Soimu et Québec (Ministère des Transports) |
2015 QCCFP 17 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N° : |
1301407 |
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DATE : |
22 septembre 2015 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me Nour Salah |
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ADRIAN CORNELIU SOIMU |
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Appelant
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Et
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MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC |
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1) |
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L’APPEL
[1] Il s’agit d’un appel, en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique[1] (ci-après appelée la « Loi »), déposé par M. Adrian Corneliu Soimu, en date du 23 décembre 2014, à la Commission. Ce dernier conteste la décision du ministère des Transports du Québec (ci-après le « MTQ ») de ne pas retenir sa candidature pour le concours de promotion de cadre, classe 3[2], qui vise à pourvoir d’éventuels emplois dans toutes les régions administratives du Québec.
[2] La candidature de l’appelant n’a pas été retenue pour le motif qu’il ne possède pas les deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, comme exigé dans l’appel de candidatures (I-1).
[3] À la suite de la tenue d’une séance d’échanges et d’information (SEI), M. Soimu précise ses motifs d’appel. Ainsi, essentiellement, selon M. Soimu, les dix années passées à la Société de transport de Montréal (ci-après appelée « STM ») à titre de chef de section représente plus que les années requises afin d’être admissible à la classe 5 et que les deux années d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 requises pour être admis à la classe 3.
[4] Il considère que l’exercice des activités de gestion de projets et de personnel accumulées pendant sa carrière professionnelle dépasse en qualité et en durée la condition d’admission au concours non reconnue par le MTQ.
[5] Toujours dans la même optique, M. Soimu indique avoir dirigé, à la STM, deux ingénieurs et six professionnels et avoir été responsable, entre 1981 et 1991, de projets d’envergure dépassant parfois le million de dollars de l’époque.
[6] La Commission comprend que le présent débat porte essentiellement sur le nombre d’années d’expérience pertinente au concours de promotion de cadre, classe 3, cumulées par M. Soimu à la STM. Pour ce dernier, ces années sont des années où il exerçait des activités de gestion et il estime remplir la condition d’admission non reconnue par le MTQ pour le concours de promotion de cadre, classe 3. Le MTQ quant à lui estime que ces années au sein de la STM n’équivalent pas aux deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, comme exigé dans les conditions d’admission du concours de promotion.
LES FAITS PERTINENTS
[7] Le MTQ dépose plusieurs pièces[3] en preuve et fait témoigner deux personnes œuvrant au sein du MTQ, soit M. Francis Drolet, conseiller en gestion des ressources humaines et responsable du concours de promotion, et Mme Kathy Fortier-Bourque, conseillère en gestion des ressources humaines et spécialiste en évaluation des emplois.
[8] M. Drolet témoigne en indiquant qu’il est, entre autres, responsable de vérifier pour chacun des candidats qui postule au concours de promotion de cadre, classe 3, si la personne respecte les différentes conditions d’admission exigées. Pour effectuer l’analyse du dossier de M. Soimu et pour statuer sur son admissibilité, il dispose de l’offre de service transmise par M. Soimu pour soumettre sa candidature, à laquelle sont joints son curriculum vitae et sa lettre de présentation (I-3).
[9] Pour être admis au concours de promotion, l’appel de candidatures précise qu’il faut faire partie du personnel régulier du MTQ, être titulaire d’un diplôme d’études universitaire de premier cycle dans une discipline pertinente et posséder neuf années d’expérience dans l’exercice d’activités de niveau professionnel ou de niveau d’encadrement, comprenant deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[10] M. Drolet et Mme Mylène Chiasson, technicienne, effectuent chacun l’analyse du dossier de M. Soimu et ils en arrivent à la même conclusion : l’appelant ne détient pas les deux années, dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[11] Les années passées à la STM ont été comptabilisées comme des années où M. Soimu exerçait des activités de niveau professionnel et non des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[12] M. Drolet explique que les tâches décrites par M. Soimu dans son offre de service (I-3) sont des tâches axées sur le contenu et se comparent facilement à des tâches accomplies par un ingénieur, donc par un professionnel. Il donne l’exemple de l’estimation de plans et de devis qui est une tâche d’ingénieur que l’on retrouve énumérée dans le curriculum vitae de l’appelant. Il est possible de s’en apercevoir plus aisément, dit-il, en lisant l’article 3 de la Directive de classification des ingénieurs (186)[4] (I-5) :
Les attributions principales et habituelles de l’ingénieur consistent à exercer, pour le compte de l’État, les attributions d’analyse, de conseil ou de recherche dans un domaine du génie conformément à la Loi sur les ingénieurs (L.R.Q., c. I-9). Celles-ci incluent, notamment, la conception, l’optimisation, la normalisation et la réalisation d’ouvrages ou de projets, l’exploitation de ressources, la surveillance, l’inspection ou la conduite de travaux afin d’assurer la protection du public, l’intégrité des biens et l’efficacité des projets et services. Il se voit également confier d’autres travaux relevant de sa compétence.
[13] M. Drolet ajoute que c’est en effectuant l’appariement entre les attributions d’un cadre que l’on retrouve décrites au 2e paragraphe de l’article 5 de la Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires[5] (ci-après la « Directive sur la classification des emplois de cadres ») (I-4) et les tâches accomplies par M. Soimu, qu’il arrive à conclure que l’appelant ne possède pas d’expérience de niveau d’encadrement.
[14] M. Drolet précise alors le raisonnement suivi lors de l’analyse, soit que le curriculum vitae de M. Soimu ne traite pas de la manière qu’il a de fixer des objectifs, ni de comment il peut les atteindre. De plus, ses expériences ne démontrent pas non plus de gestion de ressources, qu’elles soient matérielles, financières ou informationnelles. Ainsi, tout indique une absence de tâches de gestion accomplies par l’appelant.
[15] M. Drolet ajoute qu’il disposait pour faire son évaluation des documents que M. Soimu avait produits, soit l’offre de service contenant son curriculum vitae et sa lettre de présentation. L’analyse de ceux-ci a permis d’établir que l’expérience n’était pas de niveau d’encadrement d’après les différents critères du paragraphe 4 de l’article 20 :
Les activités exercées à l'extérieur de la fonction publique qui doivent être évaluées en se référant aux critères suivants :
L’emplacement hiérarchique de l’emploi, les compétences requises, l’ampleur du budget géré, l’autonomie et le pouvoir décisionnel, l’impact des résultats produits, le niveau et le nombre de personnes supervisées.
[16] Aucun indice ou document ne démontre autre chose qu’une expérience de niveau professionnel. M. Drolet transmet alors une lettre de refus (I-7) à M. Soimu lui indiquant que sa candidature ne peut être retenue puisqu’il ne possède pas le nombre d’années d’expérience requis, soit deux années, dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, tel qu’exigé dans l’appel de candidatures.
[17] M. Soimu contacte alors M. Drolet et effectue une demande de révision. Le tout s’effectue par téléphone. Il ajoute certaines précisions à son dossier concernant les postes occupés et les tâches effectuées à la STM pendant les années 1981 à 1991. Ces précisions visent sa gestion des ressources financières et des ressources humaines.
[18] À la lumière de ces nouveaux ajouts, M. Drolet procède à une nouvelle analyse. Il s’aperçoit alors que M. Soimu n’avait qu’un rôle de recommandation face à son supérieur immédiat. De plus, le budget géré par M. Soimu, soit 150 000 $, était assez faible. Ainsi, M. Soimu disposait d’une enveloppe budgétaire, mais ne pouvait pas négocier les salaires des employés, ni les embaucher, ni les renvoyer. Donc, même jouissant d’une certaine autonomie, son pouvoir décisionnel était insuffisant pour prétendre exercer des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[19] Il appert aussi que M. Soimu dirige à titre de chef de section une petite équipe composée de seulement huit personnes, soit deux ingénieurs, quatre techniciens et deux dessinateurs, ce qui représente deux professionnels, quatre techniciens et deux personnes appartenant à la catégorie du personnel de soutien. Ce nombre est encore une fois insuffisant pour prétendre exercer des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[20] À la rigueur, ajoute M. Drolet, les tâches effectuées par M. Soimu pourraient ressembler à celles d’un emploi d’ingénieur de complexité expert[6], tel que l’on retrouve la définition dans la Directive concernant la détermination du niveau de complexité des emplois d’ingénieurs et la gestion des emplois de complexité supérieure (I-6)[7].
[21] Ainsi, malgré sa révision, l’analyse de M. Drolet demeure inchangée. Il demande tout de même à l’équipe d’évaluation des emplois du MTQ de se pencher également sur le dossier de M. Soimu avec les mêmes nouveaux faits pris en compte. C’est Mme Kathy Fortin-Bourque qui a révisé le dossier de M. Soimu. Elle conclut également après cette analyse que M. Soimu n’a pas l’expérience pertinente dans des activités d’encadrement équivalentes à celles d’un cadre, classe 5.
[22] M. Drolet fait une dernière vérification du dossier de M. Soimu en demandant au comité d’évaluation du concours de promotion de cadre, classe 3 de se prononcer sur l’expérience de M. Soimu. Ce comité est composé de trois personnes, soit M. Richard Dionne, cadre, classe 2, M. Martin Fortier, cadre, classe 1 et M. Louis Potvin, cadre, classe 2. Ces derniers sont unanimes : M. Soimu n’a pas l’expérience pour satisfaire aux conditions d’admission du concours de promotion de cadre, classe 3.
[23] En contre-interrogatoire, l’appelant demande à M. Drolet si, lors de son analyse il a tenu compte du fait que le budget qu’il gérait à l’époque, de 150 000 $, équivalait à un plus grand montant aujourd’hui, soit approximativement 950 000 $. Le témoin répond que cela n’a pas été considéré lors de son analyse.
[24] Mme Fortier-Bourque témoigne alors concernant ses fonctions et sa participation à l’analyse du dossier de l’appelant. La Commission en résume les faits les plus pertinents dans les prochains paragraphes.
[25] Elle reçoit la demande de M. Drolet qui veut savoir si l’expérience de M. Soimu à la STM correspond à celle d’un cadre, classe 5. Le dossier transmis ne contenait aucune information nominative, mais Mme Fortier-Bourque connaît la conclusion de l’analyse de M. Drolet.
[26] Au sujet de la classification des emplois de cadre, elle précise qu’elle se fait selon une méthode d’évaluation approuvée par le Conseil du trésor[8]. La méthode utilisée actuellement est la méthode Hay.
[27] Par la suite, elle procède à un exercice d’appariement des tâches exercées à l’extérieur de la fonction publique et décrites par M. Soimu dans son offre de service, qui contient son curriculum vitae.
[28] Pour ce faire, elle utilise les critères énumérés à l’alinéa 4 de l’article 20 de la Directive sur la classification des emplois de cadres. À première vue, l’emploi occupé à la STM semblait être de niveau professionnel et non de cadre.
[29] Elle énumère alors à la Commission la manière dont elle effectue son analyse et l’appariement des tâches de M. Soimu. Ce dernier avait peu d’autonomie et de pouvoir décisionnel, il ne possédait pas de pouvoir de congédiement, alors que les cadres du MTQ le possèdent. Il y avait un écart important entre le nombre de personnes supervisées par l’appelant et celui d’un cadre, classe 5, huit personnes pour M. Soimu opposées à 37 personnes, en moyenne, pour un cadre, classe 5.
[30] Le budget de fonctionnement d’un cadre, classe 5, est approximativement de 7,2 millions et la masse salariale gérée est équivalente à 2,5 millions. Pour ce qui est du niveau hiérarchique, le cadre, classe 5, est dirigé par d’autres cadres de la fonction publique, alors que M. Soimu était sous l’autorité d’un chef de service.
[31] Conséquemment, Mme Fortin-Bourque arrive à la conclusion, après l’analyse de tous ces critères et de l’appariement des tâches de M. Soimu par opposition à ceux d’un cadre, classe 5, que les tâches de M. Soimu s’apparentent plus à des tâches de chef d’équipe et non à celles d’un cadre, classe 5, de la fonction publique.
[32] M. Soimu, en contre-interrogatoire, demande au témoin si elle a demandé des précisions par rapport aux documents déposés par M. Drolet pour effectuer son analyse. Mme Fortin-Bourque répond par la négative.
[33] M. Soimu témoigne à son tour, mais très brièvement et sans déposer de preuve matérielle. Il affirme que toute cette situation est un énorme malentendu causé par la mauvaise lecture de son curriculum vitae. Il prétend que la décision a été prise de manière trop hâtive par le MTQ.
[34] M. Soimu affirme avoir bel et bien occupé des postes de gestion au MTQ et allègue qu’il ne pensait pas devoir rédiger un curriculum vitae « spécial » pour le concours de promotion. Il a tout simplement envoyé son offre de service à laquelle était annexé son curriculum vitae habituel, c’est pourquoi ses expériences d’ingénieur sont mises de l’avant.
[35] Il considère que les personnes qui ont effectué l’analyse de son dossier ont manqué de profondeur. Il ajoute qu’ils auraient dû communiquer avec lui pour avoir plus d’informations s’ils avaient des doutes sur la pertinence de ses expériences.
ARGUMENTATION
du MTQ
[36] Le MTQ indique à la Commission qu’elle doit décider en vertu de l’article 35 de la Loi, si la procédure utilisée pour l’admission du candidat lors du concours de promotion est entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. Ainsi, le fardeau de preuve repose sur l’appelant qui doit démontrer cette irrégularité ou cette illégalité ou qui doit démontrer que la décision a été prise de mauvaise foi, de manière abusive ou qu’elle est discriminatoire.
[37] Il renvoie la Commission aux articles 35, 43 et 47 de la Loi. L’article 43 précise qu’il appartient au président du Conseil du trésor de fixer les conditions minimales d’admission à un concours et que celles-ci doivent être conformes aux conditions minimales d’admission à un emploi établies par le Conseil du trésor. Le MTQ ne possède à cet égard aucune marge de manœuvre et se doit d’appliquer la loi.
[38] Pour les emplois de cadre, les conditions minimales d’admission sont fixées dans la Directive sur la classification des emplois de cadres (I-4). Pour la classe 3, il est prévu qu’il faut détenir neuf ans d’expérience, dont deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. L’analyse démontre que M. Soimu ne les possède pas.
[39] Aussi, ajoute le MTQ, on peut lire à l’article 21 du Règlement sur la tenue de concours[9] que l’admissibilité d’une personne à un concours de promotion est vérifiée par l’examen de sa formule d’inscription et des documents exigés et produits à son appui. Ainsi, le MTQ n’est pas obligé d’accepter un supplément d’informations lorsque son analyse est terminée. Pourtant, il a bien voulu considérer les nouvelles informations apportées par M. Soimu et en a tenu compte dans sa révision du dossier de l’appelant, ce qui démontre son ouverture. Ainsi, le processus suivi n’est ni illégal, ni entaché d’irrégularité avance le MTQ.
[40] Le MTQ dépose trois décisions de la Commission[10]. Notamment, l’affaire Rioux[11], dans laquelle la Commission confirme que, lorsqu’elle entend un appel prévu à l’article 35 de la Loi, elle se doit d’examiner si le processus d’admission des candidats a souffert d’une illégalité ou d’une irrégularité. Telle est sa compétence.
[41] Le MTQ s’appuie aussi sur la décision Lemieux[12] qui indique qu’il est de la responsabilité du candidat de mettre en évidence les fonctions qu’il juge pertinentes au soutien de sa candidature. Il n’appartient pas au comité d’évaluation d’entrer en contact avec le candidat pour obtenir des informations sur l’offre de service, surtout lorsqu’aucun doute ne subsiste quant à son contenu.
[42] Toujours dans la même optique, le MTQ rappelle avec insistance ce que la Commission avait statué dans la décision Hamel[13], soit qu’il est de l’obligation du candidat à un concours d’exposer clairement la nature des fonctions exercées en fonction des exigences requises pour l’emploi visé par le concours.
[43] Ainsi, pour le MTQ, c’est à M. Soimu de produire une offre de service suffisamment détaillée pour permettre au MTQ de prendre une décision concernant sa candidature. Le MTQ a fait l’analyse avec les éléments fournis par M. Soimu et dans leur esprit aucun doute ne subsistait quant à l’expérience de M. Soimu.
[44] Le MTQ ajoute qu’à la rigueur M. Soimu pourrait prétendre exercer les tâches d’un ingénieur de niveau expert ou émérite. Cependant, l’analyse de la candidature de M. Soimu démontre clairement que l’expérience qu’il a cumulée n’est pas suffisante et qu’il n’a pas occupé, pour une période minimale de deux années, un poste équivalent à un cadre, classe 5. Le MTQ n’entretient aucun doute quant à la nature des tâches exercées par M. Soimu à la STM et décrites dans son offre de service.
[45] Le MTQ conclut en demandant à la Commission de rejeter l’appel de M. Soimu, car la décision prise par le MTQ n’est pas déraisonnable, arbitraire, discriminatoire ou abusive et qu’aucune illégalité ou irrégularité n’a été commise.
de M. Soimu
[46] M. Soimu précise qu’il n’invoque ni l’illégalité, ni l’irrégularité, ni la mauvaise foi, en vertu de l’article 35 de la Loi, dans l’analyse de sa candidature et convient que son dossier en est exempt. Il prétend, plutôt, avoir fait l’objet d’un jugement hâtif par le MTQ et d’une analyse incomplète quant à son expérience, qu’il considère encore plus importante que ce qui est demandé pour le concours de promotion.
[47] Aussi, M. Soimu allègue que la description du concours de promotion du MTQ est insuffisamment détaillée et qu’elle ne définit pas les activités équivalentes à des activités de cadre, classe 5.
[48] M. Soimu estime également que la décision Rioux citée par le MTQ ne s’applique pas à lui. Dans le cas de Mme Rioux, le ministère n’avait aucun doute quant au fait qu’elle ne possédait pas l’expérience exigée, tandis que le MTQ avait un doute par rapport à l’expérience de M. Soimu et sur le fait qu’il possédait ou non les deux années d’activités équivalentes aux activités d’un cadre, classe 5. Aussi, il ajoute qu’en cas de doute, le MTQ aurait dû lui demander des informations additionnelles.
[49] M. Soimu estime que le budget qu’il gérait et les responsabilités attenantes exercées sont amplement suffisants pour être considérés comme étant du niveau d’un cadre, classe 5. De plus, il dénonce le fait que s’il devenait un cadre, classe 5, pour acquérir l’expérience de cette classe de cadre, cela lui causerait une perte monétaire, ce qui serait injuste.
réplique du MTQ
[50] Le MTQ répond à quelques affirmations avancées par M. Soimu et corrige l’affirmation quant au doute qu’il entretenait concernant l’expérience de M. Soimu. Le MTQ affirme qu’il n’avait aucun doute. Pour ce dernier, à l’issue de la première et de la deuxième analyse, il était définitif que M. Soimu n’avait pas l’expérience exigée. C’est ce que la preuve révèle très clairement, selon le MTQ.
[51] De plus, les critères qu’il fallait remplir pour être admis au concours de promotion sont clairs. Le MTQ renvoie la Commission à l’appel de candidatures (I-1) qui est très explicite quant à l’expérience demandée et qui reproduit même le paragraphe 4 de l’article 20 de la Directive sur la classification des emplois de cadres qui décrit avec exactitude les critères qui seront pris en compte pour déterminer si une expérience à l’extérieur de la fonction publique est du niveau d’un cadre, classe 5.
[52] Le MTQ clôt sa réplique en ajoutant que M. Soimu se devait de produire une offre de service complète, c’est sa responsabilité. S’il avait des doutes sur la manière de faire ou encore sur les documents à produire, un numéro de téléphone est inscrit dans l’appel de candidatures, afin que les candidats appellent au besoin s’ils ont une quelconque interrogation.
ANALYSE DE LA COMMISSION
[53] La Commission doit décider, suivant l’article 35 de la Loi, si la procédure d’admission de M. Soimu au concours de promotion de cadre, classe 3, est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité. Il appartient à M. Soimu de convaincre la Commission, selon la règle de la prépondérance de la preuve, qu’il devrait être admis au concours.
[54] M. Soimu allègue que le MTQ aurait dû l’admettre puisqu’il détient au-delà des deux années d’expérience requises dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5, telles que définies à l’article 20 de la Directive sur la classification des emplois de cadres. Selon lui, l’expérience acquise à la STM dépasse amplement cette exigence.
[55] La Commission juge que M. Soimu n’a pas réussi à démontrer selon la règle de la prépondérance de la preuve que l’expérience acquise lors des années 1981 à 1991, lorsqu’il travaillait pour la STM, est suffisante pour admettre sa candidature au concours de promotion de cadre, classe 3. En effet, il ne possède pas les deux années d’expérience demandées dans l’exercice d’activités équivalentes à des activités de cadre, classe 5. La Commission est donc en accord avec la décision du MTQ de refuser l’admission de M. Soimu au concours de promotion de cadre, classe 3.
[56] Durant son témoignage, M. Drolet a longuement expliqué comment s’est effectué l’appariement entre les différentes tâches de M. Soimu et la Commission ne voit là aucun motif qui laisserait croire à une irrégularité ou à une illégalité dans la manière avec laquelle le MTQ a analysé la candidature de M. Soimu.
[57] Au contraire, la Commission considère que le MTQ a fait preuve de rigueur et de professionnalisme dans l’analyse du dossier de M. Soimu. Une première fois par M. Drolet qui, après la demande de révision du dossier de candidature de M. Soimu, l’analyse à nouveau avec de nouvelles informations, arrivant au même résultat.
[58] M. Drolet demande alors à Mme Kathy Fortin-Bourque de la Direction de l’évaluation des emplois du MTQ de se prononcer. Cette dernière estime aussi que M. Soimu a exercé des activités de professionnel et non de cadre. M. Drolet demande finalement au comité d’évaluation du concours de promotion de cadre, classe 3, d’analyser le dossier. Le comité conclut aussi que M. Soimu ne possède pas les deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[59] La Commission tient à dire qu’elle comprend le désarroi de M. Soimu qui tenait énormément à cette opportunité pour pouvoir faire avancer sa carrière. La Commission ne doute point de toutes les aptitudes professionnelles de M. Soimu durant ses années de service, mais le cadre normatif érige un système juste et équitable pour tous les candidats qui postulent à un concours de promotion et la Commission n’a d’autre choix que de l’appliquer.
[60] La Directive sur la classification des emplois de cadres prévoit une hiérarchie dans les emplois de cadre dans la fonction publique qui comportent dix niveaux, le niveau 1 étant le plus élevé. Les conditions minimales d’admission deviennent plus exigeantes à mesure de la progression hiérarchique.
[61] C’est à partir de la classe 3 que se trouve l’exigence de posséder deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5; exigence qui constitue une condition minimale d’admission indiquée à l’article 15 de la Directive sur la classification des emplois de cadres[14]. L’emploi de cadre, classe 3, est d’un niveau élevé et les conditions d’admission pour y accéder sont donc exigeantes, tout comme les critères prévus au paragraphe 4° de l’article 20 de la Directive sur la classification des emplois de cadres[15].
[62] Avant d’examiner, plus en avant, l’expérience professionnelle que M. Soimu voudrait se faire reconnaître, la Commission rappelle que la condition d’admission énoncée dans l’appel de candidatures du concours de promotion de cadre, classe 3 (I-1), constitue une condition minimale d’admission pour cette classe d’emplois. En effet, la Directive sur la classification des emplois de cadres énonce cela à l’article 15. Cette condition est édictée conformément aux pouvoirs que détient le Conseil du trésor d’établir les conditions minimales d’admission pour les emplois, en application de l’article 32 de la Loi sur l’administration publique[16]. En vertu de l’article 43 de la Loi, les conditions d’admission à un concours doivent respecter ces conditions minimales d’admission à une classe d’emplois. De plus, une personne doit satisfaire aux conditions d’admission à un concours pour pouvoir y être admise, conformément à l’article 47 de la Loi.
[63] L’article 20 de la Directive sur la classification des emplois de cadres est l’article qui définit les activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5. Cette définition se lit comme suit :
20. Les activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 comprennent l’une ou l’autre des activités suivantes :
1º les activités exercées à titre de cadre, classes 5, 4, 3, 2 ou 1;
2º les activités effectuées à titre de cadre juridique;
3º les activités effectuées à titre provisoire et à titre de remplacement temporaire dans un emploi de cadre, classes 5, 4, 3, 2 ou 1;
ou
4º les activités exercées à l'extérieur de la fonction publique qui doivent être évaluées en se référant aux critères suivants :
L’emplacement hiérarchique de l’emploi, les compétences requises, l’ampleur du budget géré, l’autonomie et le pouvoir décisionnel, l’impact des résultats produits, le niveau et le nombre de personnes supervisées.
[64] Ainsi, puisque M. Soimu veut faire valider son expérience hors fonction publique, l’exigence de posséder deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 s’analyse en fonction des critères énumérés au paragraphe 4 de l’article 20 de la Directive sur la classification des emplois de cadres.
[65] Ainsi, pour évaluer la candidature de l’appelant, M. Drolet, et toutes les personnes ayant évalué le dossier de candidature, ont dû considérer ces critères et analyser chacune des tâches effectuées par l’appelant en fonction de ceux-ci.
[66] L’analyse de l’expérience de M. Soimu se doit donc d’être fondée sur, entre autres, son niveau hiérarchique, le budget géré, son autonomie, le pouvoir décisionnel dont il dispose et finalement le nombre de personnes supervisées.
[67] M. Soimu a occupé deux postes durant son passage à la STM durant les années 1981 à 1991, soit coordonnateur de projets et chef de section. À ces titres, il était appelé à réaliser différents projets. Ainsi, M. Soimu devait accomplir les tâches suivantes : la préparation des plans et des devis, la supervision des entrepreneurs et des fournisseurs, la préparation d’appels d’offres et l’analyse des soumissions ainsi que l’administration du budget du groupe.
[68] La Commission, en examinant de plus près la nature des tâches de M. Soimu décrites dans son offre de service, constate que ce dernier a réalisé pendant deux ans et demi, en tant que coordonnateur de projet pour la STM, un projet concernant l’acquisition ou l’amélioration des équipements mécaniques du Métro de Montréal, lequel comprenait de la supervision de personnel. Pendant 10 ans et toujours pour la STM, il a été chef de section-mécanique; c’est dans le cadre de cet emploi qu’il a supervisé un groupe formé d’ingénieurs, de techniciens et de dessinateurs et qu’il a administré le budget du groupe.
[69] En corrélation avec les paragraphes précédents, la Commission a examiné la preuve présentée. Ainsi, fondée sur les critères qui doivent être évalués lorsque l’emploi est exercé à l’extérieur de la fonction publique et à la lumière des tâches que M. Soimu effectuait, elle en arrive aussi à la conclusion que l’expérience revendiquée par M. Soimu à la STM est une expérience acquise dans un emploi de niveau professionnel (ingénieur).
[70] Certes, certaines des responsabilités de M. Soimu peuvent s’apparenter à celles d’un ingénieur de niveau expert ou émérite, tel que décrites dans la Directive concernant la détermination du niveau de complexité des emplois d’ingénieurs et la gestion des emplois de complexité supérieure, mais cela n’est pas suffisant pour qu’il soit considéré comme ayant exercé des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[71] La Commission est en accord avec le MTQ. L’appelant n’a pas présenté une offre de service présentant des emplois de cadre ou de gestion, mais plutôt d’ingénieur, tel qu’il ressort du témoignage de M. Drolet et des documents déposés. M. Soimu lui-même avoue avoir présenté une offre de service, à laquelle était annexé son curriculum vitae d’ingénieur et non de cadre, car il ne pensait pas qu’il fallait présenter un curriculum vitae « spécial » pour le concours de promotion de cadre, classe 3.
[72] Aussi, la Commission tient à reprendre certains passages des décisions déposées par le MTQ[17]. Dans la décision Lemieux, la Commission décrète : « qu’il appartient à un candidat à un concours de préciser et de mettre en évidence les fonctions qu’il a exercées et qui sont de nature à permettre au comité d’évaluation de les apprécier à leur juste valeur en fonction des conditions d’admission au concours. La Commission s’exprimait comme suit dans l’affaire Jourdain c. Ministère du Revenu[18] :
En terminant, la Commission croit utile de rappeler ici que certes le comité d’évaluation a l’obligation d’effectuer une étude complète et minutieuse des candidatures à un concours, mais il existe aussi l’obligation réciproque du candidat d’inscrire dans son offre de service les éléments pertinents avec suffisamment de détails et de précisions pour éclairer adéquatement le comité d’évaluation dans la décision qu’il a à prendre quant au respect de chacune des conditions d’admission au concours […]. »
[73] La Commission estime que peu importe l’offre de service que M. Soimu aurait pu présenter, les éléments qui étaient présents dans son curriculum vitae et dans sa lettre de présentation étaient suffisants pour que le MTQ prenne une décision. De plus, l’appelant en précisant ses tâches à M. Drolet, lors de sa demande de révision, le MTQ a refait une analyse. Il est, alors, arrivé aux mêmes résultats. Le MTQ n’a jamais douté, durant tout cet exercice d’analyse rigoureuse et exhaustive, du fait que M. Soimu possédait autre chose qu’une expérience de professionnel.
[74] Ainsi, la Commission, à l’instar de ce qui a été décidé dans la décision Hamel[19], estime que le comité n’avait pas à communiquer avec le candidat pour obtenir des informations sur des éléments de l’offre de service, car la preuve démontre qu’aucun doute ne subsistait quant à son contenu.
[75] Le MTQ a répété à maintes reprises lors de cette audience ce que la Commission consacre elle-même dans sa jurisprudence : elle n’est pas un organisme de révision et elle ne peut donc pas se substituer à l’évaluation du MTQ qui a refusé d’admettre M. Soimu au concours de promotion de cadre, classe 3. Seule une preuve démontrant que la décision du MTQ est déraisonnable, arbitraire, abusive ou discriminatoire aurait pu permettre à la Commission d’intervenir.
[76] À la lumière de la décision du MTQ et des tâches exercées par M. Soimu, il est clair pour la Commission que ce dernier n’agissait pas à titre de cadre. Ainsi, ses activités au sein de la STM ne peuvent être reconnues comme des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5.
[77] En conclusion, la Commission estime que le refus d’admettre M. Soimu au concours de promotion de cadre, classe 3, parce qu’il ne possède pas les deux années d’expérience dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à celui de la classe 5 est conforme au cadre normatif et cela n’est pas déraisonnable, discriminatoire, abusif ou arbitraire. La procédure d’admission au concours de promotion n’est entachée d’aucune illégalité ou irrégularité.
[78] POUR CES MOTIFS, la Commission rejette l’appel de M. Soimu.
Original signé par :
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__________________________________ Nour Salah, avocate Commissaire |
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M. Adrian-Corneliu Soimu |
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Appelant non représenté |
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Me Mélissa Houle |
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Procureure du ministère des Transports du Québec Intimé |
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Lieu de l’audience : Québec
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Date d’audience : |
25 août 2015 |
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[1] RLRQ, c. F-3.1.1, le cadre normatif présenté dans cette décision est celui qui était en vigueur au moment du concours en cause.
[2] Concours de promotion n°633D-8503009.
[3] Description du concours; Composition du comité d’évaluation; Fiche d’admissibilité et offre de service de l’appelant; Directives concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires (630); Directives de classification des ingénieurs; Directives concernant la détermination du niveau de complexité des emplois d’ingénieurs et la gestion des emplois de complexité supérieure; Lettre de refus.
[4] C.T. 210364 du 21 juin 2011.
[5] C.T. 198195 du 30 avril 2002 et ses modifications.
[6] Pour appartenir à cette catégorie, il faut en tant que chef d’équipe, être un ingénieur qui dirige au minimum quatre professionnels.
[7] C.T. 210365 du 21 juin 2011 et sa modification.
[8] Les articles 4 et 25, par. 3º, de la Directive sur la classification des emplois de cadres.
[9] RLRQ, c. F-3.1.1,r.6.
[10] Lemieux c. Ministère de la Sécurité publique, 2006 CanLII 60388; Rioux et Ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, 2013 QCCFP 18; Hamel et Centre de services partagés du Québec, 2010 QCCFP 21.
[11] Précitée, note 10.
[12] Précitée, note 10.
[13] Précitée, note 10.
[14] Matte et Ministère de la Famille, 2015 CanLII 55098, par. 64.
[15] Précitée, note 14, par. 76.
[16] RLRQ, c. A-6.01.
[17] Précitées, note 10.
[18] Jourdain c. Ministère du Revenu, [1996] 12 n° 3 R.D.C.F.P. 387, par. 76.
[19] Précitée, note 10.
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