pour lesquels il n’a plus de souvenir.
- Il reconnaît son problème de consommation et répond aux questions sans détour. Le fait qu’un individu consommateur ait des antécédents de bris de conditions et qu’il ne se soit pas présenté à la Cour n’a rien de surprenant. Rappelons toutefois qu’au moment du témoignage assermenté, M. Alain est sobre.
- Le peu de questions suggestives du poursuivant porte sur des questions introductives ou directives sur des sujets non litigieux.
- Par ailleurs, M. Alain n’éprouve aucune animosité à l’égard de l’accusé et rien ne laisse présager qu’il lui souhaite du mal. Même s’il avoue craindre Gucci, il n’y a aucune preuve qu’au moment du témoignage, cet individu est toujours présent dans la vie du témoin, un an après les événements, et qu’il exerce une quelconque pression ou influence sur lui.
- La défense plaide que le témoignage de M. Alain n’est pas fiable puisqu’il ne se souvient pas des paroles exactes de l’accusé lorsqu’il aurait dit « non, pas lui » alors que l’ami fait un geste pour sortir son arme à feu. Le Tribunal n’est pas d’accord. Malgré les diverses tentatives du procureur pour remettre en question la version du témoin[178], celui-ci reste convaincu que l’accusé dit « non, pas lui »[179]. Après s’être fait poser la question à cinq occasions différentes, le témoin accepte qu’il soit possible que les paroles soient plutôt celles suggérées par le procureur, à savoir « c’est même pas lui » ou « non, non, c’est pas lui »[180].
- La défense ajoute que sans connaître l’emplacement de l’accusé dans la pièce et les paroles exactes de l’ami, les paroles « non pas lui » n’ont pas la même implication et pourrait être innocentes puisqu’il est possible que l’accusé n’ait pas vu l’arme à feu et s’il l’a vue qu’il sache qu’elle est chargée. Une analyse complète du témoignage permet de retenir que le témoin demeure convaincu de la nature du propos et que ces petites variations de termes n’y changent rien. Que ce soit « non, pas lui » ou « c’est même pas lui » ou « non, c’est pas lui », il s’agit-là de différences sans distinction : l’essentiel est que l’ami, en sortant son arme, s’en prenait à la mauvaise personne. L’accusé le lui signale, entraînant comme conséquence que l’ami range son arme.
- À la lumière de tous ces éléments, mais surtout de la confirmation vidéo du témoignage de M. Alain, le Tribunal le considère crédible et fiable et accepte son témoignage.
Analyse de la preuve des paroles « j’ai troué quelqu’un »
- À titre de rappel, les paroles rapportées sont « … parce que j’ai troué quelqu’un, mais c’est pas fini » et en réponse à la question de l’AI 67124 s’il s’est fait arrêter en lien avec le meurtre sur la rue Jean-Talon, il dit : « comment tu sais que c’est moi? », puis répond « oui » avec un regard moqueur de fierté.
- Dans un premier temps, le Tribunal considère que les deux AI ont témoigné de façon claire, logique et structurée. Ils étaient bien préparés, avaient une bonne connaissance de leur dossier et un bon souvenir de leurs interventions auprès de l’accusé. Lorsqu’une information échappait à leur souvenir, ils l’ont reconnu. Ils ont référé à leurs notes à quelques occasions dans un souci de fournir des réponses précises, notamment quant aux paroles de l’accusé.
- Ils ont témoigné quant à leur méthode de travail, notamment quant à la prise de notes contemporaines et l’utilisation des scénarios d’infiltration. Par exemple, l’AI 73587 explique qu’il est formé pour instaurer la confiance auprès des personnes infiltrées, qu’il se répète sans cesse les paroles pour les mémoriser et qu’il utilise des guillemets pour distinguer le verbatim de ses propres mots.
- En somme, le Tribunal considère que ce sont des témoins crédibles et fiables.
- La défense plaide que les paroles de l’accusé recueillies par les AI ne sont pas fiables et qu’elles ont été dites pour les impressionner. Elle ajoute qu’il ne s’agit pas d’un aveu qu’il est le tireur ni même qu’il est impliqué dans l’homicide.
- Pour étayer sa position, la défense soutient que les AI se sont présentés dans un véhicule de luxe, se faisant passer pour des criminels de haut niveau. Compte tenu des problèmes de consommation de l’accusé, de ses difficultés financières et de certaines de ses déclarations, notamment lorsqu’il évoque son implication dans une équipe de frappe, l’accusé a prononcé ces paroles pour impressionner les AI afin de prouver sa capacité à tuer, à être l’homme de la situation et ainsi maintenir sa relation avec eux.
- L’inférence que la défense demande au Tribunal de tirer quant aux motivations de l’accusé pour avoir spontanément prononcé ces aveux n’a aucune assise factuelle. En effet, la défense invite le Tribunal à spéculer quant aux intentions de l’accusé.
- Il est vrai que l’accusé demande de l’argent, ainsi que des stupéfiants et de l’alcool aux agents. La preuve démontre également que l’accusé est un consommateur de stupéfiants. Ces éléments ne suffisent pas pour faire la démonstration qu’il a de sérieux problèmes à un point tel que ses propos ne sont pas fiables, d’autant plus qu’à toutes les rencontres avec les AI, l’accusé n’est pas intoxiqué.
- En effet, le témoignage non contredit des AI que le Tribunal considère comme fiable et crédible indique qu’à chacune de leurs interactions avec l’accusé, il est dans un état normal, lucide et à jeun.
- Contrairement à ce que plaide la défense, les demandes pour recevoir de l’argent ne permettent pas non plus de conclure que l’accusé a un problème d’argent à ce point sérieux qu’il dirait n’importe quoi. La preuve révèle qu’il accepte volontiers de participer aux demandes des AI, qu’il est confiant et rapidement à l’aise avec eux. Le Tribunal considère que l’accusé saisit simplement l’occasion de faire de l’argent auprès de personnes qui semblent en avoir les moyens.
- Au final, la proposition de la défense ne tient pas. Si l’accusé avait pour objectif d’impressionner les AI pourquoi leur montrer à quel point il est dans le besoin d’argent, plutôt que de se présenter comme un homme fiable, au-dessus de ses affaires et « en demande »?
- En somme, les inférences que la défense demande au Tribunal de tirer quant aux motivations de l’accusé pour avoir prononcé ces paroles reposent sur des conjectures, issues d’une théorie purement hypothétique.
- Le Tribunal considère que les paroles de l’accusé sont des aveux et confirment son implication et sa responsabilité dans l’homicide. En effet, même s’il n’est pas le tireur, par ses paroles, l’accusé admet son accord avec ce geste et sa participation au projet illicite commun.
Conclusion quant à la preuve de la formation d’un projet commun
- Considérant l’analyse de la preuve, telle qu’expliquée jusqu’à présent, le Tribunal retient que la preuve révèle que :
- L’accusé est en dispute avec Gucci et il le sait;
- Vers 18 h ou 19 h, l’accusé est averti de ne pas se rendre au 7421 boulevard Saint-Laurent. M. Alain lui précise que s’il s’y présente, Gucci en sera informé; qu’il n’est pas loin; puis « tu le sais qu’est-ce qui va se passer »;
- À 22 h 38, l’accusé se présente au 7421 boulevard Saint-Laurent avec un ami;
- Cet ami est armé;
- Quand M. Alain s’énerve de la présence de l’accusé, l’ami fait un geste pour sortir l’arme à feu qu’il a dans son pantalon;
- La réaction de l’accusé est simplement de lui dire « non pas lui » ou une telle variation et l’ami range tout simplement son arme;
- L’accusé a consommé des stupéfiants;
- Lorsque l’accusé va à la salle de bain, il ne démontre aucune anxiété malgré sa connaissance de l’arrivée imminente de Gucci;
- L’ami se promène dans le corridor lorsque l’accusé est à la salle de bain;
- Lorsque Gucci arrive dans le corridor, un marteau à la main, il se dirige immédiatement vers l’appartement de M. Alain;
- Sur le fait même l’ami revient et l’accusé pointe dans la direction de Gucci. L’ami met sa main droite à sa taille;
- Dès qu’il voit l’accusé, Gucci se dirige immédiatement vers lui;
- Lorsque Gucci fait dos à l’ami en passant devant lui, l’ami place sa main droite autour d’un objet à sa taille;
- Pendant que l’accusé discute avec Gucci, l’ami se positionne tout près;
- Lors de la discussion, l’accusé pointe l’ami à quelques occasions, Gucci passe son regard de l’un à l’autre en souriant;
- Gucci avance alors vers l’ami et celui-ci sort l’arme à feu de son pantalon avec sa main droite et la braque sur Gucci;
- La réaction de l’accusé est alors de s’approcher de Gucci en lui parlant tout près du visage;
- La victime et M. Husein se joignent au groupe;
- L’accusé retourne chercher ses souliers laissés chez M. Alain tout en continuant la discussion;
- L’accusé quitte le bâtiment par le corridor menant à l’allée de garage. Ce faisant, il prend le bras de son ami et le dirige vers la sortie avec son corps;
- Dans l’allée de garage, l’ami place son bras autour des épaules de l’accusé;
- L’accusé place sa main sur celle de l’ami, qui retire alors son bras des épaules de l’accusé;
- L’accusé continue à discuter par moment dans la rue avec le groupe;
- Pendant qu’il traverse l’intersection de la rue Jean-Talon et du boulevard Saint-Laurent, l’accusé ralentit le pas alors que la victime accélère le sien en s’approchant de lui;
- Arrivé sur le trottoir, l’ami se retourne vers eux et attend;
- L’accusé se met à courir avant que la victime ne tombe au sol;
- Des coups de feu sont tirés sur la victime à une distance d’un ou deux mètres par l’ami;
- L’accusé et l’ami s’enfuient ensemble en courant;
- Environ deux semaines après les événements, l’accusé déclare avoir dû déménager du coin Jean-Talon et Saint-Laurent, car il avait « troué quelqu’un » et en référence à un meurtre commis au coin Jean-Talon, l’accusé dit « comment tu sais que c’est moi ?».
- De l’ensemble de ces faits, le Tribunal tire les inférences suivantes :
- L’accusé n’est pas le bienvenu chez M. Alain;
- L’accusé sait que Gucci n’est pas loin et qu’il sera informé de sa présence;
- L’accusé sait « qu’est-ce qui va se passer » — laissant présager un certain danger;
- L’accusé se présente tout de même sur les lieux;
- L’ami a été préalablement informé qu’il y a un individu problématique sur les lieux;
- Que cet individu n’est pas M. Alain;
- La réaction de l’accusé dans l’appartement de M. Alain démontre qu’il a une connaissance préalable de la possession de l’arme à feu;
- Lorsqu’il se dirige à la salle de bain pieds nus, l’accusé ne démontre aucune anxiété malgré l’annonce de l’arrivée imminente de Gucci. Ceci s’explique par la présence de l’ami armé;
- L’ami demeure à proximité pendant que l’accusé est à la salle de bain[181];
- Dès son arrivée en présence de Gucci, l’ami se met en position: il se tient prêt, plaçant ses mains sur ses hanches, et glissant même une main autour de l’arme à feu qu’il porte à sa taille;
- Lorsque Gucci confronte l’accusé, l’ami sort son arme et la braque sur Gucci;
- L’accusé contrôle les actions de son ami – que ce soit pour ranger l’arme, pour la sortir ou quant au moment de quitter.
- De la preuve, analysée dans son ensemble, le Tribunal conclut que la seule inférence logique est qu’il y avait une entente entre l’accusé et l’ami. Cette entente était de se présenter au 7421 boulevard Saint-Laurent, un endroit où l’accusé n’était pas le bienvenu avec un ami armé dans le but de dissuader quelques actions de Gucci, et sachant que cette arme à feu pouvait être utilisée.
- Que l’accusé y soit allé pour consommer des stupéfiants, comme le plaide la défense, n’enlève rien à cette conclusion. Il y est allé avec un homme armé, sachant que cette arme à feu pouvait servir.
- Le Tribunal considère que les aveux de l’accusé aux agents d’infiltration confirment qu’il s’agissait d’un projet illicite commun qui a mal tourné.
- L’analyse des paroles et des gestes de l’accusé, jumelée aux gestes synchronisés entre lui et l’ami, permettent uniquement de conclure que l’ami agit selon un plan établi à l’avance, sous la direction de l’accusé.
- Il n’y a aucun doute que l’infraction incidente a été commise. L’homicide involontaire coupable ne faisait pas partie du projet commun. Rien ne permet de croire que la victime était celle ciblée.
- Le poursuivant a établi tous les éléments essentiels de l’acte illégal, l’infraction de décharger une arme à feu, et ce, hors de tout doute raisonnable : (1) l’ami a déchargé une arme à feu; (2) il avait l’intention de blesser, mutiler ou défigurer une personne et non simplement de lui faire peur ou de la menacer[182]; et (3) la victime a été blessée.
- Le poursuivant a établi tous les éléments essentiels de l’infraction d’homicide involontaire coupable hors de tout doute raisonnable : (1) l’ami a déchargé une arme à feu (l’acte illégal); (2) cet acte illégal a entraîné la mort de la victime; (3) il était objectivement prévisible que cet acte illégal risquait de causer des lésions corporelles qui ne sont ni sans importance ni de nature passagère.
- Ayant conclu qu’un projet commun illicite a été conclu et qu’une infraction incidente a été commise, il y a lieu de déterminer si une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait dû savoir que la réalisation du projet commun pourrait entraîner un risque de lésions corporelles.
- En l’occurrence, la prévisibilité de lésions corporelles pouvant en résulter ne fait pas de doute.
- La preuve démontre que l’accusé savait que s’il se présentait, Gucci en serait informé et qu’une confrontation s’en suivrait. De s’y présenter avec un individu armé d’une arme à feu démontre la résistance à laquelle il s’attendait. Une personne dans ces circonstances devrait raisonnablement s’attendre à ce que la situation puisse dégénérer.
- Le fait qu’un individu se rende à un endroit, en sachant qu’il est en conflit avec une personne qui s’y trouvera, tout en étant informé qu’une confrontation dangereuse pourrait survenir, et ce, accompagné d’une personne portant une arme à feu en anticipation de cette altercation, démontre qu’il était raisonnablement prévisible que la situation risquait de dégénérer et, par conséquent, de causer des lésions corporelles, étant donné la présence d’une arme à feu.
- Il découle de la présence armée de l’ami, que les deux individus sont prêts à utiliser la force létale si nécessaire.
- Ainsi, le Tribunal considère que, conformément à l’article 21(2) C.cr., l’accusé, en mettant en place et en exécutant le projet illicite commun (l’utilisation illégale d’une arme à feu), savait ou aurait dû savoir qu’une conséquence probable de l’exécution dudit projet était la commission d’un acte intrinsèquement dangereux, comportant un risque de lésions corporelles pour toute personne présente. Ces lésions n’étant ni sans importance ni de nature passagère, compte tenu de la présence d’une arme à feu.
- Comme position subsidiaire, la défense plaide que l’accusé a abandonné le projet illicite commun, si tant est qu’il y en eût un. Cet abandon survient au moment de quitter le 7421 boulevard Saint-Laurent. Il soutient au surplus que l’homicide a été commis alors que l’accusé est pourchassé.
- La défense fonde cet argument sur la preuve que l’accusé indique à l’ami de quitter les lieux en mettant sa main sur son bras et le poussant vers la sortie; en enlevant le bras de son ami de ses épaules et en s’éloignant des lieux.
- Le poursuivant soutient qu’il ne s’agit pas d’un abandon, mais bien de la conséquence prévisible de l’exécution du projet illicite commun.
- Notre droit reconnaît qu’une personne ayant l’intention de commettre une infraction criminelle peut renoncer à cette intention et ainsi échapper à la responsabilité criminelle en y mettant fin[183].
- Toutefois, le champ d’application de la défense d’abandon dépend des circonstances propres à chaque cas[184].
- Ainsi, la défense d’abandon peut être invoquée si la preuve permet d’établir les éléments suivants : « (1) il existe une intention d’abandonner le projet criminel ou de s’en désister; (2) cet abandon ou ce désistement a été communiqué en temps utile par l’intéressé à ceux qui désirent continuer; (3) la communication a servi d’avis non équivoque à ceux qui désirent continuer; et (4) l’accusé a pris, proportionnellement à sa participation à la commission du crime projeté, les mesures raisonnables, dans les circonstances, soit pour neutraliser ou autrement annuler les effets de sa participation soit pour empêcher la perpétration de l’infraction »[185].
- Qu’en est-il ?
- Tout d’abord, même si d’aucuns pourraient inférer de son départ du 7421 boulevard Saint-Laurent une intention d’abandonner de la part de l’accusé, la preuve est lacunaire quant à la communication non équivoque de l’abandon.
- Le Tribunal ne bénéficie d’aucune preuve des paroles de l’accusé en lien avec un désistement ou un abandon. Cela étant un accusé pourrait manifester son abandon autrement que par des paroles[186]. Dans ce cas, ses gestes doivent être sans équivoque en plus de rencontrer les deuxième et troisième critères énoncés ci-haut, soit que l’abandon est communiqué en temps utile et l’avis est non équivoque.
- La communication en temps utile dépend des faits de chaque affaire et sera déterminée par ce qui est praticable et raisonnable[187].
- Or, en l’espèce même si le Tribunal acceptait le départ de l’accusé et ses gestes à l’endroit de l’accusé à titre de communication non équivoque de l’abandon (ce qui n’est pas clair), deux problèmes persistent : (1) la communication n’est pas faite en temps utile; et (2) l’accusé n’a pas pris les mesures raisonnables pour neutraliser ou annuler les effets de sa participation.
- En effet, lorsque l’accusé quitte la maison de chambres, le projet de poursuivre la fin illicite est en cours d’exécution, voire consommé : il est au 7421 boulevard Saint-Laurent, un endroit où il n’est pas le bienvenu avec un ami armé dans le but de dissuader quelques actions de Gucci, alors que l’ami a braqué l’arme à feu sur Gucci. La suite des événements était prévisible. L’abandon ne survient pas en temps opportun.
- Au surplus, le seul fait de quitter les lieux sachant que son ami est armé n’est pas une mesure raisonnable suffisante dans les circonstances, d’autant plus qu’il se sait suivi. Il fallait plus. L’accusé a amené l’ami, armé, à cet endroit, il aurait fallu minimalement qu’il lui retire son arme à feu afin de neutraliser les effets de son implication ou bien qu’il appelle les autorités policières[188]. Rien ne permet de croire que l’accusé craignait son ami, l’empêchant de prendre des mesures raisonnables. Au contraire, la preuve révèle qu’il le dirigeait.
- Pour toutes ces raisons, la défense d’abandon est rejetée.
- Ayant considéré l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que le poursuivant s’est déchargé de son fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable que M. Barthelus a commis un homicide involontaire coupable à l’endroit de M. Marquez par le biais de sa participation à un projet illicite commun.
- Le Tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable que l’accusé savait que son ami avait une arme à feu et que son utilisation pour repousser les actions de Gucci faisait partie du plan.
- Le Tribunal détermine que la seule conclusion rationnelle pouvant être tirée de l’ensemble de la preuve présentée au procès est que le poursuivant a démontré, hors de tout doute raisonnable, la culpabilité de l’accusé à l’égard de l’accusation d’homicide involontaire coupable.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
DÉCLARE l’accusé coupable du chef numéro 1, soit homicide involontaire coupable.
| __________________________________ ANNE-MARIE MANOUKIAN, J.C.Q. |
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Me Katerine Brabant |
Me Alexandra Roy-Côté |
Procureures du poursuivant |
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Me Anthony El-Haddad |
Me Lory Zakarian |
Procureurs de l’accusé |
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Dates d’audience : | 4, 5, 6, 9, 10 et 11 septembre 2024 |
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AUTORITÉS DU POURSUIVANT
- Belleville c. R., 2018 QCCA 960
- Lepage c. R., 2017 QCCA 947
- R. v. Cadeddu, 2013 ONCA 729
- R. c. Cowan, 2021 CSC 45
- R. v. Gong, 2023 ONCA 230
- R. c. Strathdee, 2021 CSC 40
- R. c. Strathdee, 2020 ABCA 443
- R. c. Thatcher, [1987] 1 R.C.S. 652
AUTORITÉS DE L’ACCUSÉ
Quant à la notion de « mere presence »
- D.(R. B.) c. R., 2002 CanLII 9090 (QC CA)
- Paolucci Fletcher c. R, 2019 QCCA 1716
- R. c. Jackson, 2007 CSC 52
Quant à la notion de preuve circonstancielle
- R. v. Bernier et al., 2001 BCCA 394
- R. v. Cox, 2019 BCSC 499
- R. c. Hunt, 2018 QCCA 1431
- R. v. Stewart, 2022 BCCA 367
- R. v. Dixon, 1997 ABCA 125
- R. v. P.L.F.N., 1999 CanLII 18637 (MB CA)
- R. v. Russell, 2020 BCCA 108
- Ramkaran c. R., 2009 QCCA 852
- St-Pierre c. R., 2024 QCCA 518
Quant à la notion d’abandon
- R. c. Gauthier, 2013 CSC 32
- R. v. Letourneau, 2023 ABKB 502
- R. v. S.R.B., 2009 ABCA 45
[1] Articles 234 et 236a) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46 (C.cr.).
[2] Ces enregistrements ne comportent que des images sans le son.
[3] Précisons que questionné à cet égard, le poursuivant n’invoque pas l’encouragement à titre de mode de participation.
[4] Produites sous la cote P-1 : Admissions.
[5] Né le 8 mars 1981 – admission également faite par l’accusé verbalement le 4 septembre 2024.
[6] Bien que les parties ne l’écrivent pas formellement dans les admissions, verbalement, la défense reconnaît la qualité d’expert du pathologiste judiciaire (procès-verbal du 4 septembre 2024, p. 4 de 9).
[7] Bien que les parties ne l’écrivent pas formellement dans les admissions, verbalement, la défense reconnaît la qualité d’expert du spécialiste en balistique judiciaire (procès-verbal du 4 septembre 2024, p. 4 de 9).
[8] L’accusé reconnaît au surplus qu’il est l’une des personnes sur ces enregistrements (audition du 4 septembre 2024).
[10] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023 (initialement coté sous VD1-1). Ce témoignage a été jugé admissible par le Tribunal à la suite d’une requête du poursuivant en vertu de l’exception raisonnée au ouï-dire. L’analyse de la crédibilité et de la fiabilité ultime de ce témoignage est discutée ultérieurement dans les présents motifs.
[11] Voir pièces P-3, P-7, P-11 — notons l’admission des parties que la technicienne du SIJ, Mme Lavoie, peut témoigner quant à cette dernière pièce malgré qu’elle n’en soit pas l’auteure.
[13] Voir pièces P-4, P-5, P-6, P-9, P-10.
[14] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023, p. 28, l. 16 — p. 29, l. 21.
[15] Sur les enregistrements vidéo, cet individu porte une tuque de marque Gucci. L’enquête révèle qu’il s’agit de M. John Hirsh Antoine (pièce P-15).
[16] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023, p. 29, l. 7-12 et p. 75, l. 1-13.
[17] Id., p. 29, l. 13-16.
[18] Id., p. 17, l. 8 — p. 18, l. 23.
[19] Id., p. 69, l. 14 — p. 70, l. 14.
[20] Les pièces P-15 : rapport de visionnement de l’enquêteur Laurent Villemaire et P-16 : montage vidéo, ainsi que le témoignage du SD Michel Martin et l’admission no 4 (pièce P-1) constituent la preuve en lien avec les enregistrements des différentes caméras de surveillance. L’heure affichée sur la caméra du 7383 boulevard Saint-Laurent est exacte.
[21] Pièce P-16 : assemblage vidéo.
[22] L’heure affichée sur la caméra du 7421 boulevard Saint-Laurent est exacte.
[23] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023, p. 38, l. 1-6; l. 11-14 et p. 42, l. 4-7.
[24] Id., p. 38, l. 14-17.
[25] Id., p. 39, l. 20 — p. 40, l. 12.
[26] Id., p. 42, l. 12-23.
[27] Id., p. 40, l. 12 — p. 41, l. 10; p. 64, l. 12 — p. 67, l. 3.
[28] Id., p. 41, l. 11-14 — p. 43, l. 4-8.
[29] Voir la pièce P-10 : plan du sous-sol du 7421 boulevard Saint-Laurent, le corridor menant à la porte E-302.
[30] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023, p. 44, l. 8-14 et p. 45, l. 2.
[31] Id., p. 46, l. 10-14.
[32] Id., p. 46, l. 20-23.
[33] Id., p. 48, l. 22 — p. 50, l. 14.
[34] Id., p. 50, l. 21 — p. 51, l. 10.
[35] Rappelons que l’heure affichée sur la caméra du 7383 boulevard Saint-Laurent est exacte.
[36] Pièce P-15, p. 9, dernière photo. Le manche est visible de son côté droit; Pièce P-16 (caméra du 7383 boulevard Saint-Laurent), à 10 h 51 min 17 s.
[37] Voir pièce P-16, les caméras du Petro-Canada de 23 h 53 min 14 s à 23 h 53 min 31 s (heure indiquée 11 h 51 min 50 s à 11 h 52 min 7 s qui est en avance sur l’heure réelle de 12 h 58 min 36 s selon le témoignage du SD Michel Martin). Il faut donc soustraire cette différence de l’heure affichée.
[38] Pièce P-15, p. 10 et 11 ; P-16 (caméra du Petro-Canada et du 45 rue Jean-Talon Est).
[39] Pièce P-4 : Plan avec récupération (E-1 à E-3). Le marteau est la pièce marquée E-3 — notons que Mme Lavoie du SIJ explique que c’est en fait la pièce E-203. Voir aussi la pièce P-7 : Scène 2 : Jean-Talon/Saint-Laurent, photos nos 094, 107 – 112 et le témoignage de Mme Lavoie, technicienne en scène de crime.
[40] Il a été nécessaire d’observer cette séquence en mode « zoom », tel qu’expliqué par le témoin SD Michel Martin. D’ailleurs, lors des plaidoiries, la défense utilise cette fonction pour attirer l’attention du Tribunal à certaines séquences.
[41] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 26 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon qui est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[42] Il reviendra vers la victime à 22 h 54 min 51 s (pièce P-16). L’heure affichée (22 h 57 min 27 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s, selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[43] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 27 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[44] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 34 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[45] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 41 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[46] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 42 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[47] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 43 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[48] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 46 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[49] La défense plaide que l’accusé est poussé en se fondant sur le témoignage de S. F. Cette dernière témoigne qu’elle a vu le suspect pousser la victime, qui a perdu pied, avant d’être abattue. Il est toutefois impossible de voir si l’un des deux a poussé l’autre. Cela étant, la victime n’a pas perdu pied comme décrit par la témoin avant d’avoir été tirée. La témoin se trompe à cet égard. Il est possible qu’elle soit confuse quant à cette poussée, quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de résoudre cette question pour en arriver à l’issue de l’affaire.
[50] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 47 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s selon le témoignage du SD Michel Martin. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[51] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 48 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s. Il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[52] Pièce P-16. L’heure affichée (22 h 56 min 54 s) sur la caméra du 45 rue Jean-Talon est en retard de 23 h 57 min 24 s il faut donc ajouter cette différence à l’heure affichée.
[53] Pièce P-16. L’heure affichée sur la caméra est 23 h 27 min 27 s. Or, selon le témoignage du SD Michel Martin, cette caméra est en avance de 32 min 36 s Il faut donc soustraire cette avance de l’heure affichée.
[54] Pièce P-9 : Plan incluant le 7421 boulevard Saint-Laurent.
[55] Voir la pièce P-22 : Plan P-6 annoté par M. Houle-Quintal pour l’emplacement du corps de la victime.
[56] Pièce P-2 : rapport médico-légal, p. 2.
[58] Pièce P-12 : rapport d’expertise en balistique, p. 1 — note que le chandail (pièce R-38381) comporte une perforation au niveau du thorax gauche. Voir aussi pièce P-3 : Photos de la scène 1 — Hôpital Jean-Talon, photos nos 043 à 049 et le témoignage de Mme Lavoie, technicienne en scène de crime.
[59] Pièce P-12 : rapport d’expertise en balistique, p. 1 — note que le chandail (pièce R-38282) comporte une perforation au niveau du thorax gauche. Voir aussi pièce P-3 : Photos de la scène 1 — Hôpital Jean-Talon, photos nos 051 à 055 et le témoignage de Mme Lavoie, technicienne en scène de crime.
[60] Pièce P-12 : rapport d’expertise en balistique, p. 2 — note que le chandail (pièce R-38283) comporte une perforation au niveau du thorax gauche. Voir aussi pièce P-3 : Photos de la scène 1 — Hôpital Jean-Talon, photos nos 056 à 061 et le témoignage de Mme Lavoie, technicienne en scène de crime.
[61] Pièce P-12 : rapport d’expertise en balistique, p. 2.
[62] Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. Pièce P-2 : rapport médico-légal, p. 3.
[63] Pièce P-12 : rapport d’expertise en balistique, p. 2.
[64] Pièce P-4 : Plan avec récupération (E-1 à E-3). Les douilles sont les pièces marquées E-1 et E-2. Notons que Mme Lavoie du SIJ explique que ce sont en fait les « exhibits » E-201 et E-202. Voir aussi la pièce P-7 : Scène 2 : Jean-Talon/Saint-Laurent, photos nos 089, 090, 097 – 106. Voir également le témoignage de Mme Lavoie, technicienne en scène de crime.
[65] Pièce P-12 : rapport d’expertise en balistique, p. 2. À la page 1 du rapport, il est noté que les deux douilles sont de marques différentes.
[66] Il ne peut exclure la présence d’un révolver de calibre 9 mm qui aurait conservé ses douilles, mais ajoute que c’est extrêmement rare : 1 sur 4 000 armes.
[67] Voir la pièce P-13 : Plan P-6 annoté par A.R. C.-P. pour son emplacement (« 1x » lors des premiers coups de feu et « 2x » démontrant son déplacement lors de la deuxième série de coups de feu).
[68] La témoin ne voit pas ces deux premiers coups de feu.
[69] Voir la pièce P-13 : Plan P-6 annoté par A.R. C.-P. pour leur emplacement (« V » pour victime; « X » pour tireur; et « ii » pour la personne qui accompagne). Selon la vidéo, l’accusé est plus au sud.
[70] Voir la pièce P-14 : Plan P-6 annoté par S. P. pour son emplacement.
[71] 4 po sur le haut et 2-3 po en arrière.
[72] Voir la pièce P-18 : Plan P-6 annoté par M. S. pour son emplacement.
[73] Voir la pièce P-18 : Plan P-6 annoté par M. S.
[74] Il dit qu’ils sont synchronisés.
[75] Notons qu’un voir-dire formel n’a pas été tenu pour l’admission de cette portion de la déclaration du témoin. La réponse découle de l’interrogatoire du poursuivant sans objection de la défense.
[76] La dernière photo de la page 7 de la pièce P-15.
[77] Pièce P-3 : photos 43 et 49.
[78] Voir la pièce P-19 : Plan P-6 annoté par M. L. A. pour son emplacement.
[79] Voir la pièce P-20 : Plan P-6 annoté par B. P. pour son emplacement.
[80] Voir la pièce P-20 : Plan P-6 annoté par B. P. pour leur emplacement. Selon la vidéo, l’accusé est plus au sud.
[81] Voir la pièce P-21 : Plan P-6 annoté par S. F. pour son emplacement.
[82] Voir la pièce P-21 : Plan P-6 annoté par S. F. pour leur emplacement : « v » = victime ; « t » = tireur et « i » = individu noir.
[83] Le témoin explique ne pas être familier avec la ville de Montréal, mais décrit son emplacement à l’aide d’un croquis, coté sous la pièce P-23. Cette description, jumelée au croquis qu’il dessine (P-23), à la vidéo (P-8), au plan déposé sous la cote P-9 et le témoignage du SD Michel Martin, permettent au Tribunal de conclure que le témoin se trouve alors en direction nord sur le boulevard Saint-Laurent.
[84] Voir la pièce P-23 : Croquis fait par Y. M. le 18 avril 2022.
[85] La notion du « souvenir enregistré », connue en anglais comme le « past recollection recorded » est une exception à la règle interdisant le ouï-dire (voir notamment R. c. Fliss, 2002 CSC 16, par. 63 et R. c. Gabriel, 2020 QCCA 1210, par. 100 et suiv. pour les critères applicables.). Le Tribunal admet les extraits de la déclaration audio, vidéo en preuve sous la cote P-25 (initialement coté sous VD2-1). Pour précision, les opinions ou hypothèses émises par le témoin lors de sa déclaration ne sont pas admises en preuve.
[86] Pièce P-25 : déclaration de Y. M., min. 1 : 20 à 1 : 22. L’objet identifié dans la déclaration ne fait pas partie de la preuve admise par les parties par le biais de cette déclaration.
[87] Ajoutons que les AI sont sans équivoque quant au fait que leur mission n’a jamais été d’obtenir des aveux de la part de l’accusé.
[88] Son partenaire lors des interventions du mois de mai 2022 est l’AI 64369.
[89] Véhicule utilitaire sport.
[90] Le Tribunal se met en garde contre l’utilisation de cette preuve et de toute autre preuve de la nature d’une preuve de propension. Ces informations ne servent qu’à une fin narrative pour expliquer l’approche et le contexte de l’infiltration auprès de l’accusé.
[91] Il est de connaissance judiciaire que l’intersection de la rue Jean-Talon et le boulevard Saint-Laurent se trouve à la limite du quartier Rosemont.
[92] Il est de connaissance judiciaire que l’intersection de la rue Jean-Talon et le boulevard Saint-Laurent se trouve à la limite de la Petite Italie.
[93] Avec la permission de la Cour et le consentement de la défense, l’AI 73587 consulte ses notes pour répéter le verbatim des paroles de l’accusé.
[94] R. c. Vuradin, 2013 CSC 38, par. 21; S.J. c. R., 2024 QCCA 253, par. 180.
[95] R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, par. 36; R. c. Villaroman, 2016 CSC 33, par. 28; A.R. c. R., 2016 QCCA 1793, par. 23; Sorella c. R., 2017 QCCA 1908, par. 17-19 et 29.
[96] R. c. Lifchus, préc., note 95, par. 39.
[97] P. G. c. R., 2007 QCCA 1160, par. 48; Voir aussi R. c. Lifchus, préc., note 95, par. 36, 39 et R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, par. 231 et 238-242.
[98] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)], art. 11d); art. 6 C.cr.
[99]. Nadeau c. R., [1984] 2 R.C.S. 570, p. 573; Belle-Isle c. R., 2021 QCCA 600, par. 116.
[101] Idem. Voir aussi R. c. Kruk, 2024 CSC 7, par. 62 quant au fait que l’absence de preuve peut fonder un doute raisonnable.
[102] R. c. Lifchus, préc., note 95, par. 39; R. c. Starr, préc., note 97, par. 231 et 240; Boulachanis c. R., 2020 QCCA 4, par. 66.
[103] J.T. c. R., 2023 QCCA 1457, par. 5. Voir aussi El Faf c. R., 2009 QCCA 556, par. 23 et Thadal c. R., 2017 QCCA 553, par. 36.
[104] R. c. Villaroman, préc., note 95, par. 30 et 37; R. c. Kruk, préc., note 101, par. 62.
[105] Laval c. R., 2021 QCCA 125, par. 24.
[106] St-Pierre c. R., 2024 QCCA 518, par. 40.
[107] R. c. Villaroman, préc., note 95, par. 50 et 70.
[110] R. c. Villaroman, préc., note 95, par. 35-36.
[111] R. c. Gauthier. 2020 QCCA 714, par. 94 et suiv.; Dow c. R., 2014 QCCA 2086, par. 12; Voir aussi Foomani c. R., 2023 QCCA 232, par. 77 du jugement rectifié (par. 73 du jugement original) pour une série de facteurs pertinents à évaluer.
[112] R. c. Gauthier. préc., note 111, par. 94.
[113] R. c. Paradis, 2019 QCCA 1703, par. 11.
[114] Béliveau-Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 30e éd., Éditions Yvon Blais, 2023, par. 34.21.
[115] Paradis c. R., 2019 QCCA, par. 11; R. c. Kruk, préc., note 101, par. 73.
[116] Beaulieu c. R., 2007 QCCA 02, par. 41 et suiv., conf. 2008 CSC 1; Paradis c. R., préc., note 115; R. c. Hibbert, 2002 CSC 39, par. 50-52; Saillant-O’Hare c. R., 2022 QCCA 1187.
[117] Moisan c. R., 2022 QCCA 486, par. 20.
[118] J.P. c. R., 2022 QCCA 104, par. 45, citant R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, par. 65 et LSJPA — 195, 2019 QCCA 379, par. 51. Voir aussi R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, par. 10 ; Genest c. R., 2013 QCCA 411, par. 70 ; R. v. Tse, 2013 BCCA 121, par. 56 ; R. v. Abdallah, 1997 CanLII 1814 (ON CA), par. 2-5, conf. 1998 CanLII 777 (CSC).
[119] R. c. Wylie, 2012 ONSC 1077, par. 80.
[120] Callery c. R., 2011 QCCA 1172, par. 1-2; Beaulieu-Ménard c. R., 2025 QCCA 71, par. 6.
[121] R. c. Kruk, préc., note 101 par. 43, 73, 75 et 88.
[122] R. c. Villaroman, préc., note 95, par. 69; R. c. H.S.B., 2008 CSC 52, par. 8 ; X. c. La Reine, 2018 QCCA 117, par. 9.
[124] Art. 222(5)a) C.cr.
[125] R. c. Javanmardi, 2019 CSC 54, par. 25; R. c. Creighton, [1993] 3 R.C.S. 3, p. 42-43; Teran Flores c. R., 2024 QCCA 1431, par. 13.
[126] R. c. Lozada, 2024 CSC 18, par. 15; Teran Flores c. R., préc., note 125, par. 14; R. c. Strathdee, 2021 CSC 40, par. 4; R. c. Nette, 2001 CSC 78.
[127] R. c. Javanmardi, préc., note 125, par. 31;
[128] R. c. Cormier, 2019 QCCA 76, par. 12.
[129] R. c. Foti, 2002 MBCA 122, par. 23-27.
[130] Dunlop et Sylvester c. R., [1979] 2 R.C.S. 881, p. 891.
[131] Ceci ne pose pas problème : R. c. Thatcher, [1987] 1 R.C.S. 652 ; Belleville c. R., 2018 QCCA 960, par. 92.
[132] Paolucci Fletcher c. R, 2019 QCCA 1716, par. 85.
[133] Deblois c. R., 2021 QCCA 1093, par. 54.
[134] Id., par. 55-56, citant R. v. Dooley, 2009 ONCA 910, par. 121, demandes d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetées, 30 septembre 2010, nos 33600 et 33701.
[135] Belleville c. R., préc., note 131, par. 91, citant R. c. Briscoe, 2010 CSC 13, par. 15-18 et R. c. Jackson, [1993] 4 R.C.S. 573.
[136] Paolucci Fletcher c. R, préc., note 132, par. 88; R. c. Jackson, 2007 CSC 52, par. 3.
[137] R. c. Briscoe, préc., note 135, par. 18.
[138] R. c. Kirkness, [1990] 3 R.C.S. 74; R. c. Javanmardi, préc., note 125, par. 31; R. c. Creighton, [1993] 3 R.C.S. 3, p. 42-43.
[139] L’aveuglement volontaire peut remplacer la connaissance réelle lorsque la connaissance est un élément de la mens rea. Cette doctrine impute la connaissance à l’accusé dont le soupçon est éveillé au point qu’il/elle ressent la nécessité de se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire : R. c. Briscoe, préc., note 135, par. 21.
[140] R. v. Simon, 2010 ONCA 754, par. 39.
[141] Lepage c. R., 2017 QCCA 947, par. 9, citant R. c. Vachon, 2002 CanLII 41 276, par. 23 (QC CA).
[142] R. v. Simon, 2010 ONCA 754, par. 40; Lepage c. R., 2017 QCCA 947, par. 9-10; R. v. Cadeddu, 2013 ONCA 729, par. 50-52.
[143] R. v. Cadeddu, préc., note 142, par. 53; R. v. Gong, 2023 ONCA 230, par. 32; Hunt c. R., 2018 QCCA 1431, par. 23.
[144] R. v. Cadeddu, préc., note 142, par. 56-58.
[145] R. v. Cadeddu, préc., note 142, par. 56.
[146] R. v. Vang, 1999 CanLII 2310 (ON CA), par. 24
[147] Belleville c. R., préc., note 131, par. 150.
[148] David WATT, Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, « FINAL 101-D, Common purpose », Toronto, Thomson Reuters, 2023, p. 491 et suiv.
[149] R. v. Cadeddu, préc., note 142, par. 59-60.
[150] R. v. Cadeddu, préc., note 142, par. 61-62.
[151] R. v. Gong, préc., note 143, par. 33.
[152] R. v. Stewart, 2022 BCCA 367, par. 23.
[153] R. v. Gong, préc., note 143, par. 40.
[154] R. v. Gong, préc., note 143, par. 42-43 ; R. v. Stewart, préc., note 152, par. 24.
[155] R. v. Gong, préc., note 143, par. 40-41.
[156] R. c. Nikolovski, 1996 CanLII 158, par. 21, 35 et 36; Pierre-Paul c. R., 2019 QCCA 1722, par. 5-6.
[157] R. v. Miaponoose, 1996 CanLII 1268; Beaulieu c. R., préc., note 116, par. 90-91.
[158] Pièces P-16 : assemblage vidéo et P-15 : rapport de visionnement.
[159] Le témoin dit que ce n’est pas clair dans sa tête ou que c’est vague : Courtlog du 5 septembre 2024, de 10 h 54 à 10 h 56.
[160] Courtlog du 5 septembre 2024, à 11 h 36.
[161] R. c. Cowan, 2021 CSC 45, par. 31 ; R. c. Strathdee, 2021 CSC 40, par. 4.
[162] R. v. Mendez, 2018 ONCA 354, par. 15-16.
[164] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023.
[165] Id., p. 59, l. 17-23.
[166] Id., p. 60, l. 20 – p. 61, l. 7.
[167] Id., p. 46, l. 10-14. Le même marteau vu dans la vidéo est d’ailleurs retrouvé sur le gazon — voir la note de bas de page 39 (P-4, pièce E-3/E-203).
[168] Id, p. 45, l. 16-24.
[169] Id, p. 45, l. 68, l. 2 — p. 69, l. 2, corroboré par la vidéo (pièce P-16) et la pièce P-10 qui montre la configuration des lieux.
[170] Id., p. 46, l. 20 — p. 47, l. 22 et p. 69, l. 1-10.
[171] Voir pièce P-11 : Album photo scène 3 (7421 Saint-Laurent), photos nos. 176-178 (pièce E-303). Ce manteau, de taille XL, correspond à celui que l’accusé portait en arrivant au 7421 boulevard Saint-Laurent (vidéo P-16).
[172] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023, p. 50, l. 10-20.
[173] Pièce P-11 : Album photo scène 3 (7421 Saint-Laurent), photos nos 182-184 (pièce E-304).
[174] Pièce P-11 : Album photo scène 3 (7421 Saint-Laurent), photos nos 185-187 (pièce E-305).
[175] Pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023, p. 51, l. 22 — p. 52, l. 2.
[176] Voir par exemple, pièce P-24 : notes sténographiques du témoignage de M. Éric Alain à l’enquête préliminaire, 4 avril 2023, p. 34, l. 9-13 et p. 35, l. 21-24.
[177] Id., p. 36, l. 18 — p. 37, l. 6. Voici d’autres exemple : p. 33, l. 15-18 : questionné quant à la réponse de Gucci, il répond : « j’ai pas les idées claires avec ça, là… désolé » ; p. 41, l. 21 — p. 42, l.3 : il ignore pourquoi « l’homme blanc » semble vouloir sortir son arme vers lui et il ne s’avance pas sur les motivations de ce dernier ; p. 47, l. 15-22 : il n’entend pas les phrases précises des personnes qui discutent dans le corridor avant que Gucci ne sursaute.
[178] Id., p. 64, l. 12 — p. 67, l. 12.
[179] Id., p. 66, l. 7-10 et p. 65, l. 6-17.
[180] Id., p. 66, l. 21 — p. 67, l. 1.
[181] À l’instar du poursuivant, le Tribunal constate que si l’ami souhaitait aussi aller à la salle de bain, il y en avait une autre tout près (voir le plan du sous-sol coté sous la pièce P-10).
[182] Si tout ce qu’il voulait faire c’était de le menacer, il aurait fait comme chez M. Alain, c’est-à-dire, exhiber son arme plutôt que de faire feu sur M. Marques à environ un ou deux mètres de lui.
[183] R. c. Gauthier, 2013 CSC 32, par. 50.
[184] Id., par. 37, 42, citant R. c. Whitehouse (1940), 55 B.C.R. 420, p. 425.
[185] Id., 2013 CSC 32, par. 50.
[186] R. v. S.R.B., 2009 ABCA 45, par. 10, 24 (motifs dissidents conf. par la Cour suprême, R. c. Bird, 2009 CSC 60).
[187] R. c. Gauthier, préc., note 183, par. 37, 42; R. v. S.R.B., 2009 ABCA 45, par. 29 (motifs dissidents conf. par la Cour suprême, R. c. Bird, 2009 CSC 60).
[188] R. c. Gauthier, préc., note 183, par. 63.