Duchesneau c. Transit Auto Direct inc. |
2018 QCCQ 7841 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LONGUEUIL |
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LOCALITÉ DE |
LONGUEUIL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
505-32-700290-175 |
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DATE : |
29 octobre 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
J. SÉBASTIEN VAILLANCOURT, J.C.Q. |
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PAUL DUCHESNEAU |
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Partie demanderesse |
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c.
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TRANSIT AUTO DIRECT INC. |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Estimant que le véhicule Porsche 911 qu’il lui a acheté est affecté de vices cachés, Paul Duchesneau réclame la somme de 15 000 $ à Transit Auto Direct Inc. (TRANSIT).
[2] Transit, représentée à l’audience par son président, Dominic Zizka, conteste la demande.
Questions en litige
[3] Le Tribunal est appelé à répondre aux questions en litige suivantes :
a) Le véhicule vendu par Transit à monsieur Duchesneau est-il affecté de vices cachés?
b) Si oui, à quel montant monsieur Duchesneau a-t-il droit?
Contexte
[4] Le 26 mars 2015, monsieur Duchesneau acquiert de Transit un véhicule Porsche 911 de l’année 1999 qui a alors parcouru 115 000 km. La date de livraison prévue au contrat est le 1er avril 2015[1].
[5] Le contrat révèle que le véhicule a été vendu pour la somme de 12 500 $ plus taxes mais monsieur Duchesneau soutient, à l’audience, que le prix véritable de la vente est plutôt de 19 500 $ plus taxes. Il affirme en effet avoir convenu avec le représentant de Transit d’inscrire un prix de vente inférieur sur le contrat pour réduire sa charge fiscale.
[6] Par ailleurs, monsieur Duchesneau fait inspecter le véhicule chez Auto Techni-Plus Inc. avant de l’acheter. Cette inspection ne révèle aucun problème majeur au moteur[2].
[7] Or, quelques jours seulement après avoir pris possession du véhicule, monsieur Duchesneau constate qu’une quantité appréciable de fumée s’échappe du véhicule après le démarrage. Après quelques jours, la situation se détériore au point où le moteur continue de fumer même une fois réchauffé, ce qu’il ne faisait pas auparavant.
[8] Monsieur Duchesneau confie alors le véhicule à Transit pour que soit réglé le problème de fumée ainsi que des bruits anormaux du moteur et une pression d’huile insuffisante.
[9] Malgré plusieurs tentatives, le véhicule n’est pas réparé.
[10] Le véhicule est en effet en réparation du 5 mai au 8 juillet 2015, du 30 juillet 2015 au 27 mai 2016 puis du 29 juin au 30 août 2016. Monsieur Duchesneau n’utilise à peu près pas le véhicule entre ces différentes périodes.
[11] Le 1er septembre 2016, monsieur Zizka avise monsieur Duchesneau qu’il ne peut plus rien faire pour le véhicule.
[12] Monsieur Duchesneau confie alors le véhicule à Auto Techni-Plus Inc. qui procède au remplacement du bloc-moteur, ce qui règle les problèmes.
[13] Estimant que Transit a manqué à ses obligations de garantir le véhicule contre les vices cachés, monsieur Duchesneau lui réclame la somme de 2 000 $ en compensation de la perte de jouissance du véhicule pendant toute la durée des réparations et des frais d’immatriculation et d’assurance payés inutilement, ainsi que la somme de 13 000 $ en compensation des coûts des réparations effectuées sur le véhicule.
[14] Monsieur Duchesneau soutient par ailleurs que la peinture du véhicule a été abîmée pendant qu’il était sous la garde de Transit.
Analyse et décision
[15] Toute personne qui désire faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention[3]. Ainsi, le fardeau de preuve repose sur les épaules de monsieur Duchesneau.
[16] Par ailleurs, la preuve de ces faits doit être faite suivant le principe de la prépondérance de la preuve[4]. Ainsi, un fait sera considéré prouvé si le Tribunal est convaincu que son existence est plus probable que son inexistence.
Le véhicule vendu par Transit à monsieur Duchesneau est-il affecté de vices cachés?
[17] La vente ayant été conclue entre un consommateur et un commerçant, elle est soumise à la Loi sur la protection du consommateur[5].
[18] En l’espèce, Transit a accepté de vendre le véhicule avec une garantie conventionnelle d’un mois ou de 1 700 km[6].
[19] Par ailleurs, les garanties prévues aux articles 37, 38 et 53 L.P.C. sont applicables peu importe que la garantie conventionnelle ou que la garantie de bon fonctionnement prévue aux articles 159 et 160 L.P.C. soient expirées on non.
[20] Les articles 37, 38 et 53 L.P.C. prévoient ce qui suit :
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
[Le Tribunal souligne]
[21] Il ne fait aucun doute, suivant la preuve prépondérante, que le véhicule n’a pas servi à l’usage auquel il est normalement destiné. Le fait qu’il ait dû être conduit au garage quelques jours seulement après la vente et qu’il n’ait pu être réparé qu’environ 17 mois plus tard est révélateur à cet égard.
[22] Par ailleurs, le Tribunal n’hésite pas à conclure que le véhicule était, au moment de la vente, affecté de vices cachés. Monsieur Duchesneau ne pouvait, en effet, découvrir les problèmes mécaniques. Le fait que l’inspection n’ait rien révélé à cet égard et plus particulièrement encore le fait qu’il aura fallu près de 18 mois pour régler le problème sont également révélateurs à cet égard.
[23] En conséquence, Transit a contrevenu aux articles 37, 38 et 53 L.P.C.
[24] Par ailleurs, il n’est pas contesté par Auto Techni-Plus Inc. que le véhicule a subi des dommages alors qu’il était sous sa garde. Or, Auto Techni-Plus Inc. est le sous-traitant de Transit. En vertu de l’article 174 L.P.C., le commerçant, Transit, a alors les mêmes obligations que s’il avait lui-même effectué les réparations.
[25] Transit est donc responsable des dommages causés au véhicule de monsieur Duchesneau.
À quel montant monsieur Duchesneau a-t-il droit?
[26] La preuve révèle que monsieur Duchesneau a dépensé 1 402,43 $ pour différentes réparations au moteur et à la carrosserie[7] ainsi que la somme de 11 847,33 $ pour le remplacement du bloc-moteur[8]. Il réclame à cet égard la somme de 13 000 $.
[27] L’article 272 L.P.C. prévoit que le consommateur peut demander, notamment, la réduction de son obligation lorsque le commerçant manque à une obligation qui lui est imposée par la L.P.C.
[28] Monsieur Duchesneau a donc le droit de réclamer une diminution du prix de la vente en compensation des coûts qu’il a dû assumer pour faire réparer le véhicule.
[29] Cependant, une telle indemnisation ne doit pas permettre à monsieur Duchesneau d’obtenir un véhicule d’une qualité supérieure à celle qu’il croyait acquérir. Accorder intégralement l’indemnité réclamée lui permettrait d’obtenir un bloc-moteur en bien meilleure condition que celui qu’il croyait acquérir et ce, aux frais de Transit, ce qui serait injuste. Une dépréciation doit donc être accordée à cet égard.
[30] Mais il y a plus.
[31] Le coût des travaux s’élève à 13 249,76 $, dont monsieur Duchesneau réclame un remboursement de 13 000 $ à Transit.
[32] Or, selon Transit, le véhicule a été vendu 12 500 $ plus taxes. À l’opposé, monsieur Duchesneau soutient que le véhicule a été vendu 19 500 $ plus taxes, la somme de 7 000 $ ayant été payée comptant, sans reçu.
[33] Il est important de déterminer le prix réel de la vente afin d’évaluer l’indemnité juste et raisonnable à laquelle monsieur Duchesneau a droit à titre de diminution du prix de la vente en compensation des réparations qu’il a dû faire exécuter sur le véhicule.
[34] Le Tribunal rappelle que le contrat[9] révèle que le véhicule est vendu 12 500 $ plus taxes.
[35] Monsieur Duchesneau indique quant à lui que ce prix a été indiqué au contrat dans le but de lui permettre de faire de l’évitement fiscal et de payer un montant moindre de taxes.
[36] Monsieur Zizka soutient quant à lui que le prix indiqué au contrat est le prix de vente véritable et il explique que ce montant a été convenu précisément en raison des problèmes mécaniques du véhicule et qu’il voulait se débarrasser de celui-ci.
[37] Le Tribunal souligne d’une part qu’il ne croit pas monsieur Zizka à cet égard. Si le prix de vente avait été fixé en tenant compte des problèmes mécaniques du véhicule, il ne fait pas de doute que monsieur Zizka en aurait fait mention au contrat. Or, celui-ci est silencieux à cet égard.
[38] D’autre part, le Tribunal n’est pas plus convaincu par la version de monsieur Duchesneau même si celui-ci produit un relevé bancaire démontrant qu’il a effectué un retrait de 7 000 $, somme qu’il affirme avoir remis en argent, à Transit, sans cependant obtenir de reçu. Il n’existe en effet aucune preuve documentaire que cette somme a effectivement été remise à Transit et la preuve testimoniale est contradictoire à cet égard.
[39] À tout évènement, le contrat révèle que le véhicule a été vendu 12 500 $ plus taxes et la preuve prépondérante ne convainc pas le Tribunal de l’écarter. Le motif invoqué par monsieur Duchesneau pour convaincre le Tribunal de mettre de côté le contrat, soit le désir d’échapper aux règles fiscales, n’incite certainement pas le Tribunal à conclure en ce sens.
[40] Monsieur Duchesneau, sur qui repose le fardeau de convaincre le Tribunal du bien-fondé de sa prétention, ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve à cet égard.
[41] Ainsi, le Tribunal considère que le véhicule a été vendu 12 500 $ plus taxes.
[42] La réduction du prix de la vente à laquelle a droit monsieur Duchesneau doit en conséquence être déterminée en considération du prix de vente de 12 500 $.
[43] Dans ces circonstances, il serait tout à fait injuste de réduire le prix de vente de 13 000 $ tel que le demande monsieur Duchesneau.
[44] Considérant le prix de vente de 12 500 $, l’âge du véhicule et la dépréciation qui doit être accordée au bloc-moteur, le Tribunal, à défaut de preuve plus précise à cet égard et usant de sa discrétion judiciaire, estime qu’une diminution du prix de la vente de 1 900 $ est juste et raisonnable, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de la mise en demeure.
[45] Monsieur Duchesneau réclame par ailleurs des dommages-intérêts de 2 000 $ pour la perte de jouissance du véhicule et en guise de compensation pour les frais d’immatriculation et la prime d’assurance qu’il a inutilement payés.
[46] L’article 272 al. 2 L.P.C. prévoit que le consommateur peut effectivement demander des dommages-intérêts lorsqu’un commerçant manque à une obligation qui lui est imposée par la L.P.C.
[47] La demande relative aux primes d’assurance et aux frais d’immatriculation du véhicule est rejetée faute de preuve à cet égard.
[48] Cependant, monsieur Duchesneau a le droit d’être compensé en raison du fait qu’il n’a pu jouir de son véhicule avant le 26 septembre 2016, date à laquelle les problèmes mécaniques ont été réglés, soit presque 18 mois après la vente.
[49] Usant de sa discrétion judiciaire, le Tribunal estime qu’une somme de 1 000 $ est juste et raisonnable à cet égard en tenant compte du fait que le véhicule ne peut être utilisé pendant l’hiver et ce, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 27 septembre 2016.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[50] ACCUEILLE la demande en partie;
[51] CONDAMNE Transit Auto Direct Inc. à payer à Paul Duchesneau la somme de 1 900 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 24 juillet 2015;
[52] CONDAMNE Transit Auto Direct Inc. à payer à Paul Duchesneau la somme de 1 000 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 27 septembre 2016;
[53] CONDAMNE Transit Auto Direct Inc. à payer à Paul Duchesneau les frais de justice de 200 $.
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__________________________________ J. SÉBASTIEN VAILLANCOURT, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
17 septembre 2018 |
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AVIS :
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