Fonds de placement immobilier Cominar c. Compagnie de la Baie d'Hudson | 2024 QCCS 111 | |||||
COUR SUPÉRIEURE | ||||||
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | montréal | |||||
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No : | 500-17-113863-206 500-17-113909-207 500-17-113908-209 | |||||
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DATE : | 16 janvier 2024 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | christian immer, J.C.S. | ||||
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FONDS DE PLACEMENT IMMOBILIER COMINAR RENÉ TREMBLAY LUC BACHAND CHRISTINE BEAUBIEN PAUL D. CAMPBELL MITCHELL COHEN SYLVAIN COSSETTE ZACHARY R. GEORGE JOHANNE M. LÉPINE KAREN LAFLAMME MICHEL THÉROUX | ||||||
Demandeurs/défendeurs reconventionnels | ||||||
c. | ||||||
COMPAGNIE DE LA BAIE D’HUDSON SRI | ||||||
Défenderesse/demanderesse reconventionnelle | ||||||
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JUGEMENT | ||||||
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APERÇU....................................................................3
ANALYSE...................................................................9
1. HBC a-t-elle droit à la réduction ou un congé de son loyer et si oui, dans quelle proportion et pour quelle période? 9
1.1 Les arguments des parties...........................................9
1.2 Le droit...........................................................11
1.2.1 Principes généraux sur la jouissance paisible......................11
1.2.2 Y a-t-il une obligation implicite de maintenir un certain achalandage?..13
1.2.3 Nature et portée des clauses de type centre commercial de première classe 15
1.2.4 L’inexécution pour cause de force majeure.........................16
1.3 Les baux..........................................................18
1.3.1 Les baux Champlain et Rockland.................................18
1.3.1.1 L’obligation de procurer la jouissance paisible...................19
1.3.1.2 Les clauses touchant l’achalandage...........................23
1.3.1.3 Clauses de contrat complet...................................24
1.3.1.4 Les clauses relatives à l’opération d’un centre de première classe.25
1.3.1.5 Le Unavoidable Delay........................................26
1.3.2 Le bail Laval...................................................27
1.4 Les constats de la Cour quant aux mesures sanitaires..................28
1.4.1 Période 1 : du 13 mars au 23 mars 2020; restrictions................29
1.4.2 Période 2 : du 23 mars au 20 mai 2020 : fermeture complète.........29
1.4.3 Période 3 : magasins ouverts, centres commerciaux fermés; 25 mai au 18 juin 2020 31
1.4.4 Période 4 : magasins et centre commerciaux ouverts avec restriction : 19 juin 2020 au 24 décembre 2020 33
1.4.5 Période 5 : Fermeture des magasins et centres commerciaux : 25 décembre 2020 au 7 février 2021 36
1.4.6 Période 6 : Deuxième période d’ouverture des magasins et centres commerciaux avec restrictions variables : 8 février 2021 au 12 juillet 2021. 36
1.4.7 Période 7 : Troisième période d’ouverture des magasins et centres commerciaux avec restrictions: 20 décembre 2021 au 21 février 2022 36
1.5 Les efforts déployés................................................37
1.6 La preuve sur la notion de first class shopping center...................41
1.6.1 Les témoins idoines et documents émanant des parties.............42
1.6.2 Les experts....................................................42
1.7 Constats de l’impact sur l’achalandage, l’occupation et les ventes........48
1.7.1 L’achalandage.................................................49
1.7.2 L’occupation des locaux dans les centres commerciaux.............50
1.7.3 Les ventes en magasin de HBC..................................51
1.7.4 Les ventes en ligne.............................................52
1.8 Discussion et conclusions...........................................54
2. La résiliation extrajudiciaire des baux champlain et rockland................61
2.1 La clause du bail...................................................62
2.2 Les principes juridiques.............................................63
2.2.1 La résiliation judiciaire et l’article 1883 C.c.Q.......................63
2.2.2 L’article 1604 al. 2 C.c.Q. et l’inexécution substantielle..............65
2.2.3 La bonne foi et la résiliation......................................65
2.3 Le comportement des parties........................................66
2.3.1 Les échanges intervenus et les gestes posés quant au paiement des sommes prévues en vertu du bail 66
2.3.2 No build.......................................................70
2.3.2.1 Démarches quant au Centre Rockland.........................71
2.3.2.2 Pour le projet du Mail Champlain :.............................72
2.4 Discussion et conclusion............................................74
2.4.1 Portée de la clause 24.00(3).....................................74
2.4.2 Inexécution substantielle........................................75
2.4.3 Non respect des conditions pour résilier le bail.....................76
2.4.4 La mauvaise foi................................................77
3. la résiliation judiciaire du bail laval.......................................78
4. Les frais.............................................................79
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :.........................................79
[1] Le 27 février 2020, un premier cas de Covid-19 est déclaré au Québec. Les familles québécoises partent en relâche. Au retour, confronté à une augmentation inquiétante des cas d’infection, le 13 mars 2020, le gouvernement québécois décrète l’état d’urgence[1]. Il demeurera en place jusqu’au 1er juin 2022[2].
[2] Pendant cet état d’urgence, le gouvernement et le ministre responsable[3] prennent des mesures pour protéger la santé de la population[4]. Parmi ces mesures, le 21 mars 2020, ils ordonnent la fermeture des centres d’achats. À partir du 25 mars, 2020, toute activité effectuée en milieu de travail, sauf celle jugée prioritaire, doit être suspendue.
[3] Jusqu’à ce que l’Assemblée nationale mette fin à l’état d’urgence en mars 2022[5], il y aura resserrement et relâchement de ces mesures allant jusqu’à de nouvelles fermetures des centres commerciaux et magasins, au gré du flux et du reflux des vagues d’infection et d’hospitalisation.
[4] Au déclenchement de la pandémie, la Compagnie de la Baie d’Hudson sri (« HBC ») opère 89 magasins à rayons à travers le Canada. 85 de ces magasins sont opérés dans des centres commerciaux, dont dans trois centres qui sont la propriété de la demanderesse, Cominar : le Centre Laval, le Mail Champlain et le Centre Rockland.
[5] Le 17 mars 2020, HBC décide, avant même d’y être contrainte par le gouvernement québécois, et sans préavis à ses locateurs dont la demanderesse Cominar, de fermer tous ses magasins canadiens pour une durée de deux semaines.
[6] Cherchant entre autres à préserver ses liquidités, HBC émet ensuite un arrêt de paiement sur les chèques de loyer qu’elle a remis pour le 1er avril à ses locateurs, dont ceux pour les trois emplacements qu’elle loue de Cominar. Elle ne paie pas le loyer de mai non plus.
[7] Les magasins HBC ouvrent à nouveau leurs portes extérieures fin mai 2020, bien que les accès aux centres commerciaux demeurent inaccessibles. Lorsque HBC refuse toujours de verser une quelconque partie du loyer de juin, Cominar l’avise formellement qu’elle est en défaut de payer ses loyers et elle l’enjoint à le corriger. Éventuellement, en juillet, des discussions de négociation sont tenues, mais sans résultat, HBC refusant toujours de payer une quelconque partie des loyers.
[8] Cela se déroule sur une trame de fond où Cominar tente depuis plusieurs années d’assurer une plus grande diversité des types de propriétés constituant son parc immobilier et de densifier l’utilisation de ses propriétés, notamment par l’ajout de complexes immobiliers résidentiels. En particulier, elle travaille avec des urbanistes pour convaincre les villes de Brossard et de Mont-Royal de modifier le zonage des centres Rockland et Champlain pour lui permettre de réaliser de telles initiatives. Des plans d’implantation sont générés en 2018.
[9] Or, HBC détient des droits de refus de construction (no-build) lui permettant de s’opposer à ces développements sur certaines zones de l’emprise des centres Champlain et Rockland. Cominar doit donc convaincre HBC d’accepter ces constructions et cela peut se monnayer à gros prix. À Vancouver, en 2018, HBC a accepté de relocaliser son magasin dans le centre d’achat Oakridge Centre en contrepartie d’un paiement de 151,5 millions $[6].
[10] Cominar voit donc se présenter, dans le cadre de ces négociations, une occasion pour inciter HBC à donner son accord au développement en contrepartie de concessions sur les paiements des loyers.
[11] Les négociations sur ces deux fronts achoppent toutefois. Les parties invoquant le privilège des négociations, le Tribunal ne sait pas ce qui a été discuté.
[12] HBC ne payant toujours aucun loyer en juillet, août et septembre 2020, Cominar expédie un avis de résiliation extrajudiciaire des baux Champlain et Rockland, s’appuyant sur des clauses de résiliation contenus dans ces baux qui, selon elle, l’autorisent à agir ainsi. Cominar accorde un ultime délai de grâce à HBC pour payer tous les montants dus, indiquant que dans tel cas, elle retirera les avis de résiliation extra-judiciaire[7].
[13] Le bail du Centre Laval, de l’aveu de Cominar, ne contient aucune clause permettant la résiliation extra-judiciaire.
[14] Un mois après l’envoi des avis de résiliation et n’ayant toujours reçu aucun paiement, Cominar intente trois recours, dont le Tribunal est à présent saisi. Elle demande :
[15] D’autres locateurs intentent aussi des actions réclamant le paiement du loyer.
[16] Le 20 novembre, dans la foulée de la présentation de demandes de mesures de sauvegarde par Cominar et de ces autres locateurs, la juge Desfossées ordonne à HBC de verser les pleins loyers dans tous les dossiers, et ce à partir du 1er octobre 2020[8]. Elle refuse de donner effet à l’offre formulée par HBC dans le cadre des procédures de verser 50% des loyers. Ces ordonnances de sauvegarde ont été renouvelées jusqu’au procès.
[17] HBC verse donc, depuis le 1er octobre 2020, les loyers en entier.
[18] Éventuellement, en septembre 2022, soit deux ans après que les avis de résiliation aient été expédiés, HBC verse, sous protêt, tous les loyers impayés depuis le 1er avril 2020 avec intérêts et frais judiciaires, soit la somme de $1 583 871,34.
[19] Dans sa défense/demande reconventionnelle, HBC conteste les actions intentées par les locateurs québécois. Elle soutient que :
[20] HBC estime donc qu’il ne peut y avoir résiliation. Elle prie le Tribunal, par sa demande reconventionnelle, de réduire les loyers dus à Cominar d’un montant total de 2 837 410,54$. Selon elle, elle a droit à une réduction de 100%, 75% ou 50%, respectivement, pour les jours où les magasins et les centres commerciaux étaient fermés, où les magasins étaient ouverts, mais où les centres commerciaux étaient fermés ou encore, où les magasins et les centres commerciaux étaient ouverts, mais où les centres commerciaux opéraient avec une réduction substantielle des services ce qui faisait en sorte que l’expérience vécue par la clientèle était grandement diminuée.
[21] Elle affirme aussi avoir payé en double des factures pour des montants de 82 449,16$ (Rockland), 889,45$ (Champlain) et 20 492,14$ (Laval).
[22] Elle soutient de plus qu’elle a droit au remboursement des intérêts totalisant (163 817,65 $) et des frais de justice (10 000 $) qu’elle a payés sous protêt.
[23] Elle recherche donc que la demanderesse soit condamnée à lui verser 3 119 112,17$.
[24] Les parties ont soulevé un grand nombre d’arguments dans les demandes principales et reconventionnelles.
[25] Durant le délibéré, la Cour d’appel, sous la plume du juge Benoît Moore, a rendu un jugement dans l’affaire Franchise MTY inc. Ce jugement a un impact important sur les arguments soulevés de part et d’autre[9]. En particulier, la Cour d’appel rejette l’argument voulant que les décrets sanitaires et mesures d’urgence constituent un trouble de droit. Elle examine aussi si l’achalandage peut être une composante de la jouissance paisible.
[26] Le Tribunal a donc suspendu son délibéré et a invité les parties à déposer des notes et autorités supplémentaires quant aux impacts de ce jugement sur l’instance. Les parties ont accepté cette invitation et en ont déposé en novembre.
[27] En tenant compte de tous les arguments présentés, le Tribunal estime devoir répondre aux questions et sous-questions suivantes :
[28] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal estime que HBC a droit à une réduction du loyer parce qu’elle n’a pas pu jouir paisiblement des Common Facilities des centres commerciaux, lorsqu’elles étaient non accessibles. HBC n’a toutefois pas droit à une réduction pour une prétendue perte de jouissance du magasin, ayant en tout temps eu la jouissance paisible délimitée dans le bail. Elle n’a pas fait la preuve de la perte d’achalandage, même en tenant pour acquis que le bail contienne une clause implicite de maintien d’achalandage. Finalement, elle n’a pas rempli son fardeau de démontrer que Cominar n’a pas opéré son centre commercial comme un first class shopping center, et ce, même en établissant que cette obligation en est une de résultat.
[29] Aussi, étant donné la rédaction claire et non ambiguë des clauses de résiliation qui préservent les recours dont HBC bénéficie en vertu des lois québécoises (but subject to other relief as may be available under the laws of the Province of Quebec), le paiement sous protêt en vertu de l’article 1883 C.c.Q. demeurait ouvert et HBC s’en est prévalu pour empêcher la résiliation des baux Champlain et Rockland. Elle l’a aussi valablement exercé pour empêcher la résiliation judiciaire du bail Laval.
[30] Voici les motifs qui appuient ces conclusions.
[31] Selon HBC, les mesures sanitaires imposées par le gouvernement et la réponse que Cominar y a donné constituent soit, un trouble de droit ou encore, une entrave à sa libre jouissance des locaux. Cette jouissance doit se mesurer à l’aune de l’obligation contractuelle de Cominar, dans le cas du Centre Rockland et du Mail Champlain, de fournir un first class shopping center.
[32] Si les mesures sanitaires avaient constitué un trouble de droit comme HBC le croit, il y aurait violation à une obligation de garantie dont Cominar n’aurait pu d’aucune façon se dédouaner. HBC aurait droit à une congé de loyer ou à une réduction proportionnelle du loyer conformément à l’article 1863 C.c.Q.
[33] Cet argument ne peut plus tenir à la lumière du jugement rendu par la Cour d’appel du Québec dans Franchise MTY inc. Le juge Moore qui en signe les motifs explique que « les décrets sanitaires visent à restreindre certaines activités de la population et les rassemblements dans le but de protéger la santé publique et non la gestion du bâti sur un territoire donné »[10]. Ils ne constituent pas « un trouble de nature « purement juridique », mais les conséquences d’une situation de pur fait, en l’espèce la COVID-19, et l’urgence sanitaire qui en découlent ».[11] Ils ne peuvent donc constituer un trouble de droit.
[34] Il reste donc à décider si HBC a été privée de la libre jouissance des lieux loués.
[35] Selon les périodes visées, HBC avance que Cominar n’a pas rempli en tout ou en partie cette obligation de résultat. L’achalandage est, comme obligation implicite, une partie intégrante de cette obligation. La réduction dramatique de l’achalandage qui se manifeste par la baisse de fréquentation des centres commerciaux et des magasins et la baisse des ventes de HBC, empêche la jouissance paisible du bien, en tout ou en partie.
[36] La réduction des services et des activités au sein des centres commerciaux est également incompatible avec l’obligation contractuelle expresse de Cominar d’opérer un centre commercial de première classe (first class shopping center). Cette obligation module l’obligation de fournir la jouissance paisible des lieux loués et est aussi de la nature d’une obligation de résultat. L’enlèvement des places assises, l’offre restreinte en alimentation, la fermeture des restaurants, l’annulation des activités et la réduction des services sont incompatibles avec un centre d’achat de première classe.
[37] Alternativement, si Cominar est relevée de cette obligation de résultat par une force majeure causée par l’effet des mesures sanitaires, Cominar ne peut exiger l’exécution de l’obligation corrélative de sa débitrice, HBC, de verser le loyer selon l’article 1694 C.c.Q. De même, si le loyer a déjà été versé sous protêt ou par l’effet de l’ordonnance de sauvegarde, il doit alors y avoir restitution.
[38] La réduction des loyers qu’elle recherche au montant total de 2 837 410,54$ est ventilée comme suit :
[39] Cominar s’oppose à tous ces arguments.
[40] Elle affirme avoir fourni la jouissance paisible des locaux HBC et des centres commerciaux, selon ce que les mesures gouvernementales lui permettaient de faire, comme le dictent les baux.
[41] Elle conteste que les baux comprennent une obligation implicite d’assurer un certain niveau d’achalandage. Ces baux ont été négociés par des parties sophistiquées, à partir d’un gabarit fourni par HBC. Ils ne contiennent aucune condition relative au maintien de l’achalandage. Elle ajoute que non seulement dans ce contexte, il serait inopportun d’ajouter une telle clause implicite, mais qu’en plus la clause de contrat complet/entire agreement se trouvant dans les baux écarte toute faculté de faire appel à des obligations implicites.
[42] De plus, l’obligation d’opérer les centres commerciaux comme des centres de première classe en est une de moyens et elle s’y est conformée.
[43] Finalement, Cominar conteste l’application de l’article 1694 C.c.Q.. Selon elle, Franchise MTY Inc. enseigne que la force majeure ne peut être avancée pour relever le créancier de ses obligations. Elle ajoute que, de toute façon, des activités ont eu lieu dans les magasins durant les périodes de fermeture et, que de ce fait, HBC a eu la jouissance paisible des lieux loués.
[44] Pour en juger, le Tribunal révisera dans l’ordre: (1.2) le droit, (1.3) les clauses des baux en rapport à chacun de ces arguments, (1.4) la nature et les effets des mesures sanitaires gouvernementales selon les sept périodes identifiées par HBC, (1.5) les efforts déployés par les parties, (1.6) la preuve des témoins idoines et experts sur la notion de centre d’achat de première classe (1.7) l’impact des mesures sur l’achalandage et les ventes pour finalement (1.8) procéder à la discussion et à la présentation de ses conclusions.
[45] Les éléments constitutifs essentiels du bail sont énoncés à l’article 1851 C.c.Q.:
1851. Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur s’engage envers une autre personne, le locataire, moyennant un loyer, la jouissance d’un bien meuble ou immeuble, pendant un certain temps.
Le bail est à durée déterminé à durée fixe ou indéterminée.
[46] L’obligation de procurer la jouissance paisible est une obligation fondamentale et essentielle du contrat de louage[12].L’article 1854 C.c.Q. précise:
1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.
[47] L’obligation du locateur en est une de résultat.[13] Le locateur ne peut s’en exonérer qu’en prouvant la force majeure ou la faute d’une personne dont il n’est pas responsable[14]. Les parties peuvent limiter la portée de l’obligation, mais elles ne peuvent pour autant faire disparaître cette obligation fondamentale[15].
[48] Selon l’auteur Deslauriers, « la jouissance paisible s’apprécie d’après la nature des lieux ou des biens loués et elle varie selon les circonstances ». Il faut donc « tenir compte de la nature du bien, l’occupant d’un chalet rustique ne pouvant s’attendre au même confort que le locataire d’une résidence plus luxueuse »[16].
[49] L’obligation de procurer la jouissance paisible s’étend « non seulement à l’espace loué décrit au bail, mais également à tout ce qui est nécessaire à l’utilisation des lieux »[17], c’est-à-dire, entre autres, « toutes les parties communes d'un immeuble auxquelles a accès le locataire d'une partie exclusive »[18].
[50] Il faut respecter l’ «environnement du bien loué», ce qui sera largement une question de faits à décider selon la « ville, le quartier, le caractère de l'édifice et le genre d'occupation du locataire»[19]. Selon le professeur Pierre-Gabriel Jobin, le locateur doit maintenir tous les services, commodités et avantages existant le jour de la formation du contrat et il n’est pas nécessaire que le service, l'avantage et la commodité soit mentionnés au bail[20].
[51] S’il y a inexécution de cette obligation de résultat, l’article 1863 C.c.Q. confère « au locataire le droit de demander une diminution de loyer ».
[52] L’auteur Jobin explique que cette réduction est évaluée en fonction de la « diminution de la jouissance, ou de la valeur locative, c’est-à-dire de la perte de l’usage et des avantages du bien loué ». Il propose de calculer la perte de jouissance en terme de pourcentage et de réduire le loyer selon ce pourcentage. Si cette « diminution de la jouissance a plusieurs causes, le tribunal apprécie globalement la perte de jouissance et la réduction de loyer »[21]. Cette approche a été adoptée par le juge Claude Bouchard dans Lafleur, où il conclut que le bruit provenant d’un centre de conditionnement physique troublait la jouissance paisible d’un locataire et où il ordonne une réduction de loyer de 5%[22].
[53] Les parties sont libres d’insérer explicitement dans le bail une clause gouvernant les obligations du locateur quant à l’achalandage.
[54] Dans toute analyse, il faut respecter le principe que les parties « sont d’abord régies par les clauses de leur bail et qu’en cas de silence de celui-ci, par les dispositions supplétives applicables au contrat de louage » ce qui s’accorde avec le principe fondamental de l’autonomie de la volonté[23].
[55] Il faut donc d’abord s’interroger si en l’instance le bail traite d’obligation en matière d’achalandage.
[56] Ensuite, même s’il n’y a pas de mention expresse à ce propos, il peut toujours subsister une obligation implicite d’assurer un certain achalandage. Une « telle obligation est reliée à la jouissance paisible des lieux et repose sur les circonstances propres de l’espèce, notamment la nature des lieux ou la synergie existant entre les différents commerces ou activités »[24]. Nécessairement, « l’économie générale du contrat de même que le contenu obligationnel explicite peuvent (…) contribuer à l’analyse »[25].
[57] La jurisprudence fournit certains exemples où une clause implicite d’achalandage est reconnue par les tribunaux.
[58] En particulier, la décision d’Aéroports de Montréal de transférer tous les vols de passagers en partance de l’aéroport Mirabel vers celui situé à Dorval avec, comme conséquence, des effets dévastateurs sur des parties louant des locaux à Mirabel, a donné lieu à au moins deux litiges où, par jugement, les tribunaux ont reconnu une obligation implicite de fournir un achalandage.
[59] Dans Franchise MTY inc., le juge Moore souligne que pour les centres commerciaux, « l’obligation implicite du maintien de l’achalandage du bailleur est généralement la contrepartie de l’obligation d’opération continue du locataire »[28]. Selon la Cour d’appel dans Protégé Properties Inc., « le succès des centres commerciaux dépend de la synergie entre les divers types de commerce qu'on y retrouve » et que « l'ensemble des commerces génère l'activité économique »[29]. L’auteur Deslauriers souligne que « la jouissance d’un local situé dans un centre commercial peut résulter entre autres du maintien de l’achalandage »[30]. Le juge Benoit Emery est d’avis qu’il « coule de source qu’un centre commercial dont les locaux sont inoccupés à 45% ne constitue pas des conditions gagnantes pour l’ensemble des locataires » et que « l’achalandage créé par l’ensemble des commerces constitue le principal attrait pour un locataire d’un centre commercial »[31].
[60] À l’opposé, dans Max Aviation inc., le locateur, un aéroport, avait restreint l’accès aux pistes pendant la nuit pour éviter de causes des troubles de voisinage aux voisins. Les demandeurs argumentaient qu’une obligation implicite se trouvait au bail de maintenir l’achalandage. Le juge Clément Gascon, écrivant alors pour la Cour d’appel du Québec, rejette cet argument.
[61] Il relève que le contrat de bail stipulait qu’« aucune obligation implicite souscrites par le bailleur ou en son nom ne doivent résulter des présentes »[32]. Il conclut aussi qu’il n’y avait « pas de preuve concluante démontrant que l'application des restrictions entraînera des conséquences telles à l'exploitation de leurs entreprises qu'il s'ensuivra une perte de jouissance paisible des lieux ou un changement permanent et substantiel de destination de ceux-ci »[33].
[62] Une clause de contrat complet ou d’intégralité – qui ne peut être réduite à une simple clause de style – peut écarter le recours à la preuve d’une condition implicite[34]. Pour contrer l’effet d’une telle clause, il faut une stipulation particulière suffisamment précise[35]. Sous l’égide du Code civil du Bas-Canada, la Cour d’appel considérait que de telles clauses constituaient un aveu que les parties ne se sont rien promis qui ne soit consigné au bail[36]. Or, cette qualification d’aveu a été remise en question par la Cour d’appel après l’entrée en vigueur du Code civil du Québec[37]. Ainsi, l’effet exclusif de la clause d’intégralité ne vaut que prima facie et n’empêche pas définitivement toute preuve contraire[38].
[63] Les parties s’opposent sur la question à savoir si l’obligation d’opérer le centre d’achat comme un first-class shopping center vise à moduler l’obligation de procurer la jouissance paisible. Si c’est le cas, cette obligation en serait nécessairement une de résultat. Autrement, selon Cominar, elle devrait nécessairement être une obligation de moyens.
[64] La qualification de l’intensité d’une obligation est une « tâche souvent délicate »[39]. Parfois le contrat précise. À cet effet, le Tribunal fera l’analyse des baux plus loin et notera qu’effectivement, le bail emploie en plusieurs occasions des expressions qui renvoie à une obligation de moyens, mais pas pour la clause centre commercial de première classe.
[65] Si l’analyse du vocabulaire employé ne fournit pas la réponse, ce sont la jurisprudence et la doctrine qui doivent déterminer l’intensité de l’obligation[40].
[66] Cominar invoque à cet effet l’affaire Mutuelle du Canada[41]. Le bail en litige stipulait que le locateur allait « continuously operate the Shopping Center as a first-class shopping center and in a manner consistent with the standards of similar shopping centers in the Metropolitan Area». Des locataires avaient quitté les lieux et le taux d’occupation avait diminué. Dans un tel contexte, le juge ne semblait pas convaincu que cette notion de « first class shopping centers » incluait une obligation de maintenir un taux d’occupation. Cela étant, il indique que si le locateur « has an obligation to lease its empty space under the lease, this is an obligation of means and not an obligation of result ». Il ajoute qu’il aurait été loisible d’insérer une clause à l’effet que si le taux d’occupation baisse en dessous de 75%, le locataire peut cesser d’opérer. Il note que cela était prévu dans un bail auquel ce même locataire était intervenu dans une autre ville[42]. Une telle clause existe aussi en l’instance, tel qu’il le sera expliqué plus bas.
[67] HBC invite plutôt le Tribunal à suivre le raisonnement épousé par la Cour supérieure dans Compagnie du centre de divertissement du Forum. Dans cette affaire, le propriétaire s’engageait à « operate and maintain the Premises as a first class entertainment facility similar to other first class entertainment facilities in the city of Montreal»[43]. Pour la Cour, il s’agit d’une obligation de résultat, comme d’ailleurs plusieurs autres obligations du même contrat.
[68] S’il n’en tenait qu’à ces deux jugements, le Tribunal serait enclin à considérer que l’obligation en est une de résultat. Vu le contexte particulier de l’affaire Mutuelle du Canada, le raisonnement de Compagnie du centre de divertissement du Forum s’avère plus persuasif. Le raisonnement doit toutefois toujours débuter avec le bail et cet exercice sera mené dans la sous-section 1.3.1.4 ci-dessous.
[69] Les articles 1693 et 1694 C.c.Q. énoncent :
1693. Lorsqu’une obligation ne peut plus être exécutée par le débiteur, en raison d’une force majeure et avant qu’il soit en demeure, il est libéré de cette obligation; il en est également libéré, lors même qu’il était en demeure, lorsque le créancier n’aurait pu, de toute façon, bénéficier de l’exécution de l’obligation en raison de cette force majeure; à moins que, dans l’un et l’autre cas, le débiteur ne se soit expressément chargé des cas de force majeure.
La preuve d’une force majeure incombe au débiteur.
1694. Le débiteur ainsi libéré ne peut exiger l’exécution de l’obligation corrélative du créancier; si elle a été exécutée, il y a lieu à restitution.
Lorsque le débiteur a exécuté son obligation en partie, le créancier demeure tenu d’exécuter la sienne jusqu’à concurrence de son enrichissement.
[70] Ainsi, si le locateur est libéré de son obligation de procurer une jouissance paisible, tel que par exemple si un incendie ravage les lieux loués, le locataire sera aussi libéré de son obligation de verser le loyer[44].
[71] Dans Henguyn,[45] le juge Kalichman, alors à la Cour supérieure, examine l’impact des mesures sanitaires sur les obligations des parties intervenues à un bail. Il conclut que le locateur ne pouvait procurer au locataire la jouissance paisible des lieux puisque les mesures sanitaires interdisaient au locataire de pouvoir exercer les activités du centre de conditionnement physique. Le locataire était en conséquence privé de sa jouissance paisible du lieu loué, malgré qu’il eût accès aux locaux et préservait le droit d’y entreposer de l’équipement.[46] L’article 1694 C.c.Q. commande qu’il ne pouvait donc pas exiger que le locataire paie son loyer[47].
[72] Le jugement dans Henguyn a été suivi par des juges de la Cour du Québec. Dans un jugement particulièrement étoffé et fouillé,[48] le juge Lévesque exprime l’avis qu’il ne suffit pas que l’accès aux lieux loués soit maintenu et que le locateur assume l’entretien, le chauffage et l’éclairage de l’immeuble pour qu’il y ait jouissance paisible. Il estime que « l’obligation de résultat du bailleur et les règles d’imputation des situations de force majeure et l’affectation des risques à cet égard prévue par la loi emportent que c’est le locateur qui doit supporter la perte »[49].
[73] Dans Franchise MTY inc., le juge Moore note que les parties n’ont pas plaidé la question de l’article 1694 C.c.Q. et qu’elle reste « entière ».
[74] Ayant examiné les principes juridiques applicables, il faut à présent passer en revue les baux.
[75] Les baux Champlain et Rockland sont très similaires, alors que le Bail Laval est d’une facture différente. Le Tribunal traitera donc d’abord (1.3.1) des baux Rockland et Champlain et puis du (1.3.2) du bail Laval.
[76] Quelques mots d’abord sur le contexte dans lequel ces deux baux ont été signés.
[77] Le Bail Champlain : l’histoire débute en 1987 alors que le propriétaire de l’époque, Ivanhoe, projette un agrandissement important du Mail Champlain. Une entente intervient pour la construction d’un magasin HBC[50] et éventuellement pour le paiement de annual basic rent et de common facilities management costs [51]. En 1991, un bail est signé[52]. Il est prévu que la construction durera un an. Un nouveau bail intervient le 8 mars 1996 (le « Bail Champlain »)[53]. Les parties notent explicitement au bail que les parties se basent sur un projet fourni par HBC[54].
[78] En 2016, le Mail Champlain fait face à l’arrivée d’un concurrent redoutable, le Quartier DIX30. Dans ce contexte, les parties redéfinissent leur relation. HBC s’engage à ne pas construire un magasin HBC dans un rayon de six kilomètres, ce qui inclut l’emprise du Quartier DIX30. En contrepartie, HBC confirme dès ce moment qu’il renouvellera le bail jusqu’en 2028, ce qui correspond aux troisième et quatrième renouvellements. Si HBC se prévaut de tous les renouvellements, la durée du Bail Champlain s’étendra jusqu’en 2088 le tout et pour toute la période à un annual basic rent de 8$, avec dispense de payer des Common Facilities Management Costs et des Real Estate Taxes.
[79] Le Bail Rockland : Il intervient en 1983, alors qu’une extension majeure du Centre Rockland est envisagée. En 2004, dans la foulée de la fin des opérations du magasin Eaton’s, et dans un souci avéré de « strongly reposition Rockland shopping center in its original well known high-end market»[55], la foire alimentaire est déplacée au troisième niveau qui est aussi reconfiguré. Le bailleur demande à HBC de confirmer qu’elle ne s’objecte pas à ces modifications, ce qu’elle fait[56].
[80] Ce contexte ayant été présenté, examinons à présent les clauses du bail en utilisant les mêmes principes organisationnels que ceux employés dans l’analyse des principes juridiques.
[81] Les baux Rockland et Champlain réitèrent l’obligation de procurer la jouissance paisible comme un covenant :
Bail Champlain |
Bail Rockland |
5.01. Covenants of the Landlord. The Landlord covenants with the tenant:
(1) for peaceable enjoyment; and (2) to observe and perform all of the covenants and obligations of the Landlord. | 5.01. Covenants of the Landlord. The Landlord covenants with the tenant:
(1) for quiet enjoyment, and (2) to observe and perform all the covenants and obligations under under this Lease. (…) |
[82] Le Tribunal estime que quiet enjoyment est synonyme de peaceable enjoyment (jouissance paisible).
[83] Les lieux loués (Leased Premises), qui se trouvent dans le Shopping Centre, comprennent, where the context requires or permits :
[84] Les Common Facilities comprennent:
[85] Le bailleur accorde à HBC et à ses customers le droit et la licence d’utiliser (right and license to use) les Common Facilities[61]. En particulier, HBC et ses customers ont le droit d’emprunter les allées (pedestrian passage and repassage)[62] et de faire usage des utilities and services [63] et d’emprunter les « corridors, entrances to and exits to Buildings, public washrooms and all other facilities provided for the common use and enjoyment as part of the Common Facilities »[64].
[86] Le bail Champlain comprend la réserve suivante : « provided that the Landlord shall not be liable to the Tenant to the extent that the Landlord, notwithstanding its reasonable efforts to remedy the situation, is legally restricted from providing such rights to use or from preventing others from such use». Le bail Rockland ne comprend aucune telle reserve.
[87] Les obligations de HBC relativement aux heures d’ouverture sont comme suit :
[88] Pour leur part, les locateurs doivent aussi respecter des obligations quant aux heures d’ouverture :
[89] HBC doit «comply with all legal requirements (including (…) orders of every governmental authority (…))affecting the (…) use or occupation» du magasin[72].
[90] Le bailleur doit aussi «comply […] with all related requirements (including […] orders of every governmental authority […]) affecting the […] use or occupation” du centre commercial»[73].
[91] En fait, le locateur « warrants and represents » ce qui suit :
1.02 (3) The tenants and occupants of the Shopping Centre including the Tenant and their respective employees and those having lawful business with them, including customers have legal pedestrian and vehicular access to the Shopping Centre and their respective premises therein over the portions of the Common Facilities provided for such access, and such access is not prevented or restricted by any statute, by-law, order or regulation of any governmental authority having jurisdiction or by any agreement to which the Landlord is a party;
[92] En contrepartie, HBC doit payer :
[93] Pour le Bail Champlain, les modalités gouvernant les Common Facilities Maintenance Costs ont été modifiées à deux reprises :
[94] Les baux ne contiennent aucune clause touchant spécifiquement à l’achalandage.
[95] Certains droits et obligations sont prévus relativement au taux d’occupation.
[96] Le bail Champlain contraint HBC à opérer son magasin de façon continue sauf pour les scénarios suivants:
6.00 (1) […] provided that the Second Major Department Store (for a Major Department Store Business) and not less than seventy-five percent (75%) of the Gross Leasable Area of Retail Premises in the Expansion Malls and not less than seventy-five percent (75%) of the Gross Leasable Area of Retail Premises in that portion of the Expansion Malls as has been cross-hatched in GREEN on the Site plan are all open for business.
[97] Le Bail Rockland permet à HBC de cesser de faire affaires et accorde en plus une réduction de loyer (abatement) à Rockland dans les cas spécifiques suivants :
4.04 Abatement of Rent. If at any time during the Term (a) the Second Department Store shall become vacant or cease to be open for business and remain so either for ninety (90) consecutive days or ninety (90) days within a one hundred and eighty (180) day period (exclusive of periods when business is prevented by Unavoidable Delay) or (b) fifty (50%) per cent or more of the Gross Leaseable Area of Retail Premises in the Shopping Centre (other than the Tenant Department Store and the Second Department Store) shall become vacant or cease to be open for business and remain so for ninety (90) consecutive days or ninety (90) days within a one hundred and eighty (180) day period (exclusive when business is prevented by Unavoidable Delay), and the Tenant, while such condition persists, ceases the conduct of business in the Tenant Department Store, all rent and other amounts payable to the Landlord under this Lease in respect of the Tenant Department Store (other than the basic rent referred to in clause 4.00 and 4.01, Real Property Taxes and insurance on and utilities consumed in the Tenant Department Store and Common Facilities Operating Cost contributions) shall cease and abate until the later of the date (i) fifty (50%) per cent or more of the Gross Leaseable Area of Retail Premises in the Shopping Centre (other than the Tenant Department Store and the Second Department Store) and (ii) the Second Department Store shall again be open for business (provided that if the Tenant elects to recommence the conduct of business in the Tenant Department Store the abatement shall cease), provided that in no event will such abatement cease until the Landlord has given no less than thirty (30) days' prior written notice to the Tenant of the removal of the conditions set forth in subclauses 4.04(a) or (b). It is acknowledged that, in any instance and regardless of whether abatement ceases in accordance with the foregoing provisions, the Tenant shall have a reasonable time not exceeding twelve (12) months in which to re-open the Tenant Department Store if it has ceased the conduct of business pursuant to this clause 4.04. It is acknowledged that, prior to exercising its right to cease conducting business, the Tenant will give no less than sixty (60) days' prior written notice thereof to the Landlord, which prior written notice may be given at any time.
[Soulignés du Tribunal]
[98] En traitant des heures d’affaires, le Bail Champlain stipule que le locateur doit déployer des «reasonable efforts» et, selon le Bail Rockland, des « continuing and diligent efforts » pour assurer que « as many of the tenants of the Sholling Center as possible » et «at least substantially all of the merchandising tenants on the Malls (…) remain open for business during such established hours of business, subject to Unavoidable Delay»[81].
[99] Cominar plaide que les clauses de contrat complet excluent toute obligation implicite.
[100] Voici ces clauses de contrat complet :
Bail Champlain | Bail Rockland |
26.05 Lease Agreement. This Lease and the Original Lease constitute the entire agreement of the parties pertaining to all of the matters and things herein dealt with and their relationship in their respective capacities of landlord and tenant. Where there is any conflict between the provisions of the Original Lease and this Lease, the provisions of this Lease shall prevail. | 25.13 Entire Agreement – The parties agree that this Lease has been entered into and pursuant to and in accordance with an agreement to lease and a Convention d’Amendment (collectively the “agreement to Lease”), which Agreement to Lease is more particularly described in a Memorial of Lease made January 28, 1983 and registered against title to the Shopping Centre Lands on January 28, 1983 under number 3326219, which Agreement to Lease remains in full force and effect save as hereinafter provided for. To the extent that this Lease and the Agreement to Lease are in conflict, the provisions of this Lease shall prevail and this Lease shall constitute an amendment to the Agreement to Lease. Except for this Lease and the Agreement to Lease, there are no other agreements between the parties dealing with the subject matter of this Lease. |
[101] Comme déjà annoncé plus haut, les baux prévoient des obligations gouvernant la tenue des magasins par HBC:
[102] Les baux Champlain et Centre Rockland comprennent les clauses suivantes quant aux obligations de Cominar quant à l’opération Shopping Centre :
Rockland | Champlain |
7.00 Operation of Shopping Centre. The Landlord shall (subject to the provisions of clause 20.00(4) in respect of additional uses, throughout the Term cause the Shopping Centre to be used and operated continuously as a first class shopping centre (having regard to all criteria relevant to such first-class shopping centres in the Greater Montreal Area, including municipal requirements) in accordance with the current leading standards of the shopping centre industry from time to time and not for any purpose without the consent of the Tenant. (…) | 7.00 Operation of the Shopping Centre. The Landlord shall throughout the Term cause the Shopping Centre to be used and operated continually as a first-class shopping centre (having regard to all criteria relevant in the Montreal Urban community and Ville de Laval) in accordance with the current leading standards of the shopping centre industry from time to time.
|
7.01 Standards of operation. The Landlord shall cause the Shopping Centre to be managed, operated, promoted and maintained in accordance with the then standards of management, operation, promotion and maintenance which have been adopted by first class-shopping centres in the Greater Montreal Area. | 7.01 Standards of operation. The Landlord shall cause the Shopping Centre to be managed, operated, promoted and maintained in accordance with the then standards of management, operation, promotion and maintenance which have been adopted by first class-shopping centres in in Canada. |
[103] Les baux emploient le concept d’Unavoidable Delay[84]. Le tribunal estime que ce terme étend les limites de ce qui serait autrement compris comme un événement de force majeure :
« Unavoidable Delay » means any prevention, delay, stoppage or interruption in the performance of any obligation of the parties hereunder due to strike, lockout, labour dispute, act of God or the occurrence of fire or other casualty, condition or cause which is beyond the reasonable control of the party obligated to perform despite all reasonable efforts of such party to perform (but such shall not include any inability to perform because of any lack of funds or any financial condition).
[104] Les baux énoncent ce qui advient des obligations des parties en présence d’un Unavoidable Delay.
26.00 Unavoidable delay. Whenever this Lease it is provided that any act ot things to be done or performed within a specified time, the time for doing or performance thereof shall be extended for a period equal to the period of the Unavoidable Delay operates to delay or prevent the act or thing required to be done or performed from being done or performed, and the party obligated to do or perform such act or thing shall not be deemed to be in default until the expiration of such thing shall not be deemed to be in default until the expiration of such time as so extended. Each party, upon becoming aware of same, shall promptly notify th other of the occurrence of any Unavoidable Delay which might prevent or delay the doing or performance of acts or things required to be done or performed by any such party and of such anticipated duration and consequences of such Unavoidable Delay.
[105] Le bail Laval est intervenu en 1971, alors que le Centre Laval était en voie d’être agrandi dans le cadre d’une « Phase deux »[85].
[106] Rupert’s Land Trading Company (Quebec) Ltd. comme HBC était alors connue, entendait construire un magasin sur un terrain loué par le Centre Laval. Le terme initial était de 27 ans et a ensuite été renouvelé à plusieurs reprises. À présent, il se terminera, à moins de renouvellement, le 1er octobre 2028.
[107] En 1971, il est prévu que le magasin sera muni de deux entrées extérieures et que le «Lessee shall have and maintain a major entrance between the enclosed mall of Phase Two and the Building»[86]. Le magasin doit être construit «in order to establish architectural harmony throughout the entire Shopping Centre, including Phase One and Phase Two»[87].
[108] HBC doit payer les taxes municipales et scolaires[88].
[109] Les Common Area Facilities sont définies comme incluant les stationnements, les « utilities », les trottoirs, l’éclairage, les « malls, courts and arcades », les « public washrooms »[89].
[110] Il est prévu que lorsque le centre d‘achat est ouvert, les « malls adjoining the Building and the mall entrance to the store […] shall be kept open so as to permit the free flow of pedestrian traffic as between such malls and the Lessee’s store»[90].
[111] Le Bail Laval emploie une formulation différente et moins contraignante quant à la qualité des services à rendre. Le bailleur doit offrir un centre d’achat «consistent with the development and operation of a major regional shopping centre »:
AND WHEREAS the Lessor will construct an addition to Phase One, which addition will contain a department store hereinafter referred to, to be constructed and operated by the Lessee herein, a Pascal Hardware Store (…) and other tenant stores with a Gross Leasable Area of at least 42,000 square feet, the foregoing additional development to the Shopping Centre being hereinafter sometimes referred to as “Phase Two”, which Phase Two will have enclosed, heated, air conditioned and landscaped malls, a court in front of the Lessee’s department store mall entrance of approximately the same area as that of the court of the Woolco mall entrance (unless the Lessor opts to make it larger and adequate services and parking facilities, as defined hereinbelow, consistent with the development and operation of a major regional shopping centre;
[112] Passons à présent en revue la chronologie des mesures gouvernementales et leur impact sur les opérations des centres commerciaux et HBC, selon les sept périodes suivantes identifiées par HBC.
- Période 1 : Période de flottement à la suite de la déclaration de situation d’urgence : 13 mars au 23 mars 2020;
- Période 2 : Première période de fermeture complète des magasins et des centres commerciaux : 25 mars au 24 mai 2020;
- Période 3 : Période d’ouverture du magasin et de fermeture des centres commerciaux : 25 mai au 18 juin 2020;
- Période 4 : Période d’ouverture des magasins et centres commerciaux avec des mesures restrictives variables : 19 juin au 24 décembre 2020;
- Période 5 : Deuxième période de fermeture complète des magasins et des centres commerciaux : 25 décembre 2020 au 7 février 2021
- Période 6 : Deuxième période d’ouverture des magasins et des centres commerciaux avec des mesures restrictives variables : 8 février 2021 au 12 juillet 2021;
- Période 7 : Troisième période d’ouverture des magasins et des centres commerciaux, mais avec restriction quant aux aires d’alimentation :20 décembre 2021 au 21 février 2022;
[113] Le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec déclare l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire québécois[91]. Cominar émet un communiqué le jour même expliquant les mesures qu’elle met en place.
[114] Les trois centres commerciaux demeurent ouverts.
[115] Le Mail Champlain retire les aires de jeux pour enfants et les aires internet. Au Centre Laval, trois portes d’accès sont fermées à partir du 16 mars 2020 et la clientèle n’a plus accès aux salles d’allaitement, aux fauteuils roulants et aux poussettes. Au Centre Rockland et au Mail Champlain, les foires alimentaires et les restaurants ferment à partir du 21 mars.
[116] Le 17 mars 2020, Ian Nairn, le chef de l’exploitation décide de fermer tous les magasins HBC. HBC dit agir ainsi en réponse à l’appel du chef du Center for Disease Control états-unien, le Dr. Fauci, pour « flatten the curve ». HBC annonce qu’elle mettra en place une stratégie de ramassage en bordure de magasin et de livraison des produits de type « Major Home Fashion » tout en maintenant son service de vente en ligne. Des témoignages, le Tribunal comprend que cela ne se sera en place qu’en mai 2020.
[117] Le 23 mars 2020, par l’arrêté 2020-008, la ministre responsable ordonne que « soient suspendues les activités exercées (…) dans les commerces de vente au détail situés dans les centres commerciaux (…) à l’exception de ceux disposant d'une porte extérieure permettant d’y accéder directement sans passer dans les aires communes du centre commercial ».
[118] Dès le 25 mars, par le décret 223-2020, le gouvernement ordonne aussi la fermeture des magasins pour le commerce, sauf ceux fournissant des biens prioritaires. HBC ne se qualifie pas à ce titre et ne peut demeurer ouvert.
[119] Seule une présence squelettique de personnel est autorisée et assurée.
Qu’à compter du 25 mars 2020, toute activité effectuée en milieu de travail soit suspendue, sauf à l’égard:
1° des milieux de travail où sont offerts des services prioritaires prévus en annexe;
2° des opérations minimales requises pour assurer la reprise des activités des entreprises œuvrant dans les services non prioritaires, à l’exclusion des commerces ;
QUE cette suspension n’empêche pas le télétravail dans une résidence privée ou dans ce qui en tient lieu;
QUE cette suspension n’empêche pas non plus le commerce en ligne ou toute autre forme de commerce à distance;
[120] Quatre personnes qui étaient liées à la Baie durant la période concernée ont témoigné. Il s’agit de :
[121] Ces témoignages ne forment pas un tout cohérent. Le Tribunal accorde une grande force probante aux récits d’Oligny et de Ferdinand qui ont été présentes au sein des magasins HBC à tous les moments pertinents et qui témoignent de façon précise, équilibrée et imagée.
[122] Ouvrons ici une parenthèse. Avant même que la pandémie ne survienne, HBC vendait déjà ses produits en ligne. Lorsque des personnes plaçaient les commandes en ligne, elles pouvaient opter pour un de deux modes de livraison :
122.1. La livraison par Postes Canada : le bien était en principe livré de l’entrepôt centralisé de HBC. Cet entrepôt est demeuré ouvert pendant toute la pandémie et le loyer était payé. Si le bien n’était pas disponible à l’entrepôt, le service de technologie de l’information (« TI ») de HBC pouvait demander à un magasin qui avait le bien en inventaire de le faire livrer à la personne cliente. Une liste des commandes à remplir était expédiée quotidiennement au magasin. Le personnel du magasin devait alors faire les démarches pour préparer l’item pour expédition et communiquer avec Postes Canada pour le ramassage du colis.
122.2. Le ramassage du bien en magasin (« BOPIS » pour Buy online and pick-up in store) : les logiciels établissaient, en fonction de son code postal, le magasin le plus proche lorsque la personne se prévalait de cette option. Si le bien y était, la livraison BOPIS lui était offerte. Dans un tel cas, une fois le bien était prêt pour prise en charge, la personne devait se rendre au comptoir général, où son bien l’attendait, déjà emballé dans un sac, avec la facture brochée sur le sac.
[123] Revenons à la chronologie. Durant cette période 2, les magasins étant fermés au public, les ventes se déroulent exclusivement en ligne. Environ quatre à six employés incluant les directrices sont en magasin pour assurer les services suivants :
123.1. Des camions livrent des produits, une ou deux fois par semaine, aux quais de chargement. Les employés placent le stock en prévision de la réouverture éventuelle.
123.2. Les employés préparent l’expédition des biens que le service des TI leur demande d’expédier et ils les remettent à Postes Canada pour envoi.
123.3. Éventuellement, le système BOPIS peut être relancé, mais avec un ramassage en bordure de magasin (curbside). Les employés traitent les commandes BOPIS. Ferdinand ne se souvient que d’une commande qui a été ramassée curbside dans la première semaine. Pour Oligny, c’était 4 à 6 par semaine tout au plus.
[124] Le 20 mai 2020, le gouvernement québécois décrète, avec effet au 25 mai 2020, que la suspension des activités effectuées en milieu de travail est levée à l’égard des commerces de vente au détail qui sont situés sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal en autant « 10 que ces commerces disposent d’une porte extérieure habituellement utilisée par la clientèle » et « 20 que l’accès à ces commerces par une aire commune intérieure soit interdit »[92].
[125] HBC peut donc rouvrir les portes donnant accès à ses magasins par l’extérieur, mais non par les portes y donnant accès à partir des Common Facilities.
[126] Voici ce que le Tribunal retient des opérations de HBC qui se déroulaient durant cette période :
126.1. Les magasins opèrent conformément aux mesures et procédures énoncées dans un document détaillé généré pour la réouverture en mai 2020[93]. Les directeurs de magasin doivent en prendre connaissance.
126.2. L’équipe régionale et nationale offre du soutien et des suivis sont effectués par visio conférence.
126.3. Au Centre Laval, seules deux portes sont ouvertes pour contrôler les aller et venues.
126.4. Les retours ne peuvent se faire qu’à un seul endroit.
126.5. Les salles d’essayage et les stations maquillage et échantillons sont éliminées.
126.6. Des panneaux de plexiglass sont placés devant les caisses et les bureaux. Des personnes comptent les entrées afin d’assurer le respect de la capacité maximale, dirigent le trafic et invitent les clients et clientes à se désinfecter les mains.
[127] Il est intéressant de comparer ces opérations dans les centres commerciaux avec celles du magasin La Baie situé sur la rue Sainte-Catherine dans le centre-ville de Montréal. Ce magasin est qualifié de magasin flagship vu les produits haut-de-gamme qui s’y trouvent. Pascal Sauro, directeur du magasin HBC explique comment les choses se déroulent à cet endroit.
[128] Il se rapporte à une vice-présidente qui a la charge des magasins flagship. Ils ont des entretiens hebdomadaires et des conférences zoom. Il n’y a pas de changements notoires dans ces interactions, mais il reçoit plus de communications. Il n’a aucun contact avec Moore ou Putnam.
[129] Il n’a pas connaissance des mesures particulières appliquées aux infrastructures de ventilation et climatisation. Ils mettent en place l’outil Digital Chat par lequel 15 personnes munies de téléphone pouvaient prêter assistance aux clients et clientes en tout temps.
[130] À partir du 19 juin 2020, les centres commerciaux ouvrent de nouveau leurs portes. Le port du couvre-visage est obligatoire à partir du 15 juillet 2020 et le demeurera jusqu’au 14 mai 2022[94].
[131] Diverses mesures doivent être mises en place qui limitent les services et aménagements offerts à la clientèle.
[132] Les opérations de La Baie continuent à se dérouler comme depuis l’ouverture le 25 mai 2020 sous réserve du fait que les portes donnant sur le centre commercial peuvent être ouvertes.
[133] Les portes des magasins La Baie ne sont pas nécessairement ouvertes en tout temps. Ainsi, Ferdinand explique que les portes du 1er étage de la Baie au Centre Rockland donnant sur une aile du centre d’achat étaient ouvertes au gré des besoins du magasin, mais pas systématiquement. Des ambassadeurs voyaient à la circulation.
[134] En ce qui a trait aux mesures déployées dans les centres commerciaux, divers tableaux ont été déposés en preuve.[95],
[135] Le Tribunal en tire les constats suivants:
135.1. Les entrées : Pour Rockland, Mail Champlain et Centre Laval, elles sont demeurées ouvertes.
135.2. Les stationnements : Pour Rockland, ils sont demeurés ouverts pour toute la période. Pour Mail Champlain, les étages 1, 2 et 3 étaient fermés et seul le stationnement du rez-de-chaussée était accessible. Aucune remarque n’est rapportée pour le Centre Laval.
135.3. Les fauteuils roulants : Pour Rockland, ils étaient disponibles à partir de septembre 2020, devant être désinfectés après chaque utilisation. Pour Mail Champlain, trois fauteuils roulants étaient disponibles à partir de septembre. Au Centre Laval, ils étaient non disponibles à partir du 16 mars. Ils ont été remis en circulation le 15 octobre.
135.4. Les poussettes : Pour Rockland, elles étaient non-disponibles pour toute la période. Pour Mail Champlain, des poussettes coquilles seulement étaient disponibles à partir du 27 août 2020. Au Centre Laval, elles étaient non disponibles à partir du 16 mars. Elles ont été remises en circulation le 15 octobre.
135.5. Les aires internet : Pour Rockland, elles étaient non-disponibles. Pour Mail Champlain, elles ont été retirées. Aucune remarque n’est rapportée pour Centre Laval.
135.6. Les salles familiales et salles d’allaitement : Pour Rockland, elles étaient non disponibles. Ensuite, à partir d’octobre 2020, une famille à la fois pouvait s’y trouver et l’aire devait être désinfectée après chaque utilisation. Au Mail Champlain, les salles d’allaitement n’ont plus été disponibles. Les salles familiales ont été ouverts sur demande à partir du 15 octobre et ne pouvaient être fréquentées qu’une famille à la fois. Au Centre Laval, la salle d’allaitement était non disponible à partir du 16 mars. Elle a été ouverte le 15 octobre.
135.7. Le mobilier permettant de s’asseoir : Pour Rockland, il a été enlevé le 29 mai 2020 et n’a plus été installé. Au Mail Champlain, les banquettes se trouvant dans les allées ont été retirées, alors que le mobilier de la cour alimentaire a été regroupé et recouvert pour qu’il ne puisse plus être utilisé. Aucune remarque n’est rapportée pour Laval.
135.8. Les aires de jeu : Seul le Champlain en a une. Elle a été retirée en avril 2020. Les manèges pour enfants ont été installés en janvier 2021, un produit neutralisateur contre les virus étant régulièrement appliqué.
135.9. Casiers : Seul Champlain en a. Ils n’étaient pas disponibles pendant toute la période.
[136] À partir du 12 juillet 2021, il n’y a plus de restrictions limitant la capacité d’accueil des commerces de détail, les commerçants devant « cependant gérer l’achalandage afin de pouvoir maintenir une distanciation de 1 mètre en tout temps entre les personnes de résidence différentes »[96].
[137] Les foires/aires alimentaires et restaurants ont des règles particulières qui peuvent différer de celles qui s’appliquent aux centres commerciaux ou aux commerces de détail. Diverses mesures s’appliquent à divers moments selon les arrêtés et décrets applicables[97]. Voici la situation au sein des trois centres commerciaux, alors que les centres commerciaux sont ouverts au public.
137.1. Rockland : du 22 juin au 1er juillet 2020, la capacité est limitée à 20%. La foire est ensuite fermée pour rouvrir durant le mois de septembre jusqu’au 2 octobre 2020, mais avec une capacité limitée à 25%. À partir du 3 octobre 2020 jusqu’au 7 juin 2021, les salles à manger sont complètement fermées et seules les commandes à emporter et la livraison sont autorisées;[98]
137.2. Mail Champlain et Centre Laval : du 22 juin à la fin juillet 2020, la capacité est limitée à 50%. La foire est fermée pendant le mois d’août et ouvre le 1er septembre jusqu’au 2 octobre 2020, avec une capacité limitée à 50%. À partir du 3 octobre 2020 jusqu’au 31 mai 2021, les salles à manger sont complètement fermées et seules les commandes à emporter et la livraison sont autorisées[99].
[138] Des restaurants se trouvent aussi dans les centres commerciaux. Voici ce qui en ressort :
138.1. Rockland : à part un bref intermède du 22 juin à la fin juillet 2020 où l’occupation pouvait être de 20 à 25%, les restaurants Okane Sushi, Starbucks et Eggspectations étaient fermés.
3.1 Mail Champlain : 50% des places sont disponibles pour le bref intermède au Café Dépôt et au Starbucks. Ils sont ensuite fermés.
3.2 Centre Laval : aucune remarque.
[139] Les activités et événements sont aussi grandement affectés[100]. Les activités suivantes sont annulées : celles liées à Pâques, l’activité « Swap tes fringues » au Centre Laval et le vendredi fou/Black Friday au Centre Laval, au Mail Champlain et au Centre Rockland. La rencontre du Père Noël doit se faire à deux mètres au Mail Champlain, et au Centre Laval avec réservation en ligne. Le village du Père Noël n’est pas érigé au Centre Rockland. Des activités en ligne pour Pâques et un calendrier de l’Avent en ligne ont été organisés.
[140] À partir du 4 décembre 2020[101], les autorités gouvernementales limitent la capacité d’accueil des centres commerciaux et des magasins à un client par 20m2.
[141] Le 23 décembre 2020, le gouvernement québécois décrète à nouveau la fermeture des magasins de détail tel HBC. Il est également ordonné que « la clientèle d’un centre commercial ne puisse circuler dans les aires communes du centre que pour se rendre directement à l’un des commerce » qui n’est pas exempté ou à un « autre lieu dont les activités ne sont pas suspendues »[102]. Selon les représentations des parties, les centres commerciaux étaient, en fait, fermés.
[142] Les magasins et les centres sont ouverts à nouveau.
[143] Il y a toujours une restriction quant à la capacité maximale, c’est-à-dire un client par 20m2.
[144] Les foires d’alimentation demeurent fermées.
[145] Vu la date à laquelle les engagements ont été fournis, le Tribunal ne dispose que peu d’information quant aux mesures prises dans les centres commerciaux après janvier 2021.
[146] Du 20 décembre 2021 au 21 février 2022[103], les limites de capacité d’accueil sont de nouveau en place, soit un client par 20m2.
[147] Du 31 décembre 2021 au 30 janvier 2022 inclusivement, la fermeture des salles à manger est à nouveau décrétée. Elles peuvent être réouvertes le 31 janvier 2022, avec une capacité réduite de 50% et toujours avec d’importantes restrictions au niveau des individus qui pouvaient se trouver autour d’une même table.
[148] À partir du 12 février, les restrictions sont levées dans les salles à manger, sous réserve du fait qu’un maximum de 10 personnes ou les occupants de trois résidences peuvent se trouver autour de la même table[104].
[149] Le 21 février, le gouvernement lève les limites de capacité d’accueil[105].
[150] Voici ce que le Tribunal retient de la preuve.
[151] Jean-Marc Rouleau, après une longue carrière dans l’immobilier, se joint en 2019 à Cominar où il occupe la fonction de vice-président exploitation. Il voit à la gestion stratégique, au quotidien, d’un parc immobilier comprenant 10 millions de pieds carrés d’espaces locatifs et 20 centres commerciaux. Au moment où il témoigne, il n’est plus à l’emploi de Cominar préférant travailler à Toronto où demeure sa famille.
[152] Il est donc au cœur de l’action lorsque la pandémie mondiale se manifeste.
[153] Rouleau participe aux activités de BOMA. BOMA est une association à l’échelle canadienne, qui a une section québécoise et qui regroupe les propriétaires de 80% de tout le parc immobilier commercial.
[154] Aussi, cet organisme épaule les membres dans la préparation de plans d’urgence. Ainsi, un « Guide to Pandemic Planning »est généré en 2017e et à nouveau en 2019.
[155] Rouleau occupe donc une position privilégiée pour comprendre les enjeux et échanger avec les acteurs importants.
[156] Chaque propriété de Cominar a un plan d’urgence qui comprend un plan de pandémie. Ce plan a été affiné à travers les crises sanitaires passées, tel le virus du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV) ou la grippe H1N1.
[157] Dans la foulée de la détection du virus Covid-19 et du signalement du premier cas de Covid-19 en Ontario d’une personne ayant visité Wuhan, ce que l’on croit être le foyer du virus, Cominar met à jour, en janvier 2020, son plan de pandémie [106] et à nouveau en février 2020[107].
[158] Comme le prévoit le plan, avec les craintes suscitées par le Covid-19, un comité de pandémie est mis sur pied le 30 janvier 2020. À part lui, il est constitué de deux personnes œuvrant au sein des ressources humaines, deux personnes de la sécurité et d’une personne en technologies de l’information[108].
[159] Rouleau assiste aux réunions du comité de pandémie Cominar, mais aussi aux réunions d’un comité de travail de BOMA qui se tiennent pour faire face à la pandémie et pour coordonner des mesures d’exploitation. Y participent, outre des représentants de locataires, des personnes liées au gouvernement fédéral, des fournisseurs importants en services ménagers et en sécurité entre autres des consultants en mesure d’urgence.
[160] Ces réunions du comité de travail de BOMA se tiennent d’abord hebdomadairement du 25 mars au 24 juin 2020, puis bi-hebdomadairement et, enfin, mensuellement[109]. Le 18 juin 2020, BOMA publie un guide « Préparer votre bâtiment pour le retour au travail »[110].
[161] Le 13 mars 2020, Cominar informe ses locataires par une note expédiée par Rouleau qu’elle n’a pas été avisée par les autorités gouvernementales de fermer ses propriétés ni de réduire ses heures d’ouverture[111]. Elle offre toutefois à ses locataires dans un souci de « support the collective effort in preventing the risk of spreading Covid-19 » de réduire les heures d’ouvertures du lundi au vendredi de 11 :00 à 19 :00 et le samedi et dimanche de 11 am à 17 :00. Évidemment, HBC ne se prévaut pas de cette option ayant déjà unilatéralement fermé ses magasins.
[162] Fin mars, 2020, Bruce Moore, le vice-président senior immobilier, qui se rapporte à Ian Putnam communique avec Jean Laramée, vice-président exécutif développement pour l’informer qu’HBC ne paierait pas le loyer du mois d’avril. Il recommunique avec lui fin avril pour lui indiquer qu’il ne paiera pas le loyer de mai non plus.
[163] Les 1er et 4 mai 2020[112], alors qu’une réouverture est entrevue, Cominar, avise ses locataires par une note signée par Rouleau des « preventive measures in place for the health and safety of our occupants and clients » en résumant les protocoles qui seront mis en place dont : les efforts de désinfection, le remplacement des filtres et l’optimisation des systèmes de ventilation, l’installation de signalisation pour diriger le trafic, la formation des employés, l’élimination ou la restriction de l’accès à certains espaces, comme les foires alimentaires ou les salles d’allaitement et l’enlèvement du mobilier dans les espaces communs. Dans le même communiqué, elle rappelle aux locataires quelles sont leur responsabilité. Elle lance l’invitation suivante: « feel free to contact us if you have any other questions. We will be happy to clarify any points necessary to ease your mind ».
[164] HBC ne communique pas ni ne s’oppose à ces mesures. Putnam témoigne ne pas en avoir connu l’existence avant septembre 2020.
[165] Un plan de relance commerciale en date du 14 mai 2020 atteste des stratégies et efforts déployés[113]. Rouleau explique que le gouvernement québécois semblait peu enclin à permettre l’ouverture des centres d’achat et ce genre de plan visait à lui donner du réconfort quant aux efforts déployés. Ce plan n’est pas partagé avec HBC[114] bien que d’autres locataires en est eu copie en ayant fait la demande. Putnam témoigne qu’il n’a pas demandé une copie de ce plan et que personne chez HBC n’en aurait fait la demande.
[166] Ce plan de relance comprend un code de conduite qui serait affiché sur les portes d’entrées, des limites d’occupants dans l’établissement contrôlées par des agents de sécurité et l’élimination des accès intérieurs pour les commerçants avec entrée extérieure, des restrictions et instructions pour les aires communes, pour le kiosque d’information, foires alimentaires, les toilettes publiques, les ascenseurs, l’entretien ménager et sécurité, la communication et la signalisation. Des photos montrent précisément comment ces mesures se manifesteront concrètement. Ce plan est régulièrement mis à jour, entre autres, le 20 novembre 2020[115].
[167] En préparation de l’ouverture du centre d’achat en mai 2020, Cominar prépare et administre un sondage dont l’objectif, selon le commentaire introductif du sondage, de lui permettre « d’en savoir davantage » sur les attentes de la clientèle et sur ses nouvelles habitudes de magasinage. 4 202 personnes y ont répondu. Les questions portaient sur les mesures d’hygiène et de salubrité (désinfection des mains de tous les visiteurs et nettoyage fréquent des points de contact), des mesures de distanciation (respect de la distanciation/limiter le nombre de clients), le port du couvre-visage (employés/tous les clients) et les solutions technologiques (mode de paiement sans contact/application pour rendez-vous)[116].
[168] Cominar a ajusté ses stratégies en fonction des réponses obtenues. Ainsi, par exemple, ils n’ont pas adopté la possibilité de prise de rendez-vous.
[169] Putnam n’a pas connaissance d’un sondage qu’HBC aurait conduit sur la perception qu’a la clientèle sur le caractère sécuritaire de la présence physique en magasin. Il semble bien qu’il y en ait eu un tel qu’il en sera question dans l’analyse du rapport de Dr. Jordan Lebel plus loin.
[170] Des efforts soutenus sont déployés visant les médias de communication, l’infolettre, le site web des propriétés, l’affichage dans les sites, autant au niveau statique que numérique. Des exemples de messages conviés sur les sites web pour les trois centres commerciaux sont déposés[117] Du « push marketing » est fait sur les sites web des centres commerciaux, les blogues, sur Facebook et Instagram, où les produits des locataires sont mis en valeur[118].
[171] Cela étant, les dépenses marketing de Cominar sont réduites dramatiquement tel qu’il le sera plus amplement expliqué dans l’analyse du rapport du Dr. Nantel.
[172] Quant à HBC, Putnam confirme que les dépenses de marketing de HBC ont diminué, car il n’y avait pas lieu d’entrainer les clients vers les magasins. Ces baisses se traduisent autant pour le core marketing que pour le digital marketing[119]. Ceci est aussi discuté dans le rapport du Dr. Lebel.
[173] Aucune plainte n’a été formulée à Cominar par HBC quant à l’opération du centre d’achat et ce jusqu’en septembre 2020 en réponse aux avis de résiliation.
[174] Durant toute cette période, le seul courriel déposé au dossier émane de Ferdinand qui écrit le 1er mai à la gestionnaire de Cominar, Debbie Ruel, pour l’informer que depuis la réouverture du magasin il y a un « lack of directional signage for customers to know which door they can enter for La Baie ». Elle s’enquiert si « this is something we would be able to add directions for the client»[120]. En moins de trois heures, Ruel lui répond qu’ils vont « adjust the posters we put out on Friday so that they may direct our customers» et qu’elle y verrait «today or tomorrow at the latest»[121].
[175] Ruel s’enquiert en retour: « how was your traffic for your first week? Are you happy with results? » ce à quoi Ferdinand lui répond que le traffic était « decent », mais que cela visait surtout les retours et qu’il y avait beaucoup de tentatives de vol à l’étalage. Ferdinand lui demande alors quand il est entrevu que le Centre Rockland ouvrira ses portes. Ruel lui répond qu’elle espère que le gouvernement donnera le feu vert le 15 juin et indique que des avis seront expédiés.
[176] Ferdinand clôt l’échange en indiquant : « Excellent thank you! »[122].
[177] Oligny pour sa part ne se souvient pas avoir eu de discussions avec la gestionnaire du Centre Laval. Elle connaissait son adresse courriel, mais n’est pas entrée en communication avec elle.
[178] Lorsque les locataires n’étaient pas en mesure d’avoir suffisamment de personnel pour contrôler les entrées, Cominar en fournissait, utilisant notamment les employés des foires alimentaires qui se trouvaient sans fonction dans la foulée de la fermeture des foires.
[179] Lorsque Cominar met HBC en demeure de payer son loyer en juin 2020, HBC ne se plaint pas non plus de services insuffisants. En fait, elle s’enferme dans le mutisme.
[180] En réponse à une demande d’engagements dans le cadre des interrogatoires au préalable, HBC n’a pas non plus été en mesure de « retrieve » une seule plainte de clients. Le Tribunal conclut qu’HBC n’établit pas l’existence de telles plaintes.
[181] Ce n’est que quelques deux semaines après la réception de l’avis de résiliation extrajudiciaire que HBC soulève, dans une lettre de ses avocats, soit cinq mois après avoir cessé de payer son loyer, l’existence de manquements de ce qu’elle estime être une obligation de garantie (obligation of warranty) de procurer la libre jouissance des lieux et d’opérer un first class shopping center. Les avocats d’HBC expliquent [123]:
In fact, the Operating Obligations impose upon your client, notably, a fundamental and unqualified obligation to attract and sustain a level of patronage and foot traffic expected for first-class shopping centres. However, since the reopening of the Shopping Centres, there has been a catastrophic drop in the level of patronage and foot traffic at the Shopping Centres, such that our client has been operating and continue to operate at a loss in the Shopping Centres. Covid-19 and the associated government measures continue to have a devastating impact on Canada’s retail sector, including the customer catchment areas for the Shopping Centres. Notwithstanding this, your client has yet to take any concrete and effective measures to ensure the health and safety of all Shopping Centre tenants, employees and customers at all times while they are permitted to enter on and use the public areas of the Shopping Centres or to encourage anything close to historic levels of patronage in the Shopping Centres. Making hand sanitizer available is frankly insufficient at this stage.
[Soulignés du Tribunal]
[182] Vu les efforts déployés décrits ci-dessus, cette évaluation est clairement erronée. D’importantes mesures ont été prises. Aussi, les remarques sur l’achalandage sont incorrectes tel qu’il le sera plus amplement discuté dans la section 1.7 ci-dessous.
[183] Pour donner du sens à la notion de centre commercial de première classe, le Tribunal a consulté des communiqués de Cominar, a entendu ou lu le témoignage de Putnam et Boutin et a pris connaissance des rapports de deux experts et a entendu leur témoignage. Voici ce qu’il en retire.
[184] Putnam explique qu’un first class shopping centre abrite des locataires de grande qualité (high quality tenants) et offre une grande palette de commerces, des foires alimentaires, des restaurants et des théâtres, le tout pour prolonger le temps que la clientèle passera dans le centre commercial – le dwell time[124].
[185] Boutin confirme également que plus l’on améliore « l’expérience » vécue par la clientèle dans le centre commercial, le « mieux c’est ». Il faut donc diversifier les activités : magasinage, alimentation, conditionnement physique. Plus que l’offre proposée par le centre commercial est abondante, plus long sera le temps que la personne voudra y passer. C’est le concept du dwell time[125].
[186] Aussi, dans des communications faites en 2018, Cominar explique qu’elle doit offrir une expérience client « unique »[126]. Cela passe par la diversification de l’offre qui doit aller au-delà du simple environnement physique. Il faut créer des « espaces commerciaux modernes et des expériences uniques »[127].
[187] HBC fait appel au Dr. Jacques Nantel. Aujourd’hui professeur émérite des HEC, il a été tour à tour directeur du service de l’enseignement marketing, titulaire de la Chaire de commerce de détail Omer DeSerres et, titulaire et fondateur de la chaire en commerce électronique RBC Groupe Financier. Au cours des dix dernières années, il compte plus de deux cents articles et conférences. Il a publié de nombreux articles dans des périodiques prestigieux[128].
[188] Il importe d’abord de souligner que lorsque le Dr. Nantel rend son rapport, il doit servir non seulement pour les trois dossiers dont le Tribunal est saisi impliquant le locateur Cominar, mais aussi pour les deux autres dossiers impliquant d’une part les Galeries de la Capitale et les Promenades Gatineau affiliées à Oxford Properties Group et Carrefour Angrignon propriété de Carrefour Richelieu Realties Ltd.[129]. Ces dossiers ont depuis lors été réglés.
[189] Le Dr. Nantel ne fait pas de distinctions entre les stratégies adoptées par ces trois groupes ce qui, en soi, est intriguant.
[190] Son rapport se décline en trois temps. D’abord, il explique quelles sont les composantes d’un « first-class shopping center » qu’il traduit par l’expression française centre commercial de première classe. Ensuite, il examine comment les mesures gouvernementales ont affecté ces composantes. Finalement, il passe en revue les mesures prises par les locateurs pour s’adapter à la situation « notamment en ce qui a trait à l’analyse du marché et des préoccupations des consommateurs de même qu’aux mesures de marketing » et évalue si les mesures prises par les locateurs étaient appropriées et adéquates[130].
[191] Un centre commercial « n’est pas qu’un simple ensemble de commerces regroupés sous un même toit », mais plutôt un « ensemble planifié et intégré qui assure une synergie commerciale et un environnement de magasinage spécifique »[131]. Les services offerts s’inscrivent dans deux dimensions : la dimension utilitaire et la dimension hédoniste.
[192] Dimension utilitaire. Elle inclut un « mix » de détaillants pour créer la synergie désirée et doit prévoir la possibilité d’ajouter des commerces et services pour bonifier l’effet de synergie recherché. Elle comprend des entrées bien identifiées et facilement accessibles à pied et par véhicule. Elle minimise les distances de transit et fournit des places de stationnement suffisantes et à proximité et des aires de livraison. Le Tribunal note que ces éléments se retrouvent dans les obligations souscrites par le locateur dans les baux Champlain, Rockland et Laval.
[193] Dimension hédonique. Elle inclut des aires communes (des aménagements paysagers, de l’éclairage, de l’affichage, des aires de repos créant un environnement sécuritaire, plaisant et attrayant), une signature commune par un style architectural défini et coordonné d’un détaillant à l’autre et des événements et activités. C’est cette composante qui caractérise en grande partie un centre commercial de première classe et qui influencera le nombre de consommateurs et le temps qu’ils y passeront (dwell-time). Cela augmentera donc l’achalandage et, en conséquence, les niveaux de ventes. Littérature scientifique à l’appui[132], il indique que la dimension hédonique a comme effet de contrer la montée en ligne du commerce en ligne[133]. Il note que l’achalandage et les ventes sont mises de l’avant par Cominar dans leurs fiches promotionnelles[134].
[194] En résumé, un centre commercial de première classe doit offrir : des aires communes visuellement attrayantes, des restaurants et une foire alimentaire diversifiée et invitante, une série d’activités promotionnelles ludiques et un « mix de commerces et services »[135].
[195] Traitant ensuite de la pandémie, il souligne que les mesures et directives des gouvernementales ont drastiquement changé l’environnement, l’ambiance et l’expérience offerte par les centres commerciaux[136]. Il s’agit d’une « période unique dans l’histoire » et « jamais auparavant les critères jugés essentiels par les consommateurs afin de visiter un centre commercial avaient été à ce point bousculés »[137]. La composante hédonique est « à tout fin pratique disparue »[138]. « On peut donc raisonnablement penser que l’inaccessibilité des aires communes, des commodités et des foires alimentaires cela a un impact négatif substantiel » sur la volonté de la clientèle de s’y rendre, sur le confort et le plaisir qu’ils y ressentent et sur le temps qu’ils y passent[139].
[196] Il souligne en particulier l’importance des foires alimentaires et des événements pour les opérations d’un centre commercial de première classe. Aussi, les restrictions sur la capacité, la distanciation sociale et les couvre-visage font en sorte que les centres commerciaux ne jouent plus la fonction de lieux de rassemblement et de divertissement et cela réduit la durée du dwell time de la clientèle. Les files d’attente qui se créent pour respecter les limites de capacité ont aussi un effet dissuasif.
[197] Il explique qu’il part de la présomption que d’un point de vue opérationnel, les mesures ont été exécutées convenablement. Toutefois, selon lui, « mettre en place des mesures qui pourraient en principe sécuriser la clientèle de ces centres commerciaux n’étaient pas en soi suffisant »[140].
[198] Selon lui, il est clair que les consommateurs et consommatrices continuent d’acheter pendant la pandémie et qu’ils changent leurs habitudes de consommation. À témoin, les ventes ont repris leur cours en juin.
[199] Cominar, comme tous les autres locateurs visés par le rapport, devaient s’assurer que les mesures mises de l’avant « étaient bien communiquées, qu’elles étaient comprises par les consommateurs et que ces derniers les jugeaient satisfaisantes »[141].
[200] Les critères de sécurité et de mesures d’hygiène était d’une importance accrue pour la clientèle. Toute appréhension pouvait la mener à ne pas visiter le centre commercial. Il fallait donc s’assurer que les mesures soient sécuritaires, mais de « façon tout aussi importante », qu’elles soient perçues ainsi par les consommateurs. Une stratégie marketing s’imposait et ainsi, les budgets de marketing devaient être augmentés.
[201] Or, en 2020 et 2021, les budgets du Centre Rockland, du Mail Champlain et du Centre Laval ont fondu de 60 à 77% par rapport à 2019[142]. Réduire les dépenses marketing dans un tel contexte était « tout à fait inapproprié »[143].
[202] Il fallait aussi comprendre comment évoluaient les comportements et les attentes de leurs consommateurs en les sondant sérieusement et fréquemment. À cet égard, les centres peuvent faire des sondages « majeurs » qui font appel à une firme extérieure ou des sondages « maison » transmis, par exemple, à une liste d’abonnés. En l’instance, le Dr. Nantel est d’avis qu’il s’imposait de procéder à un sondage majeur, car il y avait une « importante chute de l’achalandage pour une période de temps significative »[144].
[203] Cominar n’a fait que deux sondages maison, « sur la base d’échantillons biaisés sur le plan statistique et en conséquence peu valides » puisque les personnes sondées étaient déjà abonnées aux listes de distribution. Aussi, Cominar savait qu’elle devait sonder sur une base mensuelle, mais ne l’a pas fait. En conséquence, les locateurs ont fait preuve de désintéressement pour les attentes perceptions et comportements de leurs consommateurs et n’ont pas été en mesure d’adapter leurs opérations pour « tenter de mitiger les impacts sur la pandémie ».
[204] Lors de son interrogatoire, le Dr. Nantel prend soin de souligner qu’il ne dit pas que telle ou telle mesure s’imposait. C’est plutôt en sondant la clientèle que l’on identifierait ces mesures. Ainsi, par exemple, il ne propose pas spécifiquement ce qui aurait dû être fait pour remplacer les événements. Ce qui importe était de sonder la clientèle pour savoir ce qu’elle désirait. Il admet toutefois que de tels sondages n’auraient peut-être rien changé au niveau concret.
[205] Cominar fait témoigner le Dr. Jordan Lebel est professeur titulaire au département de l’École de gestion John-Molson à l’Université Concordia où il co-dirige le Centre pour les études sensorielles. Ses intérêts portent sur le marketing et la gestion de services et d’expériences, aux stratégies de communication et marketing d’innovation.
[206] Son rapport cherche à cerner la notion de centre commercial de première classe, d’abord de façon générale, mais aussi en contexte de pandémie. Dans un deuxième temps, il analyse les mesures et actions prises par Cominar, dans le cadre de la pandémie en lien avec l’expérience de magasinage dans les centres commerciaux de Cominar.
[207] À la demande du tribunal, le Drs. Lebel et Nantel ont généré un rapport conjoint sur leurs points de convergence et de divergence[145]. Tous deux conviennent qu’un centre commercial de première classe requiert un assemblage d’éléments et de caractéristiques soigneusement orchestré pour offrir une expérience de magasinage supérieure à celle offerte par les autres centres commerciaux. Les éléments hédoniques sont importants lors de l’expérience d’achat qui se veut sociale et où le divertissement incluant la restauration joue un rôle important. Il doit y avoir une offre alimentaire attrayante et variée et des aires communes et animées. Il faut être à l’affût des perceptions, des attentes et des besoins évolutifs des clients dans une perspective d’amélioration continue, tout particulièrement lorsqu’un événement majeur vient perturber le cours des affaires. Une stratégie marketing est en général, une bonne et nécessaire pratique commerciale.
[208] Pour le Dr. Lebel, la notion de première classe sert surtout à démarquer un centre qui a une performance supérieure à la moyenne et une attention soutenue aux détails. Il est moins catégorique que le Dr, Nantel sur ce qui constitue spécifiquement des composantes utilitaires par opposition aux composantes hédoniques puisque, selon lui, un attribut peut avoir une dimension autant utilitaire qu’hédonique. Il y a plutôt lieu de parler d’indices « fonctionnels », « mécaniques » et « humaniques ».
[209] Il met aussi en garde que la performance élevée sur un élément n’aura pas nécessairement un effet sur le dwell time. Aussi, il peut y avoir des relations compensatoires, qui font en sorte que les faiblesses sur un plan sont compensées par les forces sur un autre.
[210] Il s’attarde ensuite aux étapes permettant de livrer une expérience client digne d’un centre de première classe. Des investissements en capital doivent au départ être faits, mais il doit aussi y avoir « une attention et une bienveillance pour le bien-être du client ». C’est un processus qui ne doit pas être mesuré de façon statique, mais doit plutôt être évalué dans une perspective dynamique; c’est-à-dire, une atmosphère. Elle est « co-construite »[146], en ce sens que les locataires doivent y participer en offrant de la rétroaction. Au final il y a donc « dépendance mutuelle »[147] entre locateurs et locataires pour bâtir l’expérience-client. Il trouve donc surprenant que HBC n’a pas porté à l’attention du locateur des remarques à l’égard d’un quelconque manquement. Le personnel, autant celui du centre que celui des locataires, doit participer à maintenir cet environnement de première classe. Il note dans un sondage fourni par HBC que certains clients se plaignent d’une absence de personnel sur le plancher, ou encore d’un manque de sollicitude de leur part. HBC ne participe donc pas à construire cet environnement de centre de première classe.
[211] Ensuite, Lebel examine les effets de la pandémie. Il note que déjà avant la pandémie, le concept d’« anchor tenants » ou de locataires-locomotives placés aux extrémités des ailes des centres d’achats qui bénéficiaient de loyers inférieurs et dont la fonction était d’attirer de la clientèle, battait de l’aile. Les ventes des magasins de ce type chutaient de 22% entre 2018 et 2019 et cette tendance se poursuivait en février 2020.
[212] Le Dr. Lebel diverge d’opinion avec le Dr. Nantel sur l’utilité de faire des investissements accrus pour pallier au manque de confiance exprimé par les consommateurs et leurs appréhensions. La Banque du Canada dans un rapport sur un sondage mené auprès de consommateurs et consommatrices, faisait état de la détérioration prononcée de tous les indicateurs économiques. Ils ou elles dépensaient plus prudemment. Il fallait donc faire preuve de retenue dans ses dépenses en marketing et de communication.
[213] Aussi, il doute que « dans la cacophonie de consignes et de conseils (souvent contradictoires) » et dans un espace « saturé médiatique », une campagne de marketing aurait surmonté les inquiétudes et craintes grandissantes des consommateurs[148]. À ce titre, une étude de Deloitte démontrait « une baisse marquée des intentions des consommateurs de dépenser pour des achats de type discrétionnaire » ce qui inclut des produits offerts par HBC, dont des vêtements, des souliers, de l’électronique, des meubles et des accessoires maison.
[214] Il convient que Cominar a très substantiellement réduit son budget de marketing, mais croit que cela était fondé. D’ailleurs, il note que HBC a aussi réduit son budget de 35,4%.
[215] Il note que selon une étude visant cette période, le consommateur est plus déterminé dans ses achats et va au centre commercial moins souvent, y passe moins de temps, mais y dépense plus.
[216] Il se montre impressionné par les activités marketing mises en place par Cominar, qui ont maintenu l’intérêt de la clientèle et il fait état de données concrètes qui le mesurent[149]. Ainsi, la fréquentation du site web a augmenté de 80,52% et le taux d’ouverture de l’infolettre est de 30,6%, ce qu’il qualifie d’impressionnant. Ainsi, il conclut que « même avec un budget réduit, Cominar a réussi à bien utiliser les outils disponibles (particulièrement digitaux) pour conserver et entretenir le lien qui l’unit à ses clients »[150].
[217] Finalement, il est d’accord que des sondages maison auprès de clients déjà abonnés aux infolettres ne sont pas d’une grande utilité. Cela étant, dans le contexte, il s’interroge sur l’importance même de sonder en profondeur des clients déjà inquiets et craintifs, tel que cela ressortait de sondages déjà menés. En pleine crise, ces sondages disponibles publiquement « étaient suffisants pour éclairer certaines décisions au besoin »[151].
[218] Finalement, il souligne qu’il doute qu’un tel sondage aurait changé quoi que ce soit dans la décision de cesser les paiements de loyer.
[219] Bien que les deux experts étaient très érudits et que leur témoignage dans l’abstrait était fort intéressant, le Tribunal n’en a pas appris sur les pratiques des autres centres commerciaux de première classe à la même époque. Pourtant, dans le cas de Rockland, la clause de first class shopping center fait appel à une comparaison de ce qui à l’époque était connue comme la Communauté urbaine de Montréal et la Ville de Laval, alors que pour Champlain, la comparaison devait s’opérer sur la Région métropolitaine de Montréal. Qu’ont-ils fait? Le Tribunal l’ignore.
[220] Quels ont été les impacts de la crise sur l’achalandage et le taux d’occupation dans les centres commerciaux?
[221] HBC argue que les mesures ont des effets dévastateurs sur l’achalandage et le pouvoir d’attraction des centres commerciaux et sur ses magasins.
[222] De la preuve a été déposée sur plusieurs fronts : l’achalandage dans les centres commerciaux, le taux d’occupation, la fréquentation des magasins HBC et les ventes. Des statistiques ont aussi été déposés pour évaluer l’impact sur les ventes en ligne. Voici ce qui en ressort.
[223] En guise d’introduction, le Tribunal trouve très à propos de citer l’aphorisme attribuée au mathématicien suédois Andrejs Dunkel: « il est facile de faire mentir les statistiques, mais il est difficile de dire la vérité sans elles »[152].
[224] Des statistiques précises sur les entrées sont tenues[153].
[225] HBC a effectué des calculs de variation d’entrées des portes extérieures pour les centres d’achats et les portes intérieures et extérieures pour les magasins La Baie. Le Tribunal reporte ici les données se trouvant dans l’annexe B au plan d’argumentation de HBC.
| Rockland | Champlain | Laval | |||
| Centre | HBC | Centre | HBC | Centre | HBC |
Mars 2020 | -51% | -53% | -53% | -51% | -48% | -60% |
Avril 2020 | -92% | -92% | -98% | -92% | -95% | -72% |
Mai 2020 | -89% | -49% | -94% | -95% | -97% | -100% |
Juin 2020 | -60% | 17% | -50% | -77% | -78% | 71% |
Juillet 2020 | -22% | -23% | N/A | N A | -19% | -52% |
Août 2020 | -19% | -26% | 3% | -56% | -21% | -43% |
Sept. 2020 | -21% | -26% | -2% | -57% | -20% | -48% |
Oct. 2020 | -25% | -25% | -12% | -58% | -34% | -57% |
Nov. 2020 | -26% | -21% | -11% | -60% | -25% | -55% |
Déc. 2020 | -34% | -38% | -25% | -65% | -33% | -64% |
[226] Le Tribunal a certaines réserves quant aux hypothèses qui ont été utilisées par HBC pour calculer l’achalandage de ses magasins.
[227] Quoi qu’il en soit, l’on remarque qu’il n’est pas possible de tirer des constats clairs et que les baisses d’achalandage ne sont pas uniformes. En effet, le Mail Champlain s’en tire nettement mieux, ayant même une augmentation d’achalandage en août de 3% et des baisses limitées de -2%, -11% et -12% de septembre à novembre 2020 inclusivement. Rockland et Laval s’en tirent un peu moins bien, avec une baisse assez constante comprise entre 19 et 26% pendant ces mois-là (sauf pour octobre 2020 où Laval a subi une baisse de 34%).
[228] Faire des moyennes entre l’achalandage sur une année comme le mettent de l’avant HBC dans son argumentation et le Dr. Nantel dans son rapport fausse la donne vu les grandes variations selon les mois. Faire référence à une moyenne annuelle est d’autant plus inappropriée puisque HBC cherche des réductions différentes selon les périodes soit de 100%, 75% ou 50%.
[229] Pour s’en convaincre, notons que le Dr. Nantel explique que le Mail Champlain subit une baisse d’achalandage en 2020 de 43%, alors que l’on sait que cela inclut des mois de fermeture complète. Une moyenne annuelle fausse donc la lecture de la situation de l’achalandage lorsque le magasin et le centre sont ouverts[154]. Au risque de redite, d’août à novembre 2020, les baisses de Champlain sont limitées se chiffrant en fait à une augmentation de 3% et ensuite à des baisses de -2%, -12% et -11%. Il n’y a aucune comme mesure avec une baisse annuelle de 43%.
[230] Aussi, il est frappant que la baisse de l’achalandage dans les magasins HBC est beaucoup plus marquée que celle dans les centres au Mail Champlain et au Centre Laval. Au Centre Rockland, c’est équivalent.
[231] Manifestement, il y a des dynamiques à l’œuvre que le Tribunal ne peut pas saisir sur la seule base de ces statistiques.
[232] L’occupation du centre commercial peut être mesurée de deux façons, soit par le taux d’occupation calculé en pieds carrés ou par le nombre de commerces vacants.
[233] La preuve montre ce qui suit[155] :
233.1. Taux d’occupation : Pour Rockland, de 95% en février 2020, il baisse à 88,1% en octobre 2020, pour remonter à 91,1% en janvier 2021. Pour le Mail Champlain, de 84,7% en février 2020, il baisse à 81,02% en janvier 2021. Pour le Centre Laval, de 91,7% en février 2020, il fléchit très légèrement à 90,54% en janvier 2021.
233.2. Locaux vacants : Pour Rockland, de 13 en février 2020, ils montent à 21 en septembre 2020, pour rebaisser à 16 en décembre 2020. Pour le Mail Champlain, de 20 en février 2020, ils passent à 23 en janvier 2021. Pour le Centre Laval, de 27 en février 2020, ils passent à 37 en janvier 2021.
[234] Contrairement à ce que HBC semble plaider, le Tribunal ne trouve pas que cela témoigne d’une baisse significative de l’occupation.
[235] HBC souligne que deux données sont pertinentes, soit les ventes en magasin et le volume.
[236] Le Tribunal a comparé les données pour la période de mars 2020 à février 2021 inclusivement, avec celles de mars 2019 à février 2020 inclusivement. Il reproduit ci-dessous en pourcentage les baisses ou hausses relevées. Pendant la période, en juin, juillet et août 2020, bien que le volume de transaction soit fortement réduit, les ventes sont plus faibles, mais dans une moindre mesure.
| Rockland | Champlain | Laval | |||
| Vente[156] | Volume[157] | Ventes | Volume | Ventes | Volume |
Mars 20 | -67% | -67% | -64% | -67% | -66% | -66% |
Avril 20 | -97% | -99% | -99% | -99% | -99% | -99% |
Mai 20 | -95% | -95% | -88% | -92% | -87% | -89% |
Juin 20 | -59% | -67% | -45% | -60% | -38% | -56% |
Juillet 20 | -30% | -46% | -27% | -42% | -22% | -42% |
Août 20 | -31% | -36% | -18% | -36% | -23% | -32% |
Sept. 20 | -39% | -40% | -35% | -40% | -36% | -39% |
Oct. 20 | -40% | -48% | -44% | -52% | -52% | -58% |
Nov. 20 | -50% | -53% | -35% | -41% | -55% | -51%% |
Déc. 20 | -45% | -53% | -50% | -56% | -55% | -61%% |
Janvier 21 | -99% | -99% | -98% | -99% | -97% | -98% |
Février 21 | -46% | -87% | -65% | -87% | -52% | -62% |
[237] Pourquoi la baisse du nombre de transactions est-elle plus importante que la baisse des chiffres de ventes? Le Tribunal l’ignore.
[238] Aussi, en comparant ce tableau avec celui de la baisse d’achalandage, on note que les baisses de chiffres de ventes sont bien plus importantes que celles de l’achalandage en magasin. La clientèle était-elle moins impulsive? Est-ce là une illustration de la prudence des consommateurs et consommatrices dont traite le Dr. Lebel?
[239] Quoi qu’il en soit, il y a ici aussi, manifestement, plusieurs dynamiques en jeu. Il est difficile de tirer des constats clairs. Une enquête beaucoup plus poussée est de mise.
[240] Bien que le Tribunal ne dispose pas de statistiques détaillées à cet égard, la baisse des ventes s’est aussi manifestée dans le magasin flagship sur la rue Sainte Catherine. Sauro explique qu’il y a eu baisse drastique des ventes en magasin puisque la clientèle, qui magasinait les midis et en fin de journée et qui était issue des bureaux avoisinants n’était pas au rendez-vous puisque ces personnes ne venaient plus dans le centre-ville, travaillant à distance.
[241] Le Tribunal en conclut que la preuve n’est pas faite, par prépondérance de la preuve, que la baisse des chiffres de ventes en magasin s’explique principalement par la dégradation de l’expérience client et de leurs craintes non apaisées par les locateurs face à leur sécurité dans les centres commerciaux.
[242] Il est plaidé par Cominar qu’un transfert s’opère en faveur des ventes en ligne.
[243] Le Tribunal a déjà expliqué la différence entre les achats en ligne avec livraison par Postes Canada et le processus BOPIS.
[244] Oligny affirme dans son témoignage que sa perception est qu’il y a eu une hausse importante des ventes en ligne au mois d’avril 2020.
[245] Ferdinand indique qu’il y a très peu de ventes curbside.
[246] Il y a une certaine confusion dans la preuve à savoir si les ventes BOPIS sont comptabilisées dans les ventes d’un magasin ou dans celles en ligne.
[247] La question n’est pas vraiment pertinente en l’instance puisque ce que le Tribunal essaie de comprendre est en quoi les ventes en ligne ont pu affecter les ventes en magasin. Or, les ventes BOPIS ont baissé dans la période pertinente et donc, il n’est pas nécessaire de les étudier plus à fond[158].
[248] Comment les ventes en ligne se sont-elles comportées à cette époque?
[249] Un tableau a été fourni permettant, entre autres, d’observer les tendances de la fréquentation sur le site internet, du nombre de commandes placées en ligne (excluant les achats BOPIS) et de la valeur des ventes (excluant les achats BOPIS)[159].
[250] Dans le tableau ci-dessous, le Tribunal résume, à partir des données fournies, les augmentations ou les baisses de valeurs pour ces trois composantes, pour la période de mars 2020 à février 2021, par rapport à mars 2019 à février 2020.
Mois | «Web trafic» | «Orders» | «Sales» |
Mars 2020 | 4,2% | -11,7% | -13,9% |
Avril 2020 | -2,4% | -13,9% | -30% |
Mai 2020 | 21,4% | 30% | -0,5% |
Juin 2020 | 22,2% | 4,9% | -24,8% |
Juillet 2020 | 30,4% | 9,2% | -0,1% |
Août 2020 | 19,3% | 26,2% | 17,8% |
Sept. 2020 | -2,7% | 2,9% | -8,5% |
Oct. 2020 | -4,9% | -6,9% | -6,5% |
Nov. 2020 | -3,4% | 0,8% | -13,2% |
Déc. 2020 | 8,4% | 19,75% | 2,1% |
Janv. 2021 | 20% | 22% | 4,1% |
Fév. 2021 | 1,5% | 17,3% | -16,8% |
[251] Il en ressort que le nombre de consultations en ligne augmente durant la période de mai à août 2020 et de nouveau en décembre et janvier 2021. Cela ne se traduit toutefois pas par une augmentation proportionnelle des commandes et certainement pas par une augmentation des chiffres de vente. Encore une fois, est-ce là le reflet d’une grande prudence des consommateurs et consommatrices avant d’acheter un bien? Cette question devra aussi rester sans réponse.
[252] Il y a certes augmentation des ventes durant certains mois, mais, en général, la tendance est à la baisse. Il est aussi contre-intuitif de constater que durant le mois d’avril 2020, les ventes baissent de 30% alors que les magasins sont fermés. Encore une fois, les craintes quant à la dégradation de l’économie y jouent vraisemblablement un rôle.
[253] La preuve n’est donc pas probante que la pandémie a opéré une migration notoire des ventes en magasin HBC vers les ventes en ligne sur le site HBC et aurait compensé la baisse de ventes ressentie en magasin. Elle sert toutefois d’avertissement, à nouveau, que plusieurs dynamiques sont en jeu et qu’il serait dangereux de tirer des constats hâtifs à partir de statistiques limitées.
[254] Trois cas de figures se posent donc : (a) la fermeture complète des magasins; (b) des magasins ouverts mais les centres commerciaux fermés; (c) des magasins et des centres commerciaux ouverts, mais avec des restrictions et limitations importantes.
[255] Le Tribunal estime que les pourcentages de 75% et de 50% proposés par HBC sont arbitraires, et qu’il faut plutôt établir les pourcentages de porte de jouissance potentielle en tenant compte de la façon que le loyer est ventilé.
[256] À ce titre, les lieux loués comprennent le Tenant Department Store et les Common Facilities. Des sommes doivent être versées à titre de loyer pour l’un ou l’autre des lieux loués : Le basic rent et les Real Estate Taxes pour le Tenant Department Store et les CFMC pour les Common Facilities.
[257] Ensuite, pour Champlain, à partir de l’entente de 2016, seul du basic rent doit être versé. Aucun CFMC ni Real Estate Tax n’est à verser par HBC.
[258] Pour Laval, les taxes foncières sont payées directement à la Ville et non à Cominar. Le Tribunal n’en tient donc pas compte.
[259] Tout cela doit être pris en compte en déterminant toute réduction potentielle du loyer, selon les cas de figure posés.
[260] Les taux journaliers des composantes à verser en fonction des baux avant toute réduction, en fonction des données fournies au Tribunal par fichier Excel à la fin de l’audience, sont comme suit[160].
| Années | Basic Rent | CAM (CFMC) | Real Estate Taxes |
Champlain | 2020 | 3142,86$/jr | N/A | N/A |
2021 | 3151,47$/jr | N/A | N/A | |
2022 | 3 151,47$/jr | N/A | N/A | |
Rockland | 2020 | 756,12$/jr | 1 727,64$/jr | 514,74$/jr |
2021 | 758,19$/jr | 1 784,25$/jr | 530,55$/jr | |
2022 | 758,19$/jr | 1 784,25$/jr | 570,20$/jr | |
Laval | 2020 | 240,98$/jr | 343,38$/jr | N/A |
2021 | 241,64$/jr | 349,49$/jr | N/A | |
2022 | 241,64$/jr | 367,05$/jr | N/A |
[261] Pour les raisons qu’il expliquera ci-dessous, le Tribunal conclut que :
[262] En forme de tableaux, voici les montants qui doivent être remboursés :
| Durée | Rockland | Laval | ||||
| Durée | CFMC |
| CFMC | |||
| jrs | % | Taux/jr | $ | % | Taux/jr | $ |
Pér. 1 | 4 jrs | 0% | 1 727,64$ |
| 0% | 514,74$ |
|
Pér. 2 | 61 jrs | 100% | 1 727,64$ | 105 386,04$ | 100% | 514,74$ | 31 399,14$ |
Pér. 3 | 25 jrs | 75% | 1 727,64$ | 32 393,25$ | 75% | 514,74 | 9 651,38$ |
Pér. 4 | 189 jrs | 0% | 1 727,64$ |
| 0% | 514,74$ |
|
Pér. 5 2020 | 6jrs | 100% | 1 727,64$ | 10 365,84$ | 100% | 514,74$ | 3 088,44$ |
Pér. 5 2021 | 37jrs | 100% | 1784,25$ | 66 017,25$ | 100% | 530,55$ | 19 630,35$ |
Pér. 6 | 155 jrs | 0% | 1784,25$ |
| 0% | 530,55$ |
|
Pér. 7 2021 | 11 jrs | 0% | 1784,25$ |
| 0% | 530,55$ |
|
Pér. 7 2022 | 55 jrs | 0% | 1784,25$ |
| 0% | 570,20$ |
|
Total |
| 214 162,38$ |
| 63 769,31$ |
[263] HBC a aussi établi qu’elle a le droit d’obtenir le remboursement d’une somme de 107 883,98 $ correspondant au montant de factures réclamées par Cominar qui avaient déjà été acquittées par HBC pour Rockland (82 449,16$), Champlain (889,45$) et Laval (20 492,14$)[161], mais qui étaient néanmoins réclamées à nouveau à titre d’arrérages par Cominar et qui ont donc été acquittées en double par HBC via son paiement sous protêt[162].
[264] Vu que des intérêts ont été versés sur les sommes payés sous protêt en vertu de l’article 1883 C.c.Q., les intérêts liés aux sommes qui doivent être remboursés, sont 25 549,58$ (Rockland) et 7 603,15$ (Laval) et de 103,19$.
[265] Cominar doit donc rembourser, à même les sommes reçues sous protêt les montants de 245 778,13$ (Rockland)[163], 992,64$ (Champlain)[164] et 73 145,67$ (Laval)[165]. Ces sommes porteront intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle à partir de la date de ce jugement.
[266] Les montants qui doivent être remboursés par Cominar pour le loyer de la période 5 (76 383$ pour Rockland et 22 718 pour Laval)[166] ont été payés à l’origine en vertu d’un jugement sur les mesures de sauvegarde qui est demeuré en vigueur jusqu’au présent jugement. Ils ne porteront donc intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle que depuis la date de ce jugement.
[267] Finalement, aucun montant ne doit être remboursé par Cominar au titre des frais, puisqu’une grande majorité des frais payés par HBC sous protêt était due.
[268] Voici les raisons pour lesquelles le Tribunal en arrive à ces conclusions.
[269] Cominar est tenue par l’article 1854 C.c.Q. de procurer la libre jouissance des lieux. Cette obligation est reprise textuellement dans les baux Champlain et Rockland au paragraphe 5.01 (1).
[270] Il faut distinguer la situation pour les aires communes de celles pour les magasins.
[271] Centres commerciaux : Lorsque les centres commerciaux sont fermés, les Malls des Common Facilities sont inaccessibles et les services ne sont pas disponibles.
[272] Il y a alors violation claire des obligations dans le bail Rockland, puisque HBC et sa clientèle ne pouvaient pas emprunter les pedestrian passage and repassage. Ils ne pouvaient pas faire usage des utilities and services, ni des corridors, entrances to and exits to Buildings, public washrooms and all other facilities provided for the common use and enjoyment as part of the Common Facilities. Leur usage des lieux n’était pas limité par les décrets et arrêtés; il était inexistant. Cela est une violation claire et sans équivoque des covenants quant à la jouissance paisible, de l’article 1854 C.c.Q. et des obligations prévues aux baux relativement à l’usage des Common Facilities qui incombent à Cominar.
[273] Sans avaliser la thèse qu’il aurait été possible de stipuler qu’en l’absence de toute jouissance, le loyer doit être payé, en l’instance, rien dans les baux n’indiquent que si les décrets et les arrêtés empêchent l’accès aux Common Facilities et donc leur jouissance paisible, HBC doit néanmoins payer les CFMC. Le Tribunal ne peut accepter que ces clauses constituent des clauses de non-responsabilité comme le propose Cominar. Il aurait fallu une formulation bien plus claire pour en arriver à une telle conclusion. Or, bien au contraire, le bail Rockland contient une clause de représentations et de garantie que HBC et sa clientèle ont le droit d’avoir un pedestrian access to the Shopping Centre.
[274] Le même raisonnement vaut pour Laval, puisque les malls n’étaient pas kept open so as to permit the free flow of pedestrian traffic between such mall and the Lessee’s stores. Un accessoire essentiel des lieux loués n’était pas disponible.
[275] HBC a donc droit à une diminution du loyer proportionnelle à la perte de jouissance qu’elle subit, tel que prévu à l’article 1863 C.c.Q. Le Tribunal estime que la seule mesure objective pour compenser cette absence de jouissance des Common Facilities est de dispenser HBC de payer les CFMC.
[276] Alternativement, en s’appuyant sur le raisonnement mis de l’avant dans Hengyun, le Tribunal conclurait que ces mesures constituent des événements de force majeure empêchant la débitrice, Cominar, d’exécuter son obligation de procurer la libre jouissance des aires communes. En conséquence, l’article 1694 C.c.Q. trouve application et donne droit à HBC à la restitution des CFMC payées sous protêt.
[277] Les Parking Facilities qui font partie des Common Facilities doivent être traités de façon différente. Durant les périodes 2 et 5, ils étaient en principe disponibles en tout temps, mais ils n’avaient aucune utilité. Il serait donc absurde d’avancer que HBC et sa clientèle puissent en jouir et rien ne montre qu’ils en ont joui. Pendant la période 3, une fois le magasin ouvert, les Parking Facilities servent pleinement à leur fin. Ils constituent une composante importante de la dimension « utilitaire » des lieux comme il en ressort des baux et de l’expertise du Dr. Nantel et il y a donc jouissance partielle des Common Facilities. Le Tribunal attribue une valeur équivalente à 25% des CFMC. La réduction du loyer pendant la période 3 est donc de 75% des CFMC.
[278] Par ailleurs, lors des périodes d’ouverture, il y a clairement une jouissance paisible des Common Facilities. Il est vrai que l’accès aux foires alimentaires est limité, sinon interdit. Par ailleurs, certains services ne sont pas fournis et les activités sont annulées ou offertes en ligne. Des limites de capacité sont imposées et les bancs sont enlevés. Sans aucun doute, cela diminue la capacité de jouir pleinement du Tenant Department Store et des Common Facilities. Mais cela n’élimine pas la jouissance prévue au bail. Or, toutes ces mesures sont prises en lien avec le respect des mesures sanitaires imposées par décret ou arrêtés. Les baux comprennent clairement une obligation de « comply with all legal requirements (…) affecting the (…) use or occupation », qui est imposée autant à HBC qu’à Cominar. Ces clauses convenues entre les parties autorisent sinon imposent des limites à la jouissance paisible. Contrairement aux périodes 2 et 3, les aires communes sont accessibles. C’est pour cette raison que le Tribunal ne réduit pas le loyer au titre des mesures restrictives durant les périodes d’ouverture des centres commerciaux.
[279] Les magasins. Contrairement aux Common Facilities, pendant la période de fermeture complète, les magasins demeurent accessibles pour HBC et son personnel. Les marchandises sont reçues par le quai de livraison. Quatre à six personnes se trouvent en magasin en tout temps. Elles placent l’inventaire reçu. Par ailleurs, l’inventaire des magasins sert à remplir les commandes que le système informatique lui transmet (fills) et éventuellement, les ventes BOPIS qui peuvent être cueillies curbside. Par ailleurs, il y a branle-bas de combat et préparation des magasins pour le démarrage. Il y a donc jouissance paisible. La situation n’est pas du tout la même que celles qui se présentaient dans Hengyun ou Immeubles Redbourne Southshore inc. où les installations physiques étaient disponibles, mais qu’on ne pouvait en faire usage.
[280] De plus, le Tribunal juge que l’argument relatif à une obligation implicite d’achalandage n’est d’aucun secours pour les raisons suivantes :
280.1. Le Tribunal a déjà tenu compte de l’absence de jouissance des aires communes ce qui donne droit à une réduction importante pour les périodes 2, 3 et 5 pour la composante CFMC.
280.2. Aucune mention n’est faite dans le bail quant à des exigences d’achalandage. Il y a des droits limités et précis si des niveaux d’inoccupation sont atteints. Dans le cas de Rockland, HBC peut cesser d’opérer. Aucune réduction de loyer n’est toutefois stipulée. Pour Champlain, si un pourcentage d’inoccupation est atteint, le magasin peut cesser d’opérer, et dans un tel cas, HBC ne doit que verser le basic rent, les taxes et l’assurance. D’aucune façon ces clauses ne permettent-elles à HBC d’opérer le magasin et de bénéficier d’une réduction pour le basic rent et les real estate taxes.
280.3. Même si une telle obligation implicite existait, pour les raisons déjà énoncées dans la section 1.7, la preuve n’est pas probante que durant la période 4, la baisse d’achalandage des ventes de HBC s’expliquent par la baisse d’achalandage dans le centre commercial. Il n’y a aucune corrélation claire et chaque centre d’achat et chaque magasin dans chaque centre d’achat semble obéir selon sa dynamique propre.
280.4. La preuve administrée n’est pas probante pour établir dans quelle mesure les baisses d’achalandage vécues dans les centres commerciaux – achalandage qui incidemment variait grandement d’un centre à l’autre - ont eu une influence sur la baisse d’achalandage - bien plus grande – ressentie par les magasins HBC. Sans une telle preuve, il aurait été totalement arbitraire d’imposer une réduction de loyer.
[281] Finalement, en ce qui a trait aux obligations d’opérer le centre d’achat comme un « first-class shopping center », le Tribunal est d’avis qu’il s’agit effectivement d’une obligation de résultat, qu’elle soit reliée ou non à l’obligation de jouissance. La clause est formulée en termes impératifs en employant l’expression « shall ». Il faut distinguer une telle clauses des clauses dans les baux qui utilisent des expressions qui témoignent d’une obligation de moyens soit : « reasonable efforts[167] , continuing and diligent efforts[168], reasonable action »[169].
[282] Cela étant, HBC ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver que Cominar a manqué à cette obligation de résultat. Voici pourquoi :
282.1. HBC n’a pas fait la preuve qu’un quelconque centre d’achat de première classe opérait de façon différente que Cominar le faisait. Bien au contraire, elle a reproché à tous les locateurs québécois qui la poursuivaient les mêmes fautes et le rapport du Dr. Nantel traite indistinctement des trois propriétaires visés.
282.2. Le témoignage de Rouleau a démontré que Cominar se tenait au courant des meilleures pratiques par sa participation au sein de BOMA et que Cominar les appliquait.
282.3. HBC a cessé de payer le loyer dès le départ, avant même d’évaluer quelles mesures seraient mises en place par Cominar.
282.4. HBC a cessé de payer le loyer pour chacun de ses 85 emplacements au Canada, exclusion faite de ses quatre flagship store. Il faut en conclure que tous les centres d’achats ont failli à cette obligation, une proposition assez extraordinaire.
282.5. HBC n’a formulé aucune plainte à Cominar à quelque moment que ce soit avant le 17 septembre 2020 quant à la manière qu’elle opérait les centres commerciaux, tel qu’il ressort clairement des témoignages des directrices de magasin.
282.6. Le Tribunal est sensible à l’opinion du Dr. Lebel à l’effet que l’expérience d’un centre de première classe est co-construite et que HBC n’a aucunement participé à maintenir ou chercher à améliorer cette expérience.
282.7. Bien que tenue aux mêmes obligations que celles de Cominar de gérer son magasin Rockland comme des centres commerciaux de première classe, la preuve n’a pas mis en évidence en quoi les opérations de HBC étaient supérieures. Bien au contraire, en plusieurs points, les efforts déployés par HBC semblent moins costauds.
282.8. Cominar a effectivement diminué dramatiquement ses dépenses en marketing. Or, HBC a elle-même fait des coupures importantes dans ses dépenses de marketing. Aussi, en refusant de payer les loyers, HBC contribue à tarir les sources de financement de Cominar pour des efforts de marketing.
282.9. Le Tribunal accepte l’opinion du Dr. Lebel que des stratégies de marketing outre celles adoptées et des sondages « majeurs » auraient été inutiles sinon déstabilisantes pour la clientèle, vu la cible toujours mouvante que constituaient les mesures gouvernementales. Ainsi, à titre d’illustration, un blitz marketing durant les mois de juin et juillet 2020 pour rassurer la population quant aux mesures liées aux foires alimentaires auraient été vaines sinon contre-productives puisque leur fermeture a été ordonnée à nouveau peu de temps après. De même, des sondages pour mesurer les craintes des consommateurs et consommatrices exécutés durant l’été 2020 auraient été à refaire lorsque que les magasins ont été fermés à nouveau en décembre 2020.
282.10. Le Tribunal n’accepte pas que la preuve soit probante et prépondérante que les initiatives proposées par le Dr. Nantel se seraient traduites en une augmentation de l’achalandage dans les centres commerciaux ou dans les magasins HBC qui agissent d’ailleurs selon une dynamique propre. D’ailleurs, le Dr. Nantel lui-même prend soin de relever qu’il ne sait pas si les efforts de marketing auraient concrètement changé la donne des ventes. Or, HBC avait le fardeau d’établir par prépondérance de la preuve que ces initiatives l’auraient modifié. Elle échoue à ce titre.
282.11. Il n’y a pas eu de baisse marquée d’occupation au sein des locaux.
[283] Pour ces motifs, le Tribunal conclut il n’y a pas violation des clauses liées aux centres commerciaux de première classe et que HBC n’a pas droit à une réduction de loyer à ce titre.
[284] Cominar plaide qu’elle a résilié les baux Champlain et Rockland extrajudiciairement comme les baux l’autorisent de le faire. Elle est d’avis que cette résiliation extrajudiciaire est valide et doit être constatée par le Tribunal. Le paiement sous protêt de HBC ne peut pas remédier le défaut et défaire l’effet de la résiliation extrajudiciaire.
[285] HBC n’est pas d’accord et soulève quatre arguments.
[286] Premier argument. Les clauses de résiliation extrajudiciaire en l’instance n’écartent pas clairement et de façon non-équivoque la faculté d’éviter la résiliation en payant, avant jugement, les montants énumérés à l’article 1883 C.c.Q. HBC a valablement exercé ses droits et cela écarte toute résiliation.
[287] Deuxième argument. Mesuré sur le temps long de la relation contractuelle, l’inexécution n’est pas substantielle.
[288] Troisième argument : Subsidiairement, les formalités requises pour invoquer les clauses de résiliation extra-judiciaires n’ont pas été remplies. Le bailleur doit d’abord envoyer un avis de 30 jours afin de remédier au défaut. Aussi, Cominar a eu tort de réclamer tous les montants. De ce fait, l’avis de résiliation extra-judiciaire était mal fondé.
[289] Quatrième argument : à tout événement, l’avis a été envoyé de mauvaise foi dans le seul but de mener à terme, à vil prix, la stratégie de densification du groupe Cominar.
[290] Pour disposer de ces arguments, le Tribunal examinera d’abord (2.1) les clauses de résiliation dans les baux Champlain et Rockland. Ensuite, il passera en revue (2.2) les principes juridiques applicables, et (2.3) le comportement des parties en examinant en particulier et (2.3.1) la position adoptée par HBC quant au paiement des sommes et (2.3.2) la position de Cominar quant au no-build. Finalement, il (2.4) prendra position.
[291] En cas de non-paiement de loyer, que ce soit du loyer de base ou du loyer additionnel, le bailleur peut exercer « all remedies for the recovery as are available in the case of non-payment of the basic annual rent ». Advenant toutefois un « major monetary default », lequel est quantifié dans le Bail Champlain, mais pas dans le Bail Rockland, le bailleur peut résilier le bail, selon les conditions suivantes :
Bail Champlain, par. 24.00 (3) | Bail Rockland, par. 24.00(3) |
(3) In the event of a major monetary default (being a monetary default for an amount exceeding the product of $100,000 multiplied by the Inflation Factor) by the Tenant hereunder which the Tenant shall have failed to remedy within thirty (30) days after receipt of notice from the Landlord, […], the Landlord may at its option, and in addition to such other remedies as it may have hereunder, but subject to such equitable or other relief including relief from forfeiture as may be available to the Tenant under the laws of the Province of Quebec and subject to subclause 24.00(4), enter into and upon the Leased Premises and terminate this Lease; provided that before exercising such right of re-entry and termination the Landlord shall give a further notice to the Tenant of its intention to do so unless in the notice of default previously given by the Landlord pursuant to this subclause the Landlord expressly stated its intention of exercising its right of re-entry and termination if the default specified in such notice is not remedied within the applicable time allowed therefor pursuant to this subclause; […] | 3) In the event of the violation or breach by the Tenant of any of its covenants, agreements or undertakings in this Lease and, if the default is in the payment of annual rent or other amount payable by the Tenant to the Landlord hereunder and the Tenant shall have failed to remedy such default by making payment thereof within thirty (30) days after receipt of written notice from the Landlord, […] the Landlord may at its option, and in addition to such other remedies as it may have hereunder including the right to damages or specific performance, but subject to such equitable or other relief including relief from forfeiture as may be available to the Tenant under the laws of the province of Quebec, and subject to such default being […] a major monetary default […], enter into and upon the Leased Premises and terminate the Lease. |
[Soulignés du Tribunal]
[292] La règle en droit civil québécois est que la résiliation doit s’opérer par résiliation judiciaire, c’est-à-dire par jugement.
[293] Jusqu’à jugement, le locateur qui fait défaut de payer son loyer peut remédier à son défaut en versant les montants énoncés à l’article 1883 C.c.Q. :
1883. Le locataire poursuivi en résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer peut éviter la résiliation en payant, avant jugement, outre le loyer dû et les frais, les intérêts au taux fixé en application de l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale (chapitre A-6.002) ou à un autre taux convenu avec le locateur si ce taux est moins élevé.
[Soulignés du Tribunal]
[294] Ce paiement peut être fait sous protêt et aura néanmoins le même effet de remédier au défaut.
[295] L’article 1605 C.c.Q. permet la résiliation extrajudiciaire. Si contestée, le Tribunal sera appelé à déterminer, a posteriori, si les conditions de la résiliation extrajudiciaire sont satisfaites. [170]
[296] Les parties sont donc libres de prévoir contractuellement des circonstances donnant lieu à une résolution de plein droit. De telles clauses doivent toutefois être claires, sans équivoque[171]. Elles doivent nécessairement faire l’objet d’une interprétation restrictive[172]. Il n’y a pas de formule sacramentelle, mais, au risque de redite, puisque la règle générale en matière commerciale est la résiliation judiciaire, la volonté des parties doit être suffisamment claire[173].
[297] À titre d’exemple, en présence d’une clause qui prévoit que « upon occurrence of an Event of Default hereunder set out, this Lease may be terminated at the option of the Landlord upon written notice to the Tenant to such effect», la regrettée juge Lucie Fournier, alors à la Cour supérieure, remarque qu’elle «n'arrive pas à se convaincre» que cette clause «stipule clairement la résiliation de plein droit en cas de défaut et ce, sans nécessité de procédure judiciaire»[174].
[298] En particulier, en ce qui a trait à l’article 1883 C.c.Q., l’auteur Deslauriers est d’opinion que même si l’article 1883 C.c.Q. n’est pas d’ordre public, « son exclusion doit être prévue expressément »[175]. C’est aussi la position adoptée par la Cour supérieure dans Boivin : « si l'article 1883 n'est pas d'ordre public et que, par conséquent, les parties peuvent par contrat prévoir son exclusion, encore faut-il que cette position apparaisse spécifiquement à leur entente. On le sait bien, nul n'est censé renoncer à un droit à moins d'en exprimer l'intention de façon claire »[176].
[299] D’ailleurs, des clauses de baux reproduites dans des jugements montrent que les locateurs n’hésitent pas à exclure explicitement le recours à l’article 1883 C.c.Q. [177].
[300] Pour certains auteurs, il n’est tout simplement plus possible d’invoquer l'article 1883 C.c.Q. pour faire échec à la résiliation en remédiant au défaut de paiement de loyer, « et ce, bien que la clause ne comprenne pas nécessairement de renonciation formelle à l'article 1883 C.c.Q. ». Ils soulignent néanmoins qu’il serait « indiqué de prévoir à la clause une telle renonciation formelle »[178].
[301] Avec égards, le Tribunal est plus enclin à conclure qu’il doit ressortir de façon claire et non équivoque que l’application de l’article 1883 C.c.Q. n’est pas applicable.
[302] Le Tribunal peut s’inspirer de la riche jurisprudence rendue quant à l’exclusion du droit à la résiliation par le client en matière de contrat de services ou d’entreprise. Rappelons que dans ces situations, l’article 2125 C.c.Q. donne au client le droit de résilier le contrat de services ou d’entreprise, même sans motif. Il s’agit d’une faculté « exorbitante du droit commun des obligations »[179], une « importante dérogation à la règle du droit commun voulant, qu'en général, une fois le contrat conclu, l'une des parties ne puisse y mettre fin avant son échéance »[180]. Or, malgré cela, et bien que l’article 2125 C.c.Q ne soit pas d’ordre public, une clause contractuelle l’excluant se doit tout de même d’être « claire et non équivoque en pleine connaissance de ses conséquences et effets véritables »[181] Le même raisonnement pourrait s’imposer à l’égard de l’exclusion du droit du locataire de se prévaloir de l’article 1883 C.c.Q.
[303] Ce débat s’avère toutefois académique en l’instance, tel qu’il le sera expliqué plus loin, puisque le Tribunal est d’avis qu’en l’instance, le recours à l’article 1883 C.c.Q. a expressément été préservé dans la clause de résiliation.
[304] Dans ce qui peut être vu comme une application concrète de l’obligation de bonne foi, le Code civil du Québec prescrit que la résiliation extra-judiciaire ne peut être invoquée pour un défaut de peu d’importance[182].
[305] L’évaluation de l’importance du manquement relève de la discrétion des juges.
[306] En assumant maintenant que l’on est présence d’une clause de résiliation claire et non équivoque qui a pour effet d’écarter l’article 1883 C.c.Q., il demeure que le locateur doit agir de bonne foi.
[307] L’article 1375 C.c.Q. énonce que « la bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction ».
[308] L’obligation d’agir de bonne foi comporte une composante prohibitive (s’abstenir d’exécuter celui‑ci de manière malhonnête) et proactive (adopter un comportement actif destiné à assister son partenaire contractuel, tout en demeurant compatible avec ses propres intérêts)[183]. Ces deux dimensions ne requièrent pas de la « partie contractante qu’elle adopte un comportement altruiste »[184]. Elle doit toutefois prendre « en compte la perspective de son cocontractant dans l’exécution des droits subjectifs qui lui sont ainsi conférés ».
[309] L’obligation d’agir de bonne foi est une norme impérative qui s’applique à tous les contrats même si sa mise en œuvre varie selon les circonstances[185]. Les contours de l’obligation implicite d’agir raisonnablement « sont à géométrie variable »[186]. Plus longue est la relation contractuelle, plus la composante proactive pourrait être rehaussée.
[310] Pour évaluer les arguments, il y a lieu de rappeler les faits. Le Tribunal divise cette révision en deux parties : les gestes posés et échanges intervenus quant (2.3.1) au paiement du loyer et quant (2.3.2) au no-build.
[311] HBC prend la décision d’annuler les chèques remis pour les loyers d’avril, sans en aviser Cominar auparavant. Elle fait cela pour tous ses 85 magasins, sauf les quatre magasins flagship qu’elle opère. Pour ces quatre magasins, elle continue à verser les loyers à la fiducie de placement immobilier[187] Riocan-HBC LP (« FPI »)[188]. Or, HBC détient 88% des parts de cette FPI. Dans son interrogatoire, Putnam explique qu’il décide de continuer de payer ces magasins, car dans ces cas-là, « he was getting what he paid for ».
[312] C’est Laramée, qui a la charge du dossier pour Cominar. Il est retraité depuis décembre 2021 et n’a donc aucun intérêt particulier à défendre. Son témoignage est mesuré et empreint de franchise et de candeur. Le Tribunal le trouve très crédible et fiable.
[313] Laramée admet lors de son contre-interrogatoire que la fermeture décrétée par le gouvernement à partir du 25 mars 2020 a un effet dévastateur sur les magasins et donc HBC. Durant la période 3, il admet qu’il y a absence de synergie.
[314] Il n’est donc pas surprenant que jusqu’à l’ouverture des magasins le 25 mai, 2020, aucune démarche n’est entreprise par Cominar pour récupérer les loyers d’avril et de mai 2020.
[315] Bruce Moore, qui est son homologue depuis plus de dix ans, tient Laramée informé des intentions de HBC.
[316] Alors que les magasins ouvrent leurs portes le 25 mai 2020, Cominar s’attend à ce qu’HBC reprenne le paiement des loyers. Or, aucun loyer n’est versé au 1er juin 2020.
[317] Laramée sonde alors Moore qui lui indique, le 11 juin 2020, qu’HBC ne paiera toujours pas.
[318] Laramée transmet alors le 17 juin 2020, un avis de défaut et une mise en demeure. Il insiste que le loyer dû depuis le 25 mai 2020 soit payé et que les parties en viennent à une entente pour la période antérieure. Il y a lieu de reproduire le texte de cette mise en demeure, qui sauf pour les montants, est identique pour les trois centres commerciaux :
We understand that the situation we face is exceptional. However, it appears that the Tenant has resumed its operations in the Leased Premises since May 25, 2020. As you know, Cominar continues to operate the Shopping Centre in which the Leased Premises are located and meets all of its obligations under the Leases. Costs are obviously incurred by Cominar to maintain its operations. The Tenant must also comply with the obligations provided for in the Leases, including the payment of its rent.
Therefore, the Tenant is hereby formally requested to pay, before June 27, 2020, its rent arrears for the Leased Premises in the total amount of $258,875.43 due since May 25, 2020, being the date of reopening of the business located in the Leased Premises. The Tenant is also formally requested to reach an agreement as for the payment of rent due for any previous period, the whole as it appears from the enclosed statements of accounts.
It goes without saying that Cominar favours an amicably negotiated solution between the parties regarding the rent arrears reimbursement and the Tenant’s obligation to pay its rent.
[319] HBC ne donne pas de réponse et elle ne paie pas les montants réclamés.
[320] Le 22 juillet, Laramée, interloqué par le silence de HBC, relance Moore indiquant qu’«unless we missed something, we do not seem to have received any reaction from HBC»[189]. Ils se parlent alors en après-midi. Laramée lui écrit à nouveau le lendemain pour que des discussions se poursuivent indiquant qu’il veut « explore alternatives »[190].
[321] Manifestement, à ce moment, ces alternatives visent à monnayer le retrait du no-build. Tel qu’il le sera relaté plus en détails dans la prochaine section, le comité d’investissement de Cominar avait convenu début mai que des négociations seraient initiées avec HBC pour en arriver à une entente pour éliminer les droits de no-build autant pour Champlain que Rockland. Laramée propose à Moore de discuter du défaut et du no build de façon conjointe.
[322] Laramée témoigne que HBC a une réputation d’être dure en négociation sur les questions de relocalisation. Il croit que le contexte devrait les amener à faire preuve de plus de souplesse. Il est surpris de noter que Moore maintient une position « dure » dans la négociation, sans tenir compte des défauts de payer le loyer.
[323] Les parties ont adopté devant le Tribunal la position que la preuve du contenu de cette négociation ne pouvait être faite, puisque cela violerait le privilège de la négociation.
[324] Quoi qu’il en soit, aucun terrain d’entente commun n’est trouvé. Laramée explique que Cominar ne pouvait accepter que le loyer ne soit pas payé. Moore lui répond, « do what you have to do ».
[325] Le 2 septembre 2020, HBC transmet donc son avis de résiliation pour Champlain et Rockland. Elle ne le fait pas pour Laval, car le bail Laval ne contient pas de clause de résiliation.
[326] À ce moment, Cominar réclame tous les montants de loyers dus depuis le 1er avril. Elle n’invite plus à la négociation pour la période précédente le 25 mai 2020, c’est-à-dire, la période où les magasins et les centres commerciaux étaient fermés.
[327] Le 17 septembre 2020, HBC explique enfin par écrit sa position. Elle exprime pour la première fois une série de fautes, énoncées de façon générale, qu’elle impute à Cominar dans sa gestion des centres commerciaux en temps de pandémie. Or, nous savons de la preuve que les directrices des magasins n’ont formulé aucune plainte quant aux opérations des centres d’achat, outre le cas isolé relaté par Mme Ferdinand sur la signalisation qui a immédiatement été réglé.
[328] HBC y adopte aussi la position que Cominar ne peut résilier extrajudiciairement le bail et fait reference à l’article 1883 C.c.Q. «which allows a tenant, at all times before a judgment ordering the termination of the lease is rendered, to avoid termination of same by paying to the landlord the rent owed». Elle conclut en disant qu’elle contestera vigoureusement toute procédure, mais «in good faith and in a spirit of collaboration», elle « is open to meeting with your client, on a without prejudice basis, to find a mutually acceptable agreement in the circumstances for all three Leases and with respect to both rent arrears and future rent »[191].
[329] Le 2 octobre 2020, Cominar institue les procédures. Dans ces procédures, elle réclame non seulement le paiement de tous les loyers échus, mais aussi, à titre de dommages, les paiements de tous les loyers exigibles d’ici la fin des périodes de renouvellement des baux et pour Champlain, le remboursement de l’amortissement.
[330] Des mesures de sauvegarde sont recherchées.
[331] HBC offre de payer 50% des loyers à partir du 1er octobre 2020. Putnam explique qu’un paiement de loyer était justifié à ce moment, car HBC jouissait de « part of what they bargained for ». Cette offre est rejetée. La demande d’ordonnance de sauvegarde est entendue et tel que déjà relaté au paragraphe 14 ci-dessus, la juge Desfossées ordonne à HBC de payer et HBC paie effectivement les loyers dus à partir du 1er octobre 2020.
[332] Le 25 juin 2021, HBC dépose ses défenses et demandes reconventionnelles. Elle expose alors la position qu’elle maintient depuis lors, c’est-à-dire d’être exemptée de tout loyer pour la période de fermeture des magasins et des centres commerciaux, de voir son loyer réduit de 75% pour la période où le magasin est ouvert mais le centre commercial fermé et de 50% pour les périodes où les magasins et les centres commerciaux sont ouverts, mais où les services sont réduits. Il en ressort donc que 25% ou 50% du loyer serait exigible pendant la période du 25 mai au 30 septembre 2020, période où elle n’a payé aucun loyer. Elle ne consigne pas pour autant ces montants.
[333] Le 9 septembre 2022, HBC verse, sous protêt, les pleins montants d’arrérages réclamés par Cominar pour les mois d’avril à septembre 2020 avec intérêts au taux légal de 6% et des frais de justice de 10 000$. Elle invite Cominar à lui indiquer si ces montants sont incorrects. Cominar ne conteste pas l’exactitude du montant versé, mais maintient évidemment toujours la position que la résiliation extrajudiciaire effectuée exclut tout droit de HBC de faire appel à l’article 1883 C.c.Q.
[334] Ce ne sera que dans sa modification déposée le 15 juin 2023 que les réclamations pour loyers futurs seront retirées par Cominar.
[335] L’article 20.02(3) Bail Champlain se lit comme suit :
(3) Notwithstanding any other provisions of this Lease, no building or improvement of any nature other than additional Parking Facilities consisting of parking space at grade level and landscaped areas and walkways shall (without consent of the Tenant, which consent may be arbitrarily or unreasonably withheld) at any time be constructed within the area outlined in BROWN on the Site Plan (which area shall, for the purpose of clarification, extend to the far side of Palermo Street from the Tenant Department Store and include the entrance to the Shopping Centre off Panama Avenue nearest to the Department Store), save for the construction of improvements by the Tenant permitted hereunder;
[336] Le Bail Rockland contient une clause similaire.
[337] Un des mandats de Laramée chez Cominar est d’assurer la densification des sites. Il explore cette avenue plus ou moins intensément depuis son arrivée en 2008. Ses efforts s’accentuent avec l’arrivée de Marie-Ève Boutin, fin 2018, comme vice-présidente exécutive, commerce de détail. Laramée se rapporte désormais à elle. Parmi ses objectifs, Boutin cherche à optimiser la mixité commerciale des propriétés avec des développements multi résidentiels et des bureaux. Cela exige évidemment un changement de zonage, c’est-à-dire, des démarches qui peuvent s’avérer compliquées et politiques. Les démarches pour obtenir l’assentiment des autorités peuvent facilement s’étendre sur 3 à 5 ans.
[338] Cominar engage les services d’urbanistes[192]. Cominar ne parle pas de ses projets avec ses locataires.
[339] Boutin explique qu’à son arrivée, Cominar est un FPI (REIT) dont les titres sont transigés à la Bourse. Ce modèle exige un flux de revenus, ce qui, de prime abord, n’est pas très propice à des projets résidentiels nécessitant une importante capitalisation. Elle minimise donc l’importance de ces éventuels projets pour Cominar.
[340] Le Tribunal estime que cette tentative de minimisation n’est pas crédible.
[341] Le contenu des comptes-rendus du comité d’investissement et du conseil des fiduciaires, qui seront traités plus en détails ci-dessous et les démarches entreprises par Cominar contredisent le témoignage de Boutin.
[342] Ce témoignage de Boutin est contredit par celui de Laramée qui explique l’importance donné à ces développements. Comme retraité de Cominar, Laramée n’a pas de parti pris. Le Tribunal se doit d’ajouter que lors de son témoignage, Boutin se montre fermée et offre des réponses cryptiques. Le contraste est frappant avec les autres témoins de Cominar et de La Baie.
[343] Le Tribunal est donc d’avis que lorsque les avis de défaut et de résiliation sont envoyés, les projets de densification par l’ajout de tours sont bien réels, intéressent grandement Cominar et que les clauses « no build » constituent un obstacle dirimant à tout tel développement.
[344] Révisons en détails les démarches.
[345] Le comité d’investissement indique en mars 2019 qu’il fera une « présentation détaillée au conseil des fiduciaires en avril[193]. Le compte-rendu de la réunion du conseil des fiduciaires du 5 mars 2019 relate aussi qu’une réunion sera tenue le 17 avril, 2019, où, entre autres, « une mise à jour détaillée sera fournie relativement » au projet du Centre Rockland.[194]
[346] Le 17 avril 2019, le compte-rendu du conseil des fiduciaires relate que Boutin fait la revue du plan stratégique. Il est précisé qu’« elle revient de nouveau sur l’importance par voie de densification, exemple donné de Champlain ».Le lendemain, toujours à la même réunion du conseil des fiduciaires, le document « Analyse Rockland : positionnement et projet de densification » est présenté. Il est indiqué que « la direction collabore avec la firme d’architectes Provencher Roy et est déjà en négociations avec Ville Mont-Royal pour obtenir son appui puisqu’un changement de zonage est requis »[195].
[347] Le 4 mai 2020, il est rapporté dans le compte rendu du comité d’investissement que « Madame Boutin explique que les droits de no build que possède La Baie en vertu de son bail pour le Mail Champlain pourront avoir un impact négatif sur le projet. Cominar tentera de négocier une entente pour éliminer ces droits et ce, autant pour le dossier Champlain que Rockland. »[196]. Le lendemain, le comité d’investissement fait rapport au conseil que la « direction continue sa réflexion sur l’ensemble des dossiers ». Il est indiqué que pour le Centre Rockland, « un projet pourrait éventuellement se réaliser et soit favorablement vu par Ville Mont-Royal dans le cadre d’un changement de zonage ».
[348] Cette réunion se déroule alors que la Baie n’a pas payé son loyer pour un deuxième mois d’affilée.
[349] Toujours en mai 2020, les architectes Provencher Roy génère la présentation : Centre Rockland – Reconfiguration du centre commercial et développement immobilier multifonctionnel – présentation des concepts de redéveloppement »[197]. Ils précisent que la présentation « fait suite à un premier travail de planification réalisée » en 2019.
[350] Le 2 novembre 2020, il est rapporté dans le compte rendu du comité d’investissement que Laramée présente « le plan du projet ». Boutin explique que « le processus de la ville facilitera sa réalisation ». Il est indiqué que la « direction entend poursuivre ses réflexions sur le dossier et qu’un suivi sera fait auprès du comité en temps opportun ».
[351] . Le 1er mars 2021, il est rapporté dans le compte rendu du comité d’investissement que « Boutin mentionne qu’il y a plus de contestation que prévu pour ce projet, mais que la Ville souhaite procéder. »
[352] Le 20 février 2019, l’étude BC2 émet la version 8 de sa proposition de redéveloppement et de densification de propriété[198]. Il prévoit trois phases. La phase 3 exigera la démolition partielle du magasin La Baie. Deux mois plus tard, la direction du FPI présente le document « Mail Champlain : positionnement et densification » au conseil des fiduciaires. Il ne semble pas avoir été produit comme pièce[199].
[353] En août 2019, un partenariat est envisagé avec Devimco Promoteur Immobilier pour le développement du site[200].
[354] Le compte-rendu du 6 novembre 2019 fait à nouveau état de discussions avec un éventuel promoteur immobilier. Le lendemain, le comité d’investissement fait rapport au conseil des fiduciaires « des discussions du comité concernant le dossier du Mail Champlain ».
[355] En mars 2020, l’étude d’urbanistes dressent un plan d’implantation qui illustre, on ne peut plus clairement, quelles parties du projet se trouvent dans la zone de non-construction de la Baie.
[356] Deux mois plus tard, comme déjà indiqué pour le Centre Rockland, il est rapporté dans le compte rendu du comité d’investissement que « Madame Boutin explique que les droits de no build que possède La Baie en vertu de son bail pour le Mail Champlain pourront avoir un impact négatif sur le projet. Cominar tentera de négocier une entente pour éliminer ces droits et ce, autant pour le dossier Champlain que Rockland. » Le lendemain, le comité d’investissement fait rapport au conseil que la « direction continue sa réflexion sur l’ensemble des dossiers »[201].
[357] En juillet 2020, les urbanistes émettent un nouveau plan d’implantation et cette fois ils indiquent très clairement que le magasin La Baie est un « bâtiment à démolir ». Un mois plus tard, Boutin présente le projet au comité d’investissement, bien qu’à ce stade, ce n’est que pour information, aucune approbation du comité n’étant requise. Elle explique que c’est un projet complexe qui s’étendra sur 12 ans, « que le projet dépend de la reprise de l’espace actuellement occupé par La Baie et explique les modalités qui pourraient être négociées à cet égard »[202]. Il est indiqué que « les membres discutent cet enjeu ».
[358] Rappelons ici que HBC n’a pas versé son loyer pour un quatrième mois d’affilée.
[359] Toujours à cette réunion, il est rapporté que des discussions sont en cours avec la Ville de Brossard pour modifier la réglementation qui n’autorise que des bâtiments d’une hauteur maximale de 8 étages.
[360] Le lendemain, le comité d’investissement fait rapport au conseil des fiduciaires en indiquant que « des discussions préliminaires sont tenues avec un partenaire pour un projet de développement visant le Mail Champlain. Il s’agit d’un projet à long terme ».
[361] Le compte-rendu du 2 novembre 2020 fait à nouveau état de discussions avec un éventuel promoteur immobilier et il est rapporté que Boutin indique « que les discussions avec la Ville de Brossard sont complexes et que celle-ci demande des usages autres que commerciaux qui doivent être négociés. » Il est indiqué que les « membres sont donc d’avis qu’il ne serait pas opportun d’engager Cominar à ce projet très important actuellement. Il est convenu que les réflexions seront poursuivies par la direction »[203].
[362] Le lendemain, le comité d’investissement fait rapport au conseil des fiduciaire indiquant qu’il s’agit d’un dossier « à très long terme ». Il explique donc que « les membres du comité ont demandé à la direction de suspendre tout engagement, jugeant qu’il y a lieu d’attendre la fin du processus de revue des alternatives stratégiques avant de prendre une décision concernant le projet ».
[363] Le Tribunal est d’avis que l’interprétation correcte de la clause 24.00(3) ne peut mener qu’à la conclusion que le droit du locataire d’invoquer l’article 1883 C.c.Q. est explicitement préservé dans les baux Champlain et Rockland. Bien que cela semble réduire considérablement le droit de résiliation extrajudiciaire, c’est clairement ce que les parties, qui sont sophistiquées, ont convenu. Voici pourquoi le Tribunal en arrive à cette conclusion.
[364] Le bail indique que le locateur « may, at its option […] enter into and upon the Leased Premises and terminate this Lease». Les clauses ne comportent aucune mention de résiliation extrajudiciaire, c’est-à-dire une résiliation qui s’opère sans intervention des tribunaux.
[365] Le Tribunal entretient des réserves si une telle formule, en soi, communique clairement et sans équivoque, qu’il y aura terminaison sans décision judiciaire. Il n’est toutefois pas nécessaire de trancher cette question.
[366] Les clauses ne font pas référence, non plus, à l’article 1883 C.c.Q, ni à l’article antérieur, l’article 1633 C. c. B.-C. Elles n’excluent donc pas expressément l’application de ces clauses. Le Tribunal est conscient qu’il y a un débat, au moins en doctrine sur la nécessité d’une telle référence explicite. Encore une fois, il n’est pas nécessaire de conclure dans un sens ou dans l’autre.
[367] En effet, ce qui est déterminant pour trancher le débat est la portée des mots suivants employés dans les clauses: « but subject to such equitable or other relief including relief from forfeiture as may be available to the Tenant under the laws of the Province of Quebec ». Or, le Tribunal est d’avis que lu correctement, ils constituent une réserve préservant au locataire le droit d’invoquer « other relief […] as may be available under the laws of the Province of Quebec ». Si l’on suit le raisonnement de Cominar et qu’une fois résiliée, il n’y a plus de relief possible, alors cette clause n’aurait aucune valeur.
[368] Selon la première étape de l’interprétation contractuelle mandatée par la Cour suprême dans Uniprix inc., le Tribunal doit déterminer si les termes sont clairs ou ambigus. Le « contrat clair s’impose au juge ». S’il est clair, le Tribunal doit l’appliquer à la situation factuelle qui lui est soumise.[204]
[369] Ici les termes sont clairs. Il est incontournable que le droit de remédier à son défaut avant jugement en payant les sommes énoncées à l’article 1883 C.c.Q. est expressément préservé, car il constitue indubitablement un « relief available under the laws of the Province of Quebec ».
[370] Cominar argumente qu’il faut tenir compte du sens que l’on donne dans les provinces de common law à la notion de « relief from forfeiture ». Selon elle, le relief from forfeiture n’est envisageable qu’après que le bail ait été résilié extrajudiciairement. Ainsi, selon elle, à ce moment, en droit québécois, le bail ayant été résilié, le locataire ne peut plus invoquer l’article 1883 C.c.Q. Encore une fois, le Tribunal rejette cet argument, puisqu’il tente par un autre chemin de venir contredire l’intention claire des parties en l’instance de préserver ce droit.
[371] Les débats en Ontario impliquant tout récemment Oxford et HBC montrent bien que l’étendue du droit de relief from forfeiture/mesure contre une déchéance donne lieu là aussi à des débats quant à ses limites[205] et il serait donc hasardeux de vouloir utiliser le sens à donner à ce remède en common law et en equity pour interpréter la notion de « other relief under the laws of the Province of Quebec » qui a un sens on ne peut plus clair.
[372] Le Tribunal estime donc que les clauses 24.00(3) prévoient de façon claire et non équivoque que l’application de l’article 1883 C.c.Q. est préservé.
[373] C’est donc à bon droit que HBC a exercé ses droits sous l’article 1883 C.c.Q. et les baux ne sont donc pas résiliés.
[374] Vu la conclusion à laquelle le Tribunal en arrive, il traitera plutôt sommairement des autres arguments.
[375] Bien que le Tribunal convienne que les relations durent depuis 20 ans, et que, comme l’avance HBC, des dizaines de millions de dollars ont été payés par HBC au titre de loyers et autres sommes, il n’en demeure qu’au moment de l’envoi de l’avis de résiliation, près de 1,3 millions de dollars n’avaient été payés. De façon plus inquiétante, rien ne présageait que la position de HBC allait changer dans un proche avenir et cette somme état donc appelée à croitre de mois en mois.
[376] Aussi, et bien que 1604 C.c.Q. prévoit que le principe de l’inexécution substantielle prévaut sur toute stipulation contraire, il n’en demeure que les parties ont elles-mêmes quantifié dans le bail Champlain intervenu en 1996, ce qu’elle entendait par major monetary default : la somme de 100,000$ multipliée par un facteur d’inflation « Inflation Factor ». Or, les arrérages atteignaient pour Champlain 662 490,76$ en septembre 2020. Selon l’entente convenue entre les parties, cela se qualifierait très aisément de « major monetary default ». Le Tribunal estime donc que rendu en septembre 2020, il y avait inexécution substantielle.
[377] Il est vrai, comme le souligne HBC, que Cominar avait tort de réclamer les CFMC pour les mois d’avril à juin.
[378] Ainsi, l’avis de défaut était mal fondé, en partie.
[379] Le Tribunal estime toutefois qu’il y avait néanmoins défaut pour la majorité des sommes réclamées. Pour écarter l’avis de résiliation, le Tribunal estime que HBC devait nécessairement payer les sommes qui étaient dues. Or, elle ne le fait pas. Même en septembre 2022, c’est un paiement sous protêt qu’elle transmet.
[380] Cet argument n'aurait donc pas été fondé.
[381] Il est aussi vrai que dans l’avis de défaut le 17 juin 2020, Laramée ne fait pas état de l’intention de Cominar de résilier le bail. En effet, il réclame le paiement de 258 875,43$ pour les loyers échus pour les trois emplacements depuis le 25 mai 2020, il invite HBC à « reach an agreement for the rent due for the previous period » et il somme HBC de répondre dans les dix jours, faute de quoi Cominar aura « no choice but to undertake required legal recourses »[206].
[382] Le délai de ce premier avis de défaut n’est pas conforme à celui prévu à la clause 24.00(3). Or dans les faits, un délai de 45 jours interviendra avant que l’avis de résiliation ne soit envoyé. Le fait que le délai stipulé était trop court devient donc académique.
[383] C’est donc le deuxième avis, soit celui communiqué le 2 septembre 2020 qui fait office d’avis de résiliation. Selon HBC, il faut comprendre que le délai qui doit être donné est ici aussi de 30 jours, bien qu’elle admette que cela n’est pas stipulé. Or, Cominar annonce qu’elle n’accorde qu’un délai de 20 jours pour remédier son défaut.
[384] Encore une fois, dans les faits, la poursuite ne sera intentée que 30 jours plus tard.
[385] Ainsi, autant pour le avis de défaut, que pour l’avis de résiliation, concrètement, des délais de 30 jours ou plus ont été accordés.
[386] Cet argument ne peut donc pas tenir non plus.
[387] Le Tribunal est d’accord avec HBC qu’en l’instance, vu la longue relation contractuelle passée et entrevue entre les parties, et vu l’allocation de 20 millions qui lui a été consentie par Cominar en 2016 et qui devait être amortie sur une période de 20 ans, la composante proactive de l’obligation de bonne foi est rehaussée. Le droit d’exercer une résiliation extrajudiciaire ne pouvait être invoquée à la légère. Un défaut mineur ne pouvait être utilisé pour tenter de retirer un avantage indu, c’est-à-dire, obtenir la renonciation aux droits de no-build pour un montant dérisoire.
[388] Le Tribunal l’a déjà souligné, les montants impayés étaient substantiels. De façon plus inquiétante, HBC annonçait vouloir maintenir cette position pendant toute la durée des mesures restrictives.
[389] D’un autre côté, il est indéniable que Cominar travaillait depuis plusieurs années à densifier le Mail Champlain et le Centre Rockland et que les clauses no build constituaient un obstacle potentiellement dirimant. En fait, pour Champlain, c’est l’emplacement du magasin qu’elle voulait déplacer pour mener à bien son projet. Le procès-verbal du 4 mai 2020 l’énonce en toutes lettres.
[390] Manifestement, Cominar a vu dans cette situation une occasion pour écarter un obstacle important.
[391] La négociation semble avoir duré au plus 48 heures.
[392] Par la décision des parties, le Tribunal ne sait pas ce qui s’est discuté. En ne connaissant pas le contenu des offres, le Tribunal se trouve dans une bien fâcheuse position pour décider si Cominar cherchait à bénéficier d’un avantage indu.
[393] Même si cela était son intention, après ces négociations, HBC a néanmoins refusé de payer le moindre loyer et ce jusqu’à ce qu’elle soit contrainte, par ordonnance de la Cour supérieure en novembre 2020, à les payer. Elle les a alors payés, ce qui montre bien qu’elle en avait les moyens.
[394] Il est aussi incontournable que Cominar a voulu augmenter de façon dramatique la pression sur HBC en résiliant les baux (tout en accordant un délai de grâce de 20 jours) et en annexant des projets de déclaration introductive d’instance où elle réclame des montants astronomiques dépassant les 30 millions $. Il parait incongru que Cominar réclame à titre de dommages tous les paiements à échoir jusqu’à la fin des termes ainsi que le remboursement de l’allocation pour Champlain pour plus de trente millions de dollars, alors que c’est elle qui résiliait le bail et qu’elle voulait expulser HBC. Il serait tentant de spéculer qu’elle tentait par là d’améliorer sa position dans la négociation du rachat du no-build.
[395] Il n’en demeure que HBC n’avait pas payé les loyers depuis cinq moins, et qu’elle aurait continué à ne pas les payer, n’eut été des mesures de sauvegarde. Ainsi, dans une telle perspective, si la résiliation extrajudiciaire avait résisté au paiement sous protêt, le Tribunal aurait refusé de conclure que la résiliation des baux était contraire aux exigences de la bonne foi.
[396] Le contrat ne contient aucune clause de résiliation extrajudiciaire. L’article 1883 C.c.Q., s’applique donc, sans aucun doute.
[397] Dans son plan d’argumentation, Cominar ne traite qu’en un paragraphe des motifs pour lesquels cet article ne devrait pas être appliqué. Elle avance que « le comportement de HBC va à l’encontre de l’intention du législateur dans l’application pratique de l’article 1883 CCQ et milite pour une résiliation judiciaire de ce bail et ce, nonobstant le paiement effectué sous protêt à contretemps ».
[398] Il est vrai que les avocats d’HBC annoncent en septembre 2020 qu’ils bénéficient des droits de payer sous protêt d’ici le jugement. Ils ont ensuite retardé le paiement pour une période d’un an et demi. Dès octobre, ils devaient toutefois et ont versé le montant entier des loyers ordonné par la juge Desfossés.
[399] Il est vrai que les sommes sous protêt n’ont été payées qu’en 2022. Or, l’article 1883 C.c.Q. ne fixe aucun délai pour payer les sommes qui y sont stipulées. Le paiement doit se faire « avant jugement ». Ici, les sommes ont été payées plus d’un an avant le jugement.
[400] De plus, l’article 1883 C.c.Q. comprend en soi des sanctions pour le retard.
[401] D’abord, le locataire doit verser des intérêts au taux fixé en application de l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale - soit l’équivalent du taux légal et de l’indemnité additionnelle[207] - ou un taux convenu avec le locateur si ce taux est moins élevé. Ce sont des dommages-intérêts moratoires, puisque ces intérêts sanctionnent le retard dans l’exécution d’une obligation de payer une somme d’argent[208].
[402] Il doit aussi payer les frais, ce qui reflète la règle énoncée à l’al. 1 de l’article 340 C.p.c. à l’effet que les frais de justice sont dus à la partie qui a gain de cause.
[403] Si la contestation avait été abusive, Cominar aurait pu demander au Tribunal de déclarer la défense de Cominar abusive et de réclamer des dommages. Ils ne sont pas réclamés. De toute façon, vu la décision à laquelle le Tribunal en arrive en réponse à la question 1, HBC avait droit à une réduction de loyer. Le montant payé sous protêt dépasse ce qui était dû. Il n’y a donc pas d’abus au sens où l’entend l’article 51 C.p.c.
[404] Aussi, à partir d’octobre 2020, les loyers étaient payés mensuellement, bien qu’en réponse aux ordonnances prononcées par voie de mesures de sauvegarde par la Cour supérieure.
[405] Le dossier n’a donc aucune commune mesure avec les faits auxquels étaient confrontés la Cour supérieure dans l’affaire 9167-1057 Québec inc[209]., décision invoquée au soutien de ses arguments par Cominar.
[406] La demande de résolution judiciaire est donc rejetée.
[407] Chaque partie a été en partie déboutée dans ses demandes. Les frais pour les loyers impayés réclamés dans l’action principale ont déjà été payés par le paiement sous protêt. Les témoignages des deux experts ont été utiles pour décider du mérite de l’affaire et ont servi pour décider de la question du loyer. Avec tout cela en tête, et usant du pouvoir que lui accorde l’article 340 C.p.c., le Tribunal juge que chaque partie paiera ses frais, mais que HBC n’a aucun droit au remboursement des frais payés sous protêt.
[408] DÉCLARE que le bail P-1 n’est pas résilié;
[409] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a droit à une réduction de loyer de 214 162,38$;
[410] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a payé en double des factures totalisant 82 449,16$;
[411] PREND ACTE du paiement effectué sous protêt par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle sous art. 1883 C.c.Q.;
[412] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a versé en trop la somme de 245 778,13$ en effectuant son paiement sous protêt sous l’article 1883 C.c.Q.;
[413] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a droit au remboursement de la somme de 76 383,09$ payée selon les termes des jugements sur les mesures de sauvegarde rendus dans ce dossier;
[414] CONDAMNE les demandeurs à verser à la défenderesse reconventionnelle la somme de 322 161,22$, le tout avec intérêt au taux légal et indemnité additionnelle depuis la date de ce jugement;
[415] CHAQUE PARTIE payant ses frais, incluant les frais d’expert, autant sur la demande principale que sur la demande reconventionnelle, et ce sans droit de remboursement des frais payés sous protêt par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle.
DOSSIER : 500-17-113909-207
[416] DÉCLARE que le bail P-1 n’est pas résilié;
[417] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a droit à une réduction de loyer de 67 769,11$;
[419] PREND ACTE du paiement effectué sous protêt par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle sous art. 1883 C.c.Q.;
[420] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a versé en trop la somme de 73 415,67$ en effectuant son paiement sous protêt sous l’article 1883 C.c.Q.;
[421] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a droit au remboursement de la somme de 22 718,69$ payée selon les termes des jugements sur les mesures de sauvegarde rendus dans ce dossier;
[422] CONDAMNE les demandeurs à verser à la défenderesse reconventionnelle la somme de 95 864,45$ le tout avec intérêt au taux légal et indemnité additionnelle depuis la date de ce jugement;
[423] CHAQUE PARTIE payant ses frais, incluant les frais d’expert, autant sur la demande principale que la demande reconventionnelle, et ce sans droit de remboursement des frais payés sous protêt par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle.
DOSSIER : 500-17-113863-206 [424] DÉCLARE que le bail P-1 n’est pas résilié; [425] REJETTE la demande de réduction de loyer; [426] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a payé en double des factures totalisant 889,45$; [427] PREND ACTE du paiement effectué sous protêt par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle sous art. 1883 C.c.Q.; [428] DÉCLARE que la défenderesse/demanderesse reconventionnelle a versé en trop la somme de 992,64$$ en effectuant son paiement sous protêt sous l’article 1883 C.c.Q.; [429] CONDAMNE les demandeurs à verser à la défenderesse reconventionnelle la somme 992,64$$ le tout avec intérêt au taux légal et indemnité additionnelle depuis la date de ce jugement [430] CHAQUE PARTIE payant ses frais, incluant les frais d’expert, autant sur la demande principale que sur la demande reconventionnelle.
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Me Alexandre Forest Me François Viau Me Ilias Hmimas | ||
Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l. | ||
Avocats des demandeurs | ||
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Me Frédéric Paré Me Charles Ouimet Me Benjamin Herrera | ||
Stikeman Elliott s.e.n.c.r.l., s.r.l. | ||
Avocats de la défenderesse | ||
Date d’audience : 12 au 16 juin 2023; plaidoiries écrites, 1 et 17 novembre 2023 | ||
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[1] En faisant appel à ses pouvoirs sous l’article 118 de la Loi sur la santé publique, RLRQ, c. S-2.2 [« LSP »]; Décret numéro 177-2020 du 13 mars 2020.
[2] En faisant appel à ses pouvoirs en vertu de l’article 119 LSP.
[3] Le ministre de la Santé et des Services sociaux.
[4] Voir analyse que fait la Cour d’appel du régime des articles 118, 119 et 123 de la LSP dans Bricka c. Procureur général du Québec, 2022 QCCA 85.
[5] Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire tout en prévoyant le maintien de mesures transitoires nécessaires pour protéger la santé de la population, LQ 2022, c 15.
[6] Pièce D-54.
[7] Pièce P-4.
[8] Dorval Property Corporation c. Hudson's Bay Company, 2020 QCCS 3951; 9257-4748 Québec inc. c. Hudson's Bay Company, 2020 QCCS 3944; Tremblay c. Hudson's Bay Company, 2020 QCCS 3948; Tremblay c. Hudson's Bay Company, 2020 QCCS 3946; Tremblay c. Hudson's Bay Company, 2020 QCCS 3947; Galeries de la Capitale Holdings inc. c. Hudson's Bay Company, 2020 QCCS 3945.
[9] Franchise MTY inc. c. Lechter (Édifice professionnel de Montréal), 2023 QCCA 1284 [« Franchise MTY inc. »].
[10] Franchise MTY Inc., par. 44.
[11] Id., par. 46.
[12] 9185-4000 Québec inc. c. Centre commercial Innovation inc., 2016 QCCA 538, par. 19 [«Centre Innovation »].
[13] 9192-2401 Québec inc. (Fabrication Pro-Fab) c. Villeneuve (Immeubles Jolika), 2018 QCCA 1143, par. 34.
[14] Centre Innovation, par. 20.
[15] Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2ième éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2013, para. 1115 [« Deslauriers »]; International Development Corporation (Industrial) Ltd. c. Astral Media Outdoor, 2021 QCCS 4438, par. 77.
[16] Deslauriers, par. 1144.
[17] Id.
[18] Pierre-Gabriel Jobin, Le louage, Collection Traité de droit civil, 2ième éd., Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, 1996, par. 171 [« Jobin »].
[19] Id. par. 172.
[20] Id., par. 173.
[21] Jobin, para. 183.
[22] Lafleur c. Centre commercial Innovation inc., 2008 QCCS 1258, par. 54 et 55.
[23] Leblond c. Dionne, 2006 QCCA 341, par. 27 et Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43, par. 1.
[24] Franchise MTY inc., par. 52.
[25] Id.
[26] Aéroports de Montréal c. Hôtel de l’Aéroport de Mirabel inc., 2003 CanLII 22050, par. 33 et 34.
[27] Leasehold Construction Corp. c. Aéroports de Montréal, 2004 CanLII 40330 (QC CS), [2005] R.J.Q. 63, par. 46 et 47.
[28] Franchise MTY inc., par. 52.
[29] Protégé Properties Inc. c. Provigo Distribution Inc., 2002 CanLII 37530 (QC CA).
[30] Id., par. 1145.
[31] 9014-4080 Québec inc. c. 2626-8821 Québec inc., 2005 CanLII 2204 (QC CS), par. 36.
[32] Max Aviation inc. c. Développement de l'aéroport Saint-Hubert de Longueuil (DASH-L), 2013 QCCA 551, par.
[33] Id., par. 108.
[34] Christine Lebrun, La clause d’intégralité au Québec, Revue du Barreau, 2007 EYB2007RD91.
[35] Voncorp. inc. c. 147013 Canada inc., 1997 CanLII 9196 (QC CS), par. 60.
[36] 122510 Canada Inc. c. Centre commercial Deux Montagnes inc., 1990 CanLII 3351 (QC CA)
[37] 2971-1181 Québec inc. c. Paquin, 2000 CanLII 1323 (QC CA).
[38] Services et gestion Monriya inc. c. Genivar, s.e.c., 2011 QCCS 6640, par. 13.
[39] P.G. Jobin et N. Vézina, Les obligations, 7ième éd., Cowansville, Éd. Yvon Blais, par. 41 [« Jobin, Vézina »].
[40] Id.
[41] Mutuelle du Canada, compagnie d'assurance sur la vie/Mutual Life Assurance Company of Canada v. Toys R Us (Canada) Ltd., 1999 CanLII 11287 (QC CS).
[42] Id., par. 16, 31 et 34.
[43] Compagnie du centre de divertissement du Forum/Forum Entertainment Center Company c. Société du groupe d'embouteillage Pepsi (Canada)/ Pepsi Bottling Group (Canada) Co., 2008 QCCS 4672.
[44] Henri c. 9131-5267 Québec inc., 2017 QCCS 716, par. 86.
[45] Henguyn International Investment Commerce Inc. c. 9368-7614 Québec inc., 2020 QCCS 2251.
[46] Id., par. 101.
[47] Id., par. 102.
[48] Immeubles Redbourne Southshore inc. c. Soutex inc., 2023 QCCQ 249; permission d’appeler accordée sur une question seulement portant sur l’obligation de payer du loyer en mars, avril et mai 2021 : Immeubles Redbourne Southshore inc. c. Soutex inc., 2023 QCCA 403.
[49] Id., par. 72-73.
[50] P-1, dossier Champlain, Letter Agreement du 3 mars 1987 et du 11 novembre 1987.
[51] P-1, dossier Champlain, Letter Agreement du 23 février 1989.
[52] P-1, dossier Champlain, Bail du 17 décembre 1991.
[53] Pièce P-1, dossier Champlain.
[54] Bail Champlain, art. 7,1.
[55] Pièce P-1 dossier Rockland, 3 novembre 2004.
[56] Idem.
[57] Bail Champlain, par. 1.00(21); Bail Rockland : 1.00(9).
[58] Bail Rockland, par. 1.00 (3); Bail Rockland : 1.00 (3).
[59] Bail Champlain, par. 1.00 (27); Bail Rockland : 1.00 (14).
[60] Bail Champlain, par. 1.00(23); Bail Rockland : 1.00(10).
[61] Bail Champlain, par. 1.00 ; Bail Rockland : 1.00(9).
[62] Bail Champlain, 2.02 (2).
[63] Bail Champlain, par. 2.02 (3). Le Bail Champlain énumère à l’article 8.00, de façon non limitative, ce qui constitue des utilities and services : electrical service at secondary coltage and, where applicable, telephone and other communication facilities, cable television service, water supply, storm and sanitary sewers and drains and natural gas.
[64] Bail Champlain, par. 2.02 (4). Bail Rockland : par. 2.03(4).
[65] Bail Champlain 6.02; Bail Rockland, art. 6.02.
[66] Id.
[67] Bail Champlain, art. 6.08; Bail Rockland, art. 6.07.
[68] Id.
[69] Bail Champlain, art. 7.02. Bail Rockland : art. 7.02.
[70] Bail Champlain, art. 7.02. Bail Rockland : art. 7.02.
[71] Bail Champlain 7.03. Bail Rockland : 7.03.
[72] Bail Champlain, art. 13.00. Bail Rockland, art. 13.00.
[73] Bail Champlain, par. 13.01. Bail Rockland, art. 13.01.
[74] Bail Champlain : art. 9; Bail Rockland, art. 9.
[75] Voir définition au paragraphe 1.00(7) du Bail Champlain. Le mécanisme de détermination est énoncé à l’article 10. Pour le Bail Rockland, voir 1.00 (4). Le mécanisme de détermination est énoncé à l’article 10.
[76] Bail Champlain art. 10.03; Bail Rockland, art. 10.01.
[77] Bail Champlain : sous-para. 1.00(7)(G) du Bail Rockland : sous paragraphe 1.00(4)(E).
[78] Para. 1.00 (7) (C) du Bail Champlain.
[79] Voir lettre entente du 21 janvier 2013, se trouvant dans la pièce P-1
[80] Voir entente du 1er novembre 2016, incluse dans la pièce P-1.
[81] Bail Champlain, 7.02; Bail Rockland 7.02.
[82] Bail Champlain : par. _____.
[83] Bail Rockland : par. 6.00(1).
[84] Bail Champlain, par. 1.00(46); Bail Rockland, par. 1.00(30).
[85] P-1 dans le dossier Laval (ci-après « Bail Laval »).
[86] Id., art. 5.02.
[87] Id., art. 5.04
[88] Id., art. 9.01.
[89] Id., art. 18.01.
[90] Id., art. 18.07.
[91] Loi sur la santé publique, RLRQ c S-2.2.
[92] Décret #539-2020.
[93] Pièce D-47.
[94] Pièce D-22.
[95] Pièce D-7.
[96] Communiqué du 7 juillet 2021, pièce D-32.
[97] Décret #1020-2020 du 30 septembre 2020 (Pièce D-9), Décret #735-2021 du 26 mai 2021 (Pièce D-23), Arrêté ministériel #2021-039 du 28 mai 2021 (Pièce D-24), Arrêté ministériel #2021-040 du 5 juin 2021 (Pièce D-25), Décret #799-2021 du 9 juin 2021 (Pièce D-26), et l’arrêté ministériel #2021-043 du 11 juin 2021 (Pièce D-28) et Décret #885-2021 du 23 juin 2021 (Pièce D-27).
[98] Pièces D-7.
[99] Id.
[100] Pièce D-11.
[101] Arrêté ministériel #2020-100 (pièce D-10).
[102] Décret #1419-2020 (D-5).
[103] Arrêté ministériel #2021-089 (pièce D-33).
[104] Pièce D-34.
[105] Id.
[106] Pièce D-25.
[107] Id.
[108] Pièce D-42, réponse à l’engagement 3.
[109] Pièce D-42, engagement 5.
[110] Pièce D-48.
[111] Pièce D-22.
[112] Pièce D-22.
[113] Pièce D-23.
[114] Pièce D-42, réponse à l’engagement 4.
[115] Pièce D-24.
[116] Pièce D-45.
[117] Pièce D-26.
[118] Pièce DR-9.
[119] Pièce DR-10.
[120] Pièce D-15.
[121] Id.
[122] Id.
[123] Pièce D-40.
[124] Interrogatoire au préalable de Ian Putnam, 14 septembre 2020, 14.
[125] Interrogatoire au préalable de Marie-Andrée Boutin, 22 février 2021, pages 67-68.
[126] Pièce D-14.
[127] Pièce D-15.
[128] Le curriculum vitae de Dr. Nantel est déposé sous la cote D-44.1.
[129] D-44, p. 1.
[130] Id., p. 2.
[131] Id.
[132] J. B. Pine, Shoppers Need a Reason to Go to your Store – Other than Buying Stuff, (2017), Harvard Business Review.
[133] D-44, p. 4.
[134] Id. Les fiches promotionnelles sont déposées sous la cote D-13.
[135] D-44, p. 5.
[136] Id.
[137] Id., p. 10.
[138] Id., p. 6.
[139] D-44, p. 6.
[140] D-44, p. 10.
[141] Id.
[142] Id., p. 12, s’appuyant sur la pièce D-16.
[143] Id.
[144] Id., p. 14.
[145] Pièce D-57.
[146] Rapport Lebel, p. 11.
[147] Id.
[148] Id., p. 14.
[149] Id., p. 17.
[150] Id., p. 18.
[151] Id., p. 20.
[152] Citation tirée de La « science des données », nouveau défi statistique, (2013) 78 Journal de l’Université de Genève, p. 3.
[153] Pièce D-17; pour décembre ce n’est pas tout à fait un mois complet.
[154] D-44, p. 8.
[155] Pièce D-12.
[156] Pièce D-18.
[157] Pièce D-18.
[158] Pièce DR-21.
[159] Id.
[160] L’année 2020 étant une année bissextile, le montant annuel au fichier pour 2020 doit être divisé par 366. Pour 2021 et 2022, les montant sont divisés par 365.
[161] Pièce D-49.
[162] Pièce D-20.1.
[163] Période 2 +période 3 + remboursement facture payées en double + intérêt à 6% du 8 septembre 2020 au 2 octobre 2022 = 105 386,04$ +32 393,25$ +82 449,16$ + 24 549,58$ = 245 778,13$.
[164] Remboursement facture payées en double + intérêt à 6% du 8 septembre 2020 au 2 octobre 2022 = 889,45$ + 103,19$ = 992,64$.
[165] Période 2 +période 3 + remboursement facture payées en double + intérêt à 6% du 8 septembre 2020 au 2 octobre 2022 =31 393,40$ + 9 651,35$ +20 492,14$ + 7 603,15$ = 73 415,67$.
[166] Rockland : 10 365,84$ + 66 017,25$; Laval : 3 088,44$ + 19 630,25$.
[167] Bail Champlain. 2.00, 11.00 (5), 15.00.
[168] Bail Champlain, 9.02.
[169] Bail Champlain, 14.01.
[170] Bail Champlain, par. 30.
[171] 9745866 Canada inc. c. 9518002 Canada inc., 2021 QCCA 1530, par. 26, 27 et 29. [« 974 Canada inc.»]; Gestion CDGM inc. c. Roux, 2017 QCCA 229, par. 37.
[172] International Development Corporation (Industrial) Ltd. c. Astral Media Outdoor, 2021 QCCS 4438, par. 87.
[173] Crosston Rubber (Québec) Inc. c. Société en commandite place St-Germain, 2004 CanLII 20736, par. 31.
[174] 93693 Canada Ltd. c. 9044-2088 Québec inc., 2009 QCCS 3364, par. 28.
[175] Deslauriers, par. 1465.
[176] 9005-3083 Québec inc. c. Boivin, 1998 CanLII 9437 (QCCS), par. 80. Voir au même effet Bédard c. Therrien, 2015 QCCQ 13519, par. 26.
[177] Restaurants Fiorentino Inc. (Faillite), Re, 2004 CanLII 24663, par. 6; 8 PDC inc. c. Furfaro, 2009 QCCS 1451, par. 8; Canada - Les Halles Co. c. 9015-6720 Québec inc., 2008 QCCS 3301, par. 18; Paquet c. Service de boucherie MB inc., 2017 QCCQ 269, par. 63;
[178] François Brochu et al, Cours de perfectionnement du notariat, 91, 2017 CanLIIDocs 4136. Voir aussi Pierre Audet, La résiliation de plein droit d’un bail commercial par le locateur : discussion et réflexion sur un thème connu, dans Développement récent en droit immobilier, 2004, Barreau du Québec, service de la formation continue.
[179] Corporate Aircraft Turnkey Services (PV) Inc. c. Innotech Aviation Ltd., 2007 QCCA 1107.
[180] Centre régional de récupération C.S. inc. c. Services d'enlèvement de rebuts Laidlaw (Canada) ltée, 1996 CanLII 12348 (QC CA), par. 33.
[181] Steve Brown Machineries Solutions (SBMS) inc. c. Groupe Sutton Excellence inc., 2021 QCCA 302, par. 91.
[182] Art. 1604 C.c.Q., al. 2.
[183] Id., par. 75, 76 et.
[184] Id., par. 80.
[185] Ponce c. Société d’investissements Rhéaume ltée, 2023 CSC 25, par. 70.
[186] Didier Lluelles et Benoit Moore, Droit des obligations, 3ième éd., Montréal, Éditions Thémis, 2018, para. 1987, par. 1987.
[187] Plus communément connu sous l’acronyme anglais REIT (Real Estate Investment Trust).
[188] Vancouver, Calgary, Montréal et Ottawa, pièce DR-4 et Dr-5, réponse 17.
[189] Pièce DR-6.
[190] Pièce D-55.
[191] D-40.
[192] Pièce D-38.
[193] Pièce D-37.
[194] Pièce D-37.
[195] Id.
[196] Id.
[197] Pièce D-38.
[198] Pièce D-38.
[199] Pièce D-37.
[200] Id., procès-verbal du comité d’investissement du 6 août 2019.
[201] Pièce D-37.
[202] Id., procès-verbal du 4 août 2020.
[203] Pièce D-37,
[204] Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43, [2017] 2 R.C.S. 59 par. 34 à 36.
[205] Hudson’s Bay Company ULC Compagnie de la Baie D’Hudson SRI v. Oxford Properties Retail Holdings II Inc., 2022 ONCA 585.
[206] Pièce P-3.
[207] Art. 1619 C.c.Q.
[208] Art. 1617 C.c.Q.
[209] 9167-1057 Québec inc. (Realco Realties) c. 9174-9598 Québec inc., 2018 QCCS 3847, par. 146.
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