Savoie c. Machinerie JNG Thériault inc. |
2021 QCCQ 301 |
||||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||||
« Division des petites créances » |
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
RIMOUSKI |
||||||
LOCALITÉ DE |
AMQUI |
||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N° : |
120-32-001044-196 |
||||||
|
|||||||
DATE : |
12 janvier 2021 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
MADAME LA JUGE |
LUCIE MORISSETTE, C.Q. |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
|
|||||||
JEAN-ROGER SAVOIE |
|||||||
demandeur |
|||||||
c. |
|||||||
Machinerie JNG Thériault inc. |
|||||||
défenderesse |
|||||||
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
[1] Jean-Roger Savoie réclame 1324,86 $ de machinerie JNG Thériault (Thériault) en remboursement du coût de la réparation de la marche arrière du tracteur acheté de cette dernière.
[2] Thériault demande le rejet de la réclamation de monsieur Savoie. Elle plaide d’abord que le contrat de vente prévoit une exclusion de garantie. De plus, elle soutient avoir déboursé 6574,52 $ pour des réparations postérieures à l’achat.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[3] Thériault peut-elle prétendre à une exclusion de garantie?
[4] Les réparations réclamées par Jean-Roger Savoie se qualifient-elles de vices cachés?
LE CONTEXTE
[5] Le 22 février 2018, Jean-Roger Savoie achète un tracteur TYM T503 année 2014 au prix de 39 100 $. Il en prend possession au garage Chiasson Équipement Extra inc. à Savoie Landing (N.-B.). En route vers sa résidence, après avoir circulé quelques kilomètres, de la fumée émane sous le volant du tracteur. Il immobilise le véhicule et communique avec monsieur Chiasson. Jean-Roger Savoie veut faire annuler la vente, mais ne formule aucune demande en ce sens, autre que la discussion qu’il a avec Henri-Paul Chiasson. Il réclame aujourd’hui le coût de certaines réparations.
[6] Henri-Paul Chiasson, représentant du garage mandaté par Thériault pour la vente de tracteurs usagers, communique avec Yann Lefrançois, conseiller aux ventes. Ce dernier autorise la réparation. Une défectuosité des circuits électriques a fait griller le filage. Henri-Paul Chiasson effectue le travail. Thériault assume la facture de la réparation au montant de 4419,80 $[1].
[7] Immédiatement après cette réparation, le tracteur affiche une problématique avec la marche arrière. Henri-Paul Chiasson constate qu’une boîte électronique est nécessaire[2], ce qui dépasse ses compétences. Le tracteur est confié au garage LJ Patterson. Thériault paie la facture de 2154,72 $[3].
[8] Après cette réparation, le tracteur fonctionne mal en mode marche arrière; il donne des coups, nous dit Jean-Roger Savoie. Il le ramène et la réparation du 13 décembre 2018 coûte 819,85 $[4], somme qu’il réclame à Thériault. Après, tout fonctionne bien un certain temps.
[9] La même problématique se reproduit. Jean-Roger Savoie communique avec le représentant de Thériault, mais ne reçoit aucune réponse à ses demandes. Il fait réparer le tracteur le 22 janvier 2019 et paie 494,11 $[5], somme qu’il réclame à Thériault. Il demande aussi le remboursement de ses frais de poste de 10,50 $.
L’ANALYSE
[
Thériault peut-elle prétendre à une exclusion de garantie?
[11] La description du bien vendu au contrat de vente à tempérament se lit ainsi :
1 tracteur TMY T503 année 2014, cabine hydrostatique (…) vendu tel quel garantie powertrain jusqu’au 16 décembre 2018. (…)
[12] D’abord, la mention « vendu tel quel » ne peut permettre d’inférer à une exclusion de garantie par le commerçant. Il faut rappeler que les clauses qui diminuent ou excluent la garantie légale sont d’interprétation restrictive en faveur de l’acheteur[6] (ici le consommateur).
[13]
À ce sujet est interdite la stipulation qui vise à exclure ou
restreindre la garantie prévue aux articles 37 ou 38 L.p.c.[7] La L.p.c. est une loi d’ordre
public à laquelle on ne peut déroger. En conséquence, la vente est soumise à la
garantie légale prévue aux articles
Les réparations réclamées par Jean-Roger Savoie se qualifient-elles de vices cachés?
[14]
Même si le tracteur ne bénéficie pas de la garantie
de bon fonctionnement prévue à l’article
[15] Dans le cas d’une vente entre un consommateur et un commerçant au sens de la L.p.c., si le consommateur allègue un mauvais fonctionnement ou une détérioration prématurée du bien, la loi prévoit un régime particulier pour déterminer la responsabilité du commerçant.
[16]
Les articles
[17] Le Tribunal fait sienne l’analyse de monsieur le juge Enrico Forlini dans l’affaire Benabou :
[22] Pour bénéficier de la
présomption de responsabilité découlant de l’article
I. Qu’il a acquis le bien d’une personne tenue à la garantie du vendeur professionnel ou d’un commerçant au sens de la LPC; et
II. Que le bien s’est détérioré prématurément par rapport à un bien identique ou de mêmes espèces ou qu’il n’a pas servi à l’usage auquel il est normalement destiné ou qu’il n’a pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien[10].
[23] Si l’acheteur ou le consommateur réussit à faire la preuve de ces deux conditions, il y a alors une présomption de responsabilité du vendeur professionnel ou du commerçant.
[24] Le vendeur professionnel ou le commerçant peut repousser la présomption de responsabilité s’il fait la preuve, par prépondérance, de la mauvaise utilisation du bien par l’acheteur, de la faute causale d’un tiers ou d’un cas de force majeure[11].
[18] Monsieur Savoie achète un tracteur d’une personne tenue à la garantie du commerçant au sens de la L.p.c. Dès les premiers kilomètres parcourus, de la fumée émane sous le volant du tracteur. Monsieur Savoie doit s’immobiliser pour que le tracteur soit remorqué. Manifestement, le bien se détériore prématurément. Dès lors, il y a présomption de responsabilité de Thériault.
[19] Thériault peut toutefois renverser cette présomption en présentant une preuve prépondérante de la mauvaise utilisation du bien par l’acheteur, de la faute causale d’un tiers ou d’un cas de force majeure.
[20] Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal est d’avis que Thériault ne renverse pas la présomption.
[21] Dès la prise de possession du tracteur payé 39 100 $, il fait défaut. Le tracteur est affecté de vices cachés. Le vice est grave, non apparent, antérieur à l’achat et inconnu de l’acheteur[12].
[22] Le commerçant a l’obligation de livrer un véhicule permettant au consommateur d’en faire un usage normal pendant une durée raisonnable. Ce n’est pas le cas ici.
[23] Thériault a payé pour les deux premières réparations, et malgré l’avis contraire reçu d’un avocat, sa responsabilité ne se limite pas là. Il doit assumer les réparations subséquentes nécessaires au bon fonctionnement du tracteur.
[24] En conséquence, Jean-Roger Savoie démontre, par preuve prépondérante, le bien-fondé de sa réclamation.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] ACCUEILLE la demande;
[26]
CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur 1324,86 $ avec
intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
|
||
|
__________________________________ LUCIE MORISSETTE, J.C.Q. |
|
|
||
Date d’audience : |
15 décembre 2020 |
|
[1] D-2 facture de Chiasson Équipement du 27 avril 2018.
[2] P-5 lettre d’Henri-Paul Chiasson du 4 mars 2019.
[3] D-3 facture de LJ Patterson Sales & service du 11 mai 2018.
[4] P-5 facture de LJ Patterson Sales & service du 13 décembre 2018.
[5] P-5 facture de LJ Patterson Sales & service du 22 janvier 2019.
[6]
Ruel c. Duquette,
[7]
Article
[8]
Fortin c. Mazda Canada inc.,
[9]
CNH Industrial Canada Ltd. c.
Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales,
[10]
Benabou c. Gagné (Jean Yan Auto)
[11] Préc., note 8, paragr. 31 à 34.
[12]
ABB inc. c. Domtar inc.,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.